b. Les ressources humaines

En matière de ressources humaines, le total des personnels tous services confondus (1er et second cercle avec les structures d'appui) s'est établi à 19 572 postes en 2022, en léger repli par rapport à 2021 (20 677 effectifs). En revanche, les effectifs des six services du 1er cercle augmentent *****. Ce sont donc logiquement les services du 2nd cercle qui voient leurs effectifs baisser sensiblement, en repli *****.

Les effectifs par catégorie révèlent la forte présences d'agents A et A+ dans les services du 1er cercle, et une majorité d'agents de catégorie B dans les services du 2d cercle.

Les services de renseignement du 1er comme du 2nd cercle emploient très majoritairement des hommes *****.

Le constat le plus notable est celui d'un recours de plus en plus accru à des personnels contractuels, conjugué à une baisse de la courbe des recrutements militaires.

Enfin, les données disponibles pour l'année 2021 font apparaître une augmentation de près de 12 % du nombre de jours de formation (86 125 jours en 2021 contre 77 025 en 2020), ce qui en année post-Covid traduit un réel investissement des services, ainsi que de l'Académie du renseignement (858 participants à des formations en 2021 contre 653 en 2020) qui poursuit un travail de diversification de ses publics formés notamment en direction des agents du second cercle, leur nombre ayant progressé de 14 en 2017 à 151 en 2021.

3. Les techniques de renseignement

La répartition des techniques de renseignement selon les finalités définies par le code de la sécurité intérieure montre que si la finalité 4 reste prédominante (32,8%), les finalités 2 (18,4%) et 3 (15,1%) connaissaient une hausse substantielle.

RÉPARTITION DES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT PAR FINALITÉS DU CSI

(TOUS SERVICES)

Finalités

2021

2022

Finalité 1

Indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale

1 761

1 151

Finalité 2

Intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements

européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère

7 184

8 304

Finalité 3

Intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France

4 122

6 831

Finalité 4

Prévention du terrorisme

16 043

14 767

Finalité 5a

Prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions

9

10

Finalité 5b

Prévention des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l'article L. 212-1 CSI

75

79

Finalité 5c

Prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique

6 044

5 767

Finalité 6

Prévention de la criminalité et de la délinquance organisées

6 526

6 739

Finalité 7

Prévention de la prolifération des armes de destruction massive

812

1 317

Prévention des évasions et sécurité des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes

détenues

134

108

TOTAL

42 710

45 073

II. LE VOLET RENSEIGNEMENT DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNEES 2024 À 2030

Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, déposé à l'Assemblée nationale le 4 avril 2023, renforce sensiblement les moyens accordés à la communauté du renseignement avec une enveloppe budgétaire supplémentaire de 5 milliards d'euros sur la période. Si ces moyens nouveaux sont essentiellement orientés vers la DGSE, la DRM et la DRSD vont aussi bénéficier d'un doublement de leur budget.

La LPM introduit également un certain nombre de dispositifs juridiques visant à :

- Permettre l'accès des services de renseignement au casier judiciaire au titre des enquêtes administratives de sécurité (article 40). Cet article autorise les services de renseignement à consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire, ce qui ne leur était jusqu'alors interdit dans le cadre des enquêtes administratives de sécurité menées en application de l'article L. 114-1 du code de sécurité intérieure. Or, dans le cadre des enquêtes d'habilitation, les services pouvaient être conduits à prendre des décisions administratives défavorables aux personnes concernées sur la base d'une simple mise en cause judiciaire inscrite au fichier des antécédents judiciaires mais qui aurait finalement donné lieu à un classement sans suite. Et a contrario, ils étaient également susceptibles de délivrer une habilitation à un individu sans connaître d'une éventuelle condamnation prononcée à son encontre.

- Permettre la communication par l'autorité judiciaire aux services de renseignement des éléments d'une procédure ouverte pour crime de guerre ou crime contre l'humanité (article 43). En application des articles 706-25-2 et 706- 105-1 du code de procédure pénale, les transmissions d'informations entre l'autorité judiciaire et les services de renseignement existent déjà pour ce qui relève des champs de la prévention du terrorisme, de la sécurité et de la défense des systèmes d'information et de la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées. La loi de programmation militaire crée une nouvelle dérogation au principe du secret de l'enquête et de l'instruction de la procédure en élargissant aux enquêtes ouvertes pour crimes contre l'humanité ou crimes et délits de guerre la possibilité de partage de pièces de procédure entre autorité judiciaire et services de renseignement du premier cercle. Cette transmission d'information pourrait être de nature à permettre d'empêcher la fuite de criminels de guerre ou leur entrée sur le territoire de l'Union européenne.

- Protéger l'anonymat des anciens agents des services de renseignement ou des anciens membres des forces spéciales dans le cadre des procédures judiciaires (article 44). En application de l'article 656-1 du code de procédure pénale, l'identité réelle des agents appartenant à certains services de renseignement du premier et du second cercle, dont le témoignage est requis au cours d'une procédure judiciaire sur des faits dont ils auraient eu connaissance lors de missions intéressant la défense et la sécurité nationale ne doit jamais apparaître au cours de la procédure judiciaire. Or le code de procédure pénale ne précise pas les conditions d'application dans le temps de ce dispositif de protection de l'identité réelle des agents concernés. Cette disposition de la loi de programmation militaire étend ainsi le bénéficie de cette protection aux anciens agents des services de renseignement et des forces spéciales ce qui les protège eux mais aussi potentiellement leurs collègues toujours en activité et par là-même l'action du service auquel ils appartiennent.

- Garantir la prise en compte des intérêts fondamentaux de la Nation en cas d'activité privée en rapport avec une puissance étrangère (article 42). Si les articles présentés précédemment ont été adoptés sans modification par l'Assemblée nationale, cet article 42, dont l'objet a trait à des transferts de savoir- faire sensibles à des puissances étrangères, a donné lieu à plusieurs amendements adoptés en commission, puis en séance publique.

Il convient au préalable de rappeler qu'en l'état du droit actuel, il ne peut être fait obstacle au départ de militaires vers des pays ou des entreprises étrangères qui les emploieraient dans l'objectif même d'obtenir de leur part des informations ou savoir-faire à caractère stratégique *****. Ce phénomène ne semble pas propre à la France puisque les autorités britanniques ont indiqué qu'une trentaine de leurs pilotes avaient été approchés.

Ce sujet est d'autant plus difficile à cerner que si le droit pénal permet de punir ceux qui transmettent des informations confidentielles à des compétiteurs étrangers (articles 411-6 à 411-8 du code pénal), encore faut-il que cette livraison d'informations soit identifiée et poursuivie sur le plan pénal.

C'est pourquoi la loi instaure un régime de déclaration préalable auprès du ministre de la défense de tout projet d'exercice d'une activité à l'étranger dans le domaine de la défense ou de la sécurité permettra la vérification que cette activité ne comporte pas de risque de divulgation par l'intéressé de procédés opérationnels, de capacités techniques et de savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires, susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Ce régime de déclaration emporterait plusieurs conséquences pour les intéressés en cas de refus du ministre : retrait de décoration, retenue de pension ne pouvant dépasser 50 % ainsi qu'un délit en cas de non déclaration ou de méconnaissance de l'opposition du ministre puni de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Le Parlement a adopté plusieurs amendements tendant à inclure dans le périmètre le bénéfice direct ou indirect à un État ou une entreprise étrangère, les collectivités territoriales étrangères. Outre les militaires, seraient également concernés les agents civils de l'État ou de ses établissements publics participant au développement de savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires. En revanche, n'entreraient pas dans le dispositif les militaires qui souhaiteraient exercer une activité au sein d'une entreprise titulaire d'une autorisation d'exportation de matériel de guerre français.

III. UNE NOUVELLE AMBITION POUR LE RENSEIGNEMENT FISCAL

Le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé le 9 mai 2023, une série de mesures de lutte contre la fraude fiscale et douanière, parmi lesquelles figure la création envisagée d'une cellule de renseignement fiscal.

La lutte contre les fraudes fiscales et sociales figure de manière explicite dans la stratégie nationale du renseignement de juillet 2019.

Le renseignement fiscal relève à ce jour, au sein du ministère de l'Action et des comptes publics, de :

- Deux services de renseignement du 1er cercle : Tracfin et la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

- Un service d'enquêtes fiscales spécialisé, la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF), échelon national d'action et de coordination du dispositif de recherche du renseignement fiscal.

Fin 2019, une task force opérationnelle dédiée au renseignement fiscal, associant ces trois structures, a été mise en place. Cette task force exploite des renseignements d'ordre fiscal qu'elle met en commun, autour de thématiques opérationnelles et partage toute information qui peut se révéler utile à l'identification de schémas complexes de fraude fiscale.

Néanmoins, les résultats obtenus par cette task force restent limités du fait d'angles morts liés aux spécificités de Tracfin et de la DNRED. En effet, si Tracfin bénéficie d'un champ large de compétence en la matière, ses moyens opérationnels sont limités tandis que c'est l'inverse pour la DNRED qui dispose de moyens opérationnels importants mais limités au champ restreint de la fiscalité douanière.

En annonçant la création d'une cellule dédiée au renseignement fiscal, le Gouvernement souhaite franchir une nouvelle étape et se donner des moyens adaptés pour lutter contre les grands schémas d'évasion et d'opacification fiscales. Il s'agit de pouvoir détecter, par le renseignement, tout ce qui échappe jusqu'à présent aux filtres et systèmes d'alerte de notre régime déclaratif.

La Délégation parlementaire au renseignement salue le choix du Gouvernement de ne pas créer un service de renseignement supplémentaire, à part entière, dédié au renseignement fiscal. Il est en effet plus cohérent d'inscrire la montée en puissance de cette mission dans le périmètre actuel de la communauté du renseignement.

Pour autant, la Délégation s'interroge sur la décision de confier le portage de cette cellule à la DNRED plutôt qu'à Tracfin dont c'est tout de même le coeur de métier. La création d'une cellule de renseignement fiscal au sein de Tracfin aurait permis d'affirmer l'identité de ce service du premier cercle qui doit encore progresser en matière de culture du renseignement, comme en attestent régulièrement les travaux de la commission de vérification des fonds spéciaux.

Le calendrier de mise en place de cette cellule au sein de la DNRED prévoit la création d'une structure administrative en 2024 pour un début d'activité opérationnelle en 2025, une fois clarifiées les nombreuses questions juridiques qui se posent autour de cette nouvelle mission de renseignement.

Au titre de sa mission de « suivi des enjeux d'actualité et des défis à venir qui s'y rapportent », la Délégation demande au Gouvernement d'être associée aux travaux de préfiguration liés à la création de cette cellule de renseignement fiscal (Recommandation n° 4).

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