F. MOBILISER LE MONDE ACADÉMIQUE POUR EVALUER LES MESURES PRISES PAR TIKTOK ET DETERMINER SCENTIFIQUEMENT SES EFFETS PSYCHOLOGIQUES, PRENDRE DES MESURES EN CAS DE DANGER AVÉRÉ

Constat : les études manquent pour évaluer les dispositifs mis en place par TikTok et pour mesurer les impacts de l'application sur la jeunesse.

La mobilisation du monde académique sera nécessaire sur les effets psychologiques de TikTok. Les études étant encore très peu nombreuses, il convient de soutenir la recherche afin de mener des travaux approfondis sur la question. Comme le note Mme Laurence Rossignol, s'il est important de distinguer entre effet de corrélation et effet de causalité, « certaines corrélations méritent d'être prises au sérieux »246(*). Mme Milan Hung, psychologue clinicienne auditionnée par la commission d'enquête, abonde en ce sens, insistant sur la « nécessité d'une investigation autour des effets de corrélation » et appelant à « consacrer des moyens à la poursuite des recherches »247(*).

Enfin, on ne peut exclure que des contenus qui se propagent de manière virale sur la plateforme posent un danger sanitaire immédiat. Rappelons qu'en janvier 2021, l'autorité de protection des données italienne (Italian (Garante per la protezione dei dati personali - GPDP) a décidé de prendre des mesures urgentes, en application de l'article 66 du RGPD, après la mort d'une fillette âgée de 10 ans à Palerme à la suite d'un défi TikTok. La GPDP a ainsi imposé à TikTok une suspension de tous les traitements de données provenant de personnes dont l'âge ne pouvait être établi avec certitude. En outre l'autorité de la concurrence italienne a lancé une procédure à l'encontre de la société pour non-respect de ses propres règles de retrait des contenus dangereux. En France, la CNIL et la DGGCCRF pourraient, en tant que de besoin, entreprendre les mêmes démarches.

Recommandation n° 17 : Soutenir les recherches sur les effets sanitaires et psychologiques de l'application TikTok.

Recommandation n° 18 :  En cas de danger avéré, mettre en oeuvre l'article 66 du RGPD pour suspendre l'application.

G. METTRE EN PLACE UN VÉRITABLE SYSTÈME DE VERIFICATION DE L'AGE ET INSTAURER UN BLOCAGE DE TEMPS POUR LES MINEURS

Constat : malgré l'interdiction de principe de s'y inscrire, près de 45  % des jeunes Français de 11 à 12 ans ont un compte TikTok.

L'application TikTok est utilisée par une grande majorité des adolescents. Elle l'est également de plus en plus par des enfants de moins de 13 ans, alors même que l'inscription est en principe interdite en dessous de cet âge. Les chiffres communiqués par l'autorité de régulation britannique sont à cet égard frappants. 16 % des enfants britanniques de 3 et 4 ans utilisent déjà TikTok selon les déclarations de leurs parents. Ce pourcentage atteint 33 % pour les 5 à 7 ans et 60 % pour les 8 à 11 ans.248(*)

Les plateformes, et singulièrement TikTok, doivent instaurer un système de contrôle de l'âge performant, qui respecte les préconisations fixées par l'ARCOM, en lien avec la CNIL. La solution technique que mettra en oeuvre TikTok devra permette de contrôler l'âge des personnes présentes sur l'application, pour le « flux » (les futurs inscrits) comme pour le « stock », et de respecter le cadre national et européen sur la protection des données personnelles, plus protecteur pour les mineurs.

Comme déjà rappelé, ce contrôle d'âge doit se faire via un système prévoyant un tiers vérificateur indépendant, condition indispensable pour protéger au mieux les données personnelles. En outre, le recours à la reconnaissance faciale, trop attentatoire à la vie privée, ne saurait être retenu.

Par ailleurs, les témoignages recueillis par les psychologues cliniciens, tout comme le constat fait par les experts d'une « addictivité » plus grande de l'algorithme de TikTok, incitent à instaurer un blocage de l'application au bout de 60 minutes pour les mineurs. Les mesures avancées par TikTok ne sont en effet pas à la hauteur des enjeux. Elles reposent soit sur la confiance dans des décisions volontaires d'adolescents via des messages d'alerte, soit sur le contrôle parental. Compter sur le contrôle parental risque de créer des discriminations sociales entre enfants dont les parents peuvent contrôler l'usage des écrans et ceux qui n'en ont ni le temps ni les moyens.

L'amélioration de la qualité des contenus ne saurait être non plus une réponse au temps toujours croissant passé par les adolescents sur l'application. La promotion de contenus culturels (comme BookTok, dont l'apport culturel est d'ailleurs discutable) ou sportifs est l'arbre qui cache la forêt de nombreux contenus enfermant les utilisateurs dans leurs préférences, jusqu'à en être potentiellement dangereux (troubles alimentaires, suicides, dysmorphophobie...)

Outre ces obligations de régulation qui doivent être imposées à TikTok, des programmes de formation doivent être dispensés afin d'améliorer l'éducation au numérique. Comme le note Mme Sabine Duflo, psychologue clinicienne, « le bon moment pour intervenir, c'est dans les maternités, quand les mères sont enceintes». Des informations dédiées pourraient être dispensées dans le cadre de la protection maternelle et infantile (PMI).

Recommandation n° 19 : Exiger de TikTok la mise en place d'un système performant de vérification de l'âge, prévoyant un tiers vérificateur indépendant.

Recommandation n° 20 : Instaurer pour les mineurs un blocage de l'application au bout de 60 minutes d'utilisation.


* 246 Audition OPEN, 11 mai 2023.

* 247 Audition OPEN, 11 mai 2023.

* 248 Children's Media Live, Office of communication (OFCOM), 2022.

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