POSITION DE MME MICHELLE MEUNIER POUR L'OUVERTURE D'UN DROIT À MOURIR DANS LA DIGNITÉ

À l'issue des auditions et déplacements réalisés, Michelle Meunier estime, comme elle l'avait déjà soutenu en 2021 notamment, qu'un accès à l'aide active à mourir est aujourd'hui légitime, nécessaire et possible dans des conditions d'encadrement satisfaisantes.

I. LA LOI NE RÉPOND PAS AUJOURD'HUI À L'ENSEMBLE DES SITUATIONS DE FIN DE VIE RENCONTRÉES

A. UNE DEMANDE SOCIALE QUI REVENDIQUE UNE RÉPONSE À DES SITUATIONS NON COUVERTES PAR LE DROIT

1. Des lacunes évidentes du droit actuel

Malgré des évolutions certaines apportées par la loi Clayes-Leonetti sur l'accompagnement des personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme, force est de constater que certaines situations ne trouvent pas de réponse à des souffrances importantes.

Parmi ces situations, on peut citer :

- les maladies neurodégénératives particulièrement graves, telles que la sclérose latérale amyotrophique (SLA)171(*). Lorsque ce type de pathologie incurable, rapidement évolutive, conduit à une paralysie généralisée avec impossibilité pour la personne de s'alimenter seule et que celle-ci refuse la perspective de se retrouver dans une situation de dépendance qu'elle jugerait incompatible avec sa dignité, les dispositifs de la loi « Claeys-Leonetti » - à savoir l'arrêt des traitements, dont l'alimentation artificielle, et la mise en oeuvre de la sédation profonde et continue - n'apparaissent alors pas nécessairement adaptés à une situation dans laquelle la crainte de la perte d'autonomie est source de souffrance existentielle et constitue l'un des motifs de demande d'aide active à mourir les plus souvent avancés ;

- les états pauci-relationnels stables pour lesquels un certain nombre de médecins estiment que la loi gagnerait à être clarifiée afin de les faire relever explicitement du dispositif de la sédation profonde et continue jusqu'au décès au titre du refus de l'obstination déraisonnable ;

- les maladies neurodégénératives susceptibles d'occasionner des troubles cognitifs lourds affectant gravement l'autonomie de la personne, telles que la maladie d'Alzheimer ou certaines démences, et pour lesquelles les patients peuvent vivre dans une angoisse existentielle de perte de leur autonomie.

Que la loi actuelle ne réponde pas à l'ensemble des situations aujourd'hui existantes est par ailleurs la conclusion à laquelle sont parvenus les conventionnels au terme de leurs travaux, 82 % estimant que le cadre actuel n'était pas adapté aux différentes situations rencontrées.

Sans remettre en cause les avancées importantes qui ont été permises par la loi Leonetti de 2005 et la loi Claeys-Leonetti de 2016, force est de constater qu'elles n'ont pas permis d'apaiser définitivement les débats sur la fin de vie et trouver de réponses aux situations précitées.

2. Une demande largement majoritaire en faveur d'un accès à l'aide active à mourir

La proposition d'un accès à une aide active à mourir est soutenue de manière récurrente par l'opinion publique. Selon un sondage172(*) de mars 2019 de l'institut Ipsos, 96 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables à la reconnaissance d'un droit à l'euthanasie : 36 % estiment que « les Français devraient avoir la possibilité de disposer d'un droit à l'euthanasie quelles que soient leurs conditions de santé » et 60 % jugent que « le droit à l'euthanasie devrait être encadré et possible uniquement en cas de souffrances graves et incurables ». Un sondage173(*) plus récent estimait encore en avril 2023 que 70 % - contre 15 % opposés et 15 % ne sachant pas - étaient favorables à l'ouverture d'une aide active à mourir comprenant suicide assisté et euthanasie.

Cette position est aussi celle qui a émergé des travaux de la Convention citoyenne, dont 76 % des membres ont estimé que l'accès à l'aide active à mourir devait être ouvert.

Si les exemples belge, néerlandais et suisse sont souvent évoqués, ces pays ne sont de manière évidente plus isolés. Alors que l'Allemagne et l'Italie travaillent à établir un cadre, le Parlement portugais y est finalement parvenu cette année après plusieurs tentatives et l'Espagne a mis en oeuvre le droit à l'euthanasie à partir de 2021. Récemment, la Première ministre danoise a elle aussi annoncé son souhait de voir le pays ouvrir l'aide active à mourir. C'est bien la France qui, aujourd'hui, montre un certain conservatisme en la matière et se trouve isolée sur cette question.


* 171 Également appelée maladie de Charcot, elle représenterait, selon les éléments transmis par le CNSPFV, la première cause de demande d'aide active à mourir dans les pays l'autorisant avec une prévalence variant de 5 % dans l'État américain de l'Oregon à 23 % aux Pays-Bas. La problématique de la fin de vie en lien avec la SLA a été médiatisée en 2017 avec le choix de l'écrivaine Anne Bert de se rendre en Belgique pour recevoir une injection létale.

* 172 Sondage Ipsos pour Lire la société, « La situation des libertés publiques en France », sondage préparé pour la 28e journée du Livre Politique, « L'opinion à l'égard de l'euthanasie », réponses à la question « À propos de l'euthanasie, de laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ? », mars 2019.

* 173 Ifop pour le JDD.

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