GUADELOUPE, MARTINIQUE, SAINT-BARTHÉLEMY
ET SAINT-MARTIN :
QUATRE TERRITOIRES DE LA RÉPUBLIQUE
DANS LA CARAÏBE

Attentive à la situation des outre-mer, la commission des lois du Sénat consacre chaque année des travaux d'information et de contrôle aux collectivités ultramarines, sur les questions qui relèvent de son champ de compétences : l'organisation institutionnelle et administrative, la sécurité et la justice3(*). Elle a choisi en 2023 d'effectuer un déplacement du 10 au 18 avril dans les quatre collectivités françaises des Antilles : la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Ces quatre territoires, qui connaissent avec l'hexagone une histoire commune depuis le milieu du XVIIe siècle, présentent entre eux une profonde diversité, que la réforme constitutionnelle de 2003 a permis de traduire juridiquement en ouvrant les possibilités de statuts différenciés pour prendre en considération leurs caractéristiques et leur identité propres.

Plus grand archipel des Petites Antilles, avec une superficie de 1 702 km² et 380 000 habitants, la Guadeloupe, ainsi que la Martinique, qui accueille 370 000 habitants sur un territoire de 1 128 km², bénéficient chacune d'une taille et d'un potentiel de nature à leur conférer un rôle majeur dans l'arc antillais. Elles connaissent néanmoins aujourd'hui des difficultés pour mettre en valeur leurs richesses et appuyer leur développement.

Saint-Martin, qui s'étend sur 53 km² et concentre environ 40 000 habitants, façonnée par sa frontière poreuse avec la partie néerlandaise de l'île, Sint-Maarten, est encore meurtrie par l'ouragan Irma et doit trouver le chemin d'un nouveau modèle de croissance.

La collectivité de Saint-Barthélemy, grande de seulement 21 km² et qui compte moins de 10 000 habitants, marquée par la présence suédoise pendant près d'un siècle, a quant à elle construit un modèle de développement atypique et quasi-autosuffisant.

Pour autant, au-delà de cette diversité, une unité forte demeure entre ces quatre territoires, situés à près de 7 000 km de l'hexagone.

Tous quatre ont été forgés par une identité caribéenne revendiquée, et une histoire dont ils gardent chacun les stigmates. Cette unité découle également d'un besoin d'adaptation marqué de leur environnement juridique et administratif, et dont les élus locaux se font l'écho. Enfin, ces territoires ont besoin d'une action forte de l'État, qui doit accompagner leur développement, en veillant à laisser toute sa place à l'expression de leur identité.

Au terme de leurs déplacements, de leurs échanges avec les élus locaux et les parlementaires, des entretiens menés avec les représentants des services de l'État et avec les représentants des acteurs socio-économiques, les rapporteurs affirment que la République doit toute son attention à chacun de ces territoires, en tenant pleinement compte de leur environnement caribéen. Dans cet accompagnement, la question institutionnelle est majeure, mais elle ne doit pas occulter la nécessité de renforcer, par d'autres actions, l'efficacité de l'action publique locale au bénéfice des citoyens.

I. DES TERRITOIRES ANCRÉS DANS LA RÉPUBLIQUE QUI LEUR DOIT TOUTE SON ATTENTION

A. MALGRÉ DES REVENDICATIONS INDÉPENDANTISTES, UN ATTACHEMENT À LA RÉPUBLIQUE ET À LA PRÉSENCE EFFECTIVE DES SERVICES DE L'ÉTAT

1. Un discours ambivalent sur la relation à l'État
a) Un ressentiment qui nourrit la volonté autonomiste
(1) La « dette » de l'esclavage

Les collectivités des Antilles françaises restent fortement marquées par le traitement qui a été infligé à leurs populations dans le cadre de la traite négrière et de l'esclavage.

Le passé d'esclave ou d'affranchi d'un ancêtre, ou à l'inverse de descendant de colons européens, reste une donnée très présente au sein des populations martiniquaise et guadeloupéenne. Il constitue à cet égard une clé d'explication à certains mouvements politiques, sociaux, culturels ou plus largement d'opinion qui regardent l'État et son action avec méfiance, malgré l'abolition généralisée et définitive de l'esclavage en 1848 et l'affirmation des « quatre vieilles » colonies françaises d'Amérique comme des départements d'outre-mer en 1946, marquant l'égalité juridique de ces territoires avec ceux de l'hexagone.

Les rapporteurs ont pu constater lors de leur déplacement que cette part sombre de l'histoire de France altère encore aujourd'hui les relations d'une partie de la population et d'une partie de la classe politique avec l'État et ses représentants.

L'État, qui décide d'un certain nombre de politiques publiques sur le territoire des collectivités et qui apporte des financements selon les modalités qu'il établit, est ainsi parfois présenté comme une puissance arrêtant unilatéralement et autoritairement des décisions, sans prendre suffisamment en considération les besoins exprimés par les institutions locales et leurs représentants, ainsi que les populations elles-mêmes. Si cette situation n'est guère différente dans sa nature de celle que rencontrent nombre de collectivités territoriales dans d'autres parties du territoire de la République, elle y est incontestablement plus mal vécue qu'ailleurs du fait du legs de l'histoire.

À cela s'ajoute le nombre des fonctionnaires venus de l'hexagone, sans attache familiale particulière avec les territoires concernés, pour exercer des fonctions dans l'administration de l'État, souvent à des postes d'encadrement. Cette situation est dénoncée par certains habitants comme la poursuite d'une administration sinon coloniale, du moins extérieure et, de ce fait, déconnectée de la société locale.

Dans un contexte marqué par un phénomène structurel de départs de la jeunesse antillaise pour l'hexagone, voire en Amérique du nord, il en découle une revendication, plusieurs fois formulée au cours des entretiens, que l'État local puisse être davantage administré par des agents originaires des territoires ultramarins et que des dispositifs facilitant le retour des agents partis exercer leurs fonctions dans l'hexagone ou dans d'autres collectivités ultramarines soient mis en place de manière effective.

À titre d'exemple, la présidente du tribunal judiciaire de Fort-de-France, Clarisse Taron, et la procureure de la République, Karine Gonnet, ont évoqué à cet égard les différents tags présents sur les bâtiments de la juridiction et les propos - parfois outrageants - à leur endroit dénonçant « une justice coloniale », des « juges blancs » ou encore leur méconnaissance de la langue créole.

(2) L'« effet » chlordécone

Ce sentiment prégnant de défiance est aggravé par le scandale du chlordécone. Les effets toxiques de cette molécule, connus depuis 1975, n'ont en effet conduit à l'interdiction de son utilisation dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe qu'en 1993, alors même que son usage était interdit sur le territoire hexagonal dès 1990. Ce décalage est regardé par de nombreux acteurs locaux comme une faute majeure de l'État et la marque d'une déconsidération de ces territoires et de leur population par rapport à l'hexagone.

De même, les actions entreprises par l'État pour remédier à la situation sanitaire ainsi créée sont souvent jugées à la fois trop tardives et inefficaces, alors même que, dans son discours à Morne-Rouge le 27 septembre 2018, le Président de la République avait fait de la lutte contre ce phénomène et la réparation des conséquences qu'elle a engendrées un axe majeur de la politique de l'État dans ces collectivités.

Comme l'ont montré les récents travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), cette question de politique sanitaire a renforcé une défiance face à l'État désormais ancrée dans le débat public. Le rapport de l'Office évoque ainsi des témoignages soulignant un « sentiment de colère, d'injustice, de défiance » parmi la population antillaise, tandis que la perception de l'État serait passée d'« une sorte de thaumaturge générateur de liberté et d'égalité dans le prolongement de l'abolition de l'esclavage » à « un organe étranger, avec lequel les populations antillaises entretiennent un rapport plus que jamais ambivalent »4(*).

Sur ce point, les magistrats rencontrés à Fort-de-France ont fait part à la délégation de la méconnaissance, par un nombre important de justiciables martiniquais, de l'absence de compétence du tribunal judiciaire local s'agissant des affaires pénales et civiles ayant un lien avec l'utilisation du chlordécone traitées par le pôle spécialisé « santé » du Parquet de Paris.

(3) La gestion de la covid-19

Ce terreau n'est sans doute pas étranger aux tensions majeures survenues en 2020 et 2021, dans le cadre de la lutte contre la covid-19, du fait des obligations de confinement, de l'instauration du passe sanitaire puis de l'obligation vaccinale dans les territoires antillais, principalement en Guadeloupe et Martinique.

Imposer, pour des raisons de santé publique, la vaccination obligatoire des soignants a été notamment perçu par certains comme une atteinte portée par l'État à leur intégrité physique, et comme une nouvelle illustration des risques sanitaires que prenaient les autorités de l'État à imposer aux populations des traitements qui n'avaient pas fait l'objet d'une étude complète de leur innocuité à moyen ou long terme.

Le taux de vaccination contre la covid-19 dans les collectivités antillaises est ainsi resté bien plus faible que dans d'autres endroits du territoire national5(*). Et le refus de se soumettre aux règles sanitaires imposées par l'État a participé - même si elle n'en était pas la seule cause - à installer en novembre et décembre 2021 une situation quasi-insurrectionnelle, en Martinique mais surtout en Guadeloupe, dont la violence a fortement marqué les représentants des forces de sécurité rencontrés par la délégation de la commission des lois.

(4) La montée du discours indépendantiste et les revendications statutaires afférentes

Cette méfiance généralisée d'une partie de la population face à l'action de l'État a pour effet de renforcer le discours autonomiste, voire indépendantiste, dans une partie de la classe politique ou syndicale.

Ainsi, en Martinique, les formations autonomistes ont, par leur poids politique et à la suite d'une approbation par la majorité des Martiniquais, obtenu une première évolution statutaire par l'institution d'une collectivité unique se substituant à la région et au département de Martinique sur le territoire de l'île, afin de mieux s'adapter aux réalités locales, en particulier l'étroitesse de la circonscription régionale et départementale.

La collectivité territoriale de Martinique : l'aboutissement d'une volonté politique et populaire pour adapter la structure institutionnelle locale
aux réalités martiniquaises

Comme le permet l'article 73 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2003, la collectivité territoriale unique de Martinique (CTM) s'est substituée au département et à la région le 1er janvier 2016, en application de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. Cette transformation fait suite au référendum du 24 janvier 2010 - qui a donné lieu à 68,30 % de « oui » à la fusion du département et de la région. Ce référendum intervenait après celui du 10 janvier 2010 qui avait vu la proposition d'une transformation de la Martinique en collectivité régie par l'article 74 de la Constitution rejetée à 79,31 %.

Depuis la création de la collectivité territoriale de Martinique au 1er janvier 2016, celle-ci a pour organe délibérant l'assemblée de Martinique qui remplace le conseil régional et le conseil général. Elle règle par ses délibérations « les affaires de la collectivité territoriale de Martinique » et a compétence pour « promouvoir la coopération régionale, le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la Martinique et l'aménagement de son territoire et pour assurer la préservation de son identité, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des communes ». Elle peut également engager des actions complémentaires de celles de l'État ainsi que des communes et de leurs groupements.

Doté de 51 membres élus pour six ans au cours du renouvellement des conseils régionaux, l'assemblée de Martinique est dirigée par son président accompagné de quatre vice-présidents. Elle siège à l'hôtel de la collectivité territoriale de Martinique et se réunit, à l'initiative de son président, au moins une fois par trimestre. Elle peut également être réunie à la demande du conseil exécutif ou du tiers de ses membres. L'Assemblée de Martinique a une fonction délibérante et élit parmi ses membres le conseil exécutif de la Martinique.

Aujourd'hui, ces mêmes formations autonomistes, notamment le Parti progressiste martiniquais, emmené par Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), ainsi que de la sénatrice Catherine Conconne, et les formations indépendantistes, en particulier le Mouvement indépendantiste martiniquais d'Alfred Marie-Jeanne, allié à Jean-Philippe Nilor, dominent le paysage politique depuis les dernières élections territoriales. Le président de la CTM a exprimé, devant la délégation, une volonté forte d'évolution statutaire, non seulement pour gommer les insatisfactions organisationnelles existantes, mais surtout pour doter l'assemblée de Martinique d'un véritable pouvoir normatif autonome dans plusieurs domaines, notamment s'agissant de l'autonomie alimentaire et énergétique ou de la réglementation sur les produits utilisés pour l'agriculture - en particulier le chlordécone.

En Guadeloupe, les élections départementales ont consacré la montée de la coalition des mouvements régionalistes et autonomistes, réunis dans la liste « NOU », conduite par Ronald Selbonne. Tandis qu'au niveau syndical, la principale organisation guadeloupéenne de travailleurs - l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) - affiche la « décolonisation » de l'île comme l'objectif ultime de son action, comme l'affirment régulièrement les résolutions adoptées par ses congrès6(*).

Guy Losbar, président du conseil départemental, s'est ainsi montré, lors de ses échanges avec la délégation, très favorable à la création d'une collectivité unique de Guadeloupe, à titre principal pour réduire le millefeuille administratif et l'enchevêtrement de compétences, mais qui serait aussi dotée de prérogatives importantes et d'une autonomie plus forte que celle préexistante. Toutefois, les rapporteurs ont constaté que si les élus locaux étaient ouverts à des évolutions statutaires, en particulier relatives à la suppression des deux régimes constitutionnels existants (articles 73 et 74 de la Constitution), celles-ci n'emportaient pas un plein consensus local. Si une telle évolution statutaire suscite de nombreuses réserves parmi la classe politique locale, cela s'explique aisément par le rejet, déjà nettement exprimé en 2003, des citoyens guadeloupéens d'une collectivité unique.

À Saint-Martin, les élections territoriales ont conduit à la présidence de la collectivité Louis Mussington qui, lors de son entretien avec la délégation, a souligné la nécessité d'aller encore plus loin dans l'autonomie, avec un statut proche de celui de la Polynésie française, qui permettrait selon lui de conduire une coopération beaucoup plus importante avec Sint-Maarten et d'« harmoniser les législations » des deux côtés de la frontière. La collectivité de Saint-Martin dispose déjà, en application de l'article 74 de la Constitution et des lois organiques n° 2007-223 du 21 février 2007 et ordinaire n° 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, de l'autonomie fiscale et d'importantes compétences par rapport aux collectivités de droit commun, notamment en matière d'urbanisme et de développement économique. S'ajoutent à cela les transports routiers et la desserte maritime d'intérêt territorial, la voirie, l'environnement, l'accès au travail des étrangers, l'énergie, le tourisme.

Saint-Barthélemy reste toutefois en marge de ce mouvement, son histoire en décalage avec celles des autres îles, sa situation de très grande autonomie depuis 2007 et les problématiques économiques et sociales qui lui sont propres l'expliquant aisément. Ce splendide isolement conduit le président de cette collectivité, Xavier Lédée, à ne formuler que de simples demandes d'ajustements, notamment en matière sanitaire, afin de réduire la dépendance de l'île aux évacuations sanitaires vers Saint-Martin et la Guadeloupe aujourd'hui difficilement praticables la nuit, et en matière de séjour et de travail des étrangers, compétences déjà dévolues à la collectivité. Son attachement à la République n'est en rien contesté localement.

b) Un manque d'État souvent déploré au quotidien...
(1) Une demande de plus d'État... pour compenser sa dette historique

La faiblesse, avérée, de l'État déconcentré apparaît ainsi d'autant plus mal vécue par ceux qui estiment avoir subi son oppression et est présentée par certains acteurs politiques ou syndicaux comme une nouvelle preuve d'un traitement dégradé, sinon d'un rabaissement, des collectivités françaises de la Caraïbe par rapport à l'hexagone.

La demande d'une présence plus importante de l'État est donc aussi perçue comme l'accomplissement d'un devoir moral de ce dernier et comme la juste réparation de ce que les territoires des Antilles et leurs habitants ont eu à subir du fait de l'histoire.

Lors de leurs échanges sur place, les membres de la délégation ont constaté combien la défiance affichée s'accompagnait ainsi, sans que cela soit jugé contradictoire, d'un désir de voir l'État plus présent au quotidien. La défiance est aussi nourrie par un sentiment d'abandon de l'État, qui ne ferait pas assez pour aider des populations et des collectivités qui, mis à part le cas très particulier de Saint-Barthélemy, connaissent de fortes difficultés économiques et sociales.

Ainsi, en Guadeloupe, selon les estimations de l'Insee, le taux de chômage s'est inscrit en augmentation en 2022, à 18,6 %,7(*) tandis que le taux de chômage en Martinique s'est élevé en 2022 à 10,3 %, taux qui restent sensiblement plus importants que dans l'Hexagone (7,2 %).8(*) Par ailleurs, selon la préfecture de la Guadeloupe, le taux de pauvreté avoisine 19 % de la population et, rapporté au niveau de vie médian national, s'élève à 33 %. De la même manière, Lucien Sablier, président de l'assemblée de Martinique, a indiqué qu'en Martinique plus de 27 % de la population se situait sous le seuil de pauvreté, et que moins de 40 % des ménages fiscaux étaient imposés, faute de revenus suffisants.

Dans ce contexte, l'État est donc regardé comme le garant d'un certain nombre de droits sociaux, venant compenser les situations de précarité des sociétés antillaises générées par des handicaps structurels liés à leur insularité et leur faible superficie, et par un phénomène de « vie chère » dans des proportions inconnues des territoires métropolitains.

Ce besoin d'un État déconcentré plus fort, avec un préfet qui aurait la main sur l'action de certains opérateurs, comme, par exemple, l'agence régionale de santé, et qui soit davantage à l'écoute des besoins des territoires, est également exprimé par les acteurs économiques rencontrés par la délégation, qui y voient un levier du développement social et économique.

(2) Une demande d'État plus efficace... pour répondre aux défis régaliens sur ces territoires

Lors de leurs travaux, les rapporteurs ont constaté combien la défiance affichée s'accompagnait - sans que cela soit jugé contradictoire - d'un désir de voir l'État plus présent au quotidien, en particulier sur ses missions régaliennes.

Ce sentiment se manifeste particulièrement dans la demande unanimement relayée par l'ensemble des acteurs, politiques, économiques, sociaux ou culturels, d'une meilleure sécurité au quotidien et d'un traitement judiciaire plus rapide et efficace pour que la promesse républicaine se matérialise en actes concrets, y compris à des milliers de kilomètres de l'hexagone.

Sur ce point, force est de constater que, plus que dans d'autres collectivités de la République, la présence de l'État déconcentré dans les départements et collectivités de la Caraïbe se caractérise par la faiblesse de ses moyens.

Celle-ci se conjugue à leur inadaptation, comme l'illustre parfaitement l'absence de conseiller diplomatique affecté aux préfets de Martinique et de Guadeloupe pour l'exercice de leurs missions, à la différence des autres préfets postés outre-mer.

(3) Une demande d'État plus agile... pour mieux épouser les réalités locales et répondre aux besoins spécifiques des territoires antillais

Nombreux sont les acteurs rencontrés par la mission à avoir formulé la demande d'un État plus agile, tant normativement que budgétairement, afin de mieux épouser les réalités locales et de répondre aux besoins spécifiques des territoires antillais.

Lors du déplacement, les rapporteurs ont pu mesurer les situations ubuesques résultant d'un défaut d'adaptation ainsi que la légitimité des demandes des élus pour qu'il soit mis fin à l'application uniforme de certaines normes imposées par les administrations centrales.

À Saint-Barthélemy et Saint-Martin, l'attention a été attirée sur les critères nationaux retenus pour la potabilité de l'eau qui, appliqués dans ces collectivités qui ne bénéficient d'aucune ressource en eau autre que la désalinisation, constituent une difficulté majeure. L'eau de pluie, même après traitement, de même que l'eau en provenance de la partie néerlandaise de l'île de Saint-Martin, ne sont pas considérées comme conformes aux normes par l'agence régionale de santé. Elle implique que les capacités actuelles de dessalement sont insuffisantes ou vétustes, et conduisent notamment à des travaux d'ampleur pour réhabiliter l'usine vétuste de Galisbay.

À Saint-Martin, a également été souligné par les élus de la collectivité territoriale le manque d'adaptation aux caractéristiques du territoire du plan de prévention des risques naturels (PPRN) et, de ce fait, leur souhait que la compétence « environnement » qui relève toujours de l'État et le conduit à imposer un PPRN, soit attribuée à la collectivité elle-même, par une modification de sa loi organique statutaire. De fait, prenant en considération les submersions liées à l'ouragan Irma, les services de l'État ont fortement limité la constructibilité près des côtes, et rendu ainsi inconstructibles de nombreux terrains qui gardent les ruines d'anciennes constructions. Si les services de l'État ont fait valoir que le PPRN institué à Saint-Martin était d'ores et déjà moins contraignant que dans l'hexagone, afin de prendre en compte la faible surface de territoire, les rapporteurs estiment que des marges d'évolution pourraient encore être trouvées, dans le respect de la sécurité des populations.

De manière générale, dans les collectivités visitées comme dans le reste des outre-mer, l'on constate une insuffisante prise en considération des circonstances locales dans le cadre des normes en matière de construction9(*), comme en matière de logement.

Ainsi, en Martinique, tant Lucien Saliber, président de l'assemblée de Martinique, que Serge Letchimy, président de la collectivité de Martinique, ont déploré l'inadaptation du dispositif de la « ligne budgétaire unique » (LBU) pour le logement dont les objectifs de construction et les concours financiers afférents sont décidés « depuis Paris alors qu'ils devraient être décidés ici en tenant compte des risques climatiques spécifiques et adaptés aux réalités notamment sismiques ».

En effet, si l'ensemble des territoires ultramarins ont besoin d'investissements massifs en faveur du logement, ceux-ci sont particulièrement hétérogènes et dépendent largement des caractéristiques de l'habitat sur leur territoire. Ainsi, Saint-Barthélemy fait face à une grave crise du logement empêchant les travailleurs saisonniers comme les fonctionnaires, notamment hospitaliers, de s'installer sur le territoire, compte tenu des coûts prohibitifs des locations de logements. A l'inverse, en Guadeloupe comme en Martinique, l'impératif de production de nouvelles constructions se conjugue à des besoins importants de réhabilitation du parc existant, en particulier du fait des conditions climatiques particulières et des fortes contraintes parasismiques pesant sur les habitations, sans recueillir le plein assentiment des élus rencontrés quant à leur adaptation aux risques.

La « LBU »

L'action n° 1 du programme 123 « conditions de vie outre-mer » de la mission budgétaire « outre-mer » est couramment appelée « ligne budgétaire unique » (LBU). Celle-ci regroupe les crédits finançant la politique du logement dans les cinq collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution (La Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane et Mayotte), qui sont directement pilotés par le ministère des outre-mer depuis 1997.

Après s'être établie autour de 270 millions d'euros annuels de 2010 à 2014, la LBU a vu ses crédits diminuer, une tendance à laquelle la sous-consommation des crédits n'était pas totalement étrangère. Ils se sont ainsi établis en 2022 à un peu moins de 250 millions d'euros. Enfin, en 2018 et 2019, la LBU a été repositionnée à environ 215 millions d'euros en AE.

Les rapporteurs partagent pleinement le constat récent de la délégation sénatoriale aux outre-mer : « toutes les personnes entendues (exécutifs ultramarins, maires, acteurs économiques) se rejoignent sur le constat d'une adaptation insuffisante des politiques publiques aux spécificités de chaque territoire ultramarin. Il y a un consensus sur cette question. L'inadaptation concerne aussi bien la conduite des politiques publiques que le cadre normatif. Le besoin d'une différenciation renforcée est affirmé avec la même force par les collectivités de l'article 73 ou de l'article 74 »10(*).

2. Des territoires qui souhaitent inscrire leur avenir dans la République
a) L'Appel de Fort-de-France, demande d'une « nouvelle étape » dans la République

Le 16 mai 2022, les présidents de sept collectivités ultramarines11(*) signaient « l'Appel de Fort-de-France », afin que puisse s'ouvrir « une nouvelle étape de l'Histoire des pays d'outre-mer au sein de la République ».

Appel de Fort-de-France

« Les populations de Martinique, de Guyane, de La Réunion, de la Guadeloupe, de Saint-Martin, de Mayotte, expriment chaque jour el besoin que les politiques publiques redeviennent des leviers de changement d'un quotidien fait d'inégalités sociales et économiques, d'une vie chère sur laquelle les populations n'ont aucune prise et de problématiques d'accès à des besoins essentiels comme la santé, l'éducation, l'emploi, le logement, etc.

« Nos territoires des outre-mer vivent aujourd'hui une situation de mal-développement structurel à l'origine de ces inégalités de plus en plus criantes qui minent le pacte social.

« Ces urgences et nos défis ne peuvent plus attendre. Le statu quo n'est plus acceptable.

« L'heure est venue d'ouvrir ensemble une nouvelle étape de l'Histoire des pays d'outre-mer au sein de la République

« En effet, une prise de conscience politique est nécessaire à tous les niveaux pour répondre aux légitimes attentes de justice sociale, mettre en oeuvre une égalité républicaine respectueuse des différences et ouvrir de nouvelles perspectives d'avenir pour notre jeunesse. C'est pourquoi, nous souhaitons dans le cadre général de la politique de différenciation prônée au plus haut niveau de l'État :

« - Refonder la relation entre nos territoires et la République par la définition d'un nouveau cadre permettant la mise en oeuvre de politiques publiques conformes aux réalités de chacune de nos régions,

« - Conjuguer la pleine égalité des droits avec la reconnaissance de nos spécificités, notamment par une réelle domiciliation des leviers de décision au plus près de nos territoires,

« - Instaurer une nouvelle politique économique fondée sur nos atouts notamment géostratégiques et écologiques.

« Nous ne voulons plus être mis dans la position de subir des politiques publiques inadaptées à nos réalités, alors que l'enjeu pour nos territoires est d'instaurer une nouvelle politique économique pour lutter contre le mal-développement dont nos peuples vivent les conséquences au quotidien.

« Dans le «pays natal » d'Aimé Césaire, 76 ans après la loi du 19 mars 1946 et à la veille des 40 ans de la création des Régions d'outre-mer, il nous revient d'exiger que soit installé un nouveau cadre d'action à la hauteur de notre temps et des enjeux qui sont les nôtres.

« Cet appel de Fort-de-France est donc un défi à agir sans délai et à ouvrir de nouvelles perspectives, en concertation avec nos populations.

« Notre mobilisation conduit nécessairement à réclamer un dialogue exigeant et responsable avec le Président de la République qui doit prendre conscience de la gravité et de l'urgence de la situation afin d'aborder l'ensemble des questions économiques, sociales et institutionnelles qui se posent à chacun de nos territoires, pour le présent et pour l'avenir. »

Cet appel fait écho, plus de vingt ans après, à la Déclaration de Basse-Terre du 1er décembre 1999, dans laquelle les présidents des régions Martinique, Guadeloupe et Guyane, décidaient « d'unir leurs efforts afin de bâtir un projet de développement économique social et culturel impliquant la prise en compte des identités propres à chaque Région ». Cet acte politique a donné un nouvel élan à la prise en compte des spécificités des départements et régions d'outre-mer et a permis d'inscrire dans la Constitution, en 2003, la possibilité d'une différenciation plus grande des statuts et des institutions des collectivités ultramarines.

Pour les collectivités françaises de l'arc antillais, elle a conduit à la tenue de référendums le 7 décembre 2003 sur l'évolution institutionnelle ou statutaire de la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. À cette occasion, la Guadeloupe (par 72,98 % de « non ») et la Martinique (par 50,48 % de « non ») ont rejeté le projet de réforme institutionnelle qui leur était présenté portant création d'une collectivité unique se substituant aux départements et régions, dans le cadre du régime d'assimilation législative prévu à l'article 73 de la Constitution. En revanche, les électeurs de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, avec respectivement 95,51 % et 76,17 % de « oui », ont massivement choisi de transformer ces communes de la Guadeloupe en des collectivités d'outre-mer soumises à l'article 74 de la Constitution.

Puis, à l'issue de la consultation tenue le 24 janvier 2010, les électeurs de Martinique se sont prononcés (à 68,30 % des voix mais une participation de 35,81 %) pour la création d'une collectivité territoriale unique, régie par l'article 73 de la Constitution, en lieu et place possible de la région et du département12(*).

Plus de vingt ans après la déclaration de Basse-Terre, l'Appel de Fort-de-France réaffirme donc le besoin d'attention de la République envers les territoires ultramarins.

À cet égard, l'appel du 16 mai 2022, loin d'un refus d'appartenance à la République, traduit au contraire la volonté de conserver l'ancrage des collectivités signataires dans la République française, mais dans une relation renouvelée qui tienne davantage compte qu'aujourd'hui de la nécessité d'adapter leur modèle à leurs spécificités et leur identité propre.

Ainsi, plutôt qu'une remise en cause de la présence de la République, les rapporteurs ont pu constater que les critiques nourries à l'endroit de l'État appellent, au contraire, à un renforcement de son agilité et à l'exercice effectif de ses missions régaliennes. Dès lors, la question statutaire bien qu'elle soit majeure, ne doit pas occulter les demandes, plus urgentes, d'adaptation des normes et d'amélioration des actions de l'État sur ces territoires, portées par les élus locaux.

Il apparaît donc nécessaire de n'envisager des évolutions statutaires qu'après un bilan des dispositions existantes et de répondre à l'urgence statutaire première : celle de l'adaptation des normes.

Proposition n° 1 : Ne procéder à de nouveaux ajustements statutaires qu'après une évaluation de la mise en oeuvre des possibilités d'action spécifiques existantes.

De surcroît, les travaux de la mission s'étant déroulés dans la phase de préfiguration du comité interministériel pour les Outre-mer (CIOM)13(*), l'ensemble des élus locaux rencontrés ont fait part à la mission des demandes qu'ils avaient formulées au Gouvernement après, généralement, des actions de concertation locale.

Ainsi, la collectivité territoriale de la Martinique a annoncé aux rapporteurs avoir formulé plusieurs dizaines de propositions concrètes de modifications législatives ou organiques, afin de traduire les projets du territoire en réalités, en particulier s'agissant de l'agriculture et de l'énergie. Les élus guadeloupéens ont quant à eux initié un processus en trois phases visant à l'émergence de propositions consensuelles et partagées à l'échelle du territoire. De la même manière, Louis Mussington a fait état auprès des rapporteurs des demandes que le conseil territorial de Saint-Martin avait entendu porter dans des domaines variés tels que l'éducation, l'urbanisme, l'environnement ou le développement économique. Enfin, le président de la collectivité de Saint-Barthélemy a fait de même en dévoilant aux rapporteurs les « fiches CIOM » rédigées en ce sens.

Les rapporteurs appellent donc de leurs voeux une réunion de toute urgence du CIOM pour examiner les propositions d'ajustements ainsi présentées par les collectivités antillaises et de s'assurer de la nécessité d'une évolution législative pour y procéder, préalable indispensable.

Proposition n° 2 : Réunir, de toute urgence, le comité interministériel des Outre-mer (CIOM) pour examiner les propositions d'ajustements statutaires présentées par les collectivités antillaises et s'assurer de la nécessité d'une évolution législative pour y procéder.

b) Le désir de trouver une place spécifique dans la République
(1) Un besoin d'adaptation des référentiels pour mieux épouser les réalités locales

Au-delà même de la question de l'adaptation institutionnelle des collectivités territoriales des Antilles14(*), la question des normes édictées par le législateur ou le pouvoir réglementaire national et de leur insuffisante adéquation aux spécificités des territoires y est une problématique récurrente, comme dans le reste des outre-mer.

Comme le souligne l'Appel de Fort-de-France, la situation des outre-mer appelle à faire vivre, dans ces territoires, la politique de différenciation. Or, ainsi que l'a récemment rappelé la délégation sénatoriale aux outre-mer, « les lois et décrets peinent encore à intégrer la dimension ultramarine et la disparité des territoires », l'inadaptation concernant tant la conduite des politiques publiques que le cadre normatif15(*).

Sur ce plan, le Sénat milite depuis longtemps pour que la logique de différenciation prenne toute sa dimension, notamment dans les collectivités situées dans les Antilles, et vient de le réaffirmer dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher16(*).

À l'issue de leurs travaux, la conviction de rapporteurs s'est trouvée confortée : plus qu'ailleurs, il faut faire vivre, dans ces territoires, la politique de différenciation. Ils appellent en conséquence l'État, indépendamment d'évolutions statutaires, à adopter une démarche systématique d'adaptation des normes et référentiels pour prendre pleinement en considération les circonstances locales.

Cette « révolution des méthodes » a déjà fait l'objet d'une demande réitérée et insistante de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui a récemment rappelé la nécessité que « l'État réinterroge son organisation sur les territoires, sa stratégie, sa capacité à déroger et ses méthodes d'élaboration des lois et décrets pour les adapter aux outre-mer »17(*). La mission fait siennes ses recommandations en la matière, spécifiquement pour les territoires antillais.

Révolutionner sans délai les méthodes : cinq recommandations
de la délégation sénatoriale aux outre-mer

« Quelle que soit l'issue des réflexions en cours sur une révision constitutionnelle ou une évolution statutaire de certains outre-mer, une révolution des méthodes demeure plus que jamais indispensable, afin de mettre les outre-mer au coeur de la fabrique de la loi et des politiques publiques. La délégation émet [5] recommandations principales :

« - renforcer la prise en compte des outre-mer dans la phase des études d'impact, en prévoyant une consultation des outre-mer pour avis au stade de leur élaboration et en imposant aux études d'impact de justifier l'absence d'adaptations des normes aux caractéristiques et contraintes des outre-mer ;

« - faire de la contractualisation et de la territorialisation le principe d'action de l'État dans les outre-mer, en s'appuyant sur une déconcentration massive de l'organisation de l'État autour du préfet ;

« - lancer une revue générale des normes outre-mer, code par code ;

« - prévoir un accompagnement de l'État dans la mise en oeuvre des procédures d'habilitation de l'article 73 de la Constitution ;

« - renforcer les moyens de la DGOM pour qu'elle joue son plein rôle de pilotage et d'évaluation des politiques publiques outre-mer. »

Source : rapport précité, annexe 1.

La mission appelle donc l'État à poursuivre ses efforts pour adopter une démarche systématique d'adaptation des normes et référentiels en matière technique notamment, afin de prendre pleinement en considération les circonstances locales

Proposition n° 3 : Adopter une démarche systématique de la part de l'État pour adapter les normes et référentiels, en matière technique notamment, afin de prendre pleinement en considération les circonstances locales.

(2) Le besoin de reconnaissance d'une situation géographique et historique singulière

Les collectivités antillaises signataires voient dans leur appartenance à la Caraïbe une appartenance commune, liée à une culture partagée avec les autres îles des Petites Antilles.

Cette problématique est particulièrement marquée à Saint-Martin, compte tenu de sa frontière avec la partie hollandaise de l'île, avec laquelle les mouvements et les échanges sont quotidiens. Mais elle innerve également les autres îles françaises des Caraïbes. Lors de la XVIème Conférence de coopération régionale Antilles-Guyane, organisée en Guadeloupe en mars 2023, Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique, évoquait ainsi un « double positionnement » : « Français dans la République, et Européens » mais aussi dans une « proximité humaine et géographique avec la Caraïbe, la maison commune ».

Il s'ensuit le besoin de « penser » les DROM et collectivités des Antilles comme des collectivités de pleine appartenance à la République, comme toute collectivité de l'hexagone, mais également comme des entités ayant des spécificités géographiques fortes - et très diverses les unes des autres - par rapport aux territoires de France métropolitaine ainsi que des liens historiques, culturels, économiques et sociaux avec les autres îles caribéennes et au-delà. De ce point de vue, les élus locaux appellent à « décentrer » la vision de l'État vers la Caraïbe, pour tirer toute la richesse de cet environnement.

Paradoxalement, si les quatre territoires des Antilles françaises souhaitent voir s'inscrire leur avenir dans la zone caribéenne, les rapporteurs ont eu le sentiment qu'elles-mêmes n'entretenaient pas de synergies réelles entre elles, alors qu'elles pourraient sans doute davantage s'appuyer les uns sur les autres pour leur propre rayonnement local.

De fait, si les quatre îles partagent une histoire et une géographie communes, elles portent chacune une identité différente, qu'elles cultivent les unes par rapport aux autres, sans nécessairement souhaiter assurer certaines mutualisations entre elles qui pourraient pourtant s'avérer profitables. Au contraire, on assiste du fait de la réforme constitutionnelle de 2007 et de l'érection en collectivités de plein exercice des « îles du nord » de la Guadeloupe - Saint-Barthélemy et Saint-Martin - à une autonomisation grandissante des territoires les uns par rapport aux autres, chacun poursuivant son chemin dans la Caraïbe sans considération réelle des autres territoires.

Les rapporteurs estiment néanmoins que ces territoires ont un destin commun dans la République qu'ils gagneraient à développer davantage.


* 3 En 2019, la commission des lois a étudié la situation de la Guyane ; en 2021, celle de Mayotte ; en 2022, celle de la Nouvelle-Calédonie.

* 4 Rapport n° 360 (2022-2023) de Catherine Procaccia sur l'impact de l'utilisation de la chlordécone dans des Antilles françaises, février 2023, p. 58. Ce document est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r22-360/r22-3601.pdf

* 5 Ainsi, en novembre 2021, en Guadeloupe, le taux de couverture vaccinale des personnes de plus de 18 ans était de 46,43 %, alors qu'il était de 91 % en France métropolitaine.

* 6 Voir, par ex., les résolutions du 10ème congrès de l'UGTG des 27, 28 février, 1er et 2 mars 2002 ; et plus récemment, celles du 16ème congrès des 10, 11 et 12 juin 2021.

* 7 IEDOM Guadeloupe, synthèse annuelle 2022, avril 2023.

* 8 IEDOM Martinique, synthèse annuelle 2022, avril 2023.

* 9 Voir, notamment, le rapport d'information n° 601 (2016-2017) « Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : Faire d'un obstacle un atout », de Éric Doligé, Karine Claireaux et Vivette Lopez, fait au nom de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 29 juin 2017.

* 10 Rapport d'information n° 361 (2022-2023), de Stéphane Artano et Micheline Jacques, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 16 février 2023, « l'évolution institutionnelle des outre-mer », p. 15, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r22-361/r22-361_mono.html#toc29.

* 11 Serge Letchimy, président de la Collectivité territoriale de Martinique ; Ary Chalus, président de la Région Guadeloupe ; Guy Losbar, président du Département de Guadeloupe ; Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale de Guyane ; Louis Mussington, président de la collectivité de Saint-Martin ; Huguette Bello, présidente de la Région Réunion ; Ben Issa Ousseni, président du conseil départemental de Mayotte.

* 12 Cette consultation avait été précédée, le 10 janvier 2010, d'une consultation sur la création d'une collectivité unique soumise à l'article 74 de la Constitution, rejetée à 79,31 % des voix.

* 13 Qui devait initialement se réunir début mai 2023, avant d'être repoussé à plusieurs reprises. Le CIOM s'est finalement réuni le 18 juillet, sans aborder les questions relatives à l'évolution institutionnelle ou statutaire des collectivités ultramarines.

* 14 Voir infra, partie III.

* 15 Rapport d'information n° 361 (2022-2023) sur l'évolution institutionnelle des outre-mer, de Stéphane Artano et Micheline Jacques au nom de la délégation aux outre-mer, déposé le 16 février 2023, disponible à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-361-notice.html.

* 16 Voir les Quinze propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d'agir » du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, disponibles à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/fileadmin/A_la_une/Rapport_GT_Decentralisation1113.pdf.

* 17 Ibidem, p. 17.

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