II. DES EFFORTS SUPPLÉMENTAIRES SONT NÉCESSAIRES AU SUCCÈS DE LA RÉFORME

A. L'AUTOMATISATION DES DÉCLARATIONS DE RESSOURCES REQUIERT DES GARANTIES SUPPLÉMENTAIRES

Dès lors que les données de la DSN sont utilisées pour calculer les droits sociaux, leur fiabilisation revêt une importance capitale. Si les pratiques des organismes de recouvrement ont longtemps divergé, l'Agirc-Arrco contrôlant les déclarations à la maille individuelle, salarié par salarié, et les Urssaf à la maille agrégée, à l'échelle de l'entreprise, ces dernières ont généralisé en janvier 2023 une nouvelle cinématique déclarative permettant de contrôler les données individuelles au fil de l'eau et étoffent progressivement le champ des contrôles opérés.

Néanmoins, 2 % des DSN véhiculées par le DRM seraient affectées par une erreur, tandis que les tests menés l'an dernier par les CAF démontrent que les déclarations souscrites par les allocataires et les déclarations pré-remplies à partir du DRM divergent encore largement.

Il importe donc d'amplifier les efforts engagés en matière de fiabilisation à la maille individuelle en partenariat avec l'Agirc-Arrco, de renforcer la fiabilité à la source en labellisant les logiciels de paie et de permettre la modification des DSN erronées en l'absence de correction par l'employeur.

En outre, la recherche de solutions techniques permettant l'intégration dans le DRM de nouvelles catégories de ressources, notamment les revenus des micro-entrepreneurs et les pensions alimentaires, doit se poursuivre dans une logique de fiabilisation et de simplification.

B. LA LUTTE CONTRE LE NON-RECOURS AUX DROITS DOIT ÊTRE MENÉE DANS UNE PERSPECTIVE PLUS ÉTENDUE

1. Favoriser l'accès le plus large possible aux droits sociaux

Pour faire reculer le non-recours, les rapporteurs proposent d'instaurer au sein des CAF la demande unique de prestations, qui permettrait d'examiner la situation globale d'un allocataire afin de lui proposer tous les services et prestations auxquels il a droit, et d'étendre aux non-allocataires les campagnes de ciblage du non-recours menées à partir du DRM.

2. Développer les politiques d'aller-vers

Pour prometteuse qu'elle soit, l'exploitation numérique des données sociales ne saurait enrayer les ressorts profonds du non-recours aux droits. Dans cette perspective, les démarches d'« aller-vers », qui désignent le fait de sortir d'une logique de guichet pour aller au-devant des personnes, sont l'indispensable complément de l'industrialisation des prestations.

Cette approche du travail social nécessite souvent un changement de posture de la part des accompagnateurs, qui doivent eux-mêmes être accompagnés dans cette voie.

La stratégie pauvreté 2018-2022 prévoyait une « transformation de la formation » des travailleurs sociaux qui comprenait notamment un volet relatif à l'aller-vers. Cette mesure n'ayant été que très partiellement mise en oeuvre, les rapporteurs préconisent de mener à bien un vaste plan de formation.

3. Ne pas renoncer à l'ambition d'harmoniser le paysage des prestations
a) À court terme, la possibilité d'une harmonisation des périodes de référence

La « DRMisation » n'épuise pas davantage le sujet de la simplification de l'attribution des prestations.

L'harmonisation des périodes de référence pour la prise en compte des ressources et de la fréquence d'actualisation de la base ressources, qui varient d'une prestation à l'autre, constituent un axe de simplification.

Afin d'amorcer une harmonisation entre les périodes de référence des principales prestations de solidarité et de garantir à la fois une prévisibilité suffisante du niveau des aides et un montant équitable au regard de la situation des allocataires, les rapporteurs proposent d'aligner le RSA, la prime d'activité et les aides au logement sur une période de référence de six mois glissants, avec une actualisation tous les trois mois.

b) À plus long terme, remettre sur le métier le rapprochement des bases ressources

À ce stade, le projet de solidarité à la source laisse de côté la problématique qui était au coeur du chantier du RUA : celle de l'harmonisation des bases ressources.

Sur la base des préconisations du Conseil d'État, des ajustements ponctuels semblent d'ores et déjà envisageables : simplifier la prise en compte des revenus du patrimoine, voire supprimer la prise en compte des dons et libéralités.

Un rapprochement plus ambitieux des bases ressources passerait par une harmonisation de la prise en compte des revenus professionnels, notamment pour les trois prestations au coeur de la solidarité à la source. Or, rapprocher la base ressources des aides au logement de celle du RSA et de la prime d'activité aurait un impact considérable sur le montant des aides et supposerait donc d'en réviser profondément les barèmes. Les rapporteurs considèrent toutefois que seule une telle harmonisation permettrait de rendre plus lisible et équitable notre système de solidarité et d'en permettre un meilleur pilotage.

Plus généralement, les rapporteurs considèrent que les objectifs initiaux de la réforme du RUA - solidarité, lisibilité, équité et gain au travail - restent pertinents et doivent guider les réformes à venir du système de solidarité, de même que l'ambition d'en faire, à terme, un tout articulé et cohérent.

LISTE DES PROPOSITIONS

Garantir la fiabilité des données utilisées pour le calcul des droits

Proposition n° 6 : Mener à bien la montée en charge des contrôles à la maille individuelle réalisés par les Urssaf en coopération avec l'Agirc-Arrco, dans un objectif d'abandon de la maille agrégée à moyen terme.

Proposition n° 8 : Garantir la fiabilité du montant net social en confiant aux Urssaf et aux caisses de MSA la charge de le recalculer.

Proposition n° 7 : Permettre au plus vite et à un rythme infra-annuel l'émission de DSN de substitution portant sur un large champ de contrôles lorsque le déclarant ne procède pas à la correction des anomalies détectées en DSN.

Proposition n° 5 : Stabiliser l'architecture de la DSN et la nomenclature des données qu'elle véhicule en anticipant mieux les éventuelles évolutions.

Proposition n° 4 : Instaurer une labellisation publique des logiciels de paie.

Proposition n° 9 : Assurer a minima l'intégration des nouvelles pensions alimentaires et des revenus professionnels des micro-entrepreneurs dans le DRM.

Proposition n° 2 : Introduire une possibilité de correction ex ante par les allocataires des aides au logement des anomalies affectant les données utilisées pour le calcul de leurs prestations.

Lutter plus activement contre le non-recours aux droits

Proposition n° 3 : Utiliser les économies générées par la réduction des cas d'erreur et de fraude au RSA et à la prime d'activité pour augmenter les moyens de la lutte active contre le non-recours.

Proposition n° 11 : Utiliser les données issues du DRM pour détecter les potentiels non-recourants au RSA, à la prime d'activité et aux aides au logement parmi les ménages qui ne bénéficient d'aucune prestation.

Proposition n° 10 : Instaurer dans les CAF et les caisses de MSA la demande unique de prestations et de services.

Proposition n° 12 : Mener à bien un large plan de formation des travailleurs sociaux.

Proposition n° 1 : Construire un dispositif statistique permettant de mesurer le non-recours à la prime d'activité.

Simplifier le mode de calcul des prestations pour en assurer
la compréhension par les allocataires

Proposition n° 13 : Aligner sur une durée de six mois les périodes de référence prises en compte pour le RSA, la prime d'activité et les aides au logement.

Proposition n° 14 : Rapprocher les bases ressources des aides au logement, du RSA et de la prime d'activité.

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