AVANT-PROPOS

Depuis plus de cinquante ans, le Sénat s'attache à vérifier que les mesures d'application appelées par les lois votées par le Parlement sont bel et bien prises, et dans un délai raisonnable. Décrets et arrêtés, textes peu connus de nos concitoyens, sont en effet indispensables à la bonne mise en oeuvre de la loi et au respect de la volonté du législateur. Cette mission, que le Parlement tient directement de l'article 24 de notre Constitution, demeure pour le Sénat un devoir essentiel au sein d'une démocratie moderne.

Comme pour les précédents bilans annuels, celui-ci a été établi en lien direct avec les commissions permanentes. Leur rôle de suivi de l'application des lois et leur contribution au présent bilan, réaffirmé par le Règlement du Sénat, s'accompagne, aux termes de celui-ci, d'une mission de suivi confiée à ceux de leurs membres rapporteurs d'un texte législatif. Sur le fondement du nouvel article 19 bis B du Règlement du Sénat, plusieurs ont ainsi procédé au suivi de l'application de lois dont ils avaient été rapporteurs, contribuant ainsi pour la troisième année à l'enrichissement de ce bilan annuel.

Depuis sept années maintenant, ce bilan intègre le suivi des positions européennes effectué par la commission des affaires européennes. Globalement positif, il doit, selon notre collègue Jean-François Rapin, président de cette commission, inciter « le Sénat à conforter sa stratégie d'influence européenne par tous moyens ». Ce suivi s'avère essentiel pour l'identification des éventuelles surtranspositions contenues dans les projets de loi examinés par le Parlement.

Cette année encore, l'écoute et la réactivité des services de la Secrétaire générale du Gouvernement (SGG) ont permis aux commissions d'obtenir de premières réponses à leurs interrogations, notamment sur les mesures non prises par le Gouvernement, ou encore prises avec un degré élevé de liberté par rapport à la volonté initiale du législateur.

Ce dialogue a été d'autant plus utile que le calendrier de la session 2022-2023, qui a placé la semaine de contrôle de juin au tout début du mois, alors qu'elle occupait traditionnellement la dernière, a conduit à ne pas procéder à l'audition préalable de la Secrétaire générale du Gouvernement par le Président du Bureau en charge du travail parlementaire. Ouverte aux présidents des commissions permanentes et de la commission des affaires européennes, cette intervention intervenait à mi-chemin entre la fin de la période de référence - le 31 mars - et le débat en séance plénière fin juin. Dès lors que ce dernier intervient dès le 31 mai, l'audition préalable n'aurait pu intervenir que quelques jours avant le débat en séance, compte tenu par ailleurs de l'interruption des travaux en séance plénière pendant la seconde quinzaine du mois d'avril.

Par rapport à la session 2020-2021, trois éléments de satisfaction peuvent être notés : l'amélioration du taux global d'application des lois (65% contre 57% l'année dernière) ; la diminution du délai moyen de prise des textes (5 mois et 20 jours contre 6 mois et 9 jours l'année dernière) ; enfin l'augmentation du taux de remise de rapports du Gouvernement au Parlement (36 % contre 21 % l'année dernière).

Si ces améliorations globales doivent être saluées, elles cachent des réalités très disparates.

Certes, le taux global d'application progresse mais il reste très variable selon le périmètre retenu et selon l'origine du texte. Ainsi, les taux d'application des textes relevant de la commission des affaires économiques et de ceux relevant de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication se dégradent fortement (taux respectifs de 56 % et de 52 %). Surtout, alors même que les lois issues d'initiative parlementaire contiennent en général un nombre plus limité de mesures réglementaires, leur taux d'application n'est que de 56 %, près de 10 points de moins que le taux global d'application.

Si le taux global de remise des rapports demandés au Gouvernement progresse, aucun des 21 rapports demandés au détour d'un amendement d'origine sénatoriale n'a été transmis. Cette déficience est d'autant plus remarquable que, suivant une doctrine constante, les commissions font pourtant preuve de parcimonie dans leurs demandes de rapport. La réserve du Sénat - comme l'année dernière - continue à ne pas être récompensée.

Enfin, le délai moyen de prise des textes d'application diminue mais il s'allonge paradoxalement pour les mesures issues de lois adoptées après engagement de la procédure accélérée, qui ont représenté 70 % des lois adoptées au cours de la session 2021-2022. Le délai moyen passe alors à 6 mois et 8 jours, soit légèrement plus que la limite des 6 mois fixée par la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008, objectif réaffirmé dans la circulaire du 27 décembre 2022. Le Gouvernement ne s'applique pas la même célérité que celle qu'il exige du Parlement.

Le Sénat attire tout particulièrement l'attention sur l'application des mesures issues d'amendement sénatorial. Le Sénat, soucieux de ne pas alimenter une inflation législative déjà chronique, est pourvoyeur raisonné de nouvelles mesures règlementaires d'application par voie d'amendement par rapport au Gouvernement ou à l'Assemblée nationale. Mais alors que le taux global de prise de textes d'application s'établit à 65 %, il chute à 57 % pour les mesures issues d'un amendement sénatorial, contre une moyenne de 67 % pour celles issues d'un amendement du Gouvernement et de 70 % pour celles issues d'un amendement de l'Assemblée nationale. Même si ce dernier chiffre peut en partie s'expliquer par l'existence d'amendements présentés par des députés mais en réalité suggérés par le Gouvernement, une nouvelle fois, ces chiffres interrogent quant au respect effectif de la volonté du législateur, lorsque celui-ci siège au Palais du Luxembourg.

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