f. Les dispositions issues de la loi « séparatisme » du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

L'entrée en vigueur de la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République (CRPR), et de ses décrets d'application, a donné aux services de l'Etat de nouveaux leviers d'entrave sur les associations exerçant le culte et étant contrôlée, partiellement ou totalement par des puissances étrangères.

La loi renforce le contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte. Les conditions de création et de gouvernance des associations gérant un lieu de culte prévues par la loi de 1905 ont été revues afin de les protéger des prises de contrôle malveillantes par des groupes radicaux (clause dite anti- putsch). Ces associations cultuelles doivent désormais se déclarer auprès du préfet tous les cinq ans et voient leurs obligations comptables renforcées.

À cet égard, ont permis d'améliorer les capacités d'entrave à l'encontre des financements occultes des associations cultuelles par des puissances étrangères :

- Tout d'abord, l'élargissement de la définition des associations exerçant le culte : sont désormais considérées comme « exerçant le culte » non seulement celles déclarées sons la forme juridique dite « loi 1905 », mais également toute association mentionnant dans ses statuts l'exercice d'activités cultuelles (c'est-à-dire : tenue d'une cérémonie de culte, formation d'imams, salaires des imams, entretien d'un édifice cultuel, etc.), ce qui est le cas de

nombreuses associations enregistrées sous le statut de la loi de 1901, qui se voient désormais appliquées les mêmes obligations que les associations sous le statut de la loi de 1905.

- Ensuite, l'obligation prévue à l'article 77 de la loi (nouvel article 19-3 de la loi de 1905) faite aux associations exerçant le culte de déclarer tous les financements étrangers (directs ou indirects) au-delà du seuil de 15 300 euros annuels. L'autorité administrative peut s'opposer au bénéfice des avantages et ressources obtenues d'une puissance étrangère lorsque les agissements de l'association bénéficiaire ou de l'un de ses dirigeants établissent l'existence d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Des sanctions pénales sont également prévues en cas de non-respect de cette obligation.

- Enfin, le respect d'un certain nombre d'obligations de transparence financière (publication des comptes et transmission au préfet à sa demande).

Dans le cadre du dispositif mis en oeuvre pour lutter contre le séparatisme, la DGSI, qui est chargée de suivre les principaux acteurs d'influence des pays du Maghreb, de Turquie et des pays du Golfe s'agissant des questions relatives à l'exercice du culte musulman en France, participe au comité de suivi des financements étrangers, piloté par la CNRLT. Son rôle consiste à suivre les déclarations des financements étrangers aux niveaux zonal et central, mais également de signaler les financements non déclarés dont elle aurait connaissance par le biais de ses capteurs techniques et humains *****. La DGSI intervient en lien avec Tracfin qui mobilise ses leviers d'action pour détecter le financement étranger des lieux de culte. Le service de renseignement financier a ainsi pris un certain nombre de mesures d'entrave de l'activité marocaine et algérienne en lien avec la Grande Mosquée de Paris. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, il ressort que les financements de lieux de culte sur le territoire national émanant de pays du Maghreb, de Turquie et du Moyen-Orient sont en très net recul.

Une autre disposition de la loi CRPR concerne le financement des écoles privées hors contrat qui doivent désormais répondre à de nouvelles obligations. Un régime de fermeture administrative des écoles non déclarées ou qui n'ont pas remédié aux défaillances constatées par l'administration est créé. Les préfets peuvent désormais s'opposer à l'ouverture d'écoles hors contrat soutenues par un État étranger hostile à la République.

La loi CRPR a incontestablement emporté des effets positifs par l'apport de nouveaux outils mais aussi par son rôle dissuasif vis-à-vis de certains acteurs qui se sont en effet régularisés de leur propre initiative.

Néanmoins, cette loi connait certaines limites :

- Elle ne prend pas en compte les terrains non bâtis. Or, de nombreuses associations poursuivent des projets d'acquisition de terrains afin d'y construire des centres culturels ou des mosquées. Si la loi CRPR prévoit une obligation d'autorisation préalable du préfet lorsqu'il s'agit de bâtiments servant habituellement à l'exercice public du culte, ce n'est pas le cas pour les terrains non bâtis.

- Elle n'aborde pas la transparence financière des dons et l'appel à la générosité du public ;

- Elle ne prévoit pas de dispositif spécifique pour contrecarrer le recours excessif aux sociétés civiles immobilières pour financer et soutenir les associations exerçant le culte. Or, si la loi de 1905 précise que ces associations peuvent détenir des biens immobiliers lorsque cette détention est en lien avec leur objectif social, il apparaît que nombre d'associations cultuelles ne peuvent justifier d'un tel lien.

Aussi, la bonne application des nouveaux outils issus de cette loi ne représente qu'une partie de l'action des services de renseignement, en particulier de la DGSI, sur le volet financier des vecteurs d'influence étrangers dans le culte musulman. *****

2. Des nouveaux moyens d'entrave sont nécessaires pour contrecarrer des actions hostiles à nos intérêts fondamentaux

La notion d'ingérences étrangères dépasse désormais celle de l'espionnage « classique » pour laquelle les services disposent d'outils législatifs adaptés, à travers les qualifications relevant du titre Ier du livre IV du code pénal, relatif aux crimes et délits d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, comportements d'espionnage et de trahison au sens strict et atteintes au secret de la défense nationale (compromission).

Les services de renseignement sont en effet confrontés à des tentatives d'ingérences politiques étrangères visant à tisser des relations personnelles avec des agents publics et des acteurs politiques pour faire avancer des intérêts étrangers qui n'entrent pas dans le cadre juridique existant. Aussi, de nouveaux dispositifs paraissent nécessaires pour renforcer notre arsenal juridique face aux ingérences étrangères, potentielles ou réelles.

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