B. SANCTUARISER ET DÉVELOPPER LES MOYENS CONSACRÉS À LA RECHERCHE

1. Une érosion progressive de la part des moyens consacrés à la recherche

La synergie entre les activités de recherche et d'expertise de l'Institut constitue le principal atout de l'IRSN. Cependant, la recherche a principalement absorbé la réduction des moyens au cours des dernières années. En 2010, la part des dépenses de l'IRSN consacrées à la recherche était de 48,7 %, soit près de 10 points de plus qu'aujourd'hui. En 2012, 124,1 millions d'euros étaient consacrés à la recherche, soit 16 millions d'euros de plus qu'en 2022.

La contraction de la part de la recherche est liée d'une part à la réduction globale des recettes de l'IRSN et d'autre part à un fléchage accru des recettes vers l'expertise. En montant comme en volume, le poids des dépenses de recherche s'est toutefois stabilisé depuis 2017-2018.

Part des dépenses de recherche dans le budget total de l'IRSN et ventilation
par thématique de recherche

(en % et en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la transition énergétique et l'IRSN

La répartition des dépenses par thématique de recherche est relativement stable dans le temps, mis à part le fait que les dépenses liées aux projets consacrés à la sûreté ont ainsi absorbé l'essentiel de la baisse des dépenses de recherche. Elles sont ainsi passées de 72 millions d'euros en 2013 à 60 millions d'euros en 2021. Elles concernent notamment les recherches liées au combustible et à la thermodynamique (dont Cabri), les recherches en neutroniques, accidents graves, incendie, vieillissement, systèmes de confinement, facteurs humains et organisationnels (accident de réactivité). Les projets consacrés à la radioprotection sont en revanche stables sur la période.

À l'heure actuelle, 445 ETPT, soit 26 % des effectifs de l'IRSN, sont dédiés aux activités de recherche. L'une des forces de l'IRSN est d'abriter un certain nombre de jeunes chercheurs. En 2022, l'IRSN employait 99 doctorants, et 57 salariés étaient titulaires d'une habilitation à diriger des recherches (HDR), ce qui permet également de nourrir l'expertise future.

La perspective d'une fusion de l'IRSN et de l'ASN avait cristallisé les craintes en matière de poids de la recherche, les dirigeants comme les personnels ayant exprimé au rapporteur spécial la crainte que la recherche ne devienne le parent pauvre de la nouvelle structure fusionnée, entraînant un risque de dégradation de la compétence de recherche.

Si la situation n'est pas outre mesure alarmante à ce stade, l'augmentation conséquente du besoin en expertise au cours des prochaines années ne doit pas se faire au détriment des ressources consacrées à la recherche. La recherche finalisée menée à l'IRSN est orientée vers l'expertise et alimente notamment le maintien des compétences en matière de sûreté.

Concernant cet aspect, le COP 2019-2023 comporte depuis 2018 un indicateur fixant à 40 % la part du budget annuel de l'Institut consacré à la recherche. L'existence de ce seuil, jugé parfois trop rigide voire trop élevé (le ratio moyen des établissements pratiquant recherche et expertise varie entre 20 % et 50 %41(*)), a pu être remise en cause. Ainsi, la mission flash de juillet 2022 des quatre inspections générales suggérait de remplacer le seuil de 40 % par une programmation pluriannuelle dans le cadre du prochain COP, qui aurait été dénommé « contrat d'objectifs, de moyens et de performance ».

Le rapporteur spécial s'oppose sur ce point à la mission et considère qu'il est davantage pertinent de maintenir cet indicateur. D'une part, le seuil de 40 % fixé en 2018 n'est pas purement arbitraire, car il s'appuie sur les valeurs constatées lors du précédent COP (de 40,2 % du budget de l'IRSN en 2013 à 39,1 % en 2018). D'autre part, l'existence d'un seuil à respecter au cours des dernières années a sans doute contribué à stabiliser les moyens consacrés à la recherche après plusieurs années de baisse. Le rapporteur spécial ne peut qu'être aligné sur ce point avec le ministère de la recherche : « une programmation est certes nécessaire, mais elle ne remplace pas un indicateur par définition quantitatif et synthétique, qui permet un suivi rapide ainsi qu'une détection des dérives aisée ». En conséquence, il est nécessaire de maintenir dans le prochain COP le seuil existant.

Recommandation n° 7 (IRSN et direction générale de la prévention des risques) : maintenir dans le prochain COP le seuil existant de 40 % des dépenses de l'IRSN devant être consacrés à la recherche.

2. Des progrès sur la valorisation de la recherche qui doivent être poursuivis

L'IRSN est actif en matière de réponse à des projets européens. Sur la période 2014-2020, l'IRSN a participé à 44 projets de recherche retenus dans le cadre du programme Horizon 2020 pour un montant total de 12,6 millions d'euros, dont 4 dont l'IRSN a été coordinateur. Le principal est le projet PIANOFORTE concernant la recherche en radioprotection, qui réunit 58 partenaires issus de 25 États membres pour un financement global de 30 millions d'euros. S'agissant des projets internationaux plus largement, y compris hors Union européenne, l'IRSN participait à 54 projets en 2017 et 64 en 2021.

Malgré ce constat positif, les recettes issues des appels à projet restent faibles par rapport aux dépenses engagées. En 2021, les recettes liées aux contrats de recherche ne représentent en 2021 que 9,2 millions d'euros, soit 9,5 % des dépenses liées à la recherche. Ce ratio n'est cependant qu'indicatif, dans la mesure où la recherche à l'IRSN n'a bien entendu pas vocation à se financer intégralement. Le taux de retour sur les fonds européens reste néanmoins inférieur à celui qui pourrait être espéré. De même, si l'IRSN mobilise les possibilités offertes par le renforcement de l'agence nationale de la recherche (ANR), cela demeure un axe qui gagnerait à être approfondi.

Toutefois, la nécessité d'améliorer le rendement, ou à tout le moins le taux de cofinancement des projets de recherche, est fréquemment souligné. Le taux de cofinancement de la recherche, indicateur figurant dans le COP, est de 11,2 % pour les années 2019 et 2020, soit en-deçà de la cible, fixée à 12 %.

En particulier, les brevets et logiciels sont assez faiblement développés. Les revenus des brevets ne représentaient qu'1 million d'euros en 2021, et le HCERES souligne le vieillissement du portefeuille de brevets. Seules huit des 34 familles de brevets déposées par l'IRSN font l'objet d'une exploitation par des industries. Cet aspect gagnerait à être davantage pris en compte au cours des prochaines années, éventuellement en devenant un indicateur du nouveau COP.

La mission flash de 2022 tout comme le HCERES en 2023 mettent enfin en avant la possibilité de valoriser davantage les vingt plateformes de recherche de l'IRSN (sept dans le champ de la sûreté nucléaire et treize dans le champ de la radioprotection), au travers de leur location ou de nouveaux partenariats de recherche


* 41 Conseil Scientifique de l'IRSN, Rapport sur les modèles d'établissements pratiquant recherche et expertise, février 2023.

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