N° 790

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le bilan du financement
de la loi
orientation et réussite des étudiants (ORE),

Par Mme Vanina PAOLI-GAGIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Le Plan Étudiants en 2017, et la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) en 2018, qui en est la traduction législative, devaient permettre d'accueillir un nombre croissant d'étudiants en licence tout en répondant à l'échec massif constaté dans le premier cycle à l'université. Alors que d'importants financements ont été mobilisés sur la période 2018-2022, Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », a présenté le 28 juin 2023 un bilan de la mise en oeuvre de la loi.

I. LA LOI ORIENTATION ET RÉUSSITE DES ÉTUDIANTS : À LA RECHERCHE DES FINANCEMENTS PERDUS

A. UNE AMBITION DE DÉPART À SALUER : ACCOMPAGNER LE PLUS GRAND NOMBRE VERS LA RÉUSSITE

La loi ORE du 8 mars 20181(*) procède à une importante refonte des modalités d'accès à l'université, notamment en autorisant la sélection à l'entrée à l'université au travers de la mise en place de Parcoursup, dans un contexte de hausse continue du nombre d'étudiants en licence ayant entraîné dans certaines filières et universités le recours au tirage au sort pour sélectionner les étudiants : entre 2010 et 2020, le nombre d'étudiants scolarisés dans l'enseignement supérieur a cru de 20,4 % en France métropolitaine. La loi ORE devait également répondre à la problématique de l'échec massif des étudiants en licence : seuls 27 % des étudiants de licence avaient obtenu un diplôme de licence trois ans après leur première inscription en première année de licence (L1) en 2011-2012.

Taux de passage des néo-bacheliers entrant en licence

(en %)

Année d'entrée en L1

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Taux de passage en L2

40,3

39,7

39,5

40,8

41,6

41,0

43,5

45,5

53,5

47,8

Source : SIES

Si la création de Parcoursup est l'aspect de la loi ORE le plus facilement identifié par le grand public, celle-ci se traduit par un grand nombre de mesures d'ampleur et d'ambition variables. La loi devait permettre de favoriser la réussite des étudiants en procédant à un double changement de paradigme : mettre l'accent sur le premier cycle et la construction d'un « continuum bac - 3 / bac + 3 » d'une part, et procéder à un « déplacement du centre de gravité vers l'étudiant »2(*). Le rapporteur spécial souligne l'intérêt que représentait à ce titre ce nouveau cadre intellectuel, qui se traduisait par l'émergence de la notion de parcours personnalisé, contractualisé entre l'étudiant et l'établissement d'enseignement.

B. QUELLES MODALITÉS DE RÉPARTITION DES FINANCEMENTS LIÉS À LA LOI ORE ?

1. Des montants conséquents en jeu

La mise en place du plan Étudiants puis de la loi ORE est allée de pair avec un renforcement des moyens accordés aux universités, étalé sur la période 2018-2022. Ces crédits supplémentaires devaient essentiellement permettre d'ouvrir des places et de créer des postes dans les filières en tension, de financer l'indemnisation des personnels impliqués dans la mise en oeuvre de la loi, les dispositifs d'aide à la réussite et plus largement l'ensemble des investissements liés aux objectifs fixés par la loi ORE.

L'analyse des financements liés à la loi ORE se révèle toutefois d'une grande complexité. Au sens le plus strict, 582 millions d'euros ont été accordés aux universités dans le cadre du plan Étudiants.

Ventilation des crédits liés au plan Étudiants

(en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2018-2022

Création de places

19,3

46,3

76,5

94

105,6

341,7

Étude des dossiers, directeurs des études, accompagnement pédagogique

5,8

11,1

11,1

11,1

11,1

50,2

Rémunération indemnitaire des personnels

5,1

2,0

2,0

2

2

13,1

Dispositifs et parcours d'accompagnement « oui si »

7,8

25,9

31,9

36,2

38,2

140

Investissement - fonctionnement

7

12,8

7,6

4

4,6

36

Total alloué aux établissements

45

98,1

129,1

147,9

161,5

581,6

Source : commission des finances d'après les tableaux transmis par la DGESIP

S'il n'existe plus à proprement parler de crédits ORE ouverts depuis 2023, la mise en place de la loi a engagé directement les finances publiques sur le long terme. L'ensemble des financements ORE a été pérennisé dans la subvention pour charges de service public accordée (et soclée) aux établissements d'enseignement et devrait donc continuer à être versé au cours des prochaines années.

2. Une articulation malaisée avec les crédits extrabudgétaires

En outre, au-delà des crédits budgétaires ORE proprement dits, les montants accordés ont été presque doublés par les financements des programmes d'investissements d'avenir (PIA) ou du plan de relance, qui s'élèvent à 450 millions d'euros. Le rapporteur spécial souligne la faible pertinence du financement des universités par le biais de crédits extrabudgétaires, en particulier s'agissant de dispositifs financés sur 10 ans ou de créations de places, par définition non limitées à un ou deux ans. Pour preuve, la décision a été prise de maintenir après 2022 une partie des financements relance en les budgétisant à l'intérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

3. Des modalités d'attribution des financements complexes

Le cadre initial de gestion des financements ORE était peu formalisé, voire « empirique » selon France universités. Cependant, à partir de 2019, la quasi-totalité des crédits du plan Étudiants a été allouée dans le cadre du dialogue stratégique de gestion (DSG), c'est-à-dire dans le cadre d'une négociation entre les recteurs et les établissements d'enseignement. Les montants accordés au titre de la loi ORE représentent plus de 70 % des montants totaux accordés aux établissements dans le cadre des dialogues de gestion 2019-2022.

II. UN DISPOSITIF DE PILOTAGE ET D'ÉVALUATION DE LA LOI LACUNAIRE

A. FAUTE DE SYSTÈME D'INFORMATION ET D'INDICATEURS FINALISÉS, QUEL PILOTAGE PAR LA DONNÉE ?

Pour certains sujets, le ministère ne dispose que d'une vision très limitée des dispositifs mis en place par les universités, essentiellement sur la base d'enquêtes, faute de systèmes d'information interopérables entre les rectorats, l'administration centrale et les établissements. Il est certain que les difficultés de remontée des données sont en partie le résultat d'une absence de vision consolidée des données au niveau des établissements eux-mêmes. À titre d'exemple, le ministère ne semble pas être en capacité de fournir un suivi des emplois créés en lien avec la loi ORE.

Dès 2019, le comité de suivi de la loi ORE indiquait que les systèmes d'information actuels « ne sont pas adaptés à ces nouveaux usages et vont rapidement constituer un obstacle à la mise en oeuvre à grande échelle des transformations appelées par la loi ORE ». Ce grand chantier informatique, toujours repoussé et qui sera de grande ampleur, tant financière que par sa durée et les changements que cela impliquera pour l'ensemble des établissements, devient néanmoins incontournable.

B. UN ENJEU CENTRAL : RETRACER LES CRÉATIONS DE PLACES EN LICENCE

1. Des modalités de calcul variables rendant extrêmement complexe la consolidation des données

En 2018, le coût du financement d'une place supplémentaire n'a pas été fixé par le ministère et a été déterminé par les rectorats au cas par cas. Ce système ne pouvait apparaître comme un mode de financement satisfaisant. Dans un second temps et à partir de 2019, le ministère a fait le choix de basculer vers une logique forfaitaire : les places en L1 et L2 ont été financées à hauteur de 1 600 euros par place et celles en L3 et en M1 à hauteur de 800 euros.

Le forfait de 1 600 euros ayant été jugé trop faible pour inciter les établissements à ouvrir des places supplémentaires, le ministère a donc décidé de doubler le montant accordé aux places en licence par le biais de crédits du Plan de relance. Ce choix de gestion a eu pour principale conséquence de rendre l'origine des financements des places quasiment intraçable pour les années 2021 et 2022 du fait d'une architecture budgétaire très complexe, retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution des modalités de financement par l'État
des places supplémentaires à l'université

(en euros par place)

 

2018

2019

2020

2021: choix des établissements entre trois options

Financements Plan de relance - non pérennes

Financements composites : relance + crédits du programme 150

Financements pérennes -crédits du programme 150

L1

Variable selon les établissements

1 600

1 600

3 200

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

L2

1 600

1 600

3 200

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

L3

800

800

3 200

*

1 600

M1

800

800

*

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

* combinaison impossible.

Source : commission des finances

2. Un financement déconnecté des enjeux de définition du coût d'une place en licence

Le choix qui a été fait a été de laisser les établissements libres de choisir les formations où ces places étaient créées, suivant une logique d'enveloppe. En conséquence, le ministère ne valide pas en amont les formations concernées. Le nombre de places supplémentaires financées est un volume théorique qui ne correspond pas au volume des places supplémentaires créées, c'est-à-dire effectivement ouvertes pour des nouveaux étudiants, sans réelle incitation à des recrutements de personnels supplémentaires, et sans tenir compte des contraintes d'accueil des étudiants dans un bâti aux capacités limitées.

133 millions d'euros ont été ouverts dans le cadre du plan de relance pour financer de nouvelles places à l'université. Seule une partie des crédits ayant été consommée, le montant total financé par le plan de relance s'élève à 86 millions d'euros. Au total, les sommes accordées aux établissements pour l'ouverture de nouvelles places s'élèvent à 408 millions d'euros. Sur les deux premières années de déploiement de la loi ORE, l'État aura financé la création de 37 695 places à l'université pour un montant total de 120,6 millions d'euros.

Évolution des financements des créations de places
dans l'enseignement supérieur

(en millions d'euros et en nombre de places)

Source : commission des finances. NB : données non encore connues pour 2022 et n'intégrant pas le nombre de places financées par le plan de relance, ce qui explique le nombre de places négatif pour 2021

3. Une dissociation avec les besoins réels

Les formations où les taux de pression ou de remplissage étaient très élevés ne sont pas toujours celles ayant reçu le plus de financements au titre des créations de places. Le ministère n'est pas en mesure de vérifier d'une part que les places financées ont bien été créées et d'autre part qu'elles l'ont été dans des filières en tension. En particulier, le rapporteur spécial s'interroge sur le fait d'avoir opté pour un financement sur la base d'une montée de cohorte automatique de places : dès lors que la première année un établissement a bénéficié d'un certain montant au titre de créations de places en L1, ce montant sera étendu à la L2 l'année suivante. Or, près de la moitié des étudiants de L1 ne passent pas en L2 l'année suivante, toutes filières confondues.

C. ÉVALUER L'IMPACT DES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT

La loi ORE a généralisé la mise en place de modulations spécifiques de la 1ère année de licence (licence aménagée ou « oui si »). Celles-ci se traduisent sous deux formes : soit un accompagnement pédagogique particulier (mentorat, renforcement disciplinaire) soit un allongement de la durée de la licence, le plus souvent en 4 ans. Si les dispositifs « Oui si » sont en hausse, ils ne représentent qu'une part très minoritaire des étudiants, soit moins de 30 000.

Aménagement Loi ORE en L1 en 2021

Source : commission des finances d'après le SIES

Les universités comme l'administration considèrent les résultats en terme de taux de présence et de réussite aux examens comme globalement encourageants. Mais une volonté d'analyse plus approfondie se heurte d'une part à la difficulté d'isoler l'effet « oui si » dans les variations des résultats au cours des dernières années, et d'autre part à l'absence de remontées consolidées publiées sur le sujet.

III. LES LEÇONS DE LA LOI ORE, RECENTRER ET CONSOLIDER LE MODÈLE DE FINANCEMENT AUTOUR DU PARCOURS DES ÉTUDIANTS

1. Renforcer le cadre national de pilotage pour davantage de suivi et de transparence des données

Le ministère doit considérer le renforcement de l'efficience des crédits alloués, et donc de leur suivi, comme un axe prioritaire d'amélioration de sa gestion. Les moyens ont été très largement concentrés sur les créations de places, de sorte que l'amélioration qualitative voulue par la loi ORE est restée pour l'essentiel secondaire par rapport à la vision quantitative. Il est donc indispensable de faire évoluer le suivi statistique vers un suivi de cohorte, qui permette d'avoir une vision fine du devenir de l'étudiant tout au long de son parcours dans l'enseignement supérieur. Le rapporteur spécial plaide pour le développement des systèmes d'information afin d'être en mesure de suivre le parcours d'un étudiant au cours de ses études depuis le secondaire, y compris en cas de changement d'établissement.

2. Pour la construction de véritables indicateurs de réussite : le « péché originel » de la loi ORE

Dans la mesure où l'objectif premier de la loi ORE est d'améliorer la réussite étudiante, il importait en premier lieu de définir le concept de réussite. Or, la mise en oeuvre de la loi n'est pas allée de pair avec une définition claire de ce qui constitue, pour un étudiant, la réussite de son année. La construction d'un réseau d'indicateurs robustes, à la fois suffisamment précis pour tenir compte de la diversité des parcours étudiants et suffisamment partagés pour inclure le plus grand nombre de situations et d'établissements, doit constituer un sous-objectif inséparable de l'amélioration de la gestion des enveloppes aux établissements du ministère.

LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Axe 1 : pour un cadre clair de répartition des financements aux établissements d'enseignement supérieur 

Recommandation n° 1 : Mettre en place un réel suivi des crédits accordés aux établissements d'enseignement supérieur par le biais de leur subvention pour charges de service public et de leur exécution, consolidé au niveau national (ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

Recommandation n° 2 : Intégrer dans les documents budgétaires une restitution plus détaillée de la consommation des crédits pour les principaux dispositifs de financement des universités (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP, direction du Budget).

Recommandation n° 3 : Conditionner les financements accordés dans le cadre des contrats d'objectif, de moyens et de performance en cours de conclusion avec les universités au respect d'indicateurs de performance (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

Recommandation n° 4 : À l'avenir, mettre fin à la logique de financement des établissements d'enseignement supérieur par le biais de moyens accordés au titre de créations de places théoriques, décorrélés des enjeux démographiques (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

Axe 2 : construire un cadre national de suivi et d'évaluation autour de la réussite étudiante 

Recommandation n° 5 : Conduire une réelle politique d'évaluation des places en licence ouvertes au cours des dernières années afin de l'adapter aux besoins démographiques (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)).

Recommandation n° 6 : Conduire un travail de recensement et définir une véritable grille d'évaluation des dispositifs d'accompagnement à la réussite au niveau national - « Oui si » (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

Recommandation n° 7 : Engager une réflexion sur la définition de véritables indicateurs de réussite étudiante, au-delà de la seule acquisition du diplôme (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

Axe 3 : développer des systèmes d'information consolidés et robustes pour concrétiser la logique de parcours étudiant

Recommandation n° 8 : Définir un système informatique permettant de formaliser l'allocation des moyens aux universités en introduisant une logique d'efficience des financements (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

Recommandation n° 9 : Créer un véritable suivi de cohorte statistique, par exemple sur la base du numéro INE, du secondaire jusqu'à la fin de l'enseignement supérieur (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - sous-direction des systèmes d'information et d'études statistiques (SIES)).

PREMIÈRE PARTIE
UNE AMBITION DE DÉPART À SALUER : ACCOMPAGNER LE PLUS GRAND NOMBRE VERS LA RÉUSSITE

La loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) est la traduction législative du plan Étudiants lancé en 2017. Celui-ci visait principalement à répondre à la problématique de l'insuffisance de places en licence, ayant entraîné dans certaines filières et certaines universités un processus de tirage au sort, et à améliorer le taux de réussite des étudiants en premier cycle à l'université.

I. LES RACINES DE LA LOI ORE : S'ADAPTER AUX ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES METTANT EN TENSION LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Plusieurs éléments peuvent éclairer le contexte de création de la loi ORE. Le premier, le plus structurant, est la hausse continue du nombre d'étudiants en licence, conséquence de décennies d'augmentation du taux de réussite au baccalauréat et de la croissance démographique.

Entre 2010 et 2020, le nombre d'étudiants scolarisés dans l'enseignement supérieur a cru de 20,4 % en France métropolitaine (+43,1 % en outre-mer) et de 15,7 % pour les seuls étudiants à l'université (+43,7 % en outre-mer). Cette hausse a été plus élevée que la moyenne nationale (20,4 %) dans sept académies : Pays de la Loire (Nantes), Versailles, Créteil, Montpellier, Bordeaux, Normandie et Limoges. La croissance démographique était encore davantage élevée dans la deuxième moitié de la décennie, et a continué de s'accélérer au cours des dernières années. Entre 2018 et 2020, la hausse des effectifs dans l'ensemble de l'enseignement supérieur s'élevait à 5 % en France métropolitaine (+13,1 % en outre-mer) avec une hausse de 1,9 % pour les seules universités (+14,2 % en outre-mer).

Évolution du nombre de bacheliers et prévision

(en milliers)

Source : commission des finances

La croissance ayant été concentrée sur certaines filières particulièrement en tension, elle a entraîné dans certaines filières et certaines universités le recours au tirage au sort pour sélectionner les étudiants, ce qui avait été extrêmement mal perçu des étudiants comme du reste de l'opinion publique.

Bien que la sous-direction des systèmes d'information et d'études statistiques (SIES) ait indiqué au rapporteur spécial que « la loi ORE n'a pas été proposée en raison d'évolutions démographiques »3(*), un des principaux enjeux était bien d'absorber le choc démographique dans l'ensemble des filières en garantissant un système plus équitable que le tirage au sort.

Le deuxième aspect prioritaire était de répondre à la problématique de l'échec massif des étudiants en licence : seuls 27 % des étudiants de licence avaient obtenu un diplôme de licence trois ans après leur première inscription en première année de licence (L1) en 2011-2012. Le nombre d'étudiants abandonnant leur formation en licence après une ou deux années d'études était particulièrement élevé : pour les étudiants entrés en licence en 2014, 34 % des bacheliers généraux avaient quitté leur formation, jusqu'à 72 % des bacheliers technologiques et 84 % des bacheliers professionnels. Cela représentait 75 000 jeunes par an ayant commencé des études supérieures et sortant de l'enseignement supérieur sans avoir obtenu de diplôme.

Taux de passage des néo-bacheliers entrant en licence

(en %)

Année d'entrée en L1

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Taux de passage en L2

40,3

39,7

39,5

40,8

41,6

41,0

43,5

45,5

53,5

47,8

Source : SIES

Ces problématiques n'étaient certes pas nouvelles, et avaient déjà été à l'origine du plan « Réussite en licence » de décembre 2007, doté de 730 millions d'euros sur 2008-2012 et dont l'objectif était de diviser par deux le taux d'échec en première année à l'université. Mais la très faible acceptabilité du tirage au sort a entraîné l'annonce en octobre 2017 du « Plan Étudiants », comportant vingt mesures.

Les principales mesures du Plan Étudiants

- « mieux accompagner l'orientation au lycée » par l'instauration d'un second professeur principal en classe de terminale, l'examen par le conseil de classe du projet d'orientation de chaque élève, et la formulation d'un avis communiqué ensuite aux établissements d'enseignement supérieur ;

- « un accès plus juste et plus transparent dans le supérieur » par la suppression du tirage au sort, la définition d' « attendus » pour l'accès à chaque filière, et la possibilité pour un établissement de n'inscrire un candidat qu'à la condition qu'il accepte de bénéficier de certains dispositifs d'accompagnement ;

- « une offre de formation post-baccalauréat sur mesure et rénovée » par la personnalisation des parcours de licence, le tutorat et la mise en place de dispositifs d'accompagnement pédagogiques ;

- « des conditions de vie étudiante au service de la réussite » par le rattachement des nouveaux étudiants au régime général de la Sécurité sociale dès 2018 et un plan de 60 000 logements.

Source : commission de la culture, rapport sur la loi ORE

II. LE PREMIER CYCLE AU CoeUR DE LA RÉFLEXION : RECENTRER L'UNIVERSITÉ SUR LA LICENCE 

1. La loi ORE : renforcer le concept de parcours étudiant

La loi ORE du 8 mars 20184(*) est la traduction législative du plan Étudiants. Elle procède à une importante refonte des modalités d'accès à l'université, notamment en autorisant la sélection à l'entrée à l'université au travers de la mise en place de Parcoursup et en garantissant un accès prioritaire aux meilleurs bacheliers.

La loi devait permettre de favoriser la réussite des étudiants en procédant à un double changement de paradigme.

D'une part, le législateur a renversé la logique prévalant antérieurement pour mettre l'accent sur le premier cycle et la construction d'un « continuum bac - 3 / bac + 3 », c'est-à-dire une transition plus fluide entre le lycée et l'enseignement supérieur au travers de l'anticipation de l'orientation dès la seconde.

D'autre part, la loi ORE veut procéder à un « déplacement du centre de gravité vers l'étudiant », « acteur véritable d'un parcours préparé dès l'entrée au lycée, et accompagné tout au long des études »5(*). Le rapporteur spécial souligne l'intérêt que représentait à ce titre ce nouveau cadre intellectuel, qui se traduisait par l'émergence de la notion de parcours personnalisé, contractualisé entre l'étudiant et l'établissement d'enseignement.

Cet objectif de réussite se traduisait par trois ambitions concordantes :

- mieux orienter les étudiants en lien avec Parcoursup ;

- mieux les accueillir en renforçant l'accompagnement des étudiants par le biais des contrats pédagogiques et des mesures d'accompagnement tels les dispositifs adaptés (les dispositifs « Oui si ») ;

- proposer des parcours différenciés et plus flexibles et avec une approche par compétences.

2. Le nombre des dispositifs issus de la loi ORE reflète la diversité de ses objectifs
a) La création de Parcoursup, emblème de la loi ORE

La loi ORE met fin au système d'admission dans l'enseignement supérieur par le biais de la plateforme Admission post bac (APB) en introduisant une logique de sélection à l'université au travers du logiciel Parcoursup6(*) et en supprimant la possibilité de procéder à un tirage au sort.

Désormais, les élèves candidats mettent à disposition des établissements au travers de Parcoursup leurs notes et appréciations, des lettres de motivation pour chacune des demandes formulées, un avis du chef d'établissement sur le voeu de l'élève et, pour une partie des filières, la mention du lycée d'origine. Des éléments sur la situation sociale des candidats (par exemple, l'échelon de bourse de l'élève) peuvent également apparaître.

Si le système de Parcoursup n'est pas encore intégralement fluide, la plupart des acteurs considèrent néanmoins qu'il s'agit d'un progrès par rapport à APB. L'objet du présent rapport n'étant pas d'évaluer le fonctionnement de Parcoursup, le rapporteur spécial renvoie aux nombreux travaux publiés sur le sujet, notamment par la Cour des comptes et, en parallèle des travaux du rapporteur spécial, par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication7(*).

À partir de 2018, suivant les préconisations de la Cour des comptes, le ministère de l'enseignement supérieur a remplacé l'association pour la promotion des concours communs polytechniques (APCCP), qui était l'association responsable de la maîtrise d'oeuvre d'APB, par un service à compétence nationale (SNC) « Parcoursup », rattaché à la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP).

Quel coût pour Parcoursup ?

Le budget total du SNC Parcoursup s'élevait en 2022 à 3,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), hors masse salariale. Ces crédits sont portés par le programme 150 - Formations supérieures et recherche universitaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Les frais de fonctionnement étaient de 1,02 million d'euros, en légère hausse (+ 100 000 euros environ par rapport à APB).

La croissance de l'offre de formations a eu pour corollaire une croissance des frais de personnels. En administration centrale, un total de 30 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sont mobilisés sur la plateforme Parcoursup, pour effectuer les missions de maîtrise d'ouvrage, de maîtrise d'oeuvre et de communication. Dans le cadre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2022, trois emplois supplémentaires ont été transférés sur le programme 150 pour les besoins du SCN Parcoursup.

b) Au-delà de Parcoursup, une loi composite 

Si la création de Parcoursup est l'aspect de la loi ORE le plus facilement identifié par le grand public, celle-ci se traduit par un grand nombre de mesures d'ampleur et d'ambition variables.

Les dispositifs issus de la loi ORE

Le plan Étudiants et la loi ORE se traduisent en une quinzaine de mesures, lesquelles peuvent être regroupées en 4 axes principaux :

1. Orientation :

- deux professeurs principaux en classe de terminale pour accompagner individuellement les élèves dans la construction de leur projet d'étude ;

- intégration dans l'année de terminale de deux semaines dédiées à l'orientation pour tous les élèves ;

- examen par le conseil de classe du projet d'orientation de chaque élève ;

- suppression de la sélection par le tirage au sort ;

- création de Parcoursup : 10 voeux maximum non hiérarchisés et un affichage des attendus pour réussir dans la filière souhaitée ;

- déploiement du dispositif « étudiant ambassadeur ».

2. Vie étudiante :

- rattachement des nouveaux étudiants au régime général de la Sécurité sociale dès 2018 ;

- fusion des contributions « vie étudiante » et création de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) ;

- soutien à la mobilité jusqu'à 1 000 euros pour les étudiants changeant d'académie ;

- création de nouveaux centres de santé au sein des universités.

3. Formation :

- un « contrat de réussite pédagogique » destiné à suivre le parcours de l'étudiant ;

- un premier cycle modulable (+ ou - de 3 ans) par le biais des dispositifs d'accompagnement (dispositifs « Oui si ») ;

- renforcement du tutorat et de l'accompagnement des étudiants (nomination d'un directeur des études par champ disciplinaire).

4. Pilotage :

- dialogue de gestion renforcé, sous l'autorité du recteur, entre enseignement secondaire et enseignement supérieur.

L'objectif de la loi ORE était de parvenir à une modulation des cursus de licence. Celle-ci s'est essentiellement traduite par les dispositifs dits « Oui si ». Lors de la formulation des voeux sur Parcoursup, les formations peuvent proposer à certains étudiants de suivre le cursus choisi à condition de bénéficier d'enseignements complémentaires augmentant leurs chances de réussite (modules de méthodologie, enseignements de consolidation) ou en faisant leur licence en quatre ans et non en trois8(*). La mise en place de « directions des études » devait également contribuer à la personnalisation des parcours des étudiants et à l'élaboration des contrats pédagogiques.

DEUXIÈME PARTIE
À LA RECHERCHE DES FINANCEMENTS PERDUS

I. L'OBSCURE CLARTÉ DES MODALITÉS DE RÉPARTITION DES FINANCEMENTS ORE

La mise en place du plan Étudiants puis de la loi ORE devait aller de pair avec un renforcement des moyens accordés aux universités, étalé sur la période 2018-2022. Ces crédits supplémentaires devaient essentiellement permettre d'ouvrir des places et de créer des postes dans les filières en tension. Ce point fait l'objet d'une analyse détaillée plus bas.

Ces crédits devaient également financer l'indemnisation des personnels impliqués dans la mise en oeuvre de la loi, les dispositifs d'aide à la réussite et plus largement l'ensemble des investissements aux objectifs ORE.

A. DES MONTANTS CONSÉQUENTS EN JEU CONCENTRÉS SUR LE FINANCEMENT DE NOUVELLES PLACES EN LICENCE

1. Quels financements pour quels dispositifs ? La difficile évaluation des montants accordés

Loin d'être un simple exercice de contrôle, l'analyse des financements liés à la loi ORE se révèle d'une grande complexité.

La première difficulté, et non la moindre, consiste à déterminer précisément le montant total des crédits accordés. Les chiffres varient en effet fortement selon le périmètre concerné.

Au sens le plus strict, les crédits ORE se rapprochent de ceux mis en avant lors des annonces du plan Étudiant en 2017. À l'époque, il avait été annoncé un montant de près de 500 millions d'euros sur l'ensemble du quinquennat. Ce montant a été atteint, voire dépassé, dès lors que les documents transmis par le ministère indiquent que 582 millions d'euros ont été accordés aux universités dans le cadre du plan Étudiants.

La loi ORE datant de 2018, les crédits accordés en LFI 2018 ne sont pas véritablement des crédits ORE. Mais l'essentiel des crédits du plan Étudiants ont été accordés après le vote de la loi ORE sur les quatre années 2018-2022 et pour des dispositifs répondant aux objectifs de la loi. Ces crédits ont été ouverts sur le programme 150 - Enseignement supérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Toutefois, dans les réponses au questionnaire budgétaire, le ministère indique que « les moyens suivants ont été alloués aux établissements depuis 2018 au titre du « plan étudiants »9(*) :

Moyens accordés au titre du plan Étudiants

selon le questionnaire budgétaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire pour le PLF 2023

Il semble qu'il s'agisse d'une confusion avec les moyens accordés au titre du grand plan d'investissement pour l'année 2022, les montants sur 2018-2021 recoupant ceux accordés au titre du plan Étudiants. L'articulation entre les crédits budgétaires ORE et les crédits relance est cependant loin d'être limpide, comme cela sera développé plus bas.

Par ailleurs, dans certains documents, le ministère intègre comme faisant partie des crédits ORE l'ensemble des moyens accordés aux établissements lors du développement du dialogue stratégique de gestion (DSG), soit 235 millions d'euros supplémentaires. Le total des financements ORE s'élèverait alors à 833 millions d'euros.

Montants ouverts en LFI pour financer des dispositifs ORE
en incluant la montée en charge du dialogue de gestion

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire fourni par la DGESIP

Si le renforcement du rôle du rectorat constitue en effet un des objectifs et des effets de la loi ORE, le rapporteur spécial considère que ces crédits ne peuvent à proprement parler être considérés comme rattachés au dispositif de la loi ORE. En conséquence, la lecture selon laquelle les crédits du plan Étudiants recoupent ceux accordés au titre de la loi ORE semble plus pertinente. Les montants accordés sont en tout état de cause loin d'être anodins.

Cette lecture est la même que celle effectuée par la Cour des comptes en 2020, qui aboutissait à 268 millions d'euros sur les trois premières années de mise en oeuvre.

Ventilation par dispositif et sous-dispositif
établie par la Cour des comptes en 2020

(en euros)

Source : Cour des comptes, Un premier bilan de la loi ORE, 2020

En revanche, France Universités estime le coût des dispositifs de la loi ORE à 220 millions d'euros, sans que le rapporteur spécial n'ait réussi à expliciter l'origine de cette différence de montants.

La deuxième difficulté d'analyse, au-delà des seules questions de périmètre, est celle de la ventilation par dispositif de ces crédits. Les crédits ORE sont intégrés à la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à chaque établissement par le biais du programme 150 et ne font donc pas l'objet d'une ligne spécifique dans les documents budgétaires.

Plus de la moitié des financements ont été fléchés vers des ouvertures de places supplémentaires dans les établissements afin d'augmenter les capacités d'accueil dans les filières en tension. Environ un quart des crédits a financé le développement des dispositifs d'aide à la réussite (« oui si »), et le quart restant la valorisation de l'investissement pédagogique et le financement de projets d'investissements.

Répartition par dispositif des crédits ORE 2018-2022

Source : commission des finances

Ainsi, d'après les documents fournis au rapporteur spécial, 342 millions d'euros auront été consacrés depuis 2018 à la création de places dans les établissements, 140 millions d'euros aux financements des dispositifs « Oui si » et environ 50 millions d'euros pour les frais liés aux commissions Parcoursup et à la mise en place de directeurs des études. La ventilation plus complète et son évolution par année figurent dans le tableau ci-dessous.

Ventilation des crédits liés au plan Étudiants

(en millions d'euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2018-2022

Création de places

19,3

46,3

76,5

94

105,6

341,7

Étude des dossiers, directeurs des études, accompagnement pédagogique

5,8

11,1

11,1

11,1

11,1

50,2

Rémunération indemnitaire des personnels

5,1

2,0

2,0

2

2

13,1

Dispositifs et parcours d'accompagnement « oui si »

7,8

25,9

31,9

36,2

38,2

140

Investissement - fonctionnement

7

12,8

7,6

4

4,6

36

Total alloué aux établissements

45

98,1

129,1

147,9

161,5

581,6

Source : commission des finances d'après les tableaux transmis par la DGESIP

S'il n'existe plus à proprement parler de crédits ORE ouverts depuis le PLF 2023, la mise en place de la loi a engagé directement les finances publiques sur le long terme. En effet, l'ensemble des financements ORE a été pérennisé dans la subvention pour charges de service public accordée (et soclée) aux établissements d'enseignement supérieur sur le programme 150 et devrait donc continuer à être versée au cours des prochaines années.

2. Une absence de données sur la consommation des crédits qui doit alerter sur les modalités de gestion

Les montants initiaux accordés au titre de la loi ORE n'étant pas faciles à isoler et à suivre, il n'est pas surprenant qu'il en aille de même s'agissant de la consommation de ces crédits en gestion.

Les développements des documents budgétaires sur les financements ORE sont très succincts, en particulier s'agissant de l'analyse de l'exécution des crédits. La direction du budget a reconnu devant le rapporteur spécial que les données étaient « très parcellaires » et qu'elle-même ne disposait pas d'une répartition territorialisée de la consommation des crédits.

Les seules indications publiques sur la consommation des crédits ORE figurent dans les notes d'exécution budgétaire de la Cour des comptes. Or la Cour indique dans le même passage sur l'exécution 2020 et 2021 que « compte tenu des éléments transmis par le ministère dans le cadre de l'élaboration de la présente note d'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour rappelle la nécessité déjà exprimée de disposer d'un suivi, en particulier pour être en capacité d'établir un lien direct entre le nombre d'emplois créés et l'augmentation des capacités des filières en tension ».

Le ministère n'a pas été en capacité de fournir au rapporteur spécial une ventilation par dispositif de la consommation des crédits année par année. Selon la DGESIP, cette opacité s'explique par le fait que les montants ORE ont été accordés dans le cadre du dialogue stratégique de gestion (DSG) effectué par les rectorats. Toutefois, au vu des montants en jeu, le rapporteur spécial ne peut que s'étonner que l'administration ne dispose pas d'une vision consolidée des moyens alloués dans le cadre du DSG.

Concernant toutefois les crédits accordés pour les créations de places, le ministère a transmis au rapporteur spécial des données qui vont dans le sens d'une large sous-exécution des crédits. Ainsi, près de 215 millions de crédits ouverts sur le programme 150 entre 2019 et 2022 n'auront pas été utilisés. En intégrant les crédits du plan de relance, plus de 262 millions d'euros n'auront finalement pas été utilisés pour des créations de places.

La difficulté à disposer de données consolidées rejoint les problématiques de suivi des moyens accordés qui seront développées plus bas.

B. DES MODALITÉS D'ATTRIBUTION DES CRÉDITS COMPLEXES ET INSUFFISAMMENT TRANSPARENTES

1. Un dispositif initial « empirique » de répartition des crédits

L'ensemble des acteurs entendus par le rapporteur spécial s'accorde pour considérer que le cadre de gestion des crédits était peu formalisé. France universités indique ainsi que « le dispositif de financement est resté très empirique »10(*), le cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur préférant le terme synonyme « d'assez expérimental »11(*).

Le ministère a certes transmis un guide méthodologique à l'attention des acteurs du DSG indiquant que « les négociations menées entre les rectorats et les établissements s'appuieront sur un état des lieux précis des financements alloués et des engagements associés. Les arbitrages pris par la DGESIP tiendront compte de la réalité des places supplémentaires créées au titre de l'année universitaire 2020-21 et des admissions enregistrées sur Parcoursup ». Comme cela sera développé ultérieurement sur le volet créations de places, cette circulaire ne semble pas avoir été toujours suivie d'effets, faute notamment d'un système d'allocation des moyens.

SYMPA : la fin d'un modèle formalisé d'allocation des moyens aux universités

Le modèle SYMPA (« Système de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité ») mis en oeuvre à partir du 1er janvier 2009 à la suite du système San Remo, permettait de répartir les moyens (crédits et emplois) inscrits en loi de finances et alloués par l'État aux universités selon des critères, qui étaient fonction de l'activité et de la performance de l'établissement.

Ce modèle permettait d'apprécier le niveau relatif des ressources de chaque établissement au regard d'indicateurs d'activité (80 %) et de performance (20 %) qui portaient à la fois sur les activités de formation (65 %) et de recherche (35 %).

Les critères de mesure de l'activité étaient, pour la formation, le nombre d'étudiants présents aux examens, et, pour la recherche, le nombre d'enseignants-chercheurs rémunérés par l'établissement, pondéré selon les domaines de recherche. La performance est mesurée, en matière de formation, par la valeur ajoutée des établissements au regard de la réussite des étudiants en licence et au DUT, et du nombre de diplômés de master et en matière de recherche, par la cotation AERES des unités de recherche et par le nombre de doctorats délivrés dans l'année. Ainsi, l'augmentation de l'activité ou l'amélioration des performances d'une université augmentaient sa dotation calculée au détriment de celles des autres. Toutefois, les moyens financiers entrant dans son périmètre ne prennent pas en compte la masse salariale des emplois transférés.

Entre 2009 et 2014, le modèle dit SYMPA fournissait ainsi pour les universités une répartition théorique des crédits de fonctionnement et des emplois entre les établissements, selon des critères d'activité et de performance. Il a été utilisé pour la dernière fois, en 2017, pour les universités pour la dernière vague d'emplois alloués au titre du rééquilibrage des dotations.

Source : rapport sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités fait par M. Philippe ADNOT au nom de la commission des finances, 2019

France universités l'indique ainsi dans ses réponses au rapporteur spécial : « la répartition des moyens au titre de la loi ORE s'est faite au fil de l'eau, en fonction des besoins exprimés par chaque université. [...] les universités peuvent avoir utilisé ces moyens selon des modalités différentes », engendrant des disparités de financement selon les établissements. France universités ajoute ainsi : « le rôle du ministère, qui a rendu les arbitrages finaux, a été primordial. Les critères sur la base desquels ont été rendus ces arbitrages censés garantir la cohérence de l'ensemble, ont été rarement explicités ».

La Cour des comptes a souligné dans son premier bilan de la loi ORE en 2020 les lacunes du système de répartition des moyens par la DGESIP, d'autant plus que le DSG n'a été mis en place qu'en 2019. Lors de son audition par le rapporteur spécial, la DGESIP a reconnu la « justesse » de ces critiques.

2. Après 2019, une formalisation souhaitable par le dialogue de gestion

Un des aspects de la loi ORE était la mise en place d'une véritable déconcentration de la gestion des établissements d'enseignement supérieur dans les rectorats. Le déploiement du dialogue de gestion a placé le recteur au centre d'une partie du schéma de financement des universités, celui-ci étant désormais à la fois arbitre et négociateur.

La quasi-totalité des crédits du plan Étudiants a été allouée à partir de 2019 dans le cadre du DSG, mis à part les crédits dédiés aux investissements qui ont fait l'objet d'appels à projets. Les montants accordés au titre de la loi ORE représentent plus de 70 % des montants totaux accordés aux établissements dans le cadre des DSG 2019-2022.

Part des financements ORE dans les montants répartis dans le cadre du DSG

2019

2020

2021

2022

Total 2019-2022

88,9 %

75,6 %

62,2 %

64 %

71,2 %

Source : commission des finances d'après les réponses transmises au rapporteur spécial

Il convient de rappeler que la répartition par le DSG n'a concerné qu'une infime part des moyens globaux alloués aux établissements : ainsi, en 2022, seuls 279 millions d'euros ont été répartis par le DSG sur les 14,21 milliards d'euros ouverts la même année sur le programme 150.

Montants accordés aux établissements
dans le cadre du dialogue stratégique de gestion hors ORE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses transmises au rapporteur spécial

Afin de tenir compte du renforcement de l'échelon du rectorat, dans les sept régions les plus importantes, la fonction de recteur délégué à l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation a été mise en place à compter du 1er janvier 2020. Celui-ci est supposé être l'interlocuteur privilégié des universités, des écoles et des organismes de recherche sur le territoire interacadémique.

3. Une articulation malaisée avec les crédits extrabudgétaires

Au-delà des crédits budgétaires ORE proprement dits, les montants accordés ont été presque doublés par les financements des programmes d'investissements d'avenir (PIA) qui s'élèvent à 450 millions d'euros.

Deux actions du PIA 3 sont spécifiquement ciblées sur la réussite des étudiants.

L'action « Nouveaux cursus à l'université » a fait l'objet de deux appels à projets en 2017 et en 2018. Le premier appel à projets avait pour objectif de soutenir des programmes favorisant la diversification et le décloisonnement des parcours en licence ou contribuant à développer l'offre universitaire de formation professionnelle. 17 projets ont été retenus sur 66 déposés. Ils seront soutenus pendant 10 ans pour un montant total de 150 millions d'euros. Le second appel à projets, recentré sur la réussite en licence, a distingué 19 projets sur 48 déposés pour un montant total de 175,9 millions d'euros, également pendant 10 ans.

Deuxièmement, le premier volet de l'action « Territoires d'innovation pédagogique » concerne directement l'accompagnement et la réussite des étudiants. Il s'agit des dispositifs territoriaux pour l'orientation vers les études supérieures. 11 premiers projets ont été sélectionnés en 2019 pour un montant total de 37 millions d'euros financés dans le cadre du PIA, et six nouveaux projets ont été sélectionnés au printemps 2020 pour un montant de 35 millions d'euros. Enfin, cette action finance également l'appel à projets « solutions numériques pour l'orientation vers les études supérieures » à hauteur de 10 millions d'euros.

La DGESIP a par ailleurs indiqué au rapporteur spécial manquer de données sur le rythme de décaissement des crédits du PIA. Les dernières informations figurant dans le tableau ci-dessous datent en effet du 30 juin 2022.

Exécution de l'action Nouveaux cursus universitaires du PIA 3 au 30 juin 2022 (hors crédits France 30 ouverts en 2022)

(en millions d'euros)

Engagements

Contractualisations

Décaissements

267

267

111

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En outre, 133 millions d'euros ont été ouverts dans le cadre du plan de relance pour financer de nouvelles places à l'université (dont 49 millions d'euros en 2021 et 84 millions d'euros en 2022). Seule une partie des crédits accordés en 2022 ayant été consommée, le montant total financé par le plan de relance s'élève à 86 millions d'euros.

Le rapporteur spécial a pu se prononcer à plusieurs reprises dans ses rapports budgétaires sur la faible pertinence du financement des universités par le biais de crédits extrabudgétaires, en particulier s'agissant de dispositifs financés sur 10 ans ou de créations de places, par définition non limitées à un ou deux ans. Le rapporteur spécial en veut pour preuve la décision de maintenir après 2022 une partie des financements « relance » en les budgétisant à l'intérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». D'après la direction du budget, 49,5 millions d'euros de crédits inscrits en LFI 2023 sur le programme 150 ont pérennisé les financements « relance ». En particulier s'agissant des créations de place, la décision de passer par des crédits « relance » a constitué un facteur de complexité supplémentaire dans une gestion déjà peu opérationnelle, comme développé ci-dessous.

C. UN ENJEU CENTRAL : RETRACER LES CRÉATIONS DE PLACES EN LICENCE

1. Le choix d'un financement « à la place » théorique
a) Une autonomie des établissements dans le choix des places créées

Comme indiqué plus haut, les financements liés à la loi ORE ont été essentiellement concentrés sur les créations de places en universités, afin d'accueillir un nombre croissant d'étudiants.

Dès 2019, les créations de places ont été intégrées dans le dialogue de gestion. Toutefois, l'objectif initial, c'est-à-dire l'ouverture de places en amont de la rentrée scolaire dans les filières en tension afin d'éviter de prolonger le phénomène des « listes d'attente » sur Parcoursup s'est heurté à la difficulté d'anticiper finement le phénomène démographique. La DGESIP a donc procédé en cours de gestion à un renversement de la logique, conduisant à attribuer d'abord les financements liés aux créations de places aux universités, puis à constater l'écart avec les demandes sur Parcoursup une fois la rentrée passée.

Le choix qui a été fait a été de laisser les établissements libres de choisir les formations où ces places étaient créées, suivant une logique d'enveloppe. Lors du dialogue de gestion, une somme est allouée à chaque université ou établissement d'enseignement supérieur, correspondant à la création d'un certain nombre de places, que les établissements sont laissés libres de ventiler a posteriori. En conséquence, ni le rectorat ni la DGESIP ne valident les formations dans lesquelles ces places sont créées.

b) Des places sans locaux et pour quels personnels supplémentaires ?

Les places ont été financées au coût marginal, c'est-à-dire sans incitation à des recrutements de personnels supplémentaires, et sans tenir compte des contraintes d'accueil des étudiants dans un bâti aux capacités limitées, où les locaux étaient parfois déjà surchargés, et pour certains, encore vétustes.

L'administration elle-même a indiqué que la prise en compte du taux d'encadrement des étudiants et des capacités des locaux constituait un angle mort de la logique de financement des places à l'oeuvre. Il a été ainsi indiqué au rapporteur spécial : « Il faut être conscient qu'en Ile-de-France, au-delà des premières années (2018 et 2019), les capacités physiques d'accueil ont été assez rapidement saturées par insuffisance de locaux universitaires. En outre, le dynamisme économique de la région Ile-de-France entre en concurrence avec le besoin de recrutements universitaires que ce soit pour les personnels enseignants ou administratifs, limitant de ce fait les capacités en ressources humaines pour accroître celles des places »12(*).

Concernant le recrutement de personnels supplémentaires et en particulier d'enseignants, le ministère ne dispose pas de données consolidées sur les emplois créés dans les universités au titre de la loi ORE.

Il est d'autant plus difficile de relier les créations de places aux recrutements que le nombre de places et le nombre d'enseignants ne sont pas décidés dans les mêmes instances et selon les mêmes temporalités Cela rejoint donc les problématiques de suivi et de pilotage qui seront développées infra.

2. Une opacité dans le suivi des places créées liée à la complexité des modes de calcul successifs
a) Un financement déconnecté des enjeux de définition du coût d'une place en licence

Le choix a été fait d'appliquer un montant forfaitaire moyen supposé correspondre au coût marginal d'une place à l'université. Le coût marginal, très difficile à déterminer doit être distingué du coût moyen.

Le coût moyen varie fortement selon le niveau et le type de diplôme (il s'élève à environ 3 730 euros en licence ; 5 430 euros en master, 9 750 euros en DUT et 10 850 euros pour un diplôme d'ingénieur). De même, le coût moyen dépend de la filière et des spécificités de la formation. D'après France universités, le coût moyen varie de 3 140 euros en droit, 4 212 euros en sciences sociales, 4 276 euros en lettres, 6 266 euros en sciences du vivant, 8 121 euros en sciences de la matière et de 8 742 euros en informatique et mathématiques.

Du fait du choix de la fixation d'un montant forfaitaire identique pour tous les établissements, le montant accordé pour chaque création de place ne reflète pas les variations de coûts inhérentes aux établissements, aux formations, au profil des étudiants et à la valeur ajoutée des universités par rapport aux établissements de même type. La fixation du montant du forfait relève d'une logique purement budgétaire, dès lors que les services rectoraux ne sont pas en capacité de faire cette évaluation qui figure dans la comptabilité analytique propre à chaque établissement (que ne tiennent d'ailleurs pas tous les établissements).

Dès lors, se pose la question de la pertinence du financement « à la place », décorrélé des sous-jacents économiques liés pour les universités à l'accueil d'un étudiant supplémentaire. La Cour des comptes dans son rapport de 2020 avait notamment soulevé un possible lien entre la mise en place des financements de places et l'amélioration concomitante de la situation financière des universités et du redressement de leurs fonds de roulement. Si corrélation n'est pas causalité, le fait d'avoir financé des places à un coût fixe en amont de leur création et sans les flécher sur certaines filières a sans doute pu aider certaines universités.

b) Des modalités de calcul variables rendant extrêmement complexe la consolidation des données

Les hypothèses du coût des places servant de base aux financements versés aux universités ont évolué au cours des années. Cela contribue à la complexité, voire l'opacité, soulignées par la quasi-totalité des acteurs entendus par le rapporteur spécial

En 2018, le coût du financement d'une place supplémentaire n'a pas été fixé par le ministère et a été déterminé par les rectorats et sur la base d'une enveloppe globale à répartir entre les établissements de l'académie en fonction des engagements pris par les universités. Il s'en est suivi des écarts quelquefois importants et peu compréhensibles d'une université à l'autre, de l'ordre de 604 euros par place supplémentaire pour l'université d'Avignon à 5 333 euros pour l'université des Antilles selon la Cour des comptes. En outre, l'enveloppe globale étant identique pour chaque académie, les montants accordés ne tenaient pas compte des différences de tension des différentes formations. Enfin, le financement de la place a pu varier selon la saisonnalité, la place supplémentaire étant mieux financée en juillet de l'année n de la campagne de financement qu'à l'automne n-1.

Il est donc rapidement apparu que ce système ne pouvait apparaître comme un mode de financement satisfaisant. Dans un second temps et à partir de 2019, les montants accordés au titre de la loi ORE ayant été intégrés au dialogue de gestion, le ministère a fait le choix de basculer vers la logique forfaitaire décrite plus haut.

Ainsi, à partir de 2019, les places en L1 et L2 ont été financées à hauteur de 1 600 euros par place et celles en L3 et en M1 à hauteur de 800 euros.

Ce montant ayant été jugé trop faible pour inciter les établissements à ouvrir des places supplémentaires, le ministère a donc décidé de doubler le montant accordé aux places en licence par le biais de crédits du Plan de relance.

La coexistence de financements « relance » et de crédits budgétaires figurant sur la mission « Recherche et enseignement supérieure » a donné lieu à une architecture budgétaire très complexe. Les établissements pouvaient opter pour des places financées intégralement sur le plan de relance à hauteur de 3 200 euros mais pour les seules années 2021 et 2022. Ils pouvaient également faire le choix de rester sur des financements pérennes à hauteur de 1 600 euros, mais pour la seule année de M1. Pour les autres années, ils pouvaient opter pour un mode de financement composite, chaque place étant cofinancée par des crédits relance pour 2 000 euros et des crédits du programme 150 pour 1 200 euros. Les 1 200 euros devaient être versés de manière pérenne, à la différence des 2 000 euros versés seulement en 2021 et 2022.

En outre, les places créées dans certaines filières spécifiques ont été intégralement financées sur le plan de relance : 6 000 euros dans les formations paramédicales ; 4 000 euros dans les formations à bac + 1 (année propédeutique notamment) et 2 000 euros pour les places de diplôme d'université (DU).

Pour plus de clarté, ces options sont détaillées dans le tableau ci-dessous :

Évolution des modalités de financement des places supplémentaires

(en euros par place)

 

2018

2019

2020

2021: choix des établissements entre trois options

Financements Plan de relance - non pérennes

Financements composites : relance + crédits du programme 150

Financements pérennes -crédits du programme 150

L1

Variable selon les établissements

1 600

1 600

3 200

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

L2

1 600

1 600

3 200

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

L3

800

800

3 200

*

1 600

M1

800

800

*

2 000 (relance) + 1 200 (P. 150)

*

* combinaison impossible.

Source : commission des finances

Ce choix de gestion a eu pour principale conséquence de rendre l'origine des financements des places quasiment intraçable pour les années 2021 et 202213(*).

Il se justifie d'autant moins que, comme l'a déjà indiqué le rapporteur spécial, les créations de places n'avaient pas vocation à disparaître une fois les crédits relance épuisés, mais à être pérennisées par la suite. En outre, dans les cas où les créations de places ont pu s'accompagner de recrutement de personnels supplémentaires, il semble évident que ceux-ci resteront dans les établissements après la rentrée 2022.

En 2019, les crédits ORE - donc figurant sur le programme 150 - auront financé la création d'un peu moins de 20 000 places à l'université, pour un montant moyen de 2 410 euros (compte tenu des financements spécifiques à certaines filières, plus élevés qu'en licence). En 2020, le montant des places créées a été légèrement inférieur (18 577 places), malgré un financement moyen deux fois supérieur (4 120 euros en moyenne).

En conséquence, sur les deux premières années de déploiement de la loi ORE, et indépendamment du contrôle a posteriori de la création de ces places et de leur adaptation aux besoins, l'État aura financé la création de 37 695 places à l'université pour un montant total de 120,6 millions d'euros14(*).

Les données transmises par l'administration font état de 38 561 étudiants supplémentaires sur ces deux mêmes années, soit environ 800 places non financées. Du fait de la fragilité de la remontée des données chiffrées à laquelle a pu être confronté le rapporteur spécial, la conclusion principale doit être que l'ensemble des étudiants supplémentaires accueillis dans l'enseignement supérieur en 2019 et 2020 a fait l'objet d'un financement spécifique de l'État.

L'analyse des années 2021 et 2022 est rendue beaucoup plus complexe du fait des financements composites relance/ORE. En effet, s'agissant des seules créations de places financées par le programme 150, leur nombre est négatif à l'échelle nationale, alors même que les crédits ORE continuent à augmenter.

En revanche, les financements de places par des crédits « relance » s'élèvent à 48 millions d'euros en 2021 et 37,6 millions d'euros en 2022, soit un financement total des créations de places à hauteur de respectivement 142 millions d'euros et 143 millions d'euros. Sur la base d'un financement moyen à hauteur de 3 200 euros, cela reviendrait à environ 26 000 places créées en 2021 et 2022. Cette estimation n'est nécessairement qu'une approximation, dans la mesure où :

- le nombre d'établissements ayant opté pour un financement intégralement « relance » ou un financement composite n'a pas été communiqué par le ministère au rapporteur spécial, malgré sa demande ;

- le montant moyen de 3 200 euros ne tient pas compte des places financées plus largement dans certaines filières spécifiques.

Pour cette raison, le nombre de créations de places financées par des crédits relance ne figure pas dans le tableau récapitulatif ci-après.

Évolution des financements des créations de places dans l'enseignement supérieur

(en millions d'euros et en nombre de places)

NB : données non encore connues pour 2022.

Source : commission des finances

L'établissement d'un financement à 3 200 euros par place rapprochait le forfait du coût moyen d'une place en licence, pourtant supérieur au coût marginal, et pouvait donc potentiellement se traduire par un bénéfice pour les universités.

Enfin, pour ajouter à une gestion déjà considérablement brouillée par la stratification des financements, le ministère a indiqué qu'afin de remédier à la possible sous-dotation de certains établissements, il a procédé au versement de « dotations de rééquilibrage de la SCSP »15(*) dont il va sans dire qu'elles ne figurent pas dans les documents consolidés fournis au rapporteur spécial.

Une analyse plus détaillée à l'échelle de l'académie accentue l'impression d'opacité dans la répartition et d'un éloignement de la doctrine présentée plus haut au profit d'une attribution empirique et de la négociation en gestion.

Ainsi, les établissements de l'académie d'Aix-Marseille auront bénéficié sur l'ensemble de la période 2018-2022 de 10,9 millions d'euros de financements au titre des créations de places, pour un total de 1 824 places supplémentaires. Cela revient donc à un montant moyen par place de 5 970 euros16(*). La quasi-totalité de ces moyens supplémentaires est soclée dans la SCSP versée aux différents établissements et continuera à être versée au cours des prochaines années, sans que l'utilisation finale de ces crédits ne soit réellement explicitée, le financement par place semblant particulièrement élevé.

3. Une dissociation avec les besoins réels plusieurs fois soulignée
a) La liberté laissée aux établissements a entraîné une décorrélation entre les places créées et les filières les plus en tension

Le nombre de places supplémentaires financées est un volume théorique qui ne correspond pas au volume des places supplémentaires créées, c'est-à-dire effectivement ouvertes pour le recrutement d'étudiants. Mais au-delà du montant des financements, se pose la question de leur usage par rapport à l'objectif initial de la loi ORE, à savoir accueillir un nombre croissant d'étudiants dans les filières en tension.

La critique d'une déconnexion, favorisée par le caractère théorique des créations de places, entre les financements et la démographie étudiante au niveau de chaque filière a été formulée par plusieurs acteurs. Elle figurait déjà dans le rapport de la Cour des comptes de 2020 et a été formulée à plusieurs reprises par le rapporteur spécial dans ses derniers rapports budgétaires.

Au cours du dialogue de gestion, le ministère transmet aux établissements les données relatives au taux de pression (nombre de dossiers reçus sur Parcoursup / capacités de la filière) et au taux de remplissage (nombre d'admis / capacité de la filière) pour chaque formation. L'apport concret de ces données en gestion doit cependant être nuancé.

D'une part, la Cour des comptes a souligné les limites de ces indicateurs : « le calcul du taux de pression tel qu'il a été défini ne reflète pas la réalité des filières en tension. Il devrait être calculé à partir du rang du dernier appelé sur la liste d'attente par rapport au nombre total de candidats ».

D'autre part, dès lors que, comme présenté plus haut, les établissements demeurent libres de choisir les formations dans lesquelles ils créent des places, les taux de pression et de remplissage n'ont qu'une valeur purement indicative pour les établissements et en aucun cas ne sont contraignants.

L'administration l'indique ainsi très clairement dans les réponses fournies au rapporteur spécial : « le critère du taux de pression n'a pas été utilisé dans le suivi des places effectivement créées ».

Au niveau national, les principales filières ayant connu les plus fortes hausses de places sont les suivantes : Chimie (+ 28 %), Mathématiques (+ 20 %) ; Sciences de la vie, biologie, santé (+ 20 %) ; Médecine (+ 18 %) ; Sociologie et démographie (+ 17 %). On note de fortes différences selon les territoires : dans l'académie d'Aix-Marseille, la filière droit, économie et gestion était la plus en tension en 2018 avec un taux de 94,9 %, dans l'académie de Bordeaux, la filière Staps était la plus en tension avec un taux de 100 %17(*).

Toutefois, le ministère n'a pas pu fournir au rapporteur spécial la ventilation des places créées par filière, donnée qui semble pourtant exister, au moins au niveau des rectorats.

En particulier, le rapporteur spécial s'interroge sur le fait d'avoir opté pour un financement sur la base d'une montée de cohorte automatique de places : dès lors que la première année un établissement a bénéficié d'un certain montant au titre de créations de places en L1, ce montant sera étendu à la L2 l'année suivante, puis la L3 la troisième. Interrogé par le rapporteur spécial, le ministère considère qu'il appartient aux universités de réaliser un ajustement en interne entre filières en L1 et L2 « vues les faibles pertes en ligne »18(*).

Or, les pertes en ligne sont précisément loin d'être anecdotiques, en particulier dans les formations en tension. Comme l'indique le tableau ci-dessous, près de la moitié des étudiants de L1 ne passent pas en L2 l'année suivante, toutes filières confondues.

Taux de passage des étudiants de L1 en L2 par filière

(en %)

 

2018

2019

Droit et sciences politiques

43,0

54,1

Économie, gestion

42,3

52,9

Arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales

46,0

51,0

Sciences-santé

47,4

55,3

STAPS

48,0

54,8

Psychologie

47,3

59,6

Ensemble

45,5

53,5

Source : SIES

Le système par cohorte, s'il a pour mérite de simplifier la gestion, va dans le sens d'un financement purement théorique, dont l'objectif n'est pas nécessairement de coller à la réalité de terrain des besoins de places mais de donner des marges de manoeuvre financières aux universités pour créer des places.

Il est certain que l'absence de système informatique adapté ne simplifie pas la prise en compte des évolutions démographiques à l'intérieur de la licence, comme cela sera explicité ultérieurement. Toutefois, le ministère a été confronté à l'impossibilité de répliquer le système de cohortes pour les masters, face à l'évident rétrécissement démographique entre la L3 et le master 1. Au niveau master, les financements ont été notifiés au regard de l'évolution prévisionnelle du nombre d'inscrits à la rentrée 2021, par comparaison entre les prévisions d'effectifs 2021 et les effectifs 2020 dans les mentions qui présentent un taux de remplissage en 2020 au moins égal au taux moyen constaté sur l'ensemble du territoire (soit 77 %).

Le ministère a donc indiqué au rapporteur spécial avoir utilisé les données fournies par l'application SISE pour adapter les créations de places au nombre d'élèves scolarisés en master. S'il est certain que SISE ne constitue pas l'outil le plus adapté, le temps de fiabilisation des remontées étant très long et donnant lieu à des ajustements avec un ou deux ans d'écart, cela prouve au moins que la mise en place d'un système identique pour la licence.

Le tableau infra liste les formations ayant bénéficié de financements de places en 2020 dans l'académie d'Aix-Marseille et indique pour chacune d'entre elles les taux de pression et de remplissage de l'année.

Il appelle deux constats principaux.

D'une part, les filières ayant un taux de pression très élevé ne sont pas nécessairement celles qui fonctionnent à plein de leurs capacités. À titre d'exemple, en L1 STAPS à l'université de Toulon, le taux de pression s'élève à 7,2, mais le taux de remplissage de la formation n'était que de 90 %.

D'autre part, les formations où les taux de pression ou de remplissage étaient très élevés ne sont pas toujours celles ayant reçu le plus de financements au titre des créations de places. Ainsi, en licence Langues étrangères appliquées Anglais-Coréen à Aix Marseille Université, le taux de pression en 2020 s'élevait à 15,5 et le taux de remplissage à 98 %, mais la formation a recueilli le même montant de financement (40 000 euros soit 25 places créées) que la formation Sciences du langage à l'université Côte d'Azur dont le taux de pression n'était que de 3,8.

Financement des créations de places en 2020 dans l'académie d'Aix-Marseille

(en euros et en %)

Établissement

Parcours

Taux de pression

Taux de remplissage

financement L1

Financement L2

Nombre de places de L1 créées

Nombre de places de L2 créées

Université Côte d'Azur

Lettres

3,6

85,9 %

0

48 000

0

30

Université Côte d'Azur

Sciences du langage

3,8

94,4 %

0

41 600

0

26

Université de Toulon

Droit

4,1

92,9 %

0

70 400

0

44

Université Côte d'Azur

Musicologie

4,4

94,4 %

0

22 400

0

14

Aix-Marseille Université - Site de Marseille Espace Canebière

Droit

4,6

97,1 %

0

68 800

0

43

Avignon Université

Droit

5,2

98,8 %

0

5 000

0

2

Aix Marseille Université - Site d'Aix-en-Provence

Droit

5,3

99,0 %

0

64 000

0

40

Université Côte d'Azur

Droit

5,4

98,0 %

102 400

75 200

32

47

Université Côte d'Azur

Mathématiques & Informatique Appliqués aux Sciences humaines (MIASH)

6,0

89,1 %

0

113 600

0

71

Aix Marseille Université - Site d'Aix-en-Provence

Psychologie - Psychologie à distance

6,7

100,0 %

0

52 000

0

40

Université de Toulon

STAPS

7,2

90,1 %

0

22 400

0

14

Université Côte d'Azur

Sciences de l'Homme, Anthropologie, Ethnologie

7,4

94,4 %

0

40 000

0

25

Avignon Université

Science Politique et Europe

7,8

98,5 %

0

25 000

0

10

Université Côte d'Azur

Psychologie

8,4

96,7 %

76 800

30 400

24

19

Université Côte d'Azur

STAPS

8,6

92,1 %

44 800

35 200

14

22

Avignon Université

Sciences de la vie et de la terre

9,8

96,2 %

0

62 500

0

25

Avignon Université

STAPS

13,9

97,7 %

0

50 000

0

20

Aix Marseille Université - Site d'Aix-en-Provence

Langues étrangères appliquées - LEA Anglais-Coréen

15,5

98,0 %

0

40 000

0

25

Total 2020 pour l'académie

     

224 000

866 500

70

517

Source : commission des finances d'après les réponses fournies par la DGESIP

b) Un dispositif de contrôle resté à l'état d'ébauche qui rend impossible tout contrôle de la performance des crédits

La Cour des comptes indiquait en 2020 que « la méthode de calcul retenue par le ministère a pu engendrer le financement de places n'accueillant finalement aucun étudiant. Ainsi, sur 21 239 places supplémentaires financées en 2018-2019 à l'université, 8 107 n'ont pas été honorées via Parcoursup dans 401 formations, soit un peu plus du tiers des places créées et financées ». En effet, elle indiquait que le ministère considérait que « l'absence d'étudiants positionnés sur ces places nouvellement créées ne donne pas lieu à réduction des moyens puisque le but, pour le ministère, est d'une part, de maintenir de manière pérenne ces capacités d'accueil pour faire face aux flux d'étudiants à venir, et, d'autre part de fluidifier l'attente des candidats sur Parcoursup ». Une explication identique a été fournie au rapporteur spécial lors de l'audition de la DGESIP.

Or, la Cour concluait en 2020 que « ces modalités de financement ne peuvent constituer une méthode de pilotage des flux qui ne nécessite aucun moyen supplémentaire. Elles doivent être revues pour financer les inscrits supplémentaires ». Il n'en a visiblement rien été, bien que le ministère assure « suivre la création effective des places qu'il a financées »19(*).

Plus étonnant encore, le ministère semble avoir mis fin au seul système de consolidation des places qui existait entre 2019 et 2021. Le rectorat d'Île-de-France indique ainsi qu'il « y a eu un outil de suivi mis en place par le ministère pendant 2 ans en 2019 et en 2020 qui était aussi un outil de dialogue avec les établissements. Le tableau de liaison capacités 2019 puis 2020 permettait d'identifier pour chaque établissement et par mention de licence les augmentations de places en L1 puis en L2 à financer. Cet outil a été abandonné par la DGESIP en 2021, ce qui a mis fin au suivi à la place »20(*).

L'abandon de cet outil de suivi, qui permettait, malgré toutes les limites précédemment soulignées, de conserver un maigre contrôle a posteriori de la pertinence des places créées par les établissements par rapport aux données issues de Parcoursup, découle de la difficulté, voire l'impossibilité, d'identifier l'origine du financement des places créées (par le plan de relance ou par des crédits ORE).

En conséquence, les réponses transmises par l'administration parlent d'elles-mêmes : « de surcroît, à partir de juillet 2021 le rectorat n'a pas été associé par le ministère à la totalité du dialogue avec les universités sur le financement des créations de places, notamment sur le bouclage final de financement pour certaines formations plus spécifiques sur des filières en tension ou des métiers d'avenir (IUT, filière informatique par exemple). À partir de ce moment, nous n'avons plus pu suivre de manière fine et précise la volumétrie et l'identification des places créées sur financement loi ORE et Plan de relance »21(*).

Ainsi, le ministère ne dispose actuellement pas de pouvoir de contrôle sur les établissements et n'est pas en mesure de vérifier d'une part que les places financées ont bien été créées et d'autre part qu'elles l'ont été dans des filières en tension. Le rapporteur spécial considère qu'il est essentiel de travailler sur ce point.

Recommandation n° 5 : Conduire une réelle politique d'évaluation des places en licence ouvertes au cours des dernières années afin de l'adapter aux besoins démographiques (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

Le ministère indique toutefois assurer une correction lorsque le nombre d'étudiants est en-deçà des estimations. En l'absence de doctrine formulée par la DGESIP, il semble que ces fermetures ne soient en réalité pas corrélées aux évolutions démographiques.

Ainsi, dans l'académie d'Aix-Marseille, en 2020, seules trois formations ont fait l'objet d'une diminution des places ouvertes par rapport à l'année précédente. Elles figurent dans le tableau ci-dessous. Le rapporteur spécial s'interroge sur le choix de ces trois parcours alors que leurs taux de remplissage et de tension ne sont pas inférieurs aux autres, voire que ces formations ont « fait le plein » en 2019 et 2020.

Fermetures de places en L1 en 2020 dans l'académie d'Aix-Marseille

(en euros et en %)

Parcours

Taux de pression

Taux de remplissage

Financements en moins

Nombre de places de L1 fermées

Informatique

6,0

99,3 %

-100 000

-40

Droit

5,2

98,8 %

-52 500

-21

Anglais

5,3

98,8 %

-72 500

-29

Source : commission des finances d'après les documents fournis par la DGESIP

Dans la région interacadémique d'Île-de-France, où « a priori, il n'existe pas de filière où la pression démographique est moindre qu'en 2018 »22(*), la baisse des places a touché en 2020, l'ensemble des domaines. Les années suivantes, la capacité d'accueil a augmenté mais elle reste désormais inférieure à la capacité d'accueil de 2018, sauf pour la médecine et pour les spécialités de Droit-Économie-Gestion. Le rectorat précise toutefois que « les baisses de capacités d'accueil font l'objet d'un travail de dentelle, et le solde global n'est pas significatif pour l'Ile-de-France sur la compréhension des évolutions tant l'effet volume additionné joue sur le total ».

Évolution du nombre de places en L1 par filière dans la région interacadémique d'Île de France et comparaison avec le taux de pression de ces filières

 

2018

2019

2020

Évolution 2018/2020

Évolution du taux de pression 2018/2020

2021

2022

Évolution 2018 / 2022

Évolution du taux de pression 2018/2022

Arts, lettres et langues

21 458

20 959

19 118

-2 340

-2,1

18 829

18 879

-2 579

-1

Droit, économie, gestion

18 777

19 036

18 725

-52

+ 2,7

20 166

20 394

1 617

+ 7,6

Sciences et technologie

10 701

11 411

10 595

-106

0

10 367

10 388

-313

+ 10,9

Sciences humaines et sociales

14 345

13 933

13 797

-548

-9

13 716

13 803

-542

- 4,2

Médecine

8 110

7 910

7 633

-477

+ 18,1

8 241

8 306

196

+ 38,1

Total

73 391

73 249

69 868

-3 523

-1,5

71 319

71 770

-1 621

+ 3

Source : commission des finances d'après le rectorat délégué de la région interacadémique Ile de France

Le rapporteur spécial ne peut que considérer comme stupéfiante l'absence de traçabilité des crédits au vu des montants en jeu et des enjeux pour la scolarisation de milliers d'étudiants. L'opacité de l'utilisation des crédits rend impossible toute tentative de contrôle de la performance des financements publics. En outre, si les financements « relance » ont sans aucun doute complexifié le suivi, les lacunes de celui-ci avait déjà précédemment fait l'objet de nombreuses critiques.

II. UN DISPOSITIF DE PILOTAGE ET D'ÉVALUATION DE LA LOI LACUNAIRE

A. FAUTE DE SYSTÈME D'INFORMATION ET D'INDICATEURS FINALISÉS, QUEL PILOTAGE PAR LA DONNÉE ?

1. Des alertes multiples sur les insuffisances du pilotage dès 2019

Un comité de suivi de la loi ORE a été installé par la ministre de l'enseignement supérieur le 21 juin 2018. À cette occasion, la ministre a précisé le rôle du comité : « votre mission sera d'évaluer et d'apprécier dans leur globalité et dans leur cohérence les effets de la loi Orientation et réussite des étudiants ». Elle ajoute : « articulation entre les équipes pédagogiques de l'enseignement supérieur et de l'enseignement secondaire ; examen des voeux et mise en place des dispositifs d'accompagnement pédagogique ; évaluation des effets de la réforme sur les inégalités sociales et territoriales. Ce sont à ces questions que le comité de suivi sera amené à se confronter »23(*).

Malheureusement, ce programme ambitieux n'aura, semble-t-il, pas dépassé la première étape. Le rapporteur spécial n'a pas trouvé trace d'une activité du comité de suivi après la remise de son premier rapport en octobre 2019. L'administration n'a pas répondu à ses interrogations sur les raisons de l'interruption des travaux du comité dès la première année de mise en place de la loi ORE. Cette question demeure d'autant plus que le rapport de 2019 du comité de suivi mentionne des travaux à venir et précise bien qu'il s'agit d'un premier bilan.

Il est vrai que le comité a soulevé, dès son rapport, les lacunes du pilotage observées au cours de la première année de mise en place de la loi ORE. Il souligne ainsi « la nécessité, pour le ministère, d'avancer sur deux plans : d'une part, celui de l'évolution du dialogue avec les établissements, qui devrait s'appuyer sur des catégories et concepts plus robustes, le développement d'un accompagnement inscrit dans la durée des établissements d'enseignement supérieur [...] ; d'autre part, celui de la construction d'un dispositif d'évaluation, qui soit - idéalement - cohérent avec l'esprit de la loi - et donc adossé au contrat de réussite -, assis sur une conception rénovée de la réussite et utile à l'ensemble des acteurs ». Le comité ajoute que « la cohérence globale du pilotage doit prendre en compte le manque d'unité politique d'une part et budgétaire d'autre part ».

Un an plus tard, le constat des lacunes du pilotage effectué par la Cour des comptes sur des moyens « mal suivis » et « décorrélés des besoins effectifs » sera tout aussi sévère. La Cour critique « une méthode de financement de places supplémentaires à repenser » et indique que « le suivi de l'emploi des crédits attribués et des agents recrutés n'est pas efficace »24(*).

2. L'autonomie des universités a pu limiter la consolidation des données au niveau national
a) Un pilotage qui doit tenir compte de la double nature des universités

Le comité de suivi de la loi ORE l'indiquait dès 2019 : « le pilotage se trouve ici compliqué, en raison d'une part de la mise en oeuvre extrêmement rapide de la loi et d'autre part, de la double nature des universités, à la fois opérateurs ministériels et établissements autonomes ».

Ainsi, le rapporteur spécial a pu entendre à de multiples reprises lors des auditions, que le ministère n'avait pas été en capacité d'accéder aux données du fait de la liberté des universités dans le déploiement des dispositifs « Oui si » ou dans le choix des nouvelles places créées.

Il est certain que les difficultés de remontée des données sont en partie le résultat d'une absence de vision consolidée des données au niveau des établissements eux-mêmes. Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur a ainsi indiqué au rapporteur spécial avoir constaté au niveau des universités un « défaut de pilotage global des formations »25(*) qui engendrerait, à son tour, les lacunes du pilotage au niveau des rectorats, puis de l'administration centrale.

Dans un rapport également paru en 2020, l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche souligne que la « phase de collecte et de validation des données avec les établissements est cependant révélatrice de la faiblesse des établissements en matière de pilotage des données relatives au suivi des résultats des étudiants ». Le rapport met en avant une « collecte des données délicate qui met en évidence des marges de progrès significatives dans les établissements »26(*).

Le rapporteur spécial souligne néanmoins que, bien qu'autonomes, et s'il ne s'agit bien entendu pas de remettre en cause cette autonomie, les universités restent des opérateurs de l'État et doivent à ce titre rendre des comptes sur l'utilisation des financements accordés annuellement par le Parlement. Le renforcement du dialogue entre les établissements et l'administration sur l'accès aux données doit donc constituer une priorité.

Les réponses du rectorat délégué d'Île-de-France mentionnent que le contexte du pilotage des dispositifs et des moyens ORE découle « de l'autonomie des universités qui décident ou non de s'emparer des outils créés par la loi ». Or d'une part, dès lors que le législateur s'est prononcé sur la mise en place de nouvelles missions, les universités doivent les mettre en place, et d'autre part, il appartient au ministère de l'enseignement supérieur de s'assurer que les crédits alloués correspondent effectivement aux orientations et aux dispositifs figurant dans la loi.

b) Une consolidation nationale des données parcellaire

Pour certains sujets, le ministère ne dispose que d'une vision très limitée des dispositifs mis en place par les universités, essentiellement sur la base d'enquêtes. À titre d'exemple, il n'existe toujours pas, cinq ans après leur généralisation, de cartographie générale et d'analyse des parcours « oui si ».

En 2019, le comité de suivi indiquait ainsi : « il serait assurément présomptueux de porter dès à présent un jugement de nature évaluative sur les effets de la loi ORE pour les publics étudiants. Une première raison tient à l'absence de remontées de données de suivi en provenance des établissements du supérieur. Ces données de suivi sont en effet essentielles à la fois pour le pilotage ministériel de la réforme et pour accompagner les acteurs de terrain ». Or, en 2023, le rapporteur spécial ne peut que reprendre à son compte cette remarque.

L'exemple le plus significatif est celui du suivi des emplois supplémentaires liés à la loi ORE. En 2020, la Cour indiquait que le ministère « ne disposait pas de données sur les emplois effectivement créés dans les universités au titre de la loi ORE », « ne connaît ni le nombre de personnes recrutées ni le type de support proposé » et « refusait de mettre en place des outils de suivi fins, considérant que la restitution des créations d'emplois au Parlement dans le rapport annuel de performance est suffisante ».

En 2023, le ministère ne semble pas davantage être en capacité de fournir un suivi des emplois créés en lien avec la loi ORE. Le ministère considère que « compte tenu notamment du nombre d'opérateurs relevant du programme 150, il n'est pas possible de quantifier avec précision la corrélation entre les schémas d'emploi réalisés par les établissements et les crédits alloués dans le cadre de la loi ORE pour la création de places sur le cycle de licence »27(*). Il a pu procéder à des estimations et a pu fournir un nombre de 2 968 ETPT supplémentaires entre 2018 et 202228(*).

Ce chiffrage reste extrêmement approximatif, dans la mesure où la DGESIP considère que l'ensemble du schéma d'emplois sur la période est imputable à la loi ORE, « dans la mesure où les mesures nouvelles de masse salariale inscrites en LFI de 2018 à 2021 concernaient pour l'essentiel la mise en oeuvre de la loi ORE »29(*), ce qui constitue un point de départ contestable ne tenant pas compte des politiques de formations hors ORE que les établissements ont pu mettre en place. En outre, ce chiffre est issu d'un calcul entre les moyens supplémentaires accordés annuellement et un coût moyen par emploi de 60 000 euros, qui n'est pas représentatif de l'éventail des rémunérations applicables.

Cette absence de données consolidées découle déjà d'une absence de consolidation au niveau académique : « nous ne disposons pas de données précises concernant le nombre de recrutements opérés par les universités ni l'impact sur le taux d'encadrement »30(*).

S'agissant des créations de places, le rapporteur spécial a largement détaillé supra l'absence de contrôle systématisé et les lacunes du suivi.

c) L'ambition de la déconcentration face aux limites des rectorats

Comme cela a été présenté plus haut, le rôle des recteurs a été renforcé par la mise en place du dialogue de gestion. Les réponses transmises par la DGESIP au rapporteur spécial dressent du DSG un bilan pour le moins positif : cette évolution aurait « permis de disposer d'une expertise de proximité, au plus proche des besoins avérés pour les établissements et a ainsi permis une allocation au plus juste des besoins ».

Cette vision semble devoir être largement nuancée.

D'une part, les rectorats n'ont pas tous été en mesure d'obtenir des données des établissements, faute de système d'information adapté. Ensuite, les rectorats ont joué un rôle de remonté des données plus ou moins approfondi, la DGESIP elle-même reconnaissant des « disparités entre les rectorats dans les remontées d'informations »31(*).

Le suivi devrait être facilité dans les rectorats de région qui disposent d'un recteur délégué à l'enseignement supérieur. Les rectorats d'académies qui disposaient de la compétence « enseignement supérieur et recherche » ont piloté le déploiement territorial des dispositifs issus de la loi ORE de 2018 à 2020, avant un changement de ressort de la compétence au profit des nouvelles régions académiques. Toutefois, le rôle du recteur délégué reste très variable selon les académies et l'investissement du recteur d'académie dans les domaines relevant de l'enseignement supérieur. En particulier, la consolidation des données au niveau interacadémique n'est pas toujours évidente. Le rectorat délégué d'Île-de-France indique que la consolidation des données des trois académies d'Île-de-France est rendue complexe par la coexistence de « cultures professionnelles différentes entre les trois académies, ayant chacune administré les données des dispositifs ORE selon des modalités propres entre 2018 et 2020 ». Le rectorat délégué soulève également la question d'une « structuration très progressive de l'échelon « région académique » depuis 2020 qui n'a pas permis, à ce stade, d'aboutir à des tableaux de bord harmonisés »32(*).

D'autre part, il semble qu'il existe un manque de fluidité dans les relations entre les rectorats et l'administration centrale, dans un sens descendant, a minima sur la question des crédits ORE. Ainsi, les réponses fournies au rapporteur spécial indiquent qu'en« l'absence d'informations complètes sur ce qui a été négocié par le ministère avec les établissements, le rectorat n'a plus été en capacité de retracer à la place près les financements accordés, et inversement », en particulier après la remontée de la gestion des créations de place en administration centrale après 2021.

Les rectorats semblent parfois pris entre deux échelons. Ainsi, s'agissant de l'évolution du taux d'encadrement des étudiants, les indicateurs sont calculés en interne aux universités ou au ministère, mais le rectorat ne dispose pas de ces informations.

B. UN CADRE DE PERFORMANCE DE LA LOI ORE QUI LAISSE À DÉSIRER

1. Le « péché originel de la loi ORE » : un enjeu de définition de la réussite étudiante qui n'a jamais été tranché

Dans la mesure où l'objectif premier de la loi ORE est d'améliorer la réussite étudiante, il importait en premier lieu de définir le concept de réussite, qui ne peut selon le rapporteur spécial être réductible au passage à l'année supérieure.

Or, la mise en oeuvre de la loi n'est pas allée de pair avec une définition claire de ce qui constitue, pour un étudiant, la réussite de son année.

Ainsi, en 2019, le comité de suivi de la loi ORE indiquait ainsi : « il s'agit bien de comprendre, en définitive, si la mobilisation des outils de la loi ORE par les acteurs de terrain produit des modifications significatives des trajectoires étudiantes qui, elles-mêmes, s'accompagnent d'une amélioration mesurable de la réussite. Question sensible, qui conduit à aborder le problème des données aujourd'hui encore peu accessibles et insuffisamment centrées sur les élèves, la pertinence des indicateurs de mesure aujourd'hui utilisés et, in fine, d'interroger la notion même de « réussite » étudiante ».

Interrogée sur la liste et le déploiement des indicateurs de performance liés à la loi ORE, la DGESIP a uniquement répondu au rapporteur spécial que « des indicateurs de suivi [avaient] été définis de manière spécifique selon les mesures ». À la même question, la sous-direction des systèmes d'information et d'études statistiques (SIES) a répondu que les indicateurs utilisés se basaient sur le suivi de la réussite des étudiants en premier cycle, le nombre de contrats pédagogiques signés, le nombre d'étudiants bénéficiant de dispositifs « oui si », le nombre de licences ayant individualisé leurs parcours, le nombre d'étudiants en licence aménagée, le déploiement de l'approche par compétences.

Le SIES a indiqué disposer de remontées d'informations annuelles des universités, sur les inscriptions et sur les résultats des étudiants inscrits en 1ère année de licence. Il est en capacité de connaître le nombre d'ECTS33(*) acquis en fin d'année et si l'étudiant a été présent à au moins un examen de chaque unité d'enseignement (UE). Les difficultés d'accès aux données ne sont pas non plus inexistantes sur ce point. Ainsi, le SIES indique que, concernant la présence à au moins un examen de chaque UE, les résultats « laissent douter de la qualité des remontées d'information sur ce point. Des étudiants « non-assidus » étant retrouvés massivement en 2ème année pour certaines disciplines et/ou certains établissements ».

2. Une évaluation encore complexifiée par la crise sanitaire et la réforme du lycée

Au-delà de la question de l'absence d'indicateurs de performance, la mesure globale de l'impact du changement des modalités d'accès au supérieur mis en place par la loi ORE sur les évolutions démographiques et sur la réussite étudiante doit tenir compte de deux changements majeurs.

D'une part, la réforme du lycée, qui n'a été pleinement achevée que cette année avec la mise en place des épreuves de spécialité, a modifié dans certaines universités les critères d'intégration en licence et a pu nécessiter de nouveaux aménagements de parcours, entraînant parfois des évolutions dans les formations proposées par les universités qui ont percuté les créations de places.

D'autre part, la crise sanitaire de 2020 a fortement modifié les conditions de passage du baccalauréat, entraînant un afflux de bacheliers supplémentaires en 2020 et 2021 dans l'enseignement supérieur.

Ainsi, si diverses notes du SIES soulignent une hausse globale du taux de passage en L2 en 2019 et 2020, il est difficile d'isoler les effets de la loi ORE des facteurs extérieurs.

Taux de passage en L2 des néo-bacheliers entrant en licence

(en %)

Source : commission des finances d'après le SIES

C. UN EXEMPLE DES LIMITES DU PILOTAGE : QUEL IMPACT DES DISPOSITIFS D'ACCOMPAGNEMENT ?

La loi ORE a généralisé la mise en place de modulations spécifiques de la 1ère année de licence (licence aménagée ou « oui si »34(*)). Celles-ci se traduisent sous deux formes : soit un accompagnement pédagogique particulier (mentorat, renforcement disciplinaire) soit un allongement de la durée de la licence, le plus souvent en 4 ans. Lors de son entrée dans l'enseignement supérieur, l'étudiant signe alors un contrat pédagogique, qui précise les mesures d'accompagnement choisies.

Si les dispositifs « Oui si » sont en hausse, ils ne concernent qu'une part très minoritaire des étudiants, soit moins de 30 000.

Aménagement Loi ORE en L1 en 2021

Source : commission des finances d'après le SIES

Le choix de la licence en 3 ans mais avec des compléments (renforcement méthodologique ou mentorat) reste la possibilité la plus utilisée et représente les deux tiers des aménagements en licence.

Répartition des étudiants en licence aménagée en 2021

Source : commission des finances d'après le SIES

Les crédits accordés au titre des dispositifs ont été accordés dans le cadre du DSG, comme les autres dispositifs ORE.

Montants globaux accordés aux établissements
au titre des dispositifs « oui si »

(en millions d'euros)

Montants des crédits « Oui si » en 2022

Montants des crédits « Oui si » 2018/2022

38,205

139,870

Source : commission des finances d'après les réponses fournies au rapporteur spécial

Les syndicats d'enseignants, entendus par le rapporteur spécial, soulignent en outre que la logique d'appel à projets qui a été appliquée pour certains financements ORE a principalement bénéficié aux universités qui avaient déjà mis en place des initiatives similaires et disposaient à ce titre de l'ingénierie, davantage qu'à l'incitation à de nouveaux dispositifs dans des universités ayant auparavant peu de dispositifs d'accompagnement étudiant.

Les ressentis sur les dispositifs d'accompagnement sont très variables selon les acteurs entendus par le rapporteur spécial. La Cour des comptes constate que les dispositifs sont insuffisamment ciblés sur les étudiants les plus faibles et n'entraînent pas toujours une réduction du taux d'absentéisme. Elle indique que « l'impact sur la réussite des étudiants est bien inférieur à ce qui était attendu »35(*), d'autant plus que les étudiants en « oui si » sont acceptés dans des filières déjà un taux moyen de réussite faible. Les syndicats étudiants vont dans le même sens : « les universités ne s'en sont pas saisies de façon suffisante pour qu'on constate un réel impact sur la réussite »36(*).

Les universités comme l'administration considèrent les résultats en terme de taux de présence et de réussite aux examens comme globalement encourageants. Mais une volonté d'analyse plus approfondie se heurte d'une part à la difficulté d'isoler l'effet « oui si » dans les variations des résultats au cours des dernières années, et d'autre part à l'absence de remontées consolidées publiées sur le sujet.

En outre, la loi ORE aura pu, à certaines occasions, fonctionner comme un label accordé à certaines initiatives déjà existantes localement. La Cour des comptes signalait ainsi dans son premier bilan de la loi ORE en 202037(*) qu'au sein des 26 universités ayant mis en place une aide à la réussite avant la loi ORE, et alors que le MESRI en attendait une extension, une amélioration ou une généralisation, seules 16 avaient étendu le dispositif à 67 nouvelles formations en 2018-2019. Ainsi, les néo-bacheliers en licence aménagées représentaient déjà 6 % des effectifs de L1, soit plus de 15 000 étudiants.

Évolution de la proportion d'étudiants bénéficiant d'aménagements ORE

(en %)

Source : commission des finances d'après la DGESIP

Chaque établissement a été laissé libre sur la mise en place des « oui si » et sur le suivi des dispositifs. En conséquence, l'analyse des « oui si » et de leur impact pédagogique n'est pas aisé à faire car il implique une vision fine du parcours des étudiants suivant des modalités variables d'une université à l'autre. Certaines universités ont fait le choix d'un renforcement disciplinaire ; d'un appui méthodologique, assorti éventuellement de la suppression de certaines options ; d'autres de mise en place de tutorat, selon là encore des modalités et des temporalités différentes ; d'autres, dans le cadre de la licence en 4 ans, d'une transformation de la première année en année propédeutique, d'autres enfin d'une extension de la validation des cours de la première année en deux ans. En conséquence, la mise en place d'indicateurs de performance est nécessairement complexe, faute d'harmonisation.

Si chaque rectorat a normalement établi un bilan des « oui si » dans son académie, la consolidation nationale des données s'est heurtée aux mêmes difficultés que celles mentionnées sur le suivi des créations de place. Le rectorat d'Île-de-France précise qu'en 2019 la DGESIP a établi un tableau académique de répartition des moyens au titre des dispositifs et parcours « oui si » sur l'année 2018-2019 qui devait permettre de suivre la répartition des moyens, dispositif par dispositif, dans chacun des établissements et d'ajuster l'année suivante en fonction des bilans. Si ce tableau a bien été actualisé en 2020, il semble avoir été abandonné depuis, sans que le rapporteur spécial ne dispose d'information sur les raisons ayant présidé à la disparition du tableau.

Dans la mesure où le financement des dispositifs d'accompagnement a été pérennisé en 2023, le rapporteur spécial considère qu'il est plus que nécessaire d'établir un véritable bilan approfondi des dispositifs « Oui si », recommandation déjà formulée par le comité de suivi de la loi ORE en 2019. Ce bilan devrait à la fois consister en un recensement des différentes actions menées par les universités, l'identification de « bonnes pratiques » dans les universités où les « oui si » fonctionnent le mieux, et en une analyse statistique approfondie pour définir autant que possible l'impact des « oui si ». Dans la mesure où les différents rectorats ont déjà établi des évaluations, il serait pertinent de s'appuyer sur celles-ci.

Recommandation n° 6 : Conduire un travail de recensement et définir une véritable grille d'évaluation des dispositifs d'accompagnement à la réussite au niveau national - « Oui si » (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

TROISIÈME PARTIE
LES LEÇONS DE LA LOI ORE, RECENTRER ET CONSOLIDER LE MODÈLE DE FINANCEMENT AUTOUR DU PARCOURS DES ÉTUDIANTS

Au-delà du bilan des mesures liées à la loi ORE, nécessaire au vu des ambitions initiales de la loi et des montants mobilisés, le rapporteur spécial attire l'attention sur le fait qu'il est nécessaire, dans une vision prospective, de mobiliser les leçons à tirer des limites soulevées précédemment.

I. CRÉER UN VÉRITABLE PILOTAGE NATIONAL DU PREMIER CYCLE PAR LA CONSTRUCTION DE SYSTÈMES D'INFORMATION ROBUSTES

Ainsi qu'il ressort des analyses de la deuxième partie, la mise en place de la loi ORE s'est heurtée à des lacunes dans le pilotage national et des difficultés à maintenir une gestion consolidée face à des établissements autonomes.

A. RENFORCER LE CADRE NATIONAL DE PILOTAGE POUR DAVANTAGE DE SUIVI ET DE TRANSPARENCE DES DONNÉES

Le problème n'est pourtant pas lié uniquement à la loi ORE. Ainsi, la Cour des comptes identifiait en 2012 à propos du plan Réussite en licence de 2007 un « défaut de suivi des crédits ». La ministre chargée de l'enseignement supérieur observait en mars 2013, citée par la Cour en 2020, que l'effort de financement du plan réussir en licence (PRL) avait « en réalité plutôt servi de rustine pour colmater les déficits des universités », alors que les dispositifs prévus avaient été peu mis en place, et que l'identification et le suivi des crédits du plan Réussite en licence n'avaient pas été réalisés de manière égale par toutes les universités. Il est frappant de constater à quel point ces observations demeurent pertinentes dix ans plus tard.

En conséquence, le rapporteur spécial insiste sur le fait que le ministère doit considérer le renforcement de l'efficience des crédits alloués, et donc de leur suivi, comme un axe prioritaire d'amélioration de sa gestion.

Recommandation n° 1 : Mettre en place un réel suivi des crédits accordés aux établissements d'enseignement supérieur par le biais de leur subvention pour charges de service public et de leur exécution, consolidé au niveau national (ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

Cela ne peut passer que par le déploiement d'un système informatique interopérable entre les rectorats, l'administration centrale et les établissements, qui fait encore défaut. Dès 2019, le comité de suivi de la loi ORE indiquait que les systèmes d'information actuels « ne sont pas adaptés à ces nouveaux usages et vont rapidement constituer un obstacle à la mise en oeuvre à grande échelle des transformations appelées par la loi ORE ». Ce grand chantier informatique, toujours repoussé et qui sera de grande ampleur, tant financière que par sa durée et les changements que cela impliquera pour l'ensemble des établissements, devient néanmoins incontournable.

La remise en place d'un système d'allocation des ressources aux universités, s'inspirant du modèle SYMPA, permettant de réintroduire une logique de performance est une recommandation formulée à plusieurs reprises, notamment par le rapport de la commission des finances de 2019 précédemment mentionné. Il s'agit également d'une demande formulée par France universités : « l'absence d'un système d'allocation des moyens, répartissant les moyens sur la base d'indicateurs pondérés, connus de tous, nuit à la fluidité des relations entre les différents acteurs »38(*).

Recommandation n° 8 : Définir un système informatique permettant de formaliser l'allocation des moyens aux universités en introduisant une logique d'efficience des financements (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP).

D'autre part, le rapporteur spécial a pu constater une grande demande des acteurs auditionnés (syndicats d'enseignants et d'étudiants notamment, mais également de l'administration elle-même) pour davantage d'information et de transparence dans la gestion des données. Afin de répondre à cette demande, figure en annexe du présent rapport la déclinaison par établissement des financements perçus au titre de la loi ORE.

Sur ce point, il est vrai que la politique d'open data du ministère sur Parcoursup constitue un progrès. Mais il est nécessaire d'aller plus loin, en particulier s'agissant des données budgétaires. Les documents budgétaires sont, en effet, très succincts sur les SCSP des universités et la ventilation des moyens accordés à chaque université, a fortiori, comme on a pu le voir plus haut, sur la consommation des différentes enveloppes. Il est donc nécessaire de détailler, ne serait-ce que dans les rapports annuels de performance, le mode de calcul de la SCSP. Cette recommandation vaut également pour les sommes qui seront distribuées aux universités à partir de 2023 par le biais des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels (COMP).

Recommandation n° 2 : Intégrer dans les documents budgétaires une restitution plus détaillée de la consommation des crédits pour les principaux dispositifs de financement des universités (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - DGESIP, direction du Budget).

B. POUR LA CONSTRUCTION DE VÉRITABLES INDICATEURS DE RÉUSSITE

La construction d'un réseau d'indicateurs robustes, à la fois suffisamment précis pour tenir compte de la diversité des parcours étudiants et suffisamment partagés pour inclure le plus grand nombre de situations et d'établissements, doit constituer un sous-objectif inséparable de l'amélioration de la gestion des enveloppes aux établissements du ministère. L'enjeu est bien de construire un cadre national de suivi et d'évaluation autour de la réussite étudiante et des concepts qui la soutiennent, en unifiant notamment les indicateurs utilisés à leur niveau par chacun des établissements ou des rectorats.

En particulier, les indicateurs de réussite doivent, on l'a vu, être affinés.

Deux rapports de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche ont été remis sur ce sujet, l'un en 2020 précédemment cité39(*) et l'autre en 202140(*). Si l'existence de ces rapports va dans le sens d'une volonté ministérielle de faire avancer la définition de la réussite étudiante, le rapporteur spécial déplore que les recommandations de ces rapports ne soient pas encore complètement prises en compte.

En particulier, la mesure au travers des crédits ECTS41(*) permet de davantage tenir compte de la mobilité des étudiants et de mieux prendre en compte les réorientations, qui ne sont pas nécessairement le signe de l'échec d'une année scolaire. La question de l'accès aux données ne devrait pas être problématique sur ce point, dans la mesure où le SIES a indiqué avoir fait évoluer les remontées d'informations annuelles des universités qui semblent « bien fonctionner ». Le ministère dispose donc du nombre de crédits ECTS-cible, et celui acquis en fin d'année.

Il serait selon le rapporteur spécial souhaitable de tirer profit de ces analyses. Il serait également utile d'ouvrir une concertation sur les indicateurs les plus pertinents.

Recommandation n° 7 : Engager une réflexion sur la définition de véritables indicateurs de réussite étudiante, au-delà de la seule acquisition du diplôme (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

En tout état de cause, le rapporteur spécial se félicite que le ministère commence à mettre en place un changement d'approche dans l'évaluation de la réussite, laquelle doit davantage tenir compte de la diversité croissante des profils et des parcours étudiants.

En outre, les informations sur les filières de formation, notamment utilisées sur Parcoursup pour le choix des futurs étudiants, ne sont pas consensuelles. En particulier, la mesure de la tension dans les filières n'est pas satisfaisante selon de nombreux acteurs, et ne constitue pas un réel reflet des capacités de chaque filière. Une attention particulière doit être portée à sa définition.

C. UN AXE PRIORITAIRE : CRÉER UN SUIVI INDIVIDUALISÉ DES ÉTUDIANTS

Le rapporteur spécial souligne la pertinence de la notion de parcours étudiant et de la volonté de flexibilisation des cursus en licence. Mais il regrette que celle-ci ait été finalement partiellement perdue de vue au cours des premières années d'application de la loi ORE. Comme développé plus haut, les moyens ont été très largement concentrés sur les créations de places de sorte que l'amélioration qualitative voulue par la loi ORE est restée pour l'essentiel secondaire par rapport à la vision quantitative.

Si les réorientations sont de plus en plus nombreuses, elles ne sont pas toujours plus faciles, notamment sur le plan administratif. Quant à la modulation en licence, elle a le plus souvent pris la forme d'un prolongement de la licence en quatre ans, qui ne peut être considéré comme suffisant. France universités a notamment reconnu devant le rapporteur spécial la possibilité « d'aller beaucoup plus loin » sur la personnalisation du parcours d'études, indiquant que « le processus de maturation de la loi ORE est loin d'être achevé »42(*).

En d'autres termes, la loi ORE a partiellement échoué à résoudre son objectif initial oxymorique : accompagner individuellement le plus grand nombre. Elle aura cependant permis d'absorber avec le moins de dommages possible le choc démographique, faisant du premier cycle un bassin de décantation d'un nombre toujours plus grand d'élèves aux profils très divers.

À l'heure actuelle, les effets de la loi ORE n'ont été mesurés qu'au niveau du passage en 2e année de licence. Or, afin d'aller plus loin à l'avenir, la mesure de la réussite étudiante ne peut plus se concentrer sur le seul passage de la L1 à la L2, ou même sur l'obtention de la licence. Elle doit intégrer la modulation croissante des études et les réorientations de plus en plus fréquentes. Elle doit également intégrer la massification de l'accès au master.

Pour ce faire, il est indispensable de faire évoluer le suivi statistique de la loi vers un suivi de cohorte, qui permette d'avoir une vision fine du devenir de l'étudiant tout au long de son parcours dans l'enseignement supérieur. Alors que les premiers étudiants bénéficiant des mesures de la loi ORE viennent d'obtenir leur master, il est regrettable que ce suivi de long terme n'ait pas encore été mis en place.

En conséquence, le rapporteur spécial plaide pour le développement des systèmes d'information afin d'être en mesure de suivre le parcours d'un étudiant au cours de ses études depuis le secondaire, y compris en cas de changement d'établissement.

En particulier, alors que le continuum bac -3 / bac +3 est au coeur de la loi ORE, il n'existe aucune forme de portabilité du dossier de l'élève dans sa transition du secondaire vers le supérieur. Le rapporteur spécial se félicite de la création en cours du dispositif Insersup, qui permet de mesurer l'insertion professionnelle par diplôme, grâce à la mise en corrélation de la déclaration sociale nominative (DSN) avec le numéro de l'identifiant national étudiant (INE) qui permettra également de disposer de suivis de cohorte. Alors que le numéro INE s'étend enfin entre le secondaire et le supérieur, le rapporteur spécial considère qu'il serait souhaitable de mettre en place un système identique à Insersup pour assurer une continuité des données entre le lycée et l'enseignement supérieur.

Le rapporteur spécial est conscient que la mise en place de cette recommandation nécessite une évolution législative, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) s'opposant, en l'état actuel du droit, à l'interopérabilité des données concernant partiellement des mineurs. Le rapporteur spécial appelle donc à une telle évolution.

Recommandation n° 9 : Créer un véritable suivi de cohorte statistique, par exemple sur la base du numéro INE, du secondaire jusqu'à la fin de l'enseignement supérieur (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche - SIES).

II. MIEUX UTILISER LES LEVIERS DE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS

A. LA CONTRACTUALISATION : UNE PREMIÈRE AVANCÉE QUI NE PEUT CONSTITUER LA SEULE RÉPONSE

En LFI pour 2023, 35 millions d'euros sont prévus pour la mise en place expérimentale des contrat d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec une dizaine d'universités. Ces contrats devraient à terme être généralisés en trois vagues, pour un financement total de 300 millions d'euros environ lorsque tous les établissements seront concernés. La ministre de l'enseignement supérieur a présenté les COMP comme la partie du contrat d'établissement sur laquelle s'applique le financement à la performance, sous la supervision du rectorat.

Le rapporteur spécial l'a déjà indiqué dans son rapport sur le PLF 2023, l'idée semble être intéressante et va dans le sens d'une meilleure prise en compte de la performance des universités tout en reconnaissant leur autonomie. Les universités semblent en accueillir favorablement le principe.

Cependant, il souligne d'ores et déjà deux potentielles limites du dispositif.

D'une part, il faut souligner que, si les COMP engagent des montants supérieurs à ceux des derniers dialogues stratégiques de gestion, les sommes concernées demeurent loin d'être substantielles à l'échelle du programme 150. À titre d'exemple, le rapport sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités de la commission des finances, remis en 2019, recommandait que l'enveloppe répartie selon la performance des universités représente 5 % des ressources globales allouées, soit plus de 700 millions d'euros.

Cependant, et au vu du bilan qu'il a dressé plus haut du DSG, le rapporteur spécial souligne la nécessité de définir en amont des indicateurs efficaces. Il sera très attentif à la négociation en cours entre le ministère et les universités. Sans amélioration du suivi et du pilotage et sans systèmes d'information à la hauteur, il est à craindre que ce dispositif ne puisse réellement être utile et ne reproduise les lacunes des années passées.

Recommandation n° 3 : Conditionner les financements accordés dans le cadre des contrats d'objectif, de moyens et de performance en cours de conclusion avec les universités au respect d'indicateurs de performance (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

Le ministère a indiqué au rapporteur spécial avoir l'intention d'intégrer dans les COMP les aspects liés à la réussite étudiante. Il pourrait notamment fixer des objectifs d'évolution des formations aux métiers en tension et d'avenir et d'insertion professionnelle des étudiants.

Cependant, les COMP ne concerneront que les moyens nouveaux accordés aux universités, et non pas les sommes accordées au titre du socle de la SCSP. En conséquence, les montants versés les années précédentes, et notamment au titre de la loi ORE, sont intégrés dans le socle et ne feront pas l'objet de financement à la performance. Enfin, le transfert de la compétence au rectorat, si elle répond à une déconcentration de l'action publique et, en théorie, à une meilleure connaissance des universités, implique la poursuite du renforcement du rôle du recteur délégué à l'enseignement supérieur.

B. VERS DAVANTAGE D'ÉQUITÉ ENTRE ÉTABLISSEMENTS FACE À LA STABILISATION DES EFFECTIFS

Si le nombre d'inscriptions va se stabiliser au cours de la prochaine décennie, les problématiques d'accès d'une masse importante d'étudiants à la licence vont demeurer au cours des prochaines années.

Selon le SIES, les inscriptions à la rentrée 2022 auraient augmenté de 0,5 % sur l'ensemble de l'enseignement supérieur, soit + 14 000 étudiants environ. À la rentrée 2023, le nombre d'inscriptions devrait encore s'accroitre de 14 800 étudiants, soit une augmentation de près de 29 000 étudiants en deux ans. Si les tendances en termes d'orientation et de poursuite d'études des bacheliers se prolongent, l'enseignement supérieur pourrait compter 3,03 millions d'étudiants en 2026, puis revenir à 3,02 millions en 2031 et continuer sa décrue à partir de cette date. L'effectif dans l'enseignement supérieur augmenterait donc de 55 000 étudiants entre 2021 et 2026 (+ 1,8 %) et de 46 000 étudiants en dix ans (+ 1,5 %).

Évolutions démographiques dans l'enseignement supérieur d'ici 2031

(en nombre d'étudiants et en %)

 

 

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2030

2031

Évolution

2031/2021

Universités (y compris IUT)

1 656 914

1 653 600

1 654 900

1 657 000

1 653 000

1 659 000

1 659 000

1 655 000

-0,1

cursus Licence (L) et IUT

1 003 428

991 200

985 600

984 000

978 000

983 000

981 000

977 000

-2,6

cursus Master (M)

599 216

607 600

614 200

618 000

620 000

621 000

622 000

622 000

3,8

cursus Doctorat (D)

54 270

54 800

55 100

55 000

55 000

55 000

56 000

56 000

3,2

CPGE (hors CPES)

83 371

81 200

81 800

83 000

83 000

83 000

82 000

82 000

-1,6

STS

408 865

405 000

404 900

409 000

410 000

413 000

411 000

409 000

0,0

Sous statut scolaire

252 041

227 800

222 900

225 000

225 000

226 000

225 000

223 000

-11,5

Par apprentissage

156 824

177 200

182 000

184 000

185 000

187 000

186 000

186 000

18,6

Ensemble des filières principales

2 149 150

2 139 800

2 141 600

2 149 000

2 146 000

2 155 000

2 152 000

2 146 000

-0,1

Autres filières :

830 304

853 700

866 700

873 000

877 000

879 000

880 000

879 000

5,9

Écoles de commerce

230 264

242 100

248 400

252 000

254 000

255 000

256 000

255 000

10,7

Formations d'ingénieurs

158 046

160 100

160 800

161 000

161 000

162 000

161 000

161 000

1,9

Formations culturelles

69 491

71 300

72 700

73 000

74 000

74 000

75 000

75 000

7,9

Grands établissements

44 241

44 300

44 500

45 000

45 000

44 000

44 000

44 000

-0,5

Établissements d'enseignement universitaire privés

39 129

42 300

44 500

45 000

46 000

47 000

47 000

47 000

20,1

Autres formations (1)

289 133

293 600

295 800

297 000

297 000

297 000

297 000

297 000

2,7

Total

2 979 454

2 993 500

3 008 300

3 022 000

3 023 000

3 034 000

3 032 000

3 025 000

1,5

Source : commission des finances d'après le SIES

S'agissant des seules universités, en 2031, près de 1,66 million d'étudiants seraient inscrits à l'université, soit une stabilisation en dix ans. Cette évolution serait toutefois très contrastée selon les disciplines et les niveaux de formation mais aussi les filières universitaires.

Évolution du nombre d'étudiants par filière d'ici à 2031

(en milliers)

Source : commission des finances d'après le SIES

Pour continuer à accueillir ces étudiants supplémentaires, la tentation pourrait être grande de prolonger le principe du financement « à la place » mis en oeuvre dans le cadre de la loi ORE. Or, le rapporteur spécial a pu l'indiquer plus haut, ce type de financement est en réalité assez limité en termes d'efficience et a pu entraîner de fortes disparités selon les établissements, sans compter les enjeux de recrutement et de locaux. Cette prise de conscience, quoique progressive, semble commencer à être partagée par le ministère comme par les établissements.

En outre, le financement à la place, purement théorique, ne permet pas de tenir compte de la différence de territoires, de profils sociologiques et de valeurs ajoutées entre les établissements. La mise en place d'indicateurs de valeur ajoutée, à l'image de ceux déployés pour les lycées, serait sans aucun doute très complexe du fait de la grande variabilité des parcours suivis à l'intérieur d'une même licence. Néanmoins, le rapporteur spécial considère qu'il est nécessaire d'engager une réflexion sur la différenciation des financements entre universités pour plus d'équité entre les territoires et les étudiants accueillis.

Recommandation n° 4 : À l'avenir, mettre fin à la logique de financement des établissements d'enseignement supérieur par le biais de moyens accordés au titre de créations de places théoriques, décorrélés des enjeux démographiques (Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 28 juin 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial, sur le bilan du financement de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE).

M. Claude Raynal, président. - Nous entendons maintenant une communication de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour les crédits de l'enseignement supérieur, sur le bilan du financement de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE).

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - La loi ORE est la loi emblématique du dernier quinquennat concernant l'enseignement supérieur. Nous en avons tous ici entendu parler, tout comme le grand public, car c'est cette loi qui a heureusement mis fin au tirage au sort à l'entrée de l'université par la création de Parcoursup et qui a introduit une sélection sur dossier à l'entrée à l'université.

Mais la loi ORE va au-delà de Parcoursup, au travers d'une vingtaine de mesures différentes et surtout d'un accompagnement financier de plus de 500 millions d'euros accordé aux établissements d'enseignement supérieur.

Ces financements étaient étalés sur la période 2018-2022. À l'issue de cette période, il me paraissait donc pertinent d'établir un bilan de l'utilisation de ces crédits. La dernière évaluation menée par la Cour des comptes datant de 2020, j'ai choisi de lancer une mission de contrôle budgétaire sur ce thème.

Je ne m'attendais cependant pas aux difficultés auxquelles nous avons été confrontés. Loin d'être un simple exercice de contrôle, l'analyse des financements liés à la loi ORE se révèle d'une grande complexité.

La première difficulté - et non la moindre - consiste à déterminer précisément le montant total des crédits accordés. Au sens le plus strict, les crédits ORE sont les crédits mis en avant lors des annonces du plan Étudiants de 2017, soit 582 millions d'euros sur cinq ans.

Le ministère intègre également parfois comme faisant partie des crédits ORE l'ensemble des moyens accordés aux établissements par la négociation avec le rectorat, dans le cadre de ce que l'on a appelé le dialogue stratégique de gestion. Cela représente 235 millions d'euros supplémentaires. En outre, les montants accordés dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ont été presque doublés par des crédits du plan de relance et des programmes d'investissement d'avenir. Comme cette commission l'a déjà relevé pour de nombreux dispositifs, on peut d'ailleurs légitimement s'interroger sur le financement de dispositifs pérennes ou de créations de places d'université par le biais de crédits « relance ».

Enfin se pose la question de l'exécution de ces financements. La direction du budget a reconnu que les données étaient « très parcellaires » et qu'elle-même ne disposait pas d'une répartition territorialisée et ventilée par année de la consommation de ces crédits. Par conséquent, il est impossible de déterminer s'il y a eu ou non une sous-exécution des crédits.

La deuxième difficulté d'analyse est celle de la destination des crédits budgétaires. La loi ORE portait une vision très ambitieuse de l'université, en recentrant les efforts sur la licence et en mettant l'étudiant au centre de son parcours universitaire.

Il semble que la loi ait été d'une certaine manière empêchée ab initio par son double objectif, qui constitue presque un oxymoron : favoriser la réussite d'un nombre toujours croissant d'étudiants. Il fallait en effet répondre à l'afflux de nouveaux étudiants : en dix ans, le nombre de jeunes scolarisés dans l'enseignement supérieur a crû de 20 %, engendrant des tensions et un nombre toujours plus élevé de refus dans certaines filières.

D'autre part, la licence, accueillant des étudiants aux profils très hétérogènes, connaît des taux d'échec alarmants : plus de la moitié des étudiants de première année de licence, toutes filières confondues, ne passent pas en deuxième année.

En conséquence, près des deux tiers des financements liés à la loi ORE ont été versés aux établissements universitaires pour qu'ils ouvrent des places supplémentaires dans les filières en tension. Un quart a financé des dispositifs d'accompagnement spécifiquement destinés à améliorer la réussite des étudiants. Ainsi, l'amélioration qualitative voulue par la loi ORE est restée pour l'essentiel secondaire par rapport à la vision quantitative, mais a permis d'absorber la bosse démographique de 2018-2022.

Vous aurez compris à ce stade de ma présentation, mes chers collègues, que le pilotage des crédits ORE comportait quelques lacunes.

Celles-ci sont dues à deux facteurs principaux : d'une part, les universités sont autonomes, ce qui me semble être une bonne chose, et le ministère a fait le choix de les laisser libres sur de nombreux sujets ; d'autre part, le ministère souffre d'un manque cruel de systèmes d'information aptes à consolider les données budgétaires pour mener des évaluations pertinentes au niveau national. Si des données sont parfois produites à l'échelon des établissements ou des rectorats, elles ne sont pas nécessairement ensuite centralisées et réutilisées par l'administration. Cette opacité, préjudiciable à la gestion, constitue un axe prioritaire d'amélioration.

Par ailleurs, la mise en place de la loi a souffert d'une logique insuffisante de performance et d'un suivi fluctuant des indicateurs. Dans la mesure où l'objectif de la loi ORE est d'améliorer la réussite étudiante, il importait en premier lieu de définir le concept de réussite, qui ne peut selon moi être réduite au passage à l'année supérieure. La construction d'un réseau d'indicateurs robustes, à la fois suffisamment précis pour tenir compte de la diversité des parcours étudiants et suffisamment partagés pour inclure le plus grand nombre de situations et d'établissements constitue un enjeu central.

Je souhaite m'arrêter un instant sur les créations de places, symptôme des difficultés de pilotage du ministère. À partir de 2018, le ministère a donné de nouveaux moyens aux universités pour ouvrir des places dans des filières en tension. Ces montants découlaient initialement d'une négociation directe entre l'établissement et le rectorat, avant que le ministère ne fasse finalement en 2019 le choix d'un forfait national, identique pour toutes les places. Ce montant, destiné à financer le coût marginal d'une place en licence, était de 1 600 euros par place. À partir de 2020, le ministère a fait le choix de financer ces places en mobilisant des crédits « relance », au travers d'un système de cofinancement très complexe pour aboutir à un montant moyen de 3 200 euros par place. Ce choix de gestion a eu pour principale conséquence de rendre l'origine des financements des places quasiment impossible à tracer pour les années 2021 et 2022. Il est même difficile de savoir combien de places ont véritablement été ouvertes.

En outre, le ministère n'a pas réellement conditionné les financements aux créations de places : les établissements ont été laissés libres d'en ouvrir dans les formations qu'ils souhaitaient, ce qui a entraîné une déconnexion entre les taux de pression des formations de licence et les places ouvertes. Si les rectorats ont normalement effectué un contrôle a posteriori, il s'agit essentiellement d'un « contrôle de l'erreur manifeste », qui, de plus, a cessé à partir de 2021.

Enfin, le ministère ne finance que des ouvertures de places « théoriques », qui ne sont pas forcément allées de pair avec des recrutements ou des aménagements du bâti. Le ministère n'est d'ailleurs pas en capacité d'indiquer combien de personnels ont été recrutés dans le cadre de la loi ORE.

En conséquence, et c'est l'une de mes recommandations, je pense qu'il faut désormais renoncer à cette logique de financement « à la place », qui ne sert pas une approche qualitative de la réussite étudiante.

Au-delà du bilan des mesures liées à la loi ORE, il me semble surtout nécessaire de mobiliser les leçons à tirer de ces limites dans une vision prospective.

Le premier aspect, qui me paraît crucial, est que le ministère de l'enseignement supérieur puisse disposer de systèmes d'information interopérables, à tout le moins sur un nombre limité de critères, mais qui soient pertinents, afin de mettre en place un véritable suivi budgétaire. Le ministère a conscience de cet enjeu, mais le chantier est vaste et ne doit plus être repoussé.

En outre, il me semble important de mettre en place un suivi statistique plus adapté des étudiants : il est indispensable de le faire évoluer vers un suivi de cohorte, qui permette d'avoir une vision fine du destin de l'étudiant tout au long de son parcours dans l'enseignement supérieur, en partant même de l'enseignement secondaire.

Je formule donc neuf recommandations qui vont dans le sens de plus de transparence et de lisibilité budgétaire, indispensables à la mise en oeuvre d'une vraie politique d'évaluation au niveau des universités.

Seules des évolutions majeures du mode de pilotage du ministère peuvent réellement permettre de concrétiser le « R » d'ORE, c'est-à-dire permettre de mieux accompagner individuellement chaque étudiant.

M. Jean-François Rapin. - Corapporteur spécial, avec Vanina Paoli-Gagin, de la mission « Recherche et enseignement supérieur », je souhaite aborder un sujet qui, sans être budgétaire, n'en est pas moins essentiel, à savoir Parcoursup.

À la publication des premiers résultats disponibles sur la plateforme, des parents et des étudiants nous alertent : certains, ne recevant aucune proposition, en conçoivent un profond sentiment d'échec, bien qu'ils soient sur liste d'attente et puissent donc être admis par la suite, ce qui peut conduire à des situations dramatiques lorsqu'il s'agit d'enfants fragiles, qui ont déjà eu à endurer la crise sanitaire !

Les étudiants ont besoin d'une information préalable très précise leur expliquant comment fonctionne la plateforme : ce n'est pas parce qu'ils ne reçoivent aucune proposition le premier soir qu'ils n'en recevront pas plus tard au fil de la procédure.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport m'inquiète. Il semble que la loi ORE, qui aurait dû améliorer l'organisation des effectifs d'étudiants et des choix de filière - il s'agissait d'éviter les embouteillages - a finalement rendu les choses encore plus complexes, notamment pour ce qui est de l'entrée en médecine.

Les termes « boîte noire », qui donnent au rapport son titre, ont été utilisés dans un autre contexte par Christine Lavarde, qui déplorait l'incompréhension dans laquelle les règles de la fiscalité locale plongent les collectivités. Dans les deux cas, « ouvrir la boîte noire des financements » devrait nous donner les solutions à toutes nos questions ; c'est du moins à cela que sert une boîte noire en cas d'accident aérien. Or, pour ce qui est de la loi ORE, c'est tout le contraire que l'on observe : un grand désordre !

Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Je partage les propos de Jean-François Rapin : l'information doit être améliorée. Il faut bien expliquer aux candidats que le système fonctionne sur la base d'une décantation. Par définition, le jour de la publication des premiers résultats d'admission, la décantation ne s'est pas faite : les places se libèrent au gré des choix des uns et des autres. Il est donc nécessaire de rassurer les candidats.

Aujourd'hui même, la commission de la culture examine un rapport d'information portant spécifiquement sur l'évaluation du dispositif Parcoursup ; l'information y figure, au premier rang des recommandations.

J'aurais aimé, en « ouvrant la boîte noire », pouvoir y lire ce qui se passe exactement. Cela n'a pas été le cas. Ce qui me choque dans le cas présent mais comme sur nombre de sujets, c'est l'évolution structurelle vers davantage de complexité et d'illisibilité.

En l'espèce, si l'autonomie des universités est une bonne chose, elle n'est pas allée de pair avec un pilotage « macro » à l'échelon du ministère : chacun a pu se doter de ses propres outils, sui generis. Or, pour filer la métaphore, la tutelle doit être capable, depuis le cockpit, de disposer d'une vision globale, c'est-à-dire de connaître les grands agrégats et les grandes tendances. À défaut, c'est la double peine : dans les universités, on passe son temps à remplir des tableaux, les acteurs que j'ai entendus nous l'ont signalé ; au ministère, il y a des trous dans la raquette et les données manquent.

Il est donc indispensable de réorganiser le système en rappelant l'adage : qui trop embrasse mal étreint. Il faut fixer douze ou quinze critères de suivi et de performance, et non cent, et s'en donner une vision consolidée, macroscopique, via des remontées interopérables de toutes les universités de France.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet de la Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

- M. Baptiste BOURBOULON, conseiller budgétaire ;

- Mme Isabelle PRAT, conseillère formation.

Direction de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP)

- M. Philippe BURDET, sous-directeur du financement de l'enseignement supérieur (DGESIP B2).

3e sous-direction Budgets de l'enseignement scolaire, de la recherche, de l'enseignement supérieur, de l'industrie

- M. Alban HAUTIER, sous-directeur ;

- Mme Agathe ROLLAND, cheffe du bureau Recherche et enseignement supérieur - 3MIRES.

Sous-direction des systèmes d'information et des études statistiques (DGESIP DGRI A2)

- Mme Pierrette SCHUHL, sous-directrice ;

- M. Sébastien CHEVALIER, chef du service de la coordination des stratégies de l'enseignement supérieur et de la recherche (DGESIP.DGRI A).

Rectorat de région académique Île-de-France

- Mme Bénédicte DURAND, rectrice déléguée à l'enseignement supérieur, à la recherche et à l'innovation ;

- M. Alexandre BOSCH, secrétaire général pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation.

3ème chambre de la Cour des comptes

- M. Philippe ROUSSELOT, conseiller maître, président de section ;

- Mme Catherine JULIEN-HIEBEL, conseillère référendaire ;

- M. Mathieu MOSLONKA-LEFEBVRE, conseiller référendaire.

France universités

- M. Guillaume GELLÉ, président ;

- Mme Marie-Cécile NAVES, déléguée générale.

Haut Conseil pour l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche

- M. Thierry COULHON, Président du Haut Conseil pour l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- M. Thibaut DUCHÊNE, préfigurateur de l'Observatoire de l'enseignement supérieur.

Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)

- Mme Miryam BERCHER, vice-présidente chargée des affaires académiques ;

- M. Félix SOSSO, porte-parole.

Table ronde

SNESUP-FSU (Syndicat national de l'enseignement supérieur - Fédération syndicale unitaire)

- M. Hervé CHRISTOFOL, membre du Bureau national.

Sgen-CFDT (Syndicat général de l'Éducation nationale)

- M. Nicolas HOLTCHUZ, secrétaire fédéral.

Contributions écrites

Sup'Recherche UNSA (Union nationale des syndicats autonomes)

CGT FERC Sup

ANNEXE 

Ventilation des crédits ORE par établissement universitaire

(en euros)

 

 

2019

2020

2021

2022

Montants des crédits Oui si alloués
(en socle 2022)

Montants des crédits Oui si alloués
(en cumulé 2018/2022)

Académie

Établissement

Nombre de places créées en licence*

Montants des crédits ORE

Nombre de places créées en licence*

Montants des crédits ORE

Nombre de places créées en licence*

Montants des crédits ORE

Nombre de places créées en licence**

Montants des crédits ORE

Aix-Marseille

AIX-MARSEILLE

664

1 241 357

1 751

2 013 266

-901

3 050 200

 

4 243 000

1 424 903

4 709 344

AVIGNON

-38

614 838

96

1 011 681

-257

1 540 415

 

1 801 215

386 156

1 064 966

Amiens

AMIENS

381

783 615

455

1 215 858

-510

1 358 258

 

1 384 925

945 786

3 718 345

UT COMPIEGNE

15

 

-18

 

-4

     

0

0

Besançon

BESANÇON

330

359 295

257

539 485

-320

783 752

 

929 885

370 880

1 574 997

Bordeaux

BORDEAUX

-135

823 473

-701

1 116 820

-1 342

1 242 620

 

1 338 620

463 962

1 906 465

BORDEAUX III

-224

571 447

254

880 540

159

1 047 207

 

1 137 340

1 070 808

3 343 850

PAU

375

551 748

478

905 204

-316

1 035 205

 

1 035 205

508 312

1 937 638

Clermont

CLERMONT AUVERGNE

867

1 103 873

39

1 913 274

286

2 335 940

 

2 583 940

804 250

2 903 884

Corse

CORTE

-29

60 000

159

60 000

98

60 000

 

60 000

23 550

49 400

Créteil

GUSTAVE EIFFEL

299

570 507

-116

1 153 879

-56

1 451 745

 

1 760 545

671 010

2 353 126

PARIS VIII

-151

751 908

91

1 377 991

-575

1 516 658

 

1 524 125

271 700

1 542 879

PARIS XII

1 044

2 412 215

838

4 858 779

791

5 453 178

 

6 359 845

456 912

2 032 047

PARIS XIII

336

2 015 199

573

3 234 995

-469

3 589 128

 

3 609 395

634 385

2 196 697

Dijon

DIJON

566

559 767

201

836 620

-445

957 153

 

1 028 620

609 447

2 356 592

Grenoble

CHAMBERY

289

542 028

420

938 485

-119

1 129 285

 

1 181 285

616 801

1 832 653

GRENOBLE ALPES

622

738 103

365

1 698 443

-95

2 412 310

 

2 906 710

1 123 300

3 713 534

INP GRENOBLE

-103

 

236

 

-22

   

0

0

0

Antilles

ANTILLES

500

332 508

696

440 508

-120

509 842

 

576 508

292 306

1 238 360

Guyane

GUYANE

273

437 781

61

1 016 181

116

1 505 648

 

1 716 581

193 014

810 294

La Réunion

LA RÉUNION

448

1 018 521

1 755

2 722 993

-542

4 017 733

 

4 585 666

619 681

1 966 053

Lille

ARTOIS

402

365 792

489

509 733

198

503 133

 

481 700

255 310

1 037 954

LILLE

841

1 242 542

-835

1 650 191

1 192

1 766 592

 

1 780 725

1 367 814

5 459 247

LITTORAL

447

243 215

256

517 833

-176

593 167

 

738 500

251 640

1 027 440

UPHF

301

611 096

-165

886 966

488

960 833

 

950 500

303 707

1 234 577

Limoges

LIMOGES

348

632 173

245

1 091 584

-332

1 281 633

 

1 363 900

458 551

1 564 053

Lyon

LYON I

235

672 608

-766

921 771

-685

1 011 372

 

1 064 705

1 349 413

4 780 183

LYON II

-163

321 120

395

380 000

-382

530 000

 

766 000

565 293

2 206 883

LYON III

-383

288 125

-363

503 042

552

840 641

 

1 117 974

292 580

990 122

SAINT-ETIENNE

-192

353 858

-1 371

620 109

-497

759 442

 

888 775

644 504

2 743 510

Mayotte

CUFR MAYOTTE

87

 

133

 

79

83 066

 

201 733

39 000

169 000

Montpellier

MONTPELLIER

736

727 289

554

1 410 716

-930

1 676 519

 

1 912 786

814 950

2 781 551

MONTPELLIER III

1 206

802 883

369

1 217 001

82

1 403 833

 

1 489 700

802 750

2 747 834

NIMES

312

416 445

529

703 919

19

823 752

 

845 085

380 000

1 306 667

PERPIGNAN

-13

317 350

-182

497 151

-126

585 550

 

663 150

390 000

1 280 001

Nancy-Metz

LORRAINE

730

840 000

1 011

890 666

-1 066

1 170 533

 

1 527 600

1 362 079

5 346 841

Nantes

ANGERS

821

769 812

950

1 173 769

167

1 358 835

 

1 741 502

411 877

1 690 543

LE MANS

312

460 873

325

652 286

-249

774 953

 

801 620

592 779

1 588 192

NANTES

183

493 440

6

840 320

-1 196

1 002 453

 

1 045 120

924 890

3 627 847

Nice

COTE D'AZUR

417

725 683

152

1 635 934

-323

2 399 667

 

2 712 200

526 810

1 891 854

TOULON

658

490 279

376

969 200

-180

1 241 200

 

1 404 400

127 307

666 309

Normandie

CAEN

335

498 963

910

698 090

-599

781 157

 

818 490

804 016

2 814 928

LE HAVRE

-122

429 295

-56

602 712

-134

645 412

 

657 145

411 972

1 472 378

ROUEN

684

791 563

1 097

968 690

102

1 290 690

 

1 620 690

866 762

2 877 194

Nouvelle-Calédonie

NOUVELLE CALÉDONIE*

         

800 000

 

800 000

78 000

338 000

Orléans-Tours

ORLEANS

-184

486 621

619

838 545

-186

961 911

 

973 911

357 990

1 346 495

TOURS

320

991 744

497

1 499 765

-448

1 629 027

 

1 715 694

467 174

1 719 974

Paris

INALCO

114

27 798

525

88 996

-307

140 196

 

220 196

361 815

1 359 876

PARIS

-1 787

1 480 823

-1 034

2 026 538

-126

2 164 005

 

2 322 672

816 682

3 438 956

PARIS I

634

1 710 864

-27

2 687 294

1 196

3 786 566

 

5 333 499

960 645

3 884 995

PARIS II

267

465 000

790

465 000

-209

465 000

 

465 000

32 000

106 667

PARIS III

-73

481 959

-615

880 747

135

1 146 617

 

1 398 884

208 927

734 268

SORBONNE UNIVERSITE

-863

 

268

 

-61

     

106 426

407 927

Poitiers

LA ROCHELLE

57

67 467

-223

87 733

29

101 733

 

108 400

420 722

1 214 432

POITIERS

315

563 827

604

893 080

-113

992 947

 

1 026 280

561 451

2 133 403

Polynésie

POLYNÉSIE FRANÇAISE**

         

67 467

 

140 800

117 000

435 000

Reims

REIMS

381

665 462

499

932 587

-504

1 110 320

 

1 180 987

595 576

2 285 936

Rennes

BRETAGNE OCCIDENTALE

385

682 792

332

867 424

487

907 957

 

918 624

441 343

1 653 486

BRETAGNE SUD

124

87 711

389

143 934

-28

103 934

 

103 934

410 749

1 364 170

ENSC RENNES**

 

14 933

 

59 734

 

89 600

 

89 600

0

0

RENNES II

71

817 255

952

1 459 964

1 348

1 601 831

 

1 626 364

516 120

1 908 409

RENNES I

570

884 825

18

1 517 752

-385

1 916 952

 

2 244 952

727 812

2 504 989

Strasbourg

MULHOUSE

165

279 900

105

531 334

-219

655 333

 

698 000

310 470

955 452

STRASBOURG

756

764 264

384

1 114 421

-223

1 362 928

 

1 442 928

947 969

3 711 904

Toulouse

INSA TOULOUSE

2

16 667

-22

50 000

21

50 000

 

50 000

220 000

353 333

INU JEAN-FRANCOIS CHAMPOLLION

61

 

59

21 000

-160

76 333

 

103 000

296 640

955 440

TOULOUSE II

728

666 221

1 058

995 330

-35

1 238 797

 

1 419 064

180 951

759 420

TOULOUSE III

142

1 337 943

-221

2 736 129

-704

3 265 596

 

3 310 529

896 339

3 375 136

TOULOUSE I

-327

184 524

1 313

369 972

-1 270

537 172

 

645 972

67 169

279 766

Versailles

CY CERGY PARIS

1 230

1 071 973

133

1 917 763

-678

2 359 764

 

2 421 097

564 786

2 147 620

EVRY-VAL D'ESSONNE

283

827 470

-1 727

1 042 553

-232

1 117 219

 

1 117 219

280 000

1 258 589

PARIS X

895

2 000 603

1 250

3 587 100

97

4 174 354

 

4 507 687

511 000

2 022 334

PARIS-SACLAY

-19

562 377

1 679

829 820

259

945 687

 

1 072 354

924 500

3 033 667

VERSAILLES-SAINT-QUENTIN

360

957 752

-977

1 627 551

-207

1 779 017

 

1 779 017

393 741

1 624 470

NB : ne figurent pas sur ce tableau les places créées par des financements relance, y compris les places cofinancées. Concernant 2022, la ventilation du nombre de places créées par établissement n'est pas encore disponible.

** données non disponibles pour ces établissements.

Source : documents transmis par le ministère au rapporteur spécial


* 1 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

* 2 Rapport du comité de suivi de la loi ORE, octobre 2019.

* 3 Réponses fournies au questionnaire du rapporteur spécial.

* 4 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

* 5 Rapport du comité de suivi de la loi ORE , octobre 2019.

* 6 Décret n° 2018-172 du 9 mars 2018 relatif à la procédure nationale de préinscription pour l'accès aux formations initiales du premier cycle de l'enseignement supérieur et modifiant le code de l'éducation.

* 7 Mission d'information sur le dispositif Parcoursup.

* 8 Article D. 612-1-14 du code de l'éducation.

* 9 Réponse au questionnaire budgétaire pour le projet de loi de finances 2023.

* 10 Réponse fournie au questionnaire du rapporteur spécial.

* 11 Audition du cabinet de la ministre.

* 12 Réponses du rectorat de région interacadémique d'Ile de France au questionnaire du rapporteur spécial.

* 13 Et ce bien que les réponses au questionnaire budgétaire du PLF 2023 indiquent qu'en 2021 « plus de 26 000 places supplémentaires ont été créées, dont plus de 9 000 dans le cadre de la loi ORE et près de 17 000 dans le cadre du plan de relance pour un coût global de 56,3 millions d'euros ». Cette réponse est d'autant plus étonnante que la DGESIP a affirmé à plusieurs reprises au rapporteur spécial ne pas pouvoir faire le distinguo.

* 14 En exécution, pour un montant total de 227 millions d'euros de crédits ouverts, soit près du double.

* 15 Audition de la DGESIP.

* 16 Document fourni par la DGESIP : dialogue stratégique et de gestion - Phase 1, annexe 2a : rappel des moyens ORE - académie.

* 17 Réponses de la DGESIP au rapporteur spécial.

* 18 Audition de la DGESIP par le rapporteur spécial.

* 19 Réponses fournies par la DGESIP au questionnaire du rapporteur spécial.

* 20 Réponses fournies par le rectorat délégué à l'enseignement supérieur de la région Ile de France au rapporteur spécial.

* 21 Réponses fournies par le rectorat délégué à l'enseignement supérieur de la région Ile de France au rapporteur spécial.

* 22 Idem.

* 23 Rapport du comité de suivi de la loi ORE, octobre 2019.

* 24 Cour des comptes, 2020.

* 25 Audition du HCERES.

* 26 Mesure de la réussite étudiante au regard de la mise en oeuvre de la loi ORE Année 2018-2019, rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, février 2020.

* 27 Réponses de la DGESIP au questionnaire du rapporteur spécial.

* 28 Réponses au questionnaire parlementaire pour le PLF 2023.

* 29 Idem.

* 30 Réponses du rectorat délégué d'Île de France.

* 31 Audition de la DGESIP.

* 32 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 33 Système européen de transfert et d'accumulation de crédits (European Credit Transfer and Accumulation System - ECTS)

* 34 L'expression « oui si » désigne la réponse obtenue par un lycéen sur Parcoursup, c'est-à-dire une acceptation sous condition d'aménagement du parcours de formation.

* 35 Audition de la Cour des comptes.

* 36 Audition de la FAGE.

* 37 Un premier bilan de l'accès à l'enseignement supérieur dans le cadre de la loi Orientation et réussite des étudiants - Cour des comptes, février 2020.

* 38 Réponses de France universités au questionnaire du rapporteur spécial.

* 39 Mesure de la réussite étudiante au regard de la mise en oeuvre de la loi ORE Année 2018-2019, rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, février 2020.

* 40 Mesure de la réussite étudiante en licence au regard de la mise en oeuvre de la loi ORE. Une approche par les crédits ECTS, rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, janvier 2021.

* 41 Système européen de transfert et d'accumulation de crédits (European Credit Transfer and Accumulation System).

* 42 Réponses de France universités au questionnaire du rapporteur spécial.

Les thèmes associés à ce dossier