N° 811

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Rapport remis à M. le Président du Sénat le 29 juin 2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission d'enquête (1) sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique,

Président
Mme Dominique ESTROSI SASSONE,

Rapporteur
M. Guillaume GONTARD,

Sénateurs

Tome I - Rapport

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, président ; M. Guillaume Gontard, rapporteur ; Mmes Sabine Drexler, Christine Lavarde, MM. Joël Bigot, Jean-Jacques Michau, Mmes Amel Gacquerre, Daphné Ract-Madoux, M. Michel Dagbert, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, vice-présidents ; MM. Laurent Burgoa, François Calvet, Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Philippe Folliot, Franck Montaugé, Laurent Somon.

LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1

La rénovation énergétique ne doit pas conduire qu'à une électrification massive des logements, mais préserver un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies garantissant sa flexibilité et sa sûreté et s'appuyant sur la sobriété.

En conséquence, favoriser la géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse.

Adopter un calendrier réaliste de réduction de l'utilisation du gaz fossile et ne pas interdire les chaudières à gaz.

Proposition n° 2

Promouvoir des rénovations énergétiques efficaces, par geste, bouquet ou dans des parcours accompagnés adaptés au logement conduisant à la rénovation globale grâce à des aides financières systématiquement plus avantageuses que pour un geste isolé.

Mettre en oeuvre l'obligation d'individualisation des frais de chauffage partout où elle a du sens et s'appuyer sur les progrès de la domotique pour développer la gestion énergétique des logements et leur sobriété.

Proposition n° 3

Garantir une « rénovation solidaire » en confortant un dispositif d'aides tourné vers les plus modestes, garantissant leur accompagnement et un reste à charge minimal, cohérent et acceptable pour favoriser les rénovations efficaces afin de lutter contre la précarité énergétique.

Dans le cadre du dispositif Loc'Avantages, porter à 35 % dans une limite de 30 000 euros par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique accordée aux bailleurs lorsque le logement atteint l'étiquette D. Attribuer un bonus si une étiquette supérieure est atteinte.

Promouvoir l'usage du bail à réhabilitation.

Proposition n° 4

Garantir la stabilité du dispositif d'aides et la prévisibilité de leur financement en cohérence avec la planification de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) grâce à un volet financier crédible dans la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) et une clarification du suivi budgétaire.

Proposition n° 5

Assurer le pilotage de la rénovation énergétique au niveau de la Première ministre à travers le secrétariat général pour la planification écologique (SGPE) : intégrer l'actuelle mission de coordination interministérielle au SGPE et renforcer leurs moyens humains.

Associer le ministère de la culture à la définition de la politique de formation des acteurs et à la définition des outils destinés au bâti ancien ou architecturalement remarquable.

Proposition n° 6

Faire du DPE un outil incontestable.

Fiabiliser le DPE en professionnalisant la filière des diagnostiqueurs, renforcer la formation initiale et la formation continue et rendre publique la méthodologie « 3CL » et les algorithmes utilisés dans les logiciels de calcul des DPE.

Confier aux chambres de commerce et d'industrie la mission de délivrer ses cartes professionnelles annuelles pour les diagnostiqueurs afin de contrôler leur certification et leurs assurances.

Reconnaître les particularités du bâti ancien par un DPE spécifique -- et dans l'attente de sa formulation recourir aux consommations réelles d'énergie - pendant un délai maximum de deux ans - ainsi que par une meilleure formation des diagnostiqueurs aux enjeux du patrimoine.

Adapter le DPE pour les logements de petite surface en adoptant des critères qui ne les défavorisent pas.

Intégrer le confort d'été dans la note attribuée à l'issue du DPE comme dans son volet propositions de travaux.

Veiller à ce que le DPE soit toujours intégré au carnet d'information du logement. En l'absence de CIL, en créer un lors de la réalisation du DPE (modification de l'article L. 126-35-2 du CCH).

Rendre obligatoire la production du DPE pour toute demande d'aide.

Proposition n° 7

Replacer les collectivités territoriales au coeur de la politique de rénovation énergétique.

Favoriser la création d'une logique de guichet unique local agrégeant l'accompagnement et la demande des aides, labellisé France Renov', et reposant sur les dispositifs locaux (plateformes ou Alec) quand ils existent déjà.

Favoriser les dynamiques locales fondées sur « l'aller vers », la massification et le choix des travaux, des matériaux et des procédés techniques les plus adaptés.

Favoriser le droit à l'expérimentation en matière de rénovation, comme la possibilité de créer des régies d'avances pour les travaux de rénovation.

Assurer le financement de cette mission confiée par l'État aux collectivités soit à travers un programme de certificats d'économie d'énergie (CEE) suffisamment dimensionné, soit par une augmentation des dotations de fonctionnement.

Proposition n° 8

Garantir l'accompagnement des ménages.

Faire preuve de vigilance dans le calendrier et les modalités du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' en veillant :

- à son bon dimensionnement pour permettre des parcours de travaux ;

- à la « neutralité » et l'indépendance des accompagnateurs ;

- à la couverture territoriale ;

- à leur formation notamment aux enjeux du bâti ancien ;

- à s'appuyer sur les acteurs existants qui ont fait leurs preuves, notamment ceux mis en place par les collectivités territoriales.

Proposition n° 9

Redonner aux artisans leur rôle d'acteurs de proximité et de confiance dans la rénovation.

Déployer des contrôles aléatoires et sur un panel proportionnel à la taille de l'entreprise et au nombre de chantiers.

Adapter le label RGE en pérennisant son attribution sur chantier pour les entreprises artisanales et permettre aux petites entreprises de réaliser des travaux de rénovation énergétique sous réserve d'un contrôle a posteriori, type Consuels.

Modifier la loi pour permettre à des artisans constitués en groupements momentanés d'entreprises (GME) non solidaires de mener les rénovations globales.

Proposition n° 10

Mieux lutter contre la fraude.

Renforcer les contrôles, assurer leur coordination et leur cohérence.

Alourdir les sanctions, notamment, porter à dix ans de prison et un million d'euros d'amende la peine encourue pour escroquerie lorsqu'il y a usurpation d'identité d'une personne chargée d'une mission de service public et préjudice au détriment de l'argent public, et généraliser la fixation des amendes à un niveau proportionné aux avantages tirés du délit, soit 10 % du chiffre d'affaires annuel.

Accroître les moyens humains de la DGCCRF, mille postes ayant été supprimés depuis 2007.

Sensibiliser les magistrats aux pratiques problématiques du secteur de la rénovation pour leur permettre de sanctionner de manière plus effective et plus lourde.

Sensibiliser les consommateurs aux risques de fraudes et d'escroqueries, en faisant mieux connaître la plateforme de signalements « SignalConso.fr » de la DGCCRF.

Obliger les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation à inviter les particuliers à se rapprocher d'une agence France Renov' et, surtout, à inclure un lien de redirection vers la plateforme France Renov'.

Sécuriser le retrait du label RGE par une décision de la DGCCRF ou de l'Anah assorti d'un délai de carence d'au moins un an.

Proposition n° 11

Porter l'ouverture des crédits pour MaPrimeRénov' à 4,5 milliards d'euros en 2024.

Tripler les aides à la rénovation globale pour les ménages modestes et très modestes en les portant à 30 000 et 45 000 euros.

Permettre la prise en charge par MaPrimeRénov' de Mon Accompagnateur Rénov' ainsi que de l'audit énergétique.

Rendre éligible à MaPrimeRénov' des travaux de confort d'été ainsi que d'auto-rénovation accompagnée.

Reconnaître le « droit à l'erreur » dans les démarches de demandes de MaPrimeRénov'.

Proposition n° 12

Amplifier la dynamique du PTZ.

Rehausser de 30 % à 50 % la limite dans laquelle le prêt est débloqué avant la production d'une facture.

Rehausser le plafond de l'éco-PTZ à 70 000 euros pour les rénovations performantes.

Rehausser le plafond de l'éco-PTZ à 40 000 euros pour les bouquets de deux gestes ou plus (hors rénovation performante). En contrepartie, mettre en place un taux bonifié plutôt qu'un taux zéro pour la part des prêts dépassant le plafond actuel de 30 000 euros à partir d'un certain seuil de revenus.

Proposition n° 13

Débloquer le prêt avance rénovation au profit des ménages modestes.

Mettre en place un taux zéro pour le prêt avance rénovation, ciblé sur les ménages aux revenus de catégorie modeste ou très modeste.

Inclure les frais hypothécaires ainsi que le préfinancement des aides à la rénovation énergétique dans les postes finançables du prêt avance rénovation.

Supprimer la condition d'être au premier rang d'un crédit hypothécaire, ou deuxième rang par rapport à la même banque, pour bénéficier du prêt avance rénovation.

Proposition n° 14

Coupler les aides et les prêts et assurer leur transparence pour les demandeurs.

Rehausser le plafond de l'éco-PTZ Prime Rénov' à 40 000 euros à partir de deux gestes hors rénovation performante, et à 70 000 euros pour les rénovations performantes.

Harmoniser la terminologie et les critères techniques pour les mêmes opérations pour MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie afin d'en permettre le couplage.

Rendre transparentes ces opérations techniques pour les demandeurs grâce à l'action des guichets France Rénov' et des Accompagnateurs Rénov'.

Proposition n° 15

Mener une évaluation de l'efficacité du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique, dans l'objectif d'assurer une meilleure coordination entre cette dépense fiscale et les aides publiques à la rénovation énergétique.

Proposition n° 16

Débloquer la rénovation des copropriétés.

Utiliser le DPE collectif comme référence pour l'application de l'interdiction de louer des passoires thermiques dans les copropriétés dans le même calendrier qu'aujourd'hui tout en conservant l'information du DPE individuel pour le futur locataire ou futur propriétaire.

Faciliter les décisions : modifier les règles de vote en assemblée générale de copropriété pour les travaux énergétiques de la manière suivante :

- pour la procédure de l'emprunt collectif consenti au syndicat de copropriétaires, passer de la règle de l'unanimité à celle de la majorité absolue avec possibilité de passerelle ;

- étendre le champ de la règle de vote à la majorité simple pour les emprunts à adhésion individuelle.

Faciliter l'accès aux financements :

- simplifier l'accès à l'éco-PTZ Copropriété ;

- appliquer de manière dérogatoire le taux d'usure accordé aux prêts à la consommation ainsi qu'aux prêts inférieurs à 75 000 euros aux emprunts collectifs pour les travaux de rénovation énergétique ;

- expérimenter et développer des solutions de tiers financements pour les travaux de rénovation énergétique des copropriétés.

Proposition n° 17

Financer la rénovation du parc social.

Redonner 1,5 milliard de fonds propres aux bailleurs en allégeant la RLS ou par un retour de l'État au financement du FNAP dès 2024.

Garantir une trajectoire de financement cohérente avec les objectifs 2030 et 2050 dans le cadre d'une loi de programmation.

Assurer le financement des travaux de « seconde vie » des logements sociaux.

Englober la rénovation des locaux destinés à l'hébergement d'urgence et gérés par des associations.

Rehausser le plafond de l'éco-PLS et décorréler sont taux du Livret A.

Faire évoluer les plafonds d'endettement des bailleurs sociaux en fonction des objectifs réglementaires de rénovation.

Proposition n° 18

Former 200 000 professionnels aux enjeux de la rénovation énergétique et à l'utilisation des matériaux bio et géosourcés.

Proposition n° 19

Soutenir la filière française d'équipements, de produits et de matériaux de construction.

Favoriser la relocalisation de la filière de production de composants de matériels de chauffage et de refroidissement, créer un CarbonScore afin d'inciter à la consommation de produits et d'équipements construits et assemblés en France et en Union européenne.

Fixer des objectifs d'intégration de composants recyclés dans les produits et matériaux de construction dans les cahiers des charges de la REP bâtiment.

Généraliser l'obligation de déclaration environnementale à l'ensemble des produits de construction et équipements du bâtiment. Rendre obligatoire l'affichage de la composition et de la provenance du produit de construction.

Accroître la subvention publique du CSTB de 45 % d'ici à 2027 pour soutenir l'innovation.

Proposition n° 20

Soutenir le développement de la filière des matériaux biosourcés.

Bonifier les montants MaPrimeRénov' et augmenter les plafonds de l'éco-prêt à taux zéro lors du recours aux matériaux biosourcés pendant d'un projet de rénovation (+ 30 % si 75 % de matériaux biosourcés).

Apporter un appui technique aux filières biosourcées afin de favoriser l'édiction de règles professionnelles et la certification de leurs produits.

Assurer une prise en compte du stockage carbone des matériaux bio et géosourcés, en tenir compte dans un futur CarbonScore des matériaux de construction.

Favoriser la filière des matériaux biosourcés par une augmentation de la part de matériaux biosourcés dans la commande publique et dans les montants des subventions.

Proposition n° 21

Développer la filière géothermique française comme alternative au chauffage électrique et évaluer la pertinence de la révision du décret GMI afin de l'étendre aux installations de plus de 500 kWh.

Proposition n° 22

Dès 2024, doubler les crédits annuels du fonds Chaleur de l'Ademe, en les portant à 1 milliard d'euros, afin de développer les réseaux de chauffage et de refroidissement faiblement carbonés.

Proposition n° 23

Protéger le bâti ancien de la banalisation et de la destruction du fait d'exigence de rénovations inappropriées.

Encourager le recensement du patrimoine bâti prévu à l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.

Adapter l'isolation par l'extérieur pour les bâtiments recensés afin de la rendre compatible avec la préservation des caractéristiques physiques, esthétiques et architecturales du bâti.

Publier le décret recensant les contraintes architecturales donnant lieu à une exemption de l'application de l'article 160 de la loi Climat et résilience.

Élargir aux communes de moins de 50 000 habitants et aux travaux de rénovation non visibles le champ d'application du label de la Fondation du patrimoine.

Intégrer l'art de la réhabilitation dans les programmes d'écoles d'architecture et former les artisans aux enjeux de la rénovation du patrimoine bâti.

L'ESSENTIEL

La commission a été constituée mi-janvier 2023 à la demande du groupe écologiste - solidarité et territoires. Depuis cette date, elle a entendu 174 personnes au cours de 21 réunions plénières et plus de 66 heures d'auditions. Elle a également réalisé trois déplacements, en Isère, dans les Alpes-Maritimes et auprès des institutions européennes à Bruxelles.

Cela reflète la volonté de la commission de chercher des solutions concrètes et ancrées dans les territoires en se plaçant à l'écoute des professionnels de terrain et des citoyens. Redonner confiance à travers des filières locales de rénovation est l'une des clefs pour relever le défi de l'accélération de la rénovation des logements dans notre pays.

I. PRENDRE CONSCIENCE DES ENJEUX DE LA RÉNOVATION

La France compte environ 37 millions de logements dont plus de 80 % sont des résidences principales. Selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), 5,2 millions (17 %) sont classés F et G. Deux tiers du parc sont concernés par la rénovation énergétique. En effet, l'objectif fixé par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est un parc neutre en carbone en 2050, et donc composé de logements classés A, B et minoritairement C (ci-joint la répartition des résidences principales en fonction de leur étiquette DPE en 2022 selon l'ONRE).

De cet état des lieux découlent quatre grands enjeux : écologique, social et sanitaire, urbain et industriel.

A. ATTEINDRE LA NEUTRALITÉ CARBONE EN 2050

Le premier enjeu est écologique : limiter le réchauffement climatique et parvenir à la neutralité carbone en 2050. À cet égard, le bâtiment représente 48 % de la consommation nationale d'énergie et 28 % des émissions de gaz à effet de serre. Le logement en constitue les deux tiers. Il faut donc agir autant dans le domaine de la décarbonation que dans celui de la sobriété puisqu'il faudra faire face au besoin supplémentaire d'électricité.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la SNBC a fixé un objectif de 370 000 logements à rénover au niveau BBC chaque année d'ici 2030 et 700 000 au-delà. La France en est loin : le nombre de ces rénovations n'est pas connu avec précision mais il est compris entre 50 000 et 100 000. Or, la future directive européenne sur l'efficacité énergétique des bâtiments va conduire à renforcer l'objectif de 30 % selon le SGPE.

B. LUTTER CONTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE

Le second enjeu est social et sanitaire. L'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) estime qu'environ 5,6 millions de ménages souffrent de précarité énergétique, c'est-à-dire peinent à faire face à leurs factures ou sont contraints de réduire leur consommation. Cette situation a un impact direct sur la santé. Selon une étude de l'OFCE, cela accroîtrait de 50 % les risques de maladie. Cette réalité a été aggravée par la crise récente sur les prix de l'énergie. Mais on ne peut qu'être interpellé par le coût des boucliers mis en place, soit plus de 63 milliards d'euros, pour un impact à court terme, alors que les budgets consacrés à la rénovation énergétique sont beaucoup moins importants.

Sources : SGPE et commission des finances

C. LIMITER L'ARTIFICIALISATION ET PRÉSERVER LE PATRIMOINE

Le troisième enjeu est urbain, patrimonial et paysager. Deux tiers des surfaces artificialisés seraient liés à de nouveaux logements et 80 % des logements de 2050 seraient déjà construits. La réduction de l'artificialisation, la densification et la revitalisation de centres anciens sont clairement des objectifs de la rénovation. La rénovation ne doit pas non plus conduire à une banalisation et même à une destruction du caractère propre de nos régions. Il est espéré au contraire qu'elle contribue à leur valorisation et leur durabilité.

D. UNE FILIÈRE INDUSTRIELLE À DÉVELOPPER

Le quatrième enjeu est économique et industriel. Il est essentiel pour notre pays que les dépenses considérables de rénovation en matériaux ou en équipements ne se traduisent pas par des importations mais contribuent à créer une véritable filière industrielle. La demande de pompes à chaleur s'est fortement accélérée avec les aides publiques. Mais quelle est la proportion fabriquée en France ? Il y a par exemple un quasi-monopole chinois sur les compresseurs.

 
 
 
 

de passoires thermiques.

de ménages
en précarité énergétique.

des logements de 2050 
sont déjà construits.

des pompes à chaleur sont importées.

II. UNE POLITIQUE ENCORE EN CHANTIER

La commission d'enquête constate que la politique publique de rénovation énergétique des logements est toujours en chantier. Il y a un risque de découragement malgré des progrès réels. Les outils sont encore à améliorer pour atteindre les objectifs fixés.

A. LE RISQUE DU DÉCOURAGEMENT

Il y a un risque de découragement face à l'instabilité, la complexité et un reste à charge qui reste trop élevé alors que la tâche est considérable.

Au cours de la plupart des auditions, l'absence de constance est revenue comme l'un des facteurs principaux d'attentisme et de confusion. Il y a eu des changements de pied brutaux, comme l'abandon du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et la création de MaPrimeRénov' tournée vers les ménages modestes, même si la réforme a été in fine positive. À l'intérieur du dispositif MaPrimeRénov', le détail et les conditions des aides changent tous les ans et parfois plus vite encore. Il en est de même pour accéder aux certificats d'économie d'énergie, les CEE. Autre exemple, le service d'accompagnement des particuliers à la rénovation a changé cinq fois de nom et deux fois de mode de financement dans les années récentes !

« Les changements permanents provoquent attentisme et confusion »

Cette instabilité nourrit la complexité. Sans qu'il faille généraliser, la demande d'une aide MaPrimeRénov' a pu virer au cauchemar en raison d'un système entièrement dématérialisé, sans droit à l'erreur, aux allures kafkaïennes. À l'issue, des demandes restent insatisfaites et d'autres aboutissent à des montants moindres qu'espérés.

La confiance est également érodée par les fraudes. La DGCCRF a indiqué que plus de 10 000 plaintes avaient été déposées sur sa plateforme SignalConso dans ce secteur qui la mobilise dans une proportion beaucoup plus importante que d'autres. Ce domaine est propice aux escroqueries et démarchages abusifs, y compris téléphonique, de prétendus conseillers France Rénov' ou de fausses entreprises RGE.

La difficulté vient également du fait que ces travaux coûtent cher, plusieurs dizaines de milliers d'euros pour une rénovation globale. Le reste à charge est élevé et trop long à rentabiliser. Pour les plus modestes, il peut être supérieur à 30 % et représenter une demi-année voire une année entière de revenu, ce qui n'est pas supportable.

B. MASSIFICATION DES GESTES MAIS PAS DES RÉNOVATIONS GLOBALES

Selon l'ONRE, en 2020, 2,1 millions de logements ont bénéficié d'au moins une des quatre principales aides pour leur rénovation énergétique : CITE, MPR, CEE ou TVA à 5,5 %. C'est une réelle satisfaction mais beaucoup de ces rénovations sont très partielles et parfois contreproductives. MaPrimeRénov' est un vrai succès avec plus de 650 000 demandes en 2021 et 2022, tout en permettant des gains énergétiques 40 % supérieurs au CITE. Mais pas plus de 10 % seraient des rénovations globales. En dehors des dispositifs dédiés à ce type de rénovation, dans 72 % des cas, il s'agit d'un simple changement de mode de chauffage au profit d'une pompe à chaleur. C'est positif en termes de décarbonation, mais cela ne contribue pas à faire disparaître les passoires ou à réduire la précarité énergétique, si rien n'est fait pour l'isolation du logement. Cela peut également être dangereux pour la stabilité du réseau électrique en accroissant la demande les jours de pointe ou en généralisant la climatisation.

Il faut ajouter qu'à ce stade, les mesures d'économie d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre sont théoriques. Un rapport de l'Ademe de 2020 pointait le fait que dans le cadre des CEE, les gains réels ne représentaient vraisemblablement que 59 % des gains théoriques. Les résultats de l'étude lancée en début d'année 2023 par l'ONRE, qui exploitera les données réelles des compteurs intelligents d'un million de ménages, sont donc très attendus.

C. LES LIMITES D'UNE POLITIQUE EN COURS DE DÉPLOIEMENT

La loi Climat et résilience, votée à l'été 2021, constitue le cadre de la politique de rénovation. Elle a mis en place des outils et un calendrier de déploiement et d'obligations qui s'étale jusqu'en 2034. Cela assure une certaine visibilité et prévisibilité qui est nécessaire. Toutefois, certains outils sont à leurs prémices et certaines obligations ne sont pas encore entrées en vigueur. Toutefois, les investigations de la commission d'enquête font ressortir six difficultés principales.

« Le bâtiment est malade mais le thermomètre qu'est le DPE
donne une température différente selon le médecin »

Tout d'abord, il apparaît assez clairement que le diagnostic de performance énergétique (DPE) a été rendu opposable et est devenu l'instrument central de la politique de rénovation avant même d'être réellement fiabilisé. À l'été 2021, le « nouveau » DPE, qui faisait apparaître un trop grand nombre de passoires énergétiques, a dû être retiré et remplacé. Mais il est encore usuel qu'un même logement reçoive une note différente selon le diagnostiqueur.

Le label Reconnu garant de l'environnement (RGE), censé désigner les entreprises compétentes pour procéder aux opérations de rénovation qui bénéficient d'une aide publique, est contesté. Les entreprises le trouvent trop complexe ; les clients ne l'estiment pas protecteur. De fait, il impose les mêmes obligations à une entreprise artisanale et à une multinationale : un seul référent formé et cinq chantiers à contrôler, ce qui peut être trop pour l'une et rien pour l'autre. Actuellement, seules 60 000 entreprises du bâtiment sont labellisées, soit 15 % du total. Beaucoup d'entreprises l'ont abandonné car leurs clients ne peuvent prétendre à une aide significative d'ailleurs trop complexe à obtenir.

Quant à l'Accompagnateur Rénov' qui devrait garantir la bonne orientation des ménages et éviter les escrocs, il est en cours de déploiement. S'il n'est donc pas possible d'en faire un bilan, les travaux de la commission ont montré que sa création provoquait une réelle inquiétude des collectivités et des plateformes locales d'information qui ne comprennent pas bien comment ce nouvel acteur prendra place dans l'existant et comment il sera financé. Il suscite aussi la méfiance des meilleurs connaisseurs des pratiques frauduleuses qui craignent que, sans contrôle suffisant, s'installe une véritable entente de malfaiteurs sous forme de circuit en vase clos, de l'accompagnateur à l'entreprise qui contrôlera les travaux.

Quatrième écueil identifié, les copropriétés. La temporalité des prises de décision et la nécessité de rendre les copropriétaires solidaires n'ont pas été prises en compte. Dans un même immeuble, chaque appartement peut avoir un DPE différent et si celui qui a une mauvaise étiquette voudra faire des travaux avant 2025 ou 2028, ceux qui peuvent attendre bloqueront toute décision. Il est en outre difficile de préparer un dossier de copropriété sur plusieurs années alors que les aides changent tous les ans voire plus.

Maison à colombages menacée par une isolation par l'extérieur (Oise - Maisons Paysannes)

Cinquièmement, les particularités du bâti ancien, c'est-à-dire datant d'avant 1948, n'ont pas été prises en compte. Le cas des maisons à colombages isolées par l'extérieur avec du polystyrène est un cas d'école. Le bâti ancien paraît comme un véritable impensé de la politique de rénovation énergétique alors même qu'il représente un tiers des logements ! D'ailleurs plus d'un tiers de ces logements sont classés F ou G alors qu'ils sont souvent construits en matériaux locaux et plus agréables à habiter l'été.

Enfin, même si des progrès ont été accomplis ces dernières années avec la création d'un coordinateur entre les ministères du logement et de la transition écologique, ou très récemment avec celle du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) qui n'a toutefois aucun poste dédié à la rénovation, le pilotage interministériel est encore insuffisant et morcelé. Le ministère de la culture, qui exerce pourtant la tutelle sur les écoles d'architecture ou qui est responsable de la conservation du patrimoine, n'avait, jusqu'à récemment, jamais été associé à la politique de rénovation !

III. RELEVER LE DÉFI DE L'ACCÉLÉRATION DE LA RÉNOVATION

Pour relever le défi de l'accélération de la rénovation énergétique, la commission a retenu une vingtaine de propositions autour de quatre axes principaux.

A. UNE STRATÉGIE STABILISÉE, AMBITIEUSE ET SOLIDAIRE

Les grands objectifs de la politique de rénovation ont déjà été fixés. Il n'y a pas lieu de chercher à les modifier, voire à les accélérer, ce qui ne serait guère réaliste. Il faut plutôt chercher à savoir comment les atteindre. La France a besoin d'une stratégie claire qui n'ait pas pour seul objectif de décarboner, mais aussi de rénover réellement, afin d'éliminer les passoires et la précarité énergétique. La sobriété et l'isolation sont au moins aussi importantes car l'électrification totale du parc n'est sans doute pas supportable par le réseau et les capacités actuelles ou futures de production. Il nous faut donc garder un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies. La géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse doivent se développer. De même, alors que 40 % des Français et 60 % des logements sociaux sont chauffés au gaz, il est déraisonnable d'envisager une interdiction à court terme (Proposition n° 1).

Le deuxième point important est de favoriser systématiquement les rénovations efficaces, dans un parcours accompagné et cohérent, pour conduire à une rénovation globale. Tout doit concourir à rendre ces démarches plus avantageuses que le geste isolé et sans lendemain (n° 2).

Confirmer le caractère solidaire de la rénovation et l'objectif de tendre, par des aides appropriées, vers un reste à charge minimal et cohérent avec le revenu des ménages (n° 3) sont les conditions d'une transition énergétique juste.

Il nous faut également garantir la stabilité de cette stratégie et du volume financier des aides en l'insérant dans une programmation budgétaire jointe à la future loi de programmation sur l'énergie et le climat qui sera examinée à l'automne (n° 4).

Enfin, assurer le pilotage interministériel de cette politique au niveau du Premier ministre, à travers un SGPE renforcé et en associant le ministère de la culture, permettra de renforcer la cohérence de l'action publique (n° 5).

B. REDONNER CONFIANCE

Il faut faire du DPE un outil incontestable (n° 6). Cela passe par la formation et la professionnalisation des diagnostiqueurs, notamment à travers la délivrance, accompagnée de contrôles, d'une carte professionnelle. Cela passe par une nouvelle réforme du calcul du DPE pour prendre en compte le bâti ancien, corriger les biais en défaveur des petites surfaces et intégrer le confort d'été à la note. Pour le bâti ancien, en attendant ces évolutions et pour une période maximum de deux ans, c'est-à-dire d'ici 2025, nous proposons de revenir à l'ancien DPE sur factures. L'intégration du confort d'été paraît également incontournable alors que les études font ressortir la surmortalité à l'occasion des vagues de chaleur. Dans ces conditions, il sera logique que le DPE devienne obligatoire pour toute demande d'aide à la rénovation et enclencher un parcours.

« Ce sont des réseaux locaux d'information et d'accompagnement
qui apporteront confiance et garantie d'efficacité aux ménages »

Les collectivités locales doivent revenir au coeur du dispositif (n° 7 et 8), notamment pour réussir l'accompagnement des ménages. Il est important de s'appuyer sur les dynamiques et expérimentations locales et tous les dispositifs déjà en place qui fonctionnent. Mon Accompagnateur Rénov' ne doit pas renouveler l'erreur des dispositifs CEE ou de MaPrimeRénov' entièrement dématérialisés et gérés depuis Paris. Les collectivités locales doivent être le point d'entrée de l'information et de l'accompagnement, et le lieu où pourront se formaliser un parcours et s'agréger les demandes d'aides.

Ces réseaux locaux s'articuleront avec les entreprises du territoire qui doivent retrouver toute leur place dans la rénovation. Aujourd'hui, la rénovation se fait largement sans les entreprises artisanales. Il faut y remédier (n° 9). Non seulement le label RGE doit pouvoir être attribué sur chantier mais, comme cela se fait déjà pour le gaz ou l'électricité, elles doivent tout simplement pouvoir faire valider leur chantier sur la base d'un contrôle a posteriori et les rendre éligibles aux aides.

Il faut enfin beaucoup mieux lutter contre la fraude (n° 10). Il y a des contrôles, mais ils ne sont pas coordonnés et leurs résultats ne sont pas partagés entre l'Anah, les CEE, le RGE ou la DGCCRF. Il faut lever ces obstacles. Il faut alourdir les sanctions pénales contre les escrocs qui usurpent, par exemple, la qualité de conseiller France Rénov' ou le label RGE et portent préjudice aux fonds publics. Il faut généraliser la possibilité de prononcer une amende en pourcentage du chiffre d'affaires pour frapper au portefeuille. Il faut accroître les moyens de la DGCCRF qui a perdu mille postes depuis quinze ans. Il faut enfin que les consommateurs soient mieux informés de leur droit et que toute publicité ou site internet faisant la promotion de la rénovation renvoie obligatoirement vers France Rénov'.

C. GARANTIR LE FINANCEMENT

Tout d'abord, en cohérence avec la volonté de favoriser les rénovations les plus efficaces, il est proposé de porter les crédits de MaPrimeRénov' à 4,5 milliards d'euros dès 2024 (+ 1,6 milliard), de tripler les aides à la rénovation globale pour les ménages les plus modestes en portant le plafond d'aide à 45 000 euros. Pour ces ménages, l'audit énergétique et l'accompagnement doivent pouvoir être gratuits (n° 11).

Source : Cour des comptes et les documents budgétaires

Il est ensuite proposé de déployer plus largement l'éco-prêt à taux zéro et le prêt avance rénovation en levant les blocages (n° 12 et 13). Avec la hausse des taux, l'éco-PTZ a retrouvé tout son intérêt. Il reste néanmoins trop complexe et ses plafonds méritent d'être significativement rehaussés à 70 000 euros pour accompagner les rénovations les plus efficaces. Quant au prêt avance rénovation, il est pour le moment un échec : seulement une centaine a été attribuée. Cela s'explique par des conditions trop restrictives qui ne sont pas justifiées, notamment de rang d'hypothèque, et par le fait qu'il ne soit pas à taux zéro.

Enfin, il faut assurer le couplage des différentes aides entre elles et celui des aides et des prêts (n° 14). Les conditions d'obtention de MaPrimeRénov' et des CEE doivent être harmonisées et surtout rendues transparentes pour les demandeurs. De même, le couplage de l'éco-PTZ avec MaPrimeRénov' doit être conforté avec des montants améliorés. Une évaluation du potentiel de couplage de la TVA 5,5 % avec les aides devrait être étudiée (n° 15).

Concernant les copropriétés (n° 16), il convient, d'une part, de rendre les copropriétaires solidaires face à la rénovation énergétique en s'appuyant sur le DPE collectif qui doit devenir opposable dans les copropriétés pour l'application des interdictions de louer prévues par la loi Climat et résilience. Il est, d'autre part, nécessaire d'abaisser les majorités pour prendre les décisions de contracter des emprunts, notamment en passant aussi souvent que possible à la majorité simple.

Les bailleurs sociaux sont prêts techniquement et ont la volonté de passer rapidement à l'action. La rénovation du parc implique cependant un investissement de l'ordre de 9 milliards d'euros par an que les bailleurs ne peuvent porter sans aide de l'État dans le contexte actuel marqué par la réduction de loyer de solidarité décidée en 2017 et la hausse des taux du livret A. Il est certes possible d'agir sur l'endettement mais, fondamentalement, les bailleurs ont besoin de fonds propres. C'est pourquoi il est proposé que l'État débloque, dès 2024, un soutien de 1,5 milliard d'euros puis inscrive un engagement cohérent avec les objectifs de rénovation dans la programmation budgétaire qui a été demandée et le Pacte de confiance qui doit être signé avec le mouvement HLM (n° 17).

D. STRUCTURER L'OFFRE NATIONALE DE RÉNOVATION

Pour réussir la rénovation, il est nécessaire de structurer une véritable filière française.

Il y a tout d'abord un enjeu de formation, puisqu'on estime à 200 000 le nombre de professionnels qui doivent être formés, de l'ouvrier à l'architecte. Ce sont de nouvelles technologies, de nouveaux équipements, mais aussi de nouveaux matériaux qu'il faut apprendre à poser et utiliser, y compris biosourcés ou des techniques propres aux bâtiments anciens et patrimoniaux (n° 18).

Il convient ensuite de soutenir les filières industrielles et de matériaux français. C'est vrai pour les équipements et matériaux traditionnels dont il faut favoriser la relocalisation (n° 19) ou le développement en France, notamment en s'appuyant sur un « CarbonScore » et des obligations de déclaration environnementale. L'objectif du SGPE de porter de 350 000 à 1,3 million la production nationale de pompes à chaleur d'ici 2030, avec une valeur ajoutée à 90 % française et la création ou consolidation de 60 000 emplois, doit être soutenu.

L'effort doit aussi porter sur la filière des matériaux biosourcés (n° 20) qui présentent de très nombreuses qualités, du stockage du carbone au confort d'été. Il convient pour l'essentiel de bonifier les aides, de les insérer aux commandes publiques et de les accompagner pour faciliter leur certification (à gauche bloc de béton de chanvre, Biosys-Vicat).

Il est ensuite proposé de développer la filière de la géothermie et les réseaux de chaleur (n° 21 et 22). Des obstacles réglementaires doivent être levés et les crédits du fonds Chaleur de l'Ademe doivent être doublés et portés à 1 milliard d'euros dès 2024.

Enfin, une filière de la rénovation du bâti ancien reste à créer pour le protéger de la banalisation et de la destruction (n° 23). Il faut encourager la prise de conscience, le recensement de ce petit patrimoine et adapter les gestes de rénovation pour préserver son esthétique et ses qualités. Cela passera aussi par un développement de la formation, des outils de financement spécifiques élargis, à travers notamment la Fondation du patrimoine, et un cadre réglementaire enfin clarifié, le décret de la loi Climat et résilience en la matière étant toujours attendu.

RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS :
RELEVER LE DÉFI DE L'ACCÉLÉRATION

I. DE LA PRISE DE CONSCIENCE À L'ACTION : FAIRE FACE AUX ENJEUX ÉCOLOGIQUES, SOCIAUX, SANITAIRES, URBAINS ET INDUSTRIELS DE LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS

Pour comprendre le besoin de rénovation énergétique des logements et l'effort considérable demandé dans ce secteur, il convient de prendre conscience de l'ampleur de la tâche à travers un panorama de l'état des logements en France au regard des enjeux écologiques, sociaux, urbains et industriels.

A. PRENDRE CONSCIENCE DE L'AMPLEUR DE LA TÂCHE

Cette prise de conscience doit s'appuyer sur un panorama précis de l'état des logements dans notre pays.

1. Le poids des énergies fossiles dans le chauffage des logements

Il convient en préambule de souligner que les statistiques qui suivront s'appuient sur le Diagnostic de performance énergétique (DPE) du logement, et donc qu'elles sont dépendantes de sa méthode de calcul, et des biais qui s'y attachent. L'ONRE avait ainsi souligné devant la commission d'enquête que : « Sur la question des statistiques locales et de la qualité des données, nous alertons sur le fait qu'il y a des incertitudes sur les statistiques relatives aux DPE. Cette incertitude est liée au fait que nous mesurons un concept qui est le fruit d'une mesure administrative conventionnelle pouvant évoluer dans le temps et pouvant être sujet à contestation1(*). »

Un premier biais est que tous les logements n'ont pas fait l'objet d'un DPE : en 2018, on estimait le nombre de logements ayant fait un DPE à 2,5 millions. Toutefois, le nombre de logements ayant réalisé un DPE, y compris un nouveau DPE, est suffisant pour tirer des échantillons représentatifs de logements avec des caractéristiques variées, et à partir de là, tirer des statistiques fiables sur la classe énergétique des logements sur le territoire.

En outre, la formule de calcul a récemment évolué avec le « nouveau DPE », qui est applicable depuis le 1er juillet 2021, date à laquelle il est devenu opposable. L'ensemble des données présentées seront basées sur le nouveau DPE. Si la question de la fiabilité du DPE sera abordée plus en détail par la suite, il est utile de faire quelques remarques préliminaires sur les conséquences qu'emportent les modifications du nouveau DPE sur les données statistiques les plus récentes dont nous disposons.

Alors que deux notes (consommation énergétique du logement, émission de gaz à effet de serre) étaient attribuées à un logement dans l'ancien DPE, depuis juillet 2021 une seule note est donnée. Celle-ci correspond à la plus mauvaise note dans les deux catégories. D'après l'ONRE, cette nouvelle présentation a pour principal effet de désavantager les logements chauffés au fioul : dans 55 % des cas, leur note déterminée par le volet « émission de gaz à effet de serre » du DPE, tandis que pour les logements utilisant une autre source d'énergie, la consommation d'énergie et le niveau d'émission de gaz à effet de serre obtiennent majoritairement une note identique.

Les logements chauffés au fioul sont pour une forte part considérés comme des passoires énergétiques (44 %), tandis que la proportion des passoires thermiques parmi les logements consommant un autre type d'énergie se situe aux alentours de 12-15 %. Une part minime de logements chauffés au gaz ou au fioul (moins de 1 %) est considérée comme « très performants » (classe A ou B).

Répartition des classes d'énergie DPE des résidences principales
en fonction de leur énergie de chauffage

 

A

B

C

D

E

F

G

Électricité

4,0

5,8

21,2

31,6

22,0

8,6

6,9

Gaz

0,0

0,9

29,3

36,3

21,5

8,6

3,5

Fioul
et autres pétroles

0,0

0,0

6,4

22,9

26,3

25,9

18,5

Bois
et réseau
de chaleur

1,8

6,9

28,7

30,7

18,8

7,0

6,2

Toutefois, les logements chauffés au fioul représentent environ 10 % des résidences principales, avec un taux de logements supérieur pour les résidences individuelles (16,2 %) par rapport aux appartements (4,1 %)2(*). Ainsi, même s'il convient de garder cette distorsion en tête, la proportion des logements au fioul n'est pas suffisante pour empêcher la comparaison des statistiques les plus récentes avec celles produites les années précédentes.

A contrario, Maxence Lefèvre, président du conseil régional de l'ordre des architectes de La Réunion-Mayotte, soulignait lors de son audition du 22 mai 2023 devant la commission d'enquête que la consommation moyenne annuelle d'un foyer réunionnais représentait 3 500 kWh, soit 650 euros par an, contre 5 000 kWh par an en France métropolitaine, soit 1 000 euros environ par an. La généralisation des chauffe-eau solaires et l'absence de chauffage dans les foyers expliquent cette différence.

2. 5,2 millions de passoires thermiques, soit 17 % du parc

Au 1er janvier 2021, la France comptait 37,2 millions de logements, dont 81,8 % sont des résidences principales, 9,9 % des résidences secondaires, et les 8,3 % restants des logements vacants3(*).

L'ONRE indique que « sur les 30 millions de résidences principales au 1er janvier 2022, environ 1,5 million de logements (5 % du parc) seraient peu énergivores (étiquettes A et B du DPE)4(*). » Les logements très peu performants (appelés « passoires énergétiques »), qui comprennent les logements de classe F et G, représentent en revanche 5,2 millions de logements, ce qui correspond à 17,3 % du parc de résidences principales.

Répartition des résidences principales en France
par étiquette DPE en 2022
(en %)

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'ONRE

Lorsque la base de référence n'est plus celle des résidences principales, mais celle des résidences secondaires, la part des passoires thermiques augmente de manière significative : elle passe à 32 %5(*). Toutefois ces chiffres devraient être mis en relation avec le taux d'occupation effectif de résidences secondaires. Or l'ONRE a indiqué en audition que des données n'étaient pas encore disponibles à ce sujet : « S'agissant des résidences secondaires, nous n'avons pas procédé à des analyses spécifiques ; nous les avons introduites pour la première fois et je ne vois pas comment nous pourrions récupérer des données sur leur taux d'occupation. Néanmoins, si ce sujet n'est pas pour l'instant prioritaire, il nous faudra l'examiner un jour6(*). »

Concernant la structure de l'habitat, la part des passoires énergétiques est plus importante pour les logements individuels (19,6 %), que pour les appartements (14,5 %). Cette différence tient essentiellement à l'usage, déjà signalé, plus important du fioul comme énergie de chauffage dans les maisons que dans les appartements7(*). Inversement, la proportion de logements présentant des performances énergétiques élevées est un peu plus importante pour les maisons que pour les appartements.

Le parc locatif présente des caractéristiques spécifiques. Il est constitué de 70 % d'appartements, contre 45 % pour l'ensemble des résidences principales, et il comprend davantage de logements chauffés à l'électricité.

L'état du parc locatif social est meilleur que celui du parc locatif privé. Seuls 9 % des logements sont classés F ou G et 21 % sont classés E. En revanche, 4 % seulement sont classés A ou B et deux tiers sont classés D (33 %) et C (34 %).

Pour autant, l'état énergétique du parc locatif est proche de celui de l'ensemble des logements : le taux de passoires énergétiques est de 19,8 % dans le parc locatif privé, contre 17,3 % pour l'ensemble des résidences principales. Une partie de ce différentiel s'explique par la plus petite taille en moyenne des logements du parc locatif, ce qui tend à augmenter la consommation d'énergie de ces logements au mètre carré. Les logements de moins de 30 m² représentent ainsi 24 % des passoires thermiques, alors qu'ils ne correspondent qu'à 14 % du parc.

Les logements de petite taille (moins de 30 m²) présentent en effet systématiquement des scores moins élevés que les autres en termes de performance énergétique. La proportion de passoires énergétiques atteint 34 %, alors que seuls 13 % des logements de plus de 100 m² relèvent des catégories F ou G. Il faut relever que la performance énergétique décroît systématiquement à mesure que le logement est plus petit.

Toutefois, une partie de ces chiffres s'explique par la méthode de calcul du DPE : la consommation d'eau chaude et l'importance des surfaces déperditives (murs, plancher ou plafond donnant sur l'extérieur), ramenées à la surface habitable augmentent mécaniquement à mesure que la taille du logement est réduite, ce qui tend à grever le score de ces logements. Au demeurant, les petits logements comprennent d'autres avantages : ce sont généralement des appartements, et ils sont donc associés à une densification plus élevée des sols habitables, et donc à une moindre artificialisation des sols.

Dans l'ensemble, la structure des logements (logement individuel/collectif, propriétaire habitant/parc locatif privé) n'implique pas de différences si significatives en termes de performance énergétique qu'elles impliqueraient d'orienter les politiques de rénovation énergétique en priorité sur tel ou tel secteur.

3. L'inégalité géographique face aux passoires thermiques

Les différents départements de la France métropolitaine8(*) présentent des différences significatives lorsque l'on considère la proportion de logements de classe F ou G. Les départements bordant la Méditerranée ont une proportion de « passoires thermiques » inférieure à 7 %, tandis que des départements comme la Creuse ou la Nièvre dépassent les 30 %. Les départements bordant l'Atlantique ont une proportion de logements à faibles performances énergétiques inférieure à la moyenne nationale.

D'une manière générale, un département qui se situe plus au nord ne contient pas nécessairement une proportion plus élevée de logements considérés comme des « passoires thermiques ». En réalité, les plus fortes proportions de logements classés F ou G se retrouvent dans les départements ruraux, les départements montagneux ainsi qu'en Île-de-France. En effet, le DPE actuel défavorise fortement les logements au-dessus de 800 mètres d'altitude avec un effet de seuil important.

La proportion de « passoires énergétiques » parmi l'ensemble des logements à Paris et sa petite couronne est ainsi de 29 %, et l'ONRE parle à ce titre de « particularité de l'agglomération parisienne »9(*).

Proportion par département des logements considérés
comme des « passoires thermiques »

Source : Observatoire national de la rénovation énergétique,
Le parc de logement par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, juillet 2022, page 17

Ces données montrent l'intérêt de mener des politiques de rénovation énergétique qui prennent en compte les spécificités des territoires, en particulier en ce qui concerne l'usage du DPE.

Outre-mer, l'absence de DPE

Les politiques de rénovation énergétique doivent s'appuyer sur une démarche d'état des lieux, de programmation, de mise en oeuvre et de contrôle. L'outil pour le faire est aujourd'hui le DPE. Or bien que la loi Climat et résilience prévoie l'entrée en vigueur du DPE opposable dans les territoires d'outre-mer à compter du 1er juillet 2024, ce dernier n'est pas encore finalisé.

Le DPE s'applique uniquement aux bâtiments régulés en termes de température interne, que l'on soit en chauffage ou en climatisation. Des dispositifs existent aussi bien en Guadeloupe avec le DPEG, qu'en Martinique avec le DPEM. Mais les autres territoires n'en possèdent pas.

Un groupe de travail de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et de la direction générale des outre-mer (DGOM) a lancé, en avril 2023, une étude en deux phases, une phase d'analyse comparative des outils existants, avec une prise en compte des outils et des premiers retours attendus pour septembre, et une phase de modélisation du parc résidentiel ultramarin afin de disposer de données sur la performance énergétique du parc de chaque Drom. La fin de cette deuxième phase serait pour début 2024.

4. La date de construction : un facteur discriminant

Si l'on met de côté la question du chauffage au fioul, la période de construction est de très loin le facteur le plus important dans la performance énergétique d'un bâtiment. Cela s'explique par l'application progressive de normes énergétiques de plus en plus strictes.

Les logements construits entre 2013 et 2021 sont à 38 % des logements très performants (classes A ou B), tandis que les passoires énergétiques sont résiduelles (0,5 %). 85,6 % des logements construits sur cette période sont au moins de classe C.

À l'inverse, 33,5 % des logements construits avant 1974 sont des passoires thermiques, et seulement 0,7 % sont très performants. D'une façon générale, la performance énergétique d'un logement décroît de manière linéaire à mesure que sa date de construction est éloignée dans le temps.

Répartition des classes d'énergie DPE des résidences principales
en fonction de leur année de construction

 

A

B

C

D

E

F

G

Avant 1948

0,1 %

0,6 %

10,6 %

27,2 %

28,1 %

18,5 %

15,0 %

De 1948
à 1974

0,1 %

0,6 %

11,6 %

32,1 %

30,0 %

16,0 %

9,6 %

De 1975
à 1988

0,1 %

1,1 %

19,2 %

41,5 %

27,6 %

8,3 %

2,2 %

De 1989
à 2000

0,4 %

1,9 %

34,5 %

44,3 %

15,9 %

2,4 %

0,6 %

De 2001
à 2005

0,5 %

3,4 %

47,2 %

40,2 %

7,7 %

0,7 %

0,3 %

De 2006
à 2012

1,2 %

7,3 %

54,9 %

32,1 %

4,0 %

0,3 %

0,1 %

De 2013
à 2021

17,4 %

20,6 %

47,6 %

11,5 %

2,4 %

0,4 %

0,1 %

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'ONRE

Part des passoires thermiques (classe F ou G) dans le parc résidentiel
selon l'année de construction du logement

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'ONRE

Dès lors, en pure théorie, une conclusion qui pourrait s'imposer est que privilégier la démolition et la reconstruction de logements serait le moyen le plus simple et le plus rapide d'atteindre un parc de logements « basse consommation ». À long terme, la part de la construction neuve est importante même si, à court terme, elle ne représente en France qu'environ 1 % du parc. L'exemple suédois le montre puisque dans ce pays l'équivalent de la réglementation thermique RT2012 s'est appliqué dès les années 1970 permettant aujourd'hui de disposer d'un parc très bien isolé et largement décarboné. Cela montre l'efficacité de la réglementation et des exigences thermiques (RT2005 et RT2012) dans le neuf. Un bâtiment bien conçu de type passif ne nécessitera pas d'interventions ultérieures. Il est donc important de soutenir et d'accompagner la mise en oeuvre de la réglementation environnementale RE2020.

A contrario donc, on a coutume de dire que 80 % des logements de 2050 sont d'ores et déjà construits. Ce sont eux qu'il convient de rénover.

B. L'ENJEU ÉCOLOGIQUE : ACCÉLÉRER POUR ATTEINDRE LA NEUTRALITÉ CARBONE EN 2050

1. Le secteur du bâtiment : principal consommateur d'énergie

La politique publique de rénovation énergétique en France répond à un fort enjeu environnemental : le secteur du bâtiment résidentiel et tertiaire émet 28 % des émissions nationales de gaz à effet de serre10(*) et représente 45 % de la consommation nationale d'énergie11(*), ce qui en fait le premier secteur consommateur d'énergie devant le transport. Le secteur est donc naturellement au coeur des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne.

Au sein du secteur du bâtiment, la part du résidentiel est prépondérante : les bâtiments résidentiels représentent 64 % des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment12(*).

À l'échelle nationale, la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), révisée périodiquement depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, fixe des objectifs généraux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, déclinés ensuite par secteur.

L'objectif de la SNBC révisée en 2020 est ainsi d'assurer une réduction brute des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à 1990, en vue d'atteindre une neutralité carbone en 2050, objectif fixé par la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, qui transcrit l'Accord de Paris sur le climat, adopté le 12 décembre 2015.

La SNBC décline ces objectifs pour le secteur du bâtiment : les émissions du secteur doivent être réduites de 49 % en 2030 par rapport à 2015 (soit 45 millions de tonnes eqCO2) puis une décarbonation complète du secteur est prévue à l'horizon 2050 (soit 5 millions de tonnes eqCO2). Sur la période 2022-2030, cette diminution implique une baisse annuelle de 3 à 4 millions de tonneeqCO2.

Le premier enjeu identifié dans la stratégie est la rénovation énergétique du parc existant : pour atteindre le niveau bâtiment basse consommation (BBC) en moyenne sur la totalité du parc en 2050, la feuille de route prévoit d'atteindre le chiffre de 370 000 rénovations complètes équivalentes par an d'ici 2027 puis 700 000 rénovations complètes par an à partir de 2030.

Typologie des rénovations de bâtiment

L'amélioration de la performance énergétique et environnementale d'un bâtiment regroupe plusieurs termes. La rénovation thermique est associée à l'amélioration de l'enveloppe d'un bâtiment.

La rénovation énergétique englobe à la fois la rénovation thermique, le changement de système de chauffage et l'optimisation des usages énergétiques (thermostats dits intelligents par exemple).

Enfin, l'expression rénovation environnementale prend en compte également l'empreinte carbone de l'action de rénovation en elle-même (cycle de vie des matériaux d'isolation par exemple).

Plusieurs termes sont également utilisés selon la portée de la rénovation : la rénovation globale traite l'ensemble des postes d'amélioration de l'efficacité énergétique, à l'inverse d'une rénovation par geste, qui ne traite que d'un poste. Elle peut se dérouler en une étape ou en plusieurs étapes, dans le cadre d'un parcours de rénovation.

À l'échelle européenne, les objectifs climatiques ont récemment été mis à jour : dans le cadre du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », le « règlement européen sur le climat » du 30 juin 2021 a rehaussé les objectifs environnementaux européens : les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 55 % en 2030 par rapport à 1990, tandis que la neutralité carbone doit être atteinte en 205013(*).

Les objectifs nationaux, aussi bien généraux que sectoriels, devront être prochainement rehaussés afin de tenir compte de cette évolution européenne, alors que le bâtiment est l'un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre. Selon le Haut Conseil pour le climat, l'objectif de réduction brute des émissions de gaz à effet de serre à l'échéance 2030 devrait ainsi passer de 40 % actuellement à 50 % pour se conformer aux obligations européennes14(*).

Au niveau du secteur du bâtiment, le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a ainsi annoncé le 12 juin 202315(*) les orientations du nouveau budget carbone qui serait retenu dans la prochaine révision de la SNBC, prévue en 2024. La cible d'émission propre au secteur du bâtiment évoluera : en 2030, le secteur du bâtiment devra réduire ses émissions à 30 millions de tonnes eqCO2, contre 45 millions de tonnes dans la SNBC actuelle. La mise à jour des orientations environnementales de la France impose donc un rehaussement ambitieux des objectifs spécifiques au secteur du bâtiment.

Récapitulatif des objectifs climatiques de la France

Niveau d'objectif

2030

2050

Objectif global

Baisse de 40 % des émissions de GES brutes

Neutralité carbone
(zéro émission nette)

Objectifs pour le secteur du bâtiment

Baisse de 49 % des émissions de GES brutes par rapport à 2015

Décarbonation complète

Déclinaison opérationnelle

700 000 rénovations par an

Ensemble du parc au niveau BBC en moyenne

2. Une accélération indispensable

Force est de constater que le secteur du bâtiment n'atteint pas ces objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés au niveau national. Le secteur du bâtiment fait pourtant partie des trois secteurs qui voient leurs émissions diminuer, avec ceux de l'énergie et de l'industrie.

Cette diminution reste trop faible : alors que, au sens de la SNBC, le secteur émet 75 millions de tonnes éqCO2 par an16(*), ces émissions ont diminué de 1,9 million de tonnes éqCO2 par an pendant la période 2015 à 2018, soit près de deux fois moins que la diminution nécessaire : pour atteindre l'objectif de baisse d'émission qui serait fixé à l'horizon 2030 dans la nouvelle SNBC, les émissions devraient être réduites de 3,6 millions de tonnes eqCO2 par an17(*).

La baisse a ensuite ralenti sur la période 2019-2020 (- 0,2 million de tonnes éqCO2 par an) et, en 2021, les émissions ont augmenté de 5,5 % en raison d'un rebond lié à des facteurs conjoncturels (baisse des consommations d'énergie des bâtiments tertiaires à la suite de la crise sanitaire et hiver plus rigoureux en 2021).

Évolution des émissions du bâtiment de 2011 à 2021

Source : Haut Conseil pour le climat, 2022

Le premier facteur d'explication de cet écart entre objectifs et évolution des émissions des gaz à effet de serre est la faible montée en charge de la rénovation énergétique des bâtiments : alors que 370 000 rénovations énergétiques seraient nécessaires par an pour se conformer aux objectifs précités ; seules 50 000 à 100 000 rénovations énergétiques performantes ont été effectuées en 2021 et 2022, selon France Stratégie.

C. L'ENJEU SOCIAL ET SANITAIRE : LUTTER CONTRE LA PRÉCARITÉ ÉNERGÉTIQUE

Opposer « fin du monde » et « fin du mois » fait partie des arguments fallacieux classiques lorsqu'est évoquée la transition écologique et énergétique, c'est cependant généralement l'inverse et particulièrement dans le logement puisque les déperditions alimentent la précarité énergétique. La rénovation énergétique d'un logement permet une diminution de la facture énergétique, un meilleur confort et une meilleure santé : un bilan gagnant-gagnant.

1. Un état des lieux préoccupant

La rénovation énergétique répond également à un enjeu social, celui pour lequel une notion idoine a été élaborée, puis reconnue par les acteurs du secteur et, enfin, consacrée par la loi : la notion de précarité énergétique. Aux termes de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite loi Grenelle, se trouve en effet « en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l'inadaptation de ses ressources ou conditions d'habitat ».

Créé en mars 2011 à la suite de cette même loi de 2010, l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) publie chaque année les résultats de son tableau de bord. Son dernier rapport a ainsi été rendu public en mars 2023. Selon les données de l'Observatoire pour l'année 202218(*), plus des deux tiers des Français (69 %) déclarent avoir restreint le chauffage chez eux pour ne pas avoir de factures trop élevées, 22 % déclarent avoir souffert du froid pendant au moins 24 heures au cours de l'hiver 2021-2022 et 37 % d'entre eux déclarent que la raison est financière.

Environ 5,6 millions de ménages sont aujourd'hui en situation de précarité énergétique au regard d'au moins un indicateur. La mesure du phénomène est en effet multicritère et mobilise à cette fin un panier d'indicateurs : le taux d'effort énergétique (TEE)19(*), fonction de la part du revenu consacré à l'énergie, faisant s'élever le nombre de ménages dans cette situation à trois millions, l'indicateur bas revenus dépenses élevées (BRDE)20(*), fonction du revenu rapporté à la superficie du logement et à la dimension du ménage, avec 4,3 millions de cas (2,3 millions si les dépenses énergétiques sont élevées à la fois au regard de la taille du logement et de la composition familiale) et, enfin, le ressenti de l'inconfort, un troisième indicateur, subjectif, portant sur la sensation de froid exprimée par les ménages, qui concerne 1,6 million d'entre eux.

Le recoupement des ménages en situation de précarité énergétique

Source : Gouvernement

Ces trois grands indicateurs peuvent se recouper, comme l'illustre le graphique ci-dessus. La précarité énergétique la plus caractéristique frappe donc durement un « noyau » d'environ un million de ménages, victimes à la fois de la situation d'inconfort thermique comme l'exprime l'indicateur de froid) et de vulnérabilité économique, sous la forme de la part importante du revenu consacré à l'énergie (TEE) ou de la fonction du revenu rapporté à la superficie du logement et à la dimension du ménage (BRDE).

Cet état des lieux doit être complété de l'état des logements au regard de leurs performances énergétiques : en effet, il convient de relever qu'environ 5 millions de logements sont considérés comme des « passoires thermiques », classées F ou G par leur DPE, dont la moitié est occupée par des ménages très modestes.

Les auditions organisées par la commission d'enquête sur le sujet de la précarité énergétique ont relevé les liens entre d'une part, la précarité énergétique et l'état dégradé des logements et, d'autre part, les questions de santé publique. La fondation Abbé Pierre a ainsi rappelé que les personnes vivant dans des logements difficiles à chauffer avaient 50 % de risque supplémentaire de se déclarer en mauvaise santé, d'après une étude qu'a menée avec Pierre Madec, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)21(*).

2. L'aggravation récente de cette dimension du mal-logement

Si les inégalités représentent un facteur structurel qui pèse sur cette dimension du mal-logement que constitue la précarité énergétique, d'un point de vue conjoncturel, la hausse des prix de l'énergie dans la période récente dégrade encore la situation des ménages concernés. L'inflation caractérisant les années 2022 et 2023 aggrave surtout la vulnérabilité économique, qu'il s'agisse de la part du revenu consacré à l'énergie ou de la fonction du revenu rapporté à la superficie du logement et à la dimension du ménage. Comme le montre en effet le 28e rapport sur le mal-logement de la fondation Abbé Pierre22(*), « la facture logement, liée à trois décennies de hausse des prix à l'achat et à la location, est encore alourdie par des dépenses énergétiques devenues insoutenables pour de nombreux ménages modestes qui doivent régulièrement choisir entre se chauffer, manger et se soigner convenablement, payer leur loyer ». Selon la sociologue Isolde Devalière, qui travaille à la fois pour le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et l'université Paris-Est, « la précarité énergétique est devenue en quelques années, face à la flambée du prix des combustibles, un véritable enjeu de société qui lie le mal-logement et la vulnérabilité à la problématique du confort moderne ».

Comme le rappelle la fondation Abbé Pierre, ces enjeux présentent un caractère multidimensionnel et plurisectoriel, « dans la mesure où cette question touche à des registres de la politique du logement qui entretiennent des liens avec d'autres politiques publiques (emploi, justice, fiscale, sociale, etc.) ».

Afin d'atténuer les effets de la hausse des prix de l'énergie et en renfort du chèque énergie lui-même objet d'un effort spécifique en 202223(*), un bouclier tarifaire a été mis en place. S'il a pu contenir au prix d'un coût élevé de 63,6 milliards d'euros entre 2021 et 202324(*), une partie des variations des factures d'énergie25(*), le fait qu'il profite davantage aux ménages dotés de revenus et de patrimoines importants, plus gros consommateurs d'énergie, n'en fait pas une option satisfaisante pour réduire les inégalités aux sources de la précarité énergétique. La piste d'une politique tarifaire progressive ou la prise en compte des consommations minimales contraintes sont des options moins simples mais dont les gains auraient davantage profité aux plus modestes. Pour ces derniers, le chèque énergie demeure le dispositif principal mais bien que 5,8 millions de ménages l'aient utilisé en 2022, une solution plus globale et surtout plus durable telle que celle de la rénovation est nécessaire pour relever le défi de la précarité énergétique, d'autant plus que ses modalités d'utilisation posent des difficultés pour ceux qui ont un chauffage collectif.

3. La rénovation pour lutter contre la précarité énergétique

La précarité énergétique n'est pas exactement le même sujet que celui de la rénovation énergétique, cependant le champ de ces deux problématiques se recoupe et les deux questions sont directement liées l'une à l'autre. La rénovation énergétique peut et doit contribuer à sortir les ménages de la précarité énergétique et cette dernière fournit des pistes concrètes pour déterminer sur quels logements agir en priorité. Chacune est en quelque sorte un levier pour l'autre.

Les ménages en situation de précarité énergétique sont le plus souvent locataires, de l'ordre de 59 % selon les dernières statistiques disponibles, en attendant les résultats de l'enquête nationale logement (ENL) pour 2020. Mais les propriétaires modestes, qui représentent de l'ordre de 15 % de l'ensemble des propriétaires, ne doivent pas être oubliés. Ainsi que l'illustre l'enquête TREMI portant sur les maisons individuelles26(*), le principal frein aux travaux de rénovation a pour cause la situation financière des ménages. Cette dernière empêche d'entreprendre des travaux de rénovation dans 68 % des cas. Qu'il s'agisse des locataires ou des propriétaires modestes, ainsi que des propriétaires bailleurs des locataires en situation de précarité énergétique, le montant du reste à charge est la variable essentielle du déclenchement des travaux, ce qui montre le caractère stratégique du calibrage des aides.

Il faut en effet rappeler le facteur d'inertie que sont ces restes à charge : malgré la diversité des dispositifs mis en oeuvre, après mobilisation de toutes les aides (y compris les certificats d'économie d'énergie (CEE) et aides locales), c'est en moyenne 33 % du montant des travaux qu'il reste à payer aux ménages très modestes et 52 % aux ménages modestes, d'après les calculs de France Stratégie pour l'année 2021. Ces ordres de grandeur se dégradent même en 2022 comme en témoigne le deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance : le reste à charge s'est accru au cours du premier semestre 2022 à 35 % pour les ménages très modestes et 55 % pour les ménages modestes, en raison de la baisse des CEE. L'objectif de 10 % de reste à charge n'est pas atteint et les ménages modestes sont donc peu incités à entreprendre des travaux ambitieux.

La massification des gestes de rénovation implique également, en complément de la couverture des restes à charge, un accompagnement spécifique pour ces publics, personnalisé, renforcé et garantissant des gestes de rénovation cohérents.

Les opérateurs de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) jouent à cet égard un rôle de premier plan, consolidé par l'intervention du réseau Faire et ses guichets locaux. La fédération Soliha27(*) fédère ainsi 145 associations en vue de préparer activement la massification de la rénovation énergétique et la convention de partenariat État-Procivis 2023-203028(*) vise le préfinancement des aides publiques auprès des propriétaires modestes et très modestes, ceux pour qui il est impossible ou difficile d'avancer les fonds nécessaires ou qui n'ont pas accès aux prêts bancaires. Les conditions de déploiement du dispositif Mon Accompagnateur Rénov', qui sera un assistant à maîtrise d'ouvrage ou un opérateur agréé par l'État ou désigné par une collectivité locale, devront veiller à répondre à l'enjeu des ménages modestes occupant des logements énergivores et mal isolés.

Le rôle que peut jouer la rénovation en matière de santé publique ne doit pas être sous-estimé, car le lien entre précarité énergétique et santé est avéré. Les évaluations précises restent difficiles à obtenir mais l'impact de la rénovation en la matière est considérable. Selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), la rénovation du parc immobilier d'ici à 2028 permettrait d'éviter jusqu'à 10 milliards d'euros par an de coûts de santé, ce qui semble vertigineux. Dans une étude réalisée par la fondation Abbé Pierre il y a une dizaine d'années, les dépenses de soins économisées si les passoires énergétiques étaient éradiquées représenteraient plus raisonnablement 800 millions d'euros par an, mais d'autres évaluations plus récentes, toujours réalisées par la fondation Abbé Pierre, aboutissent à des chiffres plus importants, car elles prennent en compte le prix de la vie et les décès évités, lesquels sont estimés autour de 2 à 3 millions d'euros par personne. Le directeur des études de la fondation, Manuel Domergue, a souligné lors de son audition que les gains de performance énergétique et les économies d'énergie peuvent être investis, mais « la santé préservée ou les décès évités ne se monétisent pas dans la vraie vie, c'est pourquoi la collectivité a intérêt à intervenir ».

Une grande enquête se poursuit et permettra d'aboutir à des résultats plus solides d'ici la fin de l'année 2024. L'étude Rénov'Santé, actuellement en cours, est en effet menée notamment par Soliha et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) en vue d'identifier les dépenses de santé avant et après travaux, afin de déterminer les gains potentiels, qui apparaissent comme un argument en faveur d'un renforcement des aides à la rénovation, dont les montants actuels ne sont pas suffisants.

D. L'ENJEU URBAIN : LIMITER L'ARTIFICIALISATION ET PRÉSERVER LE PATRIMOINE ET LES PAYSAGES

Au-delà des questions de précarité énergétique, la politique de rénovation énergétique des bâtiments présente également des enjeux d'occupation des sols et d'urbanisme sans oublier de répondre aux besoins de logement.

1. Rénover pour moins artificialiser et répondre au besoin de logement

Deux tiers de l'accroissement des surfaces artificialisées seraient liées à de nouveaux logements. C'est pourquoi le chapitre III du titre V de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 pose les principaux objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols. En particulier, son article 191 pose l'objectif d'une absence d'artificialisation nette des sols en 2050. Un objectif intermédiaire prévoit que le rythme d'artificialisation des sols doit être réduit de moitié entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie qui précède. L'artificialisation est définie par l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme comme « l'altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d'un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ». S'agissant d'un objectif d'artificialisation nette, il peut être compensé par des opérations de renaturation.

Le ZAN aura des conséquences multiples sur le secteur de la construction. Le rapport d'information de Jean-Baptiste Blanc, Anne-Catherine Loisier et Christian Redon-Sarrazy, Objectif de zéro artificialisation nette à l'épreuve des territoires, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, fait l'estimation suivante : « À raison d'une artificialisation totale moyenne de 28 400 hectares par an environ, le groupe de travail estime qu'un objectif uniforme de réduction de 50 % de l'artificialisation nouvelle, tel que proposé par le projet de loi Climat et résilience, représenterait chaque année un manque à construire de 100 000 logements (dont 88 % de logements individuels), soit plus du tiers des logements construits chaque année (et la moitié des logements individuels)29(*). »

Cet objectif peut ainsi soulever des tensions quant au besoin en logements de la population. Le même rapport indique ainsi que : « En matière d'habitat, la France continue de connaître une importante crise du logement. En dépit des efforts de construction, notamment de logement social, près de 4 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées en France, selon la Fondation Abbé Pierre. Le besoin de construction de logements reste fort, en raison à la fois des évolutions de la composition des ménages et de la démographie. En parallèle, le coût du logement ne cesse d'augmenter, représentant désormais entre 20 et 40 % du budget moyen des Français30(*). »

De manière schématique, et sans considérer les exceptions à l'application du ZAN, il existe trois possibilités pour maintenir une offre de logement suffisante :

- la rénovation des logements existants ;

- la transformation ou la conversion de bâtiments tertiaires ou industriels en logements ;

- la construction de logements nouveaux, obligatoirement compensée par une destruction équivalente de logements existants.

La densification des zones habitables, qui permet d'accroître l'offre de logements tout en restant dans le cadre du ZAN, peut se faire autant dans le cadre d'une rénovation que d'un scénario de démolition-construction, même si le processus est plus difficile dans le premier cas. Néanmoins, plusieurs arguments conduisent à privilégier le premier scénario, celui de la rénovation des logements.

Premièrement, les scénarios de « démolition-construction » sont davantage émetteurs de gaz à effet de serre. Emmanuelle Cosse, lors de son audition devant la commission d'enquête en tant qu'ancienne ministre du logement a mis en avant cet enjeu : « Partout où l'on peut éviter de démolir, pour restructurer, on ne démolit pas, et chaque fois que j'évite une démolition je pense aux émissions de carbone évitées et tout ceci incite, je le répète, à s'intéresser aussi à l'économie du carbone31(*). »

Une étude du Cerema de janvier 2023, qui s'appuie notamment sur une étude de 2018 publiée dans le Journal of Environnemental Management, tend à confirmer qu'un scénario de démolition/construction est nettement plus émetteur de gaz à effet de serre qu'un scénario de réhabilitation du logement : « Dans la cadre d'une [analyse du cycle de vie] ACV du berceau (module A) à la tombe (module C), réalisée sur un bâtiment de bureaux pour un scénario de réhabilitation et un scénario de démolition-reconstruction, [Marique et al., 2018] mettent en avant quels impacts énergétique et carbone de la phase de construction et de démolition sont prépondérants. Leur étude aboutit à la conclusion qu'une réhabilitation énergétique ambitieuse conduit à des impacts environnementaux bien moindres que ceux associés à une reconstruction d'où l'importance d'une analyse en cycle de vie32(*). » L'étude précise néanmoins que les données sont encore peu nombreuses à ce sujet.

La rénovation permet également de préserver l'intégralité des droits à construire, notamment dans le parc social.

Rénover peut aussi conduire à des opérations de surélévation et donc de densification du bâti qui financent la rénovation énergétique d'un immeuble en créant de la surface habitable.

2. Préserver le patrimoine et les paysages

Ensuite, privilégier la rénovation à la démolition-construction est indispensable pour la préservation du patrimoine architectural des territoires. À ce titre, Françoise Gatel, présidente de Petites cités de caractère de France, a déclaré devant la commission d'enquête lors de la table ronde consacrée au patrimoine : « À cet égard, le zéro artificialisation nette (ZAN) a encore renforcé l'enjeu de la rénovation et de la transformation du bâti ancien33(*) », et Gilles Alglave, président de Maisons paysannes de France, a affirmé lors de la même table fonde : « Le ZAN peut constituer une décision vertueuse, à condition qu'il s'accompagne d'incitations, non pas à détruire l'ancien (comme le font certains promoteurs pour trouver du foncier déjà imperméabilisé), mais à le réutiliser34(*). » Ce dernier point est particulièrement important, puisque le patrimoine ancien est, comme vu supra, celui qui statistiquement est le plus souvent classé comme « passoire énergétique ».

Enfin, il ne faut pas oublier le fait que le logement présente également une dimension affective. L'attachement des habitants à leur logement peut les conduire légitimement à préférer la rénovation plutôt que la démolition et la reconstruction. C'est un aspect essentiel des opérations de réhabilitation et de revitalisation menées dans le cadre d'Action coeur de ville ou de l'évolution de la philosophie de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'Anru. Après avoir privilégié la démolition, elle s'oriente vers plus de réhabilitation profonde notamment lorsqu'il s'agit de patrimoine architectural remarquable du XXe siècle comme les tours nuages à Nanterre conçue par l'architecte Émile Aillaud.

L'atteinte des objectifs de zéro artificialisation nette, tout en assurant le besoin de logement de la population, suppose donc de manière impérative une accélération de la politique de rénovation énergétique des logements. Celle-ci est indispensable pour éviter une « déperdition » des zones déjà artificialisées. Les enjeux écologiques de la rénovation énergétique vont ainsi au-delà des questions d'émissions de gaz à effet de serre et d'efficacité énergétique, mais touchent également aux problématiques de la préservation de la biodiversité et de l'intégrité des sols.

E. L'ENJEU DE RÉINDUSTRIALISATION

L'enjeu de la rénovation énergétique des logements est enfin industriel au regard des montants engagés ainsi que des besoins en main d'oeuvre, matériaux et technologies.

1. La rénovation énergétique, relais de croissance pour le bâtiment

La filière française du bâtiment est résiliente, malgré une baisse de son activité de 15 % en 2020 en raison de la crise sanitaire35(*). L'année 2021 a été marquée par un rebond d'activité de 12 %, laissant toutefois la filière 5 % en deçà de son niveau de 2019 selon la Fédération française du bâtiment (FFB). Son chiffre d'affaires a retrouvé le niveau d'avant crise - 149 milliards d'euros36(*) - en partie en raison de la hausse moyenne de 26 % du prix des matières premières constatée entre janvier et juillet 202237(*).

La part de la rénovation dans le volume global d'activité de la filière du bâtiment est en hausse : évaluée à 14 % sur l'ensemble des bâtiments, la rénovation représente 10 % de l'activité de la branche logement38(*). En volume, la FFB estime la progression annuelle de l'ordre de 1,9 % en 2022, et observe une faible réduction de la dynamique au premier trimestre 2023. La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) souligne dans sa note de conjoncture pour le premier trimestre 202339(*) que si la croissance, toutes activités confondues, de la filière artisanale ralentit - et plus spécifiquement pour la construction neuve -, elle demeure toutefois positive pour les activités de rénovation énergétique des logements. Estimée à 2 %, elle est donc plus élevée pour les entreprises artisanales que pour l'ensemble des industriels du bâtiment.

Ces petites entreprises artisanales de moins de 10 salariés sont la composante majoritaire du secteur du bâtiment français, représentant 95 % des entreprises du secteur et réalisant 37 % du chiffre d'affaires global. Selon la Capeb, la rénovation est leur activité principale : pour 99 % des entreprises du secteur qui sont des PME de moins de 20 salariés, les activités d'amélioration et de rénovation des logements (qui comprennent la rénovation énergétique mais ne s'y limitent pas) représentent 56 % de leur activité globale40(*).

La tendance est similaire au niveau européen. Selon la Capeb, les petites entreprises de moins de vingt salariés représentent 97 % du volume global d'activité et réalisent 80 % du chiffre d'affaires41(*). La Fédération des industries européennes de la construction (Fiec) indique que la rénovation des bâtiments représente un tiers des investissements totaux. Ces investissements ont augmenté de 5,7 % en 2021 après un recul pendant la crise sanitaire. Les chiffres 2022 sont plus mesurés et traduisent un ralentissement de la tendance avec une augmentation plus mesurée des investissements de 1,1 %42(*).

La rénovation est un réel gisement d'opportunités pour les secteurs de la construction français et européen, tant face aux objectifs fixés en matière de rénovation du parc de bâtiment et aux politiques publiques incitatives, que compte tenu de la baisse continue de la construction neuve de logements, notamment individuels, depuis 200643(*).

En particulier, le secteur du chauffage et du refroidissement fait preuve d'un grand dynamisme, en raison de l'incitation des politiques publiques de rénovation à la décarbonation des modes de chauffage. Selon l'Association française pour la pompe à chaleur (Afpac), le secteur a réalisé un chiffre d'affaires de 6,2 milliards en 2021 et a constaté une augmentation considérable des ventes de PAC air-air (+ 3 %) et de PAC air-eau (+ 53 %)44(*). L'Afpac et le SDES45(*) précisent qu'en 2020, 990 092 PAC aérothermiques et géothermiques ont été vendues en France, dont une très grande majorité de PAC air/air (812 400 vendues cette même année). Ces chiffres placent la France en très haute position sur le marché européen : le baromètre 2021 d'EurObserv'ER46(*) indique que la France est le deuxième marché européen pour les pompes à chaleur, avec 987 626 PAC aérothermiques (air/air et air/eau) vendues en France pour 4 233 507 au total en Union européenne. La France se positionne derrière l'Italie (plus de 1,5 million de PAC aérothermiques vendues en 2020) mais devance ses voisins espagnols et allemands (respectivement 400 373 et 121 700 PAC aérothermiques vendues).

Les ventes de PAC géothermiques et de chauffe-eau solaires bénéficient également de cette accélération avec une augmentation des ventes de respectivement 7 % et 17 % en 2022 selon Uniclima, syndicat des industries thermique, aéraulique et frigorifique.

2. Une filière française en cours de structuration, confrontée au risque de dépendance aux matériaux importés

Une certaine vigilance quant à l'origine des équipements et des matériaux utilisés lors d'opérations de rénovation est de rigueur : l'objectif de réduction du risque de dépendance étrangère poursuivi par la sortie du chauffage fossile ne doit pas servir une logique contre-productive en développant une nouvelle dépendance aux matériaux et équipements étrangers.

Parmi les équipements les plus installés, les pompes à chaleur sont particulièrement propices à créer une dépendance aux importations étrangères, notamment asiatiques, la Chine détenant 40 % du marché des PAC47(*). Sur le marché français, ce sont les entreprises japonaises Daikin (leader en France de la vente de pompes à chaleur) et Hitachi qui sont prépondérantes. Le constat est similaire s'agissant des panneaux solaires photovoltaïques. Ici encore, la Chine est leader du secteur, détenant 75 % de la production mondiale de panneaux photovoltaïques48(*).

Une filière française se structure néanmoins, notamment dans la production d'équipements de chauffage. L'Afpac indique à cet effet que 30 sites industriels produisent des pompes à chaleur en France et l'Ademe estime à 70 le nombre de sites industriels au sein de l'Union européenne. Le secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion, auditionné par la commission d'enquête, souligne néanmoins la nécessité de renforcer la filière industrielle de production de composants de PAC, souvent importés, le produit final n'étant souvent qu'assemblé et non intégralement produit dans les usines françaises. En effet, selon le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), 350 000 PAC ont été produites et installées en France en 2022, un chiffre multiplié par 3,5 depuis 2018. Cependant, si la France est exportatrice nette de PAC produites sur son territoire, les services de l'État estiment qu'entre 30 % et 60 % de la valeur ajoutée du secteur est importée, en raison de l'achat de composants étrangers tels que les compresseurs et les échangeurs.

La filière française de matériaux de construction devient plus performante également : l'association française des industries de matériaux et de composants pour la construction (AIMCC) regroupe 7 000 entreprises, dont plus de 60 % sont des PME, produisant sur le territoire français49(*). L'entreprise Saint-Gobain, dont le directeur général a été auditionné par la commission d'enquête dispose de 88 usines françaises fabriquant des matériaux de construction à destination du marché français, dont 50 % des ventes sont effectuées pour des opérations de rénovation. Lors de son audition, Benoît Bazin a réitéré l'engagement de Saint-Gobain envers « la souveraineté industrielle et [le] poids économique » de la France.

Les industries productrices de matériaux isolants, entendues par la commission d'enquête, ont également fait état d'une filière de production française active et ancrée localement, bénéficiant d'un maillage territorial pensé pour réduire les coûts et durées de transports. Ainsi, les représentants du syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées (Filmm) ont indiqué à la commission que 98 % des isolants en laine de verre et en laine de roche vendus par les cinq entreprises adhérentes - représentant 90 % du marché français - sont produits localement, dans huit sites de production français employant 3 000 personnes. Les laines minérales sont les matériaux les plus utilisés pour l'isolation des surfaces (toutes isolations confondues) : selon le cabinet MSI Reports, en 2022, 58 % des surfaces sont isolées avec des laines minérales manufacturées, avec une prédominance pour la laine de verre (70 %) par rapport à la laine de roche (30 %). Ensuite, 30 % des surfaces sont isolées avec des isolants en plastiques alvéolaires (polystyrène expansé, polystyrène extrudé et polyuréthane), 9 % avec des produits biosourcés et 3 % avec d'autres isolants. Les proportions sont cependant inversées pour le segment de l'isolation thermique extérieure (ITE) : le polystyrène représente 79 % des matériaux utilisés pour cette opération et les laines minérales 19 % selon le groupement Mur Manteau, auditionné par la commission. Le secteur de l'isolation thermique par l'extérieur demeure toutefois dominé par des groupes implantés localement, qui représentent 95 % du marché. Ce même groupement indique par ailleurs dans sa publication « L'ITE en chiffre » que les matériaux produits par ses membres sont manufacturés dans 76 usines de productions implantées en France.

La filière isolation n'a par ailleurs pas été sujette à des difficultés d'approvisionnement liées à la conjoncture économique. Les représentants de la filière ont déclaré lors de l'audition que les matières premières - sable et basalte - nécessaires à la fabrication des laines minérales étaient abondantes et ces matériaux étaient principalement manufacturés à partir de matières recyclées issues de la récupération de verre et de chutes et de déchets de construction : à 80 % pour la laine de verre et 40 % pour la laine de roche. Toutefois, le programme des Nations unies pour l'environnement alerte50(*) sur les tensions existantes en matière d'extraction et de gestion du sable, deuxième ressource la plus exploitée au monde après l'eau et essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique et le soutien de la biodiversité.

La filière française de matériaux d'isolation s'appuie également sur la production de produits d'isolation géo et biosourcés, fabriqués en circuit court à partir de matières premières locales, renouvelables, notamment issues de l'agriculture comme la paille et le chanvre. Ces matières premières présentent également l'avantage de stocker du carbone durant toute la durée de vie du bâtiment dans lequel elles sont incorporées. La filière fait preuve d'un fort dynamisme selon l'association des industriels de la construction biosourcée (AICB), avec une augmentation de 138 % des volumes vendus par rapport à 2016. Cette hausse s'explique notamment par les différentes incitations législatives et réglementaires à l'intégration de matériaux biosourcés dans la construction neuve, inscrites dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 201551(*) et ses décrets d'application, la loi ELAN du 23 novembre 201852(*) et la loi Climat et résilience du 22 août 202153(*).

3. L'amélioration de la formation continue aux métiers de la rénovation contraste avec la faible progression de la formation initiale

Des enjeux de formation aux nouvelles pratiques de rénovation énergétique s'imposent aux professionnels du bâtiment afin d'absorber la demande. L'ensemble de la chaîne de valeur est concernée par ce besoin de formation : auditeurs et diagnostiqueurs, entrepreneurs, techniciens, ouvriers de la rénovation, maîtres d'oeuvre et architectes, manageurs des consommations énergétiques et accompagnateurs.

· La formation continue

La formation continue semble s'être saisie de cet enjeu de formation des professionnels de la construction aux exigences de la rénovation énergétique.

Le programme Feebat de formation à la rénovation énergétique propose plus de 30 programmes à destination de tous les corps de métiers : responsable technique en rénovation énergétique des logements, auditeur énergétique, maître d'oeuvre spécialisé en rénovation énergétique des maisons individuelles et des copropriétés, etc.

Le plan bâtiment durable, l'Ademe et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) proposent également des cycles de formation continue à destination des professionnels. Le plan bâtiment durable et l'Ademe, en partenariat avec France université numérique ont ainsi développé en 2016 un « MOOC (Massive open online course) Bâtiment durable », issu d'un projet collaboratif entre acteurs du bâtiment. Le CSTB propose de nombreuses formations à destination des professionnels du bâtiment, tant pour la construction neuve que pour la rénovation. Trois formations sont particulièrement axées sur la rénovation énergétique : « Mener un projet de rénovation performant », « Parcours Premium - Rénovation à hautes performances environnementale et acoustique » dispensant un certificat CSTB de réussite et « Solutions techniques décarbonées pour la rénovation énergétique ».

La formation en rénovation énergétique reste toutefois minoritaire dans l'ensemble des formations dispensées dans le secteur de la construction. À titre d'exemple, Constructys, opérateur de compétences de la construction et pourvoyeur de formations continues aux professionnels, indique avoir formé 15 000 professionnels à la rénovation énergétique sur 367 000 formations dispensées, soit seulement 4,1 % du total des formations.

· La formation initiale

La formation initiale reste cependant moins bien dotée concernant la rénovation énergétique.

Si le programme Feebat complète son offre de formation continue avec une offre de formation initiale et en apprentissage, ce modèle de formation reste néanmoins très peu déployé. L'offre existante de formation favorise en effet le suivi d'un parcours classique dans un des domaines du bâtiment (électricité, chauffage et refroidissement, etc.) qui pourra être complété par une formation professionnelle spécifique à la rénovation énergétique.

Certaines formations initiales sectorielles indispensables à la conduite d'une rénovation performante sont cependant bien développées, notamment dans le secteur du chauffage et du refroidissement : l'Afpac recense près de 15 formations diplômantes conduisant aux métiers de techniciens dans les systèmes énergétiques (hors diplômes d'ingénieur), dispensées dans plus de 350 établissements scolaires et centres de formation d'apprentis (CFA) en France.

· La formation au bâti ancien

La formation, tant initiale que continue, aux spécificités du bâti ancien et du patrimoine en matière de rénovation énergétique est peu courante.

Acteur historique de la rénovation du bâti ancien et patrimonial, l'École d'Avignon, centre de ressources sur le bâti ancien créé en 1983, dispense de nombreuses formations courtes, sous forme de stages. Plus de 60 formations sont dispensées, sur les champs suivants : structure et architecture du bâti, sols et murs en pierre sèche, patrimoine bâti et développement durable, menuiseries, charpentes et ferronneries, parcs et jardins historiques, traitement de la pierre, techniques et pratiques de liants et maçonnerie traditionnelle, décor et patrimoine.

Plusieurs acteurs de la rénovation se sont également emparés du sujet de la formation des professionnels aux spécificités de ces bâtiments construits avant 1948. Le programme Feebat propose désormais une spécialisation « Bâti ancien » en complément de ses formations aux professionnels de la rénovation. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et le Centre de ressources pour la réhabilitation du bâti ancien (Creba) proposent quant à eux une formation en ligne sous la forme d'un MOOC gratuit et ouvert à tous, sur la réhabilitation énergétique responsable du bâti ancien, dont la première session a été lancée en mars 2023.

La commission d'enquête a également pu visiter Les Grands Ateliers, à L'Isle-d'Abeau (Isère), où une remarquable plateforme technique permet notamment aux étudiants de l'école d'architecture, conjointement avec des compagnons du Tour de France, d'expérimenter la construction avec des matériaux naturels et traditionnels (bois, pierre, terre crue, béton de chanvre...).

Les opportunités de formation initiale pour les ouvriers et entrepreneurs du bâtiment sont cependant très limitées : seuls 27 établissements secondaires proposent un bac pro Interventions sur le patrimoine bâti.

S'agissant des architectes, l'école d'architecture de Chaillot, centre de formation de la cité de l'architecture et du patrimoine qui assure la formation des futurs architectes et urbanistes de l'État - dont font partie les architectes des bâtiments de France - aux enjeux de la rénovation patrimoniale a étoffé son offre avec des formations continues à destination des professionnels, des maîtres d'oeuvre, mais également des élus. De même, l'école nationale supérieure d'architecture de Grenoble dispose depuis 2011 d'un programme de recherche « architecture, environnement et cultures constructives ». Le projet aborde la conservation et la gestion du patrimoine architectural comme un levier de développement local et comme vivier de ressources pouvant être mobilisées afin de construire l'avenir de manière sobre et économe.

· L'offre de formation RGE

L'offre de formation nécessaire à la qualification « reconnu garant de l'environnement » ne parvient pas à enrayer la baisse du nombre d'entreprises qualifiées.

La qualification « reconnu garant de l'État » (RGE) est délivrée par les certificateurs agréés par le Comité français d'accréditation (Cofrac). Plusieurs types de formations - transversales, sectorielles - sont proposées par les organismes, donnant lieu à une certification RGE.

Organismes délivrant la qualification RGE54(*)

Organismes

Prestations concernées

Qualifelec

Génie électrique, énergétique
et numérique.

Qualibat

Travaux liés à la performance énergétique

Qualit'EnR

Installations d'équipements valorisant les énergies renouvelables

Certibat

Réalisation de travaux dans le cadre de rénovations globales

RGE Eco Artisan (intégré Qualibat)

Formation transverse tous métiers

Travaux liés à la performance énergétique

RGE : les pros de la performance énergétique (intégré Qualibat)

Formation transverse tous métiers

Travaux liés à la performance énergétique

Cerqual Qualitel certification

Réalisation de travaux dans le cadre de rénovations globales

Ces formations donnent lieu à une qualification RGE pour une durée de quatre ans, sous conditions d'un contrôle conforme dans les deux ans suivant la formation. Cependant, les organismes certificateurs observent une baisse du nombre d'entreprises labellisées RGE, et ce malgré la hausse du nombre de rénovations : elles n'étaient plus que 63 000 au 31 décembre 2022 contre 65 031 un an auparavant selon l'Ademe, sur 565 630 PME travaillant dans le bâtiment55(*). Cette baisse des qualifications des petites entreprises s'explique par les variations des aides, l'arrêt de certaines subventions rendant inutiles certaines qualifications sectorielles.

II. LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE : UNE POLITIQUE EN CHANTIER

Si la commission d'enquête a constaté que depuis dix ans les différents gouvernements avaient lancé nombre d'initiatives parvenant à créer une réelle dynamique de rénovation et que cette politique poursuivait son déploiement, elle apparaît « en chantier », changeantes, pas toujours bien définies, avec des outils perfectibles et courant le risque d'un véritable découragement entre les moyens, les efforts déployés et le but à atteindre.

A. LE RISQUE D'UN DÉCOURAGEMENT

1. Une politique publique en manque de constance et de lisibilité

La politique publique de rénovation énergétique des logements impulsée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015 se caractérise par une grande inconstance, qui engendre une mauvaise lisibilité des dispositifs par les usagers.

Le manque de continuité et de stabilité de la politique publique de rénovation énergétique est un constat quasi unanime des personnes auditionnées par la commission d'enquête. Le sentiment de confusion des usagers et des professionnels face à la multiplicité des dispositifs d'aide disponible et aux conditions de cumul des subventions est renforcé par le manque de linéarité des politiques nationales. Cette perplexité face à un objet protéiforme touche également les collectivités territoriales, engagées aux côtés des citoyens dans la poursuite de l'objectif de décarbonation et d'efficacité énergétique des logements. Jean-Patrick Masson, vice-président de Dijon Métropole et représentant de France Urbaine a ainsi déclaré lors de son audition par la commission d'enquête que ce « degré de complexité est particulièrement grand pour le citoyen, mais aussi pour les collectivités. Lorsque nous devons mettre en place un certain nombre de dispositifs, nous faisons face à leurs modifications constantes, à l'apparition de complémentarités, d'adjonction ou de soustraction d'un certain nombre d'éléments, qui rendent l'exercice difficile. »

Cette trajectoire est marquée par des ruptures brutales dans la philosophie de certains dispositifs, le changement du public ciblé et une vaste opération de « rebranding » de certains dispositifs (une modification du nom du dispositif sans changer son contenu en substance).

Le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 8 août 2015 suivait une logique de guichet, disponible sans condition de ressources et permettait aux ménages de déduire de leurs impôts une partie des dépenses engagées pour des travaux spécifiques de rénovation. À l'opposé, le dispositif MaPrimeRénov' inauguré le 1er janvier 2020 accorde une subvention aux ménages à revenus modestes pour la réalisation de certaines opérations de rénovation. Ici, tant le fond que la forme du principal dispositif d'incitation à la rénovation ont été profondément modifiés : le public cible est restreint, la forme de l'incitation passe d'un crédit d'impôt à une subvention et l'autorité en charge de sa distribution n'est plus la même (le CITE était accordé par les services du ministère des finances, tandis que le déploiement de MaPrimeRénov' est assuré par l'Anah).

Ajoutant une certaine confusion à ce changement de trajectoire, le dispositif central MaPrimeRénov' a absorbé le programme « Habiter Mieux Agilité » de l'Anah subventionnant les ménages modestes. Le programme « Habiter Mieux Sérénité » qui accompagne les ménages modestes et très modestes vers la rénovation globale est renommé « MaPrimeRénov' Sérénité », sans changer en substance. Il en est de même pour le programme « Habiter Mieux Copropriété », qui devient « MaPrimeRénov' Copropriétés » et accompagne les copropriétés fragiles dans des opérations de rénovation globale.

Cette politique par à-coups provoque un effet de « stop and go » pour les ménages : l'arrêt du CITE et son remplacement au 1er janvier 2020 par le dispositif de subvention MaPrimeRénov' actuellement en vigueur a provoqué une chute du nombre de dossiers en 2020, certes compensé l'année suivante : seules 181 003 demandes MaPrimeRénov' ont été validées en 2020, un chiffre remontant à 698 492 dossiers validés en 202156(*). Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable auditionné par la commission d'enquête regrette « le fait que les aides se révèlent trop compliquées et versatiles [...], ne favorisent pas une dynamique de l'action. De fait, la complexité et le changement des règles incitent à l'attentisme. »

M. Pelletier souligne cependant qu'en dépit de nombreuses zones d'ombre, cette irrégularité de la politique de rénovation énergétique cache des avancées salutaires, notamment la suppression du CITE qui générait de nombreux effets d'aubaine. Il note également une certaine continuité de l'approche, notamment de soutien aux plus précaires avec la reprise du programme « Habiter Mieux » de l'Anah par MaPrimeRénov', indiquant une volonté renouvelée de l'exécutif de cibler les ménages les plus fragiles.

Le programme des certificats d'économie d'énergie (CEE) a su conserver sa forme, avec une marque déposée identifiable. Son contenu a cependant évolué, avec une modification du spectre des opérations subventionnées au gré des différentes périodes qui peut être source d'instabilité pour les professionnels. La Filmm a fait savoir à la commission que la fin du « Coup de pouce isolation CEE » en 2021 et la chute des cours des CEE en 2022 a fragilisé la filière isolation, et ce malgré la hausse du volume de CEE de 25 % constatée au deuxième trimestre 2022. De plus, le fonctionnement opaque des CEE est peu compréhensible pour le citoyen, celui-ci disposant d'un vocabulaire propre (obligé, délégataire, éligible) et étant distribué par de nombreux acteurs tels que des fournisseurs d'énergie, des enseignes de la grande distribution et des acteurs spécialisés.

En outre, des dispositifs plus volatiles tels que « Isolation des combles à 1€ » et « Pompes à chaleur à 1 € » ont été ponctuellement mis en place, puis retirés. Sources de nombreuses fraudes et malfaçons, ces dispositifs financièrement alléchants provoquaient un certain attentisme de la part des usagers, préférant différer leurs investissements en espérant réunir les conditions les plus favorables à leurs opérations de rénovation, tout en contribuant à un sentiment d'imbroglio et d'empilement des dispositifs. De plus, ces dispositifs par cibles étaient en contradiction avec la politique gouvernementale en faveur de la rénovation globale, occasionnant une multiplication de gestes isolés et non coordonnés.

Ce manque de continuité se retrouve également dans le service public de la rénovation, qui a changé cinq fois d'intitulé et deux fois de mode de financement depuis 2001. Aux Points infos énergie ont succédé les Espaces infos énergie, intégrés en 2013 au sein des Points rénovation info service (PRIS). Ces derniers ont été transformés en points conseils du réseau Faciliter, accompagner, informer à la rénovation énergétique (Faire) en 2018. Au premier janvier 2022, ces derniers ont été remplacés par les espaces de conseil France Rénov'. La Fédération des agences locales énergie climat (Alec-Flame) s'est irritée lors de son audition par la commission d'enquête du manque de lisibilité du dispositif de service public de la rénovation et de cette succession de « marques ». Sa présidente, Maryse Combres, affirme que « ce manque de lisibilité touche également le financement, y compris celui des missions. Aux financements assurés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et les régions a succédé le programme Sare (Service d'accompagnement pour la rénovation énergétique), entre l'État et la région ou les départements, quand celle-ci n'a pas souhaité assumer cette compétence ». Le renouvellement annuel du dispositif Sare est une grande source d'inquiétude pour les collectivités, manquant de visibilité sur la pérennité de ce programme : la prolongation du Sare jusqu'en avril 2024 n'a été annoncée par le Gouvernement que le 25 mai dernier.

Cette succession de changements provoque la méfiance des citoyens dans les accompagnements proposés, pourtant centraux dans l'orientation des usagers vers des opérations de rénovation adaptées à leurs besoins et à ceux de leurs logements. Alors que la constance et la continuité sont clés dans la conduite de cette politique publique de rénovation énergétique au risque de déconcerter les usagers comme les professionnels, les changements de trajectoires et les opérations « marketing » ont peiné à faire du service public de rénovation énergétique français un dispositif clairement identifié.

Existe-t-il un modèle de politique de rénovation énergétique
en Union européenne ?57(*)

Les politiques d'incitation à la rénovation énergétique dans les autres pays de l'Union européenne font face aux mêmes difficultés que la politique française : du fait de la typologie des bâtiments (résidentiels, tertiaires, publics), des logements (individuels ou collectifs), de la variété des opérations de rénovation (globale ou au geste) et des conditions de revenus des habitants, il n'existe que peu de programmes uniques de rénovation. Un même schéma est identifiable cependant, similaire à celui de la France, avec la présence d'un dispositif central, tel que MaPrimeRénov', autour duquel évoluent des dispositifs de prêts, des mesures fiscales et des subventions locales. Le caractère unitaire ou fédéraliste des états influe grandement sur la répartition des compétences entre État et régions, pouvant créer des disparités interrégionales en termes de conduite de la politique de rénovation.

En Allemagne, à quatre programmes distincts de rénovation énergétique a succédé en 2021 le programme de soutien fédéral pour des bâtiments efficaces (Bundesförderung für effiziente Gebäude, BEG), divisé en trois sous-programmes visant les mesures globales pour les bâtiments résidentiels (BEG-WG), les mesures globales pour les bâtiments non résidentiels (BEG-NWG) et les mesures individuelles (BEG-EM). Deux de ces sous-programmes sont administrés par la banque allemande de développement, la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau), tandis que le dernier, portant sur les mesures individuelles est administré par l'agence fédérale pour l'économie et le contrôle des exportations (Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle, BAFA), rattachée au ministère fédéral de l'économie et de la protection du climat et compétente en matière d'énergie. À ce programme fédéral s'ajoutent des programmes d'aides propres aux Länders.

En Belgique, la gestion de politique de rénovation énergétique est une compétence des régions. Ainsi, en Flandres le système d'aides a été rationnalisé en 2022 autour du dispositif « Ma prime à la rénovation » (Mijn VerbouwPremie), fusionnant les aides existantes octroyées par l'opérateur de réseau Fluvius et la prime de rénovation de l'agence de l'habitat Wonen in Vlaanderen et mettant en place un guichet unique. Cette prime a la particularité d'être accessible pour effectuer des rénovations de bâtiments résidentiels et tertiaires. À cette prime s'ajoutent un dispositif de prêt à taux bas, « Mon prêt à la rénovation » (Mijn VerbouwLening) et un prêt à bonification d'intérêt, de nombreuses mesures fiscales ainsi que des subventions annexes de l'opérateur de réseau Fluvius, non fusionnées dans le dispositif principal.

S'agissant de la Suisse, il faut souligner la pérennité du Programme Bâtiments, principal outil d'aide à la rénovation énergétique des logements en place depuis 2010, dont la Confédération et les cantons sont collectivement responsables. La Confédération est en charge du cadre de ce programme et en assure une partie du financement, tandis que les cantons sont chargés de sa mise en application. Ainsi, ce sont les cantons qui définissent chacun les opérations qu'ils subventionnent, sur la base du modèle d'encouragement harmonisé des cantons (ModEnHa) fixant des conditions minimales. Aux aides du Programme Bâtiments s'ajoutent des aides proposées par les cantons et des mesures fiscales cantonales. Certaines banques proposent également des crédits hypothécaires, indépendamment d'un dispositif confédéral.

2. Présentation des principales aides à la rénovation énergétique

Depuis la fin du CITE, les aides à la rénovation énergétique de l'État ont été progressivement ramenées au sein du programme « MaPrimeRénov' », décliné en trois volets : MaPrimeRénov', MaPrimeRénov' Sérénité, et MaPrimeRénov' Copropriétés. Ces primes sont généralement cumulables avec les certificats d'économie d'énergie (CEE), qui sont des aides obligatoires et réglementées des fournisseurs d'énergie, ainsi qu'avec divers dispositifs d'incitation fiscale.

Cette partie va présenter de manière synthétique les caractéristiques des principales aides et dispositifs fiscaux. Les prêts à la rénovation énergétique (éco-prêt à taux zéro, prêt avance rénovation) seront en revanche abordés à l'occasion d'une réflexion plus générale sur le financement de la rénovation énergétique des logements.

a) MaPrimeRénov'

La prime de transition énergétique, plus communément appelée « MaPrimeRénov' », a été créée par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, et avait vocation à remplacer le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). En effet, MaPrimeRénov' rend possible le versement de l'aide de façon contemporaine à la réalisation des travaux, contrairement au CITE, qui était versé l'année suivant leur paiement. L'une des raisons du remplacement du crédit d'impôt était la limitation de la pression sur la trésorerie des ménages. Les anciens ministres auditionnés ont toutefois reconnu, pour le regretter, que l'objectif avait été essentiellement budgétaire et visait à réduire la dépense. Le niveau initial de subvention n'a pu être retrouvé qu'avec le Plan de relance.

Ce dispositif est parfois appelé « MaPrimeRénov' nationale » par l'Anah, pour le distinguer de MaPrimeRénov' Sérénité qui est réservée aux ménages des catégories modestes et très modestes, et MaPrimeRénov' Copropriétés, qui vise les logements collectifs. Cette dénomination sera réemployée dans la suite du rapport, dans les cas où elle sera nécessaire pour éviter la confusion avec les autres primes.

Tous les ménages propriétaires ont accès à MaPrimeRénov', quel que soit leur niveau de ressources. Cependant, les travaux éligibles ainsi que le niveau des aides dépendent à la fois du revenu des ménages et du nombre de personnes composant le ménage. Les types de ménage sont déclinés en quatre catégories, représentées par quatre couleurs (bleu, jaune, violet et rose) pour faciliter l'identification des aides et éviter un vocabulaire stigmatisant. Les catégories sont également distinguées selon que le ménage vit en Île-de-France ou dans une autre région.

Catégories de revenus utilisées dans le cadre
du programme « MaPrimeRénov' »

Composition du foyer

Ménages
aux revenus très modestes (bleu)

Ménages
aux revenus modestes (jaune)

Ménages
aux revenus intermédiaires (violet)

Ménages aux revenus supérieurs (rose)

Une personne

16 229

22 461

20 805

27 343

29 148

38 184

> 29 148

> 38 184

Deux personnes

23 734

32 967

30 427

40 130

42 848

56 130

> 42 848

> 56 130

Trois personnes

28 545

39 591

36 591

48 197

51 592

67 585

> 51 592

> 67 585

Quatre personnes

33 346

46 226

42 748

56 277

60 336

79 041

> 60 336

> 79 041

Cinq personnes

38 169

52 886

48 930

64 380

69 081

90 469

> 69 081

> 90 469

Personne supplémentaire

+ 4 813

+ 6 650

+ 6 165

+ 8 097

+ 8 744

+ 11 555

> + 8 744 

> + 11 555

Note : les nombres en italiques sont les catégories de revenus applicables en Île-de-France. Les catégories de revenus présentées sont également applicables pour les forfaits ainsi que pour MaPrimeRénov' Sérénité.

Source : Commission d'enquête, d'après le ministère de la transition écologique
et de la cohésion des territoires

Les plafonds diffèrent également selon les types de travaux réalisés : pour les ménages les plus modestes, l'installation d'un poêle à granulés peut être financée au maximum à 3 000 euros, tandis que pour les mêmes ménages, l'installation d'une pompe à chaleur géothermique peut être financée à hauteur de 10 000 euros. Le tableau suivant donne les aides auxquelles ont droit différentes catégories pour la réalisation d'un geste de rénovation courant.

Plafonds de MaPrimeRénov' selon les revenus d'un ménage
pour l'installation d'une chaudière à granulés

Une personne

Deux personnes

Plafond de l'aide

Jusqu'à 15 262 euros

Jusqu'à 22 320 euros

10 000 euros

Jusqu'à 19 565 euros

Jusqu'à 28 614 euros

8 000 euros

Jusqu'à 29 148 euros

Jusqu'à 42 411 euros

4 000 euros

Au-dessus de 29 148 euros

Au-dessus de 42 411 euros

-

Note : l'installation d'une chaudière à granulés est l'un des types de travaux qui ouvrent droit aux aides les plus importantes, avec l'installation d'une pompe à chaleur géothermique ou solarothermique.

Source : Commission des finances

Il faut relever que les ménages aux revenus les plus élevés n'ont droit à des aides que pour les travaux d'isolation. Ils peuvent également bénéficier du forfait « rénovation globale » et des bonus qui seront détaillés infra.

Depuis le 1er juillet 2021, MaPrimeRénov' est également ouvert aux propriétaires bailleurs. Cette disposition, qui originellement ne devait durer que le temps plan de relance, a été pérennisée en 2023. Les bailleurs bénéficiaires de la prime doivent cependant s'engager à louer leur bien à titre de résidence principale pendant 5 ans à compter de la date de paiement du solde.

b) MaPrimeRénov' Sérénité

MaPrimeRénov' Sérénité, qui était dénommée jusqu'en 2021 « Habiter Mieux Sérénité », finance des travaux de rénovation globale : pour qu'une opération de rénovation soit éligible à la prime, les travaux doivent être réalisés en même temps, et ils doivent permettre de réduire la consommation d'énergie du logement d'au moins 35 %. La prime se décline en deux forfaits, selon les ressources des ménages :

- les ménages aux revenus modestes peuvent voir leurs travaux de rénovation globale pris en charge à hauteur de 35 %. La prime versée ne peut pas être supérieure à 12 250 euros ;

- les ménages aux revenus très modestes peuvent voir leurs travaux de rénovation globale pris en charge à hauteur de 50 %. La prime versée ne peut pas être supérieure à 17 500 euros.

Contrairement à MaPrimeRénov' dite « nationale », les ménages des catégories de revenus intermédiaire et supérieure ne peuvent pas bénéficier de la prime. En revanche, ces ménages peuvent bénéficier du forfait rénovation globale rattaché à MaPrimeRénov', qui existe depuis 2021, et dont le fonctionnement est détaillé infra. De plus, dans le cadre de MaPrimeRénov' Sérénité, le ménage doit être obligatoirement accompagné par un Accompagnateur Rénov', ce qui n'est pas le cas pour MaPrimeRénov' « nationale ».

c) MaPrimeRénov' Copropriétés

MaPrimeRénov' Copropriétés prend la forme d'une prime versée à un syndicat de copropriétaires, pour des travaux qui doivent permettre une économie de 35 % de la consommation d'énergie. Pour en bénéficier, la copropriété doit être composée d'au moins 75 % de lots d'habitation principale.

La prime finance 25 % des charges des travaux, et elle ne peut pas excéder 25 000 euros par logement. Une assistance à maîtrise d'ouvrage est obligatoire, et elle est financée en partie pour l'Anah, à hauteur de 30 % du prix de la prestation, pour un montant qui ne peut excéder 180 euros par logement.

De plus, les copropriétés dites « fragiles », c'est-à-dire les copropriétés qui sont situées dans un quartier relevant du « nouveau programme national de renouvellement urbain » (NPNRU) ou qui présentent un taux d'impayés supérieur ou égal à 8 %, peuvent bénéficier d'une prime complémentaire d'un montant de 3 000 euros par logement.

d) Les forfaits associés à MaPrimeRénov'

Le forfait « rénovation globale » est réservé aux ménages qui ont des ressources supérieures aux plafonds de MaPrimeRénov' Sérénité. Pour en bénéficier, les ménages doivent réaliser un audit énergétique, effectué par un auditeur labellisé RGE, et engager des travaux qui doivent permettre un gain énergétique d'au moins 55 % par rapport à la consommation initiale. Son montant est de 10 000 euros pour les ménages aux revenus intermédiaires, et de 5 000 euros pour les ménages aisés. Ce forfait a été revalorisé en 2023 : l'année précédente, il était de 7 500 euros pour les ménages aux revenus intermédiaires et de 3 500 pour les ménages aisés.

Le forfait « bonus sortie de passoire énergétique » est attribué lorsque la consommation conventionnelle initiale du logement était supérieure ou égale 331 kWh/m²/an d'énergie primaire avant la réalisation des travaux, et lorsqu'elle est inférieure à ce seuil après la rénovation. Son montant est de 1 500 euros pour les ménages aux ressources modestes ou très modestes, de 1 000 euros pour les ménages aux ressources intermédiaires, et de 500 euros pour les ménages aisés.

Le forfait « bonus bâtiment basse consommation » est attribué lorsque la consommation du logement passe en dessous de 91 kWh/m²/an. Son montant est identique au bonus sortie de passoire énergétique.

L'éligibilité à ces trois forfaits est conditionnée à la réalisation d'un audit énergétique préalable aux travaux de rénovation, et le demandeur doit pouvoir justifier de la cohérence entre les travaux réalisés et les recommandations de l'audit (par exemple, faire des travaux qui justifient un gain énergétique minimal de 55 % pour bénéficier du forfait « rénovation globale »).

e) Les certificats d'économie d'énergie (CEE)

Contrairement aux aides de l'Anah, qui sont imputées sur des crédits budgétaires, les certificats d'économie d'énergie (CEE) sont financés par les entreprises de l'énergie. Leur participation au programme des CEE est obligatoire et encadrée. L'ensemble des propriétaires et des locataires peuvent en bénéficier.

Les CEE prennent comme référence des « opérations standardisées d'économies d'énergies », qui correspondent à des opérations couramment réalisées, pour lesquelles une valeur forfaitaire a été définie. Le catalogue des opérations standardisées le plus récent (16 mars 2023) comporte 218 fiches, et il est disponible en ligne sur le site du ministère de la transition écologique58(*). Il inclut par exemple l'isolation de combles ou de toitures, ou la mise en place d'une pompe à chaleur de type air/air.

Le montant des CEE dépend de nombreux paramètres, tels que l'emplacement géographique, la surface du logement, les économies réalisées ainsi que les revenus du ménage.

Le rôle de l'Anah dans la valorisation des certificats d'économie d'énergie

Jusque mi-2022, l'Anah valorisait elle-même les CEE sur l'ensemble des aides distribuées (hors dispositif MPR créé en 2020). Concrètement, l'Anah versait une prime au demandeur (par exemple, 10 % du coût des travaux plafonnés à 3 000 euros pour un ménage propriétaire occupant très modeste et 2 000 euros pour un ménage modeste), tandis que les CEE ainsi générés par les travaux financés par l'Anah venaient abonder le budget de l'Agence. En tant qu'acteur « éligible » aux CEE, l'Anah peut en effet, au même titre que les collectivités ou les bailleurs sociaux, valoriser les opérations CEE et revendre ainsi les certificats produits.

Règles de cumul des CEE avec MaPrimeRénov'

Les aides MaPrimeRénov' sont cumulables avec les CEE :

- MPR nationale est cumulable depuis son lancement en 2020 ;

- MPR Sérénité a été rendue cumulable depuis le 1er juillet 2022. Les ménages bénéficiaient précédemment d'un financement Anah supplémentaire de 10 % du coût des travaux (via la prime Habiter Mieux), mais ne pouvaient avoir accès aux CEE alors valorisés par l'Anah ;

- MPR Copropriétés est cumulable aux CEE, sauf pour les copropriétés fragiles et en difficulté qui bénéficient d'une prime de 3 000 €/logement.

Source : Réponses de l'Anah au questionnaire du rapporteur

Il faut relever que le Royaume-Uni a fait le choix d'orienter la partie principale de sa stratégie de rénovation énergétique sur un dispositif comparable aux certificats d'économie d'énergie, dans la mesure où il repose également sur les contributions des entreprises de l'énergie.

L'obligation pour les fournisseurs d'énergie (ECO) au Royaume-Uni

L'obligation pour les fournisseurs d'énergie (Energy Company Obligation (ECO)) a été mise en place par le gouvernement britannique en 2013. Il s'agit du principal instrument de soutien aux travaux d'efficacité énergétique dans les logements au Royaume-Uni.

Le programme ECO est géré par les fournisseurs d'énergie et financé par un prélèvement sur les factures d'électricité des ménages. Il prévoit l'obligation pour les fournisseurs ayant une certaine part de marché de promouvoir et d'installer des mesures d'efficacité énergétique auprès des ménages. Cela inclut des actions permettant de réduire la consommation d'énergie, telles que des travaux d'isolation ou le remplacement du système de chauffage. L'objectif global de réduction des dépenses de chauffage grâce aux mesures (224 millions de livres sterling par an pour ECO4) est réparti entre les fournisseurs en fonction de leur part relative du marché intérieur du gaz et de l'électricité.

L'autorité des marchés du gaz et de l'électricité (Office of Gas and Electricity Markets - Ofgem) est responsable du suivi du programme ECO pour le compte du ministère de la sécurité énergétique. Elle a pour missions d'allouer à chaque fournisseur sa part des objectifs, de surveiller leurs progrès, de vérifier s'ils remplissent leurs obligations, d'assurer la conformité et de prévenir et détecter les fraudes.

Source : Division de la législation comparée du Sénat

f) Les principaux dispositifs fiscaux

• La TVA à taux réduit

Pour les travaux d'amélioration de la performance énergétique, le taux de TVA est à 5,5 %, alors qu'il est généralement de 10 % pour les autres travaux de rénovation. Les types de travaux éligibles sont mentionnés à l'article 18 bis de l'annexe IV du code général des impôts, et ils incluent notamment l'installation d'une ventilation ou des travaux de plomberie qui font suite à des travaux d'isolation des murs par l'intérieur.

• Exonération de taxe foncière

Certaines collectivités territoriales proposent une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les logements rénovés. Cette exonération peut aller de 50 à 100 % de la taxe, pour une durée de 3 ans. Le montant des travaux doit être supérieur à 10 000 euros l'année précédant l'année d'application de l'exonération, ou supérieur à 15 000 euros au cours des trois années qui précèdent. Les logements doivent avoir été achevés avant le 1er janvier 1989.

• Le crédit d'impôt transition énergétique (CITE)

Le crédit d'impôt pour la transition énergétique est supprimé pour l'ensemble des dépenses effectuées depuis le 1er janvier 2021. Toutefois, des ménages continuent de manière résiduelle de bénéficier du CITE pour des travaux réalisés avant le 1er janvier 2021. La dépense fiscale du CITE a ainsi encore représenté 100 millions d'euros en 2022.

3. Un parcours du combattant : entre dysfonctionnements techniques et fraudes, une politique publique en crise de confiance

La perte de confiance dans les dispositifs d'aides à la rénovation est causée par deux défaillances majeures.

D'une part, l'érosion de la confiance des usagers s'explique par la complexité du système de demande d'aide, les nombreux dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov' et l'absence d'accompagnement humain occasionnée par la dématérialisation totale du système de demande d'aide.

Cet effritement est complété par les nombreuses fraudes, escroqueries et malfaçons, qui, même si elles restent faibles, alimentent la défiance des consommateurs.

a) Une confiance dans le dispositif MaPrimeRénov' grevée par les complexités administratives

Les dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov' et la longueur anormale des délais d'instruction de certains dossiers, dépassant largement les 35 jours moyens annoncés par l'Anah, ont été l'objet de plusieurs contributions citoyennes adressées à la présidente et au rapporteur de la commission d'enquête. Ces témoignages « du terrain » dévoilent un système grippé, véritable « chantier » pour des usagers désemparés face à la complexité de la constitution des dossiers.

La Défenseure des droits Claire Hédon a présenté à la commission d'enquête un état des lieux des signalements reçus concernant les blocages de dossiers de demande de subvention MaPrimeRénov'. Dans sa décision du 14 octobre 2022, la Défenseure des droits avait déjà dénoncé « des dysfonctionnements aux conséquences lourdes pour les ménages » et indiqué avoir reçu 500 signalements à propos de la plateforme MaPrimeRénov'. Lors de son audition le 13 mai, Claire Hédon a indiqué avoir reçu 900 signalements supplémentaires et a estimé que la publicité autour de ces signalements conduisait nombre de citoyens à saisir ses services. Leur nombre total est donc potentiellement sous-estimé. Si l'Anah affirme avoir débloqué 250 dossiers dans les mois suivant la publication de la décision, 600 n'avaient toujours pas reçu de réponse à la date de l'audition.

La longueur excessive de certains délais de validation des dossiers et de versement des primes ainsi que les dysfonctionnements techniques de la plateforme internet MaPrimeRénov' sont les principaux objets de signalement. Parmi les dysfonctionnements recensés, les utilisateurs signalent l'impossibilité de créer un compte, d'enregistrer des demandes ou de téléverser des documents de justification. La trop grande rigidité du système informatique ne permettant pas de corriger les données saisies bloque les demandes de création de comptes et d'ouverture de dossiers. Ce « droit à l'erreur » est pourtant toléré par d'autres plateformes gouvernementales, notamment le site impôt.gouv.fr collectant les déclarations de revenus, comme le souligne Claire Hédon.

Cette rigidité est accentuée par la centralisation excessive du système, qui n'est pas compensée par la présence de conseillers locaux au contact des usagers. Ainsi, les agents des antennes locales de l'Anah, les conseillers France Rénov' et les agences locales énergie climat (Alec) n'ont pas le droit d'accéder aux dossiers individuels des usagers. Sans accès et possibilité d'édition des dossiers, les agents qui recueillent les plaintes ne peuvent apporter de solution à des dysfonctionnements pourtant aisément résolubles, notamment pour des erreurs de saisie d'informations personnelles ou de téléversement de documents justificatifs.

La numérisation excessive du service est également mise en cause par la Défenseure des droits, MaPrimeRénov' ne proposant pas de dépôt de dossier de demande physique. La volonté de massifier le recours à MaPrimeRénov' est la raison de ce choix du « tout numérique », un pari toutefois gagnant au regard des plus de 1,8 million de demandes déposées (MaPrimeRénov', MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés confondues) depuis 2020. Cette exclusivité donnée au numérique a cependant pour effet de délaisser toute une partie de la population peu familière des outils numériques, estimée à 31,5 % de la population totale, notamment les plus âgés de nos concitoyens. Sans droit à une alternative - le dépôt d'un dossier sous format papier auprès d'un guichet Anah local, d'un guichet France Rénov' ou d'une Alec -, le dispositif exclut une partie de la population souvent précarisée.

Ces blocages précarisent en effet les demandeurs les plus fragiles, qui dans l'attente des versements des subventions se voient contraints de contracter des prêts bancaires ou familiaux afin de financer leurs travaux, mettant à mal leur équilibre financier et leur solvabilité. Un paradoxe selon Claire Hédon : « MaPrimeRénov' a été mise en place pour les foyers les plus démunis, mais ce sont aujourd'hui encore ces derniers qui pâtissent des dysfonctionnements du service, du manque d'interlocuteurs et du défaut d'information ».

Ces dysfonctionnements relevés par la Défenseure des droits sont toutefois à mettre en perspective avec la masse de demandes reçues par les services de l'Anah et le nombre de dossiers validés depuis 2020. Selon l'Anah, entre 2020 et 2022, 1 804 295 dossiers ont été ouverts et 1 541 359 dossiers ont été engagés ; avec une moyenne de 25 000 décisions par semaine, a précisé la directrice de l'Anah, Valérie Mancret-Taylor, aux sénateurs de la commission. En comparaison avec les 1 400 signalements reçus entre le lancement de la plateforme et l'audition de Mme Hédon, cela revient à un taux de dossiers bloqués extrêmement faible de 0,078 %.

L'Anah a mené une enquête de satisfaction auprès des bénéficiaires, dont les résultats ont été présentés par son président, Thierry Repentin, lors de son audition par la commission d'enquête : 82 % des ménages qui ont sollicité cette aide en sont satisfaits et 53 % n'auraient pas effectué d'opération de rénovation sans ces aides. L'Anah indique par ailleurs recevoir 8 000 appels par jour, avec un taux d'appel décroché assez élevé, oscillant entre 85 % et 90 %.

La directrice de l'Anah ne minimise pas pour autant ce nombre de dossiers qui demeurent « 500 dossiers de trop ». Elle indique que l'Anah a « donc mis en place une équipe dédiée, qui, dès qu'il y a signalement, prend en charge le ménage et le replace dans un parcours normalisé, ce qui peut être compliqué ».

b) Une confiance érodée par les malfaçons, les fraudes et les escroqueries

Les politiques d'aides à la rénovation énergétique ont donné donnent lieu à de nombreuses fraudes, escroqueries et malfaçons, et ce au détriment des consommateurs, parfois fortement impactés et dont la confiance à l'égard des entreprises de travaux et des dispositifs de soutien à la rénovation est souvent atteinte.

Ce constat est corroboré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a ainsi signalé aux membres de la commission d'enquête que le secteur de la rénovation énergétique est fortement générateur de plaintes et de signalements sur la plateforme SignalConso : plus de 10 000 plaintes ont été enregistrées pour la seule année 2022. L'association de consommateurs UFC-Que Choisir constate pour sa part une certaine domination du secteur de la rénovation énergétique dans l'ensemble des plaintes et signalements reçus. Ces fraudes érodent la confiance des consommateurs envers les acteurs de la rénovation, les dissuadant d'effectuer leurs travaux. Les dispositifs d'appel « Isolation à 1€ », « Pompes à chaleur à 1€ » et « Coup de pouce » sont particulièrement propices à la fraude, déclenchant des comportements opportunistes de la part d'opérateurs peu qualifiés.

D'après les informations transmises par la DGCCRF et sur la base de ses grandes enquêtes annuelles, dites « tâches nationales », les travaux de rénovation énergétique révèlent des taux élevés d'opérateurs en anomalie : 55 % en 2022, dont 61 % sont des entreprises bénéficiant du label RGE. Ces taux d'irrégularités constatées sont identiques à ceux enregistrés en 2021. La part importante d'entreprises contrôlées en anomalie bien que détentrices du label RGE signifie que « le taux moyen d'anomalie constaté des entreprises titulaires de ce label serait similaire à celui constaté en moyenne dans l'ensemble du secteur ». Quoique toujours élevée, cette proportion est en légère baisse, puisqu'elle atteignait 66 % en 2020. Les fraudes sont loin d'épargner le fonctionnement du dispositif RGE lui-même : de faux centres de formation ou des « stagiaires-clones » (une même personne suit la formation et réussit l'examen sous des identités différentes) ont par exemple été identifiés et ont conduit les pouvoirs publics à faire exiger par les centres de formation la présentation d'une pièce d'identité.

La DGCCRF fait état d'un niveau de verbalisation administrative et pénale dans le secteur de la rénovation énergétique très supérieur à la moyenne des autres secteurs, avec 131 avertissements, 111 injonctions administratives, 34 procès-verbaux administratifs et 89 procès-verbaux au pénal recensés pour 2021, ces chiffres n'incluant pas les dossiers contentieux traités par d'autres services, tels que la police ou la gendarmerie, notamment en cas de requalification délictuelle des faits par le procureur à l'instar de cas d'escroquerie, d'abus de biens sociaux, etc.. L'indu généré par la fraude s'élève à 92 millions pour cette année. Pour le sous-directeur santé, logement et industrie de la DGCCRF auditionné par la commission d'enquête, cette prévalence de la fraude s'explique par le fait que « le marché de la rénovation énergétique, encore en phase transitoire, n'a pas encore atteint un degré de maturité suffisant. Il en résulte une inadéquation entre, d'une part, une demande de travaux fortement stimulée par les autorités publiques grâce à des aides et, d'autre part, une offre de services fiable qui demeure aujourd'hui limitée ».

De manière plus générale, la commission relève que les anomalies constatées par la DGCCRF sont de nature variée, et vont de manquements involontaires causés par une méconnaissance des exigences du code de la consommation jusqu'à des cas d'escroquerie en bande organisée, en passant par un respect' insuffisant du droit de rétractation'. De nombreuses pratiques irrégulières correspondent au non-respect des droits des consommateurs en matière de vente hors établissement commercial, à des manquements relatifs à l'information précontractuelle sur les prix et les conditions particulières de vente, à la violation des règles applicables au crédit affecté et à l'usage de pratiques commerciales trompeuses, voire agressives. Les pratiques frauduleuses sont diverses comme en témoigne une enquête réalisée par le journal spécialisé Le Moniteur59(*) qui révèle des faits accablants : partage de « bonnes pratiques » entre escrocs, création de faux comptes MaPrimeRénov' visant à récupérer les subventions à l'insu des usagers par l'usurpation des identifiants France Connect, etc. L'escroquerie n'est pas en reste : installations de dispositifs importés non conformes, abandons de travaux, usagers engagés par un devis alors qu'ils pensaient signer un bon de passage, souscription cachée à des crédits, affichages frauduleux de label RGE par des entreprises non qualifiées sont autant de pratiques constatées par les enquêteurs. La DGCCRF précise que certains professionnels abusent le consommateur de la prise de contact à la conclusion du contrat, et vont parfois jusqu'à imposer la réalisation de travaux en raison de prétendus programmes publics, audits énergétiques gratuits, homologations, commissions « officielles », qui sont en réalité inexistantes. Certaines entreprises peuvent même, dans certains cas, recourir à des menaces pour s'assurer de l'obtention du chantier.

Les tableaux suivants récapitulent la répartition des suites répressives par anomalie (procès-verbaux administratifs et procès-verbaux pénaux) ainsi que la répartition des suites pédagogiques et correctives (injonctions et avertissements) après contrôle de la DGCCRF.

Anomalies ayant conduit à des sanctions après contrôle

Source : DGCCRF

Anomalies ayant conduit à des suites pédagogiques et correctives

Source : DGCCRF

Il est souligné que certaines entreprises, malgré de précédentes sanctions administratives ou pénales, continuent leurs pratiques déloyales lucratives et que d'autres se mettent en liquidation ou s'exilent à l'étranger afin d'échapper aux sanctions prévues.

Les anomalies relevées par la DGCCRF sont loin de représenter des exceptions, surtout qu'elles peuvent être rapprochées d'autres enquêtes portant sur le secteur de la rénovation : l'entreprise Spekty, tiers de confiance accrédité par le Cofrac pour la réalisation d'inspections dans le cadre du dispositif CEE fait ainsi état pour sa part d'un taux de non-conformité d'environ 25 % des entreprises contrôlées sur site, quel que soit le niveau de travaux. Le Moniteur relève que les bureaux de contrôle ne font pas non plus preuve d'exemplarité en la matière : 27 % de ces structures présentent un lien avec des entreprises du secteur ou des CEE, faisant courir le risque de verrouiller toute une chaîne de valeur, à travers un fonctionnement en vase clos en impliquant un énergéticien, un délégataire de ces CEE, des entreprises de travaux, un bureau de contrôle et un évaluateur thermique.

L'interdiction du démarchage téléphonique par la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux n'a pas fait disparaître cette pratique frauduleuse, comme le regrette UFC-Que Choisir, certains usurpant une qualité de fonctionnaire ou de conseiller France Rénov' pour le faire. L'association de consommateurs souligne également que d'autres types de démarchage ont vu le jour à la suite de cette interdiction comme le démarchage par SMS et le démarchage physique au porte-à-porte - les deux tiers des 10 000 plaintes reçues en 2021 par UFC-Que Choisir sont d'ailleurs liées au démarchage physique.

Les arnaques dans les salons sont également dénoncées par les professionnels du secteur, d'autant plus aisées que le droit de rétractation n'est pas opérant pour les achats effectués dans les foires et salons.

Le manque d'information des consommateurs au sujet de leurs droits contribue à rendre les fraudes possibles, les pratiques frauduleuses n'étant pas identifiées en amont par des citoyens avertis et correctement informés des obligations pesant sur les professionnels.

Cette perte de confiance est aggravée par l'absence de garantie d'atteinte de performance et d'économie d'énergie, véritable angle mort des politiques publiques de rénovation. Selon UFC-Que Choisir, cela provoque une rupture de confiance des citoyens envers les professionnels de la rénovation - et ce même lorsqu'ils sont en règle -, s'estimant trompés par ces opérations coûteuses de travaux ne tenant pas leurs promesses en termes de réduction des factures et de retour sur investissement. En effet, les gains énergétiques réels des rénovations énergétiques ne sont pas calculés : seuls les gains conventionnels peuvent l'être, par le biais des DPE ou des travaux déclarés dans le cadre des CEE ou de MaPrimeRénov'. L'ONRE, dans ses études actuelles, estime à 3,6 MWh les gains conventionnels réalisés en moyenne par logement rénové en 2020. Lors de l'audition, les membres de l'Observatoire ont précisé mener des travaux sur un million de ménages afin de calculer les gains énergétiques réels. L'objectif est, selon la sous-directrice des statistiques et de l'énergie Bérangère Mesqui, « en comparant les données des ménages qui ont rénové et de ceux qui ne l'ont pas fait, [d']observer, à un niveau macroéconomique, l'impact de la rénovation sur la consommation réelle. »

4. Un modèle économique en mal de définition

La politique publique de rénovation du bâtiment n'a pas su définir un modèle économique précis favorisant le recours à des opérations de rénovations performantes par les ménages.

L'importance du reste à charge, la lenteur du retour sur investissement et les risques de surendettement sont autant de freins pour les ménages au moment de s'orienter entre une rénovation au geste ou une rénovation globale performante.

a) Un reste à charge trop élevé

Selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique, le reste à charge est l'un des principaux obstacles des ménages pour rénover leur logement : 30 % des ménages déclarent ne pas disposer des moyens suffisants pour engager les travaux.

L'Institut de l'économie pour le Climat (I4CE), auditionné par la commission d'enquête, a présenté aux sénateurs son outil PanelRénov'60(*) de simulation du raisonnement économique des ménages souhaitant effectuer des travaux de rénovation énergétique. Intégrant les aides à la rénovation actuellement disponibles, plusieurs logements-types et différentes tranches de revenus, PanelRénov' permet d'analyser les freins économiques que peuvent rencontrer les ménages.

La garantie d'un modèle économique adapté et fiable pour les usagers repose ainsi sur trois piliers : une rénovation abordable, profitable et une garantie de solvabilité.

La rénovation doit être abordable, à l'aide d'une politique publique de subvention des travaux de rénovation garantissant un reste à charge minimal, cohérent et acceptable pour les ménages les plus modestes et supportable pour les autres ménages, limitant l'engagement de fonds propres.

Ces opérations doivent être profitables et garantir un bénéfice tangible pour les ménages, justifiant les dépenses engagées par un retour sur investissement mesuré.

Le modèle doit apporter une garantie de solvabilité pour les ménages, qui doivent être en capacité d'emprunter sans risque de mise en difficulté financière.

Dans les conditions actuelles, pour la rénovation globale d'un logement individuel de 110 m2 classé E détenu par un ménage aux revenus modestes, avec un montant des travaux chiffré à 55 000 €, il résulte de la simulation effectuée par PanelRénov' une opération de rénovation globale non viable pour les ménages. En effet, les subventions (CEE et MaPrimeRénov') ne parviennent pas à garantir un reste à charge supportable pour les ménages : en moyenne, elles ne couvrent que 35 % des dépenses engagées.

Les conclusions du rapport présenté par Olivier Sichel61(*) sont semblables : actuellement le reste à charge est trop élevé pour les ménages, qui ne peuvent pour les plus modestes financer de telles sommes sur leurs fonds propres. Le reste à charge est estimé à 37 % pour les ménages très modestes et à 50 % pour les ménages modestes dans le cadre d'une rénovation globale BBC : les subventions (MaPrimeRénov' et CEE) couvrent donc respectivement 63 % et 50 % des coûts engagés par les ménages, un montant trop faible pour inciter les ménages à choisir ce type de rénovation.

En effet, avec un coût de rénovation moyen estimé à 42 000 euros selon le collectif Effinergie pour la rénovation de niveau BBC d'un pavillon de 110 m2, le reste à charge représente une part considérable du revenu annuel des ménages très modestes et modestes.

Les solutions complémentaires de prêt à la rénovation ne sont pas nécessairement adaptées aux ménages aux revenus modestes et très modestes. En effet, les ménages précaires et les personnes âgées ne réunissent pas forcément les critères de solvabilité nécessaires pour avoir accès aux prêts à la consommation et à l'éco-prêt à taux zéro. L'alternative du prêt avance rénovation (PAR), prêt hypothécaire délivré aux ménages modestes et très modestes (voir infra) peut se heurter à la situation financière des ménages. En effet, si le logement du ménage est déjà hypothéqué, il ne peut souscrire à un PAR.

Reste à charge pour la rénovation BBC d'une maison individuelle,
estimée à 42 000 € de travaux

 

Très modestes

Modestes

Reste à charge

37 %

50 %

Montant restant à financer

15 540

21 000

Part minimale du revenu fiscal de référence (hors Île-de-France) pour un ménage composé de

1 personne

95,7 %

101 %

2 personnes

65,5 %

69 %

4 personnes

46,6 %

49,1 %

Source : Rapport Sichel, Anah, commission d'enquête

Lecture : Pour un ménage composé de quatre personnes aux revenus très modestes, le reste à charge nécessaire pour effectuer une rénovation BBC estimée à 42 000 € représente au minimum 46,6 % de son revenu fiscal de référence.

b) Des perspectives de retour sur investissement trop lointaines

Deux critères permettent à l'I4CE d'évaluer la profitabilité d'une rénovation : le retour sur investissement et la valeur actuelle nette du logement.

Le retour sur investissement indique en combien d'années les économies d'énergies, aux prix actuels, vont pouvoir compenser le coût des travaux, une fois les subventions déduites. Un retour sur investissement supérieur à dix ans décourage les ménages d'investir dans des travaux de rénovation, dont la rentabilisation peut s'étendre sur plusieurs générations d'occupants dans le logement62(*).

La valeur actuelle nette est un indicateur plus complet que le retour sur investissement qui représente l'enrichissement réalisé par le ménage au terme du projet. La valeur actuelle nette compare les dépenses du ménage, hors subventions, avec les bénéfices réalisés sous la forme d'économies d'énergie. Le tout est actualisé par un taux diminuant la valeur des bénéfices futurs et représentant les réticences à investir (notamment les risques, la présence d'alternatives de placement à abandonner, la volonté de conserver une épargne de précaution). La valeur actuelle nette d'un logement après rénovation doit être positive à 15 ans afin que le ménage perçoive l'opération comme profitable. Si la valeur actuelle nette est négative, cela signifie que les seules économies d'énergies perçues ne justifient pas les coûts, notamment au regard des risques pris et des alternatives de placement abandonnées.

Selon l'I4CE, dans les conditions actuelles la rénovation est peu profitable, en raison d'un retour sur investissement supérieur à dix ans et d'une valeur actuelle nette toujours négative quinze ans après les travaux.

À cela s'ajoute le peu de prise en compte par les politiques publiques des contraintes liées à une rénovation globale, notamment le relogement des ménages pendant la durée des travaux lorsqu'ils ne sont pas effectués lors de la mutation et les contraintes endurées lors des travaux en logement habité.

Sans orientations claires de la politique publique de rénovation permettant de diminuer le reste à charge des ménages et d'assurer la rentabilité des opérations de rénovation, il sera difficile d'inciter les ménages à entreprendre des rénovations globales performantes. Le modèle actuel incite les consommateurs à effectuer une succession de gestes non coordonnés car plus abordables, mais beaucoup moins performants.

B. UNE MASSIFICATION DES GESTES MAIS PAS DES RÉNOVATIONS PERFORMANTES

Selon l'ONRE, 2,1 millions de logements en France métropolitaine ont bénéficié en 2020 de l'une des quatre principales aides à la rénovation énergétique pour les ménages, qui sont le CITE63(*), MaPrimeRénov', les certificats d'économie d'énergie et « Habiter Mieux Sérénité »64(*). Ce chiffre représente une augmentation de 21,5 % par rapport à 2017, où l'ONRE estime que 1,7 million de logements avaient été rénovés grâce à une aide.

Ces chiffres, rapportés au nombre total de logements en France (37,2 millions de logements ordinaires en 2021), sont importants : si ce rythme est maintenu, il signifie que chaque logement en France ferait l'objet d'une rénovation énergétique en moins de 18 ans. Toutefois, les types de rénovation énergétique agrégés dans cette étude sont très différents : leurs conditions d'éligibilité sont distinctes, et leurs conséquences en termes de réduction des gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie sont également très variables.

1. L'augmentation du nombre de demandes a été accompagnée d'une augmentation des crédits consacrés à MaPrimeRénov'
a) L'engouement pour le dispositif MaPrimeRénov'

L'engouement pour MaPrimeRénov' est réel. Alors que le plan de relance visait un objectif de 400 000 demandes de prime validées en 2021, le nombre de dossiers engagés constaté cette année est de 658 464. La différence est importante par rapport à 2020, où 141 144 dossiers avaient été engagés. On observe en revanche un tassement en 2022, où 628 594 dossiers ont été engagés. Le nombre de demandes est également en légère diminution entre 2021 et 2022. Il est possible que MaPrimeRénov' ait atteint « son rythme de croisière », même s'il est difficile de se prononcer réellement sur la question tant que les chiffres complets pour l'année 2023 ne seront pas disponibles.

Par ailleurs, contrairement au CITE, le dispositif touche principalement les ménages modestes et très modestes : « Les ménages très modestes restent les principaux bénéficiaires, avec 45 % des demandes engagées pour 62 % du montant total des primes. Viennent ensuite les ménages intermédiaires qui représentent 30 % des bénéficiaires et 16 % du montant total des primes, suivis par les ménages modestes (23 % des dossiers engagés et 21 % du montant des primes)65(*) », ce qu'a confirmé Thierry Repentin, président de l'Anah, lors de son audition : « Depuis 2020, plus de 1,5 million de ménages en ont bénéficié, dont 68 % appartiennent aux quatre premiers déciles, c'est-à-dire les plus modestes. [...] Quant aux ménages supérieurs, ils sont peu nombreux à recourir au dispositif MPR, avec seulement 2 % de dossiers engagés et moins de 1 % du montant des primes66(*). »

Nombre de demandes, de dossiers engagés et de dossiers soldés
pour les trois volets du programme « MaPrimeRénov' » entre 2020 et 2022

 

2020

2021

2022

Nombre de demandes

MaPrimeRénov'

192 342

765 134

747 553

MaPrimeRénov' Sérénité

33 796

33 789

30 998

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

162

521

Total

226 138

799 085

779 072

Nombre de dossiers engagés

MaPrimeRénov'

141 144

658 464

628 594

MaPrimeRénov' Sérénité

39 859

39 876

32 807

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

152

463

Total

181 003

698 492

661 864

Nombre de dossiers soldés

MaPrimeRénov'

52 964

366 369

530 521

MaPrimeRénov' Sérénité

7 623

27 162

31 394

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

2

72

Total

60 587

393 533

561 987

Source : Commission d'enquête, d'après les réponses de l'Anah
au questionnaire du rapporteur

Au regard du nombre de demandes, il est indéniable que MaPrimeRénov' est un succès populaire, et que la prime a su rapidement trouver sa place dans le paysage de la rénovation énergétique à la suite du CITE. Il convient cependant d'examiner à la fois la réalité des crédits budgétaires qui ont été consacrés à MaPrimeRénov', ainsi que l'efficacité des rénovations permises grâce à celle-ci.

Dans le même temps, MaPrimeRénov' Sérénité connaît une diminution à la fois des demandes et des engagements (- 17,7 % de dossiers engagés entre 2021 et 2022), qui peut légitimement soulever des inquiétudes, au regard de la place que prend le dispositif dans la politique de rénovation globale.

b) Le ralentissement de la hausse des crédits consacrés à MaPrimeRénov'

Les crédits consacrés à MaPrimeRénov' connaissent une forte augmentation depuis 2020. Les chiffres tirés des estimations réalisées par la Cour des comptes et des lois de finances indiquent ainsi une augmentation de 223 % des crédits de paiement consacrés à MaPrimeRénov' (plan de relance inclus) entre 2020 et 2021, et une augmentation de 35,7 % entre 2021 et 2022.

En revanche, le dispositif semble connaître un tassement entre 2022 et 2023 (diminution de 8,4 % des crédits de paiement), en gardant à l'esprit qu'il est possible que la loi de finances rectificative de fin de gestion de 2023 complète les crédits de la prime, comme ce fut le cas lors des exercices budgétaires précédents.

Crédits consacrés à MaPrimeRénov'
(chiffrage de la Cour des comptes)
(en millions d'euros)

 

Budget 2020

Budget 2021

Budget 2022

Budget 2023

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 174

575

575

740

740 

2 100

1 419

2 450

2 300

Programme 362

-

-

2 000

1 115

260

1 092

0

0

Total

575

575

2 740

1 855

2 360

2 511

2 450

2 300

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments,
d'après le projet de loi de finances et les données de la Cour des comptes,
présentées notamment dans les notes d'exécution budgétaire de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables » des exercices 2020, 2021 et 2022

Note : pour ce tableau, et l'ensemble des tableaux qui suivent, les chiffres correspondent aux ouvertures totales de crédits sur l'exercice, c'est-à-dire qu'ils prennent en compte les modifications apportées par les lois de finances rectificatives. Seuls les crédits pour MaPrimeRénov' « nationale » sont pris en compte.

Le programme 174 désigne le programme « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable ». Le programme 362 correspond au programme « Écologie » de la mission « Plan de relance ». Avec la fin du plan France Relance, l'ensemble des crédits consacrés à MaPrimeRénov' ont ainsi été basculés dans le programme 174.

L'augmentation des crédits destinés à MaPrimeRénov' pourrait être nuancée en prenant en compte les coûts du CITE, que la prime a vocation à remplacer, mais qui, de manière résiduelle, représente toujours un coût pour les finances publiques.

Il faut toutefois remarquer que le CITE était moins ciblé que MaPrimeRénov'. Pour cette raison, le deuxième rapport du comité d'évaluation de France Relance indique qu'en 2021 « MaPrimeRénov' a [...] permis en moyenne 40 % d'économies supplémentaires par logement par rapport au CITE » (tout en soulignant qu'il s'agit de gains théoriques), et Thierry Repentin que « la moyenne d'économies finales par logement et par an est passée de 3,9 mégawattheures (MWh) avec le CITE à 5,6 MWh avec MaPrimeRénov', soit un gain de 44 %67(*). » Ensuite, l'augmentation des dépenses n'en reste pas moins réelle, surtout entre 2021 et 2022, comme le montre le tableau suivant.

Exécution des crédits de MaPrimeRénov'
et coût du CITE entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

MaPrimeRénov'

455

1 298

2 102

CITE

1 084

300

100

Total

1 598

1 539

2 200

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments,
d'après le projet de loi de finances et les données de la Cour des comptes,
présentées notamment dans les notes d'exécution budgétaire de la mission
« Écologie, développement et mobilité durables » des exercices 2020, 2021 et 2022

MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés ont connu une montée en puissance significative ces dernières années, mais les montants en jeu restent nettement inférieurs à MaPrimeRénov' « nationale », qui représente le coeur de la politique de rénovation énergétique.

Crédits consacrés à MaPrimeRénov' Sérénité
et MaPrimeRénov' Copropriétés
(en millions d'euros)

 

Budget 2020

Budget 2021

Budget 2022

Budget 2023

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

MaPrimeRénov' Sérénité

378,9

102,73

515,4

315 

510,2

418

596

468

MaPrimeRénov' Copropriétés

-

-

90,7

7

138,7

28

252,1

123

Note : MaPrimeRénov' Sérénité correspond au programme « Habiter Mieux » jusqu'à la fin de l'année 2021. D'après l'Anah, les données relatives aux crédits de paiement concernant MaPrimeRénov' ne prennent pas en compte les CP au titre des engagements des exercices antérieurs à 2020.

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique des bâtiments,
d'après les données transmises par l'Anah

En conclusion, il apparaît que, malgré les limites et incertitudes des données disponibles, la progression des crédits pour la rénovation énergétique des bâtiments est réelle, mais que dans le même temps elle est concentrée sur le dispositif de base de MaPrimeRénov' plutôt que sur MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés. Or, les trois dispositifs présentent des résultats différents en termes d'efficacité énergétique.

2. MaPrimeRénov', une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre mais peu de rénovations globales

Les résultats de MaPrimeRénov' sont significatifs en termes de réduction des gaz à effet de serre, mais ils sont insuffisants pour ce qui concerne la rénovation globale ainsi que la réduction de la consommation d'énergie.

a) Un faible nombre de demandes de rénovations globales

Le nombre de rénovations globales permis par MaPrimeRénov' est faible au regard du nombre de demandes, ce qui laisse craindre une « politique d'affichage ».

Si l'on considère l'ensemble du programme MaPrimeRénov'68(*), l'Anah chiffre à 183 072 le nombre de rénovations globales subventionnées entre janvier 2021 et avril 2023, ce qui représente environ 58 000 rénovations globales par an.

Ce nombre est en augmentation sur ces dernières années. En effet, 65 939 rénovations globales ont été réalisées en 2022, contre 57 117 en 2021 et 51 967 en 2020. Ces chiffres sont cependant loin des objectifs de rénovation globale de 500 000 logements chaque année prévus par la loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015, dans l'objectif que l'ensemble du parc immobilier français soit conforme aux normes « bâtiment basse consommation » (BBC) à l'horizon 2050. Ils ne correspondent pas non plus aux objectifs de la SNBC 2020, dont l'objectif est la rénovation complète de 370 000 logements par an jusqu'en 2030, puis de 700 000 logements par an entre 2030 et 2050.

Ce constat peut étonner, alors qu'il a été vu supra que le nombre de dossiers engagés dépasse désormais les 500 000 par an. Pour bien comprendre cet écart, il importe à ce stade de distinguer au sein du programme « MaPrimeRénov' », le dispositif « MaPrimeRénov' » dite « nationale », et « MaPrimeRénov' Sérénité » et « MaPrimeRénov' Copropriétés ».

MaPrimeRénov' Sérénité est une prime centrée sur les rénovations globales, et elle démontre des résultats significatifs à cet égard. La quasi-totalité des dossiers engagés (39 876 en 2021, 32 807 en 2022) aboutit à des rénovations performantes.

En revanche, MaPrimeRénov' « nationale », qui est le dispositif le mieux identifié au sein de la population générale, présente des résultats décevants en termes de réalisation de rénovations globales. En effet, depuis le début de l'année 2021 jusqu'au 13 avril 2023, le forfait « Rénovation globale »69(*) a été octroyé à seulement 4 368 ménages. Il faut toutefois relever que l'obtention de ce bonus est conditionnée à la réalisation d'un audit énergétique, et que les montants de la prime (avant 2023, 7 500 euros pour les ménages aux revenus intermédiaires, 3 500 euros pour les ménages aisés) n'étaient pas suffisamment incitatifs pour que les ménages fassent les démarches.

La proportion réelle de rénovations globales permises par MaPrimeRénov' « nationale » serait donc plus proche de 20 000 à 30 000 par an, ce qui reste une proportion faible au regard de l'ensemble des dossiers engagés.

La faible proportion des rénovations globales s'explique par la propension de MaPrimeRénov' « nationale » à financer des travaux dits « monogeste ». Dans un audit flash rendu en septembre 2021, la Cour des comptes relève ainsi que 86 % des travaux entrepris grâce à MaPrimeRénov' ne consistent qu'en une seule opération de rénovation. Les magistrats financiers précisent que dans 72 % des cas, il s'agit d'un changement de chauffage. Le deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance de décembre 2022 complète ces informations en évaluation les rénovations globales à moins de 1 % des dossiers soutenus par le dispositif70(*).

Les chiffres plus récents du bilan de l'Agence nationale de l'habitat indiquent qu'au cours de l'année 2022, MaPrimeRénov' a financé à 20 % des travaux d'isolation, et à 66,5 % des chauffages, avec une majorité d'installations de pompes à chaleur air/eau et de poêles à granulés. Par ailleurs, la Cour a répété cette observation dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022 : « on observe que les consommateurs sollicitent essentiellement des aides en faveur de gestes isolés de rénovation, en l'absence d'un plan d'ensemble visant l'atteinte d'une haute performance énergétique. »

Lorsque l'Anah est interrogée à ce sujet, la réponse donnée est que les différents aspects du programme MaPrimeRénov' sont complémentaires, et qu'en particulier, on ne peut pas considérer MaPrimeRénov' sans prendre en compte MaPrimeRénov' Sérénité, qui est effectivement centrée sur les rénovations globales : « Le programme MaPrimeRénov', s'il se divise en trois aides distinctes, forme un tout. En effet les différentes aides se complètent, ne recouvrent pas les mêmes domaines et n'ont pas les mêmes procédures et instruction. [...] il s'agit d'un dispositif global qui n'est pas sécable. »71(*)

Cependant, considérer les trois aides comme un tout soulève plusieurs difficultés :

- la présentation des résultats de MaPrimeRénov' peut prêter à confusion. Lorsqu'il est indiqué que plus de 600 000 logements ont fait l'objet d'une rénovation, on agrège en réalité des types de rénovations très différentes les unes des autres ;

- MaPrimeRénov' Sérénité est centrée sur les ménages modestes et très modestes, et ne couvre donc pas l'ensemble du champ des logements nécessitant une rénovation globale. De plus, le reste à charge des ménages reste significatif, y compris pour les ménages modestes et très modestes, donc l'aide ne peut pas supporter à elle seule l'ensemble de la politique de rénovation globale. MaPrimeRénov' Copropriétés est également une aide spécialisée ;

- les trajectoires budgétaires des différentes aides « MaPrimeRénov' » sont distinctes, même si des crédits peuvent être déplacés d'un dispositif à l'autre, comme cela a été vu supra. Par conséquent, le choix de renforcer les crédits de l'un ou l'autre dispositif a une influence importante sur le sens et les objectifs de la politique de rénovation énergétique menée. En l'occurrence, la massification des aides a été dirigée vers le dispositif MaPrimeRénov' « nationale » plutôt que vers MaPrimeRénov' Sérénité.

Enfin, les réalisations de MaPrimeRénov' « nationale » en termes de rénovation globale n'en restent pas moins inférieures aux prévisions. L'Anah reconnaît ce fait, en indiquant que « désormais, l'enjeu est de permettre un saut qualitatif des rénovations réalisées, en promouvant la rénovation globale des logements. Au 1er trimestre 2023, les forfaits pour la rénovation globale ont été augmentés afin de concourir à cet objectif72(*). »

Dans son référé sur la rénovation énergétique des bâtiments d'octobre 2022, la Cour des comptes déplore néanmoins qu'« au regard de ces montants, la mesure de l'efficacité des financements pour l'atteinte des objectifs de performance énergétique est particulièrement complexe et, en l'état des données disponibles, quasiment hors d'accès73(*) ».

La réforme annoncée de MaPrimeRénov' en deux piliers distincts, pourrait permettre de clarifier le suivi des crédits. Il n'y a toutefois pas d'indications sur la façon dont cette refonte de la prime sera mise en oeuvre dans la pratique. En particulier, il n'est pas clair si cette réforme implique une fusion de MaPrimeRénov' « nationale » et MaPrimeRénov' Sérénité, ou si les deux dispositifs resteront distincts.

b) Des gains énergétiques significatifs, mais imparfaitement mesurés

En termes de gains énergétiques, les chiffres présentés par l'Anah montrent une nette augmentation entre 2020 et 2021 pour MaPrimeRénov', avec de nouveau un tassement entre 2021 et 2022.

Économies d'énergies théoriques permises par les rénovations financées
par le programme « MaPrimeRénov' »

 

2020

2021

2022

MaPrimeRénov'

973,92 GWh/an

9,38 MWh/an

4328,30 GWh/an

6,57 MWh/an

4197,12 GWh/an

6,68 MWh/an

MaPrimeRénov'

Sérénité

647,86 GWh/an

15,71 MWh/an

779,98 GWh/an

18,92 MWh/an

666,52 GWh/an

19,53 MWh/an

MaPrimeRénov'

Copropriétés

60,25 GWh/an

8,47 MWh/an

104,62 GWh/an

8,80 MWh/an

232,40 GWh/an

9,96 MWh/an

Note : les nombres en gras indiquent la réduction d'énergie au total sur l'année, tandis que les nombres en italiques indiquent la réduction moyenne de la consommation d'énergie par logement.

Source : Chiffrage de l'Anah

Les chiffrages proposés par l'Anah sont supérieurs au chiffrage réalisé par plusieurs autres sources. Le rapport Coeuré estime que le gain théorique des dossiers validés en 2021 serait de 3,7 TWh sur un an : « Les dossiers validés en 2021 dans le cadre de MaPrimeRénov' permettraient au total d'obtenir un gain énergétique théorique égal à 3,7 TWh/an (soit 0,8 % de la consommation énergétique des résidences principales en France en 2020) ». L'ONRE en revanche considère que seuls 2,0 TWh auraient été économisés sur l'année 2021.

Comparaison entre les chiffrages des gains théoriques d'énergie

 

2020

2021

2022

ONRE

300 GWh/an

2 000 GWh/an

3 000 GWh/an

Anah

973,92 GWh/an

4 328,30 GWh/an

4 197,12 GWh/an

Source : Chiffrage de l'Anah et chiffrage de l'ONRE

L'Anah explique ces écarts par une différence sur le périmètre retenu : l'Agence calcule les économies d'énergie à partir des dossiers engagés, tandis que l'ONRE prend comme référence les dossiers soldés.

Réponse de l'Anah à la question :
comment expliquez-vous les différences entre vos chiffrages et ceux de l'ONRE ?

La source de l'écart est une différence de périmètre entre les chiffres qui sont communiqués.

L'Anah communique sur les dossiers engagés tandis que l'ONRE communique sur les dossiers soldés. Le choix d'évaluer les dossiers engagés présente l'avantage d'avoir plus rapidement des données pour évaluer la dynamique et l'impact potentiel des aides distribuées. Cependant, ces chiffres peuvent être supérieurs aux gains qui seront effectivement réalisés du fait du taux de chute relatif de ménages ne menant pas à terme leur projet.

À l'inverse, les dossiers soldés permettent d'avoir un gain affiché certain car les travaux sont déjà intégralement réalisés, mais qui est minoré de tous les dossiers en cours, quel que soit l'état de progression ou d'achèvement du chantier. Le délai pour faire les travaux et demander le paiement une fois la prime octroyée étant de 2 ans, le résultat total des projets subventionnés en année N n'est donc observable qu'à N + 2.

Source : Réponses de l'Agence nationale de l'habitat au questionnaire du rapporteur

La moyenne d'économies d'énergie réalisées par logement rénové est plus importante pour MaPrimeRénov' Sérénité que pour MaPrimeRénov' « nationale », ce qui est logique dans la mesure où le premier dispositif est centré sur les rénovations globales.

Toutefois, lorsque l'on compare les gains énergétiques des deux dispositifs au regard des crédits de paiement utilisés, MaPrimeRénov' « nationale » présente une plus grande efficacité en termes de gains énergétiques que MaPrimeRénov' Sérénité.

Rapport entre les gains théoriques d'énergie
et les autorisations d'engagement ouvertes

 

Gains théoriques d'énergie
-
dossiers engagés
(en GWh/an)

Autorisations d'engagement
(en millions d'euros)

Ratio gains d'énergie / autorisations d'engagement
(en KWh/euro dépensé)

2021

MaPrimeRénov'

4328,30

2180

1985,5

MaPrimeRénov' Sérénité

779,98

515,4

1513,3

2022

MaPrimeRénov'

4197,12

2338,5

1794,8

MaPrimeRénov' Sérénité

666,52

510,2

1306,4

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'Anah

La consommation énergétique du secteur résidentiel dans un scénario « Rénovation ABC » proposé par le ministère de la transition écologique, c'est-à-dire un scénario avec 64 % des logements relevant des classes A ou B, et 33 % des logements relevant de la classe C, reviendrait à 182 TWh/an. Sachant que la consommation en 2021 du parc résidentiel était d'environ 492,4 TWh/an, l'effort de réduction des consommations représenterait un effort de réduction de 310,4 TWh, soit une économie de l'ordre de 10,7 TWh par an.

Si l'on additionne les gains d'énergie présentés par l'Anah sur l'ensemble du programme MaPrimeRénov', on obtient 5,2 TWh en 2021 et 5,1 TWh en 2022, ce qui représenterait la moitié de la cible. De plus, il faut rappeler que ces chiffrages présentent des gains théoriques, calculés à partir du type et du nombre de gestes réalisés. En particulier, ils ne prennent pas en compte :

- les effets d'aubaine ; c'est-à-dire les rénovations qui auraient eu lieu même sans l'aide apportée par MaPrimeRénov' ;

- le phénomène d'effet rebond ; c'est-à-dire l'augmentation de la consommation d'énergie constatée du fait du nouveau confort acquis et de la diminution des dépenses d'énergie du ménage ;

- les facteurs qui peuvent rendre plus ou moins efficace un geste de rénovation ; l'installation d'une pompe à chaleur air/eau par exemple est très efficace dans un logement bien isolé, et a contrario, est d'une efficacité limitée, voire contre-productive dans un logement mal isolé ;

- la superficie du logement et la source initiale de chauffage, celles-ci n'étant pas précisées dans les demandes de subvention ;

- les éventuelles malfaçons dans la réalisation d'un geste de rénovation.

Les estimations présentées jusqu'à présent doivent donc être considérées comme optimistes. Le deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance fait ainsi le constat que la propension de MaPrimeRénov' à financer des travaux « monogeste » restreint l'efficacité du dispositif : « La contribution de MPR à l'objectif de réduction de 50 % de la consommation d'énergie finale d'ici 2050 afin de respecter la neutralité carbone est faible74(*). »

c) Des résultats notables en termes de réduction des gaz à effet de serre

D'après le second rapport du Comité d'évaluation du plan de relance, « en 2021, les dossiers engagés dans le cadre de MaPrimeRénov' permettraient ainsi d'économiser 1,85 MtCO2 (soit 3,9 % des émissions totales de CO2 du secteur résidentiel). Au premier semestre 2022, le gain est estimé à 0,9 MtCO275(*). » Ce chiffre est compatible avec la stratégie nationale bas-carbone, qui implique `un peu de plus de 2 MtCO2 par an dans le secteur du bâtiment, en sachant que le secteur du bâtiment est plus large que le champ de MaPrimeRénov'.

Il ne faut toutefois pas oublier que le chiffre de 1,85 MtCO2 évitées est, tout autant, que les chiffrages portant sur les gains d'énergie, un nombre théorique, déterminé à partir des moyennes d'émissions de gaz à effet de serre économisés par certains travaux ainsi que le remplacement de certains dispositifs de chauffage. Les implications au niveau « macro », comme la production d'électricité qui serait requise pour alimenter un parc résidentiel qui serait largement électrifié, ne sont pas non plus prises en compte.

Pour autant, il apparaît que MaPrimeRénov', en se focalisant sur des monogestes du type changement de chauffage, est un dispositif plus efficace en termes de réduction des gaz à effet de serre que pour l'atteinte de l'objectif du parc logement niveau basse consommation à l'horizon 2050.

3. La difficile mesure des résultats des certificats d'économie d'énergie

En raison de la nature du dispositif, qui n'est pas une aide de l'État au même sens que MaPrimeRénov' mais une aide obligatoire des entreprises de l'énergie, il est difficile d'obtenir des chiffres agrégés récents sur les certificats d'économie d'énergie. L'étude la plus récente de l'ONRE sur le sujet présente des chiffres jusqu'en 2020. À ce titre, l'ONRE indique que « certaines données relatives aux CEE remontent avec un délai important76(*) ».

On constate une forte augmentation des CEE distribués en 2019 et en 2020, qui, d'après l'ONRE, correspond à « un contexte de forte augmentation des objectifs quantitatifs qui encadrent ce dispositif entre les 3e et 4e périodes des CEE77(*). » Les gains en termes d'économie d'énergie ont également fortement augmenté, passant de 3,1 TWh à 6,2 TWh.

Nombre de logements aidés et gains d'énergie théoriques
permis par les CEE

 

2016

2017

2018

2019

2020

Nombre
de logements aidés (en milliers)

720

928

1 072

1 798

1 776

Économies
d'énergie théoriques
(en TWh)

2,2

2,7

3,1

5,7

6,2

Source : Observatoire national de la rénovation énergétique

Il faut toutefois à nouveau rappeler que les gains d'énergie formulés sont théoriques, et que toutes les réserves formulées pour les chiffres présentés par MaPrimeRénov' sont également applicables aux CEE. L'ONRE écrit ainsi : « Cette estimation théorique, fondée sur une modélisation technique des logements, peut toutefois différer des économies d'énergie réelles associées aux rénovations, tant pour des raisons liées à la qualité effective des travaux qu'à d'éventuels changements de comportement concernant la température ambiante après rénovation. Le ménage choisit alors de "reconvertir" une partie des gains énergétiques en gains de confort : c'est ce que l'on appelle "l'effet rebond". Plus largement, la consommation conventionnelle peut s'éloigner de la consommation réelle, celle-ci dépendant des usages du ménage occupant. »78(*) Ces mesures sont ainsi dites « conventionnelles79(*) ».

De plus, il est possible que la massification de MaPrimeRénov' ait conduit à une diminution du nombre de CEE accordés. En effet, même si les deux dispositifs sont généralement cumulables, les critères techniques des travaux ne sont pas les mêmes, et des ménages peuvent se retrouver en difficulté pour obtenir à la fois les CEE et MaPrimeRénov' pour les mêmes travaux.

Le rapport de l'Ademe sur les certificats d'économie d'énergie de 2020 estime ainsi que les gains d'énergies réelles ne représentent que 59 % des gains d'énergie théoriques : « l'efficacité est également affectée par les problèmes de qualité, de travaux non réalisés et de surestimation des fiches (particulièrement dans le secteur résidentiel). Pour toutes ces raisons, déterminées par les enquêtes et les visites terrain sur les fiches prépondérantes, on estime ainsi qu'à 100 MWhc comptabilisés par le dispositif correspond une économie réelle de 59 MWhc. »80(*) Le rapport décompose le « manque à gagner » de 41 % de la manière suivante :

- 23 % en raison de la surestimation du volume forfaitaire d'économies d'énergies par les fiches standardisées ;

- 14 % en raison des bonifications et des programmes qui n'entraînent pas d'économie d'énergie ;

- 2 % en raison des travaux non réalisés ;

- 2 % en raison de la qualité insatisfaisante des travaux.

Par ailleurs, l'effet rebond n'est pas intégré à ce décompte, que l'enquête estime concerner un ménage sur 10, ni l'effet d'aubaine, que le rapport chiffre à 12 % en ce qui concerne l'effet d'aubaine certain, et à 20 % l'effet d'aubaine « incertain » ou « possible »81(*).

Décomposition de la mesure de l'efficacité
des certificats d'économie d'énergie

Source : Rapport de l'Ademe,
Évaluation du dispositif des certificats d'économies, 2020, page 17

À partir de cette étude, on peut approximer les gains d'énergie réels à environ la moitié de ce qui est présenté dans le rapport de l'ONRE, c'est à 3,1 TWh en 2020. Ce chiffre est loin d'être négligeable, cependant, combiné aux gains d'énergie estimés pour MaPrimeRénov', il ne permet pas non plus d'atteindre les objectifs d'efficacité énergétique fixés à l'horizon 2050.

C. UNE STRUCTURATION À CONFIRMER, DES OUTILS À DÉPLOYER ET AMPLIFIER

Afin de répondre au constat d'une politique qui n'atteint pas ses objectifs, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « Climat et résilience » a instauré un certain nombre de nouveaux outils, qui restent en cours de déploiement, doivent encore être ajustés et prennent insuffisamment en compte les spécificités de certains types de logements.

1. Près de deux ans après la promulgation de la loi Climat et résilience, le déploiement des nouveaux outils reste partiel

De nombreux outils restent encore à déployer : comme l'illustre le tableau ci-dessous, un certain nombre de mesures et d'obligations créées par la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » relatives à la rénovation énergétique ont une date d'entrée en vigueur différée, prévue entre 2023 et 2034.

Cependant, certaines obligations différées ont d'ores et déjà des effets sectoriels notables. C'est ainsi le cas de l'interdiction progressive à la location des logements mal isolés, dits « passoires énergétiques », lors du renouvellement du bail ou d'un nouveau contrat de location. L'interdiction de mise en location des logements classés G est prévue pour 2025, l'interdiction pour les logements classés F est prévue pour 2028, et celle pour les logements classés E pour 2034. Ces obligations s'ajoutent à l'interdiction des logements classés G +, effective depuis le 1er janvier 2023 et prévue par la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

Les logements classés F et G représentent, selon l'Observatoire de la rénovation énergétique (ONRE), 17 % du parc résidentiel au 1er septembre 2022, soit 5,2 millions de logements. L'impact de l'interdiction programmée sur ces logements est déjà perceptible : selon une étude de l'entreprise Nexity, une décote de l'ordre de 6 à 10 % selon les territoires sur le prix des logements classés F ou G est aujourd'hui observée.

Le risque de cette interdiction est ainsi de créer un effet d'éviction sur les logements, en incitant le propriétaire à vendre plutôt qu'à rénover, et ainsi de réduire l'offre locative.

Pour d'autres instruments de la loi, il est bien évidemment trop tôt pour en mesurer l'impact.

Échéancier d'entrée en vigueur des principales mesures
relatives à la rénovation énergétique de la loi du 22 août 2021
dite « Climat et résilience »

Mesure

Article

Date d'entrée en vigueur

Gel du loyer
des passoires énergétiques

Article 159

2023

Audit énergétique lors de la vente
de logements classés F et G
en monopropriété

Article 158

2023

Création d'un réseau national d'accompagnement à la rénovation

Article 164

2023

Création d'un carnet d'information
du logement

Article 167

2023

Obligation pour les copropriétés d'adopter un plan pluriannuel
de travaux dédié à la rénovation énergétique82(*)

Article 171

2023

Obligation pour les copropriétés
de réaliser un DPE collectif
à renouveler tous les 10 ans

Article 158

202483(*)

Interdiction de mettre en location
les logements mal isolés de classe G

Article 160

2025

Audit énergétique lors de la vente de logements classés E en monopropriété

Article 158

2025

Interdiction de mettre en location
les logements mal isolés de classe F

Article 160

2028

Interdiction de mettre en location
les logements mal isolés de classe E

Article 160

2034

Audit énergétique lors de la vente de logements classés E en monopropriété

Article 158

2034

2. Un DPE opposable avant d'être vraiment fiabilisé

Le diagnostic de performance (DPE) est également un outil en cours de fiabilisation. Ce diagnostic, créé par la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, permet d'estimer la consommation d'énergie d'un bâtiment ainsi que les gaz à effet de serre émis en répartissant les logements sur une échelle de A (logement le plus efficient) à G (logement le moins efficient).

La première génération de DPE était perfectible. Ces DPE, qui reposaient sur la consommation constatée, étaient indicatifs et peu remplis par les propriétaires.

La loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » a rendu le DPE opposable et l'a placé au centre de la politique de rénovation : les nouvelles obligations (interdiction de locations de passoires énergétiques, obligation d'audit énergétique...) s'appuient ainsi sur cet instrument de mesure.

Cette opposabilité a nécessairement entraîné un travail de fiabilisation, mené en 2021. Le choix a été fait de faire reposer le DPE sur les caractéristiques physiques du logement, et non plus sur la consommation constatée : le DPE est défini par un calcul conventionnel, qui s'appuie sur la performance de l'enveloppe du bâtiment et des systèmes de chauffage. Par ailleurs, la réforme a posé le principe de justification par les diagnostiqueurs des données renseignées dans ce DPE.

La réforme a également permis d'harmoniser la méthode applicable à tous les bâtiments, quelle que soit l'année de construction et de comparer techniquement les logements, malgré une occupation qui peut être différente.

Cependant, les défauts qui se sont révélés lors du lancement du « nouveau DPE » au 1er juillet 2021, notamment une augmentation beaucoup trop importante du nombre de passoires thermiques, ont provoqué une suspension du processus dès l'automne 2021, une reprise de la concertation avec les diagnostiqueurs puis la création in fine d'une version corrigée du DPE.

Aujourd'hui, le DPE, dont la fiabilité a été renforcée fait encore l'objet de critiques de la part des acteurs de la rénovation énergétique. Tout d'abord, le mode de calcul utilisé (consommation par mètre carré) tend, selon l'ONRE, à favoriser une surreprésentation des petits logements parmi les passoires thermiques.

De plus, un problème d'homogénéité des DPE est constaté. De nombreux ménages constatent des écarts de DPE entre diagnostiqueurs pour un même logement en raison souvent de l'insuffisance des informations transmises ou pouvant l'être par les propriétaires en l'absence de carnet d'information du logement qui n'est entré en vigueur que depuis le 1er janvier 2023 (article 167 de la loi Climat et résilience). Cet écart entre les évaluations est susceptible d'entraîner en retour un manque de confiance des ménages, et contribue également à réduire l'acceptabilité sociale des politiques qui s'appuient sur cet outil.

La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) a engagé à l'automne 2022 un travail avec les représentants des diagnostiqueurs autour d'une feuille de route, afin de répondre à ces critiques et d'assurer un DPE homogène et de meilleure qualité.

Le DPE reste donc, malgré les progrès apportés, une description conventionnelle du logement, une approximation de la réalité physique de la consommation d'énergie dont la fiabilité est encore contestée et qui peine à assumer son rôle attitré de pivot de la politique énergétique du logement.

3. RGE, un label contesté

Tout comme le DPE, le label « reconnu garant de l'environnement » (RGE) ne semble pas avoir pleinement trouvé son équilibre.

Cette mention vise à faciliter l'identification des entreprises bénéficiant d'une qualification professionnelle reconnue en matière de rénovation énergétique. Elle est octroyée par l'un des trois organismes certificateurs (Qualifelec, Qualibat, Qualit'EnR), eux-mêmes accrédités auprès du Comité français d'accréditation (Cofrac), qui s'assurent de la compétence de l'entreprise et effectuent des contrôles de qualité sur chantier.

Pour obtenir la labellisation, le demandeur constitue un dossier transmis à l'organisme de certification compétent afin de démontrer qu'il répond aux compétences techniques définies par l'organisme (formation probante ou d'expérience professionnelle avérée). La demande de qualification est ensuite examinée par un comité ou une commission d'experts, qui statue sur l'attribution ou le refus de la qualification professionnelle.

Le label RGE est également un outil porteur des politiques publiques de rénovation énergétique : un certain nombre d'aides à la rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov' ou le dispositif CEE, sont conditionnées à la réalisation des travaux par une entreprise labellisée RGE.

Ce dispositif fait l'objet de deux critiques, qui remettent en cause l'efficacité de la labellisation. D'une part, un manque d'attractivité de la labellisation est constaté. Le nombre d'artisans labellisés stagne à 15 % de son niveau potentiel, soit un nombre sensiblement inférieur à l'objectif fixé par le Gouvernement de 250 000 entreprises labellisées RGE, qui paraît difficilement atteignable.

Ce manque d'attractivité s'explique par plusieurs facteurs : le processus de qualification, qui consiste à avoir un seul référent RGE, tend à ne pas prendre en compte la taille de l'entreprise, ce qui décourage les plus petites entreprises. Ainsi, la baisse observée des entreprises RGE s'observe particulièrement dans les entreprises de moins de cinq salariés, tandis que dans les entreprises de plus de 20 salariés, le nombre d'entreprises certifié est stable.

Surtout, l'orientation sociale prise durant ces dernières années par la politique d'aide à la rénovation énergétique décourage les entreprises : si la clientèle visée par l'entreprise n'est pas éligible aux aides à la rénovation énergétique, l'entreprise n'est que faiblement incitée à effectuer des démarches pour être qualifiée RGE.

D'autre part, les garanties offertes par la labellisation RGE en termes de qualité peuvent apparaître trop limitées. En 2022, sur plus de 16 000 audits effectués au sein de chantiers RGE par l'organisme de certification Qualifelec, 85 % des audits ne présentent aucun écart de non-conformité technique.

Cette statistique ne garantit pas cependant que les chantiers RGE répondent tous à des critères de qualité suffisants : l'organisme de qualification contrôle des chantiers désignés par l'entreprise. L'entreprise peut ainsi sélectionner les chantiers de meilleure qualité, qui ne sont pas forcément représentatifs de la qualité de l'ensemble des travaux de rénovation énergétique menés.

Par ailleurs, la délivrance de la qualification n'est conditionnée qu'à un contrôle conforme de deux chantiers minimum, dans la catégorie de travaux dont relève la qualification. Par la suite, et pendant la durée de qualification, l'entreprise doit fournir cinq références de chantiers réalisés il y a moins de vingt-quatre mois (ou moins de quarante-huit mois s'il n'y a pas de tel chantier) pour audit par le certificateur. Le président de Qualibat Gérard Sénior regrette cependant que le nombre de cinq références ne soit pas proportionné à la taille de l'entreprise réalisant les travaux84(*). C'est à la fois trop peu pour les grandes entreprises et trop pour les plus petites non spécialisées.

Le label RGE n'a donc pas encore pleinement trouvé sa place : le point d'équilibre entre réduction des exigences requises, qui permet d'augmenter le nombre d'entreprises RGE, et renforcement de la qualité, pour assurer la confiance des ménages dans le label est encore à trouver.

4. Mon Accompagnateur Rénov' : un nouvel outil aux contours incertains

La Convention citoyenne pour le climat avait en janvier 2021, déploré le manque d'accompagnement des ménages dans la rénovation énergétique des bâtiments : « ayant conscience de l'impact important que la rénovation globale aura, nous proposons des mesures d'accompagnement en particulier pour les classes moyennes et les ménages modestes85(*) ».

En parallèle, dans un rapport de 2021, France Stratégie considérait que l'une des raisons qui incitent les ménages à privilégier les rénovations monogeste est l'absence d'accompagnement dans leurs démarches de rénovation86(*).

En écho à cette préoccupation partagée, la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » prévoit la création au 1er janvier 2023 d'un réseau d'accompagnement à la rénovation énergétique des ménages qui doit accompagner les particuliers vers la rénovation globale. Néanmoins, à ce jour, la mission réelle de Mon Accompagnateur Rénov' reste floue : assistance administrative, conseil, maîtrise d'oeuvre avec suivi des travaux ? Pourtant, le montant de la prestation et les compétences nécessaires sont très différents.

Le Gouvernement a présenté en décembre 202287(*) les missions de l'accompagnateur à la rénovation ainsi que les conditions de délivrance de l'agrément et ses modalités de contrôle.

Conformément aux préconisations de la mission confiée à Olivier Sichel88(*), le nouveau dispositif Mon Accompagnateur Rénov' permet d'agréer à la fois des accompagnateurs du secteur public, du secteur privé à but non lucratif et du secteur privé à but lucratif pour démultiplier plus rapidement le nombre d'accompagnateurs.

L'enjeu principal de cet outil en cours de déploiement est son intégration dans l'écosystème existant. De nombreux acteurs de la rénovation énergétique du bâtiment, comme les syndics ou les artisans, ont ainsi exprimé le sentiment d'une dépossession, d'une absence de reconnaissance de la mission propre d'accompagnement accomplie au quotidien auprès des ménages, ainsi que d'une complexification de l'accompagnement des ménages par la multiplication des acteurs.

Cette question de l'articulation concerne aussi l'offre d'accompagnement existante : la question du doublon avec le réseau existant d'agences locales énergie-climat (Alec) dans les intercommunalités se pose. Ce nouveau dispositif pourrait ainsi mettre en concurrence un service public local avec une offre privée.

En parallèle de l'enjeu de la concurrence, la question de l'indépendance et de la neutralité de ces futurs accompagnateurs se pose également. Dans un contexte de défiance des citoyens envers certains acteurs de la rénovation énergétique, les possibilités de collusion entre accompagnateurs du secteur privé lucratif et d'autres acteurs privés de la rénovation sont un risque qui a été souligné lors des auditions de la commission d'enquête.

Le président du bureau de contrôle Spekty a ainsi insisté sur les risques associés à ce nouveau dispositif : « j'attire votre attention sur le risque de dérive similaire [au dispositif CEE] dans le processus qui confie un rôle central à l'Accompagnateur Rénov' : si aucun dispositif de contrôle n'est mis en place, des pratiques équivalentes pourraient demain se reproduire », c'est-à-dire un écosystème entièrement frauduleux de l'accompagnateur au contrôleur en passant par l'entreprise réalisant les travaux et le délégataire des aides.

5. Les contraintes des copropriétés insuffisamment prises en compte

La participation des copropriétés à la rénovation énergétique est cruciale : les copropriétés représentent plus de la moitié des résidences principales, 31 % des émissions de gaz à effet de serre des résidences principales89(*) et, selon l'entreprise Nexity, 70 % des passoires énergétiques du parc locatif, qui seront progressivement interdites à la location.

a) MaPrimeRénov' Copropriétés monte en puissance

Un dispositif d'aide à la rénovation spécifiquement adapté aux copropriétés a été créé au 1er janvier 2021 : MaPrimeRénov' Copropriétés. Cette aide, qui simplifie les dispositifs existants, permet de financer des travaux sur les parties communes des copropriétés de rénovation globale, qui doivent garantir une amélioration significative du confort et de la performance énergétique.

Au total, selon les acteurs interrogés, les subventions à la rénovation énergétique dans les copropriétés peuvent ainsi représenter jusqu'à 30 à 35 % du coût de la rénovation.

Le recours à cette aide est à la fois particulièrement faible et en progression. Le nombre de bénéficiaires a, selon l'Anah, doublé de 2021 à 2022, passant d'environ 12 000 bénéficiaires à environ 25 000 bénéficiaires.

Le rehaussement, au 1er janvier 2023, du plafond de travaux apparaît de nature à améliorer l'attractivité du dispositif : au 1er janvier 2023, le plafond de travaux est passé de 15 000 à 25 000 euros, tandis que la prime aux ménages modestes est passée de 750 à 1 500 et, pour les très modestes, de 1 500 à 3 000 euros.

Cette réforme, couplée à la prise de conscience environnementale, à la hausse du prix de l'énergie, à l'interdiction progressive des passoires énergétiques et à la sortie de la période Covid-19, préjudiciable aux prises de décision dans les copropriétés, pourrait entraîner une accélération de la progression de l'aide. Ainsi, l'Anah anticipe 40 000 bénéficiaires de MaPrimeRénov' Copropriétés pour 2023.

b) Des obstacles extrafinanciers demeurent

Au-delà de la question du financement de la rénovation énergétique en copropriété, cinq obstacles liés au mode de décision particulier des copropriétés expliquent le faible nombre de rénovations énergétiques en copropriétés.

Premièrement, l'horizon temporel constitue un obstacle extrafinancier à la rénovation énergétique. En copropriété, une durée de trois à cinq ans est nécessaire pour parvenir à réaliser des travaux : une analyse est produite, qui est présentée lors d'une première assemblée générale. La décision d'engager des travaux est votée lors d'une deuxième assemblée générale, qui enclenche la demande de subventions : les travaux débutent ensuite lorsque les subventions sont obtenues.

Deuxièmement, l'instabilité normative des politiques publiques de rénovation énergétique apparaît incompatible avec le temps long des copropriétés, qui ne s'engagent pas dans une longue démarche de travaux 'si elles n'estiment pas que le dispositif d'aide associé soit stabilisé. De fait, ces changements incitent le copropriétaire à faire preuve d'attentisme, en anticipant les prochains changements.

Troisièmement, les règles de vote en assemblée générale, caractérisées par le principe de la majorité absolue des copropriétaires, en considérant également les copropriétaires absents à l'assemblée générale, constituent également un obstacle à la rénovation en copropriété.

Quatrièmement, les divergences entre copropriétaires sont un frein à la rénovation des bâtiments. Cette opposition peut être liée à la dichotomie entre copropriétaires bailleurs, soumis à l'interdiction progressive des passoires thermiques, et copropriétaires occupants, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations.

Une dichotomie existe également entre le diagnostic de performance énergétique opposable, qui est individuel, et la décision de rénovation énergétique qui, en copropriété, est par essence collective. L'opposition aux travaux de rénovation de copropriétaires dont le logement présente une meilleure performance énergétique peut ainsi également empêcher le lancement de travaux de rénovation.

Cinquièmement, même si une décision d'engager des travaux de rénovation énergétique est prise, une minorité agissante de copropriétaires réticents peut freiner l'application de la décision de l'assemblée générale, même si ces copropriétaires n'ont pas participé à l'assemblée générale. Les gestionnaires d'immobilier évoquent ainsi la pratique courante, par des copropriétaires refusant les travaux, de recours juridiques qui suspendent le paiement des subventions et retardent le déroulement des travaux.

6. Le bâti ancien, impensé de la politique de rénovation

Les politiques publiques de rénovation énergétique ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités du bâti ancien non protégé.

Il convient de distinguer le bâti patrimonial du bâti ancien : le bâti patrimonial a une valeur particulière, en ce qu'il caractérise une époque, un style architectural ou un style régional. Le bâti patrimonial intègre des bâtiments au statut légal divers : monuments historiques, secteurs sauvegardés, zones de protection, bâtiments non classés... Des bâtiments récents, comme le bâti d'intérêt architectural du 20e siècle, sont intégrés à ce concept. Le bâti ancien désigne lui les bâtiments construits avant 1948, qui peuvent être d'intérêt patrimonial, sans que cela soit systématique.

En l'absence de considération patrimoniale, la politique de rénovation énergétique risque de causer des dommages irrémédiables au bâti patrimonial, qui doit faire l'objet d'un traitement technique spécifique.

L'articulation entre protection du patrimoine et rénovation énergétique est d'abord liée à la question du pilotage. Il apparaît ainsi regrettable que le ministère de la culture, compétent pour les questions relatives au patrimoine n'ait pas été associé à la révision en 2021 du DPE. Plus largement, la coordination entre le ministère de la culture, le ministère du logement et le ministère de la transition écologique sur ces questions de patrimoine apparaît défaillante.

L'absence de formation appropriée des acteurs empêche également de prendre en compte le patrimoine dans la rénovation. Dans le cadre de la mention RGE, aucun guide de bonnes pratiques relatives aux patrimoines architecturaux adossé au RGE n'est ainsi prévu. La diffusion de bonnes pratiques auprès des artisans, mission dévolue notamment au centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (Creba) est un enjeu central pour assurer la conciliation entre rénovation et protection du patrimoine.

Le problème de la conciliation entre bâti ancien et rénovation se pose de manière croissante : l'interdiction de louer des passoires thermiques pourrait pousser des propriétaires bailleurs à rénover rapidement des logements anciens durant les prochaines années, sans pour autant que le respect des règles de l'art soit assuré.

7. Un pilotage national trop morcelé malgré des tentatives de coordination

La politique de rénovation énergétique étant à la croisée de plusieurs champs, le pilotage de ses outils en cours de déploiement ou d'amplification fait l'objet d'un pilotage interministériel complexe, qui est cependant en cours de clarification.

a) Un pilotage multiple, aux niveaux politique et administratif

Au niveau ministériel, le pilotage public de la politique de la rénovation énergétique est essentiellement partagé entre trois ministres : le ministre de la transition écologique, le ministre délégué au logement et la ministre de la transition énergétique.

Ce morcellement apparaît particulièrement marqué pendant les périodes durant lesquelles le ministre chargé du logement n'est pas rattaché au ministre de la transition écologique. C'était le cas de 2012 à 2017, puis de nouveau de 2018 à 2020.

Au niveau administratif, une division entre deux pôles reproduit la division politique : la politique de rénovation énergétique relève essentiellement de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), qui dépend de la direction générale de l'aménagement et de la nature (DGALN) et qui pilote notamment le dispositif MaPrimeRénov' et de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), qui pilote le dispositif CEE.

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement de 2020 à 2022, relève ainsi des difficultés de coordination entre la DHUP et la DGEC sur cette politique publique : les conflits entre directions obligent à recourir fréquemment à un arbitrage interministériel.

Ce morcellement, à la fois administratif et politique, interroge sur la capacité de l'État à apporter une impulsion claire et une stabilité à la politique de rénovation énergétique.

b) La coordination interministérielle et le secrétariat général à la planification, un début de réponse à ce morcellement

Des réponses ont cependant été apportées à ce défaut de pilotage.

Tout d'abord, au niveau de l'accompagnement des particuliers et des collectivités, la dichotomie entre l'Anah et l'Ademe, deux agences présentes localement et impliquées dans la rénovation énergétique, était source de complexité.

La ministre Emmanuelle Wargon a désigné l'Anah comme interlocuteur de proximité pour la politique de rénovation énergétique, en raison du caractère social des aides à la rénovation énergétique ainsi que d'un maillage local plus important. Ainsi, en janvier 2022, c'est à l'Anah qu'a été confiée la mise en oeuvre du service France Rénov', qui vise à accréditer les différents guichets publics de rénovation énergétique. Cette clarification de l'articulation entre agences de l'État répond en partie aux incohérences générées par un double pilotage.

De plus, au niveau de l'administration centrale, une délégation interministérielle chargée du pilotage de la rénovation énergétique du bâtiment a été créée au 1er octobre 2019, par une lettre de mission cosignée par Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie.

Cette coordination, doublement rattachée à la DGALN et à la DGEC, a vocation à porter un regard d'ensemblier sur cette politique publique et à assurer que les objectifs de la politique de rénovation énergétique restent pris en compte.

Cependant, l'adéquation entre la mission de pilotage confiée à la délégation et les moyens attribués interroge. En 2023, seuls sept équivalents temps plein sont consacrés à ce service.

Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), créé en octobre 2022 pour coordonner l'élaboration et la mise en oeuvre des stratégies nationales en matière de climat, d'énergie, de biodiversité et d'économie circulaire, répond également à ce morcellement. Le rattachement de cet organisme interministériel directement auprès de la Première ministre lui permet d'avoir une vision d'ensemble sur les politiques en matière de transition environnementale.

Le rôle du SGPE est cependant limité en matière de rénovation énergétique des bâtiments : aucun équivalent temps plein n'est spécifiquement dédié à la rénovation énergétique.

La création de la coordination interministérielle répond à un problème de pilotage identifié, mais elle apparaît donc insuffisamment dotée pour assurer pleinement son rôle tandis qu'au sein du SGPE, les moyens consacrés à la rénovation énergétique sont limités.

III. POUR ACCÉLÉRER : STABILISER L'ENCADREMENT, INTENSIFIER LES RÉNOVATIONS

A. FIXER UNE STRATÉGIE STABLE POUR ATTEINDRE DES OBJECTIFS AMBITIEUX ET SOLIDAIRES

1. Une stratégie mixte, qui ne peut reposer uniquement sur la décarbonation ou sur les rénovations globales, doit permettre d'inciter les ménages à mener des parcours de rénovation
a) Privilégier la décarbonation à l'isolation présente des risques de tensions sur l'offre d'énergie et ne répond pas aux enjeux sociaux de la rénovation énergétique

Afin d'accélérer au plus vite la réduction des émissions de gaz à effet de serre du bâtiment, une solution serait de concentrer la politique de rénovation sur l'électrification des moyens de chauffage.

Une telle politique pourrait s'appuyer sur des obligations (interdiction du chauffage au fioul et des chaudières à gaz) et sur des incitations (renforcement des aides au remplacement du mode de chauffage). Cette voie est aujourd'hui majoritairement suivie par le Gouvernement.

Cependant, une politique entièrement centrée sur la décarbonation est à éviter : elle favoriserait le changement de mode de chauffage dans les logements mal isolés sans rénovation préalable de l'enveloppe.

Tout d'abord, il convient de replacer la politique de rénovation énergétique dans le contexte plus large de la transition énergétique en cours. Afin d'atteindre ses objectifs climatiques, la France va, durant les prochaines années, augmenter significativement sa consommation d'électricité : d'ici 2050, la demande d'électricité va augmenter de 15 à 60 % par rapport à 202290(*).

Compte tenu de cette hausse globale de la demande, une politique qui se contenterait de favoriser le remplacement du mode de chauffage sans pour autant agir sur l'enveloppe du bâtiment ferait peser des risques sur le réseau électrique, qui serait incapable de s'adapter à cette augmentation de la demande. L'analyse détaillée de l'impact de l'électrification des modes de chauffage sur la pointe hivernale, prévue lors de la prochaine actualisation du bilan prévisionnel de RTE en septembre 202391(*), permettra d'estimer plus précisément cet enjeu de hausse de la demande d'électricité.

Le même constat peut être dressé pour les sources nouvelles d'énergie alternatives à l'électricité. Ainsi, le chauffage par le biogaz, qui repose sur la biomasse, est aussi limité par un contexte global d'augmentation de la demande : selon le SGPE92(*), la demande de biomasse pour 2030 devrait augmenter de plus de 30 millions de tonnes de matière sèche par an d'ici 2030, en raison du développement concomitant du recours aux bioénergies dans les transports, l'industrie, le bâtiment et l'électricité.

Une politique qui favoriserait l'adoption du biogaz sans être associée à une plus grande sobriété énergétique apparaît donc impossible : l'offre de biomasse en France est limitée, et le recours à la biomasse disponible à l'étranger est incompatible avec la stratégie française de souveraineté énergétique.

De plus, pour certains secteurs industriels qui doivent utiliser le gaz comme source d'énergie, le biogaz constitue le seul mode de décarbonation.

Le remplacement total du chauffage au gaz par le chauffage électrique apparaît également irréaliste. Selon le SGPE, en 2022, 12,3 millions de logements sont équipés en gaz, émettant environ 27 millions de tonnes eqCO2.

Les objectifs du Gouvernement de diminution du parc de chaudières à gaz interrogent : 25 % du parc actuel devrait être supprimé en 2030. En 2022, seules 83 000 chaudières à gaz ont été supprimées, soit 0,6 % du parc existant.

Pour atteindre ces objectifs, une concertation est en cours sur une éventuelle interdiction du renouvellement des systèmes de chauffage. Cette mesure rehausserait la pointe électrique hivernale de 20 GW d'ici 2035 selon Engie, et renforcerait donc la hausse globale de la demande d'électricité mentionnée plus haut. De plus, le non-renouvellement des chaudières à gaz aurait un coût financier important, estimé par GrDF à 5 milliards d'euros par an.

Cette interdiction n'apparaît de plus pas justifiée alors que des solutions alternatives existent. Le développement des chaudières à gaz à très haute performance énergétique (THPE) qui permettent, selon Engie, de réduire de 30 % la consommation de gaz, apparaît souhaitable. De même, les pompes à chaleur hybrides (équipement bioénergie associant gaz et électricité) permettent de réduire de 70 % le volume de gaz consommé et de réduire les pics de consommation d'électricité : elles s'appuient sur l'électricité du réseau tout en conservant la puissance du gaz pour le chauffage d'hiver.

La décarbonation ne répond pas à l'ensemble des enjeux de la rénovation énergétique des bâtiments. Le changement de mode de chauffage sans isolation permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais n'apporte pas de réponses aux objectifs de cette politique publique en termes de confort, de santé et plus largement de précarité énergétique.

Enfin, une politique de la rénovation centrée sur le mode de chauffage est incompatible avec la nécessité de prendre en compte la problématique du confort d'été. Dans un contexte de changement climatique, caractérisé par la multiplication des épisodes de forte chaleur, il convient de prendre en compte les pics de consommation liés à la climatisation. Le changement de mode de chauffage par l'adoption de pompes à chaleur réversibles pourrait être assimilé à une incitation à la climatisation individuelle, qui favorise les pics de consommation dus aux fortes chaleurs dans des périodes où le manque d'eau limite la production d'électricité nucléaire. La prise en compte du confort d'été dans les travaux de rénovation est donc primordiale tels que des casquettes, des persiennes, des peintures blanches, ou des puits canadiens.

Proposition n° 1 : La rénovation énergétique ne doit pas conduire qu'à une électrification massive des logements, mais préserver un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies garantissant sa flexibilité et sa sûreté et s'appuyant sur la sobriété.

En conséquence, favoriser la géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse.

Adopter un calendrier réaliste de réduction de l'utilisation du gaz fossile et ne pas interdire les chaudières à gaz.

b) Se limiter au financement des rénovations globales n'apparaît ni souhaitable ni réalisable

À l'inverse d'une politique entièrement centrée sur le mode de chauffage, une politique qui se limiterait au financement des rénovations globales mènerait également à une impasse.

La rénovation globale, qui permet d'augmenter sensiblement et rapidement la performance énergétique des logements, consiste à traiter dans une même opération les quatre postes de travaux qui transforment l'enveloppe du bâtiment93(*), à équiper le logement de systèmes de ventilation et de chauffage performants et à assurer la cohérence de l'interface entre ces postes.

Dans l'idéal, l'ensemble des rénovations devraient être des rénovations globales. Cependant, une politique qui se limiterait à des rénovations globales serait difficilement finançable et pas toujours adaptée à la réalité du terrain.

Une rénovation globale a d'abord un coût significatif de plusieurs dizaines de milliers d'euros, qui doit être pris en charge par le ménage et par la collectivité. Il est illusoire de penser que les soutiens publics puissent s'élever à un niveau suffisant pour déclencher de tels investissements : selon l'institut I4CE, le financement public des rénovations globales, qui s'élève à 500 millions d'euros par an en 2020, devrait être porté à 24 milliards d'euros par an pour atteindre l'objectif de rénovation globale fixé par le Gouvernement94(*).

De plus, la décision d'un ménage de recourir à une rénovation globale prend en compte des facteurs extrafinanciers : il s'agit d'une démarche ayant un impact fort sur l'habitat et qui doit le plus souvent être réalisée dans un logement inoccupé.

Une politique entièrement centrée sur la rénovation globale à court terme apparaît irréaliste en termes de structuration de la filière, alors que le nombre d'artisans compétents sur ces rénovations est encore limité.

Enfin, comme l'a démontré l'association Équilibre des énergies, du point de vue climatique, la stratégie de rénovation ciblée peut être plus efficace que la stratégie de rénovation globale : la rénovation globale permet à terme de réduire plus fortement les émissions annuelles du parc de logement, mais une rénovation ciblée permet d'assurer une réduction plus rapide des émissions annuelles. Au total, selon le scénario présenté par l'association, une stratégie ne s'appuyant pas uniquement sur la rénovation globale permettrait une plus forte réduction des émissions de gaz à effet de serre95(*).

Il convient donc d'aménager la priorité donnée à la rénovation globale, en privilégiant une stratégie de rénovation par étapes et en ciblant la rénovation sur les gestes les plus efficaces, qui peuvent varier selon les situations. Il reste cependant primordial de viser la rénovation globale comme objectif final en définissant un parcours de rénovation cohérent par étape. Dans cet objectif, le carnet d'information du logement prend tout son sens, permettant le suivi d'un parcours de rénovation globale par étapes même avec un changement de propriétaire.

c) Une stratégie mixte doit permettre d'engager les ménages dans un parcours de rénovations

Afin d'éviter ces deux impasses, la politique de rénovation énergétique doit adopter une stratégie mixte, qui repose sur le concept de parcours de rénovation et qui distingue les typologies de logements.

Le système d'aide à la rénovation doit permettre un parcours de rénovation cohérent et accompagné, en n'excluant pas les rénovations par geste, qui peuvent être une porte d'entrée dans le parcours de rénovation globale.

Il est souhaitable que ce parcours de rénovation distingue les logements selon leurs caractéristiques. Ainsi, pour les logements dont la performance énergétique est d'ores et déjà satisfaisante (étiquette D ou meilleure), les gains d'efficacité énergétique permis par un changement d'isolation sont marginaux. Il convient, pour ces logements, que la politique de rénovation facilite les changements de chauffage.

À l'inverse, pour les logements classés E, F ou G, une amélioration de l'isolation de l'enveloppe du bâtiment apparaît indispensable. Pour faire sortir ces logements du statut de passoire thermique, une rénovation en plusieurs gestes est souhaitable. Un changement de mode de chauffage serait contre-productif : le nouveau mode de chauffage serait surdimensionné. Il convient d'inciter ces logements, par une adaptation du dispositif d'aide et un accompagnement, à la rénovation de l'enveloppe du bâtiment plutôt qu'au changement du mode de chauffage.

Dans l'ensemble, dans une logique de parcours de rénovation, le système d'aide à la rénovation doit inciter les ménages à mener simultanément plusieurs gestes de rénovation : alors que l'interface entre postes est cruciale, l'efficacité des rénovations de plusieurs postes est maximisée lorsqu'elles ont lieu dans un intervalle inférieur à dix-huit mois.

Le système d'aide ne doit pas pour autant exclure les rénovations monogeste : celles-ci constituent des portes d'entrée dans le parcours de rénovation, alors que le ménage peut ne pas être prêt financièrement à mener de front plusieurs gestes.

De plus, la rénovation par geste permet de répondre aux besoins ponctuels des ménages. Par exemple, si un ménage est confronté à une panne de chauffage en hiver, il va chercher simplement à remplacer sa chaudière, et non pas à mener préalablement des travaux d'isolation.

Il convient cependant de garantir que l'aide financière incite à des rénovations simultanées ou successives dans un parcours accompagné, en offrant dans ce cas un soutien financier supérieur à celui apporté dans le cas de rénovations par gestes séparés, et d'assurer dans l'accompagnement des ménages l'information sur ce différentiel d'efficacité entre rénovations monogeste et de plusieurs gestes.

Par ailleurs, le secteur du bâtiment voit se développer des gisements d'innovation, notamment liés à la digitalisation croissante de nos usages. Ce courant d'innovation utilisant les technologies digitales dans les secteurs de l'immobilier et de la construction est appelé la « PropTech » et vise à garantir des chantiers plus durables, des espaces mieux valorisés et des surfaces mieux occupées.

Exemples d'innovation en la matière, les solutions de pilotage intégré du bâtiment sont aujourd'hui croissantes : plus poussées qu'une gestion des consommations à l'échelle d'un logement par le biais de thermostats connectés, ces nouvelles solutions visent à penser les consommations des bâtiments dans leur globalité afin d'en faire des bâtiments intelligents.

Ces solutions de pilotage ambitieuses, principalement adaptées aux logements collectifs, aux bâtiments tertiaires et à l'industrie, permettent de cartographier les usages et les consommations des bâtiments à l'aide de plateformes numériques, véritables tours de contrôle du bâtiment. La visualisation et le pilotage des données de consommation énergétique et d'usage des bâtiments et de données environnementales (DPE, typologie des bâtiments, année de construction, taux d'occupation, données météorologiques, etc.) permettent de réguler les consommations le plus efficacement possible dans un objectif de sobriété. Cette cartographie permet également de réaliser des diagnostics afin de révéler les gisements d'amélioration et d'identifier les solutions de rénovation les plus performantes et les mieux adaptées au bâtiment dans son écosystème.

Ce pilotage des consommations doit faire partie d'une logique intégrée au parcours de rénovation et ne doit pas constituer un ajout en fin de parcours. En effet, déployé dès le début d'un parcours de rénovation, les économies d'énergies générées par la mise en place d'un système de pilotage des consommations permettent de dégager une capacité d'investissement pour effectuer de futurs gestes de travaux coordonnés. À la fin du parcours, ces systèmes permettent de limiter l'effet rebond en optimisant les consommations dans un logement plus performant. Pour Bruno Capdordy, vice-président de l'Ignes, « ces solutions représentent un réel gisement d'économies d'énergie. Une étude publiée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) démontre que les thermostats connectés permettent de réaliser jusqu'à 15 % d'économie d'énergie. Nos propres observations montrent qu'un pilotage connecté pièce par pièce permet d'atteindre et même de dépasser 20 % d'économie d'énergie. »

Plusieurs personnalités auditionnées par la commission d'enquête ont corroboré ces chiffrages en montrant combien il avait été possible d'économiser de l'énergie dans le cadre de la crise de l'hiver dernier grâce à la redécouverte d'écogestes que bien souvent la domotique peut automatiser et optimiser.

Proposition n° 2 : Promouvoir des rénovations énergétiques efficaces, par geste, bouquet ou dans des parcours accompagnés adaptés au logement conduisant à la rénovation globale grâce à des aides financières systématiquement plus avantageuses que pour un geste isolé.

Mettre en oeuvre l'obligation d'individualisation des frais de chauffage partout où elle a du sens et s'appuyer sur les progrès de la domotique pour développer la gestion énergétique des logements et leur sobriété.

2. Confirmer la priorité d'une rénovation solidaire

Depuis 2020, l'aide à la politique de rénovation énergétique s'est orientée de manière croissante vers une priorisation sociale : le crédit d'impôt à la transition écologique (CITE) bénéficiait principalement aux plus hauts revenus. Ainsi, la moitié des aides étaient versées aux foyers situés au-dessus du huitième décile de revenus.

Le remplacement du CITE par MaPrimeRénov', dont le montant est fixé selon un barème en fonction des revenus, a permis de donner un accent social plus marqué à la politique de rénovation énergétique. D'autres pays ont fait des choix différents.

Comparaison internationale : le cas de l'Allemagne

En Allemagne, le soutien à la rénovation énergétique dépend de la performance de la rénovation, et non pas de la situation sociale du demandeur. Dans le cadre du programme de soutien fédéral pour des bâtiments efficaces (Bundesförung für effiziente Gebäude, ou BEG), le financement octroyé est fonction de l'efficacité énergétique initiale du bien à rénover et conditionné à une amélioration effective de cette efficacité, contrôlée par un audit énergétique a posteriori systématique.

Le conditionnement de l'aide n'est donc pas lié aux revenus du demandeur mais à l'amélioration effective et contrôlée de l'efficacité énergétique du bâtiment.

Il convient de confirmer l'orientation de la politique de rénovation énergétique française. D'une part, le changement climatique étant un facteur de fracture sociale, une politique écologique acceptable par les citoyens est consubstantielle d'une politique sociale. D'autre part, alors que la précarité énergétique concerne les plus bas revenus, un accompagnement renforcé pour les ménages les plus modestes apparaît indispensable.

Par ailleurs, il serait souhaitable de mieux soutenir les rénovations énergétiques menées par les propriétaires bailleurs qui s'engagent à louer durablement un bien rénové à un prix inférieur à celui du marché dans le cadre du dispositif Loc'Avantages en portant à 35 % dans une limite de 30 000 euros par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique lorsque le logement atteint l'étiquette D. Un bonus pourrait être attribué si une étiquette supérieure est atteinte.

De même, le bail à réhabilitation mériterait d'être plus utilisé pour rénover les logements mis à disposition des publics modestes96(*).

Le dispositif Loc'Avantages

Loc'Avantages est en vigueur depuis le 1er mars 2022 (article 67 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022). Il remplace le dispositif Cosse « Louer Abordable » qui avait été introduit par la loi de finances rectificative pour 2016 remplaçant lui-même les dispositifs Besson ancien et Borloo ancien.

Il s'applique aux demandes de conventionnement enregistrées par l'Anah à partir du 1er avril 2022 (baux à partir du 1er janvier 2022). Il offre la possibilité aux propriétaires de bénéficier d'une réduction d'impôts en contrepartie de la location d'un logement à des locataires modestes à un loyer inférieur au prix du marché. Plus le loyer est réduit (15, 30 ou 45 % par rapport au prix du marché avec intermédiation locative), plus la réduction d'impôts est élevée. En plus de cette réduction fiscale, les propriétaires bailleurs peuvent obtenir des aides financières de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour réaliser des travaux avant sa mise en location.

Loc'Avantages n'est pas cumulable avec d'autres dispositifs d'investissements locatifs ou avec la réduction d'impôt pour des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou ayant reçu le label délivré par la Fondation du patrimoine.

Les logements doivent être loués non meublés pour une durée minimale de six ans à une personne qui n'est pas membre de la famille du propriétaire, en tant que résidence principale.

En fonction du type de travaux, différents montants d'aides sont proposés :

• pour des travaux lourds de réhabilitation d'un logement indigne ou très dégradé : 35 % du montant total des travaux HT. L'aide pour un logement qui sera mis en location est au maximum de 350 € par m² dans la limite de 28 000 € par logement.

• pour des travaux d'amélioration de la performance énergétique : 25 % du montant total des travaux HT. L'aide pour un logement qui sera mis en location est au maximum de 187,5 € par m² dans la limite de 15 000 € par logement. Le logement devra atteindre, au minimum, une étiquette D après travaux. Ceux-ci doivent permettre un gain d'au minimum 35 % à partir du diagnostic de départ.

• pour l'aide à la maîtrise d'ouvrage : Le recours à un AMO est obligatoire pour les travaux lourds et recommandé dans les autres cas. Si le logement est situé en secteur d'opération programmée, l'AMO peut être financé jusqu'à 100 % par l'Anah. Sinon, l'Anah finance jusqu'à 875 € par logement.

• pour des travaux de mise en sécurité et de salubrité : 35 % du montant total des travaux, avec un maximum de 265,5 € par m² dans la limite de 21 000 € par logement.

• pour des travaux d'adaptation pour l'autonomie de la personne (âge ou handicap) : 35 % du montant total des travaux, avec un maximum de 265,5 € par m² dans la limite de 21 000 €).

Source : ONPE et Anah.

Proposition n° 3 : Garantir une « rénovation solidaire » en confortant un dispositif d'aides tourné vers les plus modestes, garantissant leur accompagnement et un reste à charge minimal, cohérent et acceptable pour favoriser les rénovations efficaces afin de lutter contre la précarité énergétique.

Dans le cadre du dispositif Loc'Avantages, porter à 35 % dans une limite de 30 000 euros par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique accordée aux bailleurs lorsque le logement atteint l'étiquette D. Attribuer un bonus si une étiquette supérieure est atteinte.

Promouvoir l'usage du bail à réhabilitation.

3. Garantir la programmation des crédits afin de redonner confiance dans la politique de rénovation énergétique

Cette nouvelle stratégie mixte proposée devrait également être plus stable dans le temps. Comme évoqué dans les parties précédentes, les enjeux de la visibilité temporelle et de la prévisibilité sont particulièrement centraux dans la politique de rénovation énergétique.

Une stabilité permet d'une part d'assurer une demande adéquate. Pour s'engager dans des travaux de rénovation énergétique qui représentent un investissement financier conséquent, les ménages doivent avoir une visibilité sur l'évolution des obligations et des aides associées. L'instabilité normative de la dernière décennie dans ce domaine s'est avérée ainsi particulièrement préjudiciable, générant un attentisme de la part du public : les ménages vont attendre l'adoption d'aides plus avantageuses pour engager des travaux, ou vont refuser de s'engager dans un parcours de rénovation par crainte d'un changement du dispositif avant la fin des travaux. Ce constat est particulièrement affirmé concernant les copropriétés, dont l'horizon temporel est différent.

D'autre part, la stabilité des politiques est également indispensable pour assurer une offre adéquate. Afin d'assurer la structuration d'une filière, la formation des artisans et l'attractivité des métiers de la rénovation, la pérennité du soutien public à la rénovation sur un temps long est nécessaire.

L'enjeu aujourd'hui pour l'État est de redonner confiance dans la pérennité de la politique publique de rénovation énergétique en inscrivant ses engagements dans la norme législative et ainsi de renforcer la confiance chez les particuliers comme chez les professionnels de la rénovation.

La programmation pluriannuelle des crédits dédiés à la rénovation énergétique s'avère donc nécessaire. La création d'une loi spécifique de programmation pluriannuelle de la rénovation énergétique, sur le modèle d'autres lois pluriannuelles sectorielles97(*), pourrait ainsi être envisagée.

Plusieurs personnes auditionnées dans le cadre de la commission d'enquête se sont prononcées en faveur d'une loi de programmation de la rénovation énergétique des bâtiments. L'ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, a ainsi soutenu devant la commission d'enquête : « il faut absolument une loi de programmation qui sécurise, pour l'ensemble des acteurs, comme pour les particuliers, une trajectoire dans la durée » et « je vous applaudirai le jour où vous voterez une grande loi de programmation98(*). » Olivier Safar, président adjoint du syndicat immobilier Unis, a déclaré lors de la table ronde consacrée aux copropriétés : « si nous voulons réussir, nous avons besoin d'une loi de programmation de cinq ans, qui soit renouvelable pour cinq ans. Si vous ne parvenez pas à faire en sorte que copropriétaires, propriétaires et locataires comprennent qu'ils peuvent compter sur une certaine stabilité, nous n'arriverons à rien99(*). » Une loi de programmation de la rénovation aurait en effet l'avantage de permettre de donner plus de visibilité sur le moyen et le long terme pour les acteurs de la rénovation énergétique.

Les travaux de rénovation énergétique des logements individuels ne sont pas, en général, rentables sur le court terme, comme l'a d'ailleurs rappelé Julien Denormandie, ancien ministre chargé de la ville et du logement, lors de son audition : « je pense que, contrairement à ce que certains ont pu affirmer lors des débats publics, la rénovation énergétique des bâtiments n'est pas quelque chose de rentable sur un temps court, c'est-à-dire sur le temps total d'habitation du bâtiment pour un occupant. En effet, on estime que la durée moyenne d'occupation d'un bâtiment par un propriétaire est de huit ans et demi. Or, très rares sont les opérations de rénovation énergétique qui ont une rentabilité sur une telle période100(*) ».

Dans sa note « Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ? », France Stratégie estime ainsi que « le nombre de logements du parc privé dont la rénovation serait rentabilisée sous un horizon de trente ans est compris entre 9 et 17 millions (soit entre 40 % et 77 % du parc)101(*) », en soulignant que ces estimations dépendent de nombreuses hypothèses. Les rénovations qui permettent une rentabilité en dessous de dix ans sont en effet très minoritaires. Cette faible rentabilité à court terme explique par ailleurs pourquoi il est nécessaire que la politique de rénovation énergétique soit en partie subventionnée par la puissance publique.

Il est donc indispensable que les acteurs de la rénovation énergétique puissent avoir une visibilité sur les dispositifs de soutien et leurs évolutions. Lors de son audition en tant que présidente de l'Union sociale pour l'habitat, Emmanuelle Cosse a ainsi déclaré : « Nous ne militons pas pour une détente du calendrier mais pour disposer des moyens permettant de le respecter ce qui implique plus de visibilité financière. Aujourd'hui la difficulté que nous rencontrons consiste à établir un plan de rénovation à 5 ou 10 ans sans disposer d'informations sur nos ressources annuelles en aides, subventions, CEE et encouragements fiscaux. »102(*)

Cette programmation de la rénovation énergétique ne se limiterait ainsi pas à l'énoncée d'objectifs - qui pour les plus importants ont déjà été formulés lors de lois précédentes - mais donnerait une indication sur la montée en puissance des outils qui seront mobilisés pour accompagner la rénovation énergétique des bâtiments. À l'heure actuelle, il n'existe par exemple aucune indication sur les crédits qui seront alloués à MaPrimeRénov' dans les années à venir. De manière encore plus étonnante, certains dispositifs, comme l'éco-PTZ, possèdent une « date limite » proche, mais qui est continuellement repoussée103(*), ce qui a surtout pour effet de créer de l'incertitude chez les acteurs.

La création d'un nouveau vecteur législatif pose cependant la question de l'articulation de la rénovation énergétique dans la stratégie plus globale de transition énergétique française. Pour assurer une plus grande cohérence, il apparaît souhaitable d'intégrer la programmation des crédits au projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC), en cours d'élaboration.

Au sein de cette programmation, une distinction pourrait être opérée entre les crédits consacrés à la rénovation par geste et ceux consacrés à la rénovation globale, afin d'assurer que l'effort principal soit consacré aux rénovations les plus performantes.

La programmation de la rénovation énergétique ne prendrait pas nécessairement la forme d'une loi indépendante. En effet, la démultiplication des « lois de programmation » pourrait conduire à affaiblir la portée de ces dispositifs. Elle pourrait par exemple être adossée à la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC).

Proposition n° 4 : Garantir la stabilité du dispositif d'aides et la prévisibilité de leur financement en cohérence avec la planification de la SNBC grâce à une programmation budgétaire crédible dans la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) et une clarification du suivi budgétaire.

4. Le renforcement du pilotage national aux niveaux politique et administratif, est nécessaire

Pour la bonne application de cette stratégie mixte, pluriannuelle et sociale de rénovation énergétique, un renforcement parallèle du pilotage de la politique publique s'impose.

a) La politique de rénovation énergétique doit être pilotée directement au niveau du Premier ministre

Il convient de renforcer la coordination, pour assurer une vision unifiée des enjeux de la politique publique de rénovation énergétique ainsi que la coordination entre les nombreux outils et obligations qui participent à cette politique.

La mission de coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments apparaît être une ébauche de prise en considération du morcellement de ce pilotage.

Mais le positionnement de cette mission de coordination sous double tutelle de la DGALN et de la DGEC ne lui permet pas de jouer un rôle d'arbitrage interministériel au-delà de ses deux tutelles, qui serait pourtant nécessaire pour faire de la mission de coordination le pilote de la rénovation énergétique et le gardien des objectifs de la SNBC.

Il convient, d'une part, d'augmenter les moyens attribués à cette coordination, pour lui permettre d'assumer réellement son rôle de pilotage intégré de la politique de rénovation énergétique. Les moyens actuels (sept équivalents temps plein) apparaissent ainsi insuffisants pour assurer directement un tel pilotage.

Mais il convient surtout de la porter à un niveau réellement interministériel et politique supérieur.

Le secrétariat général à la planification écologique (SGPE), créé en 2022 sous tutelle de la Première ministre, a vocation à assurer ces arbitrages interministériels et le respect des obligations environnementales de la France, mais il ne dispose d'aucun équivalent temps plein spécifiquement dédié à la rénovation énergétique.

Il serait donc souhaitable de rattacher directement la mission de coordination au SGPE plutôt qu'à la DGALN et à la DGEC, pour lui permettre d'assurer pleinement sa mission interministérielle.

Placé au niveau du chef du Gouvernement, le coordinateur pourrait préparer les arbitrages interministériels sur les politiques de rénovation énergétique, en prenant en compte l'ensemble des enjeux sectoriels associés à ces politiques, y compris ceux propres, par exemple, au logement social ou au patrimoine bâti ancien.

Seul un organe de ce type pourra assurer la coordination entre les ministres chargés du logement, de l'environnement et de l'énergie mais aussi du ministère des finances pour assurer un pilotage intégré de la politique de rénovation énergétique du bâtiment, qui tienne compte à la fois des impacts de cette politique sur l'habitat et sur l'environnement et lui garantir des moyens adéquats.

Pour assurer un portage optimal, le choix d'un ministère du logement autonome ou d'un rattachement du ministère du logement au ministère de l'environnement n'apparaît pas décisif.

Le rattachement facilite en effet la coordination entre les deux ministères. Cependant, à l'inverse, le fait de disposer de deux ministres de plein exercice compétents permet de renforcer le portage politique de la rénovation énergétique, qui peut être défendue, en Conseil des ministres, par plusieurs autorités et assure que les dispositifs créés prennent en compte les contraintes spécifiques du secteur de l'habitat.

b) Le ministère de la culture doit être associé aux outils de la politique publique de rénovation énergétique

Enfin, cette coordination interministérielle doit également associer le ministère de la culture. Il est indispensable de prendre en considération la situation particulière du bâti ancien et patrimonial dans les outils de la politique de rénovation.

Associer le ministre de la culture et la direction générale des patrimoines et de l'architecture à la réflexion sur les outils de la politique de rénovation énergétique semble de nature à permettre une meilleure prise en compte de ces considérations.

Le ministère de la culture et son administration peuvent ainsi éclairer la décision publique concernant les problèmes spécifiques du bâtiment patrimonial non classé, la question de la formation des architectes aux techniques de la rénovation énergétique, ou encore l'association des architectes des bâtiments de France (ABF) aux objectifs de rénovation énergétique.

Proposition n° 5 :  Assurer le pilotage de la rénovation énergétique au niveau de la Première ministre à travers le SGPE : intégrer l'actuelle mission de coordination interministérielle au SGPE et renforcer leurs moyens humains.

Associer le ministère de la culture à la définition de la politique de formation des acteurs et à la définition des outils destinés au bâti ancien ou architecturalement remarquable.

B. RETROUVER LA CONFIANCE PAR LA FIABILISATION DES OUTILS ET L'ANCRAGE DANS LES TERRITOIRES

Au-delà de la clarification de la stratégie et des objectifs, conditions indispensables à la lisibilité et à la crédibilité de cette politique publique, il convient de donner confiance dans la politique de rénovation énergétique grâce à la fiabilisation de ses outils et à son ancrage dans les territoires. La confiance est en effet une condition à sa légitimité et à son efficacité.

C'est pourquoi plusieurs évolutions des dispositifs en vigueur sont nécessaires et que les collectivités territoriales doivent reprendre une place centrale dans la définition et la mise en oeuvre de cette politique publique.

1. Fiabiliser le DPE, outil central qui doit devenir pleinement légitime

Le DPE représente un outil utile, mais sa fiabilité reste pour le moins perfectible, ce qui nuit à sa crédibilité. Comme il a été vu et bien qu'il ne soit pas l'équivalent d'un audit énergétique, il joue depuis sa création en 2005 et surtout de sa réforme en 2021 à la suite de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience104(*) », un rôle croissant au point d'apparaître comme un instrument essentiel de la politique de rénovation énergétique.

a) Construire une filière professionnelle à la hauteur de l'enjeu

Pourtant, il n'est pas devenu, en dépit de cette place grandissante, aussi fiable que ce qui est exigé par son opposabilité et son usage désormais généralisé105(*) : les diagnostics ont cessé de recourir à la consommation d'énergie constatée et reposent désormais sur les caractéristiques physiques du logement au terme d'un calcul conventionnel, mais, bien qu'opposables, ils demeurent de qualité variable, présentant des résultats défavorables non justifiés pour certains types de logements. Or cela correspond à des problèmes au stade de la conception de la méthodologie du DPE (dite « 3CL » pour calcul de la consommation conventionnelle des logements), dont la transparence doit être accrue, mais aussi au fait que les diagnostiqueurs font un travail inégal en dépit d'un référentiel commun, autour d'un logiciel partagé. Des écarts de DPE entre diagnostiqueurs sont en effet constatés pour un même logement. Ce déficit d'homogénéité peut créer de la défiance du côté des particuliers. En effet, dans bien des cas, les diagnostiqueurs enregistrent des données minimales pour protéger leur responsabilité et faute de toute documentation plus précise fournie par le propriétaire. De même, très peu savent, demandent et pratiquent des sondages dans un mur ou une isolation pour pallier le manque de documentation pouvant justifier un meilleur classement. La résistance thermique d'une paroi peut également être calculée par un relevé de température à l'intérieur et à l'extérieur. Mais cette possibilité est rarement proposée. Certains effets de seuils sont également très pénalisants, notamment l'altitude du logement. Ainsi, l'attribution d'une mauvaise note par le DPE peut résulter d'un diagnostic par défaut et en réalité très incomplet mais qui aura des conséquences très pénalisantes.

La part d'aléatoire du DPE ne résulte donc pas seulement du fait que ce diagnostic ne correspond pas à une réelle étude thermique mais elle dépend étroitement du sérieux avec lequel il est réalisé, comme l'a courageusement expliqué Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fédération nationale de l'immobilier (CDI Fnaim) devant la commission d'enquête : « certains de nos confrères ne répondent pas aux attentes et les médias ont puissamment oeuvré ces derniers mois pour le prouver ». Il a également décrit lors de l'audition de l'ensemble des fédérations de diagnostiqueurs que ce métier représente « une profession de reconversion dont l'accès est soumis à une formation assez légère qui débouche sur une certification et un agrément ».

Toutes les fédérations de diagnostiqueurs auditionnées par la commission ont d'ailleurs reconnu l'immense besoin de formation de leurs collègues, dont les compétences doivent être renforcées. Le nombre de 3 millions de diagnostics réalisés chaque année est appelé à croître et la filière doit être organisée, professionnalisée et faire l'objet d'une offre de formation initiale et continue dimensionnée pour les objectifs poursuivis, y compris sous la forme de diplômes reconnus. Les 34 centres de formation agréés et les certifications existantes, avec leurs 13 organismes, ne sont pas à la hauteur des ambitions de la politique publique de rénovation, surtout qu'à 80 % les diagnostiqueurs sont des actifs qui se reconvertissent en milieu de carrière. Le métier doit devenir attractif et l'offre de formation viser davantage les générations montantes. Il convient donc de professionnaliser la filière des diagnostiqueurs, et ce dès le stade de la formation initiale, y compris avec des diplômes. Cela implique également d'agir sur le plan de leur formation continue, ainsi que sur les conditions d'exercice de leur profession. La cohabitation de quatre fédérations professionnelles concurrentes montre la jeunesse de cette dernière et appelle à une structuration plus exigeante de la filière.

Un contrôle périodique des diagnostiqueurs, en vue de vérifier a minima s'ils sont bien à jour de leurs certifications et de leurs assurances, serait pertinent. Cette procédure pourrait prendre la forme d'une carte professionnelle délivrée par les chambres de commerce et d'industrie (ce qui existe déjà pour les professions réglementées). La délivrance de cette carte se ferait chaque année et permettrait d'aller plus loin que le renouvellement actuel des certifications tous les sept ans.

b) Adapter le DPE aux petites surfaces et au bâti ancien

Par ailleurs, certains types de logements sont structurellement très mal notés alors que leurs spécificités devraient conduire à ajuster les évaluations : c'est le cas du bâti ancien comme des logements de petite surface. La légitimité du DPE sera plus grande si elle répond aux défis de la prise en considération des particularités de ces deux types de logements.

S'agissant du bâti ancien, c'est-à-dire construit avant 1948, a minima les diagnostiqueurs, auditeurs et thermiciens doivent être systématiquement sensibilisés et formés aux enjeux du bâti ancien et du patrimoine, qui devraient représenter dans l'avenir environ le tiers du contenu de leur formation initiale et continue. De plus, il faut reconnaître que la question de l'application du DPE lui-même se pose pour ces logements : la piste d'un moratoire global a ainsi été proposée le 1er juin 2023 par les sept grandes associations du patrimoine106(*), ce qui conduirait à soustraire à l'obligation de diagnostic un tiers des logements existants et serait donc lourd de conséquences. Une autre piste moins audacieuse, et donc plus acceptable que ce moratoire global, consisterait à prévoir la possibilité pour les logements anciens de ne plus recevoir de notes F ou G et d'être notés dans un éventail d'étiquettes compris entre A et E. Il faut d'ailleurs noter que la future directive européenne sur l'accroissement des ambitions de la performance des rénovations (tous les logements au pire en E d'ici 2030 et en D d'ici 2033) devrait laisser aux États membres des possibilités de dérogation pour le bâti ancien, qu'il soit classé ou pas. Bien que ces deux pistes apparaissent radicales, une solution juste qui vise à protéger notre patrimoine est cependant nécessaire, c'est pourquoi des critères spécifiques doivent conduire le DPE à reconnaître les particularités des enjeux patrimoniaux de ces bâtiments. Leur simple existence atteste de leurs qualités de durabilité et il n'est pas pertinent de leur appliquer le qualificatif peu valorisant de « passoires thermiques ».

Concrètement, l'établissement de DPE spécifiques pour ces bâtiments anciens est impératif mais la définition des conditions précises de ce cadre juridique prendra du temps car les modalités sont plus nombreuses et complexes dans l'ancien. Les qualités intrinsèques de ces logements imposeraient, par exemple, de tenir compte dans les DPE des espaces tampon, des moindres ponts thermiques, du meilleur confort d'été, des isolants naturels comme le torchis des murs ou les toitures de chaume, etc., et les propositions de rénovation qui figurent à la fin du DPE devraient prendre en considération la sensibilité du bâti ancien à l'hygrométrie et prévenir les pathologies résultant de travaux de rénovation catastrophiques tels que des isolations inadaptées au bâti ancien. Dans l'attente de la définition d'un véritable DPE spécifique dédié au bâti ancien, valorisant les qualités intrinsèques de ces logements et proposant des rénovations adaptées, il devrait être possible de se référer aux consommations réelles d'énergie, et donc de recourir, le cas échéant, à un mode de calcul plus proche de celui du DPE précédent, qui était -- pour mémoire -- davantage basé sur les factures effectives d'énergie.

Pour ce qui concerne les logements de petite surface, alors que 13 % des logements de plus de 100 m2 aboutissent à des DPE F ou G, près de 34 % des logements de moins de 30 m2 présentent ces étiquettes. Ce phénomène s'explique par la prise en compte de deux critères contestables dans les DPE et qui conduisent à défavoriser ce type de bien immobilier, d'une part, la consommation d'eau chaude sanitaire (ECS), d'autre part, le ratio « surface déperditive/surface habitable », appelé également indice de compacité thermique. Le premier conduit à ce que la note du DPE dépende de la quantité d'eau délivrée par le ballon d'eau chaude, pour une surface habitable donnée en fonction du nombre moyen d'occupants : la note de diagnostic est d'autant plus mauvaise que le ballon d'eau chaude est grand par rapport à la superficie du logement, quand bien même celui-ci serait bien isolé et performant du point de vue énergétique. L'indice de compacité thermique résulte quant à lui de la division de la somme des surfaces déperditives par la surface habitable : plus il est bas et donc révélateur d'une certaine efficacité thermique, meilleur est le DPE du logement, ce qui est favorable aux plus grandes surfaces. En effet, à l'inverse les logements de moindre superficie ayant de plus grandes surfaces déperditives par rapport à la surface habitable présentent des indices de compacité thermique plus élevés ce qui conduit à dégrader le DPE. Ces deux critères ne doivent plus être appliqués en étant préjudiciables aux petits logements.

c) Intégrer le confort d'été dans la note attribuée par le DPE

Par ailleurs, même si la question du confort d'été n'a pas été totalement ignorée par le nouveau DPE - il s'agit bien d'un de ses critères107(*) -, elle est très insuffisamment prise en compte. Tout comme les équipements liés au confort d'été ne font pas l'objet des dispositifs d'aide à l'instar de MaPrimeRénov' qui fait l'impasse sur cette dimension, cet enjeu n'est pas au coeur des diagnostics et des audits, alors qu'il est reconnu dans le bâtiment neuf à travers les normes de construction, à l'image de la RE2020 (réglementation environnementale 2020 qui fait suite à la RT2012 ou réglementation thermique 2012).

D'après l'Insee108(*), parce que « les territoires les plus exposés aux chaleurs anormales abritent également près de 1,2 million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, habitant parfois dans des logements mal isolés » et qu'« un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir », la surmortalité constatée lors des épisodes caniculaires109(*) résulte en grande partie et résultera de plus en plus de l'impossibilité de se protéger de la forte chaleur en raison de logements inadaptés. Alors que la fondation Abbé Pierre dans son rapport 2023 sur le mal-logement appelle à systématiser les volets, rideaux, persiennes et autres protections solaires dans les logements pour faire baisser la température intérieure de 2 à 5 °C et à utiliser des revêtements réfléchissant la chaleur pour améliorer leur « effet albédo » (la part d'énergie solaire réfléchie par rapport à celle reçue), il serait incitatif que de tels objectifs en matière d'équipements liés au confort d'été, en-dehors de la climatisation bien entendu110(*), soient présents dès le stade du DPE, dans son volet constat comme dans son volet propositions, en amont donc des aides aux travaux, des actions d'accompagnement et du choix des gestes de rénovation.

d) Faire du DPE le point de départ du parcours de rénovation

Dès lors, il serait logique que le DPE serve de point de départ à toute opération de rénovation. Il paraît difficilement concevable d'engager des travaux ou une demande d'aide sans connaître l'état initial de son logement.

Une telle évolution serait également cohérente avec la refonte de MaPrimeRénov' en deux piliers « efficacité » et « performance ». Le pilier « efficacité » est sensé s'adresser à des gestes simples comme des changements de chauffage qui sont à réserver à des logements déjà bien isolés, classés D ou mieux. Le DPE devrait donc être un préalable à une demande d'aide dans ce cadre pour vérifier qu'elle est bien cohérente avec le projet de rénovation. Dans le pilier « performance » regroupant les rénovations multigeste accompagnées, ce sera également la base de travail de l'Accompagnateur Rénov'.

Au-delà, avec son insertion systématique dans le carnet d'information du logement, avec la couverture progressive de l'ensemble des logements au fur et à mesure des ventes, des renouvellements de baux ou des demandes de rénovations, le DPE doit devenir un des éléments de la carte d'identité d'un bâtiment au même titre que ses autres caractéristiques.

D'ailleurs, les logements collectifs seront tous couverts par un DPE collectif d'ici au 1er janvier 2026 en application de la loi Climat et résilience.

Proposition n° 6 :  Faire du DPE un outil incontestable.

Fiabiliser le DPE en professionnalisant la filière des diagnostiqueurs, renforcer la formation initiale et la formation continue et rendre publics la méthodologie « 3CL » et les algorithmes utilisés dans les logiciels de calcul des DPE.

Confier aux chambres de commerce et d'industrie la mission de délivrer les cartes professionnelles annuelles pour les diagnostiqueurs afin de contrôler leur certification et leurs assurances.

Reconnaître les particularités du bâti ancien par un DPE spécifique - et dans l'attente de sa formulation recourir aux consommations réelles d'énergie - pendant un délai maximum de deux ans - ainsi que par une meilleure formation des diagnostiqueurs aux enjeux du patrimoine.

Adapter le DPE pour les logements de petite surface en adoptant des critères qui ne les défavorisent pas.

Intégrer le confort d'été dans la note attribuée à l'issue du DPE comme dans son volet propositions de travaux.

Veiller à ce que le DPE soit toujours intégré au carnet d'information du logement. En l'absence de CIL, en créer un lors de la réalisation du DPE (modification de l'article L. 126-35-2 du CCH).

Rendre obligatoire la production du DPE pour toute demande d'aide.

2. Redonner aux collectivités territoriales une place centrale

Les collectivités territoriales sont la garantie d'une bonne déclinaison locale des objectifs nationaux et représentent également un point de contact qu'il convient de privilégier, car elles permettent en effet une relation de confiance entre les particuliers et les acteurs de la rénovation, qu'ils soient publics ou privés.

Leur rôle dans l'organisation et la structuration de filières locales est crucial. Elles jouent naturellement un rôle d'animateur et d'incitateur notamment par l'intermédiaire des marchés publics ou par la valeur de l'exemple des opérations qu'elles conduisent pour leurs propres bâtiments : recours à la géothermie, bâtiments en bois ou paille, rénovation thermique grâce à des matériaux biosourcés plus largement, etc. Leurs bénéfices pour cette politique sont multiples car les problèmes sont mieux identifiés et traités plus finement dans les écosystèmes locaux. C'est par leur entremise que pourront se mettre en place des parcours de confiance pour les particuliers qui décident d'initier des travaux de rénovation.

Les exemples étrangers peuvent à cet égard nous inspirer111(*). L'Allemagne a ainsi mis en place des programmes au niveau de chaque Länder, y compris sur les modalités de financement. La Suisse a, pour sa part, confié aux cantons la responsabilité de la consommation d'énergie et de la rénovation des logements. Et, surtout, l'Espagne décline son plan national au sein de chaque communauté autonome, qui est pilote de la rénovation des logements sur son territoire et a mis en oeuvre des guichets uniques qui informent et conseillent les particuliers.

La politique publique de rénovation énergétique doit redonner aux collectivités territoriales une place centrale, dans le respect du principe de subsidiarité. Par exemple, les collectivités territoriales et les conseillers de terrain doivent être impliqués dans MaPrimeRénov'.

En se dotant de guichets uniques locaux dans chaque intercommunalité comme le Gouvernement en a l'objectif en 2025, soit 1 200 guichets au lieu de 450 actuellement, les collectivités territoriales fourniront l'aiguillage de référence pour les particuliers, les bailleurs et les entreprises. La commission souscrit à cet objectif minimal d'une plateforme de rénovation (France Renov' ou Alec car il faut s'appuyer sur ces dernières quand elles existent déjà) par intercommunalité, avec la nécessité de s'appuyer sur les dispositifs qui fonctionnent déjà et de ne pas chercher à les concurrencer. Cette mission ne doit pas peser sur les budgets de fonctionnement des collectivités mais être portée, comme c'est envisagé actuellement et comme c'était le cas précédemment, par un programme de CEE suffisamment ambitieux.

Il faudrait aussi laisser un droit d'expérimentation aux collectivités qui souhaitent aller plus loin en recourant à des contractualisations avec l'État autour d'objectifs chiffrés. La perspective d'augmenter le fonds vert et d'en réserver une partie à des initiatives locales en matière de rénovation énergétique doit également être étudiée.

Plus globalement, il faut dans la mesure du possible raisonner à l'échelle locale et tenir compte du fait que les architectures sont souvent régionales et que plusieurs types de climats coexistent sur nos territoires. Une telle approche a été, par exemple, valorisée par nos collègues de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques dans leur rapport récent Pour une rénovation énergétique des bâtiments pilotée, encouragée et accélérée112(*). Selon eux, il faut à la fois penser plus globalement la rénovation énergétique mais toujours dans un cadre local : « le raisonnement et l'action doivent par exemple s'opérer au niveau d'une commune, d'un îlot, d'un quartier, d'un pâté de maisons, plutôt que sur un bâtiment ou un logement seuls ». Cela doit conduire à orienter selon des critères locaux le choix de travaux, de matériaux et de procédés techniques.

Au cours de ses deux déplacements, la commission d'enquête a pu constater l'importance de la dynamique locale. À Grenoble, le dispositif « Mur Mur » promouvant la rénovation des logements repose en grande partie sur une pédagogie de proximité avec des réunions et des formations de syndics et de présidents de syndicats de copropriétés, avec des visites de rénovations réussies, avec un accompagnement au plus près des copropriétaires pour permettre une décision à la majorité... Le tout forme une toile de voisinage et de persuasion qui diffuse la confiance en faveur d'une démarche de rénovation. Cela s'avère déterminant.

À Nice, la métropole joue un rôle tout aussi déterminant en mettant en place une équipe dédiée à « l'aller vers ». Après identification des immeubles passoires thermiques grâce à une cartographie poussée des déperditions d'énergies mais aussi des potentiels solaires, les conseillers prennent l'attache des gestionnaires et des syndicats pour les accompagner dans leurs démarches et s'assurer d'une rénovation performante. Dans plusieurs cas, ils sont également à même de proposer le raccordement des immeubles aux réseaux de chaleur existants permettant de très substantielles économies.

Ces approches selon des échelles locales permettent, en outre, de favoriser des opérations groupées par quartier, en menant des travaux ciblés bénéficiant de la massification des interventions et de la mutualisation des études. Les dynamiques locales permettront de mieux mobiliser les acteurs, à commencer par les entreprises, et d'assurer un bon rapport entre la performance des démarches et leurs coûts, le cas échéant via l'industrialisation de la rénovation des bâtiments par exemple en ayant recours à des solutions de rénovation « hors site ».

Le mouvement européen EnergieSprong113(*), né aux Pays-Bas, vise ainsi à développer de nouveaux standards ambitieux, réutilisables et simples pour la rénovation énergétique afin de démocratiser l'accès au plus grand nombre à la rénovation à zéro énergie garantie, en alignant les intérêts de l'ensemble des acteurs de l'écosystème.

Il s'agirait donc, pour résumer la démarche d'une formule parlante, de passer de solutions « sur-mesure » selon des critères nationaux à des solutions « prêt-à-porter » déployées dans nos territoires en fonction des contextes locaux.

Proposition n° 7 :  Replacer les collectivités territoriales au coeur de la politique de rénovation énergétique.

Favoriser la création d'une logique de guichet unique local agrégeant l'accompagnement et la demande des aides, labellisé France Renov' et reposant sur les dispositifs locaux (plateformes ou Alec) quand ils existent déjà.

Favoriser les dynamiques locales fondées sur « l'aller vers », la massification et le choix des travaux, des matériaux et des procédés techniques les plus adaptés.

Favoriser le droit à l'expérimentation en matière de rénovation, comme la possibilité de créer des régies d'avances pour les travaux de rénovation.

Assurer le financement de cette mission confiée par l'État aux collectivités soit à travers un programme de certificats d'économie d'énergie (CEE) suffisamment dimensionné, soit par une augmentation des dotations de fonctionnement.

3. Rénover en confiance grâce à un véritable accompagnement

Le rétablissement de la confiance passera également par un accompagnement de meilleure qualité.

Le fait de pouvoir disposer d'un accompagnement représente un atout décisif dans les démarches de rénovation car son absence est un frein majeur pour les particuliers souvent démunis devant les démarches à entreprendre, il convient donc de faire preuve de vigilance dans le calendrier et les modalités de la mise en oeuvre de Mon Accompagnateur Rénov' (MAR), dont le déploiement est en cours tout au long de cette année 2023 et devra surtout être en état de fonctionnement d'ici la rentrée de septembre pour répondre à l'élargissement de l'obligation d'accompagnement de certains travaux114(*).

Chargé d'assister les particuliers dans leur projet de travaux de rénovation énergétique, ce nouveau service public d'accompagnement appuyé par l'Anah est confié à des assistants à maîtrise d'ouvrage ou à des opérateurs agréés par l'État ou désignés par une collectivité locale.

Il peut être gratuit -- lorsque la collectivité locale décide de mettre en place un financement dédié à MAR -- mais, à défaut, quand cette prise en charge n'existe pas, l'Anah peut cofinancer cet accompagnement jusqu'à la somme de 875 euros en fonction du projet de travaux et des ressources du ménage.

La couverture territoriale de l'offre de ce service public doit veiller à être la plus fine possible, y compris pour les territoires ruraux. Dans les zones peu denses dans lesquelles les collectivités ne prennent pas en charge le coût de MAR, il serait pertinent de majorer les cofinancements de l'Anah et d'utiliser les CEE.

Le déploiement du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' doit mobiliser les acteurs existants et ayant déjà fait leurs preuves, comme l'ensemble des outils mis en place par les collectivités territoriales - notamment les conseillers locaux du programme Sare115(*) - ou comme les conseillers France Rénov' qui ont pris en 2022 la suite du réseau Faire (Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique), lui-même construit en 2018 sur la base du précédent réseau des Points rénovation info service (Pris). Cette continuité, évitant toute sorte de mise en concurrence, permettra de donner de la confiance aux particuliers et de réduire les incertitudes.

Mais surtout ceux-ci doivent avoir affaire à des accompagnateurs neutres, qui doivent être sans conflits d'intérêts par rapport aux travaux qui seront mis en oeuvre. Cette indépendance des conseillers à l'égard des entreprises réalisant les travaux est décisive car la relation de confiance est primordiale. C'est tout l'enjeu de la « neutralité » et de l'objectivité des accompagnateurs labellisés. La création d'un service MAR composé d'agents publics territoriaux constitue une piste à étudier, en vue de réduire les risques de conflits d'intérêts, de piloter localement les opérations de rénovation et de consolider le lien direct avec les collectivités territoriales et les autres dispositifs locaux. Ce service pourrait, le cas échéant donner corps à la proposition d'audits énergétiques gratuits pour les particuliers qui veulent s'engager dans des parcours de rénovation.

Les accompagnateurs MAR doivent être, de plus, soumis à des prérequis exigeants, autour d'un référentiel métier et de formations, et être -- pour au moins un tiers d'entre eux, soit la part que représente sur le territoire ce bâti dans le bâti global -- formés aux enjeux et aux techniques propres de la rénovation du bâti ancien. Il doit s'agir d'éviter de commettre des erreurs conduisant à détruire la richesse et la diversité de notre patrimoine. L'isolation standard par l'extérieur de belles façades historiques doit être évitée.

L'accompagnement proposé ne doit pas être qu'administratif, il doit concerner les aspects techniques et inclure les aspects financiers et sociaux, sans pour autant équivaloir à une véritable assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO). Les accompagnateurs doivent ainsi être en mesure de conseiller sur les travaux, d'assister les particuliers afin de mobiliser des aides, de solliciter des sociétés de tiers financement ou de demander un soutien à la collectivité référente.

Le nombre d'Accompagnateurs Rénov' est actuellement de 2 000 et il est envisagé de le porter à 5 000 en 2025 et plus de 7 000 en 2030, ce qui est un minimum et il faudrait -- en cas de succès du dispositif -- adapter pragmatiquement son dimensionnement, les capacités du dispositif MAR devant s'ajuster à ses ambitions.

Selon les données du SGPE après la réunion de travail du 12 juin 2023116(*), le plan de montée en charge de l'accompagnement pour les prochaines années serait en effet de passer, d'une part pour les guichets France Rénov', de 450 guichets aujourd'hui à 1 200 à l'horizon 2025 (soit environ un guichet par EPCI) et, d'autre part pour MAR, de 700 opérateurs, 3 000 personnes et 62 000 accompagnements en 2022 via le réseau France Rénov' et l'Anah à environ 7 000 à 10 000 ETP financés par les CEE à l'horizon 2030, avec 80 accompagnements en moyenne par ETP.

Enfin, ces accompagnateurs MAR devront systématiquement, en l'absence de projet de rénovation globale, veiller à l'établissement de parcours de travaux cohérents, qui permettent que les travaux soient faits dans le bon ordre, en commençant par l'isolation par exemple et non pas par les seuls systèmes de chauffage.

Proposition n° 8 :  Garantir l'accompagnement des ménages.

Faire preuve de vigilance dans le calendrier et les modalités du dispositif Mon Accompagnateur Rénov' en veillant :

- à son bon dimensionnement pour permettre des parcours de travaux ;

- à la « neutralité » et l'indépendance des accompagnateurs ;

- à la couverture territoriale ;

- à leur formation notamment aux enjeux du bâti ancien ;

- à s'appuyer sur les acteurs existants qui ont fait leurs preuves, notamment ceux mis en place par les collectivités territoriales.

4. Replacer les entreprises artisanales au coeur des travaux de rénovation

Le label RGE, octroyé par l'un des trois organismes certificateurs (Qualifelec, Qualibat, Qualit'EnR), eux-mêmes accrédités auprès du Comité français d'accréditation (Cofrac), permet aux particuliers de faire le tri au sein de l'offre des professionnels, mais, comme il a été vu, les garanties offertes par ce label en termes de qualité sont trop limitées117(*) : il sortirait donc renforcé de contrôles plus rigoureux de la qualité des travaux, par exemple sur les chantiers mais aussi en prévoyant des vérifications post-travaux. Les contrôles doivent être, en vertu d'un principe de proportionnalité, adaptés à la taille des entreprises de sorte que les plus grosses structures soient contrôlées sur relativement plus de chantiers118(*). En amont, il conviendrait bien sûr d'adapter le label RGE pour le rendre plus attractif119(*), en le modulant selon la taille de l'entreprise, pour accroître le nombre de structures en bénéficiant. Les artisans et les petites entreprises doivent ainsi pouvoir bénéficier du label en démontrant leurs qualifications « sur le tas » lors des chantiers de travaux eux-mêmes.

L'expérience des certificats de conformité du Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL)120(*), qui ne concernent que les seuls travaux d'électricité, pourrait inspirer l'ensemble de ces contrôles. Ces certificats prennent la forme de formulaires Cerfa, plus connus sous le nom de « Consuels », du nom de l'organisme qui délivre ces certificats. Il s'agit en effet une fois terminée l'installation électrique et avant sa mise en service de contrôler la qualité des travaux en deux temps : l'auteur des travaux demande, paie et signe le « Consuel », qui est en fait une attestation de conformité relative aux travaux effectués qui engage sa responsabilité sur le chantier réalisé, puis l'organisme Consuel -- souvent via Enedis ou la régie locale de distribution d'électricité -- appose son visa sur l'attestation de conformité après avoir fait visiter le chantier par un de ses inspecteurs. Dans le cas où la première visite révèle une non-conformité, une deuxième visite est programmée.

Outre le label RGE, le développement des rénovations globales par les artisans bloque sur un problème juridique. Les groupements d'entreprises sont obligatoirement solidaires. Si on peut en comprendre la logique, dans les faits, rendre le plombier responsable du couvreur ou le menuisier des panneaux solaires n'a guère de sens pour des entreprises artisanales de taille et de capacité financière limitées. Cette évolution législative avait été votée très largement à l'Assemblée nationale et au Sénat lors de l'examen de la loi Climat et résilience mais a été censurée comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.

Il serait important de la reprendre dans un véhicule législatif approprié.

Proposition n° 9 :  Redonner aux artisans leur rôle d'acteurs de proximité et de confiance dans la rénovation.

Déployer des contrôles aléatoires et sur un panel proportionnel à la taille de l'entreprise et au nombre de chantiers.

Adapter le label RGE en pérennisant son attribution sur chantier pour les entreprises artisanales et permettre aux petites entreprises de réaliser des travaux de rénovation énergétique sous réserve d'un contrôle a posteriori, type Consuels.

Modifier la loi pour permettre à des artisans constitués en groupements momentanés d'entreprises (GME) non solidaires de mener les rénovations globales.

5. Restaurer la confiance par une lutte plus active contre les malfaçons et les fraudes

Les fraudes et les escroqueries jettent le discrédit sur l'ensemble de cette politique publique entraînant une perte de confiance chez le consommateur et doivent donc être plus durement combattues.

Pour sortir du climat de défiance, l'intensification de la lutte contre les fraudes, et non seulement les malfaçons, est nécessaire.

En amont des sanctions, restaurer la confiance passe par le fait de, renforcer les contrôles et d'assurer leur cohérence. Ainsi, les contrôles relatifs aux différents dispositifs (MaPrimeRénov', RGE, certificats d'économie d'énergie) doivent être rapprochés les uns des autres, voire totalement mis en commun, avec des partages d'information systématiques, en bénéficiant de circuits locaux de confiance. Cela permettra de réaliser des économies d'échelle et, surtout, cela donnera de la cohérence grâce à une plus grande coordination des actions des services impliqués dans la lutte contre les fraudes : les différents services de l'État concernés, l'Anah, les organismes de qualification RGE... Ce chantier débute, il doit s'intensifier et être renforcé. Une plus grande coopération entre les services de l'État, avec des échanges d'information par exemple, en vue de faciliter le travail de la DGCCRF, des douanes, de la police et de la justice peut y aider. Dès la conception de la politique publique, le fait de formuler des systèmes d'aides publiques qui ne soient pas générateurs de pratiques opportunistes peut également prévenir les fraudes et assainir le marché.

Cependant la lutte contre les fraudes passera également par des sanctions renforcées. Selon le type de fraudes, les dispositions qu'il conviendrait de modifier dans un sens plus dissuasif seraient différentes et porteraient moins sur les saisies pénales à titre conservatoire -- qui permettent en amont des procédures avec par exemple des confiscations ou l'immobilisation des avoirs et des biens, de prévenir la disparition des sociétés avant jugement -- que sur les poursuites pénales ou administratives, avec des sanctions significatives pouvant aller jusqu'à des peines d'emprisonnement avec ou sans sursis, complétées par des sanctions pécuniaires. L'effectivité des sanctions prononcées doit permettre à ces décisions d'avoir des effets réels.

Quatre pratiques sont ainsi aujourd'hui sanctionnées par le code pénal. Pour les faits les plus graves, il s'agit d'escroqueries, simples ou en bande organisée. Aux termes de l'article 313-1 du code pénal, l'escroquerie simple est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende, ce qui pourrait être durci dans le cas d'escrocs dans le secteur de la rénovation. La plupart des dispositions pertinentes figurent en effet dans le livre III du code pénal, dont les articles 311-1 à 324-9 traitent des crimes et délits contre les biens. L'article 313-2 du même code prévoit ainsi des circonstances aggravantes portant les peines à sept ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende, dont au moins deux des cinq cas qui sont prévus pourraient trouver à s'appliquer aux travaux de rénovation. Ces peines s'appliquent ainsi lorsque l'escroquerie est réalisée :

« 2° Par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ; (...)

5° Au préjudice d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu. »

Il faut rappeler que ces peines sont même portées à dix ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée.

D'autres sanctions pouvant frapper les fraudeurs dans le secteur de la rénovation figurent dans le code pénal :

- le faux et usage de faux (article 441-1) puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'article 441-7 ramène à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende le fait d'établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ; de falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ; de faire usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié. En revanche les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise soit en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d'autrui, soit en vue d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement ;

- l'usurpation d'identité (article 226-4-1) puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ;

la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite (article 226-18) puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.

En matière non pénale, dont le champ recouvre des pratiques sanctionnées par le code de la consommation, dix cas de figure se présentent.

Les sanctions contre les fraudes relatives à la tromperie et aux falsifications, relèvent quant à elles des articles L 451-1 à L 455-2 du code de la consommation. L'article L 454-1 du code de la consommation précise par exemple que la violation de l'interdiction prévue à l'article L 441-1 (qui concerne les tromperies) « est punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans et d'une amende de 300 000 euros ».

L'article L 132-11 du code de la consommation dispose que les pratiques commerciales agressives mentionnées aux articles L 121-6 et L 121-7 du code de la consommation sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. L'article L 132-2 du code de la consommation concerne les pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux articles L 121-2 à L 121-4, elles sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros. Dans ces deux cas de fraudes, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. De même, deux circonstances aggravantes portent la peine d'emprisonnement à trois ans (dans le cas où ces pratiques commerciales agressives ou trompeuses ont été suivies de la conclusion d'un ou de plusieurs contrats) ou à sept ans (dans le cas où ces pratiques ont été commises en bande organisée).

L'article L 132-14 du code de la consommation sanctionne l'abus de faiblesse et rappelle à cette fin que le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne au sens des articles L 121-8 à L 121-10 est puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 375 000 euros. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.

Le non-respect de l'interdiction de paiement ou de contrepartie dans un délai de 7 jours à compter de la conclusion du contrat prévue par l'article L 221-10 du code de la consommation (ce qui revient au fait d'exiger ou d'obtenir du client un paiement ou une contrepartie avant l'expiration du délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat de vente hors établissement) est puni aux termes de l'article L 242-7 d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

La non-remise d'un contrat conforme : l'article L 242-5 du code de la consommation dispose ainsi que le fait de ne pas remettre au client un exemplaire du contrat dans les conditions prévues à l'article L 221-9 ou de remettre un contrat non conforme aux dispositions du même article est puni d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

Certains manquements sont moins graves et ne prévoient généralement pas de peines d'emprisonnement mais devraient également être plus durement sanctionnés, par exemple à travers le doublement du montant des amendes :

- l'article L 242-16 du code de la consommation prévoit ainsi que tout manquement aux dispositions des articles L. 223-1 à L. 223-5 relatifs à l'interdiction sectorielle du démarchage téléphonique est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale121(*).

- le non-respect des obligations d'information précontractuelle, les articles L 131-1 et L 131-1-1 du code de la consommation précisent que les manquements aux obligations d'information précontractuelle prévues aux articles L 111-1 et L 111-3 et aux articles L 221-5 et L 242-6 pour les contrats conclus à distance et hors établissement (dont droit de rétractation) sont passibles d'amendes administratives de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale (cas général). L'article L 242-10 qui concerne des manquements plus graves dispose que tout manquement aux obligations d'information prévues aux articles L 221-5, L 221-6, L 221-8, L 221-11, L 221-12 à L 221-14 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale122(*). L'article L 242-6 va encore plus loin et dispose que l'absence de remise du formulaire type de rétractation prévu par l'article L 221-9 ou la fourniture d'un formulaire non conforme aux dispositions du 7° de l'article L 221-5 sont punies d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 150 000 euros.

- les applications insuffisantes du droit de rétractation du consommateur (14 jours), prévu par les articles L 222-7 à L 227-15 du code de la consommation. Aux termes de l'article L 242-13, tout manquement aux dispositions des articles L 221-18, L 221-21 et L 221-23 à L 221-27 encadrant les conditions d'exercice du droit de rétractation reconnu au consommateur, ainsi que ses effets, est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. L'article L 242-30 précise que le fait pour tout professionnel, directement ou indirectement, de faire supporter au consommateur qui exerce son droit de rétractation des coûts, y compris ceux afférents à d'éventuels services fournis avant l'exercice du droit de rétractation est puni d'une amende de 300 000 euros.

- enfin, le défaut d'information sur l'absence de délai de rétractation en cas de vente dans les foires et salons, l'article L.242-23 indique ainsi que tout manquement aux dispositions des articles L 224-59 à L 224-62 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

Dans les cas où les pratiques frauduleuses témoignent moins d'une volonté de tromper le consommateur que d'une connaissance insuffisante des exigences du code de la consommation de la part des professionnels, les enjeux de formation évoqués plus loin retrouvent toute leur acuité : déployer, avec un rôle actif des organisations professionnelles, des plans de formation ambitieux incluant des formations au droit de la consommation, y compris pour le label RGE permettra de développer le marché de la rénovation énergétique avec des acteurs sains.

Par ailleurs, en vue de contribuer à ce que le label RGE trouve son point d'équilibre entre réduction des exigences requises permettant d'augmenter le nombre d'entreprises RGE et renforcement de la qualité pour assurer la confiance des ménages dans le label, il convient de sécuriser le retrait du label RGE des entreprises frauduleuses qui est aujourd'hui prononcé par les organismes qualificateurs (OQ) avec un risque contentieux face auquel ils sont souvent démunis123(*). L'exclusion du dispositif RGE devrait ainsi être prononcée par un organisme public d'État comme la DGCCRF ou l'Anah. Il ne s'agirait donc plus d'un simple retrait du label par un OQ mais du prononcé d'une véritable décision de type « exclusion du dispositif RGE » avec un délai de carence interdisant -- à compter de la date de la décision -- à l'entreprise de se représenter devant un autre OQ pour redemander un label RGE (le même ou un autre). Un tel délai de carence est aujourd'hui pratiqué par les OQ avec une durée fonction du caractère frauduleux des faits : de six mois pour une publicité mensongère à deux ans pour la falsification du certificat RGE pour obtenir des aides financières. Ce délai devrait être porté à un minimum d'un an.

De manière plus générale, les moyens de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) devraient être accrus, ce qui préviendra également le risque de fraudes. Comme l'a rappelé la commission des Finances du Sénat dans un rapport récent124(*), la DGCCRF apparait aujourd'hui affaiblie, au moment même où l'on a le plus besoin d'elle. Cette administration au coeur de la lutte contre les fraudes souffre, tout d'abord, de la réduction significative de ses moyens humains depuis 2007 : en effet depuis quinze ans, ses effectifs ont été réduits d'un quart, alors que ses missions se complexifient. Environ un millier d'agents supplémentaires seraient requis pour simplement compenser les emplois supprimés (2 910 ETPT en 2023, à mettre en regard des 911 ETPT supprimés au cours des quinze dernières années).

S'agissant plus spécifiquement des magistrats, la mobilisation des moyens du ministère de la Justice doit permettre de sanctionner de manière plus effective et plus lourde les pratiques problématiques du secteur de la rénovation. Les parquets ont d'ores et déjà été sensibilisés une première fois à ce sujet et la commission appelle à poursuivre ce travail de sensibilisation. Les consommateurs doivent également être mieux informés des risques de fraudes et d'escroqueries et des dispositifs publics existants (MAR, MPR...) C'est pourquoi des campagnes de communication doivent être organisées. Le démarchage a par exemple été interdit mais l'interdiction est contournée puisqu'il se poursuit : à cet égard, il est indispensable de mieux faire connaître le site « Signalconso.fr », qui permet aux particuliers de faire des signalements. Les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation (comme l'installation de pompes à chaleur, des isolations...) devraient inviter les particuliers à se rapprocher d'une agence France Renov' et, surtout, inclure un lien de redirection vers la plateforme FranceRenov'. Le non-respect de ces obligations doit donner lieu à des sanctions. C'est plus généralement tout l'écosystème de la rénovation qui doit favoriser les acteurs vertueux et décourager les escrocs. ''

Proposition n° 10 :  Mieux lutter contre la fraude.

Renforcer les contrôles, assurer leur coordination et leur cohérence.

Alourdir les sanctions, notamment, porter à dix ans de prison et un million d'euros d'amende la peine encourue pour escroquerie lorsqu'il y a usurpation d'identité d'une personne chargée d'une mission de service public et préjudice au détriment de l'argent public, et généraliser la fixation des amendes à un niveau proportionné aux avantages tirés du délit, soit 10 % du chiffre d'affaires annuel.

Accroître les moyens humains de la DGCCRF, mille postes ayant été supprimés depuis 2007.

Sensibiliser les magistrats aux pratiques problématiques du secteur de la rénovation pour leur permettre de sanctionner de manière plus effective et plus lourde.

Sensibiliser les consommateurs aux risques de fraudes et d'escroqueries, en faisant mieux connaître la plateforme de signalements « SignalConso.fr » de la DGCCRF.

Obliger les sites internet et les publicités proposant des travaux de rénovation à inviter les particuliers à se rapprocher d'une agence France Renov' et, surtout, à inclure un lien de redirection vers la plateforme France Renov'.

Sécuriser le retrait du label RGE par une décision de la DGCCRF ou de l'Anah assorti d'un délai de carence d'au moins un an.

C. RELEVER LE DÉFI DU FINANCEMENT DE LA RÉNOVATION

1. Les financements publics pour la rénovation énergétique doivent être renforcés
a) Le reste à charge des ménages est un obstacle majeur aux politiques de rénovation énergétique

L'effort public de financement de la rénovation énergétique des bâtiments doit continuer à être soutenu, même dans un contexte budgétaire contraint. Le rapport rédigé par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l'action pour le climat, publié en mai 2023, rappelle encore le prix de l'inaction climatique : « Les dommages vont être de plus en plus élevés au fur et à mesure que la température moyenne nationale s'accroîtra. En outre, ils seront potentiellement amplifiés par les accumulations de stress et par les réponses mal adaptées125(*) ».

Or, le reste à charge reste un frein majeur à la réalisation de travaux de rénovation énergétique par les ménages modestes. Le deuxième rapport du Comité du plan de relance indique ainsi qu'en 2021, les ménages très modestes avaient un reste à charge de 52,2 % après MaPrimeRénov', et de 33,4 % après MaPrimeRénov' et les CEE.

De plus, ce reste à charge est d'autant plus pesant que les travaux sont ambitieux, et donc plus efficaces d'un point de vue énergétique : « Le reste à charge augmente aussi avec le montant des travaux : pour les ménages très modestes bénéficiant uniquement de MaPrimeRénov', les travaux avec un coût inférieur à 2 500 euros ont un reste à charge moyen de 14,6 %. Il sera de 45 % lorsque les travaux coûtent entre 2 500 et 4 999 euros126(*). »

Reste à charge des ménages en 2021 et au premier semestre 2022
en pourcentage

Catégorie
de revenu

MaPrimeRénov'

MaPrimeRénov' + CEE

MaPrimeRénov' + CEE
+ aides diverses

2021

Très modeste

52,5

33,4

32,7

Modeste

66,6

52,2

51,5

Intermédiaire

79,4

71,7

71,1

Supérieure

91,1

81,6

81

2022 - Premier semestre

Très modeste

47,4

35,6

35,3

Modeste

64,8

55,3

55,0

Intermédiaire

80,2

73,8

73,5

Supérieure

91,6

83,7

83,3

Note : les « aides diverses » comprennent notamment Action Logement et les aides des collectivités territoriales.

Source : Commission d'enquête, d'après le deuxième rapport du Comité d'évaluation
du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 199

b) L'effort budgétaire pour MaPrimeRénov' doit être porté à 4,5 milliards d'euros dès 2024

Les conclusions du Conseil national de la refondation Logement du 5 juin 2023 prévoient une « évolution de MaPrimeRénov' en deux piliers distincts » : « La poursuite de l'accompagnement des aides par geste (pilier « efficacité ») en se concentrant particulièrement sur le changement des systèmes de chauffage pour aller vers des systèmes décarbonés. Un parcours unique, ouvert à tous, simple, lisible, plus incitatif pour des projets plus ambitieux (pilier « performance »), autrement dit une « voie réservée » pour les rénovations globales permettant d'atteindre les étiquettes A/B/C du DPE127(*). »

Cette évolution du dispositif peut être l'occasion de clarifier les deux objectifs de MaPrimeRénov', la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie, mais elle doit surtout comprendre des garanties sur le niveau du soutien public à la rénovation énergétique des bâtiments.

Les projets discutés aujourd'hui au niveau du Gouvernement s'appuient sur des objectifs de reste à charge. L'un de ces projets vise à un taux de prise en charge, avec MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie, de 90 % pour les ménages qui relèvent de la catégorie de revenus très modestes qui vivent dans des logements classés comme passoires thermiques, et de 80 % pour les ménages de ces mêmes catégories de revenus qui vivent dans des logements d'une classe énergétique égale à E ou davantage. Le taux de prise en charge serait de 65 % pour les ménages de catégorie modeste (75 % pour ceux dont le logement est classé comme passoire thermique). La revalorisation des montants de MaPrimeRénov' Copropriétés est également en discussion. Il faut viser un reste à charge minimal et tendant vers zéro pour les ménages les plus modestes.

S'il est pertinent de fixer des objectifs de prise en charge pour les ménages aux revenus de catégorie modeste et très modeste, il convient de s'assurer que des crédits supplémentaires soient ouverts pour répondre à ces ambitions. À ce titre, un communiqué du Gouvernement du lundi 12 juin a annoncé que l'année prochaine, 300 millions supplémentaires seront débloqués pour MaPrimeRénov', qui auront vocation à renforcer les aides pour les ménages les plus modestes.

Si cette annonce est bienvenue, elle ne dissipe pas toutes les incertitudes sur le financement de la rénovation énergétique. En effet, les crédits totaux ouverts pour MaPrimeRénov' en 2023, à ce stade, sont en baisse par rapport à 2022. Un relèvement de 300 millions d'euros pour MaPrimeRénov' en 2024 reviendrait donc à une hausse de seulement 90 millions d'euros par rapport à 2022. Il est certes possible que des crédits supplémentaires pour la rénovation énergétique soient ouverts en loi de finances de fin de gestion pour 2023, comme ce fut le cas l'année dernière, mais il n'y a pas eu d'annonces sur la question. Toujours est-il qu'il est essentiel de savoir par rapport à quelle base ces 300 millions d'euros supplémentaires sont calculés. Il n'est pas clair également si ces 300 millions d'euros seront ajoutés uniquement sur MaPrimeRénov' « nationale », ou si MaPrimeRénov' Sérénité sera également concernée.

Ainsi, il apparaît plus pertinent pour la commission d'enquête de fixer des objectifs en termes d'ouverture de crédits pour MaPrimeRénov'. Au regard de l'importance de la politique de rénovation énergétique, un objectif fort serait d'amener à 4,5 milliards d'euros le total des crédits ouverts pour MaPrimeRénov' dès 2024. L'augmentation des crédits serait ainsi de près de 2 milliards d'euros par rapport au niveau constaté en 2022 (1,6 milliard d'euros si l'on inclut MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés).

Cette augmentation importante au regard des conditions budgétaires actuelles doit toutefois être mise en perspective avec les plus de 63 milliards d'euros que le Gouvernement a dépensés dans des boucliers énergétiques faute d'avoir investi suffisamment au préalable dans la rénovation des logements et pour sortir nombre de Français de la précarité énergétique.

Évolution des crédits de paiement ouverts pour MaPrimeRénov'
entre 2020 et 2023 et proposition de la commission d'enquête pour 2024

Source : Commission d'enquête, d'après les chiffrages de la Cour des comptes
et les documents budgétaires

Une telle augmentation des crédits resterait absorbable par l'Agence nationale de l'habitat. Elle devrait s'inscrire dans une programmation de la rénovation énergétique des logements. De plus, ces sommes restent en deçà des investissements de pays comparables à la France dans la rénovation énergétique des bâtiments.

Financements consacrés à la rénovation énergétique
des bâtiments en Allemagne

Dans le cadre de la réforme du BEG, le gouvernement fédéral allemand s'est engagé à consacrer 13 à 14 milliards d'euros par an pour les subventions aux bâtiments économes en énergie. Sur cette somme, un milliard d'euros seront affectés aux nouvelles constructions, le reste sera réservé aux rénovations. Lors du premier semestre 2022, environ 9,6 milliards d'euros ont été dépensés en faveur de la rénovation. En 2021, 8 milliards avaient été dépensés à ce titre, contre 5 milliards en 2020.

Les fonds proviennent en majorité du fonds fédéral pour le climat et la transformation (Klima- und Transformationsfonds, KTF), lequel a pour objectif de permettre d'atteindre les objectifs climatiques. Un total d'environ 177,5 milliards d'euros sera mis à disposition pour les missions de ce fonds spécial entre 2023 et 2026.

Financements consacrés à la rénovation énergétique
des bâtiments au Royaume-Uni

S'agissant des financements publics, le gouvernement britannique a annoncé depuis les élections législatives de décembre 2019, 6,6 milliards de livres sterling d'investissements en faveur de la rénovation et de la décarbonation des logements (Home Upgrade Grant et Social Housing Decarbonisation Fund) et des bâtiments publics (Public sector Decarbonisation Fund), sur les 9,2 milliards de livres sterling promis lors de la campagne électorale par le parti conservateur.

En novembre 2022, le chancelier de l'Échiquier a annoncé 6 milliards de livres sterling supplémentaires en faveur de l'efficacité énergétique des bâtiments durant la période 2025 à 2028, sans indication plus précise quant à la destination des fonds.

Ces montants ne tiennent pas compte des financements publics des gouvernements écossais, gallois et nord-irlandais.

Source : Division de la législation comparée

c) MaPrimeRénov' doit favoriser les rénovations plus efficaces

L'augmentation des crédits de MaPrimeRénov' ne doit cependant pas être un objectif en soi. Ces crédits supplémentaires doivent permettre de favoriser les rénovations globales, qui représentent le point faible de MaPrimeRénov', du moins pour le dispositif hors MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriétés.

Aujourd'hui, un forfait « rénovation globale » existe déjà pour les ménages aux catégories de revenus intermédiaires et supérieures (les ménages modestes et très modestes pouvant bénéficier de MaPrimeRénov' Sérénité), ainsi qu'un bonus « bâtiment basse consommation » pour les logements ayant atteint une classe A ou B.

Aides aux travaux de rénovation globale

 

Forfait rénovation globale

Supérieures

5 000 euros

Intermédiaires

10 000 euros

 

MaPrimeRénov' Sérénité

Modestes

Travaux pris en charge
à hauteur de 35 % dans la limite de 12 250 euros

Très modestes

Travaux pris en charge
à hauteur de 55 % dans la limite de 17 500 euros

Source : Commission d'enquête

Il est probable que le projet de réforme de MaPrimeRénov' en deux piliers, un pilier « efficacité » et un pilier « performance », conduira à intégrer au sein du second pilier, dans un dispositif unique, l'ensemble des aides, forfaits et bonus précités. En prenant acte de ce projet, il est possible de recommander un rehaussement général des plafonds d'aide à la rénovation globale pour les ménages, selon les catégories de revenus.

En outre, l'annonce de la refonte de MaPrimeRénov' ne permet pas, à ce stade, de véritablement sécuriser le parcours de rénovation énergétique des ménages. Des frais importants, comme l'audit énergétique (dont le prix moyen est compris entre 800 et 1 500 euros), ainsi que l'accompagnement à la rénovation énergétique ne sont pas aujourd'hui pris en charge par MaPrimeRénov'. Or, l'impossibilité pour les ménages de se faire accompagner, ou de réaliser un audit, peut contrevenir au projet de rénovation énergétique, même si les travaux eux-mêmes sont financés. Il est donc cohérent d'élargir le champ de MaPrimeRénov' à l'audit énergétique et au financement de Mon Accompagnateur Rénov' pour les ménages modestes et très modestes.

Enfin, des dimensions importantes de la rénovation énergétique ne sont aujourd'hui pas prises en compte. Les travaux de confort d'été sont d'une importance égale, en termes de bien-être et réduction de l'émission de gaz à effet de serre et de la consommation d'énergie, aux travaux visant à optimiser le chauffage, mais ils constituent l'angle mort des politiques actuelles d'aide à la rénovation énergétique. De même l'auto-rénovation énergétique n'est pas prise en charge par MaPrimeRénov', alors qu'elle peut aider à massifier la rénovation énergétique128(*). Il est donc proposé dans un premier temps d'élargir MaPrimeRénov' à des travaux de confort d'été ainsi qu'à des travaux d'auto-rénovation énergétique accompagnée.

Proposition n° 11 : Porter l'ouverture des crédits pour MaPrimeRénov' à 4,5 milliards d'euros en 2024.

Rehausser le niveau des aides à la rénovation globale à :
- 7 000 euros pour les ménages aisés (+ 40 %) ;
- 15 000 euros pour les ménages intermédiaires (+ 50 %) ;
- 30 000 euros pour les ménages modestes (+ 140 %) ;
- 45 000 euros pour les ménages très modestes (+ 152 %).

Permettre la prise en charge par MaPrimeRénov' de Mon Accompagnateur Rénov' ainsi que de l'audit énergétique.

Rendre éligible à MaPrimeRénov' des travaux de confort d'été ainsi que d'auto-rénovation accompagnée.

Reconnaître le « droit à l'erreur » dans le cadre des dossiers de demandes de MaPrimeRénov'.

2. Les dispositifs de financement de la rénovation énergétique des logements individuels n'ont pas encore atteint leur plein potentiel

Les financements publics directs ne peuvent cependant pas représenter une solution à eux seuls. Certains freins au développement des politiques de rénovations énergétiques, comme la réticence des ménages à mener une opération de rénovation globale de leur logement, qui est par nature particulièrement intrusive, ou les difficultés techniques liées au DPE, ne trouvent pas de réponses budgétaires évidentes.

Enfin, les financements publics présentent une autre limite, qui est que sauf pour les plus modestes, ils ne devraient pas conduire à laisser un reste à charge nul. En effet, une subvention qui couvre l'ensemble des charges des ménages peut être génératrice de fraudes, comme cela a été vu par le passé. De plus, le reste à charge nul pourrait être mal perçu par les ménages les plus modestes pour des raisons de dignité, comme Gilles Berhault, délégué général de l'association « Stop à l'exclusion énergétique », auditionné le 11 avril 2023 par la commission d'enquête, en a témoigné.

En cela, les prêts à la rénovation énergétique jouent un rôle majeur : ils permettent de financer le reste à charge des ménages, tout en limitant les effets d'aubaine et les risques de fraude. Il ne faut pas opposer les financements publics et privés, mais au contraire souligner que l'un est le nécessaire complément de l'autre. En l'occurrence, les dispositifs de financement par l'emprunt des ménages visant à la rénovation énergétique sont encore loin d'être exploités à leur plein potentiel, alors que les ménages sont demandeurs de ce type de dispositifs.

Présentation par Maximes Combes de la proposition de loi
écrite par Daniel Ibanez, Françoise Verchère et lui-même,
visant à diminuer la consommation d'énergie pour le bâti

« Notre proposition repose sur trois principes. Les pouvoirs publics s'engagent à financer la totalité du montant des travaux de rénovation de tous les propriétaires, sans condition de ressources ni reste à charge. La contrepartie est l'instauration d'une obligation de rénovation. Enfin, nous proposons d'intervenir sur le bâti, ce qui permet de recourir non pas à des subventions, mais à des prêts, qui sont garantis par une inscription hypothécaire égale au montant des travaux réalisés. Le bouclage économique se fait simplement par le remboursement du prêt à la première mutation du bien - cession, succession, etc., -, au plus tard trente ans après.

Ce dispositif apparaît plus simple, souple et efficace, davantage en mesure de faire face aux enjeux. Il permet de remédier à un certain nombre de défauts du dispositif actuel. Il instaure une forme d'obligation de moyens et de résultats pour les professionnels. Les crédits consacrés à MaPrimeRénov', qui sont parfois gaspillés, pourraient être réutilisés afin de financer en amont les filières de matériaux ou la formation des professionnels. »

Source : Maximes Combes, compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 20 mars 2023

a) L'éco-PTZ : amplifier la dynamique

L'éco-prêt à taux zéro s'est fortement développé sur ces dernières années, mais la proportion de rénovations performantes financées restent faible, et il n'atteint pas les ménages modestes.

L'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) est un prêt sans intérêt, dont le montant maximal est de 50 000 euros, et qui est attribué sans condition de ressources. Il permet de financer des travaux de rénovation énergétique, que ce soient des travaux de rénovation ponctuelle (changement de fenêtres, de chauffage, etc.) ou de rénovation performante. Pour être bénéficiaire de l'éco-PTZ, il est nécessaire d'être propriétaire du logement, qui doit être occupé à titre de résidence principale et avoir été construit depuis plus de deux ans.

Le prêt doit être remboursé dans un délai maximal de 15 ans (20 ans pour une rénovation performante). Tant qu'il n'est pas entièrement remboursé, le logement ne peut pas être utilisé comme résidence secondaire, mis en location saisonnière, ou utilisé comme local commercial ou professionnel.

Les prêts sont contrôlés par la société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFGAS), qui a la capacité d'effectuer des contrôles sur place et sur pièces auprès des établissements de crédit.

Nature des travaux

Montant maximal du prêt

Une action de travaux
sur parois vitrées

7 000 euros

Réhabilitation de l'installation d'assainissement non collectif
par un dispositif
ne consommant pas d'énergie

10 000 euros

Une action de travaux
d'une autre nature

15 000 euros

Lot de deux travaux

25 000 euros

Lot de trois travaux ou plus

30 000 euros

Rénovation globale

50 000 euros

Source : Commission d'enquête sur la rénovation énergétique

L'article 184 de la loi n° 2018-1317 de finances pour 2019 a autorisé l'éco-PTZ à financer des travaux monogeste, ce qui a eu une forte influence sur le déploiement du prêt. Les représentants du Crédit Mutuel ont ainsi estimé, lors de leur audition, que cette réforme a conduit à une multiplication par quatre du nombre de prêts accordés. Au niveau national, alors que le nombre d'éco-prêt était tombé à 18 755 en 2018, il est remonté à 35 574 en 2019. La massification de MaPrimeRénov' a également renforcé la dynamique de l'éco-PTZ, dont le nombre d'émissions est passé à 61 024 en 2021 et 82 000 en 2022.

Il est probable que l'augmentation des taux d'intérêt, qui s'est accélérée depuis 2022, ait rendu l'éco-PTZ encore plus attractif qu'il ne l'était. Il faut cependant souligner que cela renchérit mécaniquement le coût du prêt pour les finances publiques. Néanmoins, le coût de l'éco-PTZ reste encore largement absorbable (moins de 50 millions d'euros par an sur les dernières années) en comparaison des dispositifs d'aides directes comme MaPrimeRénov'.

Nombre d'émissions d'éco-PTZ

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Nombre d'éco-prêts émis

23 227

22 818

24 294

18 755

35 574

42 107

61 034

82 049

Source : Commission d'enquête, d'après les données de la Société de gestion des financements
et de la garantie de l'accession sociale à la propriété

Évolution du nombre d'émissions d'éco-PTZ

Source : Commission d'enquête, d'après les données de la Société de gestion des financements
et de la garantie de l'accession sociale à la propriété

Les statistiques montrent que l'éco-PTZ s'est bien concentré sur les travaux monogeste : le Crédit Mutuel a indiqué que, pour l'année 2022, les deux tiers des prêts sont destinés à des monogestes, et 20 % pour des bouquets de travaux. L'éco-PTZ « performance globale », qui est plafonné à 50 000 euros, ne représente que 2,45 % des travaux. Le montant moyen de l'ensemble des éco-PTZ la même année est de 13 400 euros, avec une moyenne d'environ 10 000 euros lorsqu'un seul geste de rénovation est réalisé, et de 38 000 euros pour une rénovation performante. Pour 2021, la SGFGAS indique que 69,2 % des éco-prêts concernent des monogestes, et 10 % financent des bouquets de travaux de trois actions ou davantage129(*).

L'article 89 la loi n° 2021-1900 du 20 décembre 2021 de finances pour 2022 a prorogé l'éco-PTZ jusqu'au 31 décembre 2023130(*), et a rehaussé le plafond du prêt pour les rénovations performantes de 30 000 à 50 000 euros.

Malgré des résultats encourageants en termes de déploiement, l'éco-PTZ présente plusieurs faiblesses :

- la procédure pour obtenir le prêt est complexe, ce qui peut conduire des clients à l'abandonner en cours de route. C'est un point qui a particulièrement été souligné par le Crédit Mutuel lors de son audition : « la procédure d'instruction de l'éco-prêt reste longue et fastidieuse avec des formulaires à remplir par les clients et les entrepreneurs et des vérifications par nos réseaux sur des aspects techniques qui ne font pas partie de nos compétences131(*). » Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat pour le budget de 2019, Albéric de Montgolfier, soulignait déjà « sa complexité administrative, qui pèse aussi bien sur les demandeurs qui doivent remplir un formulaire encore trop complexe que sur les banques et les services chargés de l'instruire132(*) » ;

- l'obtention de MaPrimeRénov' est un déterminant fort de la solvabilité des ménages, et elle permet de connaître le reste à charge réel des ménages. Or, les difficultés dans l'obtention de la prime peuvent conduire le ménage à renoncer à son projet de financement, et, par la suite, à son projet de rénovation. Ce sont des problématiques qui touchent particulièrement les ménages qui sont les plus fragiles au niveau des revenus ;

- l'attractivité de l'éco-PTZ dépend d'un paramètre économique, le niveau des taux d'intérêt, qui n'a pas de rapport direct avec l'objectif du dispositif, qui est la réduction de la consommation énergétique des logements ainsi que des émissions de gaz à effet de serre ;

- à l'heure actuelle, les éco-PTZ ne peuvent être débloqués qu'à hauteur de 30 % maximum avant la production d'une facture. Cette limite, qui représente une avance de trésorerie importante pour les ménages, n'est pas justifiée au regard des exigences relatives à la constitution du dossier pour l'éco-PTZ.

Le rehaussement du plafond du prêt de 30 000 à 50 000 euros pour les rénovations performantes était nécessaire, mais il n'est pas suffisant. En effet, d'après les informations qui ont été transmises à la commission d'enquête par la Banque Postale, le montant moyen des travaux de rénovation performante est de 49 000 euros, et le niveau moyen du recours à l'éco-PTZ « performance globale » est de 37 000 euros. Il s'agit cependant d'une moyenne, qui peut révéler des disparités de situation importantes, et qui, par définition, ne prend pas en compte les travaux qui n'ont pas eu lieu ou ont été abandonnés car ils auraient nécessité un prêt supérieur à 50 000 euros.

Les représentants de la Banque postale ont ainsi précisé en audition que « ce plafond de 50 000 euros est limitatif pour certains logements pour atteindre 331 kilowatts/heure pour le chauffage et la production d'eau chaude et une réduction de 35 % de la consommation d'énergie par rapport à la situation avant travaux. En effet, en particulier dans le logement individuel, les budgets de travaux sur la toiture, les ouvertures, le système de chauffage, etc. peuvent dépasser ce montant133(*). » Une nouvelle augmentation du plafond de l'éco-prêt pour les rénovations performantes aura pour effet de le rendre plus attractif qu'il ne l'est actuellement.

Il est possible également de rehausser le plafond pour les travaux qui, sans être des rénovations globales, permettent des gains énergétiques significatifs (bouquets de trois travaux ou plus). Pour limiter le coût de cette dernière proposition, il est envisageable de mettre en place, non plus un taux zéro mais un taux préférentiel pour les ménages qui relèvent des catégories de revenus les plus élevées, au-delà d'un certain montant de prêt. Une telle disposition aurait également pour avantage de rendre le dispositif plus pilotable en fonction de l'évolution des taux d'intérêt.

Enfin, les dispositifs de couplage entre les aides directes de l'État et les prêts, tels que l'éco-PTZ Prime Rénov', permettre de répondre à un certain nombre de limites de l'éco-PTZ, mais ils feront l'objet d'une analyse plus détaillée infra.

Proposition n° 12 :  Amplifier la dynamique du PTZ.

- Rehausser de 30 % à 50 % la limite dans laquelle le prêt est débloqué avant la production d'une facture ;
- Rehausser le plafond de l'éco-PTZ à 70 000 euros pour les rénovations performantes ;
- Rehausser le plafond de l'éco-PTZ à 40 000 euros pour les bouquets de deux gestes ou plus (hors rénovation performante). En contrepartie, mettre en place un taux bonifié plutôt qu'un taux zéro pour la part des prêts dépassant le plafond actuel de 30 000 euros à partir d'un certain seuil de revenus.

Au regard de l'évolution modérée du coût de l'éco-PTZ pour les finances publiques sur les dernières années, et la faible part des rénovations performantes financées à travers le dispositif à l'heure actuelle, le coût de cette proposition est évalué par la commission d'enquête à, au plus, 20 millions d'euros. Ce chiffre est néanmoins susceptible d'augmenter dans l'hypothèse d'une nouvelle hausse des taux d'intérêt, et au cas où le nombre d'éco-PTZ distribués connaîtrait une forte augmentation.

Coût de l'éco-PTZ pour les finances publiques
(en millions d'euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Dépense fiscale

108

74

56

46

39

32

30

34

42

Note : les chiffres pour 2022 et 2023 sont prévisionnels

Source : Commission d'enquête, d'après le « jaune budgétaire » relatif aux dépenses fiscales en faveur du logement, annexé au projet de loi de finances pour l'année 2023

Il faut ajouter que d'une manière générale, l'éco-PTZ n'atteint pas les ménages modestes. Dans son « bilan statistique des éco-prêts émis en 2021 », daté d'avril 2022, la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFGAS) indique en effet que les ménages modestes appartenant aux 1er, 2e et 3e déciles de revenus ne représentent, dans leur ensemble que 3 % des bénéficiaires des éco-PTZ émis en 2021. Inversement, les ménages dont le revenu de référence est au moins supérieur ou égal au 7e décile représentent 78,7 % des éco-prêts émis en 2021.

Bien que moins cher qu'un prêt aux taux classique,
l'éco-PTZ suppose une capacité de remboursement, la durée de l'emprunt étant limitée à 15 ans (20 ans pour les travaux de rénovation performante), dont ne disposent pas les ménages plus modestes. De plus, ces ménages sont plus dépendants de l'obtention d'aides à la rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov', pour initier leurs travaux.

Au regard de ce constat, un type de prêt ciblé sur les ménages modestes a été créé, le prêt avance rénovation, mais celui-ci n'a pas encore fait ses preuves.

b) Débloquer le prêt avance rénovation

Le déploiement du prêt avance rénovation est pour le moment un échec, faute d'une attractivité financière suffisante.

Le prêt avance rénovation est un prêt hypothécaire : il est garanti par une hypothèque sur le logement. Plus précisément, son remboursement s'effectue en une seule fois, lors de la revente du bien ou de la succession. Il est censé compléter l'éco-PTZ, dans la mesure où il est destiné à « des emprunteurs souvent exclus du système de financement classique134(*) ». Son octroi est soumis à des conditions de revenus qui sont les suivantes :

Nombre de personnes composant le foyer

Île-de-France

Hors Île-de-France

1

25 714

19 565

2

37 739

28 614

3

45 326

34 411

4

52 925

40 201

5

60 546

46 015

Pour une personne supplémentaire

+ 7 613

+ 5 797

Source : Commission d'enquête

Il bénéficie de plus d'une garantie de l'État, par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), d'un montant de 75 % du crédit. Cette garantie de l'État doit notamment permettre de compenser l'incertitude que représente pour les banques l'octroi d'un prêt sans échéance de remboursement. Le PAR est présenté par plusieurs banques en deux formules :

- le client rembourse uniquement les intérêts, tandis que le capital est remboursé lors de la mutation ou de la succession ;

il n'y a pas de remboursement mensuel, et le capital ainsi que les intérêts sont remboursés lors de la mutation ou de la succession.

Le prêt avance rénovation est opérationnel depuis février 2022, et la même année, il a été distribué par trois banques (La Banque postale, le CICE et le Crédit Mutuel). Les premiers retours d'expérience montrent que, même si le dispositif est récent, le nombre de prêts distribués est très faible.

Le Crédit Mutuel relève, à date de mai 2023, n'en avoir accordé que 60, tandis que la Banque Postale ne compte que 40 offres émises et acceptées. Pour l'ensemble de l'année 2022, seuls 36 PAR ont été émis, pour un montant moyen de 20 860 euros135(*). On se retrouve donc avec un prêt dont le principe est pertinent, car il est censé couvrir un secteur de la population que n'atteint pas l'éco-PTZ, mais qui dans les faits ne parvient pas à être déployé à une échelle suffisamment large.

Le consensus est que le PAR possède bien un « public », mais celui-ci est spécifique : il s'agit pour l'essentiel de retraités propriétaires, aux revenus modestes, qui ne peuvent pas bénéficier de prêts classiques, notamment car les banques sont réticentes à accorder des prêts à ces personnes qui sont présumées avoir une santé plus fragile, et qui tirent un véritable bénéfice, en terme financier et de confort, de la rénovation énergétique de leur logement.

Toutefois, le PAR rencontre des obstacles majeurs dans son déploiement. Premièrement, le PAR est un prêt hypothécaire remboursable via la mutation ou la succession, ce qui peut représenter un obstacle psychologique significatif : un ménage peut renoncer à l'obtention de ce prêt s'il a le sentiment qu'il pourrait entraver la transmission de son patrimoine. La Fédération française bancaire notait par ailleurs : « Cela peut décourager les ménages de recourir à ce type de prêt, en particulier quand la valeur du bien est faible au regard des coûts des travaux et que la diminution de la valeur résiduelle représentera une part perçue comme (trop) importante au moment du remboursement du PAR136(*). »

De plus, lors de son audition, Olivier Sichel a relevé une difficulté supplémentaire, qui est que la perspective même de mener une rénovation globale, et les contraintes qu'elle implique, peut décourager ce type de ménages : « J'ai interrogé les réseaux bancaires, qui m'ont signalé un blocage que je n'avais pas vu : il est conçu pour des ménages âgés, qui n'ont plus accès au crédit, mais pour une rénovation globale, qui implique de déménager pendant la période de travaux. Or, même si la solution de financement existe, il peut être angoissant de déménager pendant les travaux. Bien souvent, les ménages, passé un certain âge, se résignent à ne pas faire la rénovation. Nous devrions donc prévoir aussi un accompagnement à l'hébergement temporaire durant la durée des travaux137(*). »

Pour bénéficier du Fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), il est nécessaire que le crédit hypothécaire accordé soit au premier rang, ou en deuxième rang derrière un prêt de la même banque ; ce qui exclut généralement les clients qui ont un crédit immobilier hypothécaire dans une autre banque. Or, le faible nombre d'établissements délivrant le PAR peut conduire à ce type de situation.

Il faut bien souligner que le prêt avance rénovation n'est pas un prêt sans intérêt : celui-ci est remboursé en fin de prêt, lors de la mutation ou de la succession. S'il est avantageux en termes de trésorerie, il peut être in fine plus coûteux pour le ménage. Plus généralement, l'avantage du PAR pour le ménage suppose à la fois un gain de la valeur du bien suite à la rénovation énergétique menée, ainsi qu'une évolution positive des prix de l'immobilier. Or cette dernière n'est pas garantie à moyen et long terme, et n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, le contexte actuel d'une augmentation des taux d'intérêt, conjuguée à une diminution du prix des logements sur une partie du territoire, peut dissuader certains ménages de recourir à ce type de prêt. Pour l'ensemble de ces raisons, il est proposé d'introduire un taux zéro sur le PAR, ciblé sur les ménages modestes.

À cet égard, l'Allemagne présente une offre de prêt à la logique similaire, sur laquelle elle a choisi d'axer une partie de sa stratégie de rénovation énergétique, avec des taux d'intérêt réduits.

Prêt à la rénovation énergétique en Allemagne
dans le cadre du sous-programme BEG-WG (bâtiments résidentiels)

L'emprunteur peut choisir entre deux types de prêts :

- le prêt permettant de ne payer des intérêts que les premières années (période de démarrage sans remboursement) puis des annuités mensuelles du même montant. Pour un prêt de 4 à 10 ans, le taux d'intérêt est de 0,01 %, contre 0,87 % pour un prêt courant de 11 à 20 ans et 1,13 % pour un prêt de 21 à 30 ans.

- le prêt final, permettant à l'emprunteur de ne rembourser que les intérêts pour toute la durée du crédit. À la fin de la période de prêt, le remboursement du montant total du prêt doit être réalisé en une seule fois. D'une durée de 4 à 10 ans, ce type de prêt est assorti d'un taux d'intérêt de 1,24 % par an.

Source : Division de la législation comparée du Sénat

Enfin, les frais d'hypothèque ne sont pas inclus dans les postes finançables du PAR, et celui-ci ne permet pas de préfinancer les aides à la rénovation énergétique. Ces facteurs conduisent à rehausser l'avance de trésorerie requise par les ménages, et dans certains cas à augmenter leur reste à charge réel, ce qui est un problème puisque ce prêt s'adresse aux ménages modestes.

Pour comprendre quelle est la part de chacun de ses obstacles dans l'échec du déploiement du PAR, il est utile dans un premier temps de regarder quels sont les motifs de refus les plus courants. La Banque Postale a ainsi indiqué que 400 demandes de PAR avaient été déposées, mais que sur celles-ci :

- 40 % des clients avaient un crédit immobilier hypothécaire dans une autre banque, donc ils n'étaient pas éligibles ;

- 34 % des clients pouvaient bénéficier de l'éco-PTZ, et étaient en capacité de le rembourser, ce qui fait qu'ils ont été orientés vers ce prêt ;

- 8 % des clients ont abandonné le PAR, pour des raisons diverses, en particulier le blocage psychologique susmentionné ;

- 5 % des clients avaient des ressources qui allaient au-delà des plafonds pour bénéficier du PAR.

On constate dès lors que la condition d'être au premier rang d'un crédit hypothécaire (ou deuxième par rapport à la même banque) est particulièrement limitative pour ce type de prêt, puisqu'elle exclut de facto un grand nombre de ménages en train de rembourser un prêt immobilier. Ce facteur ne sera plus aussi restrictif lorsque davantage de banques décideront d'accorder le PAR, mais en l'état actuel, cette condition empêche de manière importante le déploiement du dispositif.

Supprimer les plafonds de ressources du PAR est une option envisageable pour donner une nouvelle dynamique au prêt. Des ménages aux catégories de revenus intermédiaires ou supérieures peuvent en effet, selon les situations, préférer un prêt sans remboursement (ou avec uniquement remboursement des intérêts) plutôt qu'un prêt comme l'éco-PTZ. Il s'agit de la proposition retenue lors des annonces du 5 juin 2023 du Conseil national de la refondation Logement : « Pour faciliter le financement du reste à charge, nous simplifierons et élargirons l'accès au prêt avance rénovation. Il sera ouvert à tous, sans condition de ressources138(*) ». Toutefois, ce relèvement de plafond n'est pas prioritaire, car il ne permet pas de résoudre le problème principal du PAR, qui est qu'il ne touche pas les ménages modestes, bien que ce fût sa vocation initiale, et son originalité vis-à-vis de l'éco-PTZ.

En effet, dans la mesure où 33 % des clients de la Banque postale, ayant fait une demande pour obtenir un PAR ont été réorientés vers l'éco-PTZ car ils étaient en capacité de le rembourser, bien que leurs revenus se trouvaient en dessous des plafonds de revenus du PAR. Il est donc pertinent d'améliorer l'éco-PTZ pour les ménages aux revenus intermédiaires et élevés, et de faire en sorte que le PAR soit le plus attractif possible pour les ménages modestes.

Le rapport Sichel préconisait en effet une bonification du taux de l'emprunt, qui pourrait aller jusqu'à un taux zéro, pour en garantir l'accessibilité pour les ménages éligibles au prêt139(*). Cette recommandation reste pertinente, en particulier dans le contexte de l'augmentation des taux d'intérêt que l'on connaît aujourd'hui. Le maintien du ciblage des taux bonifiés sur les ménages modestes devrait permettre de limiter le coût d'une telle disposition pour les finances publiques.

L'avis de MM. Jean-Baptiste Blanc, Daniel Gremillet, Mmes Dominique Estrosi-Sassone et Anne-Catherine Loisier, relatif au projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, indiquait déjà que le PAR, dans sa formule actuelle, constitue « une réforme indispensable pour le financement de la rénovation des logements mais en deçà des ambitions du rapport Sichel ». Dans le même ordre d'idées, il est pertinent d'inclure les frais hypothécaires dans les postes finançables du prêt avance rénovation.

Proposition n° 13 : Débloquer le prêt avance rénovation au profit des ménages modestes.

- Mettre en place un taux zéro pour le prêt avance rénovation, ciblé sur les ménages aux revenus de catégorie modeste ou très modeste ;
- Inclure les frais hypothécaires ainsi que le préfinancement des aides à la rénovation énergétique dans les postes finançables du prêt avance rénovation ;
- Supprimer la condition d'être au premier rang d'un crédit hypothécaire, ou deuxième rang par rapport à la même banque, pour bénéficier du prêt avance rénovation.

Il est difficile de donner un chiffrage de cette proposition, dans la mesure où le prêt avance rénovation est, à l'heure actuelle, très peu distribué. En prenant une hypothèse optimiste, qui est celle d'une distribution du PAR qui arriverait à court terme à la moitié de celle de l'éco-PTZ, la commission d'enquête chiffre le coût de cette proposition à 20 millions d'euros par an.

c) Favoriser l'implication des banques

L'appropriation par le secteur bancaire des outils de financement de la rénovation énergétique passe par un meilleur suivi des rénovations menées et une meilleure coordination entre les aides publiques.

Le secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion, a souligné lors de son audition devant la commission d'enquête que les banques sont désireuses de porter des projets dans la rénovation énergétique des bâtiments, et qu'elles y sont incitées par les réglementations, notamment européennes. Par exemple, le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), qui est entré en vigueur le 10 mars 2021, a introduit une classification des produits financiers en trois catégories : ceux qui n'affichent pas d'objectifs de durabilité, ceux faisant la promotion de caractéristiques environnementales ou sociales, et ceux dont l'objectif est d'avoir une incidence positive sur l'environnement et la société.

Toutefois, le secrétaire général à la planification écologique a ajouté que l'intérêt des banques pour la rénovation énergétique « se heurte pour l'instant à une difficulté : au titre de la réglementation bancaire, il faut documenter extrêmement finement ce qui a été réalisé pour réduire les émissions. Or, les banques, au titre des crédits immobiliers ou finançant des travaux, ne parviennent pas à collecter des informations et des évaluations suffisamment précises des réductions d'émissions liées aux prêts qu'elles ont consentis pour pouvoir les classer dans la part verte prévue par la réglementation140(*). »

Ces limites proviennent en partie de la difficulté à estimer les gains réels des rénovations menées. Les chiffrages de réduction de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre, qui sont employés par l'Anah et par l'ONRE sont aujourd'hui essentiellement basés sur des gains théoriques, en fonction de la nature des travaux réalisés. Cependant, cette caractéristique des chiffrages ne suffit pas à elle seule à expliquer les raisons pour lesquelles le secteur bancaire ne s'est encore pas pleinement saisi de ce type de prêts.

Les difficultés que rencontrent les banques pour renseigner l'impact en termes de réduction d'émissions de gaz à effet de serre de leurs prêts viennent également de l'articulation des aides : il peut être délicat de distinguer ce qui relève de MaPrimeRénov', des certificats d'économie d'énergie, et du prêt à la rénovation énergétique à proprement parler. Cette complexité ne vient pas tant du cumul des aides en lui-même que d'une mauvaise articulation entre elles : les projets de travaux peuvent évoluer en fonction des aides débloquées ou non. Une solution pour assurer un meilleur suivi des réductions des gaz à effet de serre permis par les prêts est ainsi de renforcer l'articulation entre les différentes aides à la rénovation énergétique.

En outre, les banques peuvent être réticentes à prêter aux ménages dont les logements sont catégorisés comme des « passoires thermiques », et qui ont donc le plus besoin d'une rénovation énergétique, de peur que leurs biens immobiliers connaissent une forte dépréciation dans les années à venir, en raison notamment de l'évolution de la réglementation, et que ces ménages se retrouvent défaillants.

3. Réussir le couplage des aides et des prêts

La sécurisation du parcours et du reste à charge des ménages passe par une harmonisation des critères et un couplage des aides et des prêts

a) Le couplage éco-PTZ-MPR

L'éco-PTZ Prime Rénov' est un dispositif prometteur, dont le déploiement doit être poursuivi.

Depuis juillet 2022, une formule couplant l'éco-PTZ avec MaPrimeRénov', appelée « éco-PTZ Prime Rénov' », est proposée par les banques. L'éco-PTZ Prime Rénov' peut être accordé sur la base d'une notification d'accord de MaPrimeRénov' transmise par l'Anah, sans qu'il soit nécessaire de fournir la liste des travaux concernés, les factures et les devis déjà contrôlés par l'Anah pour l'attribution de la prime. La banque pourra alors se focaliser sur l'analyse de la capacité de remboursement du ménage.

Cette formule est encore en cours de déploiement141(*), et il est ainsi trop tôt pour en faire un véritable bilan, mais elle a été décrite à plusieurs reprises comme particulièrement riche de promesses. Il est estimé qu'à la fin février 2023, 105 offres d'éco-PTZ Prime Rénov' ont été émises, pour un montant de 1,05 million d'euros, ce qui est un démarrage plus rapide que le prêt avance rénovation. L'Allemagne par exemple s'est fortement appuyée sur des dispositifs de couplage entre subvention et prêt à taux réduit pour développer sa politique de rénovation énergétique.

Couplage entre prêt et subvention en Allemagne

Dans le cadre du sous-programme BEG-WG (bâtiments résidentiels), sont éligibles à l'aide tous les investisseurs, y compris les particuliers et les entreprises. L'aide consiste en un prêt à taux réduit assorti d'une part subventionnée (voir infra).

La procédure de demande d'une aide au titre du sous-programme BEG-WG s'effectue auprès d'une banque partenaire, qui soumet ensuite la demande à la KfW.

Les demandes de financement doivent être déposées avant le début du projet selon la forme requise par la banque qui servira d'intermédiaire entre le demandeur et la KfW. Dès que le crédit est signé avec le partenaire financier, le demandeur peut conclure des contrats avec les entreprises chargées de la rénovation. À la fin des travaux, le bénéficiaire du financement doit remettre un justificatif attestant que les travaux ont été effectués à son organisme prêteur. La KfW vérifie le justificatif et crédite le bénéficiaire de la subvention qui lui est due.

Pour pouvoir être éligible à un financement, le projet doit être réalisé sur le territoire allemand et les bâtiments ou logements subventionnés doivent être utilisés de façon appropriée (par exemple, il n'est pas possible d'en changer la destination) pendant au moins les dix années suivantes.

Dans le cadre du sous-programme BEG-WG, l'intervention d'un expert en efficacité énergétique est requise lors de la demande de financement ainsi que pour l'accompagnement global du projet. L'expert a notamment pour mission de planifier les travaux avec le demandeur et de veiller à ce que les mesures aboutissent au résultat prévu. À la fin du projet, il quantifie et confirme la conformité aux exigences techniques minimales et les économies d'énergies primaire et finale et de CO2 réalisées grâce à la rénovation.

Source : Division de la législation comparée du Sénat

Elle ne permet pas en tant que telle de se prémunir contre les difficultés rencontrées dans l'obtention de MaPrimeRénov', mais elle permet de considérablement simplifier la démarche de l'éco-PTZ, pour le rendre quasiment automatique après un accord de l'Anah, sous réserve d'une capacité de remboursement suffisante. Rapprocher ainsi la subvention et le financement permet au ménage d'avoir une meilleure visibilité sur ses ressources.

Le montant de l'éco-PTZ Prime Rénov' est de 30 000 euros, ce qui correspond au plafond de l'éco-PTZ hors rénovation performante. Cette limite est cohérente avec la réalité des travaux financés aujourd'hui par MaPrimeRénov', mais elle pourrait être rendue obsolète en cas d'augmentation de la part des rénovations performantes financées par la prime, d'autant que le rehaussement du plafond de l'éco-PTZ a 50 000 euros, suite à une proposition du rapport Sichel, a fait l'objet de retours positifs. En cohérence avec les préconisations retenues pour l'éco-PTZ seul, il est ainsi proposé de rehausser ce plafond.

b) Le couplage MPR-CEE

Les critères techniques des travaux financés par MaPrimeRénov' et les certificats d'économies doivent davantage être harmonisés, pour à terme proposer des formules de couplage entre les deux dispositifs.

Les CEE peuvent réduire de manière significative le reste à charge des ménages. Le deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan de relance relève ainsi qu'en 2021, pour les ménages modestes, le reste à charge passe de 66,6 % avec seulement MaPrimeRénov' à 52,2 % lorsque les CEE sont ajoutés (on passe de 52,5 % de reste à charge à 33,4 % pour les ménages très modestes).

Cependant, les CEE sont loin d'être demandés par l'ensemble des ménages qui bénéficient de MaPrimeRénov', alors que le champ des travaux financés par les CEE est plus large que MaPrimeRénov', et que, d'une manière générale, toutes les opérations finançables via MaPrimeRénov' le sont aussi par les CEE. Ainsi, 530 521 dossiers « MaPrimeRénov' » ont été soldés en 2022, tandis que 41 094 logements ont bénéficié des CEE.

Nombre de dossiers « MaPrimeRénov' » soldés
et nombre de bénéficiaires des certificats d'économie d'énergie

 

2020

2021

2022

MaPrimeRénov' (nombre
de dossiers soldés)

52 964

366 369

530 521

Nombre
de bénéficiaires des CEE (nombre de logements)

25 100

34 411

41 094

Source : Commission d'enquête, d'après les données de l'Anah

Il n'est pas question de fusionner les deux aides, car elles reposent sur des logiques différentes : le programme « MaPrimeRénov' » est une aide de l'État, tandis que les CEE sont issus de contributions obligatoires par les entreprises de l'énergie. Il n'en reste pas moins que l'articulation entre les CEE et MaPrimeRénov' peut être améliorée. Le ministre du logement, Olivier Klein, reconnaissait ainsi que : « nous avons des marges de progrès importantes pour améliorer leur articulation, rapprocher les critères d'éligibilité, faciliter leur compréhension et leur mobilisation par les ménages. », et il précise également que : « le Gouvernement étudie, par exemple, la manière dont on peut rapprocher les critères d'éligibilité entre les différentes aides à la rénovation énergétique : MaPrimeRénov', certificats d'économie d'énergie (CEE) 142(*) ».

Les enjeux du rapprochement entre MaPrimeRénov' et les CEE se situent moins au niveau des critères d'éligibilité relatifs au statut des ménages (revenus, etc.) et davantage à celui des exigences relatives à la nature des travaux, qui sont souvent distincts entre les deux dispositifs. À titre d'exemple, l'encadré suivant présente les critères techniques requis pour bénéficier de MaPrimeRénov' et des CEE pour l'installation d'une chaudière fonctionnant au bois. On peut notamment constater que les seuils relatifs à l'efficacité énergétique saisonnière, ou aux émissions de monoxyde de carbone, sont distincts selon les dispositifs.

Comparaison de certaines des conditions techniques pour bénéficier
d'une subvention à l'installation d'une chaudière fonctionnant au bois

 

MaPrimeRénov'

Certificats d'économie d'énergie

Efficacité énergétique saisonnière

Supérieure à 77 % pour les chaudières = 20 kW,
et supérieure à 78 % pour les chaudières > 20 kW

Supérieure à 80 % pour le chauffage aux granulés,
et supérieure à 66 %
pour le chauffage au bois
sous une autre forme

Puissance thermique

Inférieure à 300 kW

Critère non mentionné

Émissions de particules

Inférieures à 40 mg/Nm3 pour les chaudières manuelles et inférieures
à 30 mg/Nm3 pour les chaudières automatiques

Inférieures ou égales
à 20 mg/Nm3 pour
le chauffage aux granulés, et supérieure
à 40 mgC/Nm3
pour le chauffage au bois sous une autre forme

Émissions de monoxyde de carbone

Inférieures
à 600 mg/Nm3 pour les chaudières manuelles
et inférieures
à 400 mg/Nm3 pour les chaudières automatiques

Inférieures ou égales
à 300 mg/Nm3 pour
les chaudières à granulés, et à 1500 mg/Nm3
pour le chauffage au bois sous une autre forme

Source : guide des aides financières 2023 de l'Agence nationale de l'habitat
pour MaPrimeRénov', et la fiche pour l'opération n° BAR-TH-112 pour les certificats d'économie d'énergie

S'il est bien évidemment nécessaire que les installations répondent à des normes de qualité, il est difficilement concevable que l'ensemble des distinctions de critères entre MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie, qui sont d'ailleurs parfois de faible ampleur, soient absolument requises. Dès lors, la commission propose de travailler au rapprochement de ces critères entre MaPrimeRénov' et les CEE, pour les opérations qui sont financées par les deux dispositifs. Cela concerne notamment les chaudières gaz haute performance, les installations de chauffage au bois, les pompes à chaleur air-eau, les VMC double flux et l'isolation des murs et de la toiture.

De plus, il existe un flottement entre MaPrimeRénov' et les CEE concernant les termes employés pour désigner les rénovations performantes. Le rapport de l'Ademe sur le financement de la politique de rénovation énergétique relève ainsi que : « Plusieurs mécanismes financiers, créés avant la validation de la définition réglementaire de la rénovation performante et de la rénovation globale, utilisent ces termes (MPR rénovation globale, coup de pouce CEE rénovation performante) alors qu'ils ne financent pas, en réalité, des rénovations performantes au sens réglementaire du terme (rénovation permettant d'atteindre la classe énergétique A ou B, avec une dérogation à C pour les passoires énergétiques)143(*). » Il convient en effet de distinguer les rénovations qui visent à l'atteinte d'un haut niveau de performance, absolue, et celles qui visent à un gain d'énergie par rapport à une situation donnée.

L'harmonisation des critères techniques, des « bonus » et programmes doit permettre à terme de proposer des formules de couplage entre les CEE et MaPrimeRénov'. Ce couplage peut prendre pour modèle celui qui est mis en oeuvre pour MaPrimeRénov' et l'éco-PTZ : il ne s'agit pas de tout ramener en une aide unique (ce qui serait impossible dans le cas des CEE et de MaPrimeRénov'), mais que le ménage puisse avoir l'assurance que le déblocage d'une aide permette également celle de l'autre. Dit autrement, un ménage qui sait qu'il est éligible à MaPrimeRénov' devra pouvoir savoir rapidement qu'il l'est aussi pour les CEE pour des opérations comparables, ce qui permettra d'engager les travaux avec une meilleure visibilité sur les aides apportées.

Le couplage entre les offres pourrait ainsi être l'un des rôles de l'Accompagnateur Rénov'. Dans la mesure où il est impossible d'harmoniser entièrement les critères des CEE et de MaPrimeRénov', le rôle de l'accompagnement restera primordial.

Proposition n° 14 : Coupler les aides et les prêts et assurer leur transparence pour les demandeurs.

Rehausser le plafond de l'éco-PTZ Prime Rénov' à 40 000 euros à partir de deux gestes hors rénovation performante, et à 70 000 euros pour les rénovations performantes.

Harmoniser la terminologie et les critères techniques pour les mêmes opérations pour MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie afin d'en permettre le couplage.

Rendre transparentes ces opérations techniques pour les demandeurs grâce à l'action des guichets France Rénov' et des Accompagnateurs Rénov'.

c) Évaluer la coordination du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux d'amélioration énergétique avec les aides existantes

Le taux réduit de TVA (5,5 %) pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des habitations est l'une des principales dépenses fiscales à but environnemental. Son coût était de 1,76 milliard d'euros en 2022, et son champ est plus large que MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie144(*).

Toutefois, son efficacité a fait l'objet de controverses. L'Inspection générale des finances et le Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans un rapport conjoint d'avril 2017, ont fait le constat que « la TVA à taux réduit ne permet pas de cibler les dépenses efficaces et constitue un signal trop faible pour susciter une véritable dynamique de travaux de rénovation énergétique145(*). » L'une des raisons de cette faiblesse du signal-prix tient dans l'existence d'un taux à 10 % sur les autres travaux d'entretien.

Plus récemment, le rapport particulier n° 5, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) face aux défis socioéconomiques, publié sur le site du Conseil des prélèvements obligatoires, indique que « ce taux réduit de TVA, qui représente une dépense fiscale de près de 2 milliards d'euros, n'a fait l'objet d'aucune évaluation étayée jusqu'à présent146(*) ». Le rapport souligne toutefois une complémentarité possible avec les aides à la rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov'. Il recommande ainsi de « conduire une évaluation du taux de TVA sur les travaux de rénovation énergétique, incluant une analyse de sa complémentarité avec les dispositifs institués depuis sa création, en particulier Ma Prime Rénov'147(*) ».

Face à ces incertitudes, et aux risques que pourrait faire peser sur l'activité des artisans un relèvement du taux de la taxe, la commission d'enquête ne recommande pas la fin du taux à 5,5 % sur les travaux de rénovation énergétique. En revanche, les doutes sur l'efficacité de la taxe, conjugués à ses enjeux budgétaires sont suffisants pour justifier une évaluation complète de cette dépense fiscale.

Il pourrait à terme être envisagé de rapprocher son champ de celui des travaux financés par les aides publiques à la rénovation énergétique, comme MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie. Ce rapprochement entre le taux réduit et les aides publiques à la rénovation énergétique pourrait avoir pour effet de créer un « appel d'air » vers les travaux les plus efficaces, que ce soit en termes de réduction de la consommation d'énergie ou des émissions de gaz à effet de serre. Le rapprochement du champ de la TVA à 5,5 % avec celui des aides à la rénovation énergétique, et en particulier de MaPrimeRénov', représenterait également une incitation forte pour les professionnels à obtenir le label RGE.

Proposition n° 15 : Mener une évaluation de l'efficacité du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique, dans l'objectif d'assurer une meilleure coordination entre cette dépense fiscale et les aides publiques à la rénovation énergétique.

4. Débloquer la rénovation des copropriétés

La rénovation des copropriétés bloque en raison de problèmes de mode de décision et de financement qui sont aggravés par les intérêts divergents des copropriétaires.

a) Rendre opposable le DPE collectif pour rendre les copropriétaires solidaires

Pour rendre les copropriétaires solidaires et faciliter les prises de décision, il semble pertinent de recourir à des DPE collectifs appelés aussi DPE immeuble dans les logements collectifs, surtout pour les copropriétés, sachant que le dispositif existe déjà148(*) et que le parc social y a d'ailleurs très souvent recours. Il était notamment obligatoire lorsque l'immeuble était doté d'un système de chauffage ou de refroidissement collectif. L'article 158 de la loi Climat et résilience a généralisé le dispositif. Les bâtiments en copropriété dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 doivent faire l'objet d'un DPE collectif selon le calendrier suivant : au 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots, au 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots et au 1er janvier 2026 pour les copropriétés d'au maximum 50 lots.

Cependant, depuis deux ans, seul le DPE réalisé au niveau de chaque logement (dit DPE individuel) qui détermine l'étiquette du logement est opposable. Les DPE collectifs restent obligatoires mais leur intérêt est désormais réduit puisqu'ils n'emportent guère de conséquence juridique, à la différence des DPE individuels. Pourtant, le DPE collectif, en complément plutôt qu'en remplacement des DPE individuels, permet d'améliorer la connaissance globale d'un bâtiment et de faciliter les décisions collectives de rénovation dans les copropriétés.

Et surtout, le recours à ces DPE collectifs devrait permettre de rendre les copropriétaires solidaires et donc plus cohérents avec les décisions des copropriétés l'application de l'interdiction de louer des passoires thermiques dans les logements collectifs, limitant l'impact de la loi Climat et résilience sur ce strict aspect.

Cependant l'usage des DPE immeuble serait équilibré par la conservation du recours à des DPE individuels pour l'information du futur locataire ou du futur propriétaire, qui resteraient opposables hors immeubles collectifs (les locataires continueraient ainsi d'être protégés). Cette coexistence vertueuse des deux dispositifs a notamment été évoquée lors de la table ronde de la commission consacrée aux acteurs de l'immobilier et lors de son audition, le ministre du Logement, Olivier Klein, a admis que ce sujet devait faire l'objet de discussion avec la profession.

b) Faciliter les prises de décision

L'une des spécificités des copropriétés est que les décisions sont soumises à des règles de majorité. Des copropriétaires qui ne souhaitent pas engager les travaux peuvent conduire à des blocages, et inversement, certains copropriétaires peuvent être conduits à financer des travaux qui risquent de les placer dans une situation de précarité financière. Ces blocages sont particulièrement prononcés lorsqu'il s'agit de contracter un prêt pour financer des travaux de rénovation.

Il existe à l'heure actuelle deux formes de « prêt collectif » pour la rénovation énergétique. Le premier est un prêt collectif consenti au syndicat de copropriétaires. Il requiert normalement un vote à l'unanimité lors de l'assemblée générale, et le syndic organise le prélèvement de la contribution des copropriétaires adhérents pour rembourser le prêt. Le vote à l'unanimité n'est toutefois pas requis lorsque l'emprunt sert à préfinancer des subventions publiques, comme MaPrimeRénov' Copropriétés.

L'article L. 26-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, issu de l'ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, dispose ainsi que : « l'assemblée générale ne peut, sauf à l'unanimité des voix des copropriétaires, décider la souscription d'un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires pour le financement soit de travaux régulièrement votés concernant les parties communes ou de travaux d'intérêt collectif sur parties privatives régulièrement votés, soit des actes d'acquisition conformes à l'objet du syndicat et régulièrement votés » tout en précisant que : « Par dérogation au premier alinéa, l'assemblée générale peut également, à la même majorité que celle nécessaire au vote des travaux concernant les parties communes ou de travaux d'intérêt collectif sur parties privatives, voter la souscription d'un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires lorsque cet emprunt a pour unique objectif le préfinancement de subventions publiques accordées au syndicat pour la réalisation des travaux votés. »

La deuxième forme de prêt collectif est à adhésion individuelle. Il ne nécessite pas un vote à l'unanimité, mais un vote à majorité du même type que celui pour engager les travaux. Cependant le montage financier est plus complexe, car il implique d'organiser un prélèvement individuel des copropriétaires adhérents. Cette complexité explique que les représentants de la Banque postale aient affirmé lors de leur audition que « ce n'est pas la piste que nous privilégions149(*). »

Cette forme de prêt est également prévue par l'article L. 26-4 de la loi précitée : « Par dérogation au premier alinéa, l'assemblée générale peut, à la même majorité que celle nécessaire au vote soit des travaux concernant les parties communes ou de travaux d'intérêt collectif sur parties privatives, soit des actes d'acquisition conformes à l'objet du syndicat, voter la souscription d'un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires au bénéfice des seuls copropriétaires décidant d'y participer. »

L'enjeu le plus important est ainsi celui des règles de décision lors de l'assemblée générale.

Le vote à l'unanimité est fortement limitant pour l'engagement de travaux de rénovation énergétiques, au point que Gilles Frémont, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriétés déclarait devant la commission d'enquête qu'« il est en effet impossible d'obtenir l'unanimité dans une copropriété150(*). » La commission d'enquête partage ce constat, et reprend ainsi la recommandation formulée par Gilles Frémont : « L'idée est donc de mettre en place un vrai prêt collectif, que l'on ferait voter non plus à l'unanimité, mais selon les mêmes règles de majorité que celles qui valent pour le vote des travaux »151(*). Si le passage à une majorité simple risque d'être trop attentatoire aux droits des copropriétaires, en revanche le vote à majorité absolue, conjugué à la possibilité de passerelle à un vote à une majorité simple si au moins un tiers de tous les copropriétaires a voté pour, représente un équilibre satisfaisant.

Concernant la seconde procédure, celle de l'adhésion individuelle, qui ne requiert qu'une majorité des copropriétaires, Karine Olivier, directrice du pôle service aux particuliers du groupe Nexity, a ainsi plaidé devant la commission d'enquête, lors de la table ronde organisée sur les copropriétés, pour « une extension de la majorité simple, c'est-à-dire la majorité des présents et des représentés152(*) », selon la procédure de l'article 24 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. En effet, la grande majorité des travaux requiert une majorité absolue, et non pas une majorité simple (une passerelle reste toutefois possible), ce qui suppose que le prêt soit voté également selon cette règle de majorité. Or, dans la mesure où le prêt n'engage que ceux qui y adhèrent, l'élargissement du vote à majorité simple se justifie. De plus, il est envisageable de limiter les possibilités de recours des copropriétaires n'ayant pas participé à l'assemblée générale contre les décisions prises selon cette procédure, au motif à nouveau qu'il s'agit d'un prêt à adhésion individuelle.

c) L'éco-PTZ Copropriété doit sortir de la confidentialité

L'éco-PTZ Copropriété est le dispositif d'emprunt à la rénovation énergétique pour les copropriétés le mieux identifié. Ses caractéristiques sont similaires à celui de l'éco-PTZ classique : le prêt peut être de 30 000 euros par logement pour un bouquet de trois travaux ou plus, et il peut atteindre 50 000 euros pour des travaux de rénovation performante. La durée de l'éco-PTZ Copropriété est de 20 ans pour les travaux de rénovation performante, et de 15 ans pour les autres formes de travaux. Ce prêt peut être cumulé avec un éco-PTZ à titre individuel, et dans ce cas-là, la somme du montant de l'éco-PTZ individuel et de la participation de l'emprunteur au prêt de la copropriété ne peut excéder 30 000 euros.

L'éco-PTZ Copropriété est, tout comme l'éco-PTZ classique, prévu à l'article 244 quater U du code général des impôts.

Toutefois, à l'heure actuelle, seules Domofinance et la Caisse d'Épargne Île-de-France distribuent cette forme d'éco-PTZ. Si le produit reste encore en plein développement, Sophie Olivier, directrice des marchés et des études à la Confédération nationale du Crédit Mutuel, avait expliqué devant la commission d'enquête que des réflexions et des expérimentations étaient en cours pour le mettre en place, mais qu'il soulevait dans le même temps des inquiétudes pour les raisons suivantes :

- le délai d'instruction est élevé, pouvant aller jusqu'à 18 mois, ce qui rend difficile tout engagement, en particulier dans un contexte de variabilité importante des taux intérêts ;

- les règles de prise de décision ne sont pas adaptées aux procédures de rénovation énergétique ;

- le produit n'est pas éligible à l'hypothèque, ce qui rend obligatoire le recours à un organisme de cautionnement. Or, d'après les indications qui ont été données à la Commission d'enquête en audition, « la plupart des sociétés de caution le refusent ». De plus, contrairement à l'éco-PTZ individuel, la garantie de l'État ne peut pas être accordée pour l'éco-PTZ copropriété.

d) Une application inadaptée du taux d'usure

De plus, cet éco-PTZ est généralement accompagné d'un prêt complémentaire, qui est accordé au niveau de la copropriété. Or, le taux d'usure applicable à ce prêt complémentaire est inadapté. Selon Sophie Olivier, directrice des marchés et des études à la Confédération nationale du Crédit Mutuel : « Dans la très grande majorité des cas, il faudra un prêt complémentaire supérieur à 75 000 euros et qui sera donc soumis au taux de l'usure des prêts immobiliers. Ce taux est aujourd'hui de 3,79 % pour les prêts de vingt ans, ce qui ne nous permet pas de maintenir nos offres compte tenu de la montée des taux153(*). »

Sur ce dernier point, Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier, a tenu un discours similaire lors de la table ronde organisée au sujet des copropriétés : « Le seuil du taux d'usure entre les prêts à la consommation et les prêts immobiliers est atteint si le cumul de l'ensemble des prêts souscrits par le syndicat des copropriétaires excède la somme de 75 000 euros. Dès lors, l'emprunt est assimilé à un prêt immobilier, qui est lui-même divisé en prêts individuels, peu incitatifs pour les banques154(*). »

Dans un premier temps, il pourrait être ainsi appliqué à ce prêt le taux d'usure accordé aux prêts à la consommation ainsi qu'aux prêts inférieurs à 75 000 euros, qui est de 6,55 % au 1er juin 2023. La nature ponctuelle des travaux de rénovation énergétique justifie une telle dérogation.

e) Expérimenter le tiers financement

En ce qui concerne les difficultés de cautionnement et de garantie, il est utile de se pencher sur le tiers financement. Le tiers financement désigne le mécanisme par lequel des propriétaires confient le financement et la mise en oeuvre de travaux de rénovation énergétique à un tiers, qui se rapprochent des « opérateurs ensembliers » évoqués par France Stratégie155(*).

Si des modèles de tiers financements viables restent encore à être déterminés pour les logements individuels, car comme l'a souligné Olivier Sichel, le prix de l'énergie n'étant pas fixe, il n'est jamais garanti que les économies d'énergie puissent financer les travaux, en revanche le tiers financement est une option intéressante pour les copropriétés. En effet, le volume des travaux requis étant plus important dans une copropriété que pour un logement, il est plus simple de lisser les gains énergétiques, et ainsi d'en tirer un bénéfice.

Ces sociétés de tiers financement ont également l'avantage d'être un interlocuteur unique pour les copropriétés, comme l'a souligné Vincent Aussilloux, directeur du département Économie et finances de France Stratégie, lorsqu'il évoquait les « opérateurs ensembliers » : « une entreprise qui assurerait à la fois la conception des travaux, la maîtrise d'oeuvre, en pilotant les sous-traitants, et le financement du projet156(*) ».

Vincent Aussilloux avait par ailleurs indiqué qu'un appel à projets allait être lancé à ce sujet, dans le cadre du programme d'investissement de France 2030. Il conviendra de s'assurer que les expérimentations se concentrent sur la problématique des copropriétés, où les modèles de financement traditionnels rencontrent des difficultés, et où la viabilité économique du tiers financement est davantage prometteuse.

Proposition n° 16 : Débloquer la rénovation des copropriétés

Rendre le DPE collectif opposable pour l'application de l'interdiction de louer des passoires thermiques dans les copropriétés dans le même calendrier qu'aujourd'hui tout en conservant l'information du DPE individuel pour le futur locataire ou futur propriétaire.

Volet droit des copropriétés
 : modifier les règles de vote en assemblée générale de copropriété pour les travaux énergétiques de la manière suivante :
- pour la procédure de l'emprunt collectif consenti au syndicat de copropriétaires, passer de la règle de l'unanimité à celle de la majorité absolue avec possibilité de passerelle vers la majorité simple ;
- étendre le champ de la règle de vote à la majorité simple pour les emprunts à adhésion individuelle.

Volet financement :
- simplifier l'accès à l'éco-PTZ Copropriété ;
- appliquer de manière dérogatoire le taux d'usure accordé aux prêts à la consommation ainsi qu'aux prêts inférieurs à 75 000 euros aux emprunts collectifs pour les travaux de rénovation énergétique ;
- expérimenter et développer des solutions de tiers financements pour les travaux de rénovation énergétique des copropriétés.

5. Le parc social a besoin de fonds pour accélérer

Le parc social a la volonté et la capacité technique de réaliser la rénovation énergétique de ses logements et même d'accélérer mais il manque d'un accompagnement financier adéquat.

a) Un besoin financier de l'ordre de 9 milliards d'euros

Les besoins financiers pour la rénovation du parc social sont, d'après les estimations de l'Union sociale de l'habitat (USH), de l'ordre de 9 milliards d'euros annuels, pour un rythme de 150 000 logements à réhabiliter par an en moyenne. Ce besoin de financement représente le double par rapport à la situation actuelle157(*). La hausse des taux du livret A ces derniers mois a par ailleurs conduit à « une forte dégradation des capacités d'autofinancement du secteur158(*) ». Le passage d'un taux de 0,5 % à 3 % représente un surcoût de 3,75 milliards d'euros au regard d'un encours de dette de 150 milliards. La hausse prévisible du taux du livret A à 4 % ou plus en août devrait conduire à une nouvelle charge de 1  à 1,5 milliard d'euros.

Parallèlement, les bailleurs sociaux sont toujours sous le coût des ponctions décidées fin 2017 à travers ce qu'on appelle la « réduction de loyer de solidarité » et la réduction de certains avantages fiscaux, notamment le taux de TVA sur les travaux. L'ensemble pèse environ 1,3 milliard d'euros dans leurs comptes.

Le SGPE a présenté une simulation pour atteindre la cible 2030 de réduction des émissions à la fois plus ambitieuse et moins coûteuse. Il envisage en effet que soit possible d'atteindre un rythme de plus de 300 000 rénovations tout en en limitant le coût entre 7 et 8 milliards d'euros. Ce différentiel avec l'USH s'explique par la typologie des rénovations prises en compte et notamment la nécessité pour les bailleurs de ne pas faire que des rénovations énergétiques mais aussi d'améliorer l'habitat des locataires. Par ailleurs même si le parc social est moins énergivore que le parc privé, il a le handicap d'être chauffé à 60 % au gaz.

Pour l'instant, le Gouvernement souhaite essentiellement proposer des solutions d'endettement sans prendre en considération le besoin de fonds propres des organismes HLM.

Or, outre la RLS, l'État s'est désengagé du Fonds national des aides à la pierre, le FNAP. En 2023, il a permis la mobilisation de 200 millions de reliquats au profit de la rénovation énergétique mais il avait parallèlement maintenu la contribution contrainte d'Action Logement à hauteur de 300 millions. Dès 2024, cette contribution diminuera de moitié puis disparaîtra selon les termes de la convention quinquennale qui a été signée le 16 juin 2023 avec l'État. Selon les règles de contribution au FNAP, ce sont les bailleurs qui devraient apporter la différence.

Dès lors, le FNAP et la rénovation énergétique du parc social sont dans une véritable impasse budgétaire sans retour d'un financement de l'État à hauteur des enjeux.

L'USH chiffre le besoin de subvention complémentaire entre 5,2 et 3,5 milliards d'euros par an en fonction de l'évolution des conditions économiques générale et de la reconstitution des fonds propres des bailleurs.

S'il semble difficile dans le contexte budgétaire actuel d'atteindre rapidement de tels montants, le Gouvernement ne peut prétendre atteindre les objectifs de décarbonation et de rénovation qu'il a fixés sans en donner les moyens aux bailleurs sociaux.

La commission estime donc qu'un abondement de l'ordre de 1,5 milliard d'euros est indispensable dès 2024 pour compenser la perte de fonds propres des bailleurs.

Ce montant devra ensuite être abondé dans la loi de programmation déjà évoquée au regard de la trajectoire arrêtée pour 2030 et 2050.

Il sera en outre nécessaire d'inclure la rénovation des hébergements d'urgence et des locaux d'accueil gérés par les associations pour lutter contre le mal-logement qui ne sont actuellement pas pris en compte dans les aides.

La situation spécifique du parc social outre-mer

Le parc social en outre-mer, et d'un point de vue énergétique, les constructions dans les Drom doivent respecter une réglementation thermique, acoustique et en matière d'aération. Elles doivent donc disposer, par exemple, d'une eau chaude dans tous les logements neufs, sauf dans certaines communes de Guyane et de Mayotte, recourir à l'énergie solaire pour satisfaire au moins 50 % des besoins en eau chaude sanitaire pour toutes les installations de production, réduire les dépenses énergétiques des bâtiments et améliorer le confort hygrothermique des habitants, améliorer la qualité de l'air, optimiser le confort acoustique des logements, réduire la consommation d'énergie des bâtiments, avec des enjeux prioritaires au niveau de la transition écologique.

Des travaux de concertation ont été lancés avec les acteurs de la filière. L'application de la future réglementation thermique, acoustique et aération (RTAADOM) se concentrera dans un premier temps sur l'habitation. Pour le moment, l'objectif est de définir uniquement des obligations de résultat sur la partie thermique, et cela via un indice de confort thermique de référence sur la base de simulations. C'est cet outil thermique qui est développé en ce moment par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui a été inspiré par des outils existants. Il est en cours de test.

Pour rappel, la version actuelle du RTAADOM repose sur des critères de moyens. La loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance ambitionne de modifier le code de la construction et de l'habitation (CCH) en intégrant la notion d'obligation de résultat via la mise en place d'indicateurs de performance adaptés.

b) La seconde vie des HLM, une solution pour l'instant d'ampleur limitée

La « seconde vie » représente également une solution intéressante pour financer la rénovation énergétique du parc social. Emmanuelle Cosse, lors de son audition, a décrit ce procédé dans ces termes : « il s'agit, en s'inspirant des pratiques utilisées dans l'immobilier de bureau, de « désosser » les structures existantes et en ne conservant que les éléments porteurs, tout le reste ayant vocation à être refait à neuf, y compris les planchers, en limitant les émissions de carbone159(*). » Dit autrement, la seconde représente un intermédiaire entre la rénovation et la reconstruction : elle permet d'atteindre un haut niveau de performance, sans nécessiter une démolition des bâtiments, qui est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre. En maintenant les éléments porteurs, elle permet aussi, dans certains cas, une meilleure préservation du patrimoine architectural. Olivier Sichel indiquait ainsi dans son audition : « Donner une seconde vie au bâtiment permet de construire des logements sans artificialiser. C'est une idée très prometteuse160(*). »

Emmanuelle Cosse, sur la seconde vie, audition de l'USH

« Notre idée, aujourd'hui, consiste à vider une partie de notre patrimoine, à le rénover, à changer sa composition en substituant des surfaces plus petites aux anciens T5 et à lui assurer une nouvelle vie, pour 50 à 100 ans, le tout en évitant les inconvénients de la démolition très émissive en COet en déchets. Je précise que cette seconde vie ne permet de réhabiliter qu'une petite partie de notre patrimoine, à savoir principalement le parc collectif qui date essentiellement des années 1950 à 1980 ou le parc ancien parisien. Ce nouvel outil va nous permettre de proposer une offre de bâtiments quasiment neufs mais il ne va pas satisfaire l'ensemble des besoins. Nous avons lancé une expérimentation pour évaluer les coûts des travaux de seconde vie, leur faisabilité en fonction de l'année de construction des bâtiments et le niveau de performance de ce patrimoine une fois réhabilité. Je signale que si on n'a pas de visibilité sur les moyens qui seront alloués au secteur HLM pour financer ces travaux, nous nous limiterons à sortir les logements de l'indécence. Par exemple, on amènerait des logements en classe D mais pas en C faute de pouvoir disposer de 10 000 euros supplémentaires par logement et vous pourrez estimer à juste titre qu'il est absurde de limiter cette performance énergétique pour une somme aussi modeste. »

Source : Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 8 mars 2023

Mettre en place un programme de « seconde vie » des logements requiert toutefois des investissements plus importants qu'une rénovation énergétique « simple ». Pour cette raison, l'USH a recommandé en audition d'adapter les financements à cette pratique : la durée des prêts doit être allongée, alors que la durée moyenne des prêts consacrés à la rénovation énergétique (25 ans) est insuffisante pour financer les travaux de « seconde vie », et de nouveaux taux préférentiels pourraient être mis en place pour ce type de travaux.

À l'occasion de la conclusion des travaux du Conseil national de la refondation sur le logement, le 5 juin, puis de nouvelles annonces, le 12 juin, la Première ministre a validé le dispositif seconde vie et a surtout débloqué la réouverture des avantages fiscaux attachés à la construction neuve HLM tels que l'exonération de taxe foncière sur le patrimoine bâti. Mais elle a dans le même temps limité l'ambition de ce dispositif à 10 000 logements par an, bien loin de l'objectif global de rénovation.

c) Débloquer des prêts spécifiques pour le parc social, l'exemple de l'éco-PLS

L'Éco-prêt logement social (Éco-PLS) est distribué par la Banque des Territoires, et il permet de financer les travaux de réhabilitation des logements de classe D à G, à condition qu'ils permettent un gain de 40 % de consommation d'énergie. Son montant est de 6 500 à 33 000 euros par logement, et il existe plusieurs bonifications, comme une majoration de 2 000 euros par logement si les travaux réalisés permettent de justifier d'un label réglementaire de performance énergétique, ou une majoration de 3 000 euros par logement en cas de présence d'amiante.

L'Éco-PLS a évolué à plusieurs reprises depuis sa mise en place en 2009, et la dernière convention applicable a été signée le 12 avril 2023. De plus, un protocole a été signé le 10 mars 2021, qui permet de majorer le prêt pour les projets à énergie neutre garantie, ainsi que pour les lauréats de l'appel à projets « MassiRénov ».

La convention sur la mise en oeuvre de « l'éco-prêt logement social »
pour l'amélioration de la performance énergétique
des logements sociaux du 12 avril 2023

La nouvelle convention a vocation à s'appliquer de sa signature jusqu'au 31 décembre 2027. Son montant est fixé à 6 milliards d'euros sur cette période. Le prêt est consenti par la Caisse des dépôts et consignations aux taux suivants :

- taux du livre A diminué de 75 points de base pour une durée inférieure ou égale à 15 ans ;

- taux du livre A diminué de 45 points de base pour une durée supérieure à 15 ans et inférieure à 20 ans ;

- taux du livre A diminué de 25 points de base pour une durée supérieure à 20 ans et inférieure à 30 ans.

Son montant est relatif au gain estimé en consommation d'énergie lié aux travaux réalisés, selon le tableau suivant : le montant du prêt par logement de 6 500 euros pour des gains d'énergie primaire estimés entre 80 et 109 kWh/m²/an, et il peut monter jusqu'à 33 000 euros par logement si les gains sont supérieurs à 390 kWh/m²/an.

Selon le rapport de l'Ademe sur le financement de la rénovation énergétique, « en 2018, 40 % des bailleurs sociaux ont eu recours à l'Éco-PLS pour financer de la rénovation énergétique161(*) », ce qui souligne l'intérêt porté au dispositif. L'éco-PLS est un dispositif qui semble ainsi faire ses preuves. Toutefois son plafond, qui est de 33 000 euros par logement, semble limité au regard des besoins en rénovation performante. La commission d'enquête a ainsi pu visiter en Isère, à L'Isle-d'Abeau, une rénovation HLM menée par Action Logement, d'un coût de plus de 60 000 euros par logement. Par la suite, Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat, a confirmé lors de son audition que : « le coût de 60 000 euros par logement pour permettre un gain de deux classes énergétiques est, d'après nos données, une moyenne162(*) ». Dans la lignée des recommandations pour l'éco-PTZ, il peut être envisagé un relèvement du plafond de l'éco-PLS pour ce type de rénovation.

De plus, le taux de l'éco-PLS est directement dépendant du taux du livret A, et l'augmentation récente de celui-ci a pour conséquence d'augmenter les difficultés de financement du parc. Pour améliorer la visibilité du financement du secteur, une solution consisterait à dé-corréler temporairement le taux de l'éco-PLS de celui du livret A. Cette proposition rejoint celle que formulait l'Ademe dans son rapport sur le financement de la rénovation énergétique : « favoriser les prêts à taux fixes vis-à-vis des taux variables. La plupart des prêts sont à taux dépendant du taux du livret A, des prêts à taux fixes permettraient d'améliorer la visibilité des organismes sur l'équilibre économique de leurs opérations de rénovation sur le long terme163(*) ».

Il faut remarquer que ces recommandations risquent de se heurter aux plafonds de limitation des taux d'endettement globaux des bailleurs sociaux. En cohérence, la commission d'enquête reprend une autre recommandation du rapport de l'Ademe, qui consiste à faire évoluer ces plafonds en fonction des objectifs réglementaires de rénovation164(*).

Proposition n° 17 :  Financer la rénovation du parc social.

- Redonner 1,5 milliard de fonds propres aux bailleurs en allégeant la RLS ou par un retour de l'État au financement du FNAP dès 2024.

- Garantir une trajectoire de financement cohérente avec les objectifs 2030 et 2050 dans le cadre d'une loi de programmation.

- Assurer le financement des travaux de « seconde vie » des logements sociaux.

- Englober la rénovation des locaux destinés à l'hébergement d'urgence et gérés par des associations.

- Rehausser le plafond de l'éco-PLS et décorréler sont taux du Livret A.

- Faire évoluer les plafonds d'endettement des bailleurs sociaux en fonction des objectifs réglementaires de rénovation.

D. UNE FILIÈRE INDUSTRIELLE À STRUCTURER

L'augmentation du nombre de rénovations nécessaires pour atteindre nos objectifs de décarbonation et d'efficacité énergétique des bâtiments impose une structuration de la filière industrielle afin de répondre à une demande croissante.

La formation des professionnels et accompagnateurs de la rénovation, la consolidation d'une filière de production de matériaux et d'équipements souveraine et l'accompagnement des innovations sont trois éléments clés à prendre en compte afin de permettre au secteur de la rénovation d'être en capacité de répondre à l'afflux escompté de demandes.

1. Former les (futurs) professionnels à la rénovation énergétique

La formation initiale et continue des professionnels de la rénovation est cruciale afin d'assurer une offre suffisante d'opérateurs de la rénovation pour répondre à la hausse croissante du nombre de rénovations énergétiques. Selon l'Union française de l'électricité (UFE), la programmation pluriannuelle de l'énergie s'accompagnera de la création de 80 000 à 100 000 nouveaux emplois d'ici 2023 : la formation de ces nouveaux professionnels est primordiale et nécessite d'élargir les filières de formation afin d'éviter un « goulet d'étranglement » résultant d'une pénurie de professionnels compétents.

Le secrétaire général à la planification écologique Antoine Pellion, entendu par la commission d'enquête, a annoncé lors de son audition qu'il estimait nécessaire de former 200 000 professionnels pour les métiers de la rénovation afin de faire face à la hausse de la demande : il s'agira pour le secteur du bâtiment de former des jeunes aux métiers de la rénovation mais également de réorienter des artisans, techniciens ou ouvriers aujourd'hui en poste dans le secteur de la construction vers des activités plus adaptées à la rénovation énergétique des logements.

L'enjeu de la formation repose en effet sur deux axes : la formation initiale des futurs artisans, ouvriers, techniciens du bâtiment et la formation continue des professionnels en activité aux enjeux transversaux et sectoriels de la rénovation.

Tout d'abord, il s'agit d'effectuer une montée en charge des formations continues disponibles, afin d'adapter les professions existantes aux exigences de la rénovation et des enjeux du réchauffement climatique, notamment la prise en compte du confort d'été.

La présidente de l'Union française de l'électricité, Christine Goubet-Milhaut, a insisté devant la commission d'enquête sur la nécessité d'assurer la familiarisation des professionnels du bâtiment avec les nouvelles technologies développées, notamment les nouveaux équipements bas carbone. L'utilisation de produits géo et biosourcés doit également être intégrée aux formations dispensées par les organismes, sans faire l'objet de formations distinctes afin de massifier le recours à ces matériaux produits localement et à faible impact environnemental (voir infra), à l'instar des formations dispensées aux architectes.

Deuxième point d'attention soulevé par la présidente de l'UFE, la numérisation et la domotisation croissante des logements imposent d'adapter les formations existantes, tant du point de vue de l'installation de ces technologies que de leur maintenance a posteriori. Cette numérisation qui dépasse le spectre de la rénovation pour rejoindre le champ de l'accessibilité des logements et de leur adaptation au vieillissement de la population engage les professionnels à être familiers de ces nouvelles technologies afin de garantir une installation et un suivi optimal, adapté aux logements et aux usagers.

Certains secteurs se sont déjà saisis de ces enjeux de formation et prévoient de former de futurs professionnels aux activités de construction et de rénovation. L'Afpac entend ainsi créer 20 000 emplois dans les 10 ans à venir, dont 2 000 dans les métiers de l'industrie, 3 000 dans les métiers de la distribution, 5 000 dans les métiers de l'installation et 10 000 dans les métiers de la maintenance des systèmes. Pour les représentants de la filière, l'écosystème de formation pour les chauffagistes est aujourd'hui apte à accueillir ces futurs professionnels, tant du point de vue de la formation initiale que de la formation continue, notamment les formations apportant la qualification RGE. La filière de l'isolation est également confiante, le directeur du Mur Manteau ayant annoncé aux membres de la commission d'enquête que la formation est aujourd'hui assurée par les industriels eux-mêmes, qui disposent de centres de formation certifiés et interviennent dans les centres de formation pour les apprentis. Selon le SGPE, le nombre de salariés du bâtiment qualifiés RGE doit être multiplié par 4 à horizon 2030 afin de faire face à la demande, pour atteindre le nombre de 250 000 artisans, ouvriers et techniciens qualifiés, à raison d'un tiers par la formation initiale, et de deux tiers par la formation continue.

D'autre part, il est crucial de développer une formation initiale des futurs professionnels du bâtiment, qui prenne en compte les aspects de la rénovation énergétique des bâtiments dès le début de la formation, sans la réserver à une formation professionnelle ultérieure. Une réforme de la formation initiale ne pourra omettre d'intégrer la prise en compte du confort d'été dans la construction et la rénovation énergétique des bâtiments. Les futurs artisans, architectes, auditeurs ou accompagnateurs seront confrontés à cet enjeu du refroidissement durable, efficace et décarboné des bâtiments, face à une augmentation des températures qui affectera en premier lieu les plus précaires. De plus, si étoffer la filière est crucial, une valorisation des postes techniques d'ouvriers et de techniciens du bâtiment est nécessaire, afin d'espérer un regain d'attractivité des jeunes vers les métiers de la construction. Les fédérations du bâtiment s'engagent dans cette valorisation des métiers du BTP, notamment la Capeb qui a lancé en 2022 une campagne de communication « #PassionConstruction » à destination des jeunes, afin de faire connaître les 30 métiers du bâtiment et leurs perspectives d'avenir, notamment dans la rénovation énergétique et le déploiement d'énergies renouvelables. En mars 2022, la FFB a également lancé une campagne « Le bâtiment recrute », largement relayée sur les réseaux sociaux afin de toucher un public jeune, de faire connaître et de valoriser les métiers de la construction. Les syndicats de la filière isolation sont également engagés dans l'attractivité des métiers de la construction. En effet, le secteur a perdu 80 000 emplois entre 2009 et 2019 selon le SGPE. Le directeur du Mur Manteau reconnaît que « dans le secteur du bâtiment, le nombre d'ouvriers qui partent à la retraite est plus élevé que le nombre de jeunes qui cherchent à y rentrer », mais insiste sur les efforts réalisés par la filière en termes de formation.

La formation initiale tant que continue doit également développer des filières pour les nouveaux métiers de la rénovation que sont les accompagnateurs et les pilotes ou manageurs des consommations des bâtiments. Cette formation est essentielle afin de professionnaliser ces filières et ne pas laisser prospérer des comportements opportunistes. La confiance dans les dispositifs d'accompagnement et de conseil à la rénovation ne peut être gagnée que par une formation des agents à ces métiers nécessitant objectivité et indépendance.

Proposition n° 18 : Former 200 000 professionnels aux enjeux de la rénovation énergétique et à l'utilisation des matériaux bio et géosourcés.

2. Assurer le développement des filières industrielles françaises en favorisant l'innovation, la relocalisation et l'innovation
a) Soutenir la recherche et l'innovation

Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), établissement public au service de l'innovation appuie les entreprises dans les différentes phases du processus d'innovation. Le centre met ses activités de conseil, de recherche et développement, d'expertise au service des artisans du bâtiment afin de les accompagner et de les soutenir opérationnellement. Le CSTB accueille également un incubateur à destination de start-up innovantes dans le secteur de la construction.

Le CSTB souligne l'importance de l'accélération du besoin de recherche sur les synergies inter-matériaux et les interfaces, chaînon manquant de la recherche pourtant crucial dans le secteur de la rénovation énergétique. La mobilisation des acteurs du bâtiment ne doit pas se limiter à la recherche et développement mais doit participer à l'accompagnement à la pré-industrialisation et à la diffusion de l'information concernant les nouveaux produits. Le CSTB cite à cet égard la réussite de la filière paille, ayant rapidement réussi à obtenir les avis techniques nécessaires.

Si la recherche est cruciale afin de développer des solutions innovantes, son financement reste cependant problématique dans la filière du bâtiment et construction : pour le secteur privé il représente seulement 0,1 à 0,2 % des 130 milliards d'euros du chiffre d'affaires du secteur. S'agissant du secteur public, les enjeux sont similaires. Le CTSB a vu sa subvention publique de 15,7 millions d'euros annuels stagner depuis cinq ans sans réévaluation de celle-ci au regard des nouveaux enjeux apportés par la rénovation énergétique.

Il conviendrait donc, afin de compenser l'inflation et financer les nouvelles missions, d'augmenter la subvention publique du CSTB de 2 millions d'euros par an jusqu'en 2027, soit un accroissement de 45 % sur quatre ans.

b) Relocaliser les filières de production d'équipements et de matériaux

La hausse de la demande en équipements et matériaux résultant de l'augmentation escomptée du nombre de rénovations impose de s'appuyer sur une filière française de production capable d'y faire face, afin de ne pas dépendre des importations de composants, de matériaux et d'équipements d'origine étrangère.

La filière industrielle française de la rénovation est aujourd'hui dynamique : de nombreux industriels fabricants de matériaux de construction, d'isolation et de systèmes de chauffage décarbonés choisissent de produire en France, afin d'alimenter le marché français et européen.

Une vigilance particulière est toutefois à porter sur les émissions de carbone importées - les émissions de gaz à effet de serre générées par la production étrangère de biens et services importés en France - par le secteur de la construction. Selon le Haut Conseil pour le climat165(*), les émissions liées aux importations augmentent continûment depuis 1995 (+ 78 %) et sont sujettes à une accélération depuis 2019. En effet, si l'empreinte carbone globale de la France diminue depuis 2005, cette tendance masque l'augmentation des émissions de carbone importées. Au total, environ la moitié (47 %) de l'empreinte carbone de la France est importée, dont 10 % depuis l'Union européenne.

Le secteur de la construction partage avec l'agriculture 26 % de l'empreinte carbone française, émettant plus de 75 millions de tonnes d'équivalent CO2 pour la construction et près de 80 millions de tonnes pour l'industrie alimentaire et agricole. Le Haut Conseil pour le climat relève cependant que ces deux secteurs sont principalement localisés en France, la part d'émission importée étant plus faible que pour d'autres secteurs très dépendants, notamment les équipements électriques et électroniques ou l'industrie textile. En effet, moins de la moitié des émissions carbone du secteur de la construction sont importées, soit environ 35 tonnes d'équivalent CO2, contre plus de 90 % pour certains secteurs, notamment le textile et les machines et équipements.

Olivier Klein, lors de son audition par la commission d'enquête a annoncé que le Gouvernement travaillait à la création d'un « CarbonScore » - selon un principe similaire au Nutriscore - afin d'indiquer au consommateur les émissions générées par la fabrication de son équipement. Ce score carbone devra prendre en compte les émissions importées par la fabrication de composants étrangers, même si les produits sont assemblés in fine sur le territoire français. Ce score carbone permettra d'afficher clairement l'impact global de la production des équipements, notamment les pompes à chaleur dont de nombreux composants sont importés, même si la dernière étape de fabrication (souvent l'assemblage) est effectuée en France. Ce système d'étiquetage a pour but d'orienter les choix du consommateur vers les équipements ayant le moins consommé de carbone pendant son cycle de production, et incite à la fabrication globale des équipements en France. Il permettra par exemple de comptabiliser les émissions importées lors de la fabrication de PAC, et de favoriser les produits majoritairement voire intégralement fabriqués en France et en Union européenne ayant une plus faible empreinte carbone. À cet effet, afin de revitaliser la filière française et de réduire le risque de dépendance aux composants étrangers, le SGPE cible une production de 1,3 million de PAC par an en 2030, dont un peu moins de 25 % seront destinées à l'export. La relocalisation de certaines activités de production sera essentielle afin de faire diminuer l'empreinte carbone du secteur de la construction, notamment la part des émissions importées.

c) Conforter la filière française de matériaux isolants

La filière française d'isolation se distingue cependant par l'importance de la production française des produits isolants et la durabilité de nombreux matériaux, intégrant en partie des matériaux recyclés et eux-mêmes parfois recyclables. Le Filmm a ainsi précisé à la commission d'enquête que les laines minérales de verre et de roche sont constituées à 95 % de matières naturelles minérales (nécessitant une extraction), et qu'entre 50 et 80 % de matériaux recyclés entrent dans leur composition. Ces isolants sont partiellement recyclables - lorsque les conditions de démontage et de triage sont respectées - et ont une performance satisfaisante sur le long terme.

Le représentant du groupement Mur Manteau, Philippe Boussemart, a indiqué que la mise en place de filières de recyclage et de réemploi des matériaux avait précédé l'obligation exprimée par la loi Agec du 10 février 2020166(*). La filière industrielle a donc bien accueilli la responsabilité élargie du producteur (REP) sur les produits de construction et sur les matériaux du bâtiment, à laquelle elle est soumise depuis le 1er mai 2023. La REP permettra ainsi à tous les industriels de déposer leurs déchets dans des points de collecte et ainsi de recycler les 46 millions de tonnes de déchets gérés annuellement par la filière.

La responsabilité élargie des producteurs
dans le secteur du bâtiment et de la construction

Les objectifs de collecte et de valorisation des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) sont fixés par arrêté du 10 juin 2022167(*).

Objectifs de collecte des matériaux de construction à des fins de valorisation :

L'arrêté fixe également des objectifs de recyclage et de valorisation, afin d'atteindre en 2028 l'objectif de 90 % de valorisation dont 45 % de recyclage des déchets issus de PMCB de la catégorie relevant du 1° du II de l'article R. 543-289 du code de l'environnement, et l'objectif de doublement du taux de valorisation pour les déchets issus de PMCB relevant du 2° du II de l'article R. 543-289 du code de l'environnement.

Des objectifs sectoriels de recyclage à compter de 2027 sont également fixés, par matériaux : notamment 60 % pour le béton, 90 % pour le métal ou encore 18 % pour le verre.

Finalement, les organismes sont contraints de réaliser une étude, remise au plus tard le 1er juillet 2023 afin notamment de qualifier et quantifier l'emploi de matériaux issus de ressources renouvelables, d'identifier les freins techniques, économiques et assurantiels au réemploi, à la réutilisation et au recyclage des PMCB ou encore d'examiner les possibilités d'incorporation de matières recyclées dans les PMCB. Les organismes sont également contraints à l'élaboration de plans d'action afin de développer le réemploi et la réutilisation des PMCB pour atteindre un objectif de 5 % de réutilisation et de réemploi en 2028.

Ces propos sont corroborés par Benoît Bazin, directeur général de Saint-Gobain. Lors de son audition, M. Bazin a souligné le travail de Saint-Gobain sur la recyclabilité des matériaux : 70 % de matériaux recyclés entrent dans la fabrication de la laine de verre produite par l'entreprise, manufacturée sur le territoire français. L'industriel a également accueilli favorablement la REP, et met à disposition 170 points de collecte dans les Point.P avec six ou sept big bags afin de permettre aux artisans de collecter le PVC, l'aluminium ou encore le plâtre. L'entreprise française développe également des technologies bas carbone, comme le verre bas carbone, dont la composition contient une part élevée de verre recyclé, ou encore les plaques de plâtre zéro carbone, produites pour l'instant dans ses usines norvégiennes. Il est à noter que la fabrication de ces matériaux à ce stade des recherches est particulièrement énergivore avec un impact carbone assez élevé.

Il n'existe actuellement aucune obligation d'affichage de la composition et de la provenance des produits de construction et des équipements du bâtiment. Seule la déclaration environnementale est obligatoire pour les produits mettant en avant les caractéristiques environnementales de leurs produits, à effectuer auprès de l'Inies (base de données nationale de référence sur les données environnementales et sanitaires des produits et équipements de la construction) et vérifiée par un tiers indépendant. Les fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) pour les produits de construction et les profils environnementaux produits (PEP) recensent de nombreuses informations sur la composition, l'origine, l'analyse du cycle de vie du produit ou de l'équipement et garantissent la transparence et de la qualité de l'information émise par le fabricant.

Les industriels insistent sur les garanties qu'apportent leurs matériaux en termes d'imputrescibilité, de résistance au feu et de longévité Ces matériaux sont cependant souvent peu adaptés lors de rénovation sur bâti ancien et, mal utilisés, peuvent être la cause de pathologies importantes.

Proposition n° 19 : Soutenir la filière française d'équipements, de produits et de matériaux de construction.

- Favoriser la relocalisation de la filière de production de composants de matériels de chauffage et de refroidissement, créer un CarbonScore afin d'inciter à la consommation de produits et d'équipements construits et assemblés en France et en Union européenne.

- Fixer des objectifs d'intégration de composants recyclés dans les produits et matériaux de construction dans les cahiers des charges de la REP bâtiment.

- Généraliser l'obligation de déclaration environnementale à l'ensemble des produits de construction et équipements du bâtiment. Rendre obligatoire l'affichage de la composition et de la provenance du produit de construction.

- Accroître la subvention publique du CSTB de 45 % d'ici à 2027 pour soutenir l'innovation.

d) Développer la filière française et locale d'isolants bio et géosourcés

Le recours aux produits biosourcés est une opportunité de renforcement de notre capacité de production française de matériaux d'isolation. La filière française de matériaux biosourcés est dynamique (voir I. D) et permet d'assurer un approvisionnement en matériaux d'isolation performants, produits localement, renouvelables et stockant du carbone pendant la durée de vie de l'édifice. Cette production « du champ au chantier » est en progression depuis une dizaine d'années.

Grâce à leurs propriétés respirantes et leur long déphasage thermique, les matériaux biosourcés et géosourcés présentent une garantie de performance de l'isolation et de confort thermique, tout en étant adaptés à tout type de bâtiment, notamment le bâti ancien.

Les acteurs de l'isolation biosourcée proposent aujourd'hui trois solutions d'isolation :

- le panneau d'isolation, obtenu à partir de fibres végétales ou animales, utilisé pour des isolations par l'intérieur et l'extérieur ;

- l'isolant en vrac, également obtenu à partir de fibres végétales ou de matériaux recyclés qui permet d'isoler par l'intérieur combles perdus, murs et planchers ;

- le béton végétal réalisé à partir d'un liant minéral (chaux, terre) et d'un granulat végétal, utilisé comme produit de construction, isolant ou enduit isolant.

Issus de la sylviculture, de l'agriculture ou du recyclage, douze produits isolants biosourcés sont recensés par l'association des industriels de la construction biosourcée (AICB) :

- le chanvre, utilisé comme laine et panneaux isolants, en béton de chanvre ou en isolant vrac ;

- la paille, utilisée « brute » comme matériaux de construction et d'isolation ;

- la laine de mouton ;

- le bois (hors bois d'oeuvre), utilisé comme panneau isolant et béton bois en valorisant les fibres et les copeaux ;

- la paille de riz, une ressource actuellement non valorisée ;

- le coton recyclé issu des déchets textiles ;

- le papier recyclé transformé en ouate de cellulose, l'isolant vrac le plus répandu ;

- l'herbe de prairie ;

- le lin, le liège réputé pour son imputrescibilité, le miscanthus et les oléagineux sont quatre filières en cours de structuration.

La filière d'isolants biosourcés devient de plus en plus compétitive par rapport aux matériaux manufacturés. Alors que le surcoût était estimé entre 25 et 30 % il y a une dizaine d'années, il est aujourd'hui estimé entre 7 % et 10 % pour la construction neuve. L'intensification de la production et l'industrialisation des filières ont été déterminantes dans cette réduction de l'écart de prix avec la filière classique, et doivent être poursuivies.

· La filière chanvre : un acteur majeur de la production de matériaux biosourcés

La filière chanvre réunit 1 500 producteurs, 140 salariés et six chanvrières : il s'agit d'une des filières de production de matériaux d'isolation biosourcée parmi les plus dynamiques en France et au sein de l'Union européenne, la France produisant 50 % du volume de matériaux produit au niveau européen. Les six chanvrières françaises gèrent 17 000 hectares de chanvre par an en moyenne, qui constituent 100 000 tonnes de paille et 40 000 tonnes de granulat.

Issu de l'agriculture, le chanvre est cultivé sans pesticide ni irrigation et agit comme capteur de carbone : un hectare de chanvre absorbe la même quantité de CO2 qu'un hectare de forêt, soit 15 tonnes. Le chanvre est un matériau à faible impact : les murs en béton de chanvre constituent des puits de carbone, stockant plus de CO2 que leur cycle de vie n'en émet.

Les bénéfices du chanvre comme matériau d'isolation sont multiples : le chanvre a un effet coupe-feu -- les murs en béton de chanvre sont par ailleurs classés dans la catégorie française M0 des matériaux incombustibles, au même titre que la pierre, la brique, le ciment, le béton ou encore le verre - et sa résistance thermique est déjà conforme aux exigences de la RE2020. Le chanvre garantit le confort thermique et acoustique des bâtiments : son temps de déphasage de 10 heures, bien supérieur aux isolants classiques retarde le refroidissement et le réchauffement du logement et sa faible diffusivité amortit la diffusion de la chaleur en été et du froid en hiver. La régulation hygrothermique du chanvre, très perméable à la vapeur d'eau, permet de stabiliser le taux d'humidité à l'intérieur des logements. De plus, l'adsorption de ce type de matériau dégage des calories l'hiver et la désorption apporte de la fraîcheur l'été.

Le chanvre est une alternative économique aux isolants traditionnels : son coût de construction est équivalent aux matériaux classiques et sa performance thermique permet de réaliser de grandes économies d'énergie.

· La filière paille, l'isolation du champ au chantier

La filière paille se distingue des autres filières d'isolants biosourcés en ce qu'elle valorise un matériau brut, non transformé : la botte de paille. La filière paille s'est originellement positionnée sur le secteur de la construction de logements et de bâtiments tertiaires, mais se tourne également vers la rénovation, en raison des propriétés isolantes du produit. La représentante du Réseau français de la construction paille, Coralie Garcia, indique que depuis quelques années la filière essaie de développer l'isolation par l'extérieur, utilisation de la paille la plus pérenne dans un chantier de rénovation. De nombreux chantiers démonstrateurs ont vu le jour, mais les ressources financières de la filière sont limitées. Coralie Garcia précise aux sénateurs de la commission que les « bottes de paille font entre 22 et 37 centimètres d'épaisseur : nos isolations en paille ont vocation à tenir au minimum cent ans. Le premier bâtiment isolé en paille, en France, date d'ailleurs de 1920 : ce recul concret, nous l'avons... »

La paille à l'avantage d'être un matériau abondant, et présent sur l'intégralité du territoire : il y a en moyenne 50 kilomètres entre le champ et le chantier. Sous-produit de l'agriculture, la paille est disponible en grande quantité en France : Coralie Garcia ajoute que dans l'hypothèse où l'intégralité du marché du neuf serait isolée avec de la paille, cela ne consommerait que 10 % de la paille produite en France.

La filière se heurte cependant à des difficultés techniques et assurantielles. La reconnaissance des nouvelles formations par France compétence est tardive, alors que plus de 5 000 professionnels et 2 000 architectes ont suivi la formation « Pro-paille » développée il y a une douzaine d'années. La paille comme matériau isolant n'est également pas certifiée Acermi, le matériau n'étant pas transformé en usine. Ce manque de certification freine le développement de la filière, les normes, certifications et avis techniques étant indispensables pour assurer la garantie décennale des produits. Si des règles professionnelles existent depuis 2021 pour la construction paille, celles de la filière isolation sont toujours en cours de rédaction, annonce Coralie Garcia.

· Le développement de la filière terre crue

La terre est un matériau géosourcé qui affiche un faible bilan carbone, dispose de qualités hygrométriques et d'une inertie qui permettent une bonne régulation de l'humidité et de la chaleur.

Le projet Cycle Terre développé en Île-de-France valorise les déchets issus de déblais et d'excavation non pollués : il a pour objectif de valoriser 8 000 tonnes de terre pendant sa phase démonstrateur, sachant que les déblais en Île-de-France vont représenter entre 20 et 35 millions de tonnes entre 2020 et 2026, notamment en raison des travaux du Grand Paris. Le projet a pour ambition de lancer une chaîne de production de matériaux de construction à partir de sols excavés, notamment des briques, des panneaux d'argile et du mortier. Les références techniques nécessaires à la certification des matériaux sont toutefois encore à construire afin de faire bénéficier ces produits de la garantie décennale.

· Une valorisation de l'utilisation des matériaux biosourcés à la main des collectivités territoriales

Certaines régions proposent aujourd'hui des aides supplémentaires à la rénovation énergétique lors de l'utilisation de produits biosourcés dans les projets de rénovation. Il s'agit par exemple du cas de la Drôme, qui offre une aide de 1 000 € dans le cadre d'un « bonus matériaux biosourcés recyclés » pour les rénovations performantes, de la métropole de Lyon qui propose un bonus « Eco Rénov' » ou encore de l'agglomération de Lorient qui propose une aide plafonnée à 1 500 € pour l'intégration de matériaux biosourcés. Ces aides sont à la discrétion des collectivités locales : il n'existe pas de bonus national de MaPrimeRénov' incitant à l'intégration de matériaux biosourcés dans un projet de rénovation.

L'enjeu des matériaux biosourcés outre-mer, deux témoignages

Maxence Lefèvre, président du Conseil régional de l'ordre des architectes de La Réunion-Mayotte : « Il existe différents matériaux utilisables pour améliorer la performance des bâtiments et pas seulement en termes d'isolation. On peut citer la brique de terre comprimée, les parpaings de pouzzolane, qui sont plutôt des matériaux géosourcés mais qui se heurtent au système normatif et assurantiel classique, comme le marquage CE ou les normes de construction.

D'autre part, les matériaux pour l'isolation tels que la paille de coco, la ouate de cellulose ou la bagasse sont sensibles aux insectes xylophages, très présents dans les DOM.

Étant donné le caractère limitant de la filière locale, nous pensons qu'il convient de poursuivre les négociations avec la Commission européenne pour la mise en place d'une procédure de normalisation simplifiée pour l'importation des produits en provenance d'États sans système comparable à celui de l'Union européenne, en dérogation du marquage CE. Nous proposons donc un marquage "régions ultrapériphériques" (RUP), afin de s'approvisionner en matériaux biosourcés dans l'environnement régional. »

Frédéric Chanfin, directeur du Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (Cirbat) : « J'aimerais rappeler l'historique de cette question pour La Réunion, les travaux ayant été engagés à partir de 2017, au travers d'une étude appelée ISOBIODOM. L'étude remise en 2019 a démontré des caractéristiques très intéressantes de ressources locales - cryptomeria, vétiver, bois de goyavier et bagasse - au niveau des performances thermiques. Ceci a été le point de départ d'une dynamique autour de la question des matériaux biosourcés à La Réunion. Elle a intéressé un certain nombre d'entreprises. Globalement cela permet, comme je l'ai dit, d'orienter la stratégie du développement autour de cette question.

L'étude a également mis en avant un certain nombre de difficultés que nous avons rencontrées. Bénéficiant du programme d'amélioration de la construction transition énergétique (Pacte), elle avait mobilisé le CSTB et l'institut technologique FCBA. Suite à cette étude, nous travaillons en ce moment à structurer davantage la filiale des matériaux biosourcés. On a pu mettre en évidence des points positifs, mais également des points négatifs, notamment sur la question de la durabilité des matériaux vis-à-vis des termites, insectes que l'on retrouve sous les climats tropicaux. À La Réunion, nous avons un climat très ensoleillé sur le littoral mais, dès qu'on monte en altitude, nous souffrons d'une augmentation de l'humidité, de risques de condensation et de développement des moisissures. Or les matériaux biosourcés sont affectés par ces contraintes.

Au-delà, on a pu également mettre en évidence que, localement, il était nécessaire de mettre en oeuvre davantage de recherches, notamment en termes de moyens d'essai. Nous sommes très loin de la métropole. Lorsque l'on réalise ce type d'études, il faut mobiliser un certain nombre de matières grises et d'équipements scientifiques. L'idée, dans cet accompagnement qu'on souhaite offrir à des entreprises locales pour s'inscrire dans le développement des matériaux biosourcés, est de proposer un suivi au plus juste afin de répondre au mieux aux besoins. Des partenariats sont développés avec l'université de La Réunion pour acquérir des équipements afin de pouvoir bénéficier des prototypes. Se posera ensuite la question de la normalisation : comment faire reconnaître ces nouveaux matériaux localement, notamment si on souhaite les inscrire dans des programmes de rénovation voire de constructions neuves - je pense à de nouveaux isolants par exemple ? Se posera également la question de la certification pour générer la confiance dans ces nouveaux matériaux.

Un projet est porté par la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom), qui travaille à la mise en place d'une cellule locale de validation de la conformité sur la base des travaux réalisés à la suite de la recherche, en vue d'obtenir une certaine porosité entre le monde de la recherche et celui de l'économie. »

Source : Compte rendu de l'audition du 22 mai 2023

· La filière de produits biosourcés se heurte à des difficultés techniques et assurantielles

La filière est structurée autour de deux labels qui garantissent transparence et visibilité pour les acteurs du produit biosourcé :

- le label « bâtiment biosourcé », créé par les pouvoirs publics par arrêté du 19 décembre 2012 afin de développer l'usage de matériaux biosourcés dans la construction ;

- le label « Produit Biosourcé », créé à la demande des industriels afin de garantir une meilleure transparence sur le contenu des produits biosourcés. Ce label vient compléter la norme européenne NF-EN 16575 définissant un produit biosourcé sans imposer de seuil minimum de matière biosourcée incorporée dans les produits.

Différentes évaluations, certifications et normes encadrent la production des matériaux biosourcés afin de garantir la performance thermique et la conformité aux exigences de sécurité (notamment incendie) auxquels doivent se soumettre les producteurs de matières isolantes. Il s'agit principalement :

- des appréciations techniques d'expérimentation (ATEx) et des avis techniques (ATec) délivrés par l'Afnor, aux producteurs et par produit ;

- une certification émise par l'Association pour la certification de matériaux isolants (Acermi) ;

- des règles professionnelles émises par les filières, telles que les règles professionnelles d'exécution et d'ouvrage en béton de chanvre et les règles professionnelles de construction en paille ;

- des Normes françaises document technique d'utilisation (NF DTU), précisant les conditions techniques pour une bonne utilisation des matériaux ;

- des 17 normes françaises et européennes encadrant la production des produits biosourcés.

Ces normes et certifications sont prises en compte par la Commission prévention produits (C2P) de l'Agence qualité construction afin de classifier les techniques de construction entre les techniques courantes et les techniques non courantes. L'appartenance d'un produit aux techniques courantes par le biais d'une conformité aux normes, aux recommandations ou par la présence de règles professionnelles acceptées par la C2P et d'avis favorables (ATec et Atex) de l'Afnor lui permet de bénéficier de la garantie décennale et d'être reconnu par les assureurs.

La commission publie deux fois par an la liste des communiqués de mise en observation, la liste des règles professionnelles acceptées et la liste des recommandations professionnelles acceptées. La C2P publie également la « liste verte » recensant les produits et procédés bénéficiant d'un Avis technique ou d'un Document technique d'application en cours de validité.

Source : Agence qualité construction

Cependant, si les filières structurées - notamment la filière chanvre - ont aujourd'hui intégré les dispositifs normatifs leur donnant accès aux garanties assurantielles similaires à celles de produits classiques d'isolation, les acteurs locaux entendus par la commission d'enquête déplorent le manque de certification de certaines filières de production de matériaux biosourcés. Les plus petites filières locales évoluant dans une logique de circuit court ne répondent pas à l'ensemble des exigences assurant une certification totale de leurs produits. Comme évoqué précédemment, la filière paille, en l'absence de règles professionnelles concernant la rénovation, ne peut bénéficier de la garantie décennale pour ses produits. Les règles professionnelles étant souvent édictées pour le neuf, une adaptation au domaine de la rénovation est également nécessaire afin de garantir, encore une fois l'assurabilité des matériaux.

Un matériau entrant dans le champ des techniques non courantes pourra se voir refuser une assurance et une garantie décennale, ou bien l'entreprise devra demander une extension de garantie à l'assureur, occasionnant un surcoût. La réticence porte notamment sur les risques d'humidité et incendie que présentent ces matériaux en fibres naturelles. Cependant, les sinistres constatés sont souvent davantage dus à des défauts de conception et de mise en oeuvre qu'à une défaillance des matières premières, précise l'AQC dans une note « Isolants biosourcés : points de vigilance ».

Le réemploi des matériaux, notamment des menuiseries se heurte aux mêmes écueils assurantiels, occasionnant une perte de garantie décennale pour les produits déposés en l'absence de règles professionnelles acceptées par la C2P.

Enfin, si la RE2020 est une incitation à l'utilisation de matériaux biosourcés, il n'existe pas de dispositif national d'incitation au recours aux matériaux biosourcés dans les chantiers de rénovation - seules des aides locales existent. Afin d'engager les ménages à intégrer des matériaux biosourcés dans leurs projet de rénovation, et compte tenu du coût légèrement supérieur de ces matériaux par rapport aux isolants manufacturés (voir supra), il serait envisageable de rehausser le plafond de l'éco-PTZ de 30 % dès lors qu'une part significative du coût final des travaux d'isolation - 75 % - est due à l'achat de matériaux biosourcés ainsi que de bonifier les montants de MaPrimeRénov' dans ce cas.

Proposition n° 20 : Soutenir le développement de la filière des matériaux biosourcés.

- Bonifier les montants MaPrimeRénov' et augmenter les plafonds de l'éco-prêt à taux zéro lors du recours aux matériaux biosourcés pendant d'un projet de rénovation (+ 30 % si 75 % de matériaux biosourcés).

- Apporter un appui technique aux filières biosourcées afin de favoriser l'édiction de règles professionnelles et la certification de leurs produits.

- Assurer une prise en compte du stockage carbone des matériaux bio et géosourcés, en tenir compte dans un futur CarbonScore des matériaux de construction.

- Favoriser la filière des matériaux biosourcés par une augmentation de la part de matériaux biosourcés dans la commande publique et dans les montants des subventions.

3. Favoriser le raccordement à des sources locales de chaleur décarbonées

Afin de réduire notre dépendance énergétique aux énergies fossiles, et pour éviter l'écueil du tout électrique, il est déterminant de se tourner vers des solutions de chauffage et de refroidissement alternatives et faiblement carbonées.

Selon le réseau de transport de l'électricité (RTE) et l'Ademe168(*), l'électrification de nos usages se doit d'être associée à une isolation performante et une mise en place de dispositifs de chauffage efficaces. Sans quoi, le pic de consommation électrique pourrait s'accroître de 6 gigawatts supplémentaires.

Deux solutions de chauffage faiblement carbonées encore trop peu développées ont été présentées à la commission d'enquête comme alternatives aux équipements de chauffage et de refroidissement électriques : les réseaux de chaleur et la géothermie.

a) La géothermie, une énergie décarbonée méconnue sous nos pieds

La géothermie de surface ou profonde puise dans la terre ou les aquifères les calories et les frigories nécessaires au chauffage et au refroidissement du bâtiment. Connecté à la terre par une sorte de prise, le bâtiment est ainsi chauffé et refroidi sans avoir recours à de l'électricité ou une énergie fossile. Selon le collectif France géoénergie, 97 % du territoire français est éligible au chauffage géothermique, mais seulement 1 % du parc de bâtiment y est raccordé, soit 195 000 logements individuels et entre 200 000 et 300 000 logements collectifs. Quinze villes « Action coeur de ville » (dont Sète, Draguignan, Niort, Chartres....) sont actuellement territoires pilotes de la géoénergie, à la fois dans le but de réduire leur facture énergétique mais aussi afin d'être plus attractives.

Les représentantes du collectif soulignent le fort besoin de sensibilisation du grand public, mais aussi de formation des bureaux d'études, des services techniques des collectivités et des acteurs de l'énergie à cette technologie.

Elles précisent également que le principal frein à l'installation d'un équipement de chauffage géothermique réside dans l'investissement initial. Cependant, les retours sur investissements étant plutôt rapides (entre 7 et 15 ans en comptant les aides du fonds chaleur), il est possible de proposer des solutions sans mise initiale, via des financements structurés comme les contrats de performance énergétique et des opérateurs ensembliers.

La géoénergie fait également face à un frein d'ordre réglementaire. La géothermie est régie par le décret du 8 janvier 2015 portant sur la géothermie de minime importance (GMI) qui permet de limiter les démarches administratives à une télédéclaration, pour les installations nécessitant moins de 500 kW d'énergie, les risques étant considérés comme minimes. Or, les installations géothermiques importantes, notamment implantées dans les grands immeubles collectifs et les bâtiments tertiaires nécessitent plus de 500 kW et ne peuvent être instruites selon ces démarches administratives facilitées, mais selon les règles du code minier, qui rallongent les délais.

D'autres solutions de chauffage peu carboné émergent, notamment alimentées par l'énergie solaire thermique. Ainsi, des chaudières combinées bois et solaire thermique se développent : le chauffage du logement est assuré par une chaudière à bois et par un chauffe-eau solaire, ces deux équipements sont reliés par un ballon-tampon permettant de réguler la part des deux installations dans le chauffage du bâtiment en fonction d'indicateurs extérieurs (température, conditions météorologiques notamment).

Proposition n° 21 : Développer la filière géothermique française comme alternative au chauffage électrique et évaluer la pertinence de la révision du décret GMI afin de l'étendre aux installations de plus de 500 kWh.

b) Les réseaux de chaleurs, une solution sous-utilisée

Une seconde alternative est la connexion des bâtiments, principalement en zone urbaine, aux réseaux locaux de chaleur et de froid. Selon l'édition 2022 de l'Enquête des réseaux de chaleur et de froid réalisée par la Fédération des services énergie environnement (Fedene), la France compte 898 réseaux de chaleur connectés à 44 945 bâtiments et 37 réseaux de froid alimentant 1445 bâtiments. Entre 2016 et 2021, le nombre de raccordements aux réseaux de chaleur a progressé de 21 %.

La connexion aux réseaux de chaleur est déjà incitée : l'article L. 712-3 du code de l'énergie indique que les collectivités peuvent déterminer des périmètres de développement prioritaires à proximité des réseaux de chaleur locaux, à l'intérieur desquels le raccordement au réseau des bâtiments neufs ou faisant l'objet de rénovation importante est obligatoire, sauf exception technique.

Ces réseaux de chaleur sont fournis en énergie renouvelable à hauteur de 62,5 %, grâce à une alimentation en biomasse (24 %), en unités de valorisation énergétique (26,9 %), en géothermie (5,5 %) et en chaleur fatale industrielle (1,4 %). La part du gaz naturel reste importante mais minoritaire comparée aux sources renouvelables, à hauteur de 34,5 % en moyenne. Ces réseaux de chaleur doivent toutefois poursuivre leur trajectoire de décarbonation en intégrant notamment davantage de biogaz, de chaleur issue de la géothermie et de chaleur fatale industrielle.

Ces deux modes de chauffage sont éligibles aux aides du fonds Chaleur de l'Ademe, créé en 2009 dans l'objectif de massifier les installations de production de chaleur renouvelable et de récupération. Durant la période 2009-2020, le fonds Chaleur a été doté de 2,6 milliards d'euros pour soutenir plus de 6 000 réalisations représentant 9,4 milliards d'euros de travaux et une production totale de chaleur en énergie renouvelable et de récupération de 35,5 TWh/an. En 2022 et en 2023, le fonds Chaleur a été annuellement doté de 520 millions d'euros. Le fonds Chaleur distribue une aide aux études et à la réalisation de projets de chauffage et de refroidissement décarbonés dans les secteurs de la géothermie, de la biomasse, de la méthanisation, du chauffage solaire, de la récupération de la chaleur fatale et des réseaux de chaleurs et de refroidissement.

Pierre de Montlivaut, président de la Fedene, a regretté devant la commission d'enquête que les fonds actuellement engagés pour 2023 au titre du fonds Chaleur soient insuffisants au regard des projets éligibles : sur les 500 millions d'euros engagés, l'Ademe a identifié des projets à hauteur de 750 millions d'euros, dont une partie sera nécessairement reportée par manque de crédits. Le plan Marshall de la chaleur, produit par la filière de la chaleur renouvelable a présenté un échéancier de la montée en puissance du fonds Chaleur, avec une attribution de 750 millions d'euros en 2023, 910 millions en 2024 pour atteindre progressivement 2,99 milliards d'euros en 2030.

Proposition n° 22 : Dès 2024, doubler les crédits annuels du fonds Chaleur de l'Ademe, en les portant à 1 milliard d'euros, afin de développer les réseaux de chauffage et de refroidissement faiblement carbonés.

4. Réussir la rénovation du bâti patrimonial

Rénover le bâti ancien classé et non classé est un enjeu de taille169(*) : le bâti d'avant 1948 est estimé à 30 % du parc, soit 10 millions de logements (60 % de maisons individuelles et 40 % d'immeubles). Une partie de ce bâti historique présente des caractéristiques patrimoniales remarquables, sans toutefois bénéficier d'une protection particulière. Les immeubles haussmanniens, les maisons à colombage et les hameaux de pierre sont autant de témoins de nos spécificités régionales et de notre histoire architecturale : cet héritage patrimonial non classé est un exemple de résilience, de durabilité et d'adaptation aux lieux et aux ressources disponibles sur un territoire. Il est urgent de préserver ces modes de construction à l'épreuve du temps, conçus pour durer. Ces bâtiments remarquables participent également à la valorisation du patrimoine français, à l'attractivité des territoires et alimentent les filières culturelles et touristiques de notre pays.

Le bâti français est soumis à différents niveaux de protection. La plus haute est celle accordée au titre de la classification « Monuments historiques » et concerne 45 991 bâtiments depuis la création de la commission des monuments historiques en 1837. Deux niveaux de protection existent : l'inscription et le classement, ce dernier étant le plus protecteur.

Les plans locaux d'urbanisme (PLU) disposent de différents outils dédiés à la protection du patrimoine. Les PLU peuvent ainsi délimiter des Sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui donnent lieu à un plan de gestion (Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) et/ou Plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP)). Le classement en SPR implique que toute demande d'autorisation de travaux sur les immeubles situés dans son périmètre requiert un avis conforme d'un architecte des Bâtiments de France. Raphaël Gastebois, vice-président de l'association Vielles maisons françaises, auditionné par la commission d'enquête lors d'une table ronde sur le patrimoine a indiqué que « les plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ont constitué une vraie action forte pour mettre en place, de manière fine et globale, bâtiment par bâtiment, un diagnostic précis et des réponses adaptées aux besoins de logement et d'urbanisme ».

De plus, au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, les règlements des PLU peuvent « identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration ».

Le PLU peut ainsi identifier des secteurs pour lesquels une autorisation d'urbanisme est requise ou dans lesquels une interdiction de démolition permet de conserver certains éléments. Le PLU ne peut cependant pas édicter de règles sur les matériaux à utiliser ou à proscrire pour les constructions ou réhabilitations dans ces secteurs.

Ces préconisations peuvent également figurer dans les Orientations d'aménagement et de programmation (OAP) qui complètent le règlement du PLU. En effet, au titre de l'article R. 151-7 du code de l'urbanisme, « les orientations d'aménagement et de programmation peuvent comprendre des dispositions portant sur la conservation, la mise en valeur ou la requalification des éléments de paysage, quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs qu'elles ont identifiés et localisés pour des motifs d'ordre culturel, historique, architectural ou écologique ».

Ces recensements ne sont toutefois pas obligatoires pour les communes, ce qui provoque un déficit de recensement du patrimoine ancien bâti.

Par ailleurs, les critères de rénovation énergétique performante et de performance énergétique minimale inscrits dans la loi Climat et résilience sont assortis de plusieurs exceptions afin de ne pas soumettre certains bâtiments anciens aux mêmes exigences que l'ensemble du parc résidentiel français.

Ainsi, une exemption au critère de la rénovation énergétique performante inscrit à l'article 155 de la loi Climat et résilience a été précisée par le décret du 8 avril 2022 venant modifier le code de la construction et de l'habitation.

Article R. 112-18 du code de la construction et de l'habitation

Les bâtiments entrant dans le cadre de l'exception prévue au cinquième alinéa du 17° bis de l'article L. 111-1 [du code de la construction et de l'habitation] sont ceux pour lesquels des travaux de rénovation performante :

1° entraîneraient des modifications de l'état des parties extérieures ou des éléments d'architecture et de décoration de la construction, en contradiction avec les règles et prescriptions prévues pour :

a) les monuments historiques classés ou inscrits, les sites patrimoniaux remarquables ou les abords des monuments historiques mentionnés au livre VI du code du patrimoine ;

b) l'immeuble ou ensemble architectural ayant reçu le label mentionné à l'article L. 650-1 du code du patrimoine ;

c) les sites inscrits ou classés mentionnés au chapitre Ier du titre IV du livre III du code de l'environnement ;

d) les constructions, en vertu des dispositions du règlement du plan d'occupation des sols applicable prises sur le fondement des articles L. 151-18 et L. 151-19 du code de l'urbanisme, et relatives à l'aspect extérieur des constructions et aux conditions d'alignement sur la voirie et de distance minimale par rapport à la limite séparative et l'aménagement de leurs abords, sous réserve du droit de surplomb pour une isolation thermique par l'extérieur prévu à l'article L. 113-5-1 du code de la construction et de l'habitation.

2° excéderaient 50 % de la valeur vénale du bien, évaluée par un professionnel dans le domaine de l'immobilier ;

3° feraient courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos couvert du bâtiment. Ce risque est justifié par une note argumentée rédigée par un homme de l'art, sous sa responsabilité ;

4° ne seraient pas conformes à toutes autres obligations relatives, notamment, au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes ou à l'aspect des façades et à leur implantation.

Une exception au critère de performance minimale des logements est également inscrite à l'article 160 de la loi Climat et résilience pour les logements « soumis à des contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l'atteinte de ce niveau de performance minimal malgré la réalisation de travaux compatibles avec ces contraintes ». Ces contraintes architecturales seront précisées par un décret en Conseil d'État non publié à ce jour. L'absence de définition des contraintes justifiant une exemption à ce critère de performance minimale laisse les collectivités territoriales et les propriétaires de bâtiments anciens dans l'incertitude, le non-respect du critère minimal de performance ayant pour effet de catégoriser le logement comme non décent.

Cette inquiétude des élus et des propriétaires quant à la liste des exemptions est légitime : les opérations de rénovation énergétique les plus performantes et les plus recommandées lors de rénovations globales telles que l'isolation par l'extérieur ne sont pas adaptées à ces constructions faites de matériaux « vivants ».

À cet effet, le directeur général du patrimoine et de l'architecture du ministère de la culture, auditionné par la commission d'enquête, souligne le besoin d'équilibre entre la rénovation énergétique et la protection du patrimoine. Le ministère de la culture travaille par ailleurs à une révision des normes européennes avec le Conseil européen de la normalisation et Afnor afin d'y intégrer les spécificités du bâti ancien.

Sans outils normatifs adaptés et sans formation des artisans aux spécificités et aux enjeux du bâti ancien, l'application uniforme de techniques de rénovation conçues pour les bâtiments récents risque de détériorer ces logements aux exigences particulières. En plus de défigurer ces architectures remarquables et d'uniformiser les façades françaises, les opérations de rénovation non adaptées aggravent le mal. Les conditions hygrothermiques particulières de ces bâtiments nécessitent certes un diagnostic adapté (voir supra) mais également des solutions en adéquation avec les matériaux de construction initiaux. Les matériaux anciens sont sensibles à l'humidité, ce qui peut porter atteinte au bâti. La présence d'eau dans les maçonneries anciennes nécessite d'intervenir tout en conservant la « respirabilité » des murs, qui serait entravée par les isolations par l'extérieur et par l'intérieur. Seuls des enduits en terre ou en chaux permettent d'évacuer l'eau présente dans ces maçonneries sans asphyxier le bâtiment et le rendre hermétique et, par conséquent, sujet aux moisissures et autres pathologies.

Françoise Gatel, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, présidente de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat et présidente des Petites cités de caractères, déplore « une pensée en silo, qui s'occupe de la transition écologique et de la rénovation énergétique en prenant essentiellement en compte un patrimoine moderne, auquel des méthodes uniformes sont appliquées, sans tenir compte des compatibilités ou des incompatibilités de matériaux qui peuvent, en construction, générer la grave détérioration d'un patrimoine ».

Le « G7 patrimoine », groupement de sept associations du patrimoine, recommande à cet effet la constitution de règles professionnelles applicables pour le bâti ancien à caractère patrimonial afin de structurer la filière et de partager de bonnes pratiques avec les professionnels de la rénovation intervenant sur le bâti ancien.

Il s'agit également de garantir le financement de la rénovation afin de favoriser des rénovations patrimoniales adaptées aux caractéristiques des bâtiments. Aujourd'hui la Fondation du patrimoine dispose d'un label incitant à la rénovation patrimoniale en permettant aux propriétaires privés de bâtiments présentant des qualités architecturales distinctives de défiscaliser entre 50 % et 100 % du montant des travaux et de percevoir une aide financière de 2 % à 20 % du montant des travaux. Les conditions de recevabilité de ce label sont néanmoins strictes : le bâtiment doit être visible de la voie publique ou rendu accessible au public, être situé dans une commune de moins de 20 000 habitants, en site « patrimoine remarquable » ou en site classé au titre du code de l'environnement. Seuls les travaux extérieurs visibles sont financés par la Fondation. Une modification des conditions d'octroi de ce fonds permettrait d'élargir le nombre de bâtiments historiques éligibles, sachant que la majorité des projets soutenus par la Fondation du patrimoine (84 %) concerne un patrimoine non protégé au titre des monuments historiques.

Enfin, il est crucial de garantir une formation initiale et continue des acteurs de la rénovation patrimoniale. L'ensemble des métiers est concerné, tant les architectes que les artisans de la rénovation. Les écoles d'architecture doivent aujourd'hui proposer des cours sur l'art de la réhabilitation, afin d'apprendre à utiliser tout le potentiel du bâti ancien. Les techniques historiques de construction encore utilisées dans le bâti ancien et l'utilisation de matériaux biosourcés adaptés aux particularités de ces constructions historiques doivent faire partie intégrante des formations initiales et continues en rénovation patrimoniale.

Proposition n° 23 :  Protéger le bâti ancien de la banalisation et de la destruction du fait d'exigence de rénovations inappropriées.

- Encourager le recensement du patrimoine bâti prévu à l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.

- Adapter l'isolation par l'extérieur pour les bâtiments recensés afin de la rendre compatible avec la préservation des caractéristiques physiques, esthétiques et architecturales du bâti.

- Publier le décret recensant les contraintes architecturales donnant lieu à une exemption de l'application de l'article 160 de la loi Climat et résilience.

- Élargir aux communes de moins de 50 000 habitants et aux travaux de rénovation non visibles le champ d'application du label de la Fondation du patrimoine.

- Intégrer l'art de la réhabilitation dans les programmes d'écoles d'architecture et former les artisans aux enjeux de la rénovation du patrimoine bâti.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 29 juin 2023, la commission d'enquête a examiné le rapport de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, cinq mois après l'installation de notre commission d'enquête, nous sommes réunis une dernière fois, pour la présentation de notre rapport. Notre commission d'enquête a balayé de façon extrêmement large le spectre des politiques publiques menées en matière de rénovation énergétique. Sans prétendre que notre travail est exhaustif, il me semble que peu de personnes susceptibles d'être auditionnées sont passées à travers les mailles de notre filet.

Je tiens à remercier le rapporteur de la fluidité de nos échanges. Les choses se sont bien passées, en raison de notre respect mutuel. Je remercie également tous les membres de la commission d'enquête, en particulier ceux qui sont présents ce matin, et qui ont été les plus assidus lors de nos auditions. Vous êtes très sollicités, mais le travail de la commission d'enquête a été remarquable, précis, consciencieux et calme. Nous aboutissons à un rapport facile d'accès, qui apporte quelque chose à l'existant.

Avant d'examiner le rapport que va nous présenter notre collègue Guillaume Gontard, il me revient de vous rappeler les obligations réglementaires et juridiques qui pèsent sur le fonctionnement d'une commission d'enquête lors de la phase d'adoption du rapport.

Comme je l'ai indiqué lors de notre première réunion, les travaux de la commission d'enquête sont secrets tant qu'ils n'ont pas été rendus publics. Cette règle du secret s'impose à chacun d'entre nous au sujet du contenu du rapport, et ce jusqu'à la conférence de presse, qui aura lieu mercredi 5 juillet à 16 h 30. Aucune communication, sous aucune forme, traditionnelle ou via les réseaux sociaux, n'est donc possible avant l'expiration du délai permettant au Sénat de se constituer en comité secret. Par ailleurs, l'article 226-13 du code pénal prévoit des peines d'emprisonnement en cas de divulgation, dans les vingt-cinq ans, d'informations ou de travaux non publics d'une commission d'enquête.

C'est la raison pour laquelle des exemplaires nominatifs vous ont été remis contre émargement, et il vous faudra les remettre au secrétariat de la commission d'enquête à l'issue de la réunion.

Si, à l'issue de l'examen, vos groupes politiques ou vous-même souhaitiez faire figurer formellement une contribution ou une position divergente, je vous remercie de la transmettre au secrétariat de la commission d'enquête d'ici à demain, 17 heures.

Comme nous l'indiquons depuis le début de nos travaux, l'ensemble des comptes rendus des auditions et l'étude de législation comparée seront publiés dans le tome II du rapport. Enfin, sauf objection, le compte rendu de notre réunion de ce jour sera publié à fin du rapport, comme de coutume.

Une fois ces rappels et formalités effectués, je vous propose de nous intéresser au fond. Avant de passer la parole au rapporteur, je rappelle quelques points.

Notre commission a été constituée mi-janvier 2023 à la demande du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires dans le cadre de son droit de tirage. Depuis cette date, le travail accompli a été considérable. Nous avons tenu 21 séances plénières et réalisé trois déplacements : en Isère, dans les Alpes-Maritimes et à Bruxelles, auprès des institutions européennes. Au total, nous avons auditionné 174 personnes et siégé pendant plus de 66 heures. Le tome I du rapport fait près de 200 pages et son tome II, près de 900 pages.

Je tiens enfin à vous remercier et à relever l'état d'esprit très constructif dans lequel nous avons travaillé et procédé aux auditions, cherchant, d'une part, à comprendre pourquoi notre pays peinait à atteindre les objectifs fixés et, d'autre part, à imaginer des solutions. À cet égard, dans un domaine où, par le passé, plusieurs ont opté pour des objectifs flatteurs à long terme, mais plus déclaratoires que réalistes, notre commission a opté pour des propositions pragmatiques, à rebours d'une vision maximaliste, en demeurant ancrée dans les territoires et à l'écoute des professionnels. C'est à mon sens l'une des forces de notre travail et l'un des grands défis de la politique publique de rénovation des logements que de s'appuyer sur les acteurs de terrain, de déployer une vraie chaîne de confiance et de développer une filière industrielle française.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Madame la présidente, mes chers collègues, je voudrais à mon tour corroborer les propos de la présidente et me réjouir du travail accompli collectivement, important, que nous avons réalisé dans de bonnes conditions. Je remercie Mme la présidente : nous sommes parvenus à trouver une bonne méthode, qui nous a permis d'aller au fond des choses et de trouver des solutions pragmatiques allant dans le sens de l'intérêt général. Je remercie également les collègues membres de la commission d'enquête pour le travail fourni.

Le rapport que je vous présente aujourd'hui s'articule en trois parties : un rappel des enjeux de la rénovation énergétique afin de comprendre pourquoi nous sommes appelés à effectuer ces travaux importants ; le diagnostic que nos investigations permettent de porter sur l'état de cette politique publique ; et enfin, les propositions que nous pouvons formuler pour que notre pays relève le défi de la rénovation, atteigne l'objectif de neutralité carbone qu'il s'est fixé à l'horizon 2050 et réussisse concrètement à accélérer le rythme des rénovations.

Commençons par les enjeux. La France compte un peu plus de 37 millions de logements, dont plus de 80 % sont des résidences principales. Selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), 5,2 millions - soit 17 % - de résidences principales sont classées F et G, les pires étiquettes énergétiques. Les logements classés E représentent 22 % du parc, et les logements classés D un tiers. Seulement 5 % d'entre eux sont classés A et B. Au total, les deux tiers du parc sont donc concernés par la rénovation énergétique, si l'on considère que l'objectif fixé par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) est d'atteindre d'ici à 2050 un parc neutre en carbone, c'est-à-dire composé principalement de logements classés A, B et, dans une moindre mesure, C.

Cet état des lieux fait apparaître quatre grands enjeux : écologique, social et sanitaire, urbain, et enfin industriel.

L'enjeu écologique est bien entendu de parvenir à limiter l'ampleur du réchauffement climatique et d'atteindre la neutralité carbone en 2050. À cet égard, le logement représente les deux tiers du bâtiment, qui pèse 48 % de la consommation nationale d'énergie et 28 % des émissions de gaz à effet de serre. Ces chiffres indiquent l'ampleur de la tâche, dans le domaine de la décarbonation comme dans celui de la sobriété, puisqu'il faut pouvoir faire face au changement énergétique impliqué.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la SNBC a fixé l'objectif de rénover 370 000 logements pour les faire atteindre le niveau du label bâtiment basse consommation (BBC) d'ici à 2030, puis 700 000 logements entre 2030 et 2050. Comme vous le savez, nous en sommes loin. Comme il y a souvent une confusion dans la définition des différents types de rénovations, nous ne disposons pas du chiffre exact des rénovations globales effectuées, mais il est compris entre 50 000 et 100 000. Or la future directive européenne sur l'efficacité énergétique des bâtiments renforcera l'objectif de réduction globale des émissions, puisqu'elle le portera en 2030 à 55 % par rapport à 1990, ce que le secrétariat général à la planification écologique a récemment traduit en augmentant de 30 % les objectifs de réduction d'émission assignés au bâtiment.

Le second grand enjeu est social et sanitaire. On estime qu'environ 5,6 millions de ménages souffrent de précarité énergétique, c'est-à-dire peinent à régler leurs factures ou sont contraints de réduire leur consommation. On sait par ailleurs que cette situation a un impact direct sur la santé : selon une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les risques de maladie seraient accrus de 50 %. Cette réalité a bien entendu été aggravée par la hausse des prix de l'énergie. On ne peut qu'être interpellé par le coût des boucliers mis en place, qui selon un récent contrôle budgétaire effectué par notre collègue Christine Lavarde s'élèvent à plus de 63 milliards d'euros pour un impact à court terme, alors que les budgets consacrés à la rénovation énergétique sont beaucoup moins importants.

Le troisième enjeu est urbain, patrimonial et paysager. Deux tiers des surfaces artificialisées seraient liés à de nouveaux logements, et 80 % des logements qui seront occupés en 2050 seraient déjà construits. La réduction de l'artificialisation, la densification et la revitalisation des centres anciens sont clairement des objectifs de la rénovation. Il y a aussi une dimension patrimoniale et paysagère : la rénovation ne doit pas conduire à une banalisation ou même à une destruction du caractère propre de nos régions ; au contraire, il est espéré qu'elle contribue à leur valorisation et à leur durabilité.

Enfin, le quatrième grand enjeu est économique et industriel. Pour notre pays, il est essentiel que les dépenses considérables en matériaux ou en équipements ne se traduisent pas par des importations, mais contribuent à créer de véritables filières industrielles. Nous le savons, la demande de pompes à chaleur s'est fortement accélérée en raison des aides publiques, à tel point que le marché français est devenu le second marché européen. Mais en quelles proportions ces pompes sont-elles fabriquées en France ou en Asie ? Lorsque l'assemblage est réalisé en France, quelle proportion de la valeur ajoutée est-elle nationale ou européenne ? Il y a un quasi-monopole chinois sur les compresseurs.

Face à ces enjeux, quels sont les grands constats de la commission d'enquête ? Globalement, on pourrait parler de « chantier en cours », entre risques de découragement, progrès réels et outils à améliorer.

Le premier constat est certainement un risque de découragement face à l'instabilité, la complexité et un reste à charge souvent trop élevé.

Cela a été souligné par la plupart des personnes que nous avons auditionnées : l'absence de constance empêche autant les entreprises de se positionner que les particuliers de se décider. Il y a eu des changements de pied brutaux comme l'abandon du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et la création de MaPrimeRénov', tournée vers les ménages modestes, même si la réforme a été positive. Mais à l'intérieur du dispositif MaPrimeRénov', le détail et les conditions des aides changent tous les ans, parfois plus fréquemment encore. Il en est de même pour accéder aux certificats d'économies d'énergie, les fameux CEE. Autre exemple, le service d'accompagnement des particuliers à la rénovation a changé cinq fois de nom et deux fois de mode de financement dans les années récentes ; même les professionnels s'y perdent et nous ont avoué leur découragement.

Cette instabilité qui nourrit la complexité voudrait contrer la fraude, mais n'y parvient pas complètement. Sans généraliser, la demande d'une aide MaPrimeRénov' a viré au cauchemar pour nombre de ménages en raison d'un système entièrement dématérialisé où le droit à l'erreur n'existe pas, et qui peut devenir kafkaïen. À l'issue des démarches, des demandes restent insatisfaites et d'autres aboutissent à des montants moindres qu'espérés.

La confiance est également érodée par les fraudes. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a indiqué que plus de 10 000 plaintes avaient été déposées sur sa plateforme SignalConso dans ce secteur, qui la mobilise dans une proportion beaucoup plus importante que d'autres. Nous savons également que ce domaine est propice aux escroqueries et aux démarchages abusifs, parfois téléphoniques, de prétendus conseillers France Rénov' ou de fausses entreprises bénéficiant du label reconnu garant de l'environnement (RGE).

La difficulté vient également du fait que ces travaux coûtent cher : une rénovation globale représente plusieurs dizaines de milliers d'euros. Ils laissent un reste à charge élevé et sont longs à être rentabilisés. Pour les plus modestes, le reste à charge est souvent supérieur à 30 % du coût des travaux, ce montant pouvant représenter entre une année entière et une demi-année de revenu du ménage, ce qui n'est pas supportable.

Cela étant, tout n'est pas négatif : on constate une massification réelle des gestes de rénovation, mais qui n'a pas créé une dynamique de rénovation globale. C'est le second grand constat et l'enjeu central.

Selon l'ONRE, en 2020, 2,1 millions de logements ont bénéficié d'au moins une des quatre principales aides pour leur rénovation énergétique : CITE, MaPrimeRénov', CEE ou TVA à 5,5 %. Il s'agit d'une réelle satisfaction, mais, nous le savons, beaucoup de ces rénovations sont très partielles et parfois même contre-productives. Le cas de MaPrimeRénov' est très parlant. C'est un vrai succès, avec plus de 650 000 demandes en 2021 et 2022, permettant des gains énergétiques 40 % supérieurs à ceux du CITE. Mais seulement 10 % des demandes concerneraient des rénovations globales ; en dehors des dispositifs consacrés à ce type de rénovation, dans 72 % des cas, la demande est simplement celle d'un changement de mode de chauffage au profit d'une pompe à chaleur. Si cela est positif en matière de décarbonation, cela ne contribue pas à faire disparaître les passoires ou à réduire la précarité énergétique, si rien n'est fait sur l'enveloppe. Cela peut également être dangereux au niveau de la stabilité du réseau électrique, la demande étant accrue les jours de pointe, ou en généralisant la climatisation.

Il faut ajouter qu'à ce stade, les mesures d'économie d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre sont dites « conventionnelles », c'est-à-dire théoriques. Un rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) de 2020 pointait que, dans le cadre des CEE, les gains réels ne représentaient vraisemblablement que 59 % des gains théoriques. Il nous faudra attendre les résultats de l'étude lancée en début d'année 2023 par l'ONRE, qui exploitera les données réelles des compteurs intelligents d'un million de ménages pour y voir plus clair sur cet aspect fondamental.

Le troisième grand constat est le manque de fiabilité des principaux outils en cours de déploiement de la rénovation énergétique.

La loi Climat et résilience votée à l'été 2021 constitue le cadre de la politique de rénovation. Elle a mis en place des outils et surtout un calendrier de déploiement et d'obligations qui s'étale jusqu'en 2034. Cela assure une certaine visibilité et prévisibilité, ce qui est une bonne chose. Pour porter un jugement équilibré, il faut aussi considérer que certains outils en sont à leurs prémices, ou que certaines obligations ne sont pas encore entrées en vigueur.

De nos investigations ressortent toutefois six difficultés principales, autour du diagnostic de performance énergétique (DPE), du RGE, de l'Accompagnateur Rénov', des copropriétés, du bâti ancien et enfin du pilotage global de la politique de rénovation.

Tout d'abord, il apparaît assez clairement que le diagnostic de performance énergétique, rendu opposable, est devenu l'instrument central de la politique de rénovation avant même d'être réellement fiabilisé. On se souvient du scandale du « nouveau » DPE à l'été 2021, qui aboutissait à un nombre bien trop important de passoires énergétiques. Cela a été pour partie corrigé, mais il est encore usuel qu'un même logement reçoive une note différente selon le diagnostiqueur. Le bâtiment est malade, mais le thermomètre qu'est le DPE donne une température différente selon le médecin, comme cela a été souligné lors des auditions.

Le label Reconnu garant de l'environnement doit désigner les entreprises compétentes pour procéder aux opérations de rénovation qui bénéficient d'une aide publique, mais il est au moins autant contesté par les artisans que par les clients. Les entreprises le trouvent trop complexe, les clients l'estiment insuffisamment protecteur. De fait, il impose les mêmes obligations à une entreprise artisanale et à une multinationale : un seul référent formé et cinq chantiers à contrôler, c'est peut-être trop pour la première et rien pour l'autre. Actuellement, seules 60 000 entreprises du bâtiment sont labellisées, soit 15 % du total des entreprises du secteur. Beaucoup d'entre elles l'ont abandonné, car leurs clients ne peuvent pas prétendre à une aide significative, par ailleurs trop complexe à obtenir.

L'Accompagnateur Rénov', quant à lui, devrait garantir la bonne orientation des ménages et permettre d'éviter les escrocs, mais il est toujours en cours de déploiement. Si la commission d'enquête ne peut donc pas en dresser un bilan, ses travaux ont démontré que sa création provoquait une réelle inquiétude de la part des collectivités comme des plateformes locales d'information déjà installées et efficaces, qui ne comprennent pas bien comment ce nouvel acteur prendra place dans l'existant ou comment il sera financé. Il suscite aussi la méfiance des meilleurs connaisseurs des pratiques frauduleuses, qui craignent qu'en l'absence de contrôles suffisants une véritable entente de malfaiteurs ne s'installe sous la forme de circuits en vase clos allant de l'accompagnateur à l'entreprise contrôlant les travaux, comme c'est déjà en partie le cas.

Quatrième écueil identifié : les copropriétés. La temporalité des prises de décision et la nécessité de rendre les copropriétaires solidaires n'ont pas été réellement prises en compte. Dans un même immeuble, chaque appartement peut avoir un DPE différent et si celui qui a une mauvaise étiquette souhaite faire des travaux avant 2025 ou 2028, ceux qui peuvent attendre bloqueront toute décision. Il est en outre quasiment impossible de préparer un dossier de copropriété sur plusieurs années quand les aides changent tous les ans, voire plus souvent.

Cinquièmement, le bâti ancien, c'est-à-dire datant d'avant 1948, n'a pas été pris en compte. Le cas des maisons alsaciennes à colombages isolées par l'extérieur avec du polystyrène est bien connu des membres de la commission. Mais beaucoup d'autres cas pourraient être cités. Le bâti ancien apparaît comme un véritable impensé de la politique de rénovation énergétique alors même qu'il représente un tiers des logements ! D'ailleurs, plus d'un tiers de ces logements sont classés F ou G alors qu'ils sont souvent les plus durables, faits en matériaux locaux et les plus agréables à habiter l'été. C'est incompréhensible.

Enfin, même si des progrès ont été accomplis ces dernières années avec la création d'un coordinateur entre les ministères du logement et de la transition écologique ou très récemment avec celle du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui n'a toutefois aucun poste consacré à la rénovation, le pilotage interministériel est encore clairement insuffisant. Beaucoup ont ainsi été surpris d'apprendre que le ministère de la culture, qui exerce la tutelle sur les écoles d'architecture ou qui est responsable de la conservation du patrimoine, n'avait, jusqu'à récemment, jamais été associé à la politique de rénovation !

Pour répondre à ces enjeux en tenant compte du constat que je viens de vous présenter, je vous propose d'adopter une vingtaine de propositions correspondant à quatre axes principaux : une stratégie stabilisée, ambitieuse et solidaire ; le retour de la confiance grâce à la fiabilisation des outils et l'ancrage dans les territoires ; le développement des moyens de financement ; et, enfin, la structuration d'une filière industrielle.

Le premier axe est celui d'une stratégie stabilisée, ambitieuse et solidaire. Les grands objectifs de la politique de rénovation ont déjà été fixés, à commencer par celui de la neutralité carbone en 2050. Il n'y a pas lieu de chercher à les modifier, voire à les accélérer, ce qui ne serait guère réaliste. Il faut plutôt chercher à savoir comment les atteindre. On a besoin d'une stratégie claire qui n'ait pas pour seul objectif de décarboner mais aussi de rénover réellement, de faire disparaître les passoires et la précarité énergétique. La sobriété et l'isolation sont au moins aussi importantes, car l'électrification totale du parc n'est sans doute pas supportable par le réseau et par les capacités actuelles ou futures de production. Il nous faut donc garder un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies. La géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse doivent se développer. De même, alors que 40 % des Français et 60 % des logements sociaux sont chauffés au gaz, il est déraisonnable d'envisager une interdiction à court terme.

Le deuxième point important est de favoriser systématiquement les rénovations efficaces, dans un parcours accompagné et cohérent, pour conduire à une rénovation globale. Tout doit concourir à rendre ces démarches plus avantageuses que le geste isolé et sans lendemain.

Je crois également qu'il nous faut confirmer le caractère solidaire de la rénovation et l'objectif, par des aides appropriées, consistant à tendre vers un reste à charge minimal et cohérent avec le revenu des ménages.

Il nous faut également garantir la stabilité de cette stratégie et du volume financier des aides en l'insérant dans une programmation budgétaire jointe à la future loi de programmation sur l'énergie et le climat qui sera examinée à l'automne.

Enfin, il faut assurer le pilotage interministériel de cette politique au niveau du Premier ministre grâce à un SGPE renforcé et en associant le ministère de la culture.

Le deuxième axe doit viser à redonner confiance dans les outils de la politique de rénovation. Là aussi, nous avons cinq propositions principales.

Il faut faire du DPE un outil incontestable. Cela passe par la formation et la professionnalisation des diagnostiqueurs au travers, notamment, de la délivrance, accompagnée de contrôles, d'une carte professionnelle. Cela passe par une nouvelle réforme du calcul du DPE pour prendre en compte le bâti ancien, corriger les biais en défaveur des petites surfaces et intégrer le confort d'été à la note. Pour le bâti ancien, en attendant ces évolutions et pour une période maximale de deux ans, c'est-à-dire d'ici à 2025, nous proposons de revenir à l'ancien DPE sur factures. L'intégration du confort d'été paraît également incontournable, les études faisant ressortir la surmortalité à l'occasion des vagues de chaleur. Dans ces conditions, il sera logique que le DPE devienne obligatoire pour toute demande d'aide à la rénovation et pour enclencher un parcours. Le DPE doit entraîner la création du carnet d'information du logement, qui est obligatoire depuis cette année.

Nous avons aussi la conviction qu'il faut replacer les collectivités locales au coeur du dispositif, notamment pour réussir l'accompagnement des ménages. Il est vraiment important de s'appuyer sur les dynamiques et expérimentations locales et sur tous les dispositifs déjà en place qui fonctionnent. Le dispositif Mon Accompagnateur Rénov' ne doit pas renouveler l'erreur des dispositifs CEE ou de MaPrimeRénov', entièrement dématérialisés et gérés depuis Paris. Les collectivités locales doivent être le point d'entrée de l'information et de l'accompagnement, et il doit être le lieu où pourra se formaliser un parcours et où s'agrégeront les demandes d'aides. Il convient également que ce service soit financé sans grever le budget de fonctionnement des collectivités, grâce à un programme de CEE adapté ou à une dotation de l'État. Ce sont des réseaux locaux d'information et d'accompagnement qui apporteront aux ménages confiance et garantie d'efficacité.

Dans mon esprit, ils s'articuleront avec les entreprises du territoire, qui doivent retrouver toute leur place dans la rénovation. Aujourd'hui, la rénovation se fait largement sans les entreprises artisanales. Il faut y remédier. Non seulement le label RGE doit pouvoir être attribué sur chantier, mais comme cela se fait déjà pour le gaz ou l'électricité, elles doivent tout simplement pouvoir faire valider leur chantier sur la base d'un contrôle a posteriori et les rendre éligibles aux aides.

Il faut enfin beaucoup mieux lutter contre la fraude. Il y a des contrôles, mais ils ne sont pas coordonnés et leurs résultats ne sont pas partagés entre l'Anah, les CEE, le RGE ou la DGCCRF. Il faut lever ces obstacles. Il faut alourdir les sanctions pénales contre les escrocs qui, par exemple, usurpent la qualité de conseiller France Rénov' ou le label RGE et portent préjudice aux fonds publics. Il faut généraliser la possibilité de prononcer une amende en pourcentage du chiffre d'affaires pour frapper au portefeuille. Il faut accroître les moyens de la DGCCRF qui a perdu 1 000 postes en quinze ans. Enfin, il faut que les consommateurs soient mieux informés de leur droit et que toute publicité ou tout site internet faisant la promotion de la rénovation renvoie obligatoirement vers France Rénov'.

Le troisième axe consiste à assurer le financement de la rénovation énergétique et le déploiement des différents outils existants.

Tout d'abord, en cohérence avec la volonté de favoriser les rénovations les plus efficaces, il est proposé de porter les crédits de MaPrimeRénov' à 4,5 milliards d'euros dès 2024, ce qui représente une augmentation de 1,6 milliard d'euros ; de tripler les aides à la rénovation globale pour les ménages les plus modestes en portant le plafond d'aide de 30 000 euros à 45 000 euros. Pour ces ménages, l'audit énergétique et l'accompagnement doivent pouvoir être gratuits. Les travaux pour améliorer le confort d'été et d'autorénovation doivent également pouvoir être pris en charge.

Il est ensuite proposé de déployer beaucoup plus largement l'éco-prêt à taux zéro et le prêt avance rénovation en levant les blocages. Avec la hausse des taux, l'éco-PTZ a retrouvé tout son intérêt. Il reste néanmoins trop complexe et ses plafonds méritent d'être significativement rehaussés pour accompagner les rénovations les plus efficaces. Un plafond de 70 000 euros serait adapté. Quant au prêt avance rénovation, il est pour le moment un échec : seulement une centaine de ces prêts ont été attribués. Cela s'explique par des conditions trop restrictives qui ne sont pas justifiées, notamment de rang d'hypothèque, et le fait qu'il ne soit pas à taux zéro pour les plus modestes.

Enfin, en matière d'aides, il faut assurer le couplage des différentes aides entre elles et entre aides et prêts. Les conditions d'obtention de MaPrimeRénov' et des CEE doivent être harmonisées et surtout rendues transparentes pour les demandeurs. De même, le couplage de l'éco-PTZ avec MaPrimeRénov' doit être conforté avec des montants améliorés.

Concernant les copropriétés, il convient tout d'abord de rendre les copropriétaires solidaires face à la rénovation énergétique en s'appuyant sur le DPE collectif qui doit devenir opposable dans les copropriétés pour l'application des interdictions de louer prévues par la loi Climat et résilience. Une fois cette convergence acquise, il sera d'autant plus facile d'abaisser les majorités nécessaires pour prendre les décisions de contracter des emprunts, notamment en passant aussi souvent que possible à la majorité simple. Il convient également d'expérimenter le tiers financement et les contrats de performance énergétique.

S'il y a surtout, dans le logement individuel, un enjeu d'accompagnement et d'accès aux aides pour réduire le reste à charge et, dans les copropriétés, des problèmes de solidarité et de prise de décision, dans le logement social, c'est avant tout une question de financement qui se pose. Le logement social est prêt techniquement et le secteur a la volonté de faire rapidement, mais la rénovation du parc implique un investissement de l'ordre de 9 milliards d'euros par an, que les bailleurs ne peuvent porter sans l'aide de l'État, dans un contexte marqué par la réduction de loyer de solidarité décidée en 2017 et par la hausse des taux du livret A. Il est possible d'agir sur l'endettement, mais, fondamentalement, les bailleurs ont besoin de fonds propres. C'est pourquoi il est proposé que l'État débloque, dès 2024, un soutien de 1,5 milliard d'euros puis inscrive un engagement cohérent avec les objectifs de rénovation dans la programmation budgétaire demandée et dans le pacte de confiance qui doit être signé avec le mouvement HLM.

J'en viens au dernier axe de nos propositions, qui porte sur la structuration de la filière française de la rénovation.

Il y a tout d'abord un énorme enjeu de formation, puisqu'on estime à 200 000 le nombre de professionnels qui doivent être formés, de l'ouvrier à l'architecte. Ce sont de nouvelles technologies, de nouveaux équipements mais aussi de nouveaux matériaux, y compris biosourcés, qu'il faut apprendre à poser et à utiliser ou des techniques propres aux bâtiments anciens et patrimoniaux.

Il convient ensuite de soutenir les filières industrielles et les filières de matériaux françaises. C'est vrai des équipements et matériaux traditionnels, dont il faut favoriser la relocalisation ou le développement en France contre des importations, notamment en s'appuyant sur un « CarbonScore », mais aussi des obligations de déclaration environnementale. À titre d'exemple, il faut soutenir l'objectif du SGPE de porter de 350 000 à 1,3 million la production nationale de pompes à chaleur d'ici à 2030, avec une valeur ajoutée à 90 % française, et la création ou la consolidation de 60 000 emplois dans le secteur.

L'effort doit aussi porter sur la filière des matériaux biosourcés, qui présentent de très nombreuses qualités, du stockage du carbone au confort d'été. Il convient pour l'essentiel de bonifier les aides, de les insérer aux commandes publiques et de les accompagner pour faciliter leur certification.

Il est ensuite proposé de développer la filière de la géothermie et les réseaux de chaleur. Des obstacles réglementaires doivent être levés et les crédits du Fonds chaleur de l'Ademe doivent être doublés et portés à 1 milliard d'euros dès 2024.

Enfin, il y a aussi toute une filière de la rénovation du bâti ancien à créer pour le protéger de la banalisation et de la destruction. Outre la réforme du DPE, que j'ai déjà évoquée, il faut encourager la prise de conscience, le recensement de ce petit patrimoine et adapter les gestes de rénovation pour préserver son esthétique et ses qualités. Cela passera aussi par un développement de la formation, des outils de financement spécifiques élargis à travers notamment la Fondation du patrimoine et un cadre réglementaire enfin clarifié, car le décret de la loi Climat et résilience en la matière est toujours attendu.

Ainsi, après cette présentation forcément trop rapide des résultats de six mois de travail, j'ai la conviction que, à ce stade, la politique de rénovation énergétique ne doit plus en être à définir ses grands objectifs ou à chercher à convaincre, mais à se mettre pragmatiquement à l'ouvrage, afin de relever le défi et de donner à chacun les moyens de s'engager. L'envie d'agir et d'accélérer est là et on retrouve dans ce sujet tout le sens étymologique du mot écologie, dont la racine grecque désigne la science de la maison, de l'habitat et, par extension, de l'environnement.

La rénovation énergétique des logements est clairement l'occasion, en agissant à son échelle pour de meilleures conditions d'habitation, d'agir, de manière globale, contre le gaspillage des ressources de la planète et la dégradation de l'environnement.

C'est l'objectif que nous avons, je crois, tous poursuivi en nous investissant dans cette commission d'enquête.

Mme Sabine Drexler. - Ce rapport est très attendu. Effectivement, il ne se passe pas une semaine sans que nous soyons interpellés sur les questions qu'il soulève. Les auditions que vous avez menées étaient passionnantes. Je me suis intéressée, particulièrement, à celles qui évoquaient le patrimoine bâti non protégé et à la manière dont il est traité par les politiques de rénovation énergétique. Sur ce sujet, avec Laurent Lafon, président de la commission de la culture, nous avons alerté il y a plusieurs semaines les ministères de la culture et de la transition écologique. En effet, j'ai constaté qu'il y avait, en Alsace, toujours plus de gestes de rénovation énergétique mettant en péril l'existence même du patrimoine ancien non protégé. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, a alors demandé à la commission de la culture du Sénat de lui fournir un rapport sur ces problématiques. Les préconisations qui y figurent convergent avec les propositions que vous venez de nous présenter.

Le bâti d'avant 1948 représente un tiers du parc immobilier français. Sa rénovation présente donc un enjeu important, mais cela ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Il faut se rappeler qu'il est moins énergivore qu'il n'y paraît et que l'empreinte environnementale de sa construction est, depuis longtemps, amortie. Sa réhabilitation, si elle est réalisée de manière vertueuse, ne nécessite qu'une quantité de matériaux faible et au bilan carbone réduit, puisqu'il s'agit de matériaux naturels, durables, pouvant être extraits localement ou récupérés. Ces arguments nourrissent l'idée qu'il faut rechercher des solutions pour adapter le bâti ancien, plutôt que de le détruire, au profit de constructions neuves. Malheureusement, la législation n'est pas adaptée ; elle risque donc de porter une atteinte irréversible au patrimoine de notre pays. En effet, comme le souligne votre rapport, pour répondre de manière rapide et massive aux enjeux climatiques, nous avons mis en place des dispositifs uniformes qui ne correspondent ni aux besoins ni au comportement du bâti ancien. Au bout du compte, les modalités de calcul du DPE ne traduisent pas les performances réelles de ce bâti. Ainsi, 60 % du bâti datant d'avant 1948 a été classé comme passoire thermique dans le cadre des diagnostics réalisés au premier trimestre 2023. Les prescriptions de travaux ne sont pas adaptées à ce type de bâti ; elles vont affecter sa valeur patrimoniale et engendrer des pathologies qui rendront sa dégradation irréversible et son occupation impossible.

Ces solutions standardisées correspondent à celles qui sont le plus proposées ; elles sont aussi les moins coûteuses, en plus d'être les seules à faire l'objet de subventions. Les propriétaires sont donc triplement encouragés à y recourir.

Puisque l'interdiction progressive des locations de passoires thermiques va donner lieu à la multiplication de vacances dans le bâti ancien, celles-ci vont augmenter la crise du logement et la désertification des centres anciens. Les immeubles non entretenus seront voués à la démolition.

Beaucoup redoutent la banalisation des caractéristiques architecturales de nos régions en raison de travaux non adaptés et de la disparition des savoir-faire traditionnels. Elle pose une question écologique en raison de la consommation inutile et coûteuse de matériaux importés, des désordres sur le bâti ancien qu'elle va provoquer, de la multiplicité des déchets qu'elle implique.

Ces arguments doivent être pris en compte pour permettre une transition énergétique plus respectueuse du bâti ancien. Nos attentes sont d'autant plus légitimes que les directives européennes sur la performance énergétique des bâtiments rendront possibles les exceptions aux règles de rénovation et de performance pour les bâtiments ayant un intérêt architectural ou historique.

J'espère que le ministère se saisira de vos propositions.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie, Mme Drexler, de vous être montrée aussi volontariste sur ce sujet. Grâce à vous, nous avons compris qu'il y avait des manques. Il est positif que vous ayez mené de front ces sujets, à la fois à la commission de la culture et au sein de notre commission d'enquête.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ce rapport contient des éléments déterminants pour l'action publique.

Premièrement, comme notre collègue, je voudrais pointer cette pulsion « uniformisatrice » qui saisit notre pays : quand il y a un problème, on ne trouve qu'une solution. Ne faudrait-il pas suggérer la constitution de commissions régionales chargées d'évaluer le patrimoine d'intérêt historique ? Elles pourraient mettre en valeur une culture populaire diffuse, qui irait au-delà des éléments patrimoniaux les plus saillants. Elles pourraient, en outre, proposer des solutions technologiques pour aller plus loin que le DPE. À défaut, le rouleau compresseur financier et la standardisation technique auront raison des maisons à colombages en Alsace, en Normandie ou ailleurs.

Deuxièmement, les copropriétés restent un enjeu très important. Dans la proposition n° 16, il est écrit : « développer des solutions de tiers financement pour les travaux de rénovation énergétique des copropriétés ». Cela renvoie-t-il à une proposition que j'ai portée et qui permettrait aux copropriétés de contracter des prêts longue durée et de les rembourser via une cotisation annuelle ? Je connais des copropriétés en attente d'une réponse claire sur ce point précis.

Enfin, un habitat me semble oublié, c'est celui d'insertion ou d'urgence, c'est-à-dire celui qui est géré par les associations. Le statut de leur habitat est varié : ils en sont parfois propriétaires ; dans d'autres cas, ce sont des HLM. Les associations ne sont certes pas touchées par l'interdiction locative, mais elles ne bénéficient d'aucune aide à la rénovation. Je pense qu'un travail spécifique est nécessaire, d'autant plus que ces logements - des passoires thermiques, le plus souvent - appartiennent dans de nombreux cas à des propriétaires privés qui, au bout du compte, récupéreront des logements interdits à la location. Dans ce contexte, il me semble pertinent de mettre en avant le bail à réhabilitation. La Fédération des associations et des acteurs pour la promotion et l'insertion par le logement (Fapil) me disait récemment avoir remis au goût du jour une pratique des années 1990 : le propriétaire d'une passoire thermique, de bonne volonté, autorise des travaux de rénovation dans le cadre d'un bail de réhabilitation, perçoit ou non un loyer pendant cette phase de transition et récupère son bien quelques années plus tard. C'est une autre forme de tiers financement. C'est certainement un outil à promouvoir dans le rapport, à l'attention des associations.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Effectivement, ce qui a été dit sur l'hébergement d'urgence est important. Nous sommes démunis face à cette question.

M. Franck Montaugé. - Je veux souligner la dimension pédagogique de ce travail, un travail remarquable qui, je l'espère, sera remarqué et fera l'objet d'une large diffusion dans nos territoires. En tout cas, je m'y emploierai de mon côté, auprès des parties prenantes, professionnels, bailleurs, etc.

Je me réjouis, tout d'abord, des propositions qui sont faites du point de vue de l'organisation territoriale. Elles sont essentielles à la réussite des politiques qui pourraient émaner de ces propositions.

Ensuite, il me semble que la question de la fiscalité est peu abordée : or elle est centrale dans la mesure où la rénovation énergétique s'inscrit dans les grands chantiers de la transition écologique. La question d'une fiscalité écologique non punitive se pose à nous à l'échelon national.

Par ailleurs, je pense qu'il serait intéressant de se poser la question des indicateurs de performance à retenir pour le pilotage de la politique de rénovation énergétique que nous voulons : des indicateurs simples, compris de tous, capables de donner du sens à cette action publique. Nous devons fournir à nos concitoyens les outils pour l'apprécier.

Y aura-t-il, au-delà de la communication qui sera faite autour de ce rapport, une éventuelle proposition législative, soit dans le cadre du prochain projet de loi de finances, soit, comme je le souhaiterais, au travers d'un texte spécifique ?

Mme Amel Gacquerre. - Merci et bravo pour ce rapport qui reflète le travail à 360 degrés que vous avez réalisé. Tout y est, en particulier les constats partagés, notamment sur les outils comme le DPE ou le label RGE ; c'est satisfaisant de voir dans ces pages ce qui nous préoccupe depuis longtemps. Merci d'avoir rappelé la nécessité d'une volonté politique forte dans ce domaine, mais aussi d'une gouvernance et de financements.

Il y a un véritable enjeu de pédagogie à renforcer auprès de nos concitoyens pour rappeler l'importance d'une approche qualitative, plus que quantitative, dans le domaine de la rénovation énergétique.

En matière d'innovation, il faut souligner l'approche locale, vous l'avez d'ailleurs évoquée. Nous découvrons dans nos territoires, en effet, une richesse sur laquelle nous ne capitalisons pas assez, qui est même limitée en raison d'un manque à la fois de financements et de volonté.

Je termine avec un élément qui n'est pas dans votre rapport mais qui mériterait d'être mentionné, par exemple dans sa conclusion : il concerne la rénovation des bâtiments publics. Il est impossible de ne pas l'évoquer parce que c'est bel et bien le chantier du siècle, un enjeu à 500 milliards d'euros. Il y a là la matière pour une future commission d'enquête...

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Il est vrai que nous nous sommes concentrés sur le logement, d'autant plus qu'une mission d'information portait sur le bâti scolaire.

Mme Christine Lavarde. - Merci pour ce travail et ce rapport ; j'y ai même découvert des dispositifs financiers dont j'ignorais l'existence, probablement parce qu'ils sont peu efficaces, d'après ce que j'en ai lu.

Il faut que nous nous intéressions aux propriétaires-bailleurs, pour lesquels les incitations à la rénovation ne sont pas assez fortes. Dans la mesure où ils ne bénéficieront pas des économies de chauffage, louer une passoire thermique n'est pas un problème à leurs yeux. Il est donc nécessaire de renforcer les aides dont ils pourraient bénéficier.

Il sera intéressant de voir la manière dont ce rapport sera utilisé ou non pour le nouveau « jaune » budgétaire du projet de loi de finances pour 2024, jaune qui ne correspond pas à ce que nous avions demandé puisque nous souhaitions quelque chose de plus simple et de plus précis, qui compte les rénovations globales, de façon à cerner les progrès réalisés en matière d'amélioration du logement.

Dans tous les cas, votre rapport est une excellente photographie de ce qui existe à ce jour et du chemin à parcourir pour décarboner le monde du logement.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Madame Drexler, il y a bien un enjeu très fort avec le bâti ancien. Cette question permet d'ailleurs d'aborder celle des matériaux biosourcés et des techniques de rénovation. Nous nous en sommes aperçus, par exemple, à l'occasion de la visite des Grands Ateliers de L'Isle-d'Abeau, où il était question de techniques comme le pisé ou le torchis de terre, qui ne sont pas faciles à appréhender, que l'on soit artisan ou architecte. Formation et information sont donc, à cet égard, importantes, notamment pour permettre aux gens de prendre connaissance du bâti dans lequel ils vivent et de son intérêt, ou encore de contrer des solutions de rénovation inadaptées que l'on voudrait leur imposer.

Le DPE devient par ailleurs un outil central à l'échelon européen, qu'il convient de faire progresser. Il s'agit en effet d'un indicateur utile pour les citoyens, qui voient par ce biais qu'ils peuvent faire évoluer le bâtiment qu'ils occupent. Il faut également s'en servir encore davantage comme d'un vecteur d'informations, notamment sur les modes de rénovation à employer pour le bâti ancien.

J'en viens aux propos de Marie-Noëlle Lienemann. De grands dispositifs standards s'appliquent effectivement partout, alors que le rapport a montré qu'il existait une multitude de réalités - bâti traditionnel, copropriétés, logement social, etc. - auxquelles il faut s'adapter, en faisant presque du sur-mesure. Or ce ciblage manque à présent dans les politiques publiques. Le pilotage local me paraît à cet égard essentiel, car il permet de s'adapter aux spécificités des territoires.

Nous pourrions effectivement compléter le rapport par une alerte relative à l'hébergement d'urgence, pour une meilleure prise en compte de cette spécificité. Le bail à réhabilitation compte par ailleurs parmi les dispositifs qui permettent d'avancer.

Pour répondre à Franck Montaugé, la dimension pédagogique intervient à tous les stades de la rénovation énergétique. Bien qu'il fasse peur et agisse comme une contrainte, le DPE constitue un outil bien identifié, qui a le mérite d'exister. Il faudrait s'en servir davantage comme d'un outil de sensibilisation, en l'associant au carnet de santé du bâtiment. Comme dans le cadre du contrôle technique des véhicules, nous saurions alors quels travaux ont été réalisés ou non, quels sont les progrès attendus, etc.

Concernant l'organisation territoriale, l'un des risques de la politique actuelle est qu'elle se déconnecte de ce qui a été fait sur les territoires. De nombreux territoires ont en effet mis en oeuvre des dispositifs - agence locale de l'énergie et du climat (Alec), plateforme de rénovation, etc. - qui ont produit des résultats importants, notamment sur la rénovation globale. Ne pas en tenir compte risquerait de décourager les élus locaux. Si un accompagnement est bien nécessaire sur ce point, il ne faut donc pas s'affranchir de ce qui existe déjà ni des expérimentations qui peuvent être menées dans les territoires.

En matière de fiscalité, nous avons quelques propositions. Les indicateurs de performance apportent en la matière une certaine visibilité.

Il faudra certainement une démarche législative. Le rapport présente un état des lieux complet, mais les propositions qu'il comporte devront aussi déboucher sur un travail législatif.

Il faudra peut-être aussi réfléchir à la rénovation des bâtiments publics. Plusieurs amendements au projet de loi de programmation militaire (LPM) ont trait à l'évolution du bâti de l'armée. La mission d'information intitulée « Le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique » vient également de rendre son rapport. Nous avons donc toute la matière nécessaire pour avancer et présenter des propositions précises.

Pour répondre à Amel Gacquerre, un travail pédagogique est effectivement à mener auprès des citoyens. Concernant les matériaux biosourcés, il faut s'appuyer sur les innovations locales et les filières qui peuvent se construire dans les territoires. Cela renvoie à la question dont nous avons débattu sur l'interdiction des chaudières au gaz. À force de se focaliser sur les pompes à chaleur et l'électricité, on oublie tout ce qui peut se faire par ailleurs dans les territoires. Or il est important de s'appuyer sur les actions et les filières locales, d'autant qu'il s'agit de véritables opportunités économiques qui se construisent souvent en lien avec l'agriculture.

Il me paraît intéressant aussi d'intégrer au rapport la spécificité des propriétaires bailleurs évoquée par Christine Lavarde, et la nécessité de mieux les accompagner.

Le développement des financements des pompes à chaleur - lesquelles représentent 70 %, voire 80 %, du financement MaPrimeRénov' - soulève en revanche une question. On se focalise en effet sur la décarbonation, pour laquelle les pompes à chaleur peuvent effectivement s'avérer efficaces. Cependant, elles ne permettent pas d'agir sur tous les aspects de la rénovation énergétique : sobriété énergétique, confort, etc. Il faut se montrer vigilant par rapport à cette dérive vers une solution de facilité, souvent choisie pour des raisons d'affichage.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous ajouterons des éléments relatifs à l'hébergement d'urgence à la proposition n° 17. Nous sommes effectivement assez démunis quant à la meilleure façon d'accompagner les opérateurs de ce secteur.

Il en est ainsi décidé.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Concernant la fiscalité, une partie du rapport a trait à la TVA à 5,5 %.

Nous verrons comment le rapport pourra être utilisé dans des véhicules législatifs. Cela pourra se faire par le biais du projet de loi de finances pour 2024. La programmation pluriannuelle de l'énergie, attendue à l'automne, devrait être aussi l'occasion de présenter des propositions. Une proposition de loi à part entière pourra également être rédigée par ailleurs.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La phrase « Le bail à réhabilitation devrait être davantage promu » pourrait-elle être ajoutée au contenu de la proposition n° 3 ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je n'y vois pas d'inconvénient.

Il en est ainsi décidé.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je passe à présent la parole à Mme Christine Lavarde pour la présentation de sa proposition de rédaction.

Mme Christine Lavarde. - Cette proposition consiste à compléter ce qui est décrit à la page 94 du rapport afin d'inciter davantage les propriétaires-bailleurs, notamment tous ceux qui ont des loyers plafonnés, à effectuer des travaux de rénovation énergétique. Cela se ferait par le biais du dispositif Loc'Avantages, qui inclut une dimension sociale.

En l'état actuel des choses, l'horizon d'investissement de ces travaux est beaucoup trop long. Les propriétaires-bailleurs ne peuvent tirer aucun avantage des travaux entrepris, qui ne présentent donc aucun intérêt.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le bail à réhabilitation, dispositif, très utilisé dans les années 1990 pour la modernisation du parc ancien, était tombé un peu en désuétude. Il présentera dans ce contexte un regain d'intérêt.

La proposition de modification de Mme Christine Lavarde complétée par Mme Marie-Noëlle Lienemann est adoptée.

Mme Daphné Ract-Madoux. - Au-delà des matériaux biosourcés, le score carbone pourrait-il être étendu à d'autres éléments, comme la construction ou la rénovation ? Nous pourrions envisager de constituer de la sorte de véritables référentiels de décarbonation.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Si je comprends votre volonté, cette demande me paraît néanmoins sortir du cadre du rapport. Il ne me semble donc pas opportun de l'y inclure.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

La commission d'enquête adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi modifié et en autorise la publication.

Il est décidé d'insérer le compte rendu de cette réunion dans le rapport.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Merci à tous. C'est un long travail qui a été réalisé. Lorsque nous avions décidé de traiter le sujet de la rénovation énergétique, nous voyions bien qu'il s'agissait d'un véritable problème. En effet, si la nécessité d'intervenir fortement sur la rénovation thermique des bâtiments fait l'unanimité, force est de constater que l'on n'atteint jamais les objectifs fixés en ce domaine. Il était important de comprendre les raisons de cette situation, d'autant que les financements n'ont pas manqué.

Le diagnostic présenté dans le rapport me semble donc aussi important que les propositions qu'il contient. Ces dernières ne sont pas des solutions simplistes. C'est au contraire un travail de dentelle. Des dispositifs adaptés aux différents types de logements et aux territoires sont en effet nécessaires, cela ressort particulièrement du rapport.

Parler de rénovation thermique et énergétique des bâtiments ouvre en outre sur d'autres réflexions, relatives à la seconde vie des bâtiments, ou aux travaux de surélévation. Ce sujet est également lié à l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols. La question qui se pose est la suivante : comment reconstruire, et comment mieux construire ? Cela ouvre d'autres perspectives intéressantes.

Je suis satisfait de ce travail, qui me semble riche de propositions précises. Il n'y a plus qu'à espérer qu'elles soient largement reprises. Nous allons nous y atteler, notamment par le biais du PLF à venir. Je réitère mes remerciements à l'ensemble des personnes qui ont contribué au rapport.

M. Franck Montaugé. - Serait-il possible de produire un document synthétique, de type PowerPoint, pour communiquer sur le rapport ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Ce n'était pas prévu, mais cela peut se faire. Nous allons y réfléchir.

Je rappelle que le rapport doit rester confidentiel et secret dans le cadre des formalités propres à toute commission d'enquête. Il sera présenté à la presse mercredi 5 juillet prochain à 16 h 30. Tout le monde pourra s'en saisir ensuite. Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment la presse s'appropriera le sujet, et parviendra à le vulgariser dans ses articles, sachant qu'il est rare que des articles vraiment complets paraissent sur cette question, hormis dans la presse spécialisée. Les papiers se focalisent en effet souvent sur un point particulier, comme les chaudières à gaz. Nous essaierons d'aiguiller les journalistes pour qu'il soit question plus du fond que de l'écume.

Mme Christine Lavarde. - Si la commission d'enquête a l'intention de traduire ses propositions en dispositions législatives dans le projet de loi de finances pour 2024, il faudrait que l'on y travaille ensemble.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Oui, cela peut se faire, mais à titre personnel, car la commission d'enquête sera dissoute lors de la remise de son rapport.

Mme Christine Lavarde. - En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, je suis toute disposée à en discuter en septembre.

M. Guillaume Gontard, rapporteur. - Je suis tout à fait favorable à un travail en commun pour traduire nos propositions en dispositions concrètes dans le projet de loi de finances. Il existe par ailleurs une mission d'information sur la rénovation énergétique des bâtiments à l'Assemblée nationale, qui doit rendre ses conclusions prochainement et dont il sera intéressant de connaître les orientations, afin que nous trouvions le meilleur consensus possible entre les deux chambres sur le sujet.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous acceptons donc votre proposition, Mme Lavarde.

Mme Christine Lavarde. - Le projet de loi de finances ne sera connu que le 20 septembre prochain, il faudra agir en amont, sachant qu'il est peut-être question de moderniser le dispositif MaPrimeRénov'.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci à tous.

CONTRIBUTION DU GROUPE ÉCOLOGISTE, SOLIDARITÉ ET TERRITOIRES

Le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires tient en premier lieu à saluer l'ampleur et la qualité des travaux entrepris par la commission d'enquête et la richesse du rapport qui synthétise ces investigations. Il remercie la présidente de la commission d'enquête Dominique Estrosi-Sassone et le rapporteur Guillaume Gontard et se félicite de ce travail transpartisan fructueux.

Le groupe écologiste partage les grandes orientations du rapport. Il considère également que la rénovation énergétique est un impératif qui ne se confond pas avec la seule décarbonation des modes de chauffage, qui ne permet à elle seule, ni de limiter la consommation d'énergie ni d'améliorer le confort pour les habitants. Il partage l'objectif de prioriser les rénovations globales et quand ce n'est pas possible, d'envisager chaque geste de travaux dans une logique d'efficacité maximum établie au préalable par un audit énergétique et s'inscrivant dans une logique de programme de travaux. Il juge essentiel de remettre les collectivités locales au coeur d'un dispositif qui souffre aujourd'hui d'une grande déshumanisation. Il salue les propositions fortes en faveur de matériaux biosourcés, véritable filière d'avenir pour la construction et la rénovation. Il se félicite également des préconisations relatives au confort d'été que la commission souhaite voir inclus dans le Diagnostic de performance énergétique (DPE) et dans le périmètre des travaux éligible à MaPrimeRénov'.

Le groupe écologiste approuve les préconisations du rapport pour renforcer les moyens publics mis à disposition de la rénovation thermique des bâtiments. Il acquiesce sur la nécessité de ne pas débloquer trop vite des financements qui ne pourraient être mobilisés sur le terrain par les différents acteurs. Il juge néanmoins que l'enveloppe de 4,5 milliards prévue pour les besoins de MaPrimeRénov' pour l'année 2024 devra vraisemblablement être accrue chaque année. En ce sens, il regrette que le rapport ne propose pas d'échéancier budgétaire pluriannuel envisageant la trajectoire des besoins de MaPrimeRénov' en lien avec les possibilités de monter en capacité de la filière professionnelle. Une telle trajectoire budgétaire est évoquée dans la proposition n° 4 mais sans plus de précision.

Le groupe écologiste pense en outre que les dispositifs de subvention devront tendre à terme vers un reste à charge 0 pour les petits propriétaires, accroissant de fait les besoins de subventions publiques. Malgré des propositions ambitieuses pour renforcer les subventions à destination des ménages, le rapport de la commission d'enquête n'est pas allé jusque-là. Le groupe juge également que les dispositifs d'aides publiques directes sont bien plus efficaces et doivent être privilégiés par rapport au Certificat d'économie d'énergie.

Le groupe salue les dispositifs en faveur de l'investissement des ménages, notamment le relèvement des plafonds de l'éco-prêt à taux zéro et toutes les mesures permettant de renforcer le prêt avance rénovation. Il considère également qu'une réflexion devra être engagée prochainement sur l'opportunité de permettre aux ménages de dépasser leur taux d'endettement pour financer des travaux de rénovation énergétique, générateurs à terme d'économies d'énergie et donc d'économie financière.

S'agissant des préconisations sur le bâti ancien, le groupe écologiste s'interroge. Il ne souhaite naturellement pas la dénaturation de notre patrimoine architectural et l'uniformisation des faces de nos communes. Il juge cependant que la qualification « bâti ancien » regroupant tout le bâti d'avant 1948 est trop vaste et englobe notamment toutes les constructions d'entre-deux-guerres, dont le caractère patrimonial n'est pas toujours évident, mais qui correspond à une période de construction où les efforts d'isolation étaient largement insuffisants et les modes de chauffage largement issus d'énergie fossile. Aussi, il considère que la proposition d'un DPE spécifique (n° 8) ne peut pas être élargie à tout le bâti ancien, mais nécessairement limitée au bâti à valeur patrimoniale, rendant son recensement prévu par la préconisation n° 23 parfaitement indispensable.

S'agissant des matériaux biosourcés, le groupe écologiste formule une préconisation supplémentaire : renforcer la formation des élus locaux. Ce pourrait prendre la forme de l'obtention de l'agrément élu pour les espaces de formation dédiés à l'écoconstruction. En effet, ces formations sont réservées aux techniciens des collectivités. Or, au-delà des aspects techniques pour les professionnels, ces outils peuvent aussi permettre une meilleure information des élus afin de bien définir les priorités de commande publique. Le renforcement du dialogue entre techniciens et élus est indispensable pour mener à bien nos objectifs de rénovation énergétique.

Le groupe écologiste regrette enfin qu'il n'ait pas été possible de trouver un consensus sur la proposition du rapporteur de rendre obligatoires les travaux de rénovation énergétique lors de la mise en vente d'une passoire thermique (logement dont le DPE est F ou G). En effet, il semble opportun de profiter de vacance du logement pour engager ces travaux. La charge de financer et de faire faire ces travaux pourrait revenir au vendeur ou à l'acheteur selon la négociation de la transaction, comme cela est le cas pour la prise en charge des frais d'agence et de notaire, le montant nécessaire à la réalisation des travaux étant séquestré par le notaire au moment de l'acte de vente.

Plus largement, s'il est nécessaire d'opérer au préalable la montée en puissance des dispositifs existants et d'observer leurs progrès et leurs gains d'efficacité, le groupe écologiste juge qu'à moyen terme, on ne pourra vraisemblablement pas faire l'économie d'une réflexion autour d'une obligation généralisée de rénovation énergétique telle que l'ont proposée Maxime Combes, Daniel Ibanez et Françoise Verchère, auditionnés par la commission. En effet, pour tenir le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévue par la stratégie nationale bas-carbone, un changement d'échelle risque de s'avérer indispensable.

Enfin, si cette réflexion est balbutiante, le groupe écologiste considère qu'une transition écologique juste consistera, s'agissant du secteur du bâtiment, non pas seulement en une rénovation de l'intégralité du parc, mais aussi dans une régulation de la consommation énergétique, non pas de chaque logement, mais de chaque individu en fonction de sa surface habitée. Cet impératif, conjugué avec les impératifs du zéro artificialisation nette (ZAN), bouleversera l'habitat dans les prochaines décennies. Ainsi, c'est vers la réduction des surfaces habitées que nous devrons collectivement tendre. Modularité, division des logements, évolution de la propriété vers des parts sociales de biens en coopérative plutôt qu'en pleine propriété, tant de champs d'investigation sur l'habitat de demain, qui feront l'objet, à n'en point douter, d'un futur rapport du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

PERSONNES ENTENDUES PAR LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Mardi 7 février 2023

M. François DE RUGY, ancien ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Ségolène ROYAL, ancienne ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Lundi 13 février 2023

Mme Cécile DUFLOT, ancienne ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Mme Sylvia PINEL, ancienne ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Emmanuelle COSSE, ancienne ministre du logement et de l'habitat durable.

Mme Barbara POMPILI, ancienne ministre de la transition écologique.

Mme Emmanuelle WARGON, ancienne ministre déléguée chargée du logement.

Lundi 27 février 2023

- Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) : M. Jérôme HARNOIS, sous-directeur des statistiques du logement et de la construction, Mmes Bérengère MESQUI, sous-directrice des statistiques de l'énergie, Béatrice BOUTCHENIK, responsable des études et synthèses sur le logement et la construction à la sous-direction des statistiques du logement et de la construction, MM. Ronan LE SAOUT, expert en économie de l'énergie et en méthodologie statistique à la sous-direction des statistiques de l'énergie, et Guillaume RATEAU, chef du bureau des enquêtes et synthèses sur le logement et la construction.

- Mission de coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments : M. Simon HUFFETEAU, coordinateur interministériel du plan de rénovation énergétique des bâtiments.

M. Nicolas HULOT, ancien ministre de la transition écologique, et Mme Michèle PAPPALARDO, ancienne directrice de cabinet.

Lundi 6 mars 2023

M. Julien DENORMANDIE, ancien ministre chargé de la ville et du logement.

- Haut Conseil pour le climat : Mme Corinne LE QUÉRÉ, présidente.

- France Stratégie : M. Vincent AUSSILLOUX, directeur du département Économie et finances, et Mme Sylvie MONTOUT, responsable de projet en charge de l'évaluation du plan de relance.

Lundi 20 mars 2023

MM. Maxime COMBES, Daniel IBANEZ, et Mme Françoise VERCHÈRE, auteurs d'une proposition de loi visant à diminuer la consommation d'énergie pour le bâti.

- Table ronde d'associations agissant dans le domaine de la rénovation énergétique :

· M. Lucas CHABALIER, responsable plaidoyer et membre du conseil d'administration d'Agir pour le climat ;

· Mme Suzanne de CHEVEIGNÉ, présidente de l'Association nationale des Compagnons bâtisseurs ;

· Mme Françoise THIÉBAULT, coordinatrice du secteur de l'énergie au Conseil national pour les associations familiales laïques (Cnafal) ;

· M. Bertrand CALTAGIRONE, Dernière rénovation ;

· MM. Olivier SIDLER, expert bâtiment et porte-parole de l'association négaWatt, et Raphael CLAUSTRE, expert bâtiment et membre de la Compagnie des négaWatts.

- Cler - Réseau pour la transition énergétique : Mme Marie-Laure LAMY, vice-présidente, M. Danyel DUBREUIL, coordinateur des initiatives Rénovons et Efficacité énergétique, et Mme Isabelle GASQUET, responsable de projet Efficacité énergétique au Cler.

Audition conjointe

· Plan Bâtiment durable : M. Philippe PELLETIER, président.

· Collectif Effinergie : Mme Marie GRACIA, directrice.

Lundi 27 mars 2023

- Agence nationale de l'habitat (Anah) : M. Thierry REPENTIN, président, et Mme Valérie MANCRET-TAYLOR, directrice générale.

- Caisse des dépôts et consignations : M. Olivier SICHEL, directeur général délégué.

- Agence de la transition écologique (Ademe) : MM. Boris RAVIGNON, président, et José CAIRE, directeur Villes et territoires durables.

Lundi 3 avril 2023

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : M. François ADAM, directeur.

- Institut de l'économie pour le climat (I4CE) : MM. Guillaume DOLQUES, chargé de recherche - adaptation et collectivités, et Maxime LEDEZ, chargé de recherche - investissement et financement public.

Audition conjointe

· Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) : M. Andreas RÜDINGER, coordinateur - transition énergétique France.

· Agence de la transition écologique (Ademe) : Mme Albane GASPARD, animatrice de secteur - prospective du bâtiment et de l'immobilier.

Mardi 11 avril 2023

- Table ronde sur la précarité énergétique :

· Mmes Isolde DEVALIÈRE, chef de projets, et Lise-Marie DAMBRINE, chargée de mission à l'Observatoire national de la précarité énergétique ;

· M. Gilles BERHAULT, délégué général de l'association « Stop Exclusion Énergétique » ;

· M. Guillaume MACHER, directeur général, et Mme Claire DAGNONO, directrice de l'engagement et des relations institutionnelles de Procivis ;

· Mme Juliette LAGANIER, directrice générale, et Mme Cécile GUÉRIN-DELAUNAY, responsable du pôle réhabilitation de la fédération Soliha ;

· M. Manuel DOMERGUE, directeur des études, et Mme Maïder OLIVIER, chargée de plaidoyer et de mobilisation, à la Fondation Abbé Pierre.

Mercredi 12 avril 2023

- Table ronde sur les fraudes à la rénovation énergétique :

· M. Romain ROUSSEL, sous-directeur Industrie, santé et logement et Mme Miyako GUY, chef du bureau Immobilier, bâtiment et travaux publics à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;

· M. Oussama DJEDDI, président et cofondateur de Spekty ;

· M. Pierre PICHÈRE, journaliste au Moniteur ;

· M. David RODRIGUES, juriste secteur habitat à l'association Consommation, logement, cadre de vie (CLCV).

Jeudi 13 avril 2023

- Défenseure des droits : Mme Claire HÉDON.

- Table ronde autour de fédérations de diagnostiqueurs immobiliers :

· M. Yannick AINOUCHE, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers Fnaim ;

· MM. Jean-Christophe PROTAIS, président, et Raphaël EULRY, délégué général du Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier, de l'analyse et de la numérisation de l'existant (Sidiane) ;

· M. Lionel JANOT, président de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi) ;

· M. Frédéric MIRABEL-CHAMBAUD, président de l'association nationale Les Diagnostiqueurs indépendants (LDI).

Mercredi 3 mai 2023

- Table ronde sur la certification et la qualification :

· MM. Gérard SENIOR, président, et Éric JOST, directeur général de Qualibat ;

· Mme Alexandra DEL MEDICO, déléguée générale de Qualifelec ;

· MM. Richard LOYEN, président de la commission Communication et délégué aux affaires publiques, et Teddy PUAUD, délégué général, de Qualit'EnR.

Jeudi 4 mai 2023

- Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) : M. Antoine PELLION, secrétaire général à la planification écologique.

Mardi 9 mai 2023

- Table ronde sur le thème de la construction :

· M. Franck PERRAUD, vice-président de la Fédération française du bâtiment (FFB), président du conseil des professions ;

· MM. Jean-Christophe REPON, président, et Henry HALNA DU FRETAY, secrétaire général, de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) ;

· M. Christophe CARESCHE, président du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE).

Mercredi 10 mai 2023

- Table ronde sur le thème de la rénovation du parc social :

· Mme Emmanuelle COSSE, présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH) ;

· Mme Anne-Claire MIALOT, directrice générale de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ;

· M. Simon MOLESIN, directeur du patrimoine à la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP).

- Schneider Electric France : M. Gilles VERMOT DESROCHES, directeur du développement durable.

Jeudi 11 mai 2023

- Table ronde sur le rôle des collectivités territoriales dans la rénovation énergétique :

· M. Jean-Patrick MASSON, vice-président de Dijon métropole et conseiller municipal délégué de Dijon, représentant France Urbaine ;

· Mme Anne HÉBERT, vice-présidente en charge du développement durable et de la mobilité de la Communauté de communes Côte Ouest Centre Manche, représentant Intercommunalités de France ;

· M. Guy GEOFFROY, maire de Combs-la-Ville, président des maires de Seine-et-Marne, vice-président de l'Association des maires de France (AMF) ;

· M. Nicolas GARNIER, délégué général d'Amorce.

- Table ronde sur l'ingénierie locale :

· Mme Maryse COMBES, présidente, et M. Franck SENTIER, délégué général, de la Fédération des agences locales énergie climat (Flame) ;

· M. Pascal BERTEAUD, directeur général, et Mme Annabelle FERRY, directrice Territoires et ville, du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ;

- Table ronde sur le rôle des architectes dans la rénovation énergétique :

· M. Raphaël LABRUNYE, directeur de l'Ensa de Normandie, représentant du Collège des directeurs d'écoles d'architecture ;

· Mme Marjan HESSAMFAR, vice-présidente, et M. Stéphane LUTARD, chargé de mission Transition écologique et maquette numérique, du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) ;

· Mmes Valérie CHAROLLAIS, directrice, et Éléonore CHAMBRAS LAFUENTE, chargée de mission, de la Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE).

Lundi 15 mai 2023

- Table ronde sur le thème de l'isolation :

· M. André DOT, président de Promotoit ;

· M. Philippe BOUSSEMART, président du groupement du Mur Manteau ;

· Mme Élisabeth BARDET, présidente du Syndicat national des fabricants d'isolants en laines minérales manufacturées (Filmm) ;

· M. Olivier SERVANT, porte-parole du collectif Isolons la Terre

· M. Jean-Claude BARBANT, directeur des affaires publiques de l'Association des industries de produits de construction (AIMCC).

- Table ronde sur le thème de l'isolation par les matériaux biosourcés :

· M. Philippe LAMARQUE, président de Construire en chanvre, représentant Interchanvre ;

· MM. Olivier JOREAU, président, Jacques KNEPFLER, vice-président, et Yves HUSTACHE, secrétaire général de l'Association des industriels de la construction biosourcée (AICB) ;

· Mme Coralie GARCIA, représentant le Réseau français de construction paille (RFCP).

- Table ronde sur le thème des énergies :

· M. Bruno CAPDORDY, vice-président, et Mme Anne-Sophie PERRISSIN-FABERT, déléguée générale, d'Ignes ;

· Mme Cindy DEMICHEL, présidente et co-fondatrice de Celsius Energy, représentant le collectif France Géoénergie ;

· M. Pierre DE MONTLIVAULT, président de la Fédération des services énergie environnement (Fedene) ;

· Mme Christine GOUBET-MILHAUD, présidente de l'Union française de l'électricité (UFE).

Mardi 16 mai 2023

- Conseil supérieur du notariat : Mes François DEVOS, directeur des affaires juridiques, et Frédéric VIOLEAU, notaire associé, membre de la section droit immobilier, de l'Institut des études juridiques.

- Saint-Gobain : M. Benoit BAZIN, directeur général.

Lundi 22 mai 2023

- Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) : M. Olivier DAVID, chef du service du climat et de l'efficacité énergétique.

- Table ronde autour de sociétés d'accompagnement à la rénovation énergétique :

· Mme Florence LIEVYN, responsable des affaires publiques chez Sonergia et membre du bureau du Groupement des professionnels des certificats d'économies d'énergie (GPCEE) ;

· M. Pierre-Marie PERRIN, directeur des affaires publiques de Hellio ;

· Mme Audrey ZERMATI, directrice stratégie, et M. Romain RYON, directeur des affaires publiques, d'Effy ;

· M. Jean-Baptiste DEVALLAND, directeur général de Teksial ;

· Mme Sylvie CHARBONNIER, secrétaire générale du syndicat Symbiote ;

· M. Vincent LEGRAND, président, et Mme Leana MSIKA, responsable affaires publiques, de Dorémi.

- Table ronde sur le thème de la rénovation énergétique en Outre-mer :

· M. Frédéric CHANFIN, directeur du Centre d'innovation et de recherche du bâti tropical (Cirbat) ;

· M. Maxence LEFÈVRE, président du Conseil régional de l'Ordre des architectes de la Réunion-Mayotte ;

· Mme Sabrina MATHIOT, directrice de l'Union sociale d'organismes HLM d'Outre-mer (Ushom) ;

· MM. Brayen SOORANNA, directeur aux Outre-mer à l'Union sociale pour l'habitat (USH), et Remy VASSEUR, responsable du département Énergie et bas carbone au sein de la direction de la maîtrise d'ouvrage de l'Union sociale pour l'habitat.

Mardi 23 mai 2023

- Engie : M. Frank LACROIX, directeur général adjoint, et Mme Florence FOUQUET, directrice du marché des particuliers.

- TotalEnergies MM. Guillaume LAROQUE, président marketing France, et François IOOS, directeur certificats d'économies d'énergies.

- Banque Postale : MM. Laurent BORTOLI, directeur des crédits à la direction du marketing de la banque de détail, et François-Régis BENOIS, directeur des affaires publiques.

- Confédération nationale du Crédit Mutuel : Mme Sophie OLIVIER, directrice des marchés et études, et M. Guy LERÉ, responsable du marché des particuliers et des collectivités à la direction des marchés et des études.

- Table ronde Innovation et start-up :

· M. Hervé CHARRUE, directeur général adjoint chargé de la recherche et du développement du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ;

· M. Christophe PHILIPPONNEAU, directeur général de Tipee ;

· M. Nicolas DURAND, président-directeur général de Cozynergy.

Mardi 30 mai 2023

- Table ronde sur le patrimoine :

· M. Jean-François HÉBERT, directeur général des Patrimoines et de l'architecture ;

· Mme Françoise GATEL, présidente de Petites cités de caractère de France, et M. Guirec ARHANT, maire de Tréguier ;

· MM. Martin MALVY, président de Sites et cités remarquables de France, et Jacky CRUCHON, expert ;

· M. Gilles ALGLAVE, président de Maisons paysannes de France ;

· M. Christophe BLANCHARD-DIGNAC, président de la fédération Patrimoine-environnement ;

· M. Raphaël GASTEBOIS, vice-président de l'association Vieilles maisons françaises (VMF) ;

· M. Christian LAPORTE, président de l'association des Architectes du patrimoine ;

· MM. Marc LOUAIL et Gabriel DE BEAUREGARD, architectes des bâtiments de France, représentant l'Association nationale des architectes des bâtiments de France;

· M. Julien LACAZE, président de Sites et monuments.

Mardi 6 juin 2023

- Table ronde sur la rénovation du parc privé et des copropriétés :

· M. Alexis LAGARDE, président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) Pays de la Loire ;

· M. Loïc CANTIN, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) ;

· MM. Etienne DEQUIREZ, président, et Pierre HAUTUS, délégué général, de Plurience ;

· M. Olivier SAFAR, président-adjoint de l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis) et président de l'Unis-Grand-Paris ;

· M. Gilles FRÉMONT, président de l'Association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANGC) ;

· Mme Karine OLIVIER, directrice générale du pôle services aux particuliers de Nexity ;

· Mme Laurence BATLLE, présidente de Foncia ADB France ;

· Mme Delphine HERMAN, directrice des relations extérieures du réseau Guy Hoquet l'immobilier ;

· MM. Pierre VITAL, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Nouvelle-Aquitaine, président de la commission FPI France « Réhabilitation-Extension-Rénovation » et Frank HOVORKA, directeur technique et innovation de la FPI France.

Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la transition énergétique.

M. Christophe BÉCHU, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Mardi 13 juin 2023

M. Olivier KLEIN, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires chargé de la ville et du logement.

PERSONNES ENTENDUES PAR LA PRÉSIDENTE ET LE RAPPORTEUR170(*)

Lundi 3 avril 2023

- Cour des comptes : MM. Jean-Paul ALBERTINI, président de la section « Énergie » à la 2e chambre, Alain LEVIONNOIS, conseiller maître, et Vincent DEDRIE, auditeur.

Jeudi 20 avril 2023

- Compagnie des équipements techniques et industriels pour l'habitat (Cetih) : M. François GUÉRIN, président-directeur général.

- Syndicat de l'éclairage : MM. Julien ARNAL, président, et Marcel RAGNI, 1er vice-président.

- Coénove : MM. Jean-Charles COLAS-ROY, président, Bernard AULAGNE, président d'honneur, et Mme Isabelle CLAVEL, déléguée générale.

- Énergisme : MM. Thierry CHAMBON, directeur général, Jérémie UHLRICH MEUNIER, directeur Conception produit, Florian BOURDIER, directeur communication et affaires publiques.

- Électricité de France (EDF) : MM. Jean-Philippe LAURENT, directeur stratégie et développement au pôle Clients, services, territoires, Frédéric FONTAN, responsable de la régulation à la direction Stratégie et développement du pôle Clients services territoires, Laurent CHOFFY, responsable du pôle Marchés publics à la direction Marketing marché d'affaires, et Mme Véronique LOY, directrice adjointe des affaires publiques.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Vendredi 21 avril 2023

DÉPLACEMENT EN ISÈRE

- Visite de Grands Ateliers, Villefontaine, en présence de M. Maxime Bonnevie, directeur.

- Visite du chantier de l'ensemble immobilier « Triforium », L'Isle d'Abeau, en présence de :

· M. Philippe Fracchiolla, directeur Transformation et prospective, Société dauphinoise pour l'habitat (SDH)

· Mme Caroline Gadou, sous-préfète de La Tour du Pin

- Déjeuner de travail en présence de :

· M. Olivier Pyot, vice-président de la Capeb 38

· M. Thibault Richard, ancien président de la fédération BTP 38

· M. Pierre-Olivier Boyer, directeur des partenariats stratégiques du groupe Vicat

· Mme Marie Wozniak, directrice de l'école nationale d'architecture de Grenoble

· Mme Isabelle Dieu, présidente de l'ordre des architectes Auvergne-Rhône-Alpes

· M. Cyril Marion, maire de L'Isle d'Abeau.

- Table ronde au Bâtiment ESP'ACE (Air climat énergie), espace de travail mutualisé entre Atmo Aura, Ageden et la SPL Alec de la grande région grenobloise et visite d'une copropriété rénovée à Saint-Martin-d'Hères, en présence de :

· M. Bruno Besançon, responsable relations institutionnelles de l'Ageden

- Table ronde en présence de :

o M. Pierre Verri, vice-président de Grenoble Alpes Métropole, en charge de l'air, de l'énergie et du climat et maire de Gières

o M. Nicolas Beron-Perez, vice-président de Grenoble Alpes Métropole, en charge de l'habitat, du logement et de l'hébergement, adjoint au maire de Grenoble

o M. Frédéric Gehin, vice-président de la communauté de communes des Balcons du Dauphiné en charge de la transition écologique et maire de Corbelin

o Mmes Dominique Scheiblin, présidente, et Marie Filhol, directrice générale, de l'Agence locale de l'énergie et du climat (Alec)

o Mmes Evelyne Collet, présidente, et Adeline Gimenez, responsable opérationnelle générale de l'Association pour une GEstion Durable de l'ENergie (Ageden)

o M. Xavier Cereza, directeur départemental des territoires de l'Isère

- Visite de la copropriété Le Verderet (projet réalisé dans le cadre du dispositif Mur Mur).

Vendredi 12 mai 2023

DÉPLACEMENT DANS LES ALPES-MARITIMES

- Réunion de travail avec les services préfectoraux, en présence de :

· M. Philippe Loos, secrétaire général de la préfecture des Alpes-Maritimes - sous-préfet de Nice

· M. Mathieu Eyrard, directeur adjoint délégué à la mer et au littoral (DDTM 06)

· M. Pierre-Gil Flory, directeur adjoint de la direction des interventions et de la coordination de l'État (préfecture des Alpes-Maritimes/Dice)

· Mme Sophie Le Garrec, cheffe de l'unité Air climat transition énergétique, service Énergie logement (Dreal PACA - SEL)

· Mme Agnès Molines, responsable du pôle privé - habitat indigne, délégation locale de l'Anah, service Habitat et rénovation urbain (DDTM 06-SHRU)

· Mme Armelle Simonnet-Delettre, référente Transition énergétique et climatique de la DDTM 06 (DDTM 06-Direction).

- Visite du Guichet énergétique de la Métropole Nice Côte d'Azur

- Réunion de travail en présence des services de la Métropole Nice Côte d'Azur, en présence de :

· M. Anthony Borré, 1er adjoint au maire de Nice

· MM. Florian Aymonin-Roux, directeur général adjoint Transition écologique, Félix Gravel, directeur de l'environnement, Luc Bezzina, architecte, guichet métropolitain de la rénovation énergétique, Mme Mélanie Dutrieux, guichet métropolitain de la rénovation énergétique, MM. Luc Anthoons, architecte, guichet métropolitain de la rénovation énergétique, et Lionel Astrella, ingénieur, guichet métropolitain de la rénovation énergétique

· Mme Hélène Delmotte, directrice générale adjointe, MM. Florent Paroli, direction Habitat et territoires prioritaires, et Benoît Trescartes, service Logement à la direction de l'habitat.

- Déjeuner de travail en présence de :

· M. Joseph Segura, maire de Saint-Laurent-du-Var, conseiller départemental

· M. Thomas Berettoni, 1er adjoint au maire de Saint-Laurent-du-Var, conseiller régional Sud

· M. Christophe Bousquet de la FPI

· M. Cyril Messika - co-président de la Fnaim Côte d'Azur

· M. Matthieu Marin, vice-président du SACA

· M. Sylvain Locci, présidente de la Capeb 06.

- Visite de chantier en présence de :

· M. Louis Nègre, maire de Cagnes-sur-mer, 1er vice-président de la Métropole

· Mme Fanny Pellegrinelli, référente Sare, chargée de développement économique à la direction Stratégie et développement des entreprises à la chambre de métiers et de l'artisanat de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur

· M. André Rosello, entreprise Côté face

· M. et Mme Asselin, propriétaires de la maison objet de travaux au 35 chemin du Pin de Sucre, Cagnes-sur-mer.

- Réunion à la chambre des métiers et de l'artisanat, Saint-Laurent-du-Var en présence de :

· M. Gilles Dutto, président de la chambre de niveau départemental des Alpes-Maritimes

· Mme Frédérique Martin du Theil-Simonneau, responsable de section Logement et rénovation

· M. Thibault Chevrier, conseiller France Renov'

· M. Patrick Nonde, coordinateur technique et partenariats régionaux Rénover +

· MM. Nicolas Domece et Anthony Schmidt, conseillers Sare

· Mme Delphine Giagnoni-Dostert, directrice déléguée à l'économie et au territoire.

Lundi 5 juin 2023

DÉPLACEMENT À BRUXELLES

- Entretien avec Mme Léa Boudinet, conseillère chargée de l'énergie, accompagnée de Mme Laura Kiston conseillère adjointe à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

- Entretien avec Mme Anne Weidenbach, conseillère en charge de la politique d'efficacité énergétique des bâtiments, au sein du cabinet de Mme Kadri Simson, Commissaire européen de l'énergie, et M. Stefan Moser, chef de l'unité B3 « Bâtiments et produits » de la direction générale chargée de l'énergie de la Commission européenne

- Entretien avec M. Ciaran Cuffe, député européen (Irlande - Vert), rapporteur du Parlement européen du texte sur l'efficacité énergétique des bâtiments

- Entretien avec M. Domenico Campogrande, directeur général de la Fiec (Fédération des industries européennes de la construction), ainsi que M. Bertrand Hannedouche, chef du service Transition écologique à la direction des affaires techniques, et Mme Myriam Diallo, responsable des questions internationales, à la Fédération française du Bâtiment.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Assemblée des départements de France

Association française de l'isolation en polystyrène expansé dans le bâtiment (Afipeb)

Cinov

Coheco

Énergies et avenir

Équilibre des énergies (Eden)

Fédération bancaire française (FBF)

Gaz réseau distribution France (GrDF)

M. Christian Cardonnel

M. Daniel Laurent, sénateur de la Charente-Maritime

M. Pascal Chicault

M. Raphaël Hop

M. Sylvain Vizzutti

ODI Formation, Sonelo, ASE Formation et Qualiforma

Phx support (Guillaume Gipouloux)

Table ronde de l'architecture

TBC conseil et innovation

Valimmo Reim

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

Définir une stratégie stabilisée, ambitieuse et solidaire

1

Stratégie
de la politique
de rénovation énergétique fondée sur la décarbonation
et la sobriété
.

Compatibilité avec
le mix énergétique.

Calendrier réaliste
de réduction
de l'utilisation du gaz fossile et ne pas interdire les chaudières à gaz.

SGPE

Gouvernement

Parlement

Fin 2023

LPEC et programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)

2

Promouvoir
des rénovations énergétiques efficaces
par bouquet ou dans des parcours accompagnés conduisant
à la rénovation globale grâce à des aides financières systématiquement plus avantageuses que pour un geste isolé.

SGPE

Gouvernement

Parlement

Fin 2023

LPEC

3

Garantir
une « rénovation solidaire »
pour les plus modestes,
un accompagnement gratuit et un reste
à charge minimal, cohérent et acceptable.

Dans le cadre du dispositif Loc'Avantages, porter à 35 % dans une limite de 30 000 euros
par logement l'aide pour travaux de rénovation énergétique accordée aux bailleurs lorsque le logement atteint l'étiquette D. Attribuer un bonus
si une étiquette supérieure est atteinte.

Gouvernement

SGPE

Anah

Parlement

2023-2024

Règlement
et loi

4

Garantir la stabilité et la prévisibilité
du financement grâce
à une programmation budgétaire.

Gouvernement

SGPE

Parlement

Fin 2023

LPEC

5

Assurer le pilotage de la rénovation énergétique au niveau de la Première ministre à travers
le SGPE : intégrer l'actuelle mission
de coordination interministérielle
au SGPE et renforcer leurs moyens humains.

Associer le ministère de la culture
à la définition de la politique de formation des acteurs et à la définition des outils destinés au bâti ancien ou architecturalement remarquable.

Premier ministre

2023

Décret
et circulaire

Redonner confiance, fiabiliser les outils, ancrer la rénovation dans les territoires

6

Fiabiliser le DPE
(bâti ancien, petites surfaces, confort d'été).

Dans l'attente de sa réforme, recourir aux consommations réelles d'énergie -- pendant un délai maximum
de deux ans.

Professionnaliser
la filière
des diagnostiqueurs.

Création d'une carte professionnelle.

Créer un carnet d'information du logement lors de la réalisation du DPE (modification
de l'article L. 126-35-2 du CCH).

Rendre obligatoire la production du DPE pour toute demande d'aide.

Ministère
du logement

DHUP

Fédérations de diagnostiqueurs

Anah ou CCI pour la carte professionnelle

Gouvernement

Parlement

Anah

2023-2025

Règlement
et loi

7

Replacer
les collectivités territoriales au coeur de la politique
de rénovation énergétique
.

Favoriser la création d'une logique
de guichet unique local agrégeant l'accompagnement
et la demande des aides, labellisé France Renov' et reposant sur les dispositifs locaux (plateformes ou Alec) quand ils existent déjà.

Assurer le financement de cette mission confiée par l'État aux collectivités
soit à travers un programme de certificats d'économie d'énergie (CEE) suffisamment dimensionné, soit par une augmentation des dotations
de fonctionnement.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

Règlement
et PLF

8

Garantir l'accompagnement
des ménages.

Faire preuve
de vigilance
dans le calendrier et les modalités du dispositif Mon Accompagnateur Rénov'

Gouvernement

2023-2024

-

9

Redonner aux artisans leur rôle d'acteurs de proximité et de confiance dans la rénovation.

Adapter le label RGE en pérennisant son attribution sur chantier pour les entreprises artisanales et permettre aux petites entreprises de réaliser des travaux de rénovation énergétique sous réserve d'un contrôle
a posteriori, type Consuel.

Modifier la loi
pour permettre à des artisans constitués en groupements momentanés d'entreprises (GME) non solidaires de mener les rénovations globales.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

Règlement
et loi

10

Mieux lutter contre la fraude.

Renforcer les contrôles, assurer leur coordination et leur cohérence.

Alourdir les sanctions, notamment, porter
à dix ans de prison
et un million d'euros d'amende la peine encourue pour escroquerie lorsqu'il y a usurpation d'identité d'une personne chargée d'une mission de service public et préjudice au détriment de l'argent public, et généraliser la fixation des amendes à un niveau proportionné aux avantages tirés du délit, soit 10 % du chiffre d'affaires annuel.

Accroître les moyens humains de la DGCCRF, mille postes ayant été supprimés depuis 2007.

Obliger les sites internet et les publicités proposant des travaux
de rénovation à inviter
les particuliers
à se rapprocher
d'une agence France Renov' et, surtout,
à inclure un lien
de redirection
vers la plateforme France Renov'.

Sécuriser le retrait
du label RGE
par une décision de la DGCCRF ou de l'Anah assorti d'un délai de carence d'au moins un an.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

Règlement,
loi, PLF

Garantir le financement de la rénovation

11

Porter l'ouverture
des crédits pour MaPrimeRénov'
à 4,5 milliards d'euros en 2024
.

Rehausser le niveau des aides à la rénovation globale à :

- 7 000 euros pour les ménages aisés (+ 40 %) ;

- 15 000 euros pour les ménages intermédiaires (+ 50 %) ;

- 30 000 euros pour les ménages modestes (+ 140 %) ;

- 45 000 euros pour les ménages très modestes (+ 152 %).

Permettre la prise
en charge par MaPrimeRénov' de Mon Accompagnateur Rénov' ainsi que de l'audit énergétique.

Rendre éligible à MaPrimeRénov' des travaux de confort d'été ainsi que d'auto-rénovation accompagnée.

Reconnaître le « droit à l'erreur » dans le cadre des dossiers de demandes de MaPrimeRénov'.

Gouvernement

SGPE

Anah

Parlement

2023-2024

Règlement, LPEC et PLF

12

Amplifier la dynamique du PTZ

- rehausser de 30 %
à 50 % la limite
dans laquelle le prêt est débloqué avant la production d'une facture ;

- rehausser le plafond de l'éco PTZ
à 70 000 euros pour les rénovations performantes ;

- rehausser le plafond de l'éco PTZ
à 40 000 euros pour les bouquets de deux gestes ou plus (hors rénovation performante).
En contrepartie, mettre en place un taux bonifié plutôt qu'un taux zéro pour la part des prêts dépassant
le plafond actuel
de 30 000 euros
à partir d'un certain seuil de revenus.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

PLF

13

Débloquer le prêt avance rénovation
au profit des ménages modestes
- mettre en place un taux zéro pour le prêt avance rénovation, ciblé sur les ménages aux revenus
de catégorie modeste
ou très modeste ;
- inclure les frais hypothécaires ainsi que le préfinancement
des aides à la rénovation énergétique dans les postes finançables du prêt avance rénovation ;
- supprimer la condition d'être
au premier rang d'un crédit hypothécaire,
ou deuxième rang
par rapport à la même banque,
pour bénéficier du prêt avance rénovation.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

Règlement
et PLF

14

Coupler les aides
et les prêts
et assurer leur transparence pour les demandeurs.

Rehausser le plafond de l'éco-PTZ Prime Rénov' à 40 000 euros
à partir de deux gestes hors rénovation performante, et
à 70 000 euros pour les rénovations performantes.

Harmoniser
la terminologie et les critères techniques pour les mêmes opérations pour MaPrimeRénov' et les certificats d'économie d'énergie afin d'en permettre le couplage.

Rendre transparentes ces opérations techniques pour les demandeurs grâce
à l'action des guichets France Rénov' et des Accompagnateurs Rénov'.

Gouvernement

SGPE

Anah

DHUP-DGEC

2023-2024

Règlement

15

Mener une évaluation de l'efficacité du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les travaux
de rénovation énergétique, dans l'objectif d'assurer une meilleure coordination entre cette dépense fiscale et les aides publiques à la rénovation énergétique.

Gouvernement

SGPE

IGF-IGEDD

2023-2024

Rapport

16

Débloquer la rénovation
des copropriétés

Rendre le DPE collectif opposable pour l'application de l'interdiction de louer des passoires thermiques dans les copropriétés dans le même calendrier qu'aujourd'hui tout en conservant l'information du DPE individuel pour le futur locataire ou futur propriétaire.
Volet droit des copropriétés : modifier les règles de vote
en assemblée générale de copropriété pour les travaux énergétiques de la manière suivante :
- pour la procédure
de l'emprunt collectif consenti au syndicat
de copropriétaires, passer de la règle
de l'unanimité à celle de la majorité absolue avec possibilité
de passerelle vers la majorité simple ;
- étendre le champ
de la règle de vote
à la majorité simple pour les emprunts à adhésion individuelle.
Volet financement :
- simplifier l'accès à l'éco-PTZ Copropriété ;
- appliquer de manière dérogatoire le taux d'usure accordé
aux prêts à la consommation ainsi qu'aux prêts inférieurs à 75 000 euros
aux emprunts collectifs pour les travaux
de rénovation énergétique ;
- expérimenter
et développer
des solutions de tiers financements pour les travaux de rénovation énergétique
des copropriétés.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

Règlement
et Loi

17

Financer la rénovation du parc social.

- redonner 1,5 milliard de fonds propres aux bailleurs en allégeant la RLS ou par un retour de l'État au financement du FNAP dès 2024.

- garantir une trajectoire de financement cohérente avec les objectifs 2030 et 2050 dans le cadre d'une loi de programmation.
- assurer
le financement des travaux de « seconde vie » des logements sociaux.
- englober la rénovation des locaux destinés
à l'hébergement d'urgence et gérés
par des associations.
- rehausser le plafond de l'éco-PLS
et décorréler sont taux du Livret A
- faire évoluer
les plafonds d'endettement des bailleurs sociaux en fonction des objectifs réglementaires de rénovation.

Gouvernement

CDC

Parlement

2023-2024

LPEC, PLF, Pacte
de confiance

Structurer une filière industrielle française de la rénovation

18

Former 200 000 professionnels aux enjeux de la rénovation énergétique et à l'utilisation des matériaux bio
et géosourcés.

Gouvernement

2023-2030

-

19

Soutenir la filière française d'équipements,
de produits
et de matériaux
de construction.

- favoriser
la relocalisation de la filière de production
de composants de matériels de chauffage et de refroidissement, créer un CarbonScore afin d'inciter à la consommation de produits
et d'équipements construits et assemblés en France et en Union européenne.

- fixer des objectifs d'intégration de composants recyclés dans les produits
et matériaux
de construction dans les cahiers des charges de la REP bâtiment.

- généraliser l'obligation
de déclaration environnementale
à l'ensemble
des produits
de construction
et équipements
du bâtiment. Rendre obligatoire l'affichage de la composition
et de la provenance
du produit de construction.

- accroître la subvention publique du CSTB de 45 % d'ici à 2027 pour soutenir l'innovation.

Gouvernement

Parlement

2023-2030

Règlement, LPEC PLF

20

Soutenir le développement de la filière des matériaux biosourcés.

- bonifier les montants MaPrimeRénov' et augmenter les plafonds de l'éco-prêt à taux zéro lors du recours aux matériaux biosourcés pendant d'un projet de rénovation (+ 30 % si 75 % de matériaux biosourcés).

- apporter un appui technique aux filières biosourcées afin de favoriser l'édiction de règles professionnelles et la certification
de leurs produits.

- assurer une prise en compte du stockage carbone des matériaux bio et géosourcés, en tenir compte dans un futur CarbonScore des matériaux de construction.

- favoriser la filière des matériaux biosourcés par une augmentation de la part de matériaux biosourcés dans la commande publique et dans les montants
des subventions.

Gouvernement

Parlement

2023-2030

Règlement, LPEC
et PLF

21

Développer la filière géothermique française comme alternative au chauffage électrique
et évaluer la pertinence de la révision du décret GMI afin de l'étendre aux installations
de plus de 500 kWh.

Gouvernement

Parlement

2023

Règlement
et LPEC

22

Dès 2024, doubler les crédits annuels
du fonds Chaleur de l'Ademe
, en les portant à 1 milliard d'euros, afin de développer les réseaux de chauffage
et de refroidissement faiblement carbonés.

Gouvernement

Ademe

Parlement

2023-2024

LPEC et PLF

23

Protéger le bâti ancien de la banalisation et de la destruction du fait d'exigence
de rénovations inappropriées.

- encourager le recensement du patrimoine bâti prévu à l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.

- adapter l'isolation par l'extérieur pour les bâtiments recensés
afin de la rendre compatible
avec la préservation des caractéristiques physiques, esthétiques et architecturales
du bâti.

- publier le décret recensant les contraintes architecturales donnant lieu à une exemption de l'application de l'article 160 de la loi Climat et résilience.

- élargir aux communes de moins de 50 000 habitants et aux travaux de rénovation non visibles le champ d'application du label de la Fondation du patrimoine.

- intégrer l'art de la réhabilitation dans les programmes d'écoles d'architecture et former les artisans aux enjeux de la rénovation du patrimoine bâti.

Gouvernement

Parlement

2023-2024

Règlement,
code
de l'urbanisme et code
du patrimoine


* 1 Compte rendu de l'audition de l'ONRE.

* 2 « Tableau de suivi de la rénovation énergétique dans le secteur résidentiel », site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, mise à jour du 12 avril 2023. Les données les plus récentes disponibles datent de 2020.

* 3 Données tirées de 32,7 millions de logements en France au 1er janvier 2021, Insee Focus, 9 septembre 2021, n° 254.

* 4 Observatoire national de la rénovation énergétique, Le parc de logement par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, juillet 2022, page 8.

* 5 Observatoire national de la rénovation énergétique, Le parc de logement par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, juillet 2022, page 10. En incluant les résidences secondaires, la France comprend en tout 7,2 millions de passoires énergétiques.

* 6 Compte rendu des auditions du 27 février 2023.

* 7 Cette interprétation est celle retenue par l'ONRE : « Le fioul, dont les performances en termes d'émissions de GES sont mauvaises, n'est présent comme énergie de chauffage pratiquement que dans les maisons individuelles. »

* 8 L'étude de l'ONRE n'inclut pas les outre-mer.

* 9 Observatoire national de la rénovation énergétique, Le parc de logement par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022, juillet 2022, page 18.

* 10 Stratégie nationale bas-carbone révisée en 2020. Cette estimation inclut les émissions liées à la production d'énergie consommée dans les bâtiments (calcul dit « Scope 2 »).

* 11 Ademe, Financer la rénovation énergétique performante des logements, 2022.

* 12 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 13 Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »).

* 14 Rapport 2022 du Haut Conseil pour le climat, Dépasser les constats, mettre en oeuvre les solutions.

* 15 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 16 Cette mesure ne comprend que les émissions de gaz à effet de serre directes du bâtiment (calcul dit « Scope 1 »).

* 17 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 18  https://onpe.org/chiffres_cles/les_chiffres_cles_de_la_precarite_energetique_edition_mars_2023.

* 19 Tout foyer consacrant plus de 10 % de son revenu aux dépenses énergétiques, et appartenant aux trois premiers déciles de revenus (soit les 30 % de Français les plus pauvres), est considéré en situation de précarité énergétique selon ce critère.

* 20 Les ménages sont considérés en situation de précarité énergétique à cette double condition : leurs revenus sont faibles (inférieurs au seuil de pauvreté) et leurs dépenses énergétiques, rapportées à la taille du logement (m²) ou à la composition familiale (UC), sont élevées (supérieures à la médiane nationale).

* 21 Pierre Madec, OFCE-ONPES, Quelle mesure du coût économique et social du mal logement ?, 2015.

* 22 Cf.  https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/28e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2023. Le rapport complet est disponible au lien suivant : https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-04/REML2023_WEB_DEF.pdf

* 23 Des chèques énergie exceptionnels d'un montant global de 1,8 milliard d'euros ont ainsi été prévus en 2022 pour les 12 millions de ménages les plus modestes.

* 24 Selon le chiffrage effectué par la commission des finances du Sénat, sur les années 2021 à 2023, l'ensemble des surcoûts et des pertes se déclinent ainsi : bouclier électricité - 24,7 Mds€, bouclier gaz - 10 Mds€, chèques énergies exceptionnels - 2,9 Mds€, perte de recettes pour l'État - 18 Mds€, perte de recettes pour EDF - 8 Mds€.

* 25 La hausse du prix du gaz a été stabilisée et l'augmentation du prix de l'électricité a été contenue à 4 % en 2022. Un renchérissement de 15 % au début de l'année 2023 a été décidé pour chacune de ces deux énergies.

* 26 Enquête sur les travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles dite TREMI, datant de 2020.

* 27 Cf.  https://soliha.fr/actualites/le-mouvement-soliha-travaille-de-front-pour-lutter-contre-la-precarite-energetique-et-prepare-activement-la-massification-de-la-renovation-energetique-performante/.

* 28 Cf. https://procivis.fr/convention-de-partenariat-etat-procivis-2023-2030/.

* 29 Objectif de zéro artificialisation nette à l'épreuve des territoires, Rapport d'information n° 584 (2020-2021) de Jean-Baptiste Blanc, Anne-Catherine Loisier et Christian Redon-Sarrazy, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, 12 mai 2021, page 72.

* 30 Objectif de zéro artificialisation nette à l'épreuve des territoires, Rapport d'information n° 584 (2020-2021) de Jean-Baptiste Blanc, Anne-Catherine Loisier et Christian Redon-Sarrazy, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, 12 mai 2021, page 72.

* 31 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 13 février 2023.

* 32 Cerema, Prise en compte du carbone dans les projets de rénovation, Rapport d'étude, janvier 2023, page 64. L'étude de 2018 cite par ailleurs une étude de 2008, « Does demolition or refurbishment of old and inefficient homes help to increase our environmental, social and economic viability ? » (A. Power), selon laquelle, au Royaume-Uni, la démolition-reconstruction est en moyenne plus coûteuse que la rénovation des bâtiments.

* 33 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 30 mai 2023.

* 34 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 30 mai 2023.

* 35 Fédération française du bâtiment, Le bâtiment en chiffres 2021, 20 juin 2022.

* 36 Ibid.

* 37 Capeb, Hausse des prix et difficultés d'approvisionnement chez les artisans du bâtiment, octobre 2022.

* 38 FFB.

* 39 Capeb, La note de conjoncture de la Capeb - conjoncture du premier trimestre 2023, avril 2023.

* 40 Capeb, Les chiffres clés 2020.

* 41 Ibid.

* 42 Fiec, Construction activity in Europe, 2022.

* 43 Insee, Chiffres clés : logements mis en chantier, données annuelles de 2000 à 2021, juin 2022. Entre 2006 et 2021, la construction neuve de logements individuels a baissé de 37 %, passant de 259,5 millions de logements construits à 163 millions.

* 44 Afpac, Poids de la filière de la PAC en 2021, octobre 2022.

* 45 SDES, Chiffre clés des énergies renouvelables, édition 2021, juillet 2021.

* 46 EurObserv'ER, Baromètre Pompes à chaleur, 2021.

* 47 AIE, « Geographic concentration by supply chain segment, 2021 », Energy Technology Perspectives, 2023.

* 48 Ibid.

* 49 AIMCC, Chiffres clés.

* 50 Programme des Nations unies pour l'environnement, Sand and sustainability : 10 strategic recommendations to avert a crisis, 26 avril 2022.

* 51 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 52 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 53 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 54 Sources : entreprendre-servicepublic.fr, Qualifelec, Qualibat, Qualit'EnR, Certibat, Qualitel, Ademe

* 55 Source : Capeb, Chiffres clés, 2020.

* 56 Anah, 2023.

* 57 Sénat, Étude de législation comparée n°320 sur la rénovation énergétique des logements, 12 avril 2023.

* 58 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Catalogue %20des %20fiches %20d %27op %C3 %A9rations %20standardis %C3 %A9es %20CEE.pdf.

* 59 Pierre Pichère (2023), « Les escrocs de la réno », Le Moniteur.

* 60 Guillaume Dolques, Maxime Ledez, Hadrien Hainaut, Quelles aides publiques pour la rénovation énergétique des logements ? PanelRénov' : un outil pour analyser la viabilité économique des projets de rénovation, février 2022.

* 61 Olivier Sichel, Rapport pour une rénovation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés, mars 2021.

* 62 Un ménage reste en moyenne environ huit ans dans un même logement.

* 63 Après que son champ a été réduit en 2020, le CITE a été supprimé pour l'ensemble des dépenses effectuées depuis le 1er janvier 2021.

* 64 Qui est devenue « MaPrimeRénov' Sérénité » depuis 2021.

* 65 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 189.

* 66 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 27 mars 2023.

* 67 Compte rendu de l'audition de l'Anah.

* 68 Qui inclut MaPrimeRénov' « nationale », MaPrimeRénov' Sérénité, et MaPrimeRénov' Copropriétés.

* 69 Pour rappel, ce forfait ne concerne que MaPrimeRénov' « nationale ». Les personnes qui bénéficient de MaPrimeRénov' Sérénité ne peuvent pas y prétendre.

* 70 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 194.

* 71 Réponses de l'Anah au questionnaire du rapporteur de la commission d'enquête.

* 72 Réponses de l'Anah au questionnaire du rapporteur de la commission d'enquête.

* 73 Référé S2022-1527 de la Cour des comptes sur la rénovation énergétique des bâtiments, 28 juillet 2022, page 5.

* 74 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 206.

* 75 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 214.

* 76 « Les rénovations énergétiques aidées du secteur résidentiel entre 2016 et 2020 » - résultats provisoires, Observatoire national de la rénovation énergétique, page 4.

* 77 « Les rénovations énergétiques aidées du secteur résidentiel entre 2016 et 2020 » - résultats provisoires, Observatoire national de la rénovation énergétique, page 6.

* 78 « Les rénovations énergétiques aidées du secteur résidentiel entre 2016 et 2020 » - résultats provisoires, Observatoire national de la rénovation énergétique, page 6.

* 79 Il faut remarquer que l'ONRE indique dans le même rapport (page 6) que « des travaux ultérieurs seront conduits dans le cadre de l'ONRE pour mettre en regard les rénovations énergétiques et l'évolution des données réelles de consommation d'énergie. »

* 80 Ademe, Évaluation du dispositif des certificats d'économies, 2020, page 15. Note : MWhc se lit « Mégawatt-heure cumac », cumac signifiant « cumulé et actualisé ». Cette unité de mesure est utilisée dans le cadre des certificats d'économie d'énergie pour aider à la détermination de la valeur financière des économies d'énergie réalisées.

* 81 Ademe, Évaluation du dispositif des certificats d'économies, 2020, page 16.

* 82 Cette obligation est applicable aux syndicats de copropriétaires comprenant plus de 200 lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces.

* 83 Entrée en vigueur différée à 2025 pour les copropriétés de moins de 200 lots et à 2026 pour les copropriétés de moins de 50 lots.

* 84 Article 1, Arrêté du 3 juin 2020 modifiant l'arrêté du 1er décembre 2015 relatif aux critères de qualifications requis pour le bénéfice du crédit d'impôt pour la transition énergétique et des avances remboursables sans intérêt destinées au financement de travaux de rénovation afin d'améliorer la performance énergétique des logements anciens.

* 85 Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, janvier 2021, p. 272.

* 86 France Stratégie, Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ? 2021.

* 87 Arrêté du 21 décembre 2022 relatif à la mission d'accompagnement du service public de la performance énergétique de l'habitat.

* 88 Olivier Sichel, Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés, 2022.

* 89 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 90 RTE, Futurs énergétiques 2050, février 2022.

* 91 Déclaration de Thomas Veyrenc, directeur exécutif de la stratégie et de la prospective de RTE, lors de la présentation de l'étude sur les enjeux de l'électrification à l'horizon 2035, 7 juin 2023.

* 92 Réunion de travail sur la rénovation énergétique du 12 juin 2023, Secrétariat général à la planification écologique.

* 93 Ces quatre postes de travaux sont : isoler les murs, installer des fenêtres performantes, isoler la toiture, isoler le sol.

* 94 I4CE - Panorama des financements climat, édition 2021.

* 95 Équilibre des énergies, Comment décarboner la France ?, 2022.

* 96 Le bail à réhabilitation est un contrat par lequel le preneur s'engage à réaliser, dans un délai déterminé, des travaux d'amélioration sur l'immeuble du bailleur et à le conserver en bon état d'entretien et de réparation de toute nature, en vue de louer cet immeuble à usage d'habitation pendant la durée du bail.

* 97 Comme la loi de programmation militaire ou la loi de programmation de la justice par exemple.

* 98 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 13 février 2023.

* 99 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 6 juin 2023.

* 100 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 13 février 2023.

* 101 Vincent Aussilloux, François Chabrol, Louis Gaëtan Giraudet, Lucas Vivier, Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ?, décembre 2021, page 8.

* 102 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 8 mars 2023.

* 103 L'article 86 de la loi de finances pour 2022 a ainsi prorogé l'éco-PTZ jusqu'au 31 décembre 2023. Avec les conclusions du Conseil national de la refondation du 5 juin 2023, qui prévoient une extension de l'éco-PTZ jusqu'en 2027, il est vraisemblable que la loi de finances pour 2024 le prorogera encore une fois. La date limite du dispositif est ainsi continuellement repoussée depuis 2009.

* 104 Cf. l'arrêté du 31 mars 2021 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d'habitation en France métropolitaine : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000 043 353 335.

* 105 Obligatoire lors des ventes et des locations et effectué à l'initiative du propriétaire ou du bailleur du logement à ses frais et intégré au dossier de diagnostic technique (DDT), le DPE est devenu pleinement opposable le 1er juillet 2021, conformément à la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN. Délivré jusqu'à cette date à titre simplement informatif, le DPE a désormais une portée juridique : d'une part, toute personne concernée (locataire, acquéreur, vendeur, bailleur) peut se retourner contre le diagnostiqueur immobilier en cas de faute, erreur ou manquement lors de l'établissement du diagnostic, d'autre part, si l'étiquette du DPE dans l'annonce du bien comporte de fausses informations, l'acquéreur ou le locataire peut engager un recours auprès du tribunal pour demander des dommages et intérêts voire l'annulation de la vente. En outre, le vendeur non professionnel peut se voir infliger une amende d'un montant maximal de 3 000 euros et le vendeur professionnel une amende d'un montant maximal de 3 000 euros s'il est une personne physique et 15 000 euros s'il est une personne morale.

* 106 Cf.  http://www.patrimoine-environnement.fr/wp-content/uploads/2023/06/Synth %C3 %A8se-finale-G7-1er-Juin-2023-VF.pdf.

* 107 Une rubrique consacrée à la présence ou non de volets et de masques solaires (végétaux ou non, et si végétaux à feuillage caduc ou non) existe bel et bien dans les questionnaires actuels des DPE mais cette rubrique n'est pas systématiquement renseignée et quand elle l'est, elle le serait de manière très subjective, en fonction de la perception et de la rigueur du diagnostiqueur.

* 108 Cf. la publication Insee Première, n° 1918, août 2022.

* 109 Pour le seul été 2022, on dénombre 10 000 personnes mortes de plus par rapport à la moyenne des années précédentes.

* 110 En raison de sa consommation d'énergie et son impact carbone, la climatisation pourrait n'être encouragée -- par les DPE et les dispositifs d'aide -- que dans le cas de bâtiments accueillant des personnes fragiles (hôpitaux, Ehpad) et non pour les logements individuels.

* 111 Cf. l'étude de la division de la législation comparée annexée au présent rapport.

* 112 Cf. le rapport (n° 129, 2022-2023) de nos collègues Pierre Henriet, député, et Gérard Longuet, sénateur, Pour une rénovation énergétique des bâtiments pilotée, encouragée et accélérée : https://www.senat.fr/rap/r22-129/r22-129_mono.html.

* 113 Cf. leur site français : https://www.energiesprong.fr/

* 114 L'accompagnement n'est que recommandé et reste facultatif, il est toutefois obligatoire dans deux cas qui expliquent ce calendrier : 1- depuis le 1er janvier 2023 pour les ménages modestes et certains propriétaires bailleurs conventionnés réalisant des travaux de plus de 5 000 euros bénéficiant d'aides de l'Anah et conditionnées à une amélioration d'au moins 35 % de la performance énergétique globale du logement, comme c'est le cas de MaPrimeRénov' Sérénité ; 2- à partir du 1er septembre 2023 pour les bouquets de travaux d'au moins deux gestes et faisant l'objet d'une demande d'aide au titre de MaPrimeRénov' supérieure à 10 000 euros.

* 115 Mis en place en 2020, le programme d'information « Service d'accompagnement pour la rénovation énergétique » dit programme Sare est coporté par les régions et l'Ademe, avec un coût supporté à 50 % par les CEE. Les collectivités territoriales volontaires peuvent, dans chaque région, signer des conventions avec les préfets de région en vue du déploiement de ce service d'accompagnement des particuliers.

* 116 Cf.  https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/06/1dd52b2f5ff8e475763a295fa7cbab5b0a3b0a8c.pdf.

* 117 Ce problème de qualité s'explique notamment par le système de contrôles des entreprises RGE : l'organisme de qualification contrôle des chantiers désignés par l'entreprise. L'entreprise peut ainsi sélectionner les chantiers de meilleure qualité, qui ne sont pas forcément représentatifs de la qualité de l'ensemble des travaux de rénovation énergétique menés.

* 118 Contrôler 5 chantiers d'une grosse entreprise qui en réalise des centaines n'est pas équivalent au fait de contrôler 5 chantiers d'une petite entreprise qui en réalise 7.

* 119 Le nombre d'artisans labellisés stagne, comme il a été vu, à 15 % de son niveau potentiel (70 000 entreprises), soit un nombre sensiblement inférieur à l'objectif fixé par le Gouvernement de 250 000 entreprises labellisées RGE. Il convient de relever que les petites entreprises sont de moins en moins souvent labellisées.

* 120 Ce Comité est une association tripartite regroupant usagers, distributeurs d'énergie et installateurs électriciens, dont la mission est de prévenir d'éventuels incidents électriques et d'assurer la sécurité des personnes et la conservation des biens.

* 121 Deux exemples récents peuvent être donnés : par une décision du 15 mars 2021, le directeur départemental de la protection des populations (DDPP) du Gard a infligé une amende administrative de 366 930 euros, dont 330 750 euros pour non-respect de l'interdiction sectorielle de démarchage téléphonique (1 225 manquements), à la SAS Groupe Beaumet énergies ; et la SAS Protherm énergie s'est vue infliger le 24 mai 2022 par la DDPP de Seine-et-Marne une amende de 75 000 euros pour non-respect de l'interdiction sectorielle de démarchage téléphonique, recueil de données téléphoniques sans informer le consommateur de son droit d'inscription à la liste d'opposition au démarchage téléphonique et non communication des coordonnées du médiateur de la consommation.

* 122 Par une décision du 1er juillet 2021, le DDPP de Gironde a par exemple infligé une amende administrative de 24 804 euros prononcée à l'encontre de la société ENR Grenelle Habitat pour manquement à l'article L.221-11 du code de la consommation (remise non conforme des informations précontractuelle relatives au droit de rétractation).

* 123 8 % des 26 millions d'euros de budget annuel de Qualibat prend ainsi la forme de provisions pour risques contentieux en raison de la multiplication des contestations de ses décisions de retrait du label.

* 124 Cf. https://www.senat.fr/rap/r21-903/r21-903.html.

* 125 Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l'action pour le climat, Inspection générale des finances, France Stratégie, mai 2023, page 22.

* 126 Deuxième rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance, Inspection générale des finances et France Stratégie, décembre 2022, page 199.

* 127 Conclusion du Conseil national de la refondation Logement, 5 juin 2023, page 13.

* 128 Voir par exemple le billet d'Ademe Expertise, « Accompagner l'auto-rénovation » du 28 février 2022.

* 129 Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété, Bilan statistique des éco-prêts émis en 2021, avril 2022, page 6.

* 130 Les conclusions du Conseil national de la refondation du 5 juin 2023 prévoient une extension de l'éco-PTZ jusqu'en 2027.

* 131 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 23 mai 2023.

* 132 Albéric de Montgolfier, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2019, Tome III : les moyens des politiques publiques et les dispositions spéciales, page 384.

* 133 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 23 mai 2023.

* 134 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 23 mai 2023.

* 135 Olivier Klein, à l'Assemblée nationale le 9 janvier 2023 : « En 2022, les premiers chiffres indiquent que trente-six PAR ont été émis, pour un montant moyen de 20 860 euros par ménage - c'est encore trop faible. Nous n'en sommes qu'au démarrage de ce dispositif, qui doit être mieux présenté et connu. »

* 136 Contribution de la Fédération bancaire française à la Commission d'enquête.

* 137 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 27 mars 2023.

* 138 Conclusion du Conseil national de la refondation Logement, 5 juin 2023, page 13.

* 139 Olivier Sichel, Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés, mars 2021, page 36.

* 140 Compte rendu de l'audition de la commission d'enquête du jeudi 4 mai.

* 141 Les banques partenaires sont le Crédit Mutuel, le CIC, le Crédit Agricole et la Banque postale.

* 142 Intervention à l'Assemblée nationale du 9 janvier 2023.

* 143 Agence de la transition écologique (Ademe), Institut négaWatt, Île-de-France Énergies, Greenflex, Rapport final, Financer la rénovation énergétique performante des logements, octobre 2022, page 39.

* 144 Le champ des travaux couverts par la taxe listés dans le bulletin officiel des finances publiques (référence : BOI-TVA-LIQ-30-20-95).

* 145 Revue de dépenses - aides à la rénovation énergétique des logements privés, Inspection générale des finances, Claire Waysand, et Conseil général de l'environnement et du développement durable, Michèle Rousseau, avril 2017, page 19

* 146 Capucine Grégoire, Paul-Armand Veillon, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) face aux défis socioéconomiques, décembre 2022, page 42. Ce rapport n'est pas rédigé au nom du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), mais il accompagne le rapport du CPO sur la TVA rendu public en février 2023.

* 147 Capucine Grégoire, Paul-Armand Veillon, La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) face aux défis socioéconomiques, décembre 2022, page 43. Il s'agit de la proposition n° 4 du rapport.

* 148 L'article R 134-4-3 du code de la construction et de l'habitation, abrogé par le décret n° 2021-872 du 30 juin 2021, précisait les modalités de réalisation de ce DPE collectif, cf.  https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000 023 355 472.

* 149 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 23 mai 2023.

* 150 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 6 juin 2023.

* 151 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 6 juin 2023.

* 152 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 6 juin 2023.

* 153 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 23 mai 2023.

* 154 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 6 juin 2023.

* 155 L'idée « d'opérateurs ensembliers » est notamment développée dans le rapport de France Stratégie Comment accélérer la rénovation énergétique des logements ?, de Vincent Aussilloux et Adam Baïz, daté d'octobre 2020. Les sociétés de tiers financement ont plus généralement été créées par la loi Alur du 24 mars 2014 et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Si les sociétés de tiers financement sont proches des opérateurs ensembliers, une différence est que les sociétés de tiers financement ne portent pas nécessairement l'investissement.

* 156 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du lundi 6 mars 2023.

* 157 Réponses au questionnaire du rapporteur de la commission d'enquête.

* 158 Réponses au questionnaire du rapporteur de la commission d'enquête.

* 159 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 8 mars 2023.

* 160 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 27 mars 2023.

* 161 Agence de la transition écologique (Ademe), Institut négaWatt, Île-de-France Énergies, Greenflex, Financer la rénovation énergétique performante des logements, Rapport final, octobre 2022, page 59.

* 162 Compte rendu des auditions de la commission d'enquête du 8 mars 2023.

* 163 Agence de la transition écologique (Ademe), Institut négaWatt, Île-de-France Énergies, Greenflex, Financer la rénovation énergétique performante des logements, Rapport final, octobre 2022, page 63.

* 164 Agence de la transition écologique (Ademe), Institut NégaWatt, Île-de-France Énergies, Greenflex, Financer la rénovation énergétique performante des logements, Rapport final, octobre 2022, page 63 : « Faire évoluer les plafonds de limitation des taux d'endettement globaux des bailleurs sociaux en regard des objectifs réglementaires de rénovation ».

* 165 Haut Conseil pour le climat, Maîtriser l'empreinte carbone de la France, octobre 2020.

* 166 Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 167 Arrêté du 10 juin 2022 portant cahier des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment.

* 168 RTE, Ademe, Réduction des émissions de CO2, impact sur le système électrique : quelle contribution du chauffage dans les bâtiments à l'horizon 2035 ?, 2020.

* 169 Le bâti ancien correspond ici aux logements construits avant 1948 qui est l'année de césure traditionnellement admise.

* 170 Le rapporteur a ouvert ces auditions aux membres de la commission d'enquête. Elles n'ont pas fait l'objet de comptes rendus publiés et les personnes entendues n'ont pas été appelées à prêter serment.