b. L'existence de liens historiques avec des puissances étrangères

Avant d'être élu en 2009 Président de l'Afrique du Sud, Jacob Zuma était en charge des services de renseignement de la branche armée de l'ANC. À l'époque où Vladimir Poutine était membre du KGB, Zuma avait été envoyé en Union soviétique pour se former. La dette morale de l'Afrique du Sud envers la Russie, très forte au vu de soutien que l'Union soviétique a apporté à la lutte contre l'Apartheid, explique aujourd'hui la proximité qui existe entre les deux pays. Quand Serguei Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, est en visite en Afrique du Sud, il évoque « l'ANC, grande amie de la Russie ». On comprend mieux les abstentions répétées de l'Afrique du Sud lors des votes

successifs aux Nations-Unies visant à condamner l'agression russe en Ukraine. Le pays, qui assure en 2023 la présidence tournante des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) occupe une position stratégique qui rend d'autant plus problématique sa relation à Moscou, comme en témoignent les tergiversations sur la participation ou non de Vladimir Poutine au sommet des BRICS en août 2023 à Johannesburg.

La position à l'égard de la Russie est devenue un enjeu de politique intérieure en Afrique du Sud entre d'un côté l'ANC, le parti au pouvoir sans discontinuer depuis la fin de l'Apartheid et historiquement allié à la Russie et de l'autre le parti d'opposition Democratic Alliance (DA) qui dénonce cette proximité avec Moscou. À l'approche des élections législatives prévues en 2024, l'attention est portée sur une possible ingérence russe dans le processus électoral au vu de la forte probabilité pour l'ANC de perdre la majorité absolue qu'elle détient depuis son accession au pouvoir.

Le cas de Madagascar est lui aussi le reflet du poids de l'histoire et d'une relation ancienne avec Moscou. Les premières années qui suivirent la décolonisation sont restées marquées par une présence importante de la France que l'URSS n'avait de cesse de dénoncer, en particulier lors de la contestation étudiante de 1972. Jusqu'à l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, Madagascar s'est alignée sur l'URSS, ce qui n'est pas sans laisser des traces.

Les relations actuelles entre Madagascar et la Russie sont pour le moins complexes. Il est établi que la Russie a tenté d'interférer dans le cours de l'élection présidentielle malgache de 2018. Une enquête du New York Times révèle en effet que le président sortant, Hery Rajaonarimampianina aurait demandé à la Russie de l'aider « à résister aux tentatives des institutions internationales de s'immiscer » dans les élections à Madagascar, visant vraisemblablement l'Union européenne qui avait dépêché une mission d'observation électorale. L'enquête du New York Times rapporte que les Russes ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux et incité des candidats de faible envergure à se présenter pour diviser l'opposition. Cette opération d'ingérence, qui aurait coûté 16 millions d'euros, n'a toutefois pas eu l'effet escompté - Hery Rajaonarimampianina est éliminé dès le 1er tour - au point que la Russie a finalement décidé de se repositionner en faveur du candidat victorieux Andry Rajoelina.

À l'automne 2022, le pays s'est opposé à la venue sur l'île de Sergueï Lavrov et a aussi refusé l'escale d'une frégate russe à Diego Suarez. L'évolution des votes malgaches à l'ONU sur l'invasion russe en Ukraine est également très instructive. D'une position de non alignement, Madagascar a opté en octobre 2022, à la surprise générale, pour la condamnation de l'agression russe ce qui a fait polémique dans l'opinion publique et suscité l'ire de Moscou, au point de provoquer le limogeage du ministre malgache des affaires étrangères

au motif qu'il aurait agi sans l'aval du Président de la République ce qui, au vu du fonctionnement du pouvoir malgache, n'est pas crédible ; d'autant plus que Madagascar a réitéré en février 2023, un vote condamnant l'agression russe en Ukraine.

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