IV. SANTÉ SEXUELLE ET REPRODUCTIVE AU TRAVAIL : NOUVEAU CHAMP DE CONQUÊTES SOCIALES POUR LES FEMMES ?

Le champ de la santé sexuelle et reproductive reste, à ce jour, celui qui a été le plus largement investi par les politiques de santé au travail dédiées aux femmes. Toutefois, même dans ce domaine de santé spécifiquement « féminine », l'absence durable de prise en compte des enjeux d'égalité professionnelle plaide pour une plus grande intégration de ces sujets dans la définition des politiques de santé au travail.

Hormis la prise en considération ancienne de la grossesse au travail et celle plus récente des parcours d'assistance médicale à la procréation (AMP) par le droit du travail, il a fallu attendre le début des années 2020 pour que les pathologies entrant dans le champ de la santé sexuelle et reproductive émergent réellement dans le débat public et deviennent un vecteur potentiel de visibilité des femmes au travail, d'égalité professionnelle et de nouvelles conquêtes sociales.

A. LA PRISE EN CHARGE DE L'ENDOMÉTRIOSE ET DES PATHOLOGIES MENSTRUELLES INCAPACITANTES AU TRAVAIL : UN ENJEU D'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

1. Endométriose et règles douloureuses incapacitantes : une réalité statistique et clinique indéniable

L'endométriose est une pathologie chronique féminine qui se caractérise par le développement de cellules endométriales - semblables à celles de l'endomètre - en dehors de l'utérus, provoquant des lésions et des kystes sur d'autres organes ou des « adhérences » entre organes, particulièrement douloureuses.

 
 

de femmes diagnostiquées

de la population féminine
en âge de procréer

Source : ministère de la santé et des solidarités, 2022

Elle touche, d'après les statistiques médicales officielles, au moins 10 % de la population féminine en âge de procréer, soit entre 1,5 et 2,5 millions de femmes, d'après les chiffres publiés par le ministère de la santé et des solidarités en février 2022. Le délai de diagnostic, estimé par l'Inserm en avril 2019, se situe entre 7 et 10 ans après l'apparition des premiers symptômes.

Source : Inserm

Cette maladie apparaît souvent dès l'âge des premières règles. Ses symptômes peuvent être très divers et s'étendre bien au-delà de la région pelvi-périnéale.

Comme le précisait Valérie Lorbat-Desplanches, co-fondatrice et présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, lors de son audition par la délégation le 2 mars 2023, « on évoque souvent les douleurs des règles, mais les symptômes peuvent se manifester en dehors de cette période. Elles peuvent être quotidiennes. On parle aussi de dyspareunie, des douleurs lors des rapports sexuels, mais aussi de troubles de la fertilité. En effet, l'endométriose reste la première cause d'infertilité féminine. On en parle moins, mais s'y ajoutent également des douleurs digestives, urinaires, lombaires, dans les jambes... ».

Ces douleurs peuvent s'installer et devenir chroniques. L'étude40(*) de la sociologue Alice Romerio sur les conséquences de l'endométriose sur la vie professionnelle, publiée en novembre 2020, seule véritable étude sociologique sur ce thème à ce jour, montre que la douleur « peut être très intense au niveau pelvi-périnéal pour 86 % des femmes. Les problèmes urinaires peuvent toucher 32 % des femmes ; les problèmes digestifs, 70 % ; les douleurs lombaires, 66 % ; et dans les jambes, chez 45 % des femmes atteintes ». En outre, l'endométriose est souvent associée à d'autres maladies, telles que la fibromyalgie ou certaines maladies auto-immunes.

Les formes d'endométriose profonde, qui correspondent aux formes les plus sévères sur le plan médical, correspondent à 15 à 20 % des cas d'endométriose et nécessitent souvent des actes chirurgicaux. Toutefois, comme le soulignait Valérie Lorbat-Desplanches lors de son audition devant la délégation, « en réalité, on devrait associer les formes sévères aux symptômes et à la qualité de vie des femmes ainsi qu'à l'intensité des douleurs qu'elles provoquent. Une sociologue, Alice Romerio, a (...) évalué à près de 30 % la part de celles présentant une forme sévère de la maladie, du moins dans leur vécu ».

 

de formes sévères
(endométriose profonde)

La prise en charge de cette maladie chronique consiste d'abord dans le traitement de la douleur.

La première intention est souvent un traitement hormonal qui vise à une aménorrhée pour arrêter les règles et ainsi stopper l'évolution de la maladie, dans la plupart des cas, ainsi que les douleurs. S'y ajoutent les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. De façon générale, une prise en charge multidisciplinaire doit être adaptée à chaque cas. Ainsi que le précisait Valérie Lorbat-Desplanches devant la délégation, « il y a autant d'endométrioses qu'il y a de femmes atteintes de cette maladie ».

La chirurgie, quant à elle, est réservée à un petit nombre de cas. Elle est de moins en moins indiquée et uniquement dans des cas où il n'existe pas d'alternative.

Comme le rappelait Valérie Lorbat-Desplanches lors de son audition par la délégation, « la recherche (...) n'a pas encore trouvé de traitement curatif. Si la maladie a été identifiée dès 1860, nous n'en connaissons pas encore bien les mécanismes. Aucune cible thérapeutique n'a été identifiée. On manque cruellement de recherche fondamentale sur la maladie ».

Toutefois, la mise au point d'un test salivaire de diagnostic de la maladie, expérimenté depuis novembre 2021 auprès de 200 femmes symptomatiques, suivies dans cinq services hospitaliers et centres spécialisés en France, dont les résultats publiés le 9 juin 2023 dans le New England Journal of Medicine confirment l'efficacité, est prometteuse et pourrait éviter les errances de diagnostic qui s'étalent parfois sur plusieurs années. Le test identifie en effet correctement 96 % des cas d'endométriose avec moins de 5 % de faux négatifs. Il ne donne toutefois pas d'indication sur la localisation et le type de lésions mais ouvre des perspectives s'agissant de la prise en charge de la maladie et de la recherche sur son profil génétique.

2. Des conséquences fortes et dommageables sur le travail des femmes

L'endométriose est une maladie féminine invalidante mais invisible qui est, heureusement, de mieux en mieux reconnue et identifiée par le corps médical mais dont les conséquences restent encore insuffisamment prises en compte dans la sphère professionnelle, par les employeurs, les médecins du travail, les services de prévention et de santé au travail, et l'environnement professionnel dans son ensemble.

Le sujet de l'endométriose au travail est, d'après Valérie Lorbat-Desplanches, présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, « encore trop peu abordé ».

Les conséquences de l'endométriose sur la vie professionnelle des femmes qui en souffrent sont pourtant majeures, multiples et souvent discriminantes. Ainsi que le souligne Alice Romerio dans son étude précitée, « l'endométriose affecte sensiblement le quotidien au travail et la carrière professionnelle des femmes qui en sont atteintes ».

a) Des symptômes très handicapants dans le cadre du travail occasionnant une diminution avérée de la productivité au travail

Ainsi que le rappelait la présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose devant la délégation, les douleurs des femmes atteintes d'endométriose ont des conséquences très concrètes dans le cadre de leur travail : sur leur capacité à rester debout, assises ou à garder une certaine position. Elles peuvent également être amenées à se rendre fréquemment aux toilettes. Outre des douleurs, la maladie occasionne également une fatigue chronique importante.

Très peu de données sont disponibles en France concernant les arrêts de travail liés à l'endométriose. Des chiffres communiqués à la délégation par la start-up Nintihealth, qui propose aux entreprises des services numériques en matière de santé reproductive des femmes au travail et l'accès à des spécialistes via une plateforme en ligne, révèlent qu'au cours des douze derniers mois, 46 % des salariées atteintes d'endométriose ont fait l'objet d'un arrêt de travail ou ont dû poser des congés en raison de cette maladie.

 

des salariées atteintes d'endométriose ont eu un arrêt de travail ou ont dû poser des congés en raison de cette maladie au cours des 12 derniers mois

Source : Nintilhealth

Lors de son audition par la délégation, le 17 novembre 2022, Catherine Vidal, membre de la commission « Santé, droits sexuels et reproductifs » du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), a par ailleurs indiqué que « l'endométriose est une des premières causes d'arrêt de travail en France ».

En outre, certaines études réalisées à l'étranger, évoquées par Valérie Lorbat-Desplanches lors de son audition devant la délégation, permettent de prendre la mesure des répercussions de cette maladie sur les capacités de travail des femmes qui en sont atteintes :

- une récente étude publiée au Canada montre que les femmes se déclarant atteintes d'endométriose disent s'absenter pendant 17 % de leur temps de travail. Elles rapportent une diminution de leur capacité de travail de 41 % et une baisse de productivité au travail de plus de 46 %. Ce chiffre monte à 63 % chez les femmes entre 30 et 40 ans, tranche d'âge où elles sont le plus productives et en pleine évolution de carrière ;

Source : Fondation pour la recherche sur l'endométriose d'après une étude réalisée au Canada

- d'autres études internationales révèlent que la perte de temps de travail liée à l'endométriose est estimée à onze heures par femme et par semaine. Cette perte de travail englobe l'absentéisme mais aussi le présentéisme. En effet, comme le rappelle la présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, « les femmes viennent travailler lorsqu'elles ont épuisé leurs jours d'arrêt maladie, leurs congés et RTT. Elles sont sous médicaments, elles souffrent, elles sont très fatiguées et reconnaissent elles-mêmes qu'elles ne sont pas productives » ;

- enfin, selon une étude publiée en Australie, le coût général pour la société de l'endométriose et de ses conséquences, incluant les traitements, s'établit à 20 000 dollars par femme et par an, et 84 % de ce coût est dû à la perte de productivité au travail.

Lors du lancement de la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose début 2022, le Gouvernement français estimait à près de 10 milliards d'euros l'ensemble des coûts directs de prise en charge de l'endométriose, ainsi que les coûts indirects liés aux répercussions de la douleur chronique sur les personnes atteintes.

Source : Gouvernement

b) Des conséquences financières et professionnelles pour les femmes atteintes

Outre des conséquences directes sur les capacités de travail des femmes atteintes, l'endométriose entraîne également des conséquences financières et, à plus long terme, des conséquences sur leur trajectoire et leur carrière professionnelles.

S'agissant des conséquences financières, la présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose rappelait devant la délégation que « l'absentéisme lié à l'endométriose est fréquent mais pas très long, ce qui entraîne évidemment des pertes financières pour les femmes en raison des jours de carence ». Les femmes souffrant de cette pathologie sont également confrontées à des coûts non pris en charge par la Sécurité sociale, en plus de l'absentéisme. La charge financière pour les malades est donc, d'après Valérie Lorbat-Desplanches « extrêmement importante ».

S'agissant des conséquences sur la carrière professionnelle des femmes atteintes d'endométriose, l'étude précitée d'Alice Romerio montre que 25 % des femmes atteintes d'endométriose ont renoncé à leur statut ou à leur métier pour s'adapter à leur maladie. Très souvent, elles quittent l'entreprise et s'installent comme auto-entrepreneure. Dès lors, comme l'expliquait devant la délégation Valérie Lorbat-Desplanches, il existe « un réel risque de précarisation qui n'est pas évalué aujourd'hui, bien qu'il soit extrêmement important. Une étude réalisée en Australie montre que 14 % des femmes licenciées disent l'avoir été à cause de leur maladie ».

La présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose a, par ailleurs, fait état devant la délégation du témoignage reçu d'une « femme licenciée pendant son arrêt maladie, alors qu'elle avait annoncé à son entreprise qu'elle souffrait d'endométriose. Son parcours était épouvantable. Au moment où elle s'apprêtait à reprendre le travail, on lui a annoncé sèchement qu'elle était licenciée ». En outre, au-delà de la précarisation, ces femmes se retrouvent souvent isolées.

L'endométriose peut donc être considérée comme une source majeure d'inégalité professionnelle pour celles qui en souffrent. Devant la délégation, Valérie Lorbat-Desplanches rappelait ainsi que « près d'une femme sur deux indique avoir été entravée dans sa carrière par les conséquences de l'endométriose ».

3. Malgré un début de reconnaissance par certains employeurs précurseurs, un angle mort persistant de la santé des femmes au travail

Lors de son audition par la délégation, Valérie Lorbat-Desplanches, co-fondatrice et présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, s'est ainsi exprimée : « la problématique de l'endométriose est-elle aujourd'hui reconnue par les employeurs ? Selon moi, pas du tout. C'est un véritable angle mort. »

Si certains employeurs ont publiquement décidé de faire de la question de la santé menstruelle de leurs salariées un enjeu d'égalité professionnelle en mettant en place ce qu'il est aujourd'hui communément convenu d'appeler un « congé menstruel », bien que ce terme soit souvent abusif, nombreuses sont les femmes souffrant d'endométriose et de douleurs de règles incapacitantes qui estiment que les symptômes de leur maladie sont insuffisamment reconnus et pris en compte par leur employeur.

L'étude précitée de la sociologue Alice Romiero a ainsi révélé que 66 % des femmes interrogées ont annoncé leur maladie dans leur entreprise, et que pourtant seul un quart d'entre elles a bénéficié d'aménagements de postes.

Comme le soulignait la présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, Valérie Lorbat-Desplanches, devant la délégation, « il ne suffit pas de le dire pour que des mesures soient prises ».

Cette absence de prise en compte par l'employeur est le fruit de plusieurs facteurs concomitants, parmi lesquels la non-formation des professionnels de santé, au premier rang desquels les médecins du travail, l'absence de culture bienveillante dans l'entreprise ou la collectivité publique à l'égard des femmes atteintes, les faibles sensibilisation et information des employeurs quant à cette question de santé publique majeure, qui constituent pourtant la première étape d'une reconnaissance à grande échelle de la réalité de cette maladie chronique, par ailleurs source de perte de productivité et donc de ressources pour l'employeur.

a) Un début de reconnaissance par quelques employeurs, publics ou privés, précurseurs

Lors de son audition par la délégation le 30 mars 2023, la Direction générale du travail (DGT) a rappelé la position de l'administration s'agissant de la création d'un congé dit menstruel : « la DGT n'est pas favorable à la création par la loi d'un congé spécifique, en particulier pour l'endométriose. D'abord, nous considérons que cela relève du dialogue social. Surtout, l'endométriose étant une pathologie, nous estimons qu'elle doit être prise en charge par la Sécurité sociale, d'autant que le régime des arrêts de travail pour maladie permet de préserver la confidentialité ».

Certains employeurs ont d'ores et déjà décidé de mettre en place un régime d'absence spécifique pour les femmes souffrant d'endométriose ou, plus généralement, de règles douloureuses. Des annonces récentes, particulièrement médiatisées, en attestent.

(1) Une expérimentation initiée par une collectivité territoriale : la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine

Le maire de Saint-Ouen-sur-Seine dans le département de la Seine-Saint-Denis, Karim Bouamrane, que la délégation a auditionné le 6 juin 2023, a ainsi annoncé le 8 mars 2023 la mise en oeuvre d'une expérimentation de « congé menstruel » pour les agentes de la municipalité qui souffrent d'endométriose et de règles douloureuses.

Expérimentation de la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine en 2023 :
mise en place d'un « congé menstruel »

D'après les informations fournies à la délégation par M. Bouamrane et par le directeur général adjoint (DGA) des services de la mairie de Saint-Ouen-sur-Seine, en charge des relations humaines et de l'éducation, Antoine Raisseguier, sur les 1 400 agents « fixes » de la municipalité, 60 % sont des femmes soit environ 850 agentes dont environ 250 pourraient être potentiellement concernées par le dispositif de « congé menstruel » mis en place par la mairie. Début juin 2023, 22 agentes, soit environ 10 % des femmes potentiellement concernées, dont un tiers présente une pathologie associée, avaient entamé une démarche auprès de leur hiérarchie pour en bénéficier.

Auditionné par la délégation, le maire de Saint-Ouen-sur-Seine a justifié la mise en place de cette mesure, d'une part, en évoquant le principe d'égalité et de prise en compte de la souffrance au travail des femmes atteintes d'endométriose ou de douleurs de règles incapacitantes, d'autre part, en faisant valoir un argument économique lié à l'application du jour de carence pour les femmes qui sollicitent un arrêt maladie les jours où elles souffrent de règles particulièrement douloureuses. Il a indiqué que, par exemple pour une agente de catégorie C, la perte financière résultant de l'application du jour de carence pouvait représenter un mois de salaire entier sur une année.

S'agissant de la mise en oeuvre concrète de ce congé par l'employeur territorial qu'est la municipalité de Saint-Ouen-sur-Seine, le DGA de la mairie, Antoine Raisseguier, a indiqué à la délégation que cette expérimentation poursuivait deux objectifs :

- d'une part, l'information et la sensibilisation de l'ensemble des agents sur les enjeux de la menstruation au travail ;

- d'autre part, la possibilité pour les agentes souffrant de douleurs de règles incapacitantes de bénéficier de dispositifs leur permettant de poursuivre leur activité professionnelle.

Le principal maillon identifié par la mairie pour mettre en place ces dispositifs et préconiser des aménagements des conditions de travail des agentes concernées est le service de santé au travail et, en premier lieu, la médecine du travail. En effet, les agentes potentiellement concernées par ce congé devront se voir délivrer un certificat médical qui attestera de leur pathologie. Ce certificat permettra de bénéficier d'adaptation de leurs conditions de travail.

Les principaux aménagements des conditions de travail proposés devraient être les suivants : aménagement « physique » du poste de travail, aménagement des horaires (variabilité du cycle de travail), recours au télétravail (20 % des postes étant télétravaillables au sein de la mairie), des autorisations spéciales d'absence de deux jours pour les femmes souffrant de règles douloureuses associées à une pathologie, sans qu'aucun jour de carence ne leur soit décompté.

Interrogé sur le coût et les modalités de financement de cette expérimentation, le maire de Saint-Ouen n'a pas fourni d'éléments à la délégation.

Parallèlement, le groupe écologiste de la Mairie de Paris a formulé, également le 8 mars 2023, un voeu « relatif à l'expérimentation d'un congé menstruel pour les agent.es de la Ville de Paris », adopté en Conseil de Paris afin que la Ville de Paris :

« - interpelle le Gouvernement quant à la mise en place d'un congé menstruel pour l'ensemble des salarié.es du secteur privé et l'ensemble des agent.es des fonctions publiques territoriale, d'État et hospitalière ne pouvant effectuer leur travail ;

- expérimente la mise en place d'un congé menstruel pour les agent.es de la Ville de Paris ne pouvant effectuer leur travail ».

(2) Des initiatives médiatisées et éparses dans le secteur privé

Certains employeurs du secteur privé ont également annoncé la mise en place de mesures spécifiques visant à prendre en compte les conséquences, au travail, des pathologies menstruelles invalidantes dont souffrent certaines femmes. Dans ce cas, les décisions relèvent donc du dialogue social et de l'accord d'entreprise.

Ainsi, dans le cadre son initiative Santé au féminin, présentée au mois d'avril 2023, le groupe Carrefour a annoncé, pour les femmes souffrant d'endométriose, diagnostiquées et reconnues en tant que travailleur handicapé, un jour rémunéré d'absence autorisée par mois, soit un total de douze jours possibles par an.

Dans ce cadre, la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) est nécessaire et suppose l'examen du dossier de la salariée par la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) qui peut occasionner des délais de traitement assez importants pour les femmes qui souhaitent en bénéficier, selon la MDPH dont elles dépendent. La RQTH est délivrée pour une période de trois ans et ne nécessite donc pas la délivrance d'un arrêt de travail par un médecin. Par ailleurs, la RQTH évite la perte financière due à l'application du jour de carence en cas d'arrêt maladie soumis à la délivrance d'un certificat médical.

Cette initiative destinée à couvrir la perte de rémunération pour les femmes dans l'obligation de s'absenter pour raisons de santé s'accompagne, de façon annexe, d'actions internes de sensibilisation et d'information à destination de l'ensemble des salariés du groupe, à tous les niveaux hiérarchiques, dans le but d'éviter la stigmatisation des femmes atteintes d'endométriose. Ces actions recouvrent par exemple : la diffusion d'un guide de la santé au féminin pour mieux connaître ces situations et encourager le diagnostic médical, de vidéos internes destinés à « déconstruire les stéréotypes » notamment sur le sujet de l'endométriose, ou encore la mise en place d'une plateforme numérique interne de soutien psychologique anonyme et gratuite pour toutes les collaboratrices du groupe.

Au cours d'un déplacement effectué, le 6 juin 2023, par la délégation sur le site de l'hypermarché Carrefour de la Porte d'Auteuil à Paris, à la rencontre d'une partie de l'équipe dirigeante du groupe et de salariées venues témoigner des conséquences de leurs pathologies sur leur vie professionnelle, les membres de la délégation ont notamment été informés que les mesures annoncées au mois d'avril 2023 par le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, avaient vocation à devenir pérennes et étaient en voie de formalisation dans le cadre de la négociation collective en cours.

Outre cette annonce très médiatisée du groupe Carrefour en avril 2023, d'autres initiatives dans le secteur privé méritent également d'être mentionnées :

- un accord d'entreprise, signé en janvier 2023, par le groupe L'Oréal, accorde trois jours d'absences médicales autorisées par an aux salariées médicalement diagnostiquées, sur présentation d'un justificatif médical. Le groupe L'Oréal n'a donc pas choisi la même voie que le groupe Carrefour, qui a privilégié le recours à la RQTH, puisque chez L'Oréal, l'arrêt de travail doit être délivré par un médecin avec mention explicite de l'endométriose ;

- ainsi que le précisait Valérie Lorbat-Deschamps, présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose lors de son audition par la délégation le 2 mars 2023, le groupe M6 informe ses salariées atteintes d'endométriose, généralement au mois de mars, qu'elles peuvent bénéficier d'une RQTH. En outre, le groupe « met en place un supplément de soutien de la mutuelle, des remboursements de frais de taxi en cas de forte douleur et des jours de congé supplémentaires. Ainsi, des mesures sont prises, mais uniquement si la personne est reconnue travailleur handicapé », sur un modèle proche de celui mis en place par le groupe Carrefour.

*

Au total, ces initiatives diverses restent isolées et recouvrent des modalités d'application hétérogènes : congé menstruel à proprement parler, autorisations d'absence après avis médical ou RQTH, aménagement de poste et de conditions de travail, flexibilité horaire, recours au télétravail, etc.

Au-delà de l'opération « marketing » ou de communication, les actions des employeurs dans ce domaine, au croisement de la santé au travail et de la santé publique, mériteraient d'être coordonnées et de répondre à une feuille de route ambitieuse et clairement établie au niveau national.

b) La Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose de 2022 : un volet « travail » a minima

Annoncée début 2022 par le Gouvernement, la Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose comporte un volet relatif aux conséquences de l'endométriose au travail et précise notamment que « l'endométriose pèse sur la vie professionnelle des femmes concernées, en rendant difficile au quotidien l'exercice de leur métier et en freinant leur carrière dans certains cas. Il est urgent d'informer et de sensibiliser les acteurs de l'entreprise des conséquences de cette maladie sur le travail. Des solutions existent, à travers notamment des aménagements de poste, pour permettre à ces femmes de concilier leur état de santé et leur travail et ainsi de mener la carrière professionnelle qu'elles souhaitent ».

Sans aller jusqu'à préconiser des solutions d'application globale et nationale telles que la création d'un congé spécifique ou d'un régime d'absences autorisées, la Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose fixe comme objectif, en matière de santé au travail, de « communiquer et former les différents acteurs sur les conséquences de l'endométriose au travail ».

Pour ce faire, deux principales mesures sont énoncées :

faire de l'endométriose un enjeu de santé au travail national, notamment en l'intégrant au 4e plan national « santé au travail » et en le déclinant dans les différents plans régionaux de santé au travail (PRST). À cet égard, il est indiqué que « l'action [prévention de la désinsertion professionnelle] pourrait être portée sous l'angle du maintien en emploi des personnes atteintes de maladies chroniques évolutives, dans une logique de transversalité entre santé publique et santé au travail » ;

communiquer et former les différents acteurs sur les conséquences de l'endométriose au travail, en sensibilisant l'ensemble de la chaîne managériale aux causes, réalités et conséquences de l'endométriose par le biais d'un kit de sensibilisation ; en améliorant les conditions de travail des femmes qui souffrent d'endométriose par des aménagements horaires et/ou de poste de travail ; en créant un « Label » des entreprises engagées proposant un plan d'adaptation à la vie au travail ; enfin en promouvant la formation des médecins du travail à l'endométriose.

Si les intentions du Gouvernement au moment du lancement de cette stratégie nationale étaient louables, force est de constater que les initiatives des employeurs en matière de prise en compte des conséquences de l'endométriose sur le travail des femmes restent minoritaires et manquent, pour la plupart, d'envergure.

Comme l'indiquait à la délégation Valérie Lorbat-Desplanches lors de son audition le 2 mars 2023, « un sondage Ipsos, récemment réalisé pour la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, rapporte les résultats suivants : 20 % des répondants considèrent que la maladie n'est pas prise en compte dans leur entreprise, 61 % n'en savent rien car ils n'ont pas reçu d'information à ce sujet. Ainsi, je pense que l'on peut dire qu'environ 80 % des gens ne voient rien se passer dans leur entreprise. Ce sujet est aujourd'hui quasiment inexistant, d'autant plus que les femmes ne prennent pas la parole. Plus d'un tiers d'entre elles déclarent se rendre au travail malgré les douleurs handicapantes. Elles subissent une pression très forte ».

Elle ajoutait que les demandes de « sensibilisation » par les entreprises ne constituent qu'une première étape mais ne sont pas suffisantes : « elles ouvrent des attentes de la part des femmes atteintes de la maladie, sans leur apporter de solutions ».

La délégation considère donc que la prise en charge de l'endométriose et des autres pathologies menstruelles invalidantes au travail doit aujourd'hui constituer une priorité des politiques publiques de santé au travail. Elle représente, par ailleurs, un facteur d'égalité professionnelle et de visibilisation des femmes au travail.

c) Plusieurs initiatives législatives récentes
(1) Les précédents internationaux

Certains pays ont, de longue date, instauré un congé dit « menstruel » pour les femmes souffrant de règles douloureuses. C'est le cas notamment de plusieurs pays d'Asie, dont le Japon qui a mis en place dès 1947 un droit au congé menstruel censé bénéficier aux employées dont les règles sont extrêmement douloureuses mais dont la prise en charge financière dépend des entreprises ; la Corée du Sud où le congé existe depuis 2001 mais n'est pas rémunéré ; l'Indonésie qui l'a instauré en 2003 ou encore Taïwan depuis 2013.

Toutefois, d'après les statistiques du ministère japonais du travail et de la santé publiées en 2020, 0,9 % des femmes seulement ont eu recours à ce congé en 2017, contre 26 % en 1965.

Plus récemment, l'Espagne a été le premier pays d'Europe à voter, en février 2023, une loi créant un congé menstruel pour toutes les femmes, sous forme d'arrêt maladie accordé par un médecin, intégralement financé par l'État. La ministre espagnole de l'égalité, Irene Montero, s'est ainsi exprimée en décembre 2022, après le vote de ce texte par le Congrès des députés : « Finis le tabou, la stigmatisation, la souffrance en silence. Aujourd'hui, nous sommes le premier pays d'Europe à reconnaître les droits à la santé menstruelle ».

(2) Des initiatives parlementaires nationales

En France, certains de nos collègues parlementaires sont à l'origine d'initiatives allant dans le sens d'une meilleure prise en compte de la santé menstruelle au travail.

Ainsi, notre collègue Hélène Conway-Mouret a déposé au Sénat, le 18 avril 2023, une proposition de loi41(*) visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail qui prévoit plusieurs dispositions :

- l'instauration d'un arrêt maladie pour douleurs menstruelles à destination des femmes souffrant de dysménorrhée, dont l'endométriose, sans jour de carence et pour lequel l'indemnité journalière serait à hauteur de 100 % du salaire journalier de base. Cet arrêt serait d'un à deux jours par mois sur la base d'une prescription médicale fournie par un médecin généraliste ou une sage-femme en qualité d'éléments de premier recours pour orienter ensuite, le cas échéant, vers des médecins spécialistes. Cette prescription médicale serait valable un an et renouvelable à chaque échéance ;

- le caractère flexible de l'arrêt menstruel en donnant la possibilité aux femmes souffrant de dysménorrhée de télétravailler depuis leur domicile, pour celles dont l'activité professionnelle est compatible avec l'exercice du télétravail, à défaut d'opter pour un arrêt pour douleurs menstruelles. La durée mensuelle de cette période de télétravail peut s'étendre d'un à deux jours par mois, sans qu'une prescription médicale ne soit nécessaire mais sous réserve d'un accord collectif d'entreprise ;

- un congé payé pour les femmes affectées par une interruption spontanée de grossesse sur la base d'une prescription médicale.

D'autres initiatives parlementaires ont également vu le jour à l'Assemblée nationale :

- une proposition de loi42(*) déposée, le 10 mai 2023, par deux députés socialistes, nos collègues Michaël Bouloux et Fatiha Keloua Hachi, relative à la prise en compte de la santé menstruelle et qui vise à « faire entrer le congé menstruel dans notre code du travail et à lever le tabou autour des cycles menstruels et de leurs conséquences physiques et mentales » ;

- l'annonce, le vendredi 26 mai 2023, du dépôt d'une proposition de loi par nos trois collègues députés écologistes, Sébastien Peytavie, Sandrine Rousseau et Marie-Charlotte Garin, instaurant un arrêt maladie pour menstruations incapacitantes d'une durée maximum de treize jours par an, intégralement pris en charge par la Sécurité sociale et soumis à la délivrance d'un certificat médical valable un an.

4. Les recommandations de la délégation pour une meilleure prise en charge des pathologies menstruelles invalidantes au travail

S'agissant de l'opportunité d'instaurer un « congé menstruel » au sens large, sur le modèle espagnol par exemple, les rapporteures de la délégation ne sont pas parvenues à un consensus.

En effet, la majorité des rapporteures n'est pas favorable à la mise en place d'un dispositif de « congé menstruel ».

Trois des quatre rapporteures (Laurence Cohen, Annick Jacquemet et Marie-Pierre Richer) considèrent que l'instauration d'un dispositif large pour « règles douloureuses » ne se justifie pas si une pathologie invalidante n'y est pas associée. En tout état de cause, pour ce type de pathologies, la réponse relève, selon elles, d'une réelle prise en charge thérapeutique plutôt que de la mise en place d'un « congé ».

La rapporteure Laurence Rossignol estime, pour sa part, que ce congé, dans des limites qui seraient définies par la loi, répond à un enjeu global de visibilisation des femmes au travail et d'égalité professionnelle.

La présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, Valérie Lorbat-Desplanches, auditionnée par la délégation le 2 mars 2023, a ainsi résumé les arguments en présence s'agissant de la création, en France, d'un tel congé : « le congé menstruel a été approuvé en Espagne. La question de savoir s'il faut l'adopter en France est extrêmement compliquée. Personnellement, je pense qu'elle ouvre un débat assez vaste. Elle a l'avantage de lever ce tabou et de libérer la parole autour des menstruations dans l'entreprise, ce qui est à mes yeux extrêmement positif. En revanche, j'ai toujours peur d'annonces marketing. L'endométriose est une vraie pathologie. Il nous faut aller bien au-delà d'un congé menstruel. Par ailleurs, (...) il est essentiel d'instaurer une culture de la bienveillance dans l'entreprise. Sans celle-ci, le congé menstruel risque d'être contre-productif. Ainsi, il ne peut pas être la seule mesure, même si nous devons l'envisager ».

a) Ajouter l'endométriose à la liste des affections de longue durée exonérantes (ALD 30)

Si les rapporteures ne se sont pas accordées sur la notion de « congé » pour règles douloureuses, elles sont en revanche favorables à une meilleure prise en charge, dans le cadre professionnel, des pathologies menstruelles incapacitantes, de type endométriose ou règles extrêmement douloureuses causées par une pathologie telle que les ovaires polykystiques par exemple.

Plutôt qu'un « congé », la délégation recommande un régime d'autorisation d'absences, qui peut s'inscrire dans divers cadres juridiques. De ce point de vue, plusieurs pistes ont été évoquées devant la délégation, parmi lesquelles notamment :

- l'intégration de l'endométriose dans la liste des affections de longue durée (ALD) exonérantes, dite ALD 30 ;

- le bénéfice de la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) ;

- la suppression du jour de carence qui a été présentée par maître Rachel Saada comme permettant « aux femmes d'être plus facilement en arrêt de travail sans perte financière et sans effet sur l'employeur » et de préserver le secret médical.

La délégation recommande d'intégrer l'endométriose à la liste des affections de longue durée (ALD 30) et donc de la faire reconnaître comme maladie chronique avec une prise en charge particulière par l'assurance maladie.

L'affection de longue durée est un dispositif de prise en charge dérogatoire des frais de santé liés à une affection qui nécessite un traitement prolongé et une thérapeutique coûteuse. Ce dispositif permet notamment le remboursement aux patientes de l'ensemble des frais de santé occasionné par cette affection et évite les pertes financières régulières liées à l'application du jour de carence en cas d'arrêts de travail répétés.

Ajouter l'endométriose à la liste ALD 30 présenterait, en outre, plusieurs avantages par rapport à la procédure de RQTH :

- la procédure de reconnaissance est moins longue et moins fastidieuse qu'une RQTH, elle relève du médecin traitant et non des MDPH ;

- la reconnaissance en ALD ouvre le droit à une prise en charge à 100 %, sans avance des frais, ce qui constituerait un soulagement financier pour les femmes ne disposant pas de mutuelle ;

- en cas d'arrêts de travail successifs liés à une même ALD, le délai de carence ne s'applique qu'une seule fois au cours d'une même période de trois ans débutant à partir du premier arrêt de travail lié à cette ALD.

Actuellement certaines formes d'endométriose peuvent, dans certains cas, entrer dans le cadre d'une affection longue durée hors liste (ALD 31). Toutefois, seules 4 500 femmes seraient concernées.

En outre, il a été rapporté à la délégation que certaines femmes souffrant d'endométriose sont réfractaires à l'idée d'entamer une procédure de RQTH. Ainsi, Valérie Lorbat-Desplanches a indiqué à la délégation au cours de son audition que « des femmes (...) n'ont pas envie de demander à bénéficier de ce dispositif parce que cette notion de travailleur handicapé est stigmatisante. Elles ont le sentiment que cela va se voir, se savoir. Ce sujet reste très tabou ». De même, lors du déplacement à l'hypermarché Carrefour de la Porte d'Auteuil, le 6 juin 2023, une femme souffrant d'endométriose témoignant devant la délégation a indiqué que beaucoup de ses collègues avaient peur de « finir en inaptitude » si elles entamaient une procédure de RQTH pour endométriose. La direction de Carrefour a toutefois tenu à préciser que la RQTH et l'inaptitude étaient deux dispositifs très différents et étanches.

Pour l'ensemble de ces raisons, la délégation estime donc préférable de recommander l'ajout de l'endométriose à la liste ALD 30 afin de permettre une meilleure prise en charge des conséquences de cette pathologie au travail.

Recommandation n° 15 : Ajouter l'endométriose à la liste des affections de longue durée (ALD 30), permettant de supprimer le délai de carence et donc les pertes financières en cas d'arrêts de travail répétés.

b) Faire de la prise en compte de l'endométriose et des pathologies menstruelles incapacitantes au travail un critère d'égalité professionnelle

Outre l'adjonction de l'endométriose à la liste des ALD exonérantes, qui suppose une saisine à la fois de la Haute autorité de santé (HAS) et de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), la délégation recommande également un approfondissement des mesures contenues dans le volet « travail » de la Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose lancée début 2022.

(1) Élargir la définition des critères de l'Index de l'égalité professionnelle ?

Afin d'encourager les employeurs à mettre en place des mesures efficaces d'aménagement des conditions de travail des femmes souffrant de cette pathologie, une réflexion pourrait être menée s'agissant de l'élargissement des critères de l'Index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, créé par la loi43(*) du 5 septembre 2018, à des critères autres que ceux faisant état des seuls écarts de rémunération entre femmes et hommes, notamment des critères plus qualitatifs sur les actions entreprises par les employeurs pour créer un environnement de travail « bienveillant » à l'égard des femmes qui souffrent de pathologies menstruelles invalidantes, dont l'endométriose.

Cet élargissement ne pourrait bien sûr pas se faire au détriment de l'efficacité opérationnelle de l'Index de l'égalité professionnelle tel que défini par la loi aujourd'hui.

(2) Généraliser le programme ENDOpro aux employeurs privés et publics

La Fondation pour la recherche sur l'endométriose, dont la présidente Valérie Lorbat-Desplanches a été auditionnée par la délégation, a lancé, en partenariat avec GE Healthcare le programme ENDOpro qui prévoit un accompagnement des entreprises se déclinant en trois étapes :

- une sensibilisation interne, au sein des entreprises ;

- une enquête anonyme permettant aux entreprises de prendre la mesure, quantitative et qualitative, de la pathologie (quel type de symptômes ? Quel impact sur le travail ? Quelles solutions et « stratégies » développées par les femmes atteintes ?) ;

- un accompagnement des entreprises, grâce au recours à des experts, pour la mise en oeuvre de solutions pouvant constituer la base d'une labellisation « endo-responsable ».

Ce programme, conçu à l'origine pour les entreprises, pourrait avoir vocation à s'appliquer également dans les administrations publiques, notamment au sein des assemblées parlementaires.

Recommandation n° 16 : Généraliser la mise en oeuvre du programme ENDOpro, développé par la Fondation pour la recherche sur l'endométriose, aux employeurs privés et publics.

(3) Explorer les différentes voies possibles d'aménagement des conditions de travail

Parmi les différentes voies possibles d'aménagement des conditions de travail des femmes souffrant d'endométriose, la délégation recommande notamment :

- une flexibilité du temps et des horaires de travail : possibilité d'arriver plus tard le matin ou de partir plus tôt les jours où les douleurs sont particulièrement handicapantes ; recours flexible au télétravail avec des jours choisis et non imposés par l'employeur, correspondant aux épisodes de douleurs des femmes ; heures d'absence rémunérées pour se rendre à des rendez-vous médicaux ;

- un accompagnement managérial plus poussé des femmes souffrant d'endométriose : comme le rappelait la présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose devant la délégation, il est plus difficile pour ces femmes d'évoluer au sein de l'entreprise. De manière plus globale, la mise en place d`entretiens réguliers et de mentorat est une préconisation récurrente de la délégation pour accompagner les femmes dans leur parcours de carrière ;

- une formation des médecins du travail à la connaissance de cette maladie et de ses conséquences sur le travail, afin qu'ils soient mesure de préconiser des aménagements de poste les plus adéquats possibles.

Globalement, il est nécessaire d'encourager les employeurs à développer une « culture bienveillante » au sein de l'entreprise ou des administrations publiques afin de sensibiliser l'ensemble des acteurs et actrices internes à l'environnement de travail aussi bien qu'à permettre aux femmes qui souffrent de ces pathologies d'en parler librement et sans appréhension.

Recommandation n° 17 : Inciter les branches à négocier des mesures d'aménagement des conditions de travail des femmes atteintes de pathologies menstruelles incapacitantes (poste de travail, temps et horaires de travail, évolution de carrière).


* 40 « L'endométriose au travail : les conséquences d'une maladie chronique féminine mal reconnue sur la vie professionnelle » - étude d'Alice Romerio pour le Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET) du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) - Novembre 2020.

* 41  https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-537.html

* 42  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1219_proposition-loi#

* 43 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

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