B. DES POLITIQUES PUBLIQUES PAS TOUJOURS ADAPTÉES AUX BESOINS DES FAMILLES DES OUTRE-MER

1. Des prestations familiales encore inférieures à celles versées dans l'Hexagone
a) Un taux de couverture de la population des outre-mer supérieur à celui de la population hexagonale

Rappelons, dans un premier temps, les limites géographiques du périmètre d'intervention et de responsabilité de la branche famille de la sécurité sociale en faveur des territoires d'outre-mer.

Les territoires d'exercice de la Cnaf et des CAF concernent les départements de La Réunion, de Mayotte, de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe ainsi que la collectivité de Saint-Martin, couverte par la CAF de la Guadeloupe.

Hormis Saint-Martin, les collectivités d'outre-mer (COM) ne sont, quant à elles, pas gérée par les CAF.

La Caisse de prévoyance sociale (CPS) de Saint-Barthélemy, officiellement créée depuis le 1er avril 2017, couvre les prestations de l'ensemble des branches de la sécurité sociale, dont la branche famille. Elle est gérée par la MSA Poitou, qui a pris le relais de la CAF et de la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de Guadeloupe. Elle gère en direct l'action sanitaire et sociale, dans le cadre d'une convention d'objectifs et de gestion avec l'État. Les prestations familiales servies sont les mêmes que dans les quatre DROM historiques et qu'à Saint-Martin.

La CPS de Saint-Pierre-et-Miquelon, créée en 1977, gère également les différentes branches de la sécurité sociale, dont la branche famille. Elle exerce ainsi les prérogatives d'une CAF, d'une Carsat, d'une CPAM, d'une direction régionale du service médical et d'une Urssaf et gère un centre de santé polyvalent. 90 % de la population de l'archipel y est affiliée. Les prestations versées sont largement calquées sur celles de l'Hexagone, avec toutefois des plafonds spécifiques.

En Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, il existe des régimes locaux de prestations familiales, dont les règles sont fixées exclusivement par les autorités locales, lesquelles déterminent les prestations familiales et sociales qu'elles versent. L'État n'est donc pas responsable de ces prestations.

En 2022, les cinq caisses d'allocations familiales d'outre-mer (y compris la Caisse de sécurité sociale de Mayotte, CSSM) ont versé des prestations à 590 000 foyers allocataires, représentant 1,4 million de personnes.

Le taux de couverture de la population par les CAF s'établit dans ces territoires à 63 %, soit les deux tiers de la population ultramarine. Par comparaison, les CAF dans l'Hexagone couvrent en moyenne 47 % de la population.

Ce taux de couverture supérieur dans les DROM concerne toutes les prestations. Pour illustrer cette surreprésentation de la place des CAF en matière de couverture des populations dans les DROM, la Cnaf a fourni aux délégations quatre exemples emblématiques :

74 % de la population allocataire domienne est bénéficiaire des allocations familiales contre 62 % de la population hexagonale ;

- les foyers monoparentaux bénéficiaires de l'allocation de soutien familial (ASF) représentent 15 % des allocataires contre 6 % dans l'Hexagone ;

un allocataire sur trois est bénéficiaire du RSA dans les DROM pour seulement un allocataire sur dix dans l'Hexagone ;

- enfin, pour un tiers des allocataires, les prestations versées par la CAF constituent leur seule source de revenu pour vivre. Cette proportion est deux fois plus élevée que dans l'Hexagone où 17 % des allocataires sont dans cette situation.

Ainsi que le soulignait devant les délégations le 8 juin 2023, Jean-Marc Bedon, coordinateur de projet référent outre-mer à la Cnaf, « ce taux élevé de dépendance aux prestations est certainement le plus révélateur des difficultés sociales de ces territoires. Il engage au quotidien la responsabilité de la Caisse nationale et des caisses d'allocations familiales ultramarines, qui assument de manière encore plus prégnante que sur le reste du territoire national un rôle d'amortisseur social ».

Le total annuel des prestations légales versées par les CAF des DROM s'élevait en 2022 à 5,55 milliards d'euros sur un budget global, pour la France entière, d'environ 100 milliards d'euros.

Répartition des foyers allocataires selon la prestation légale perçue et la CAF de gestion

Montants du mois de juin 2022 (en euros)

Sources : Cnaf, allstat FR6 au titre de décembre 2021, Insee, recensement de la population française.

Champ : ensemble des foyers allocataires gérés par une CAF des DOM et bénéficiant d'au moins une prestation légale au titre de décembre 2021.

b) Un alignement inachevé des prestations familiales dans les quatre DROM historiques

Historiquement les droits aux prestations familiales comportaient de multiples différences entre les outre-mer et l'Hexagone, avec notamment des prestations moins élevées mais assorties de politiques complémentaires.

Aujourd'hui, à l'exception du cas particulier de Mayotte, l'égalité est quasiment atteinte sur le plan du droit. Dans les quatre DROM historiques - La Réunion, Guadeloupe, Martinique et Guyane - un mouvement d'alignement des prestations familiales avec l'Hexagone est en cours et toute nouvelle prestation légale nationale est automatiquement applicable dans les départements d'outre-mer aux mêmes conditions que dans l'Hexagone. Quelques différences subsistent néanmoins.

(1) Des conditions d'ouverture des droits différentes

En réalité, il n'existe plus désormais que deux différences majeures entre les prestations versées dans les DROM et celles versées dans l'Hexagone :

- d'une part, les allocations familiales sont versées dans les DROM dès le premier enfant, pour un montant actuel de 24,71€ par mois, sans modulation en fonction des ressources. À partir de deux enfants, les montants sont identiques à l'Hexagone, avec une modulation en fonction des ressources ;

- d'autre part, l'allocation de complément familial (CF) servie dans les DROM est une prestation très différente de celle servie dans l'Hexagone. En effet, dans l'Hexagone, le CF est versé aux familles nombreuses qui ont à leur charge au moins trois enfants âgés de plus de 3 ans et de moins de 21 ans, sous conditions de ressources, prenant ainsi la suite du versement de la Prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Dans les DROM, ce complément est versé, dès le premier enfant, aux familles ayant à leur charge au moins un enfant, de ses 3 ans jusqu'à ses 5 ans (sans autre enfant de moins de 3 ans), sous conditions de ressources.

Cette modalité de versement dans les DROM pose la question de la continuité de son bénéfice puisqu'il n'est parfois plus perçu malgré une nouvelle naissance31(*). La particularité de ce mode de versement était à l'origine conçue comme une façon de « ne pas encourager la natalité » comme l'a observé devant les délégations Michel Villac, président du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA).

Les aides au logement demeurent également différentes. En effet, les locataires du parc social conventionné dans les DROM ne peuvent bénéficier comme dans l'Hexagone d'une aide personnalisée au logement. En revanche, les accédants à la propriété peuvent, si leurs ressources sont modestes, bénéficier d'une aide au logement, ce qui n'est plus le cas dans la France hexagonale depuis 2018.

(2) Des prestations sociales qui n'existent pas dans l'Hexagone

Les DROM bénéficient, par ailleurs, de deux prestations qui n'existent pas dans l'Hexagone :

- le revenu de solidarité (RSO) : créée en 2001, cette prestation est versée aux personnes âgées de 55 à 64 ans, bénéficiant du RSA depuis au moins deux années consécutives et qui s'engagent à quitter définitivement le marché du travail. Également ouvert à Saint-Pierre-et-Miquelon, il n'a pas été étendu à Mayotte ;

- la prestation accueil et restauration scolaire (Pars) : elle permet aux CAF d'outre-mer de contribuer au financement de la restauration scolaire des élèves scolarisés de l'école maternelle au lycée, dans un établissement public ou privé sous contrat, dans le but de réduire le reste à charge des familles.

Cette prestation est généralisée à l'ensemble des enfants scolarisés en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, peu importe le niveau scolaire, le type d'enseignement ou les ressources des parents. Cette spécificité ultramarine tient aux difficultés particulières auxquelles sont confrontés les élèves et les établissements scolaires.

Au titre de l'année scolaire 2021-2022, les CAF ont contribué via la Pars au financement des frais de restauration scolaire à hauteur de 86 millions d'euros. En outre, pour l'année scolaire 2020-2021, 344 000 enfants scolarisés de la maternelle au lycée ont bénéficié de cette aide, soit 64 % de l'ensemble des élèves ultramarins.

Le taux d'élèves bénéficiaires d'un service de restauration est toutefois hétérogène selon les départements et fortement dépendant de l'offre de restauration scolaire existante dans le département et proposée par les établissements scolaires. En effet, lorsque les élèves ne bénéficient pas d'une offre de restauration scolaire, la Pars ne peut pas être versée.

Bénéficiaires de la Pars au titre de l'année scolaire 2020-2021
dans les cinq DROM

 

Nombre d'élèves scolarisés

Bénéficiaires Pars

Taux de couverture Pars

La Réunion

219 644

153 426

70 %

Martinique

56 643

43 542

77 %

Guadeloupe

84 362

40 579

48 %

Guyane

85 149

32 353

38 %

Mayotte

90 862

74 042

81 %

Total 5 DROM

536 660

343 942

64 %

Source : Caisse nationale des allocations familiales

c) Des règles spécifiques à Mayotte

Ainsi que le soulignait, devant les délégations le 2 février 2023, Michel Villac, président du HCFEA, « à Mayotte, dont le niveau de vie est le sixième de celui de l'Hexagone, seul un tiers de la population est couverte [par la sécurité sociale]. Cela veut dire que le code de la sécurité sociale, restrictif, ne protège qu'une part minoritaire de la population, malgré des besoins très importants ».

(1) La persistance d'une règlementation mahoraise spécifique en matière de prestations familiales et sociales

Si, comme précédemment évoqué, les quatre DROM « historiques » ont entamé et quasiment achevé un processus d'harmonisation des prestations avec l'Hexagone, persiste à Mayotte une règlementation spécifique justifiée, en principe, par une situation locale particulière.

Le cas particulier de Mayotte
concernant le versement des prestations familiales

D'après les éléments fournis aux délégations par la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), à Mayotte, plusieurs prestations CAF versées dans l'Hexagone ne sont, à ce jour, pas ouvertes pour Mayotte. Il s'agit des prestations suivantes :

- prime à la naissance et à l'adoption ;

- prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE) ;

- complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour l'emploi direct (projet d'ouverture fin 2023/début 2024) ;

- allocation de soutien familial ;

- aide personnalisée au logement (hors APL logement foyer).

De même certaines prestations ou minima sociaux versés à Mayotte sont servis avec des montants inférieurs et/ou des conditions d'ouverture de droits plus restrictives que dans les autres DROM, sachant qu'il existe par ailleurs des différences entre DROM et France hexagonale (conditions différentes, pour certaines plus favorables aux allocataires des DROM). Il s'agit des prestations suivantes :

- allocation familiale ;

- complément familial ;

- revenu de solidarité active (RSA) et prime d'activité ;

- allocation aux adultes handicapés.

Il est à noter que le complément de libre choix du mode de garde (CMG) versé lorsque la famille recourt à un service prestataire de gardes d'enfants, à une micro-crèche Paje et à une crèche familiale, est applicable à Mayotte depuis le 1er juillet 2022. Les montants de ressources des familles et les montants maximum de CMG sont adaptés aux spécificités mahoraises.

La publication du décret n° 2022-659 du 25 avril 2022 a étendu à Mayotte les dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale relatives au complément de libre choix du mode de garde (CMG). Cela favorise notamment la création de MAM (maisons d'assistants maternels) sur le territoire.

Par ailleurs, le décret n° 2022-1311 du 12 octobre 2022, pris en application d'une ordonnance n° 2021-1553 du 1er décembre 2021, étend à Mayotte l'allocation journalière de présence parentale, prestation qui indemnise les parents cessant leur activité pour s'occuper de leur enfant malade.

Source : Caisse nationale des allocations familiales

Dès lors, seules les allocations familiales pour deux enfants sont les mêmes que dans l'Hexagone mais non modulées, ainsi que deux prestations spécifiques, notamment pour les enfants handicapés.

L'allocation de soutien familial n'est pas servie de même que le RSO, précédemment évoqué, qui n'existe pas à Mayotte.

Un certain nombre de prestations devraient être déployées dans les mois qui viennent, comme le complément de libre choix du mode de garde (CMG) et le congé de paternité et d'accueil de l'enfant.

En outre, il existe une série de prestations aux conditions ou montants spécifiques. Les allocations familiales à partir du troisième enfant sont moins élevées qu'ailleurs. Le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et le RSA, la prime d'activité, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et les aides au logement sont aussi assorties de conditions nettement moins favorables. Ainsi une partie de la population ne bénéficie pas des prestations.

L'obtention du RSA nécessite la preuve de quinze années consécutives de résidence sur le territoire. Son montant pour une personne seule, sans enfant, est fixé par un décret32(*) du 4 mai 2023 à 303,88 euros par mois à compter du 1er avril 2023, ce qui correspond à environ la moitié du RSA versé dans l'Hexagone.

Certains habitants vivant à Mayotte depuis de nombreuses années n'ont jamais régularisé leur situation administrative et ne peuvent donc bénéficier des prestations qui exigent la preuve de quinze années de présence continue sur le territoire. De plus, comme le soulignait Enrafati Djihadi, directrice de l'Udaf de Mayotte, devant les délégations, certaines familles mahoraises ne peuvent bénéficier du RSA car elles sont mariées selon le droit local et non le droit commun.

C'est pourquoi, malgré un fort taux de pauvreté, seul un tiers de la population mahoraise bénéficie des prestations familiales ou sociales.

Des engagements de convergence ont été pris, notamment par le Président de la République qui annoncé l'accélération du calendrier de la convergence sociale avec un aboutissement prévu en 2031 plutôt qu'en 2036.

Pour le président du HCFEA, Michel Villac, il convient de « se pencher en priorité sur l'allocation de base de la Paje, les allocations familiales pour trois enfants et plus et le complément familial. Cela n'aurait sans doute pas de sens d'aligner le RSA à Mayotte sur son niveau en métropole. En revanche, il faut avoir pour objectif une parité sociale globale ». En outre, « le logement représente évidemment un enjeu fondamental. Les difficultés sont massives à Mayotte et en Guyane, moindres dans les autres départements, si l'on excepte certains quartiers. Quoi qu'il en soit, il faut intensifier l'effort de résorption de l'habitat insalubre et déployer l'aide personnalisée au logement (APL) avec plus de vigueur ».

S'agissant du RSA versé à Mayotte, notre collègue Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion, a pour sa part estimé nécessaire qu'il soit « aligné sur le niveau des autres territoires, pour une raison très simple : les Mahorais viennent à La Réunion pour percevoir un RSA largement supérieur, quitte à faire des allers-retours. Ce serait aussi un moyen de traiter le cas des mineurs non accompagnés et de réduire les carences éducatives ».

(2) Un régime de sécurité sociale autonome

Mayotte dispose, par ailleurs, d'un régime autonome de sécurité sociale et d'une caisse de sécurité sociale unique qui gère l'ensemble des risques couverts : la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM).

Comme le soulignait devant les délégations Philippe Fery, directeur général de la CSSM, les orientations de la branche famille de la CSSM sont définies par des conventions d'objectifs et de gestion (COG). Les moyens sont donnés à travers l'action sociale et familiale. Toutefois, l'action de la CAF de Mayotte est limitée aux familles en situation régulière. La CSSM est donc relativement inopérante face aux enfants isolés, a fortiori lorsque ceux-ci quittent le système scolaire.

Le fait pour Mayotte de ne posséder qu'un seul organisme « multibranche » de sécurité sociale est considéré par certains acteurs mahorais comme un avantage et le moyen de créer une prestation sociale unique regroupant toutes les prestations actuelles dont la mise en place serait accompagnée par tous les relais locaux du département.

d) Un fort taux de non-recours aux prestations
(1) Une partie des bénéficiaires potentiels des prestations « laissés sur le bord de la route »

D'après les éléments fournis aux délégations par le HCFEA, des indices concordants montrent qu'une partie des bénéficiaires potentiels de prestations n'y ont pas accès soit parce qu'ils ne connaissent pas leur existence soit parce qu'ils sont trop éloignés des institutions qui les délivrent : l'éloignement géographique de certaines populations et les difficultés de circulation qu'elles rencontrent, l'impossibilité d'utiliser les moyens numériques de communication, la barrière de la langue pour certaines d'entre elles ainsi que la faiblesse des montants alloués au regard de la complexité des formalités à accomplir expliquent cet état de fait.

Pour Michel Villac, président du HCFEA, « il faut traiter la question du non-recours aux prestations qui est importante et tient au fait que les populations soit ne connaissent pas l'existence des prestations soit sont trop éloignées des institutions qui les délivrent, en particulier en Guyane et à Mayotte ».

Le taux de non-recours aux prestations est élevé, en particulier en Guyane et à Mayotte, où conserver des documents papier ne correspond pas toujours à la culture locale ni à des conditions climatiques favorables (en raison du taux d'humidité élevé en Guyane par exemple). Le recours à des démarches administratives dématérialisées est souvent encore plus complexe, lorsque les familles n'ont pas accès à Internet ou n'ont pas les compétences informatiques nécessaires.

Camille Chaserant, conseillère scientifique du HCFEA, rappelle ainsi que « le taux de non-recours aux prestations est particulièrement élevé à Mayotte et en Guyane : dans ce territoire immense et en partie enclavé, l'accès aux CAF n'est pas aisé. S'y ajoute la difficulté de conserver les documents en papier : non seulement l'humidité est en soi un problème, mais ce réflexe ne correspond pas à la culture locale. Certes, un service de pirogues itinérantes a été créé, mais les familles ont leur propre rythme de vie. N'oublions pas non plus la barrière de la langue, qui rend la terminologie administrative encore plus aride ».

L'effet important de l'illettrisme et des langues locales plaide donc pour la traduction d'une partie des documents et interfaces informatiques.

De même, l'illectronisme et les difficultés d'accès aux outils numériques sont à l'origine de rupture de droits et d'abandon de démarches jugées trop difficiles par les familles.

Plus globalement, certaines familles n'ont pas connaissance des droits auxquels elles peuvent prétendre. Ainsi, Patricia Augustin, secrétaire générale de la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSFM) a observé une réelle méconnaissance des dispositifs existants. Elle a ainsi cité l'exemple de familles à Saint-Martin qui ne connaissaient pas l'existence de la réforme des pensions alimentaires et à qui elle avait dû expliquer le nouveau dispositif afin qu'elles puissent percevoir ces pensions lorsqu'elles ne leur étaient pas versées.

(2) Les leviers activés par les CAF pour améliorer l'accès aux droits des populations ultramarines

Comme le rapporte la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), le taux élevé de bénéficiaires de prestations engage au quotidien sa responsabilité et celle des CAF ultramarines qui assument de manière encore plus prégnante que sur le reste du territoire national un rôle d'amortisseur social. À ce titre, l'action des CAF en matière d'accès aux droits est évidemment un enjeu majeur pour ces territoires.

Ainsi, dans certains territoires, des services itinérants tentent d'informer et d'accompagner les familles en se rendant dans les territoires enclavés, comme à La Réunion ou en Martinique, ou isolés comme en Guyane.

En Martinique, la CAF a développé des « caravanes des droits » pour aller directement au contact des populations tandis que le Secours catholique travaille sur une solution itinérante par l'expérimentation du « Fraternity Bus ». Sonia Melina-Hyacinthe, directrice de politiques publiques petite enfance et parentalité et production de service à la CAF de Martinique, a témoigné auprès des rapporteurs de la mise en place d'une démarche d'« aller vers » lors des naissances : des travailleurs sociaux se rendent également dans les maternités pour ouvrir des droits.

À La Réunion, la ville de Saint-Louis a mis en place un « programme activation 100 % droits sociaux » dans le cadre duquel un outil de simulation a été créé pour permettre de repérer les droits manquants. Dans cette commune, tout citoyen se rendant dans un point d'accueil du centre communal d'action sociale (CCAS) reçoit une information complète sur l'ensemble de ses droits. L'Union départementale des CCAS facilite par ailleurs le déploiement de bonnes pratiques auprès des communes dans leurs actions d'accès aux droits et de lutte contre la fracture numérique.

Plus globalement, les différents outils développés par la CAF pour améliorer l'accès aux droits des bénéficiaires de prestations sont les suivants :

- la mise en place de parcours « usagers » qui visent à faciliter les démarches des usagers, accélérer l'accès à leurs droits, les informer sur les ressources à leur disposition près de chez eux (généralisation du parcours « séparation » en 2021 ; prochain déploiement du parcours « arrivée d'un enfant » prévu pour fin 2023) ;

- le déploiement de solutions techniques innovantes visant à aider les allocataires à réaliser leurs démarches administratives ;

- le développement d'un large réseau de partenaires d'accueil formés par la CAF pour mailler le territoire et proposer un accompagnement numérique de proximité aux usagers ;

- l'impulsion et le soutien aux actions ou dispositifs innovants « d'aller vers » ou services itinérants en faveur des publics les plus fragiles ou les plus éloignés des centres urbains, compte tenu des géographies atypiques des territoires ultramarins.

La Direction générale des outre-mer (DGOM) est également attentive à la problématique du non-recours aux prestations sociales et a informé les collectivités ultramarines du lancement d'un appel à projet national intitulé « territoire zéro non recours » dans dix territoires en 2023 avec une extension envisagée après 2024. Dans le cadre de cet appel à manifestation d'intérêt, sept collectivités ultramarines ont présenté des demandes (trois pour La Réunion, une en Guadeloupe, une à Mayotte, une en Guyane et une en Martinique).

Le développement des Maisons France Services, objectif déjà assigné aux outre-mer par l'intermédiaire de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), concourt également à un meilleur accès des populations aux prestations et services publics.

e) Une diversité des prestations servies dans les collectivités d'outre-mer (COM)
(1) Focus sur les collectivités du Pacifique autonomes

Comme évoqué précédemment, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna disposent de régimes indépendants et spécifiques de prestations familiales dont les règles sont définies par les autorités locales. Chacune de ces collectivités est donc libre de fixer les aides familiales et sociales versées à ses habitants et de définir ainsi sa propre politique familiale sans que l'État n'intervienne.

Les tableaux ci-après récapitulent les différents acteurs de la politique familiale dans ces collectivités ainsi que tous les types de prestations familiales versées.

NOUVELLE-CALÉDONIE

Les acteurs de la politique familiale

- le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie : conciliation de la vie familiale et professionnelle (projet de dispositif de prise en charge partielle des frais de garde), plan territorial de protection de l'enfance (dispositifs de protection des mineurs, prévention et répression de la délinquance...), etc. Le Conseil calédonien de la famille coordonne la politique familiale ;

- les trois Provinces : services de protection de l'enfance, action sociale provinciale, protection maternelle et infantile (PMI), ou antennes médico-psychologiques (allocations aux enfants secourus, mesures d'aide éducative à domicile, aides financières exceptionnelles, bourses scolaires etc.) ;

- les communes : mairies ou CCAS (aides alimentaires, aides urgentes, aides aux vacances) et conduite d'actions individuelles ou collectives favorisant le bien-être de l'enfant et de l'adolescent, et la prévention des difficultés parentales ;

- des organismes de protection sociale : Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de la Nouvelle-Calédonie (Cafat), Mutuelle des fonctionnaires, Fonds social de l'habitat...

- des associations : (Union des Professionnels de la Petite Enfance, Association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescent, Croix-Rouge, SOS violences sexuelles).

NOUVELLE-CALÉDONIE

Prestations familiales légales versées par la Cafat
(chaque prestation est déclinée en prestation de solidarité sous conditions de ressources)

Sans conditions de ressources

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

Allocations prénatales (pendant la grossesse)

3 primes :

- 30 544 FCFP33(*) bruts au 3e mois de grossesse ;

- 61 088 FCFP bruts au 6e mois de grossesse ;

- 45 816 FCFP bruts au 8e mois de grossesse.

Résidence sur le territoire.

Activité salariée ou conjoint/concubin/ partenaire de PACS ou enfant à charge d'un travailleur salarié.

Allocations de maternité
(à la naissance)

En cas de naissance multiple, une allocation de maternité est versée pour chaque enfant.

2 versements :

- 26 726 FCFP bruts à la naissance ;

- 26 726 FCFP bruts lorsque l'enfant atteint l'âge de 6 mois.

Mêmes conditions
que pour les allocations prénatales.

Avoir accouché sous contrôle médical en Nouvelle-Calédonie
(sauf en cas d'evasan).

Avoir donné naissance à un enfant né en vie.

Avoir inscrit l'enfant à l'état civil.

Allocations familiales

Versement mensuel jusqu'aux 16 ans de l'enfant (21 ans en cas de poursuite d'études)

Être en séjour régulier en Nouvelle-Calédonie Être travailleur salarié (non fonctionnaire).

Exercer chaque mois une activité minimum ou percevoir un salaire minimum.

Avoir un ou plusieurs enfants à charge

Conditions de revenus
pour le complément familial

Complément familial 

- 19 472 FCFP si revenus < 4 364 400 FCFP ;

- 15 272 FCFP si revenus < 6 546 600 FCFP ;

- 8 018 FCFP si revenus > ou = 6 546 600 FCFP.

NOUVELLE-CALÉDONIE

Sous conditions de ressources
(revenus annuels inférieurs à 2 913 800 FCFP sauf allocation de rentrée scolaire)

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

Allocations prénatales de solidarités

revenus annuels < 2 913 800 FCFP

3 primes :

- 30 050 FCFP bruts au 3e mois de grossesse ;

- 60 100 FCFP bruts au 6e mois de grossesse ;

- 45 075 FCFP bruts au 8e mois de grossesse ;

Résidence sur le territoire.

Ne pas bénéficier des allocations prénatales d'un autre régime obligatoire.

Allocations de maternité de solidarité

revenus annuels < 2 913 800  CFP

2 versements :

- 26 318 FCFP bruts à la naissance ;

- 26 318 FCFP bruts lorsque l'enfant atteint l'âge de 6 mois.

En cas de naissance multiple, une allocation de maternité est versée pour chaque enfant.

Même conditions que pour les allocations prénatales de solidarité.

Allocations familiales de solidarité

revenus annuels < 2 913 800  CFP

Versement mensuel jusqu'aux 16 ans de l'enfant (21 ans en cas de poursuite d'études).

19 140 FCFP par enfant.

Résider en Nouvelle-Calédonie (pour les étrangers, être en séjour régulier).

Ne pas bénéficier de prestations de même nature par un autre régime de protection sociale.

Avoir un ou plusieurs enfants à charge (légitime, naturel, adopté ou confié.

Allocation de rentrée scolaire

revenus annuels < 4 364 400 FCFP

1 versement :

9 545 FCFP

Avoir au moins un enfant à charge, âgé de plus de 2 ans et 7 mois au 1er janvier.

Avoir droit aux allocations familiales de janvier pour l'enfant.

Allocation de rentrée scolaire de solidarité

1 versement :

9 570 FCFP

Avoir au moins un enfant à charge, âgé de plus de 2 ans et 7 mois au 1er janvier.

Avoir droit aux allocations familiales de solidarité de janvier pour l'enfant.

NOUVELLE-CALÉDONIE

Prestations extra-légales versées par le Fonds d'action sanitaire, sociale et familiale
de la Cafat (mesures d'action sociale)

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

- aides à la garderie ;

- aides à la cantine ;

- aides aux vacances ;

majoration de l'allocation familiale pour les enfants ayant un taux de handicap entre 30 et 66 % ;

Pass sports Cafat (financement de la souscription de licence sportive annuelle) ;

financement du reste à charge des repas étudiants servis à l'Université de Nouvelle-Calédonie.

 

Conditions de ressources
(sauf Pass Sports Cafat).

Prestations extra-légales versées par la Mutuelle des fonctionnaires

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

Allocation layette (à la naissance)

84 €

Être adhérent de la MDF.

Aide mensuelle aux frais de garderie

84 € tant que l'enfant n'est pas scolarisé.

Être adhérent de la MDF.

Mise à disposition de logements locatifs de courte durée à tarifs réduits lorsque le séjour a lieu pour des raisons médicales.

Ces hébergements permettent, par exemple, à de futures mamans d'y loger jusqu'à 2 mois avant leur accouchement.

Adhérents résidant en Provinces Nord et Îles.

Prestations extra-légales versées par le Fonds social de l'Habitat (FSH)

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

Aide au logement

Montant moyen mensuel en 2021 :

280 €

Conditions de ressources.

Résider en Nouvelle-Calédonie.

Calculée en fonction du montant du loyer et de la composition familiale (majoration pour familles monoparentales).

WALLIS-ET-FUTUNA

Les acteurs de la politique familiale

- le pôle social du Service d'inspection du travail et des affaires sociales (Sitas) ;

- le pôle petite enfance de l'Agence de Santé (ADS) qui travaille sur la prévention (semi-PMI) ;

- la Caisse des prestations sociales de Wallis et Futuna (CPSWF) ;

- l'administration supérieure ;

- l'Assemblée territoriale ;

- la DFIP pour le paiement de certaines prestations ;

- la Chefferie, les associations, l'Église, etc.

Prestations familiales légales gérées par la CPSWF
962 bénéficiaires, montant total de 382 M de FCFP

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

Allocations familiales

11 000 FCFP par enfant  à charge, de la naissance jusqu'à 16 ans révolus (21 ans en cas d'études ou d'apprentissage)

Être de nationalité française.

Résider sur le territoire.

Travailleurs salariés et assimilés.

Aide sociale à l'enfance gérée par la CPSWF
853 enfants bénéficiaires, montant total de 78 M de FCFP

Prestations versées

Montant

Conditions pour en bénéficier

Aide sociale à l'enfant

Versée de la naissance jusqu'à 14 ans révolus (16 ans en cas d'études primaires et 21 ans en cas d'études ou apprentissage).

1er enfant à 6 040 FCFP

2e enfant à 7 040 FCFP

3e enfant à 9 040 FCFP

4e enfant à 11 040 FCFP

5e enfant à 13 040 FCFP

6e enfant à 16 040 FCFP

7e enfant et + à 19 040 FCFP

Être de nationalité française.

Résider sur le territoire.

Personnes non salariées ayant un/des enfant(s) à charge.

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Les acteurs de la politique familiale

La Caisse de Prévoyance Sociale de Polynésie française (CPS) applique la politique de prestations sociales du Pays et gère les prestations familiales des trois régimes territoriaux de protection sociale (régime salarié, régime non salarié et régime de solidarité).

Elle accorde également des aides sociales via le Fonds d'action sanitaire, sociale et familiale du régime salarié (FASS RGS) pour les familles en difficulté (à l'exception de la participation aux cantines scolaires versées à tous les enfants scolarisés et demi-pensionnaires).

La Direction des solidarités, de la famille et de l'égalité (DSFE) attribue des aides au titre de l'action sociale.

Prestations familiales légales gérées par la CPS
80 800 bénéficiaires, montant total de 6,8 Md de FCFP

Prestations versées

Régime salarié

Régime non salarié

Régime de solidarité (RSPF)

 

Conditions d'activité salariée

 

Condition de ressources

 

80h/mois de travail salarié ou 25 h/mois pour les mères de trois enfants de moins de 14 ans ou d'enfants ayant un handicap reconnu

ou rémunération mensuelle au moins équivalente au SMIC

 

revenus mensuels inférieurs à 97 346 FCFP pour un couple avec ou sans enfant ou une personne seule avec un ou plusieurs enfants

Allocations prénatales

Soumises au suivi des examens prénataux

59 000 FCFP en 4 versements

Le montant varie de 5 000 FCFP à 54 500 FCFP selon le quotient familial.

54 500 FCFP en 4 versements.

Allocations de maternité

Conditions :

- avoir accouché sous contrôle médical ;

- avoir donné naissance à un enfant en vie ;

- avoir déclaré l'enfant à l'état civil

36 000 FCFP

En 2 versements :

à la naissance de l'enfant et après la consultation post-natale de la mère
(10 semaines après l'accouchement au plus tard).

Le montant varie de 0 à 33 000 FCFP selon le quotient familial.

33 000 FCFP

En 2 versements :

à la naissance de l'enfant et après la consultation post-natale de la mère
(10 semaines après l'accouchement au plus tard).

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Prestations familiales légales gérées par la CPS
80 800 bénéficiaires, montant total de 6,8 Md de FCFP

Prestations versées

Régime salarié

Régime non salarié

Régime de solidarité (RSPF)

Allocations familiales

Versées de l'âge d'un an jusqu'à 16 ans révolus, 21 ans en cas de poursuite d'études.

Conditions :

- suivi des consultations médicales exigées, selon l'âge de l'enfant jusqu'à sa scolarisation ;

- obligation de scolarité à partir de 6 ans et présentéisme aux cours.

12 000 FCFP mensuels par enfant.

Le montant varie de 0  à 12 000 FCFP par mois selon le quotient familial.

15 000 FCFP mensuels par enfant.

Prestations extra légales versées par la CPS
90 000 bénéficiaires (participation cantine), montant total de 2,4 Mds de FCFP versés

Sans condition de ressources

Participation aux cantines scolaires

85 FCFP par enfant à Tahiti et Moorea.

95 FCFP autres îles.

Versée directement au gestionnaire des cantines pour tout enfant scolarisé inscrit à la cantine.

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Prestations extra légales versées par la CPS
90 000 bénéficiaires (participation cantine), montant total de 2,4 Mds de FCFP versés

Sous condition de ressources

Prestations versées

Régime salarié

Régime non salarié

Régime de solidarité (RSPF)

 

Conditions d'activité salariée

 

Condition de ressources

 

Condition de ressources (moyenne économique journalière) :

< ou = à 1 300 FCFP : attribution de la totalité des aides dans la limite des tarifs plafonnés,

entre 1 301 et 1 400 FCFP : attribution de 100 % de l'aide à la cantine et 50 % des autres aides dans la limite des mêmes tarifs plafonnés

Condition de ressources :

Quotient familial < 25 000 FCFP

Attribution automatique

Aides de rentrée scolaire

Allocation de rentrée scolaire :

- 5 000 FCFP pour enfant de - de 6 ans ;

8 000 FCFP
de 6 à 12 ans ;

12 000 FCFP
de 12 à 16 ans

16 000 FCFP
de 16 à 21 ans ;

(majoration exceptionnelle de 3 000 FCFP lors de la rentrée 2022-2023).

Aide à l'assurance scolaire : 1 520 FCFP par enfant (versée à GAN Assurance).

Depuis le 1er juillet 2018, mise en place d'une aide exceptionnelle à tous les enfants allocataires du RNS et scolarisés versée aux familles :

- aide aux frais liés à la rentrée scolaire (fourniture scolaires, trousseau vestimentaire et assurance scolaire) ;

Depuis le 1er juillet 2018, mise en place d'une aide exceptionnelle à tous les enfants allocataires du RSPF et scolarisés versée aux familles :

- aide aux frais liés à la rentrée scolaire (fourniture scolaires, trousseau vestimentaire et assurance scolaire) ;

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Prestations extra légales versées par la CPS
90 000 bénéficiaires (participation cantine), montant total de 2,4 Mds de FCFP versés

Sous condition de ressources

Prestations versées

Régime salarié

Régime non salarié

Régime de solidarité (RSPF)

 

Depuis la rentrée 2022-2023 :

Aide à la tenue vestimentaire (trousseau) :

5 000 FCFP pour enfants de moins de 6 ans ;

- 8 000 FCFP
de 6 à 21 ans.

   

Complément familial (frais de scolarité, de cantine, de goûter, de garderie, internat ou foyer d'accueil et bourses de vacances)

Complément à l'aide cantine : prise en charge d'un repas par jour plafonné à 500 FCFP.

complément à l'aide cantine : prise en charge d'un repas par jour plafonné à 500 FCFP.

complément à l'aide cantine : prise en charge d'un repas par jour plafonné à 500 FCFP.

Participation aux frais de colonies de vacances

de 1 000 à 3 500 FCFP selon les cas

Aide au pass'sport 2023

15 000 FCFP (pour les bénéficiaires de l'ARS)

5 000 FCFP (pour les bénéficiaires de l'ARS)

POLYNÉSIE FRANÇAISE

Aides sociales, sanitaires et familiales versées par la DSFE

56 000 bénéficiaires, montant total de 6 Mds de FCFP versés

Sous conditions de ressources et après enquête sociale de la DSFE

Aides versées

Régime salarié

Régime non salarié

Régime de solidarité
(RSPF)

Aides sociales et familiales

- Aides de première nécessité (alimentaires, vestimentaires, et produits d'hygiène) ;

- Aides pour l'habitat et le logement ;

- Aides à l'épanouissement de l'enfant
(garderie, cantine, bourses de vacances) ;

Autres aides aux familles (frais de transport inter-îles, aide à l'insertion)

Moyenne économique journalière34(*) inférieure ou égale à 1 840 FCFP.

Prestations en nature octroyées sous formes de bons de commande permettant de faire des achats chez les fournisseurs référencés par la DSFE ou prestations en espèces.

Aides sanitaires

Soutien aux familles en difficulté

Aides exceptionnelles (aides d'urgence)

Prestations en espèces

En Polynésie française, les dépenses de la branche famille (allocations prénatales, maternité, familiales) se sont élevées en 2020 à 60,360 millions d'euros pour 82 567 bénéficiaires. Les aides sociales aux familles ont représenté 49,442 millions d'euros en 2020. En outre, il y a eu 6 334 bénéficiaires des prestations liées au handicap en 2020 (allocations spéciales, complément, allocations adultes handicapés) pour un montant de plus de 3,803 millions d'euros.

Lors de la table ronde sur la situation dans les collectivités du Pacifique, Loïs Bastide, maître de conférences en sociologie à l'Université de la Polynésie française, a souligné que « même si les prestations sociales proposées restent modestes en Polynésie française, les aides jouent un rôle critique dans le quotidien des bénéficiaires ». Il a également rapporté que, « à date, les dépenses sociales par habitant s'élèvent à 1 700 euros en métropole, contre 630 euros en Polynésie française. Les besoins y sont pourtant plus importants. C'est une des raisons qui expliquent la dépendance des individus au cadre familial ». Enfin, il a souligné le paradoxe selon lequel les allocations familiales liées au régime social (à savoir les familles en difficulté) sont inférieures de 30 % aux allocations familiales versées par le régime des salariés.

S'agissant des actions de soutien à la parentalité mises en oeuvre par la collectivité, Rodica Ailincai, professeure des universités, enseignante chercheuse à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation de Polynésie française, directrice du Laboratoire EASTCO Sociétés Traditionnelles et Contemporaines en Océanie, a fait savoir qu'en Polynésie française, les acteurs locaux accordent une attention particulière aux besoins manifestés par les familles et par les parents en situation de précarité. Par exemple, des travaux axés sur la définition d'un plan d'action adapté aux besoins des Polynésiens et sur la mise en place d'une politique de prévention de la délinquance ont récemment été menés. Cette action a donné lieu à la création de dispositifs d'accompagnement gérés par le service social de la Caisse de prévoyance, par l'Office polynésien de l'habitat, par les services de la santé, par les associations et par d'autres partenaires.

En parallèle, le ministère de l'immigration a créé, dans certaines communes, une plateforme d'accueil réservée aux décrocheurs scolaires. Par ailleurs, des référents « Décrochage » ont été désignés dans chaque établissement scolaire. Les autorités ont également mis en place un groupe de prévention spécialisé dans la gestion du décrochage. Cette instance se concentre surtout sur la lutte contre l'absentéisme. Enfin, des dispositifs spécifiques permettent aux élèves de sixième de rester plus longtemps dans leur ville d'origine.

Dans le même temps, des associations organisent des sessions collectives de sensibilisation centrées sur la parentalité.

Les mairies déploient, quant à elles, des dispositifs multi-parentaux visant à favoriser la réussite éducative des jeunes et des élèves vivant dans des quartiers prioritaires. Pour finir, l'entité Parent Autrement organise des formations en ligne. Celles-ci se focalisent sur la promotion d'une parentalité bienveillante.

Toutefois, même si des dispositifs d'accompagnement à la parentalité existent à Tahiti, l'accessibilité de ces outils est faible, voire nulle, au sein des archipels éloignés. Or les besoins des parents évoluent en fonction de leur localisation géographique.

En Nouvelle-Calédonie, en 2021, les allocations familiales et allocations familiales de solidarité (AFS) se sont élevées à 750 millions de francs Pacifique (environ 6,3 millions d'euros) versés à près de 26 000 foyers.

L'Université de Nouvelle-Calédonie a mis en place un dispositif collectif d'accompagnement des jeunes parents sur le campus universitaire, dénommé P'tit campus, initié en 2020 et destiné à répondre aux besoins des étudiants contraints de concilier leur parentalité avec leur cursus universitaire et la poursuite de leurs études. Ce dispositif s'est constitué grâce à des partenariats : avec des collectivités de Nouvelle-Calédonie telles que la Province du Sud ainsi que des associations. Une salle de parentalité a été inaugurée au sein de l'université en avril 2022 qui permet aux étudiants qui s'y rendent de rester avec leur enfant tout en étudiant. Le budget accordé à la rénovation de cette salle était de 800 000 francs Pacifique, soit 6 720 euros. Ce dispositif concerne une dizaine d'étudiants par an.

À Wallis-et-Futuna, au titre de l'année 2021, les prestations familiales ont été versées à 962 allocataires, pour une dépense effective de 3,34 millions d'euros.

S'agissant des actions de soutien à la parentalité, plusieurs services territoriaux agissent en direction des enfants et des jeunes du territoire de Wallis-et-Futuna : le pôle social du service de l'inspection du travail et des affaires sociales (SITAS), la Caisse des prestations sociales, l'Agence de santé, qui travaille dans le domaine de la prévention, une « semi PMI » gérée par le pôle de sages-femmes, le vice-rectorat, des associations de parents d'élèves. En outre, la déléguée aux droits des femmes intervient au sein du pôle social et gère des dossiers qui concernent des enfants victimes de violences diverses. Le rôle joué par la Fédération du handicap, par les associations sportives, par l'Assemblée territoriale, par le tribunal et par la Gendarmerie est aussi à prendre en considération.

Enfin, lors de la table ronde sur les collectivités du Pacifique organisée par les délégations, l'Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna a souligné le rôle prépondérant de l'Église sur le territoire en précisant que « les actions et les messages passés lors des messes contribuent à la création d'un référent commun qui rassemble les jeunes ».

Les outils déployés par les instances locales de Wallis-et-Futuna se concentrent principalement sur la petite enfance ainsi que le rapportait notre collègue sénateur de Wallis-et-Futuna, Mikaele Kulimoetoke.

(2) Le cas particulier de Saint-Pierre-et-Miquelon

À Saint-Pierre-et-Miquelon, la collectivité territoriale possède à la fois les compétences du département et de la région. Elle travaille en collaboration avec la Caisse de prévoyance sociale (CPS) qui gère l'ensemble des branches de la sécurité sociale dont la branche famille.

La CPS verse à la population des prestations légales proches de celles versées dans l'Hexagone et développe, depuis 2014, une action sociale spécifique en faveur des familles émargeant du Fonds national d'action sociale (FNAS) de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).

En 2021, 417 familles ont bénéficié des prestations familiales légales pour 1,6 million d'euros de dépenses. 115 familles ont touché l'allocation de rentrée scolaire. Par ailleurs, en 2022, les prestations de service et les aides individuelles ont été financées à hauteur de 130 000 euros.

Source : CPS de Saint-Pierre-et-Miquelon

Les spécificités locales de l'archipel, notamment le coût de la vie, ont par ailleurs déterminé l'extension de certaines prestations légales et des modalités de calcul parfois différentes de celles qui s'appliquent dans l'Hexagone. Par exemple, pour le calcul des allocations familiales, de la Paje, de l'ARS ou du CMG, des plafonds de ressources spécifiques ont été définis.

De nouvelles prestations seront mises en place dans le courant de l'année 2023, notamment l'allocation journalière du proche aidant et l'allocation journalière de présence parentale.

Les prestations extra-légales regroupent différentes aides financières individuelles, en fonction des situations familiales : l'isolement parental, l'action éducative, l'aide financière exceptionnelle, la survenue d'une maladie ou d'un handicap chez l'enfant ou chez le parent. La politique familiale de Saint-Pierre-et-Miquelon s'inspire des politiques hexagonales tout en tenant compte des spécificités locales.

La partie « actions sociales et famille » comprend notamment le financement de la prestation de service unique auprès de la seule crèche de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la prestation « accueil de loisirs sans hébergement » auprès du seul centre aéré de l'archipel. En 2022, les prestations au titre de l'action sociale se sont élevées à 630 101 euros, versées aux familles ou finançant des services aux familles.

De plus, la CPS octroie des subventions à diverses associations. Ainsi, l'association Les petits flocons a mis en place dernièrement une maison d'assistants maternels.

En tant que service d'action sociale, la CPS gère également un service de médiation familiale avec un partenaire dans l'Hexagone, l'association Espace médiation basée à Rennes. Elle dispose d'un service de conseil individuel et familial géré lui aussi par la médiatrice familiale ainsi que d'un service Espace rencontre parents-enfants et d'un relais d'assistants maternels parents-enfants. Celui-ci évoluera au cours de l'année 2023 pour devenir un relais petite enfance, sur le modèle hexagonal.

Au total, l'axe familial de la CPS de Saint-Pierre-et-Miquelon se partage entre les aides financières individuelles à destination des familles et une offre partenariale regroupant le versement de prestations de service et l'accompagnement des acteurs de terrain.

2. Un manque de solutions d'accueil des jeunes enfants et parfois des élèves

Le manque d'établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE) et le faible nombre d'assistantes maternelles rendent plus complexes, pour les parents, le recours aux solutions de garde des jeunes enfants, notamment dans les quatre DROM « historiques ». Or, l'accueil du jeune enfant est doublement important : il permet aux parents de concilier vie familiale et vie professionnelle, d'une part, et constitue un moyen de socialisation précoce de l'enfant, d'autre part, en vue notamment de son entrée à la maternelle.

Des problématiques spécifiques de scolarisation et d'accueil en cantine scolaire des élèves se posent également de façon particulièrement prégnante à Mayotte et en Guyane.

a) Une offre d'accueil des jeunes enfants très limitée

Comme le rapporte le HCFEA, les DROM (hors Mayotte pour laquelle les données générales ne sont pas disponibles) se caractérisent par un taux de couverture des enfants de moins de 3 ans par des modes d'accueil formels beaucoup plus bas, au moins pour trois d'entre eux, que dans l'Hexagone.

Taux de couverture des enfants de moins de trois ans
par un mode d'accueil formel en 2018

 

Taux de couverture global

...dont assistante maternelle

...dont mode d'accueil collectif

Hexagone

59 %

55 %

41 %

Martinique

55 %

19 %

58 %

Guadeloupe

44 %

31 %

45 %

La Réunion

32 %

23 %

61 %

Guyane

9 %

22 %

69 %

Source : CAF (2018) et HCFEA

Les situations sont toutefois diverses parmi les quatre DROM : la Martinique et la Guadeloupe, avec des taux de couverture respectifs de 55 % et 44 % en 2018, sont mieux couvertes que les deux autres DROM, La Réunion se situant dans une position intermédiaire (33 %) et la Guyane affichant un taux de couverture particulièrement faible (9 %).

En outre, la composition de l'offre d'accueil pour les enfants de moins de 3 ans est tout à fait spécifique dans les quatre DROM, comparée à la situation hexagonale, notamment pour ce qui concerne le partage entre accueil individuel et accueil collectif.

La part que représente l'accueil par une assistante maternelle au sein de l'ensemble de l'offre d'accueil est particulièrement faible (environ 20 % dans trois DROM), alors qu'elle est majoritaire dans l'Hexagone (autour de 60 %). À Mayotte, on note une quasi-absence d'assistantes maternelles.

A contrario, l'accueil collectif occupe une place très importante dans l'ensemble de l'offre des DROM : il est le mode d'accueil majoritaire et représente plus de 50 % de l'offre totale d'accueil dans trois DROM (contre 34 % dans l'Hexagone). À Mayotte, en revanche, le nombre de structures d'accueil collectif est très faible : douze crèches au total d'après la Cnaf.

Le faible développement de l'accueil individuel dans les DROM s'explique par une diversité de facteurs d'après le HCFEA :

freins culturels et sociologiques (importance de l'offre informelle ou « traditionnelle », la gestion des enfants étant souvent collective au sein d'une cellule familiale élargie, réticence à confier son enfant à des professionnels, manque d'informations des familles sur l'existence des différents modes d'accueil alternatifs) ;

financiers (reste à charge important pour les familles en cas d'accueil individuel) ;

fonciers (coût ou foncier insuffisant pour obtenir un agrément d'assistante maternelle auprès de la PMI, insalubrité des logements notamment à Mayotte où la non-conformité des logements est une cause importante de refus d'agrément).

Ainsi que le rapportait devant les délégations Camille Chaserant, conseillère scientifique du HCFEA, « l'accueil du jeune enfant inspire, outre-mer, un certain nombre de méfiances ; l'information est lacunaire et la tradition veut que l'enfant soit élevé au sein de sa famille, en vertu de solidarités intergénérationnelles et intrafamiliales assez fortes ».

En outre, dans les DROM, les structures EAJE relèvent plus souvent d'une gestion associative que d'une gestion municipale, contrairement à la situation hexagonale. En effet, 30 à 40 % des communes gèrent de tels établissements dans les DROM contre 60 % dans l'Hexagone, selon la Cnaf. Or le modèle des structures associatives peut être plus fragile et soumis à un risque plus élevé de fermeture. Parallèlement, les difficultés financières des collectivités dans les DROM peuvent empêcher ou freiner l'investissement dans les crèches que les CAF ne peuvent financer seules.

Certains dispositifs de prise en charge et d'accueil des jeunes enfants sont toutefois gérés par des opérateurs historiques tels que la Croix-Rouge française, seule association nationale présente dans les trois océans, en outre-mer. Auditionnée par les délégations le 25 mai 2023, Gaëlle Nerbard, directrice nationale outre-mer de la Croix-Rouge française, a rappelé que cette association « couvre un spectre très important qui commence par la prise en charge de la petite enfance avec des crèches, des dispositifs d'aide à la parentalité auprès des familles, des maisons d'enfants à caractère social en matière de protection de l'enfance ». La Croix-Rouge française dispose notamment d'une crèche à Saint-Martin qui accueille des enfants en situation de handicap, de deux crèches en Nouvelle-Calédonie à Nouméa, qui concentre le peu de crèches du territoire, par ailleurs, pour la plupart privées. La Croix-Rouge a l'avantage de pouvoir proposer, sur ce territoire, des tarifs différenciés pour les familles et ainsi de prendre en charge des familles en situation de vulnérabilité.

Comme l'a souligné Gaëlle Nerbard, le « rôle d'opérateur essentiel reconnu est aussi d'alerter les pouvoirs publics mais nous ne pouvons pas prendre l'initiative de créer in situ une crèche si elle ne vient pas des partenaires responsables institutionnels ». Les collectivités, la CAF ou l'État peuvent solliciter la Croix-Rouge connaissant son expertise sur le sujet. À Saint-Martin par exemple, la PMI lui a demandé d'ouvrir d'autres crèches.

Enfin, les micro-crèches représentent, au sein de l'ensemble de l'offre de places de crèches collectives, une part plus importante, en moyenne, dans l'ensemble des quatre DROM qu'en France hexagonale (respectivement 31,8 % contre 20,8 %), en raison notamment de la part très importante que représente ce mode d'accueil à La Réunion (50,5 % de l'offre de crèche dans ce département).

S'agissant de Mayotte, le directeur des prestations de la CSSM, Rémy Posteau, a indiqué aux délégations que « le taux de couverture des crèches avoisine les 4 % » sur ce territoire.

b) Un accès à la scolarité et à la restauration scolaire insatisfaisant voire défaillant à Mayotte et en Guyane
(1) Un faible taux de scolarisation conjugué à un manque d'établissements scolaires et d'enseignants

La question du taux de scolarisation des enfants en âge d'aller à l'école est particulièrement problématique en Guyane et à Mayotte où la proportion d'enfants de 3 ans scolarisés est respectivement de 87 % et 64 %, d'après les chiffres fournis par le HCFEA, contre 98 % dans l'Hexagone.

L'association Unicef France, auditionnée par les délégations, le 25 mai 2023, a estimé dans un rapport35(*) sur la situation de l'éducation en Guyane et la scolarisation des enfants guyanais, publié en 2021, que plus de 10 000 enfants n'avaient pas accès à l'école sur le territoire guyanais alors même que la Guyane fait face à une forte croissance de ses effectifs scolaires, sans que l'offre éducative soit à la hauteur des besoins réels.

En Guyane, l'insuffisance des capacités d'accueil et l'isolement des enfants de la région des fleuves, contraints à de longs déplacements pendulaires en pirogue, a des répercussions importantes sur le taux de scolarisation de tous les enfants dès l'âge de 3 ans.

Concernant l'accès à la scolarisation des enfants guyanais, Unicef France note :

- l'insuffisance d'infrastructures scolaires générant des taux de remplissage jusqu'à 150 % de certains établissements ;

- des difficultés d'inscription scolaire pour de nombreuses familles ;

- des difficultés d'accès aux services essentiels liés à la scolarisation, comme le transport scolaire, l'hébergement et la restauration scolaire, qui constituent des facteurs importants d'absentéisme et de décrochage scolaires, alors que de très nombreux enfants vivent sous le seuil de pauvreté et sont scolarisés à distance de leur lieu de résidence

À Mayotte, Unicef France a relevé que le nombre estimé d'enfants n'ayant pas accès à l'éducation était de 9 500.

Parmi les freins à la scolarisation des enfants à Mayotte, l'association a notamment identifié « une absence de repérage et d'identification des enfants non scolarisés (...) L'absence de recensement empêche le repérage des enfants, et donc leur accompagnement. Dans certains quartiers informels, il est notamment très difficile de savoir si l'ensemble des jeunes sont scolarisés ou non, ce qui complique la collecte de données de qualité. S'y ajoutent des difficultés d'inscription à l'école, parfois liées à des pratiques illégales de la part de certaines municipalités. Nous l'avons noté en Guyane et à Mayotte, à l'encontre d'enfants étrangers se trouvant, de fait, privés de scolarisation. La Défenseure des droits a rendu un certain nombre de recommandations à ce sujet. (...) Enfin, les conditions de logement, de transport, voire de restauration peuvent rendre difficile l'accès et le maintien à l'école ».

Guyane comme Mayotte manquent d'établissements scolaires et d'enseignants. Les collèges et lycées de Mayotte sont les établissements avec les plus forts taux d'occupation d'Europe. Comme le rapportait aux deux délégations, lors de la table ronde sur la situation à Mayotte, Tony Mohamed, président de l'association Espoir et réussite à Mayotte, « à Mamoudzou, 5 000 enfants attendent encore d'être scolarisés ».

Comme le résumait également devant les délégations, Rafa Youssouf Ali, présidente de l'Union départementale de la confédération syndicale des familles (UDCSF) de Mayotte, « nous luttons contre les classes surchargées, les rotations d'effectifs, le rythme scolaire, le manque de personnel, l'absence de réfectoire et l'inadaptation des collations aux besoins nutritionnels. Malgré des avancées, les défis restent entiers ».

(2) Des solutions peu satisfaisantes pour pallier ces difficultés d'accès à la scolarité

À Mayotte et en Guyane, un système de classes rotatives a été instauré pour tenter de pallier les difficultés d'accès à la scolarité des enfants en âge d'aller à l'école. L'école est donc organisée par rotation : la moitié des enfants a classe le matin, l'autre moitié l'après-midi dans la même salle de classe.

En outre, l'académie de Guyane a mis en place des solutions « itinérantes » afin de rapprocher l'école des lieux d'habitation notamment dans les communes des fleuves en ouvrant des « maternelles de proximité » avec le soutien des communes.

Dans ces conditions, les enfants se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes et ils n'ont, par ailleurs, pas accès à la distribution d'un repas au sein d'une cantine scolaire, souvent remplacé par une simple « collation ».

De nombreux jeunes déscolarisés en errance sombrent dans la délinquance. Il a également été rapporté aux délégations que les attaques de transports scolaires sont fréquentes.

S'agissant plus particulièrement de la question de l'accès à la restauration scolaire en Guyane, la Cnaf a souligné que l'offre était insuffisante et que ce déficit d'offre tenait essentiellement aux choix ou à l'impossibilité des collectivités territoriales concernées d'engager les financements nécessaires pour organiser et déployer un service de restauration scolaire.

En outre, les financements apportés par la Prestation accueil et restauration scolaire (Pars), précédemment évoquée, n'ont pas vocation à assumer seuls les coûts de fonctionnement de ce service tandis que les montants unitaires fixés par l'État ne permettent pas de financer la totalité des coûts de fonctionnement des services de restauration scolaire.

Contribution de la Pars
au service de restauration scolaire en Guyane en 2022

La Pars a permis de contribuer en 2022 à hauteur de :

- 2,02 € par enfant rationnaire d'un repas et par jour, dans la limite de 144 repas pour les élèves de la maternelle au collège ;

- 0,31 € par enfant rationnaire d'un repas et par jour, dans la limite de 140 repas pour les élèves des lycées ;

- 1,60 € par enfant bénéficiaire d'une collation et par jour, dans la limite de 144 collations pour les élèves de la maternelle au primaire ;

- 1,38 € par enfant bénéficiaire d'une collation et par jour, dans la limite de 144 collations pour les élèves des collèges.

Le terme de collation désigne ici une formule aménagée et plus légère qu'un repas chaud classique servi dans une cantine scolaire. Le format collation se rapproche d'une formule « panier repas » généralement froid, distribué en lieu et place d'un repas aux enfants des établissements scolaires non équipés d'une cantine scolaire. Le développement de cette solution constitue une alternative dans l'attente d'une offre de restauration classique. Elle permet d'assurer un service minimum de restauration scolaire aux enfants des établissements et des communes qui ne sont pas dotés des infrastructures nécessaires pour servir un repas.

Source : Cnaf (réponses au questionnaire des délégations)

Le service de collations est uniquement développé dans les départements de Mayotte (83 % des élèves demi-pensionnaires ont bénéficié de ce dispositif en 2021) et de la Guyane (30 % des demi-pensionnaires).

Pour la Cnaf, l'évolution du dispositif de collation vers une offre de repas pour ces deux départements et, globalement, l'accroissement de l'offre de restauration scolaire visant tous les enfants scolarisés nécessitent soit une mobilisation et un engagement financier accrus des collectivités territoriales et établissements scolaires n'offrant à ce jour aucun service de restauration scolaire ou disposant d'une offre insuffisante, soit une augmentation du taux de contribution de la Pars pour compenser l'absence de financement des collectivités.

Ces difficultés d'accès à la scolarité sont exacerbées pour les enfants nés sur le territoire de Guyane et de Mayotte de parents de nationalité étrangère, comme le soulignait notamment Claude-Valentin Marie, conseiller pour l'outre-mer auprès de la direction de l'Ined : « la part des nationalités étrangères parmi les parents des enfants nés sur le territoire est (...) particulièrement forte en Guyane et à Mayotte (...) avec un énorme point d'interrogation sur le devenir des enfants. Ceux-ci vivent des scolarisations plus courtes, souvent plus tardives et se terminant plus tôt. Ainsi, en 2019, les difficultés scolaires, voire l'illettrisme, sont particulièrement présents à Mayotte, et le phénomène commence à se faire sentir en Guyane ».

Il faut rappeler que tout enfant mineur vivant sur le territoire a un droit d'accès à l'éducation même lorsque ses parents sont en situation irrégulière ou qu'il est mineur non accompagné. Or, comme le rapportait devant les délégations, le président du HCFEA, « à Mayotte, les mineurs non accompagnés ont de grandes difficultés - c'est un euphémisme - pour s'inscrire à l'école. C'est un problème dès maintenant ; c'est aussi une bombe à retardement, car, une fois devenus adultes, ces enfants resteront très probablement sur place ».

Comme le soulignait toutefois notre collègue Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, le taux d'échec scolaire qui s'élève à 75 % à Mayotte est le même pour tous, sans distinction entre les élèves mahorais et les élèves étrangers.

Enfin, outre ces inégalités globales, d'importantes inégalités internes existent, notamment en Guyane, comme l'a relevé Claude-Valentin Marie de l'Ined : « par exemple, Saint-Laurent-du-Maroni, qui accueille de nombreux étrangers, affiche un taux élevé de non-scolarisation ; on peut en déduire que celle-ci les concerne davantage ».

En 2019, sous l'impulsion de la Préfecture de Guyane, un dispositif d'accompagnement de la scolarité des lycéens, collégiens et de leurs familles, habitant le Sud de la Guyane a été développé en faveur des enfants pensionnaires compte tenu de l'éloignement de leur domicile familial. Ce dispositif s'appuie sur des opérateurs associatifs et le soutien financier exceptionnel de la CAF de Guyane sur ses fonds locaux. Les publics bénéficiaires sont en grande partie d'origine amérindienne et bushinengué.

D'après la DGOM, entre 2020 et 2022, plus de 430 jeunes et leur famille ont bénéficié de ce dispositif qui permet d'organiser :

- le transport sans reste à charge pour les familles concernées, de leurs lieux d'habitation jusqu'à Cayenne (ville où sont scolarisés les enfants) au moment de la rentrée scolaire ;

- l'accueil des familles et des élèves durant leur séjour sur le littoral y compris l'hébergement durant une semaine ;

- l'accompagnement des familles dans les démarches à effectuer tout au long du séjour ;

- le retour des familles sur leurs lieux d'habitation.

Toutefois, de graves dérives ont été révélées dans les familles d'accueil du littoral qui accueillent de jeunes Amérindiens pour leur permettre de suivre une scolarité.

Ainsi, Camille Chaserant, conseillère scientifique du HCFEA, a fait état du « dysfonctionnement des familles d'accueil ». Elle a notamment indiqué aux délégations : « je ne suis pas certaine que ce soit le seul facteur explicatif du suicide des jeunes amérindiens, même si cela a sans doute une influence. Nous n'avons pas enquêté sur les familles qui accueillent les jeunes allant vers Cayenne ou Saint-Laurent-du-Maroni pour accéder à un collège ou à un lycée. En revanche, nous nous sommes entretenus avec les responsables de l'aide sociale à l'enfance. On compte beaucoup de placements d'enfants en Guyane, mais les familles ne sont ni formées ni suivies. Un enfant de l'ASE souffre souvent de problèmes, de troubles du comportement, d'un manque d'affection : cela amplifie les difficultés s'il n'y a pas d'accompagnement le temps de l'accueil ».

c) Des difficultés dans la prise en charge des enfants en situation de handicap

La prise en charge des enfants en situation de handicap est très peu développée dans les territoires ultramarins. Cette situation découle notamment de l'absence de réel repérage de ces enfants comme les rapporteurs ont pu le constater au cours de leur déplacement en Guadeloupe, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Deux initiatives méritent toutefois d'être relevées.

À Saint-Martin, la Croix-Rouge française a ouvert en septembre 2021 une crèche Pomme d'Happy, qui accueille une douzaine d'enfants en situation de handicap.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, des actions d'accompagnement des familles de jeunes en situation de handicap sont réalisées au sein de la Maison territoriale de l'autonomie.

Selon Jacqueline André, vice-présidente de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, et Sonia Borotra, directrice du pôle développement solidaire de la collectivité, le soutien aux parents d'enfants en situation de handicap est un axe prioritaire de l'action de la collectivité, qui doit être renforcé, tant sur le plan éducatif que dans les potentiels « temps de répit » des parents, comme les vacances, qui ne sont pas adaptées au handicap.

Il semble toutefois que le handicap demeure encore « tabou » sur l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon : très peu d'enfants en situation de handicap sont réellement déclarés et aucun projet de scolarisation à mi-temps n'est sollicité, ce qui inquiète le pôle développement solidaire de la collectivité. Un travail est donc nécessaire afin d'accompagner les parents dans l'acceptation du handicap pour qu'ils sollicitent les aides auxquelles ils peuvent légitimement prétendre.

Ce constat est vrai dans la plupart des territoires ultramarins.

3. Des actions de soutien à la parentalité inégalement déployées, peu coordonnées et manquant de moyens
a) Les cinq dispositifs principaux de soutien à la parentalité au plan national, déclinés dans les outre-mer

Développé depuis les années 1990, le soutien à la parentalité est aujourd'hui l'un des quatre objectifs des politiques familiales (à côté de l'encouragement à la natalité, la compensation des charges financières liées à la famille et la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle).

Au-delà du versement des prestations familiales individuelles, la mise en oeuvre d'actions sociales de soutien à la parentalité revêt une dimension plus collective.

Cette politique publique vise à accompagner les parents dans l'exercice de leurs fonctions et compétences parentales, tout en leur reconnaissant le rôle de premier éducateur de l'enfant. Elle revêt deux dimensions qui peuvent se compléter :

accompagner les parents dans leur quotidien, à l'arrivée de l'enfant (notamment dans le cadre du programme des « 1 000 premiers jours ») et à chacun des âges de la vie de l'enfant ;

prévenir les difficultés auxquelles les familles pourraient être confrontées, en particulier : décrochage scolaire, ruptures familiales, dérives sectaires ou radicales d'un membre de la famille, troubles de santé spécifiques à l'enfance et à l'adolescence, comportements à risques, parcours de délinquance, violences intrafamiliales.

Il existe aujourd'hui cinq dispositifs principaux de soutien à la parentalité au niveau national, dont la mise en oeuvre relève principalement des caisses d'allocations familiales (CAF) :

- les réseaux d'écoute et d'appui aux parents (REAP) permettant des échanges entre parents et avec des professionnels de l'éducation (conférences, ateliers, groupes de parole, sorties...) ;

- les lieux d'accueil enfants-parents (LAEP) pour des enfants de moins de 6 ans ;

- les contrats locaux d'accompagnement à la scolarité (Clas) ;

- la médiation familiale destinée à favoriser la coparentalité ;

- les espaces rencontres (ER) entre l'enfant et le parent dont il vit séparé.

Une stratégie nationale de soutien à la parentalité a été adoptée en 2018, fixant des objectifs pour la période 2018-2022. En outre, pour décliner cette stratégie au niveau territorial, des schémas départementaux des services aux familles (Sdsf) ont été mis en place afin de coordonner, entre autres, les actions des acteurs du soutien à la parentalité sur un même territoire.

Cette stratégie nationale de soutien à la parentalité comporte un axe transversal « Parentalité en Outre-Mer ». Dans ce cadre, les mesures suivantes ont été définies :

- l'amélioration des connaissances des besoins des familles en outre-mer ;

- le développement des possibilités d'accompagnement répondant aux besoins spécifiques de certains territoires.

En complément, afin de favoriser le développement des modes d'accueil dans ces territoires, la Cnaf a mis en place un Centre d'expertise pour l'accueil du jeune enfant (Cepaje) pour faire émerger et aboutir des projets d'accueil nouveaux et renforcer les acteurs locaux sur les compétences clés d'un projet de structure d'accueil du jeune enfant.

Le HCFEA déplore toutefois que la mise en place de projets de développement de structures de soutien à la parentalité dans l'ensemble des territoires d'outre-mer reste encore d'importance limitée et parfois inadaptée. Une des questions posées est celle du modèle familial à mettre en avant dans un contexte où, on l'a vu, les modèles familiaux de référence sont plus diversifiés que ceux rencontrés dans l'Hexagone. À Mayotte par exemple, les quelques dispositifs de soutien à la parentalité existants ne sont pas adaptés aux réalités mahoraises et souvent calquées sur le modèle hexagonal alors que de nombreux parents sont allophones et/ou illettrés.

b) Des acteurs nombreux mais peu coordonnés dans les outre-mer
(1) Des acteurs nombreux avec les CAF comme « chef de file »

Les questions de parentalité et la mise en oeuvre des actions de soutien à la parentalité sont principalement du ressort des CAF, en partenariat avec l'État, le Conseil départemental, les associations et les autres collectivités territoriales. Les acteurs engagés sur les questions de parentalité sont donc nombreux mais souvent insuffisamment coordonnés dans les territoires ultramarins.

En outre, les différentes initiatives et structures intervenant dans ce domaine manquent souvent de visibilité et ne sont donc pas suffisamment connues des publics cibles prioritaires.

S'agissant du cadre stratégique et opérationnel de la politique de soutien à la parentalité, il est important de souligner que tous les territoires ultramarins se sont dotés d'un schéma départemental des services aux familles (Sdsf) dans lesquels la CAF occupe une large place.

Ce cadre de gouvernance réunit les différents échelons des collectivités du territoire, les services décentralisés de l'État et les principaux opérateurs de terrain. Il définit également les axes prioritaires d'intervention au regard des diagnostics des besoins sociaux des familles et des territoires, pour structurer et coordonner la mise en oeuvre des actions, et pour mobiliser l'adhésion et l'engagement de chacun en matière de cofinancement des projets et des services. Le volet parentalité des Sdsf fait l'objet de travaux dans le cadre de commissions dédiées.

Le cadre stratégique des Sdsf s'accompagne pour les CAF d'un autre support-cadre de partenariat, cette fois à l'échelle communale ou intercommunale : les conventions territoriales globales (CTG). Fin 2022, 81 CTG, couvrant 62 communes dans quatre des cinq DROM, ont été signées par les CAF d'outre-mer avec leurs partenaires communaux : 30 en Guadeloupe, 17 en Guyane, 19 en Martinique et 15 à La Réunion.

Sur ces bases contractuelles, et particulièrement en matière de soutien à la parentalité, les CAF des outre-mer, en lien avec la Cnaf, se sont mobilisées entre 2018 et 2022, avec l'objectif principal de renforcer le maillage des offres de services et des actions de soutien à la parentalité, notamment dans une visée de prévention des exclusions sociales et des situations à risque avec l'émergence ou la consolidation des services de médiation familiale.

Les schémas départementaux des services aux familles restent toutefois inégalement déclinés sur les territoires et n'associent pas systématiquement les acteurs du soutien à la parentalité contrairement à ceux de la petite enfance. Surtout, ils ne sont pas toujours mis en oeuvre ni actualisés.

Or il est essentiel de s'assurer que le déploiement des politiques de soutien à la parentalité soit opéré avec la même ampleur sur l'ensemble des territoires : certains, comme le département de Mayotte, sont aujourd'hui plus en retrait que d'autres alors que les besoins y sont certainement plus importants.

À cet égard, la difficulté de constituer les comités départementaux des services aux familles a été soulignée. Le nombre pléthorique de membres de ces instances de gouvernance locale (41 membres) au regard de la taille des territoires et la complexité des circuits de nomination peuvent être sources de difficultés administratives pour les territoires ultramarins. Ces comités départementaux constituent cependant un moyen d'animer localement les politiques de soutien à la parentalité.

En 2022, trois territoires avaient confirmé l'installation de ces comités : La Réunion, la Guyane et la Guadeloupe.

Lors de leur déplacement en Guadeloupe, les rapporteurs ont toutefois pu constater que, si un comité de pilotage de la politique de soutien à la parentalité a bien été prévu par le Sdsf 2015-2019, il ne s'est toutefois jamais réuni depuis sept ans.

(2) Des acteurs peu coordonnés

La nécessaire coordination entre acteurs intervenant dans le champ du soutien à la parentalité a été soulignée par plusieurs interlocuteurs des délégations comme un enjeu majeur de la bonne mise en oeuvre des politiques publiques de soutien à la parentalité.

On l'a vu, de nombreux acteurs institutionnels et associatifs interviennent dans ce champ mais travaillent souvent en silo sans coordination et sans réflexion d'ensemble sur l'utilisation des moyens financiers et humains dédiés à cette politique publique.

Ainsi, la CSSM (Mayotte) a rapporté devoir travailler avec différents acteurs dont l'État, les collectivités territoriales et les communes dans le cadre du Sdsf et souligné que « les structures associatives ont toutes leur place pour faire remonter les difficultés territoriales ayant trait aux différents axes du schéma départemental, dont la parentalité. L'enjeu majeur réside dans la coordination des acteurs sous l'égide de l'État. La CSSM joue un rôle central ».

La CAF de Guyane a également déploré devant les délégations, non seulement le manque de coordination entre acteurs, mais aussi le manque de visibilité des acteurs intervenant dans le champ de la parentalité et l'absence de ciblage de certaines actions faisant passer à côté de besoins potentiels. Elle a également relevé que « 80 % des projets menés en direction des familles sont portés par des associations : ce système est un atout car il permet un maillage serré du territoire. Néanmoins, il rend difficile la mise en réseau des partenaires et des actions ».

De même, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a souligné la nécessité de renforcer la coordination entre les associations pour les harmoniser. Sa directrice du pôle développement solidaire, Sonia Borotra, a ainsi fait valoir devant les délégations, la nécessité de « définir une politique globale, puisque nous menons beaucoup d'actions mais celles-ci peuvent paraître isolées. Actuellement, le soutien à la parentalité repose essentiellement sur la CPS et la collectivité territoriale. Une action associative pourrait s'y ajouter ».

c) Une action des CAF largement saluée mais exigeant des moyens financiers et humains supplémentaires

L'action dynamique et innovante des CAF dans la plupart des territoires ultramarins a été largement saluée par les différents interlocuteurs des délégations. Elles sont l'acteur majeur de l'animation et de l'impulsion des politiques de soutien à la parentalité.

Pour autant, les CAF des outre-mer manquent de moyens financiers et humains pour mener parfois à leur terme des projets engagés dans ce domaine sans que les financements complémentaires nécessaires à leur mise en oeuvre ne soient trouvés. Le financement de ces projets relèvent aujourd'hui majoritairement des CAF.

Les moyens des CAF des DROM et de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) sont calculés sur la base de la population résidant régulièrement sur le territoire ce qui peut aussi occasionner des difficultés de financement dans les territoires soumis à une forte immigration et à la présence de familles en situation irrégulière.

En outre, il faut relever que la Guyane et Mayotte sont des territoires « en rattrapage », qui ont des besoins supplémentaires, ainsi que le soulignait devant les délégations le directeur général de la CSSM : « nous sommes (...), avec la Guyane, dans un territoire en rattrapage. Alors que, dans les années 1950, la métropole laissait à la sécurité sociale une marge d'intervention, elle nous oblige désormais à appliquer les modes d'intervention métropolitains, que ce soit en matière de santé, d'action sociale ou de financement de la sécurité sociale. Or, nous avons besoin de moyens adaptés, car tout ne fonctionne pas ici comme en métropole ».

Outre les problématiques spécifiques rencontrées par ces « territoires en rattrapage », la question de l'appui financier apporté aux CAF par ses partenaires institutionnels, au premier rang desquelles les collectivités territoriales est prégnante. Ainsi que le relevait devant les délégations Jean-Marc Bedon de la Cnaf, « les CAF sont confrontées dans de nombreux secteurs à l'insuffisance de cofinancement des partenaires, limitant de fait le rendement des leviers et dispositifs de financement nationaux à leur disposition. En effet, de nombreuses collectivités territoriales sont confrontées à des situations financières difficiles (certaines sont sous tutelle de la Chambre régionale des comptes), et ne contribuent pas, ou pas suffisamment, au cofinancement des équipements tels que prévu dans le cadre conventionnel des outils nationaux de la branche famille. Pour pallier ces situations, les CAF sont contraintes de compléter les prestations de services nationales par des apports sur leurs fonds locaux, et/ou par des dispositifs ou mesures dérogatoires ponctuelles validées par la Cnaf ».

Ces aspects font aujourd'hui l'objet d'échanges entre la Cnaf et l'État dans le cadre de la négociation de la nouvelle Convention d'objectifs et de gestion (COG) de la branche famille pour 2023-2027.

Dans le cadre de ces échanges, la Cnaf porte, en faveur des départements d'outre-mer, la proposition de soutenir les projets et le fonctionnement des structures d'accueil de la petite enfance et des services aux familles. Il s'agit de prendre en compte de manière spécifique les problématiques de cofinancement et les besoins de rattrapage des territoires les plus fragiles, identifiés notamment dans le cadre des schémas départementaux des services aux familles.

À Mayotte également se pose la question du cofinancement des actions de soutien à la parentalité, comme l'a rapporté la CSSM : « aujourd'hui, la CSSM contribue à plus de 60 % des besoins d'action sociale du territoire, cependant les communes et les départements rencontrent des difficultés de cofinancement. (...) malgré les moyens de la CSSM, certaines actions ne peuvent être réalisées faute de cofinancement ».

d) Un engagement des collectivités territoriales à géométrie variable
(1) Une compétence « famille » des départements inégalement mise en oeuvre

Tous les départements et collectivités territoriales n'accordent pas la même importance à leurs politiques de soutien aux familles, qui constituent pourtant une de leurs compétences. La protection maternelle et infantile (PMI) et l'aide sociale à l'enfance (ASE) constituent en effet des compétences obligatoires des départements et des collectivités territoriales ayant les compétences d'un département.

Ainsi, l'attention des rapporteurs a été attirée sur certains manquements du département de la Guadeloupe, notamment au niveau de la PMI qui ne dispose plus de médecin chef depuis plusieurs mois, qui manque de personnel sur le terrain et dont le suivi des femmes enceintes est désormais très léger. Les professionnels de santé du CHU de Guadeloupe ont ainsi déploré le manque de prise en charge des parents en situation de difficultés sociales, alors que, par le passé, lorsque des médecins faisaient des signalements, des infirmières et sages-femmes de la PMI se rendaient au domicile des familles.

Une reprise en main des services départementaux semble néanmoins à l'oeuvre sous l'impulsion d'une nouvelle directrice de l'enfance, de la famille et de la jeunesse, alors même que cette direction est restée sans responsable pendant plusieurs années.

De même, un récent rapport de la chambre régionale des comptes36(*) a pointé les défaillances de la PMI à Mayotte qui « pâtit depuis sa création de l'absence d'un schéma directeur dont l'élaboration tarde à aboutir » et dont « l'offre de prestations est loin des standards nationaux ».

(2) Des collectivités locales n'ayant pas les moyens de (co)financer des actions de soutien à la parentalité

L'aide à la parentalité est une compétence facultative des communes, qui n'ont pas de moyens dédiés pour cette politique. Certaines communes développent néanmoins des actions dans ce domaine, notamment par le biais des centres locaux d'action sociale. Elles peuvent également soutenir des projets en assurant un co-financement avec la CAF.

Cependant, les collectivités locales ultramarines sont, pour beaucoup, dans des situations financières difficiles. Elles ne sont donc pas en mesure d'assurer des cofinancements en appui à la CAF. De nombreuses actions engagées par les CAF ou la CSSM ne peuvent être réalisées faute de cofinancement.

Patrick Divad, directeur de la CAF de la Guadeloupe et de Saint-Martin, a souligné cette difficulté : trente communes guadeloupéennes sur trente-deux sont en alerte vigilance sur leurs finances publiques et sont donc dans l'incapacité d'accompagner le développement social de leur territoire. Contrairement aux CAF de l'Hexagone qui peuvent s'appuyer sur les collectivités territoriales, les CAF ultramarines sont souvent bien seules.

e) Des initiatives originales développées par des acteurs de terrain qui manquent de moyens, de formation et d'ingénierie administrative et sociale

Les rapporteurs tiennent à saluer le dynamisme du tissu associatif dans les outre-mer, qui permet de faire émerger dans les territoires de nombreuses actions de soutien à la parentalité, au plus près des familles et de leurs besoins. Maisons des familles, bus de la parentalité, groupes de parole, services de médiation familiale, éducation populaire, vacances familiales ou encore écoles de parents : les initiatives sont multiples et doivent être encouragées.

Cependant, des lacunes sont à déplorer et il est nécessaire de permettre à ces acteurs locaux de proximité de renforcer, non seulement leur maillage territorial, mais aussi leur expertise en matière d'ingénierie sociale et leur accès à des financements structurels de long terme.

Tout d'abord, les associations manquent de financements structurels et pérennes. Les différents interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs ont mis en avant les pertes de temps auxquels ils sont exposés pour répondre à des appels à projets ponctuels et ne visant qu'une partie de leur activité. Si les CAF s'efforcent de développer des financements pluriannuels pour donner plus de lisibilité aux structures, ce n'est pas le cas des collectivités territoriales.

La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a toutefois fait savoir aux délégations que, s'agissant de la deuxième feuille de route du programme des « 1 000 premiers jours » qui est en cours d'élaboration, « le sujet de la pluriannualité et de la manière dont on peut mobiliser les acteurs sur des financements plus structurels est en suspens. Un fonds innovation sera (...) publié dans les jours à venir, en lien avec nos différents partenaires, dont la Cnaf. Est envisagée une pluriannualité de trois ans, ce qui répond en partie aux soucis que nous font remonter les associations. Se pose ensuite une question plus structurelle sur le parcours des 1 000 premiers jours et les Maisons des familles. Nous devons pouvoir réfléchir à des financements plus structurels, entrant dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG), dont l'atterrissage est en cours de finalisation ».

En outre, les personnels des associations ne sont souvent pas suffisamment formés. Selon Charles Celenice, directeur préfigurateur de l'Observatoire de la parentalité de la Martinique, entendu par les rapporteurs dans le cadre d'une visioconférence avec la CAF de Martinique, la formation figure parmi les demandes prioritaires formulées par les acteurs de la parentalité.

Enfin, les associations manquent globalement d'ingénierie administrative et sociale. Comme l'a souligné Patrick Divad, directeur de la CAF de la Guadeloupe et de Saint-Martin, la CAF doit pallier le manque d'ingénierie administrative des associations et le conventionnement avec la CAF permet aux associations de bénéficier d'un accompagnement d'ensemble particulièrement nécessaire outre-mer.

Le coordinateur de projet référent outre-mer à la Cnaf, Jean-Marc Bedon a également relevé le déficit d'opérateurs, partenaires des CAF, assis sur des modèles économiques viables et en capacité de mettre en oeuvre des offres de service d'action sociale. Outre la problématique du financement, ce point constitue le « second trait majeur caractérisant les freins au développement des politiques sociales des CAF ultramarines ». Ces dernières doivent en effet assumer parfois intégralement l'ingénierie sociale nécessaire à l'émergence d'opérateurs et à la création d'offres de services : formation des professionnels, mobilisation des partenaires, montages financier de projets et des services, recherche de locaux, structuration des acteurs et des réseaux relais des CAF, accompagnement au quotidien des opérateurs gestionnaires des services et des familles.

En outre, tous les territoires ultramarins ne proposent pas la même structuration d'appui à l'ingénierie de projets.


* 31 C'est alors l'allocation de base de la Paje qui est versée.

* 32 Décret n° 2023-341 du 4 mai 2023 portant revalorisation du montant forfaitaire du revenu de solidarité active à Mayotte.

* 33 Franc pacifique (1 FCFP = 0,0084 euro).

* 34 La moyenne économique journalière de la cellule familiale est calculée selon la formule suivante : Moyenne économique = revenus moyens - abattement pour charge

30 x nombre de personnes

* 35  https://www.unicef.fr/wp-content/uploads/2022/09/RapportGuyane_final_WEB_5093117.pdf

* 36 Juin 2023, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/departement-de-mayotte-protection-maternelle-et-infantile-pmi

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