D. ACCOMPAGNER DANS L'EXERCICE DU MÉTIER

L'exigence de polyvalence, la complexité administrative, l'inflation normative et l'isolement relatif auxquels sont confrontés les agents sur un poste de secrétaire de mairie rendent d'autant plus nécessaires un soutien et un accompagnement rapprochés de ces personnels dans leurs missions au quotidien. Le maire et l'équipe municipale y pourvoient évidemment aussi efficacement qu'ils le peuvent, mais leur aide est très vite freinée par la technicité des questions à traiter. Autant d'arguments qui rendent impératif de développer un arsenal d'aide au service des secrétaires et secrétaire général de mairie.

1. L'effet de réseau à faire jouer

Les secrétaires de mairie apprécient leur métier en ce qu'il est pourvoyeur d'une large autonomie. Toutefois, l'ensemble de ces agents est aussi demandeur d'un accompagnement en cas de besoin, notamment en faisant partie d'un réseau professionnel structuré. En 2020, le CDG de la Lozère a conduit une enquête sur la « qualité de vie du travail et [l'] organisation du travail des secrétaires de mairie ». Il en ressort notamment que « 80 % des secrétaires de mairie déclarent ne faire partie d'aucun réseau professionnel, et en éprouvent le besoin dans l'immense majorité des cas ».

D'ores et déjà, un grand nombre, pour ne pas dire la plupart, des CDG accompagnent les secrétaires de mairie au travers de diverses initiatives. Ces actions peuvent même être conduites de longue date, comme dans le cas du CDG du Territoire de Belfort. Ainsi, ce CDG a mis en place, dès les années 1990, des conventions de « partage d'un savoir-faire ». Le principe en est simple : un secrétaire ou secrétaire général de mairie nouvellement recruté est formé par un secrétaire ou secrétaire général de mairie expérimenté, en s'appuyant sur une convention portée par le CDG24(*).

Dans chaque département, le développement et l'animation du réseau des secrétaires de mairie paraît logiquement devoir relever du CDG, en lien avec les associations représentant les élus (AMF et AMRF).

L'animation du réseau des secrétaires et secrétaire général de mairie : quels chantiers ?

Afin d'orienter la constitution et le développement d'un réseau de secrétaire de et secrétaire général de mairie dans chaque département, vos rapporteurs ont identifié plusieurs pistes de travail. La formalisation d'un tel réseau consisterait ainsi à la mise en place de :

• un répertoire des secrétaires de mairie du département (coordonnées, photos...) avec leurs expertises le cas échéant ;

• un dispositif d'accueil des secrétaires de mairie entrant en poste ;

• une plateforme d'échanges (pratiques, expériences...) proposant des contenus du type « boite à outils » (veille juridique, réglementation applicable, FAQ, modèle d'actes...) ;

• des ateliers thématiques ;

• des congrès départementaux, comme le préconise aussi l'association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion de la fonction publique territoriale (ANDCDG) ;

• un accès à des formations à distance (MOOC, webinaires...).

Il ressort en outre des échanges avec les secrétaires de mairie qu'il existe des disparités dans les documentations proposées par les CDG. Ceux-ci ont en effet des niveaux d'expertise différents. Par exemple, le CDG d'Ille-et-Vilaine a développé une compétence particulière sur les congés, quand celui de la Sarthe a approfondi la thématique des paies. Il pourrait donc être envisagé, pour ce qui concerne la documentation et la veille juridique, la création d'un site unique recensant les principales documentations des CDG.

À cet égard, il faut rappeler que les missions des CDG s'établissent selon une liste fixée en application des articles L. 452-34 à L. 452-48 du CGFP. Il est distingué entre des missions obligatoires25(*) et des missions facultatives attribuées aux centres26(*). Mais aucune de ces missions ne renvoie directement au soutien à apporter aux secrétaires de mairie.

C'est pourquoi vos rapporteurs estiment utiles de compléter la liste des missions des CDG par une mention particulière à l'accompagnement des secrétaires de mairie. Cette mention explicite ne fera d'ailleurs qu'inscrire en droit une pratique déjà répandue parmi les CDG.

De ces considérations, vos rapporteurs ressortent donc les deux propositions suivantes visant à faire efficacement jouer l'effet réseau.

Proposition n° 12 : inscrire dans le code général de la fonction publique (CGFP) une mission obligatoire, pour les centres de gestion, d'animation du réseau des secrétaires de mairie et secrétaires généraux de mairie.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Parlement.

Proposition n° 13 : créer un site unique recensant les principales documentations des centres de gestion.

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Centres de gestion (CDG).

2. Le remplacement des secrétaires de mairie

La spécificité des conditions de travail des secrétaires et secrétaires généraux de mairie engendre un problème délicat à résoudre : en l'absence de cet agent, la charge de travail s'accumule et il peut même être compliqué d'ouvrir la mairie au public. Cette problématique liée aux absences se fait fortement ressentir lors des congés, des arrêts maladie ou des vacances de postes. Elle a aussi des conséquences lourdes sur les choix des secrétaires et secrétaires généraux de mairie, devant souvent se résigner à éviter de s'inscrire à des formations en présentiel.

Certains CDG ont mis en place un service de remplacement des secrétaires de mairie pour remédier aux absences de leur secrétaire de mairie lors de congés, d'arrêt maladie ou de vacances de poste. Ce service de remplacement pourrait être renforcé pour pallier les absences des secrétaires et secrétaires généraux de mairie lors de leur formation.

Le service de remplacement des secrétaires de mairie du CDG du Territoire de Belfort

Le service de secrétariat de mairie itinérant a été fondé en 2019. Il totalise pour l'heure 162 jours d'activité répartis sur 15 communes différentes (sur les 101 que compte le département).

Dans environ 80 % des cas, il s'agit de remplacer le secrétaire de mairie titulaire à l'occasion soit d'un départ, soit d'un arrêt maladie. Le reste des cas correspond à du renfort lors d'un surcroît d'activité.

Les missions confiées par la commune sont la plupart du temps centrées sur la comptabilité et les finances. L'agent étant mis à disposition, il est sous l'autorité fonctionnelle du maire.

En définitive, le service de remplacement déployé par le CDG ressemble à un service d'emploi temporaire : la collectivité désigne l'agent qu'elle veut voir recruter, le CDG le recrute, puis le met à disposition de la commune.

Face aux besoins importants en la matière, il faut remarquer que certains EPCI ont, eux-mêmes, pris des initiatives assez comparables. C'est par exemple le cas de la communauté de communes de Coeur de Savoie où « une secrétaire de mairie mutualisée vient suppléer l'absence momentanée des secrétaires de mairie, en attendant que la commune trouve une solution pérenne (cas d'arrêt de travail, ou de mutation / départ à la retraite avec difficultés de trouver un remplaçant), pour palier la désorganisation qu'engendre un départ ou une absence inopinée ».

En plus des initiatives de remplacement, certains EPCI ont créé des services communs où ils mutualisent les secrétaires de mairie sur l'ensemble du territoire. Cette organisation permet de proposer aux secrétaires de mairie des postes à temps complet, d'avoir des conditions salariales plus avantageuses (aides sociales de la collectivité, gestion de carrière....) mais ces agents peuvent également bénéficier des services « support » de l'EPCI en cas de questionnements (finances, ressources humaines, marché public...).

Vos rapporteurs estiment donc judicieux d'intégrer, dans les compétences facultatives des CDG, le service de remplacement des secrétaires de mairie, pour permettre aux territoires qui en ont besoin, de pouvoir bénéficier de ce service. Cette proposition est d'ailleurs partagée par l'AMF, à la restriction près que l'association souhaiterait la voir devenir une compétence obligatoire. Il résulte du mode de financement des centres qu'ajouter une nouvelle mission obligatoire aux CDG, soit ferait supporter une charge supplémentaire à une enveloppe budgétaire constante, soit pourrait être à l'origine d'une révision à la hausse de la cotisation due par les adhérents au centre. N'estimant pas cela souhaitable, vos rapporteurs optent donc pour un caractère facultatif conféré à cette mission de remplacement.

Proposition n° 14 : généraliser la mission « facultative », pour les centres de gestion, de proposer un service de remplacement des secrétaires de mairie et secrétaires généraux de mairie, ainsi que la possibilité d'offrir un service commun de mutualisation de l'embauche de secrétaire de mairie entre plusieurs collectivités employeuses.

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Centres de gestion (CDG).

3. La création d'un référent dans chaque préfecture

Dans leur rapport d'information « À la recherche de l'État dans les territoires »27(*), nos collègues Agnès Canayer et Eric Kerrouche soulignent que « l'accès au préfet est facilité pour les représentants des collectivités d'une certaine taille : l'importance des enjeux traités ou le poids politique au niveau national, dans le département ou la région, ouvrent plus facilement les portes de la préfecture. Par contre, les élus des « petites » communes, a fortiori isolées en milieu rural, ne disposent généralement ni de la même visibilité ni des mêmes réseaux de connaissances ». Vos rapporteurs ajoutent que ce constat vaut pour le maire d'une commune rurale, mais a fortiori aussi pour son secrétaire de mairie. Par exemple, les élus locaux et les secrétaires de mairie ont observé une disparition progressive des coordonnées des interlocuteurs chargés du suivi des dossiers pour les correspondances de la Préfecture, les laissant la plupart du temps seuls face à leurs interrogations.

Pourtant, pour faire avancer un dossier ou être en mesure de répondre utilement à un administré, l'appui et le soutien des services de l'État représentent fréquemment un élément clef. C'est en principe là où se situe l'expertise précieuse pour les secrétaires de mairie.

Pour éviter que ceux-là soient trop souvent livrés à eux-mêmes et en ressentent comme une forme d'abandon de la part des services de l'État, vos rapporteurs considèrent nécessaire d'instaurer une « porte d'entrée » clairement identifiée auprès de ces services. Un référent au sein de chaque préfecture jouera ce rôle, à la fois de renseignement de premier niveau et de « gare de triage » des demandes éventuellement redistribuées vers les directions et / ou agences compétentes.

Dans l'esprit, cette proposition rejoint d'ailleurs celle de nos collègues Agnès Canayer et Eric Kerrouche visant à « instaurer un numéro d'appel spécialement dédié permettant aux maires d'accéder au sous-préfet de leur arrondissement ». Elle s'inspire également du dispositif mis en place lors de la réorganisation territoriale de la direction générale des finances publiques (DGFiP) avec la création du conseiller aux décideurs locaux (CDL). Rattaché à la direction départementale ou régionale des finances publiques, ce conseiller est un expert du conseil au service des élus locaux (maires, présidents d'EPCI) et de leurs services.

Proposition n° 15 : créer dans chaque préfecture un poste de référent, rattaché au Cabinet ou au bureau du Cabinet du Préfet, pour les secrétaires de mairie, les secrétaires généraux de mairie et les directeurs généraux des services.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Direction du management de l'administration territoriale (DMAT).

4. La communication pour faire connaître ce métier

Le constat ne souffre aucun doute : les fonctions de secrétaires de mairies sont trop méconnues.

Il en résulte deux conséquences préjudiciables pour ce métier. D'une part, la crise des vocations ne peut que s'aggraver, et avec elle les graves difficultés de recrutement dans un contexte de nombreux départs en retraite à anticiper sur la décennie à venir. D'autre part, dans leur quotidien, les secrétaires de mairie souffrent d'un manque de reconnaissance, leur profession étant tantôt ignorée, tantôt confondue avec d'autres très éloignées de la réalité de ce métier, alors qu'il s'agit d'un beau métier polyvalent, intéressant, pouvant être attractif s'il était mieux connu.

Face à cette situation, il est essentiel de mettre en place des opérations de communication en direction des jeunes et des actifs pour lancer une campagne de recrutement au niveau national. Certaines filières ont déjà mis en place avec succès ce type de campagne, notamment sous forme de serious games.

Comme cela a déjà été le cas pour d'autres métiers, une campagne de communication pourrait être lancée. Cet effort de communication pourrait s'étendre aux parcours de formation, avec leurs propres objectifs de communication.

Un « serious game », imaginé par le CDG de Haute-Savoie, pour faire découvrir les métiers de la territoriale aux collégiens et lycéens

Baptisé « Agents », le « serious game » conçu par le CDG de Haute-Savoie se déroule dans une collectivité territoriale. L'enjeu de cet outil ludique consiste à susciter l'intérêt des collégiens et lycéens pour des métiers qu'ils méconnaissent.

À la manière du célèbre jeu « Cluedo », les joueurs cherchent à dénouer une énigme et passent en revue l'emploi du temps des suspects, qui sont des agents de la fonction publique territoriale.

« Pourquoi ce jeu ? Notre idée est de pallier le manque de visibilité des carrières de la fonction publique territoriale chez les jeunes et de générer la curiosité chez ce public pour des métiers qui peinent à recruter alors qu'ils proposent des carrières intéressantes », explique Antoine de Menthon, président du CDG de Haute-Savoie.

Source :  https://www.lagazettedescommunes.com/850838/un-serious-game-pour-faire-decouvrir-les-metiers-de-la-territoriale-aux-collegiens-et-lyceens/ (9 février 2023)

Proposition n° 16 : mettre en place des opérations de communication en direction des jeunes et des actifs pour lancer une campagne de recrutement au niveau national.

Délai : 3 ans.

Acteur(s) : Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

5. Soutenir les communes dans leur effort

Dans la démarche de modernisation du métier de secrétaire de mairie, les communes représentent bien évidemment un partenaire primordial. Elles seront à la fois les principales bénéficiaires de l'amélioration de la situation de leur secrétaire de mairie et les maîtres d'oeuvre de ces améliorations.

Cela rend d'autant plus sensibles les considérations budgétaires induites par certaines des propositions de vos rapporteurs. L'obligation pour les maires de désigner un secrétaire, ou un secrétaire général, de mairie et les coûts associés à la juste rémunération de cet agent pourront certainement être absorbés par les budgets des communes. Toutefois, dans certains cas où les marges de manoeuvre budgétaires de la commune sont particulièrement réduites, il ne faudrait pas que l'aspect financier soit un frein à la prise de conscience que les élus doivent avoir sur la situation des secrétaires de mairie.

C'est pourquoi, pour parachever le dispositif proposé, et à l'instar de la dotation particulière « élu local » instaurée pour les communes rurales, vos rapporteurs préconisent d'envisager la mise en place, pendant trois ans et pour une durée d'amorçage également de trois ans, d'une dotation « secrétaire de mairie ». Cette dotation concernerait les communes de moins de 2 000 habitants qui décideront de faire passer de la catégorie C à la catégorie B leur secrétaire de mairie.

Proposition n° 17 : créer un fonds d'amorçage - d'une durée de 3 ans, dédié aux communes, sous condition de ressources - ayant permis la promotion de leur secrétaire de mairie en catégorie C sur un poste de secrétaire générale de mairie en catégorie B, ou ayant recruté un agent en catégorie B sur un poste de secrétaire général de mairie quand le dernier poste sur les fonctions de secrétaire de mairie relevait de la catégorie C.

Délai : 1 an.

Acteur(s) : Ministère chargé des Collectivités territoriales.


* 24 La commune de la secrétaire formée s'engage à verser 600 euros au CDG, qui les reverse à la secrétaire de mairie de la commune formatrice pour deux mois de formation pratique en apprentissage.

* 25 Pour l'exercice des missions obligatoires, une cotisation obligatoire est versée par les collectivités et établissements affiliés, assise sur la masse salariale, dont le taux est fixé par le conseil d'administration, dans la limite d'un maximum de 0,80 %.

* 26 Les missions supplémentaires à caractère facultatif donnent lieu soit à une cotisation additionnelle de la part des collectivités et établissements affiliés, soit à un financement par convention.

* 27 Sénat, rapport d'information n° 909 (2021-2022).

Les thèmes associés à ce dossier