B. UN PROJET DE SIMPLIFICATION DES DEMANDES DE PRESTATIONS DE SOLIDARITÉ ET DE LUTTE CONTRE LE NON-RECOURS

1. Le projet avorté de revenu universel d'activité, ou l'ambition de rénover en profondeur le système des prestations de solidarité

Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022, le Gouvernement prévoyait de rénover en profondeur le système de minima sociaux et de prestations sous condition de ressources à travers la création d'un revenu universel d'activité (RUA).

Dans cette perspective a été lancée en 2019 une vaste concertation sous l'égide d'un rapporteur général, Fabrice Lenglart, qui a également piloté d'ambitieux travaux inter-administratifs. Si la crise sanitaire due à l'épidémie de covid-19 a interrompu ce processus, le rapporteur général a néanmoins remis son rapport de préfiguration du RUA au Gouvernement en janvier 2022.

La proposition centrale du rapport, qui n'a pas été rendu public, est d'instaurer un « revenu social de référence », c'est-à-dire d'harmoniser les bases ressources utilisées pour calculer le montant des différentes aides. Cette harmonisation permettrait d'assurer une meilleure articulation des prestations de solidarité les unes avec les autres et favoriserait un calcul du droit plus juste.

L'inscription des diverses prestations de solidarité dans un système unifié aurait permis, selon le rapport Lenglart, d'assurer à la fois un meilleur recours aux droits et une plus grande continuité des droits. Une telle réforme aurait toutefois requis des arbitrages complexes, notamment sur le périmètre des prestations concernées, la définition exacte des ressources comptabilisées au titre du revenu social de référence ou encore le barème à retenir pour les aides au logement, dont les bases de calcul diffèrent fortement de celles du RSA.

2. Des aides au logement au RSA et à la prime d'activité : l' « industrialisation » des prestations de solidarité

Réélu à la présidence de la République, Emmanuel Macron a renoncé au RUA au profit de la « solidarité à la source », un projet consistant principalement à automatiser le remplissage des déclarations de ressources des demandeurs et allocataires des prestations de solidarité.

a) Nécessaire, la réforme des aides au logement  n'a pas produit que des résultats satisfaisants

La mise en oeuvre de cette réforme a débuté en 2021 avec les APL. En sus d'un changement du mode de calcul (le droit aux APL est désormais réexaminé tous les trois mois et non plus tous les ans, tandis que le calcul repose sur les ressources des 12 derniers mois glissants au lieu de celles de l'avant-dernière année), le pré-remplissage des demandes d'APL est désormais assuré, pour environ 80 % des ressources des assurés, grâce au dispositif de ressources mensuelles (DRM), qui véhicule les données de salaires issues de la déclaration sociale nominative (DSN) et les données liées aux revenus de remplacement véhiculées par la DSN « Prélèvement à la source - Revenus autres » (PASRAU).

Le bilan de cette réforme s'avère pour l'heure mitigé : complexité accrue du fait de la non-prise en compte par le DRM de certains types de ressources (salaires perçus à l'étranger, revenus des travailleurs indépendants, pensions alimentaires, etc.), instabilité dans le temps du montant des APL, conséquences des anomalies déclaratives sur les droits ouverts...

Il est pour autant légitime que les APL soient calculées sur la base des revenus contemporains de l'allocataire, et non de ceux de l'avant-dernière année. Du reste, le pré-remplissage des demandes a entraîné une diminution des cas de fraude et des erreurs déclaratives. Il en a résulté un fort recul du nombre de bénéficiaires des APL et d'importantes économies.

b) L'industrialisation de l'examen des droits au RSA et à la prime d'activité est sur les rails, mais ses conséquences demeurent incertaines

La prochaine étape du projet de solidarité à la source consiste à étendre l'automatisation des déclarations de ressources au RSA et à la prime d'activité, recalculés tous les trimestres sur la base des revenus des trois derniers mois glissants. Cette nouvelle réforme, expérimentée dans quelques CAF depuis 2022, devrait être généralisée début 2025.

Dans cette perspective, le « revenu net perçu » a été remplacé au 1er juillet par le « montant net social » comme base de calcul de ces prestations. Ce dernier, qui englobe les revenus effectivement perçus par les salariés, est désormais calculé par l'employeur et figure sur le bulletin de paie, permettant aux allocataires de le reporter sur leur déclaration de ressources en attendant la mise en oeuvre de leur pré-remplissage.

Calendrier prévisionnel de mise en oeuvre de la réforme du RSA
et de la prime d'activité

Source : Direction générale de la cohésion sociale, comité de coordination pour l'accès aux droits

En outre, à l'horizon de 2025, le montant net social devrait également servir de base pour l'ouverture des droits à la complémentaire santé solidaire (C2S), attribuée sur la base de déclarations pré-remplies depuis la fin 2021.

Tant la Cnaf que le Gouvernement se sont refusés à communiquer aux rapporteurs les estimations réalisées au sujet des économies que devrait générer la réforme. « Plusieurs centaines de millions d'euros » ont seulement été évoqués.

3. Des mesures actives de lutte contre le non-recours complètent le projet

Le projet de solidarité à la source est complété par des initiatives visant à faire reculer le non-recours aux droits. Il s'agit d'abord de l'expérimentation « Territoires zéro non-recours », lancée en juillet pour trois ans et reposant sur la mise en oeuvre, par dix territoires, de mesures innovantes, dont les plus efficaces seront identifiées et diffusées.

En parallèle, le DRM sera utilisé dès 2023 pour détecter les non-recourants à la prime d'activité parmi les allocataires des APL. Ce ciblage devrait ensuite être étendu à l'ensemble des allocataires de la branche famille et viser les non-recourants au RSA.

Les rapporteurs préconisent que les économies générées par la réforme du RSA et de la prime d'activité soient dédiées à ces démarches actives en faveur du recours aux droits sociaux.

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