LISTE DES RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION

Axe n° 1 - Améliorer la coordination stratégique d'ensemble

ü Recommandation n° 1 : Renforcer la coordination entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture en organisant, chaque année, une réunion entre les deux ministres consacrée à la question de l'expertise patrimoniale de la France dans le but d'assurer un pilotage plus stratégique et plus suivi d'effets.

ü Recommandation n° 2 : Mettre en place un comité de pilotage entre le Secrétariat général et la Direction générale des patrimoines en matière d'expertise patrimoniale.

Axe n° 2 - Gagner en agilité

ü Recommandation n° 3 : Constituer une « task force » commune au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et au ministère de la culture autorisée, sur la base des orientations stratégiques définies au plus haut niveau, à apporter une réponse rapide aux demandes présentées à la France par des partenaires étrangers.

ü Recommandation n° 4 : Réaliser une évaluation ex post de la conduite par Expertise France du projet qu'elle porte à Abomey afin de déterminer dans quelle mesure cette agence pourrait devenir la référence pour la mise en oeuvre des projets à dimension patrimoniale de type intermédiaire, en collaboration avec le ministère de la culture.

Axe n° 3 - Adapter les moyens au niveau des ambitions en matière d'influence

ü Recommandation n° 5 : Faire des missions archéologiques françaises à l'étranger et de la coopération en matière de formation une priorité budgétaire.

ü Recommandation n° 6 : Inscrire plus largement l'intervention de la France dans le cadre des interventions financées par des bailleurs internationaux.

ü Recommandation n° 7 : Étoffer les équipes des établissements culturels les plus stratégiques dans la mise en oeuvre de la politique internationale en matière patrimoniale afin de mieux répondre aux sollicitations internationales.

Axe n° 4 - Faciliter la prospection

ü Recommandation n° 8 : Définir une stratégie de prospection (zones stratégiques d'un point de vue géographique ou politique ; autorités en charge) et donner des instructions précises aux services concernés pour les mettre en oeuvre.

ü Recommandation n° 9 : Encourager les agents à participer aux différents réseaux internationaux dans leur domaine de compétences en leur assurant, le cas échéant, des décharges horaire ou en valorisant ces activités dans leur parcours de carrière.

Axe n° 5 - Mieux connaître et promouvoir l'expertise française

ü Recommandation n° 10 : Effectuer un suivi annuel des demandes, des actions et des offres d'expertise patrimoniale susceptibles d'être proposées par les établissements nationaux et territoriaux afin de mieux appréhender la nature de la demande internationale et la capacité de la France à y répondre dans les meilleurs délais.

ü Recommandation n° 11 : Élaborer un catalogue « Patrimoine France - Vous accompagner sur le chemin de vos racines » pour diffusion par les acteurs chargés de la promotion de l'expertise française, en particulier le réseau diplomatique et culturel à l'étranger, permettant de mieux valoriser les savoir-faire français dans les différents champs du patrimoine et leur capacité de projection à l'international.

ü Recommandation n° 12 : Utiliser la visibilité internationale du chantier de Notre-Dame pour communiquer autour de l'expérience acquise par la France afin de contribuer à la promotion de l'expertise française à l'étranger.

ü Recommandation n° 13 : Faire de nos ambassades la vitrine de nos savoir-faire en confiant au Mobilier national le soin de décorer nos ambassades les plus stratégiques.

AVANT-PROPOS

Les travaux conduits par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à compter de 2020 autour de la question des restitutions des biens culturels appartenant aux collections publiques1(*) ont mis en évidence que la France ne pouvait pas faire l'économie de son engagement en matière de coopération patrimoniale et que les enjeux de restitution devaient s'inscrire dans le cadre de coopérations plus larges dans le champ patrimonial.

Le déploiement de l'expertise patrimoniale française à l'international répond à une double nécessité. Il s'agit non seulement de répondre aux sollicitations en matière d'ingénierie patrimoniale formulées par un nombre toujours croissant d'États étrangers, mais aussi, à l'heure d'une montée en puissance des affirmations identitaires sur la scène internationale, de promouvoir et de défendre l'idée que se fait la France de la culture : son universalisme et son corollaire, le dialogue des cultures.

La crainte que l'image de l'expertise française ne se trouve écornée à la suite des révélations par la presse au printemps 2022 de l'acquisition par le Louvre Abou Dhabi d'une stèle de provenance illicite portant le nom de Toutankhamon a conduit la commission de la culture du principe de lancer la présente mission d'information, afin de dresser un état des lieux de l'expertise patrimoniale française et de formuler un certain nombre de recommandations pour en améliorer le déploiement.

I. UNE EXPERTISE RECONNUE...

A. UN SAVOIR-FAIRE TRÈS COMPLET

1. Un savoir-faire ancien...

Grâce à l'intérêt qu'elle a très tôt manifesté pour la protection et la valorisation du patrimoine culturel et à la place particulière donnée à la culture dans son développement, la France dispose de savoir-faire, de formations spécialisées et d'un cadre juridique en matière patrimoniale sans réel équivalent.

Contrairement à la plupart des pays, la France jouit d'une riche expertise publique, qui prend appui sur plusieurs corps d'État, tels que le corps des conservateurs du patrimoine, répartis entre quatre spécialités (archéologie, archives, monuments historiques, musées), ou les corps d'architectes en chef des monuments historiques et d'architectes des bâtiments de France, respectivement formés à l'Institut national du patrimoine (INP) et à l'École de Chaillot.

Les établissements publics dans le domaine patrimonial jouissent d'une renommée internationale considérable, qu'il s'agisse des musées et monuments nationaux ou d'organismes plus spécialisés comme le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF). Le musée national des arts asiatiques Guimet constate ainsi que sa notoriété est plus grande à l'étranger qu'en France.

2. ... dont la réputation est solide...

La France est reconnue pour son expertise patrimoniale au niveau international, comme en témoigne le nombre de sollicitations toujours croissantes dont elle fait l'objet. Atout de poids, la qualité scientifique de son expertise est établie sur l'ensemble du champ patrimonial, qu'il s'agisse d'archéologie, d'architecture, d'archives, d'artisanat d'art, de musées, de conservation et valorisation du patrimoine bâti ou de conservation des oeuvres et objets d'art. Plusieurs disciplines scientifiques y sont nées. L'archéologie française a été parmi les premières à se déployer à l'étranger à compter du XIXe siècle.

L'attractivité de l'expertise française est renforcée par la première place qu'occupe la France sur le plan de la fréquentation touristique, interprétée comme le signe de sa capacité à savoir faire vivre son patrimoine et à utiliser cette richesse comme levier de développement économique, social et territorial.

Si la France n'est sans doute pas le seul pays à disposer d'une telle expertise, il est clair que la réputation de ses savoir-faire et la renommée de certains de ses établissements au niveau mondial, qu'il s'agisse du Louvre, du château de Versailles ou du Mont-Saint-Michel, contribuent à asseoir sa position sur le plan international.

3. ... et a résisté à l'affaire récente du trafic d'antiquités

En dépit des craintes qu'avait pu faire naître l'affaire du trafic d'antiquités égyptiennes en mai 2022, celle-ci ne parait pas, au final, avoir durablement entaché la réputation de la France sur la scène internationale, malgré les tentatives d'instrumentalisation par certains concurrents. À l'exception des tensions assez vives qu'elle a provoquées avec l'Égypte, cette affaire n'a pas eu de conséquence sur les accords conclus par la France dans le domaine patrimonial. D'une part, l'engagement de la France dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels ne fait aucun doute : il s'agissait d'ailleurs de l'une des priorités qu'elle avait retenue lors de sa présidence de l'Union européenne au premier semestre 2022, qui a en particulier plaidé pour la généralisation du livre de police à l'échelle européenne. D'autre part, chacun mesure à quel point le trafic de biens culturels repose sur des ramifications internationales, qui ne permettent pas d'incriminer un État en particulier.

La mission immédiatement confiée par la ministre de la culture à Marie-Christine Labourdette, Christian Giacomotto et Arnaud Oseredczuk en matière de sécurisation des acquisitions des musées a contribué à rassurer. Quel que soit leur domaine de spécialité, tous les musées indiquent que cette affaire a constitué une onde de choc qui les a conduits à redoubler de vigilance sur les enjeux autour de la provenance de leurs acquisitions, mais aussi à s'interroger sur leurs pratiques en matière de coopération muséale. Des moyens nouveaux en appui de la politique de recherche de provenance sont d'ailleurs prévus dans le projet de loi de finances pour 2024.

Les recommandations des trois auteurs sont actuellement en cours de mise en oeuvre au sein des musées. Le rapport souligne néanmoins le fait que les failles ne sauraient être imputées à la seule expertise publique, les conservateurs ne constituant que le dernier maillon de la chaîne d'acquisition.

La crédibilité de l'expertise française dépend aussi d'une bonne sécurisation du marché de l'art. La qualité de l'ensemble de l'écosystème (antiquaires, galeries, foires, maisons de vente, experts), le rôle et la capacité d'action des organismes de surveillance et de répression des trafics (Douanes, OCBC, Tracfin) et du Conseil des maisons de vente, ainsi que la fluidité du dialogue et de la coopération entre l'ensemble des acteurs publics et privés sont des enjeux clés pour la réputation française. Le rapport de la commission de la culture consacré au retour des biens culturels à leur pays d'origine avait déjà identifié l'enjeu de la responsabilité éthique des professionnels du marché de l'art et l'opportunité de réfléchir à la définition d'un statut de l'expert. Très attachée à la régulation du marché de l'art, récemment modernisée par la loi n° 2022-267 du 28 février 2022, dont l'initiative revient à la sénatrice Catherine Morin-Desailly, la commission de la culture restera vigilante sur ces questions qui appellent, à son sens, un travail approfondi à brève échéance.

B. UN BILAN SIGNIFICATIF EN TERMES DE RÉALISATIONS

1. Une longue tradition en matière de coopération patrimoniale

L'action de la France a longtemps pris exclusivement la forme de coopérations : missions archéologiques françaises à l'étranger, missions de sauvegarde du patrimoine ou d'aide à la restauration et à la conservation préventive auprès des pays en développement ou des pays frappés par des catastrophes naturelles2(*) ou des conflits, coopérations professionnelles, accueil et envoi de chercheurs ou de spécialistes, déploiement d'experts techniques financés par la France... Dans le domaine muséal, cette coopération prend également la forme de prêts d'oeuvres. Le Centre Pompidou indique ainsi être le premier prêteur au monde.

Ces actions sont portées par un grand nombre d'acteurs : le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ; le ministère de la culture ; les établissements publics culturels intervenant, soit à la demande des ministères, soit de façon directe et autonome ; et, depuis 2016, l'Agence française de développement (AFD), qui intervient sous la forme de prêts et de subventions pour la mise en oeuvre de projets dans le domaine patrimonial, ainsi qu'Expertise France, membre du groupe AFD, qui intervient en tant qu'ensemblier d'expertises, opérateur ou assistant à maîtrise d'ouvrage dans le cadre de projets généralement financés par des bailleurs (France, Union européenne, Unesco).

Elles se déploient prioritairement sur le continent africain, dans le bassin méditerranéen et dans la zone Indopacifique, avec une importance particulière accordée aux pays membres de l'Organisation internationale de la francophonie et à ses partenaires.

Certaines de ces actions de coopération sont conduites dans le cadre de l'UNESCO, dont l'implantation, à Paris, favorise le recours à l'expertise française. La France s'implique dans plusieurs projets de gestion, de préservation, de restauration et de valorisation de sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial, qui revêtent pour elle une importance symbolique et politique, comme en témoignent sa participation depuis 1993 à la coopération internationale organisée sur le site d'Angkor, sa collaboration avec l'Éthiopie pour la sauvegarde du patrimoine des églises creusées de Lalibela ou encore son engagement dans la restauration des palais royaux d'Abomey au Bénin.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dispose de plusieurs outils destinés spécifiquement à l'action internationale dans le domaine du patrimoine, en particulier plusieurs programmes de bourses destinées à faciliter l'accès d'étudiants et de professionnels du patrimoine étrangers aux formations supérieures dispensées en France dans le domaine du patrimoine.

La mission internationale de l'Institut national du patrimoine

Depuis 2018, les statuts de l'INP ont été modifiés pour confier à cet établissement d'enseignement supérieur spécialisé dans la formation des professionnels du patrimoine une mission en matière de coopération internationale, compte tenu de la demande croissante exprimée par les partenaires étrangers en matière de formation.

Au-delà d'accueillir des stagiaires étrangers et d'organiser des sessions de formation à l'étranger, l'INP a conclu un partenariat avec l'École du patrimoine africain instituant une double formation, et accompagne des pays comme le Liban ou l'Éthiopie pour la création de lieux de formation initiale. L'INP a également été sollicité par les Émirats arabes unis pour former l'ensemble de leurs professionnels du patrimoine dans le cadre du partenariat institué autour du Louvre Abou Dhabi.

Il chapeaute par ailleurs la commission consultative des recherches archéologiques à l'étranger, dite « commission des fouilles », qui soutient 167 missions archéologiques en 2023 déployées dans soixante-quinze pays pour un budget d'1,9 million d'euros. Il peut mobiliser plusieurs autres instruments financiers dans le cadre de la coopération patrimoniale, notamment :

- le fonds de solidarité pour les projets innovants, la société civile, la francophonie et le développement humain (FSPI), qui finance en 2023-2024, neuf nouveaux projets patrimoniaux à hauteur de 5,3 millions d'euros (Afrique du Sud, Bénin, Cameroun, Côte d'Ivoire, Mozambique, Rwanda, Sénégal, Tunisie et Sri Lanka) ;

- le fonds Équipe France, destiné au financement de grands projets à forte valeur politique dans neuf pays d'Afrique francophone, qui pourraient comprendre des dossiers patrimoniaux en Côte d'Ivoire et au Congo Brazzaville.

L'attachement de la France aux actions de solidarité dans le domaine du patrimoine s'est de nouveau incarné, en 2017, avec la création, aux côtés des Émirats arabes unis, de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH), qui apporte financements et expertise scientifique dans les situations dans lesquelles le patrimoine est menacé, soit du fait d'une urgence (conflit, catastrophe naturelle), soit du fait d'une menace identifiée justifiant un appel à projets (par exemple, changement climatique en Afrique). La création de cette fondation fait suite au rapport de 2015 de Jean-Luc Martinez, rédigé à la demande du Président de la République, consacré à la protection du patrimoine en cas de conflit armé. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture contribuent tous deux au fonctionnement d'ALIPH. Les grands musées participent très largement à la réalisation de ces actions de solidarité.

L'action internationale du musée du Louvre

Le musée du Louvre se montre très actif sur la scène internationale. Au-delà de son action de prêts, il peut être sollicité à la fois pour des demandes ponctuelles, en matière d'archéologie, de muséologie, de mise en valeur des collections, de formation, et pour des projets globaux, à l'instar du Louvre Abou Dhabi. Il mène à l'heure actuelle des projets internationaux avec plus de 75 pays :

- collaborations archéologiques : le musée du Louvre compte aujourd'hui huit chantiers de fouilles actifs, en Italie, en Bulgarie, au Liban, sur deux sites en Égypte, au Soudan, au Bahreïn et en Ouzbékistan ;

- organisation d'expositions et actions de valorisation des collections du musée du Louvre à l'étranger (exposition « Peindre l'amour » à Tokyo de juin à septembre 2023) ;

- actions de coopération et de solidarité dans les cas de patrimoine en péril : interventions récentes en Ukraine pour l'évacuation de plusieurs chefs-d'oeuvre du musée de Kiev, en Irak pour la réhabilitation du musée de Mossoul, et au Liban pour la réhabilitation du musée national de Beyrouth, dans le cadre d'opérations financées par l'ALIPH.

2. Des succès récents remarquables sur le nouveau marché de l'ingénierie culturelle

Depuis quelques années, notre pays tente de vendre également son expertise et de valoriser ses marques culturelles en profitant du développement d'un marché international de l'ingénierie culturelle alimenté par une explosion de la demande en provenance des pays émergents, en particulier au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique.

Cette tendance s'observe principalement dans le domaine muséal : développement de coproductions et d'expositions clés en main ou sur mesure, prestations ponctuelles de conseil et de formation, association à l'ouverture de nouveaux établissements à l'étranger. Il s'agit d'un enjeu important pour les établissements culturels dans l'objectif d'accroitre et de diversifier leurs ressources propres, de renforcer leur attractivité auprès du public international et d'attirer de nouveaux mécènes venus de l'étranger. La commission des finances du Sénat s'est penchée sur cet enjeu, avec un premier rapport en 2017 consacré à l'expérience de France-Muséums3(*), puis un second en 2019 relatif à la valorisation de l'ingénierie et des marques culturelles par les musées nationaux4(*), enrichi par une enquête préalablement commandée à la Cour des comptes5(*).

Les opérations les plus abouties de valorisation de l'ingénierie des établissements culturels restent la création de musées ex nihilo à la demande d'un État étranger, dont l'exemple le plus emblématique est à ce jour le Louvre Abou Dhabi, qui repose sur la collaboration de seize musées et établissements culturels réunis au sein de l'agence France-Muséums (AFM), structure porteuse du projet auprès des Émiriens, pour des contreparties financières de l'ordre d'un milliard d'euros. Le Centre Pompidou a lui aussi essaimé sur trois continents, avec quatre antennes à l'étranger : le Centre Pompidou Malaga (2015), le Kanal-Centre Pompidou à Bruxelles (2018), le Centre Pompidou Shangai (2019) et le Centre Pompidou Jersey City, dont l'ouverture est prévue en 2024. Au-delà des enjeux financiers majeurs que revêt ce type de projets, ils contribuent au rayonnement de la culture française et de ses valeurs, ainsi qu'à l'attractivité de la France. Ils constituent donc un intérêt stratégique majeur.

La reconnaissance du savoir-faire français et sa capacité, par rapport à beaucoup de ses concurrents, à savoir s'adapter aux contextes locaux, expliquent sans doute le choix de l'Arabie saoudite de faire appel à la France pour l'accompagner dans la conception et le développement du projet pour AlUla, destiné à transformer cette région en une destination touristique et culturelle mondiale, autour de plusieurs sites archéologiques de la période pré-islamique, dont celui d'Hégra mis au jour par une mission archéologique franco-saoudienne qui a débuté en 2002. Le projet saoudien prévoit la construction de huit musées sur l'ensemble de la zone. La France a créé une agence spécifique, l'agence française pour le développement d'AlUla (AFALULA), financée par le partenaire saoudien, pour mener à bien cette mission. L'opération pourrait rapporter plus de deux milliards d'euros de contrats à la France. L'accord intergouvernemental prévoit par ailleurs la création d'un fonds de dotation par l'Arabie saoudite, doté de 900 millions d'euros, en faveur de la restauration du patrimoine français. Celui-ci n'a, à ce stade, toujours pas été mis en place.

II. ...QUI MÉRITERAIT D'ÊTRE DAVANTAGE EXPLOITÉE

A. UN ENJEU STRATÉGIQUE DEVENU ESSENTIEL

Si la culture et le patrimoine ont toujours constitué, pour la diplomatie française, l'un des piliers de sa stratégie d'influence et de rayonnement, la nouvelle donne géopolitique accroit considérablement l'importance stratégique de l'intervention de la France dans le domaine patrimonial au niveau international.

1. Un enjeu économique : des opportunités à ne pas laisser passer

La période récente a été marquée par un intérêt de plus en plus prononcé de l'ensemble des pays à l'échelle mondiale pour les questions patrimoniales. Le patrimoine est à la fois vu comme un marqueur d'identité, permettant de se différencier et de s'affirmer sur la scène internationale, mais aussi comme un instrument privilégié de développement humain, économique, social et territorial. Ce regard nouveau sur le patrimoine suscite une demande d'ingénierie croissante de la part des pays émergents dans le but de les accompagner dans la redécouverte, la protection, la restauration et la valorisation de leur patrimoine. L'expertise de la France a ainsi été sollicitée récemment par l'Inde pour la création d'un nouveau musée national, ainsi que par le Cambodge pour l'agrandissement et la rénovation du musée national de Phnom Penh.

Les pays du Proche et Moyen-Orient, d'Asie, au premier rang desquels la Chine et la Corée du Sud, ainsi que l'Afrique en raison du faible nombre de musées qu'elle compte, figurent parmi les marchés les plus prometteurs.

Il s'agit néanmoins d'un marché hautement concurrentiel, sur lequel les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, États-Unis), l'Italie ou l'Allemagne sont également bien positionnés. Des acteurs émergents tels que la Chine ou le Japon apportent aujourd'hui leur expertise, notamment en matière d'archéologie. La Pologne est très présente au Soudan, la République tchèque en Irak, la Hongrie au Liban.

La mise en place d'une stratégie efficace de prospection, en particulier dans les zones identifiées comme prioritaires dans l'agenda géostratégique et d'influence de la France, apparait indispensable afin de ne pas passer à côté d'éventuelles opportunités.

Recommandation : Définir une stratégie de prospection (zones stratégiques d'un point de vue géographique ou politique ; autorités en charge) et donner des instructions précises aux services concernés pour les mettre en oeuvre.

Les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades, par leur présence sur le terrain, sont sans doute les plus à même de remplir cette mission, en lien, le cas échéant, avec les services économiques de ces mêmes ambassades. La plupart des établissements culturels ne disposent pas des ressources humaines suffisantes pour exercer une mission de veille performante, même si la Cour des comptes soulignait, à juste titre, dans son rapport d'enquête de 2019, qu'il serait opportun d'encourager les agents à participer de manière active aux structures internationales et évènements (colloques, congrès) qui réunissent les professionnels du monde entier dans leurs domaines de compétences. L'ALIPH indique ainsi que la communauté scientifique française est insuffisamment intégrée à certains réseaux internationaux, avec pour conséquence qu'elle est peu représentée au sein de la liste d'experts qu'elle a constituée pour évaluer l'opportunité des projets les plus coûteux qu'elle finance.

Recommandation : Encourager les agents à participer aux différents réseaux internationaux dans leur domaine de compétences en leur assurant, le cas échéant, des décharges « horaire » ou en valorisant ces activités dans leur parcours de carrière.

Au-delà, le réseau de la francophonie pourrait également constituer un cadre propice pour conduire cette activité de prospection.

Une plus grande valorisation de l'expertise et des savoir-faire français à l'étranger constitue également l'une des clés du succès face à ce marché en pleine explosion. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture ont récemment souhaité associer l'AFD, Expertise France, Business France, Atout France et l'Institut français aux réflexions relatives à la valorisation de l'expertise française.

Cette valorisation bute aujourd'hui sur une connaissance encore trop lacunaire, à la fois des actions menées par les établissements au niveau international, et de l'offre précise d'expertise que les différents établissements ont à proposer. Les interlocuteurs privilégiés du ministère de la culture sur ces sujets se limitent encore trop souvent à quelques grands opérateurs nationaux (Musée du Louvre, musée d'Orsay, Centre Pompidou, musée du Quai Branly - Jacques Chirac, musée Guimet, Centre des monuments nationaux, Bibliothèque nationale de France, INP, École de Chaillot).

Or, l'expertise patrimoniale française ne se limite pas à la seule expertise présente au sein des principaux établissements nationaux. Si l'objectif est de promouvoir la marque « France », au-delà du seul label que représente le nom de certains grands établissements, il peut être tout aussi pertinent de valoriser l'expertise de musées relevant des collectivités territoriales ou de s'adjoindre, pour certains projets, la compétence d'entreprises privées intervenant dans le domaine de la protection, de la valorisation et de la restauration du patrimoine, qui disposent de savoir-faire dont ne disposent pas en interne les établissements publics - plusieurs entreprises privées se sont notamment spécialisées autour des enjeux de numérisation du patrimoine. Les rapporteures restent surprises que les compétences existant au sein des grands musées territoriaux n'aient pas été davantage mentionnées au cours des auditions.

Par ailleurs, notre offre d'expertise ne se réduit pas au seul champ des musées et de la restauration du patrimoine. Si ce sont effectivement les domaines dans lesquels se concentre principalement la demande d'expertise à l'international, il pourrait être opportun de susciter des besoins dans d'autres domaines d'expertise comme, par exemple, en matière d'archéologie préventive, qui reste un secteur encore peu développé dans beaucoup de pays émergents.

Afin de mieux appréhender la nature de la demande internationale et la capacité de la France à y répondre, il apparait indispensable que le ministère de la culture questionne chaque année l'ensemble des opérateurs dans le domaine du patrimoine placés sous sa tutelle afin de recenser les demandes qui leur ont été adressées, les actions qu'ils ont menées et l'offre qu'ils peuvent proposer au niveau international. Une démarche similaire devrait être conduite, par l'intermédiaire des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), auprès des établissements territoriaux agréés par l'État, à l'instar des musées de France.

La commission de la culture constate que la Cour des comptes avait déjà recommandé au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et au ministère de la culture « la mise en place d'un réseau numérique partagé autour de l'expertise culturelle, ouvert à l'ensemble des opérateurs nationaux et territoriaux, afin de recenser l'offre d'expertise disponible et de partager les bonnes pratiques et les ressources méthodologiques ». Cette recommandation n'a jamais été suivie d'effet.

La mise en place d'un suivi régulier apparait d'autant plus indispensable qu'il offrira une vue plus complète de la diversité de l'action de la France à l'international, permettant d'en évaluer les retombées et d'en dresser un meilleur bilan coûts/avantages. Il permettra aussi de disposer d'un vivier de professionnels préalablement identifiés par spécialité pour répondre le plus efficacement et le plus rapidement possible aux demandes étrangères, beaucoup d'entre elles appelant une grande réactivité. L'INP a également indiqué pouvoir se charger de l'identification d'un vivier d'experts pour ce qui concerne son domaine de compétences.

Recommandation : Effectuer un suivi annuel des demandes, des actions et des offres d'expertise patrimoniale susceptibles d'être proposées par les établissements nationaux et territoriaux afin de mieux appréhender la nature de la demande internationale et la capacité de la France à y répondre dans les meilleurs délais.

La promotion de l'expertise patrimoniale française pourrait s'appuyer sur la réalisation d'une plaquette de présentation, sous forme d'un catalogue intitulé « Patrimoine France - Vous accompagner sur le chemin de vos racines », présentant l'éventail des savoir-faire français, un certain nombre de ses réalisations majeures dans les différentes disciplines entrant dans le champ patrimonial, et indiquant la manière dont la France peut accompagner les partenaires étrangers dans leurs désirs de réalisation en matière patrimoniale. Un tel catalogue pourrait ensuite être distribué au sein du réseau diplomatique et culturel français à l'étranger et diffusé parallèlement en ligne.

Recommandation : Élaborer un catalogue « Patrimoine France - Vous accompagner sur le chemin de vos racines », diffusé par les acteurs chargés de la promotion de l'expertise française, en particulier le réseau diplomatique et culturel à l'étranger, permettant de mieux valoriser les savoir-faire français dans les différents champs du patrimoine et leur capacité de projection à l'international.

S'il apparait nécessaire que ce catalogue fasse la part belle aux projets déjà menés par la France à l'étranger, il pourrait être opportun d'y faire également figurer certains chantiers majeurs conduits sur le territoire français permettant de démontrer notre savoir-faire. À cet égard, il serait judicieux de profiter de la grande visibilité acquise à l'étranger par le chantier de Notre-Dame, compte tenu de l'émotion internationale qu'avait suscitée l'incendie de la cathédrale, pour partager l'expérience française acquise à l'occasion de ce chantier et valoriser l'ensemble des savoir-faire qui ont collaboré à cette entreprise (archéologues, artisans d'art, architectes, maîtres d'ouvrage, restaurateurs, facteurs d'instruments, etc.). La France passerait sans doute à côté d'une belle opportunité si elle ne profitait pas de l'achèvement du chantier pour mener des actions de promotion de l'expertise dont elle a su faire preuve. Les rapporteures suggèrent, par exemple, que soit organisé un colloque international consacré au retour d'expérience de ce chantier hors norme, ayant nécessité la combinaison d'un grand nombre de métiers du patrimoine, et valorisant la capacité de la France à mener des chantiers situés au carrefour des enjeux en matière de restauration et de valorisation du patrimoine, d'archéologie préventive, d'urbanisme, de développement touristique et de transmission des savoir-faire.

Recommandation : Utiliser la visibilité internationale du chantier de Notre-Dame pour communiquer autour de l'expérience acquise par la France afin de contribuer à la promotion de l'expertise française à l'étranger.

Les rapporteures appuient par ailleurs la proposition du président du Mobilier national, Hervé Lemoine, de confier aux soins de son établissement la décoration d'un certain nombre d'ambassades identifiées comme symboliques ou stratégiques dans l'objectif de promouvoir l'art de vivre à la française et le savoir-faire français en matière d'artisanat d'art et de design. Elles sont convaincues que les ambassades, qui incarnent l'image de la France à l'étranger, sont des lieux à investir pour servir de vitrine aux savoir-faire français. Il ne s'agirait pas nécessairement d'une opération coûteuse, d'autant qu'il s'agit d'un sujet sur lequel il pourrait y avoir matière à recourir à du mécénat.

Recommandation : Faire de nos ambassades la vitrine de nos savoir-faire en confiant au Mobilier national le soin de décorer nos ambassades les plus stratégiques.

2. Un enjeu diplomatique : maintenir notre capacité d'influence

Dans un contexte où la profonde recomposition en matière géopolitique et géoéconomique à l'oeuvre fragilise l'influence de la France, le patrimoine apparait comme un levier essentiel pour continuer à rayonner. D'une part, parce qu'il s'agit d'un sujet moins sensible, qui rend envisageables des coopérations même lorsque les relations politiques sont tendues. D'autre part, parce que les coopérations patrimoniales ne reposent pas uniquement sur un dialogue avec les autorités des pays partenaires, mais permettent de bâtir des liens avec la société civile.

Malgré les contestations dont elle fait l'objet, au même titre que les autres pays occidentaux, dans les instances internationales en matière culturelle, à l'instar de l'UNESCO ou d'organisations professionnelles comme le Conseil international des musées (ICOM), la position de la France reste scrutée avec attention. La question des restitutions l'a démontré. Pour maintenir son influence culturelle, la France ne doit pas se tenir à l'écart des discussions. Compte tenu du recul de l'usage de la langue française sur la scène internationale, il apparait primordial de tirer parti de la solide expertise de la France dans le domaine patrimonial afin de continuer à promouvoir sur la scène internationale les valeurs auxquelles nous sommes attachés de paix, d'universalité et de dialogue des cultures.

Il en résulte deux conséquences.

D'une part, la France doit parvenir à maintenir un juste équilibre entre les actions de coopération dans le domaine patrimonial et la valorisation de son expertise. En dépit de l'apparition d'un marché international de l'ingénierie culturelle, la coopération n'est pas un axe à négliger, d'une part, parce qu'un certain nombre de partenaires ont des besoins sans avoir les moyens de rémunérer l'expertise française, et, d'autre part, parce que les actions de coopération revêtent une dimension symbolique et politique forte pour les pays partenaires. Il s'agit d'une stratégie d'influence qui s'inscrit dans un temps long, et dont les retombées, que l'on peut espérer nombreuses en termes de partenariat compte tenu des liens qu'elle permet de tisser avec des professionnels sur le terrain, ne sont véritablement mesurables que sur le long terme.

D'autre part, la coopération patrimoniale ne peut plus être considérée comme un enjeu subalterne sur le plan diplomatique. Il est impératif que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères intègre ce changement de paradigme en n'opérant aucune distinction entre ce qui relève du « hard power » de ce qui relève du « soft power ». Il importe aussi que le ministère de la culture, qui concentre traditionnellement son action sur le territoire français, ne mésestime pas le caractère désormais impérieux de ces enjeux internationaux et s'en saisisse davantage. Le décret n° 2017-1077 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministère de la culture lui octroie spécifiquement une mission en matière de rayonnement de la culture française dans le monde, en collaboration avec les autres ministères intéressés, et de contribution à l'action culturelle extérieure de la France.

B. UNE ORGANISATION À MUSCLER POUR ACCROITRE NOTRE CAPACITÉ DE PROJECTION

1. Une coordination encore trop balbutiante

Au regard du très grand nombre de protagonistes concourant à l'action internationale de la France en matière patrimoniale, la réussite du déploiement de l'expertise dépend de la capacité de notre pays à répondre de manière commune, coordonnée et stratégique aux besoins exprimés à l'échelle internationale. Si la France a en effet de très beaux atouts à faire valoir, il reste à savoir les mettre efficacement en valeur pour les convertir en une véritable opportunité politique, économique et culturelle. Dans son enquête de 2019 consacrée à la valorisation internationale de l'ingénierie et des marques culturelles, la Cour des comptes observait que l'offre d'expertise souffrait « d'une forte dispersion, d'un manque de stratégie et d'une faible structuration ».

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Quatre ans après la publication de ce rapport, force est de constater que la politique française dans ce domaine doit encore gagner en cohérence et en efficacité, malgré les outils d'ores et déjà mis en place aux fins de renforcer la coordination :

- la création en 2018, au sein du ministère de la culture, de la mission Expertise culturelle internationale (MECI), destinée à être à la fois le point d'entrée de la demande d'expertise de partenaires étrangers porteurs de projets de développement culturel et l'ensemblier des offres d'expertise, ainsi que le transfert, à compter de 2021, de la responsabilité de la coordination de toute l'action internationale du ministère de la culture au Secrétariat général ;

- l'instauration d'un comité conjoint de pilotage de l'expertise culturelle (CCPEC) entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture ayant pour objet de fixer un cadre stratégique à l'ensemble des opérateurs de l'action extérieure et des opérateurs culturels intervenant au niveau international, et d'articuler les interventions des différents acteurs publics et de veiller à la cohérence de l'offre française présentée aux partenaires internationaux. Il a vocation à se réunir à plusieurs niveaux : un comité restreint chargé de prendre les décisions stratégiques réunissant des représentants de l'administration centrale des deux ministères ; un comité élargi aux opérateurs chargés de la valorisation de l'expertise française (AFD, Expertise France, Business France, Atout France, Institut français), ainsi qu'aux opérateurs chargés de la mise en oeuvre des projets dédiés (Afalula, AFM) et des projets de grande envergure destinés à faire circuler l'information auprès des opérateurs et à passer en revue les projets en cours et les éventuelles opportunités.

Réuni deux fois en 2019 puis mis en sommeil pendant la crise sanitaire, ce comité s'est réuni à deux reprises en format restreint depuis sa relance en 2022, l'une en juin de cette même année, l'autre en janvier 2023. Le comité se décline, par ailleurs, dans un comité opérationnel réussissant tous les trois mois les rédacteurs du ministère de l'Europe et des affaires étrangères compétents à la direction générale de la mondialisation, ainsi que les chargés de mission de la MECI au ministère de la culture. Ce comité opérationnel s'est réuni trois fois depuis le début de l'année 2023.

Malgré leur création, ces outils semblent encore tarder à produire leurs effets. La lisibilité de l'action internationale de la France reste délicate, la répartition des compétences entre les différents protagonistes parfois encore floue - Expertise France et la MECI se disputent tous deux le rôle d'ensemblier des offres d'expertise - et le risque d'une concurrence entre les établissements encore possible, largement alimenté par des demandes de partenaires étrangers adressées parfois concurremment à plusieurs établissements. La clarification de la stratégie d'ensemble du dispositif et du rôle respectif de chacun, ainsi qu'un suivi plus poussé des actions des différents opérateurs apparaissent nécessaires pour que la France puisse convertir ses atouts en une politique d'influence et de rayonnement efficace.

Ces constats mettent en lumière le fait que la coordination doit être améliorée à deux niveaux : entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture, d'une part ; au sein même du ministère de la culture, d'autre part.

La coordination entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est indispensable dans la mesure où il leur appartient, en tant que tutelles, à la fois de définir les priorités en termes géographiques et sectoriels, et de s'assurer du suivi de ces directives par les opérateurs. Si la mise en place du CCPEC constitue un pas dans la bonne direction, l'organisation de réunions à une fréquence plus régulière et la tenue d'une réunion annuelle consacrée à ce sujet entre les deux ministres permettraient d'y donner une importance plus en phase avec l'ampleur stratégique prise par cet enjeu.

Recommandation : Renforcer la coordination entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture en organisant, chaque année, une réunion entre les deux ministres consacrée à la question de l'expertise patrimoniale de la France dans le but d'assurer un pilotage plus stratégique et plus suivi d'effets.

En dépit de la plus grande efficacité que pourrait présenter cette solution, il ne parait pas, en revanche, souhaitable de confier au ministère de l'Europe et des affaires étrangères un rôle de chef de file sur ces questions, tant l'implication du ministère de la culture au sein de ce dispositif est indispensable, dans la mesure où l'expertise en matière patrimoniale est essentiellement concentrée au sein de ses opérateurs, ce qui lui confère un rôle majeur en termes de structuration et d'organisation de l'offre et de contrôle de l'action de ses établissements.

Les succès rencontrés par l'ALIPH en termes de rapidité de déploiement à la suite de situations d'urgence démontrent combien l'expertise patrimoniale constitue un domaine dans lequel il convient d'être capable de faire preuve de réactivité, de souplesse et d'agilité. Les circuits de validation de l'administration française peuvent porter préjudice à l'expertise publique française dans l'attribution de certains contrats. La création d'une « task force », commune au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et au ministère de la culture, dotée de moyens humains plus étoffés que ne possèdent aujourd'hui la direction générale de la mondialisation et la MECI, et autorisée à répondre rapidement aux demandes entrant dans le cadre des orientations stratégiques définies au plus haut niveau, permettrait sans doute de gagner considérablement en réactivité.

Recommandation : Constituer une « task force » commune au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et au ministère de la culture autorisée, sur la base des orientations stratégiques définies au plus haut niveau, à apporter une réponse rapide aux demandes présentées à la France par des partenaires étrangers.

L'amélioration de la coordination au sein du ministère de la culture est également rendue indispensable suite au transfert de l'ensemble des compétences et de l'essentiel des équipes en charge de l'action internationale au Secrétariat général en 2021.

Si ce transfert en faveur du Secrétariat général se justifie pleinement, au regard du caractère transversal des actions culturelles que la France peut mener au niveau international, qui ne se limitent pas au seul champ des actions patrimoniales, mais concernent aussi de plus en plus le champ des industries culturelles et créatives, un lien fort avec les directions « métiers » doit rester assuré, dans la mesure où c'est elles qui sont chargées d'exercer la tutelle sur les établissements.

Dans le cas de l'expertise patrimoniale, il est indispensable que des mécanismes garantissent que la direction générale des patrimoines reste associée à la prise de décision, dès lors que c'est elle qui, in fine, a la connaissance et gère les liens avec les établissements placés sous sa tutelle possédant l'expertise patrimoniale. Au-delà d'incarner la politique de la France en matière de patrimoine, elle paraît être la plus à même, au regard de sa connaissance du secteur, de fournir le contenu de l'offre d'expertise des opérateurs au niveau international et d'en assurer le suivi dans le contexte de ses échanges quotidiens. Dans la mesure où elle a désormais perdu les effectifs chargés de l'action internationale transférés au Secrétariat général, à l'exception de ceux relatifs au patrimoine mondial, il apparait souhaitable qu'un comité de pilotage soit institué entre le Secrétariat général et la Direction générale des patrimoines concernant la mise en oeuvre de l'expertise patrimoniale internationale, de manière à garantir, d'une part, que le lien avec les opérateurs soit correctement assuré - les rapporteures ayant constaté qu'une meilleure fluidité de l'information vis-à-vis des établissements concernant le cadre dans lequel leurs actions peuvent s'inscrire et les moyens mis à leur disposition à cet effet se faisait sentir - et, d'autre part, que l'action internationale des opérateurs ne soit pas reléguée au second rang.

Recommandation : Mettre en place un comité de pilotage entre le Secrétariat général et la Direction générale des patrimoines en matière d'expertise patrimoniale.

Dans un souci de lisibilité et de visibilité de l'action française, est souvent évoquée l'opportunité d'un opérateur chargé de valoriser le savoir-faire patrimonial français à l'étranger. Le volume de l'offre française et la multiplicité des acteurs sur le champ de l'expertise patrimoniale peuvent plaider pour l'instauration d'un guichet unique afin de simplifier les démarches des interlocuteurs étrangers. L'Allemagne a annoncé en 2019 la création prochaine d'une agence pour la coopération internationale de ses musées, inspirée du modèle de l'AFM, afin d'offrir aux acteurs étrangers à la recherche de partenaires allemands appropriés un point de contact.

La création d'une agence n'apparait pas de nature à résoudre les problèmes de lisibilité et d'efficacité actuellement constatés :

sur le plan organisationnel, l'ajout d'un échelon supplémentaire ne devrait pas résoudre la problématique de la coordination, ni permettre de réduire le nombre de points d'entrée, dans la mesure où il est probable que nos grands établissements culturels continuent à être directement sollicités au regard du prestige international historique et scientifique dont ils jouissent. Au final, on peut aussi considérer que l'existence de points d'entrée multiples et à différents niveaux, en dépit de la complexité qu'il génère, constitue aussi pour la France une occasion de saisir davantage d'opportunités à condition que la circulation de l'information et la coordination soient correctement assurées ;

sur le plan budgétaire, l'équilibre financier d'un tel établissement ne serait pas garanti. Les projets de l'ampleur de ceux du Louvre Abou Dhabi et d'AlUla demeurent exceptionnels et leur occurrence ponctuelle et aléatoire. La grande majorité des projets en matière patrimoniale se fait aujourd'hui sur financements publics français ;

sur le plan stratégique, la création d'une telle structure pourrait brider l'action internationale des établissements culturels, au risque de les priver des bénéfices qu'ils en retirent en termes d'approfondissement de la connaissance de leurs collections et de renouvellement de leurs pratiques professionnelles.

Il ne semble pas non plus souhaitable de confier ce rôle à l'AFM, en dépit de la création en son sein début 2021 d'une filiale, France-Muséums développement, proposant des prestations de services d'ingénierie culturelle, comme ses statuts l'y autorisent. Le caractère primordial du partenariat avec les Émiriens impose que la mission de l'AFM reste avant tout, à ce stade, d'assurer la poursuite du projet du Louvre Abou Dhabi, dont le chantier n'est pas achevé et doit se poursuivre au moins jusqu'en 2030 - la licence de marque « Louvre » ayant même été prolongée jusqu'en 2047.

Dans le cas de projets de grande envergure, à l'instar de ceux menés par la France à Abou Dhabi et à AlUla, le recours à une agence dédiée semble très largement plébiscité, compte tenu des spécificités propres à chaque projet, qui nécessitent de rassembler des compétences très diverses afin de répondre aux demandes du partenaire.

Dans le cas de projets d'envergure intermédiaire, dépassant la simple demande d'expertise patrimoniale que la MECI est en mesure de gérer en propre - comme par, exemple, les projets nécessitant une assistance à maîtrise d'ouvrage et intégrant des dimensions d'urbanisme ou de développement touristique -, le recours à Expertise France, qui constitue un ensemblier de compétences plus large que la MECI, pourrait constituer une vraie valeur ajoutée, à la condition qu'il se concerte avec le ministère de la culture sur les questions relatives à la conservation et à la valorisation du patrimoine en tant que tel. Le projet mené par Expertise France à Abomey aura valeur de test. Le contenu de la convention en cours de renouvellement entre Expertise France et le ministère de la culture revêt également un enjeu majeur.

Recommandation : Réaliser une évaluation ex post de la conduite par Expertise France du projet qu'elle porte à Abomey afin de déterminer dans quelle mesure cette agence pourrait devenir la référence pour la mise en oeuvre des projets à dimension patrimoniale de type intermédiaire, en collaboration avec le ministère de la culture.

2. Des moyens à adapter au niveau des ambitions définies

De l'avis de tous les interlocuteurs consultés, le manque de moyens reste bien souvent le principal frein à davantage d'interventions à l'international dans le domaine patrimonial. L'enjeu est à la fois d'ordre financier mais également humain. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères observe ainsi qu'un certain nombre de demandes supposent un accompagnement dans la durée et une présence sur place qu'il est parfois difficile d'organiser. Il constate que les opérateurs, qui font l'objet de nombreuses sollicitations, ne sont pas toujours en capacité de mobiliser des ressources rares pour y répondre.

Se pose donc la question des moyens financiers que la France est prête à mettre sur la table au service de cette stratégie d'influence.

À l'exception des crédits de fonctionnement destinés à ses opérateurs, qui n'entrent pas dans le détail de leur répartition entre les différents postes, la contribution du ministère de la culture dans ce domaine reste jusqu'ici très limitée. En dehors de sa contribution au fonctionnement de l'ALIPH, le ministère de la culture prévoit, en 2024, 800 000 euros aux fins des questions mémorielles et de la constitution d'un fonds pour la circulation des oeuvres en Afrique et 500 000 euros pour un appel à projets destiné à accompagner la projection internationale des opérateurs nationaux, à promouvoir leur savoir-faire à l'étranger et favoriser la structuration des partenariats sur des zones géographiques stratégiques pour le ministère comme l'Afrique, l'Asie et le Proche et Moyen-Orient.

De son côté, la plupart des outils financiers mis en place par le ministère des affaires étrangères ne permettent de financer que des opérations spécifiques, et non des partenariats de long terme avec des États étrangers.

Les rapporteures sont d'avis de cibler un certain nombre de priorités budgétaires parmi lesquelles elles identifient :

les missions archéologiques françaises à l'étranger, compte tenu de la forte concurrence qui existe dans ce domaine et de l'exemple de l'accord conclu avec l'Arabie Saoudite autour du projet pour AlUla, qui a démontré que cet instrument pouvait déboucher sur des coopérations de très grande ampleur en matière patrimoniale ;

la coopération en matière de formation, en s'appuyant sur les différents établissements sous la tutelle du ministère de la culture (INP, École de Chaillot, École du Louvre, écoles nationales supérieures d'architecture, etc.), les exemples récents de coopération ayant très largement mis en évidence qu'au-delà de la qualité des experts français, l'un des facteurs d'attractivité de la France dans le domaine patrimonial réside dans sa science de la transmission de ses savoir-faire. Loin de constituer une perte d'influence pour la France en dispersant ses savoir-faire, la transmission par la France de ses savoir-faire peut constituer un moyen de se créer un réseau de professionnels proches de la France et sensibles à ses approches, susceptibles à l'avenir de faire appel à ses services lorsqu'ils seront en fonction.

La mise en place d'une dotation spécifique pour venir en aide au patrimoine en péril, au-delà de la contribution de la France à l'ALIPH, leur paraitrait également se justifier, compte tenu des urgences qui peuvent survenir.

Recommandation : Faire des missions archéologiques françaises à l'étranger et de la coopération en matière de formation une priorité budgétaire.

Face à la raréfaction des moyens budgétaires, la France aurait également tout intérêt à inscrire davantage son intervention dans le cadre des actions financées par les bailleurs internationaux (UNESCO, Union européenne, ALIPH, etc.), auxquelles elles contribuent déjà, en tout état de cause, financièrement par le biais de ses contributions. Si les retombées en termes d'influence pourraient s'en trouver diluées, un certain nombre de retombées directes peuvent néanmoins en découler (rémunération de l'expertise), et des retombées indirectes restent possibles, par le biais des liens que les experts français auront tissés sur place avec des experts locaux, susceptibles de susciter des partenariats bilatéraux à venir.

De manière générale, la France ne parait pas valoriser suffisamment son action désintéressée et la part qu'elle prend dans les actions menées sous l'égide d'une organisation internationale ou plurinationale.

Recommandation : Inscrire plus largement l'intervention de la France dans le cadre des interventions financées par des bailleurs internationaux.

La question des ressources humaines dédiées à cette politique constitue un autre défi, tant pour les administrations centrales du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de la culture, que pour les établissements culturels. Outre une remise à niveau des équipes en charge de la mise en oeuvre de cette politique au sein de l'administration d'État, la création de postes au sein d'un certain nombre d'établissements jugés stratégiques doit faire figure de priorité. L'organisation du soutien logistique des équipes dans les pays dans lesquels elles sont déployées constitue un autre enjeu sur lequel des progrès restent à faire. La direction générale des patrimoines a indiqué être en train de chercher à identifier, dans un certain nombre de pays, les relais sur lesquels elle pourrait s'appuyer pour faciliter le déploiement des agents participant aux différentes missions.

Recommandation : Étoffer les équipes des établissements culturels les plus stratégiques dans la mise en oeuvre de la politique internationale en matière patrimoniale afin de mieux répondre aux sollicitations internationales.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 25 OCTOBRE 2023

_________

M. Max Brisson, président. - Notre ordre du jour appelle tout d'abord l'examen du rapport préparé par nos collègues Catherine Morin-Desailly et Else Joseph consacré à l'expertise patrimoniale internationale française.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Notre rapport d'information prolonge les travaux conduits par la commission ces dernières années en matière de restitutions des biens culturels. Nos deux collègues, Max Brisson et Pierre Ouzoulias, avaient montré combien notre pays ne peut pas faire l'économie d'un engagement en matière de coopération patrimoniale tant les restitutions n'ont de sens que si elles s'inscrivent dans le cadre de coopérations plus larges.

L'enjeu de l'action à l'international n'est pas seulement de répondre aux sollicitations venues de l'étranger, dans un but, soit économique, soit de solidarité. C'est aussi un enjeu d'influence politique et culturelle, à l'heure d'une montée en puissance des affirmations identitaires sur la scène internationale. Nous avons besoin de défendre et de promouvoir notre vision de la culture, celle de l'universalisme et de son corollaire, le dialogue des cultures.

D'où les questions que nous nous sommes posées : quelle est l'image de l'expertise patrimoniale française à l'étranger ? L'affaire du trafic d'antiquités égyptiennes, dont on a beaucoup parlé depuis 2022, a-t-elle pu entacher durablement sa réputation ? La France est-elle aujourd'hui bien armée pour projeter son expertise à l'international ?

La France dispose d'une expertise d'excellente qualité, qui repose elle-même sur un cadre de formation unique, et ce, sur l'ensemble du champ patrimonial, c'est-à-dire aussi bien en matière d'archéologie, d'architecture, que d'archives, d'artisanat d'art, de musée, de conservation et de valorisation du patrimoine bâti ou de conservation des oeuvres et objets d'art. C'est une vraie chance compte tenu de l'interdisciplinarité croissante des projets menés dans le champ culturel.

Contrairement à beaucoup de pays, la France jouit d'une riche expertise publique grâce aux corps d'État que nous avons mis en place : conservateurs du patrimoine, architectes en chef des monuments historiques, architectes des bâtiments de France, etc.

La reconnaissance de notre expertise à l'étranger est indéniable. La renommée mondiale de certains de nos établissements, mais aussi la première place que nous occupons sur le plan de la fréquentation touristique, n'y sont pas étrangers.

Notre engagement de longue date en matière de coopération patrimoniale - que ce soit avec les missions archéologiques françaises à l'étranger, les coopérations scientifiques entre professionnels des musées, la politique active que nous menons en matière de prêts d'oeuvres, ou encore l'appui qu'apporte notre pays pour la sauvegarde du patrimoine dans les pays frappés par des catastrophes naturelles ou des conflits, je me souviens d'une mission au Mexique sur ce sujet - ont permis d'ancrer solidement notre réputation.

Les succès retentissants que nous avons rencontrés ces dernières années sur le marché naissant, mais en pleine explosion, de l'ingénierie culturelle, avec, en particulier, la coopération mise en place avec les Émirats arabes unis autour du projet du Louvre Abou Dhabi, puis le projet en cours à AlUla avec l'Arabie saoudite, démontrent bien l'attractivité de l'expertise française. Dans les deux cas, ce sont les partenaires étrangers qui sont venus nous chercher, ce qui est d'autant plus remarquable que la péninsule arabique est une aire traditionnellement placée sous influence anglo-saxonne. Sans doute notre capacité à savoir, mieux que nos concurrents, formuler des propositions adaptées aux contextes locaux, constitue-t-elle aussi l'une de nos forces. Quoi qu'il en soit, il s'agit, dans les deux cas, de projets d'importance stratégique majeure pour la France au regard de leurs retombées sur le plan financier et diplomatique, ainsi que pour le rayonnement de notre culture et l'attractivité de notre pays.

Dans ce contexte, on aurait pu craindre que l'affaire du trafic d'antiquités égyptiennes de provenance illicite puisse nous faire beaucoup de tort. Vous vous souvenez sans doute que l'ancien Président du Louvre, Jean-Luc Martinez, avait été mis en cause au printemps 2022, après avoir découvert qu'une stèle portant le nom de Toutankhamon acquise par le Louvre Abou Dhabi en 2016 avait été pillée.

Heureusement, nous avons constaté que cette affaire n'avait pas durablement écorné l'image de la France sur la scène internationale, même si certains concurrents, notamment anglo-saxons, ont essayé de l'instrumentaliser et qu'il en a résulté des frictions assez vives avec l'Égypte - en tant que présidente du groupe d'amitié France-Égypte, j'ai eu à en parler avec les autorités égyptiennes - qui ne sont toujours pas totalement apaisées. Trois éléments ont sans doute joué en notre faveur : d'abord, le rôle joué par la France depuis plusieurs années dans le but d'améliorer la lutte contre le trafic de biens culturels au niveau mondial. Par son ampleur, notre engagement sur ces questions peut difficilement être mis en doute. Ensuite, le caractère international de ce trafic, qui rend délicate la possibilité d'en faire porter la responsabilité à un État en particulier, c'est toute une chaine qui est en cause. Enfin, la réaction immédiate des autorités, comme des musées français, pour tirer toutes les leçons de ce scandale en mettant en place des mesures de sécurisation des acquisitions, dans le but notamment de mieux contrôler la provenance des oeuvres que les musées envisagent d'acquérir. Les recommandations formulées par Marie-Christine Labourdette, Christian Giacomotto et Arnaud Oseredczuk dans le rapport qui leur a été commandé à la suite de cette affaire sont progressivement en train d'être mises en oeuvre par les musées.

Ce rapport souligne que la crédibilité de l'expertise française dépend aussi d'une bonne sécurisation du marché de l'art. Les conservateurs ne sont en effet que le dernier maillon de la chaîne d'acquisition. La responsabilité éthique des professionnels du marché de l'art (les antiquaires, les galeries, les foires, les maisons de vente, les experts) constitue un enjeu très important pour l'image de notre expertise. Nous pensons qu'il serait justifié qu'un travail approfondi soit mené sur ces questions à brève échéance. C'est un sujet que nous n'avons malheureusement pas pu creuser davantage dans le cadre de notre rapport, compte tenu de l'ampleur du sujet que nous avions déjà à traiter. Je rappelle la loi dont j'ai été à l'initiative sur la réforme du Conseil des ventes volontaires, désormais intitulé Conseil des maisons de vente, définitivement adoptée en février 2022 mais qui ne traite qu'une partie des problèmes qui se posent en matière de régulation.

Mme Else Joseph, co-rapporteure. - Nous avons préféré concentrer notre réflexion sur l'enjeu de notre capacité de projection à l'international car nous nous sommes rendu compte que la profonde recomposition géopolitique et géoéconomique à laquelle nous assistons depuis quelques années confère à l'action internationale de la France dans le domaine patrimonial une importance stratégique sans doute jamais atteinte par le passé. C'est vrai d'un point de vue diplomatique, mais aussi économique.

J'en viens au premier enjeu, d'ordre diplomatique. Nous constatons tous, ces dernières années, combien l'influence de la France est, si ce n'est en recul, du moins de plus en plus contestée et fragilisée. C'est particulièrement vrai dans les instances internationales en matière culturelle, à l'instar de l'Unesco, où les pays occidentaux se voient régulièrement reprocher une attitude néocoloniale. Compte tenu du recul de l'usage de la langue française sur la scène internationale, pourquoi ne pas tirer parti de la solide expertise de la France dans le domaine patrimonial pour maintenir notre capacité d'influence ?

L'intérêt du patrimoine en termes diplomatique est double. D'une part, l'expérience montre que des coopérations dans ce domaine restent possibles, même avec des pays avec lesquels les relations politiques seraient tendues ou distendues, parce qu'il s'agit d'un sujet moins sensible. D'autre part, les coopérations patrimoniales sont l'occasion d'instaurer un dialogue, non seulement avec les autorités des pays partenaires, mais également avec la société civile.

L'importance de cet enjeu du point de vue diplomatique emporte deux conséquences.

Premièrement, l'action patrimoniale internationale ne doit plus être considérée comme un enjeu subalterne, ni par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui accorde encore trop la primauté aux éléments du « hard power », ni par le ministère de la culture, focalisé sur les enjeux nationaux de protection et de valorisation du patrimoine. C'est un levier de premier plan à ne pas négliger ou sous-estimer.

Deuxièmement, la France doit parvenir à maintenir un juste équilibre entre les actions de coopération dans le domaine patrimonial et la valorisation de son expertise. Les actions de coopération revêtent une dimension symbolique et politique forte pour les pays partenaires et sont essentielles à notre stratégie d'influence.

L'autre facteur qui plaide pour le renforcement de notre action patrimoniale à l'international est économique. Les questions patrimoniales font l'objet d'un intérêt de plus en plus prononcé de l'ensemble des pays à l'échelle mondiale, d'où une explosion de la demande d'ingénierie de la part des pays émergents - au Proche et au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique en particulier. Ce sont des zones prometteuses pour le déploiement de notre action. De leur côté, nos établissements culturels cherchent les moyens de développer leurs ressources propres dans un contexte de raréfaction des subventions.

La difficulté, c'est qu'il s'agit d'un marché hautement concurrentiel, sur lequel les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Allemagne sont également bien positionnés. D'autres puissances, comme la Chine, le Japon ou certains pays d'Europe de l'Est, en fonction de leur sphère d'influence, essayent aussi de s'implanter. D'où l'importance de parvenir à promouvoir et valoriser correctement notre expertise pour ne pas laisser passer d'opportunités. D'où notre vigilance, y compris envers des pays amis.

Au regard de ces deux enjeux, diplomatiques et économiques, nous sommes convaincues que la France doit renforcer son action à l'international en matière patrimoniale. Nous constatons cependant que si la France dispose de remarquables atouts à faire valoir, il lui reste des progrès à accomplir pour mieux organiser son offre d'expertise et faciliter son déploiement à l'international.

Il faut reconnaitre que le paysage de l'expertise patrimoniale française est particulièrement dense et complexe. Un grand nombre de protagonistes s'y côtoient puisqu'au-delà des deux ministères concernés au premier chef, interviennent : en tant que pourvoyeurs d'expertise, les opérateurs culturels, les missions archéologiques françaises à l'étranger, et les deux agences dédiées à des projets d'envergure, à savoir l'Agence France-Muséums et l'Agence française pour le développement d'AlUla (Afalula) ; en tant que financeur, l'Agence française de développement (AFD) ; et en tant qu'ensemblier de compétences Expertise France. À quoi s'ajoute l'action internationale menée de manière indépendante par les collectivités territoriales et leurs établissements et le rôle éminent joué par plusieurs bailleurs internationaux, parmi lesquels, en particulier, l'Unesco, l'Union européenne et Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph).

Dans ce contexte, la réussite du déploiement de l'expertise patrimoniale française dépend de la capacité de notre pays à parvenir à répondre de manière commune, coordonnée et stratégique aux besoins exprimés à l'échelle internationale. Malgré la mise en place d'un comité conjoint de pilotage de l'expertise culturelle entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture en 2019 et la création, en 2018 au sein du ministère de la culture, d'une mission en charge de l'expertise culturelle internationale (MECI) rattachée au Secrétariat général, lui-même chargé depuis 2021 de toute la coordination de l'action internationale du ministère, les auditions ont révélé que la coordination sur ce sujet restait encore perfectible. Se pose un problème de lisibilité de notre action, compte tenu des zones d'ombre qui subsistent en matière de répartition des compétences. Nous avons besoin d'une politique cohérente et d'une stratégie plus claire.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Ces constats nous conduisent à souhaiter, effectivement, la définition d'une stratégie plus claire pour l'ensemble du dispositif, où chacun des acteurs aurait une place mieux identifiée, avec un meilleur suivi de l'action : cela nous paraît même nécessaire pour que la France convertisse ses atouts en une politique d'influence et de rayonnement efficace.

La coordination peut être améliorée à deux niveaux.

D'abord entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture. Leur qualité de tutelle leur confère un rôle déterminant dans la définition commune des priorités géographiques et sectorielles et dans l'information et le contrôle du suivi de ces directives par les opérateurs. Si la mise en place du comité conjoint de pilotage est un pas dans la bonne direction, nous croyons que le pilotage stratégique gagnerait à être conduit directement par les deux ministres - nous avons auditionné Jean-Yves Le Drian à ce sujet -, et plus seulement à l'échelle des directions de l'administration centrale. C'est l'objet de notre première recommandation.

La coordination au sein même du ministère de la culture doit également être améliorée. Nous avons constaté à quel point l'organisation était confuse. Même si le transfert de la responsabilité de la coordination et des équipes en charge de l'action internationale au Secrétariat général se justifie par le caractère transversal des actions culturelles que la France peut mener au niveau international, il est indispensable, dans le cas de l'expertise patrimoniale, que des mécanismes garantissent que la direction générale des patrimoines reste associée à la prise de décision puisque c'est elle qui a la connaissance de l'expertise qui existe au sein de ses établissements et qui gère les liens avec eux. D'où notre deuxième recommandation, qui consiste à instituer un comité de pilotage entre le Secrétariat général et la Direction générale des patrimoines en matière d'expertise patrimoniale.

Au-delà de cet enjeu de coordination, il nous faut aussi gagner en agilité. Les succès rencontrés par l'Aliph - présidée par notre ancienne collègue Bariza Khiari - en termes de rapidité de déploiement démontrent combien l'expertise patrimoniale constitue un domaine dans lequel il convient d'être capable de faire preuve de réactivité et de souplesse. Si nous ne sommes pas favorables à confier au ministère de l'Europe et des affaires étrangères un rôle de chef de file sur les questions d'expertise patrimoniale, car nous pensons que la pleine implication du ministère de la culture au sein du dispositif est indispensable, nous plaidons pour la constitution d'une « task force » commune aux deux ministères autorisée, sur la base des orientations stratégiques définies au plus haut niveau, à apporter une réponse rapide aux demandes présentées à la France par des partenaires étrangers. C'est notre troisième recommandation qui implique, reconnaissons-le, d'étoffer les équipes dédiées de chacune des administrations centrales.

En revanche, après avoir beaucoup réfléchi à ce sujet, nous écartons l'idée d'une agence dédiée à la valorisation du savoir-faire patrimonial français à l'étranger, parfois évoquée pour disposer d'un guichet unique. Sur le plan organisationnel, nous pensons que l'ajout d'un échelon supplémentaire ne ferait qu'aggraver le manque de coordination car les grands établissements culturels continueront à être directement sollicités compte tenu du prestige international dont ils jouissent. Sur le plan budgétaire, nous considérons que l'équilibre financier d'un tel établissement ne serait pas garanti car, reconnaissons-le, les projets de l'ampleur du Louvre Abu Dhabi et d'AlUla ne sont pas si fréquents et leur financement tient grâce au pays d'accueil. Sur le plan stratégique enfin, nous pensons que la création d'une telle structure pourrait brider l'action internationale des établissements culturels, ce qui n'est pas souhaitable.

Autant continuer, par conséquent, à monter des agences dédiées pour chacun des projets de grande envergure. C'est la meilleure garantie d'apporter une réponse adaptée aux demandes du partenaire en rassemblant les compétences qui lui sont nécessaires.

Reste la mise en oeuvre des projets que l'on pourrait qualifier d'intermédiaires, c'est-à-dire ceux qui dépassent le champ de l'expertise patrimoniale stricto sensu parce qu'ils requièrent une assistance à maitrise d'ouvrage ou présentent un enjeu urbanistique ou touristique. Le ministère de la culture, même en s'appuyant sur la MECI, n'a pas la compétence pour gérer de tels projets de son côté. En revanche, ils pourraient être portés par Expertise France - elle travaille déjà sur le nouveau musée d'Abomey, au Bénin, dans le cadre du projet de restitution d'oeuvres - à la condition que le ministère de la culture demeure associé à sa mise en oeuvre et prenne en charge l'organisation du volet patrimonial. C'est la raison pour laquelle nous recommandons qu'une évaluation ex post du projet conduit par Expertise France à Abomey soit réalisée, afin de s'assurer qu'il s'agit bien d'un opérateur pertinent. Il s'agit de notre recommandation n° 4.

Mme Else Joseph, co-rapporteure. - De l'avis de tous nos interlocuteurs, le manque de moyens reste bien souvent le principal frein à davantage d'interventions à l'international dans le domaine patrimonial.

Quels moyens sommes-nous prêts à mettre sur la table au service de cette stratégie d'influence ? C'est un réel enjeu.

Pour notre part, nous sommes d'avis de cibler un certain nombre de priorités budgétaires. Nous avons choisi d'en retenir deux, qui font l'objet de notre recommandation n° 5.

D'abord, les missions archéologiques françaises à l'étranger, parce que la concurrence dans ce domaine est particulièrement féroce et parce nous n'aurions sans doute jamais signé l'accord avec l'Arabie saoudite à AlUla si une mission archéologique française n'était pas arrivé sur place dix ans avant. C'est le signe du caractère stratégique de cet instrument.

L'autre priorité stratégique à nos yeux, c'est la coopération en matière de formation. C'est une attente forte de nos partenaires et nous sommes convaincues que nous avons tout à y gagner, car c'est un moyen de créer un réseau de professionnels proches de la France et sensibles à ses approches, susceptibles à l'avenir de faire appel à ses services lorsqu'ils seront en fonction.

Face à la raréfaction des moyens budgétaires, nous sommes convaincues que la France aurait intérêt à inscrire davantage son action internationale dans le cadre des actions financées par les bailleurs internationaux, comme l'Unesco, l'Union européenne ou l'Aliph. Nous contribuons déjà financièrement au fonctionnement de ces institutions et, même si notre stratégie d'influence pourrait s'en trouver légèrement diluée, nous pouvons espérer de notre participation à leurs missions des retombées à la fois directes et indirectes. D'où notre recommandation n° 6.

Se pose également une problématique de ressources humaines. Nous entendons suffisamment régulièrement le ministère et les opérateurs au sein de cette commission pour savoir combien les effectifs leur font défaut. Tous les opérateurs que nous avons entendus ont reconnu que c'était le principal obstacle pour répondre favorablement aux demandes qui leur étaient adressés. Interrogeons-nous sur le niveau de nos ambitions et, en fonction, accordons, ne serait-ce qu'aux établissements les plus stratégiques, les moyens de développer une action internationale plus forte : c'est notre septième recommandation.

J'en viens à l'enjeu d'organiser un dispositif de prospection efficace pour ne pas passer à côté d'éventuelles opportunités. Ce rôle parait pouvoir le mieux être exercé par les services de coopération et d'action culturelle des ambassades, présents sur le terrain, la plupart des établissements culturels ne disposant pas des ressources humaines pour conduire une mission de veille performante. Quoi qu'il en soit, il nous semble urgent de mettre en place une stratégie de prospection, en définissant les zones stratégiques d'un point de vue géographique et politique, et dans lesquelles nos services devront, non seulement se mettre en alerte, mais aussi se montrer forces de proposition. C'est notre recommandation n° 8.

Même si les établissements culturels manquent de moyens, nous pensons qu'ils pourraient indirectement participer à cette mission de prospection en encourageant leurs agents à participer aux différents réseaux internationaux dans leurs domaines de compétences. Les Français y sont traditionnellement peu présents, cette culture des réseaux étant beaucoup plus anglo-saxonne. Nous croyons qu'il y a pourtant beaucoup à gagner à être mieux identifié à l'échelle internationale et c'est pourquoi nous suggérons, par notre recommandation n° 9, la mise en place de décharges « horaires » ou une meilleure valorisation dans les parcours de carrière des activités au sein des réseaux internationaux.

Notre dernier axe de réflexion concerne les modalités d'amélioration de la promotion de l'expertise française.

Cette promotion bute aujourd'hui sur une connaissance encore trop lacunaire, à la fois des actions menées par les établissements au niveau international, et de l'offre précise d'expertise que les différents établissements ont à proposer au niveau international. Les interlocuteurs privilégiés du ministère de la culture sur ces sujets se limitent encore trop souvent à quelques grands opérateurs nationaux.

Or, l'expertise patrimoniale française n'est pas l'apanage de ces seuls établissements. L'expertise des musées relevant de collectivités territoriales ou la compétence d'entreprises privées contribuent, elles aussi, à la bonne image de la France à l'étranger.

Par ailleurs, notre offre d'expertise ne se limite pas au seul champ des musées et de la restauration du patrimoine. Il pourrait être opportun de susciter des besoins dans d'autres domaines d'expertise, comme par exemple, en matière d'archéologie préventive, qui reste un secteur encore peu développé dans beaucoup de pays émergents.

En 2019, la Cour des comptes avait recommandé la mise en place d'un réseau numérique partagé autour de l'expertise culturelle, ouvert à l'ensemble des opérateurs nationaux et territoriaux, afin de recenser l'offre d'expertise disponible et de partager les bonnes pratiques et les ressources méthodologiques. Cette recommandation n'a jamais été suivie d'effet.

Afin d'avoir une vue plus complète de la diversité de l'action de la France à l'international, mais aussi de se constituer un vivier de professionnels pour répondre le plus efficacement et le plus rapidement possible aux demandes étrangères, nous croyons indispensable que soit réalisé, chaque année, un suivi des demandes, des actions et des offres d'expertise patrimoniale auprès de l'ensemble des établissements nationaux et territoriaux intervenant dans le champ patrimonial. C'est notre recommandation n° 10.

Nous pensons aussi qu'il serait utile de disposer d'une plaquette de présentation de l'éventail des savoir-faire français, qui mettrait en avant certaines de ses réalisations majeures dans les différentes disciplines entrant dans le champ patrimonial, et listerait la manière dont la France peut accompagner les partenaires étrangers dans leurs désirs de réalisation en matière patrimoniale. Ce catalogue, qui fait l'objet de notre recommandation n° 11, et que nous proposons d'intituler « Patrimoine France », avec pour sous-titre « Vous accompagner sur le chemin de vos racines », aurait vocation à être diffusé par tous les acteurs chargés de la promotion de l'expertise française : les ambassades, l'AFD, Expertise France, Business France, Atout France, les instituts français, etc.

Il est temps de saisir toutes les opportunités de valoriser notre expertise à l'étranger. C'est pourquoi nous suggérons, pour finir, d'utiliser la visibilité internationale du chantier de Notre-Dame, hors norme par son ampleur et la diversité des savoir-faire qui y ont collaboré, pour communiquer autour de l'expertise unique au monde qu'y a acquise la France, ou encore, de confier au soin du Mobilier national la décoration d'un certain nombre d'ambassades symboliques ou stratégiques pour promouvoir le savoir-faire français en termes d'artisanat d'art et de design. Même si cette dernière opération nécessiterait sans doute un certain budget, nous sommes convaincues que des mécènes seraient prêts à y concourir.

Au terme de nos travaux, voici les différentes recommandations que nous souhaitions soumettre à votre approbation. Nous sommes bien sûr à votre disposition pour en débattre et répondre à l'ensemble de vos interrogations.

M. Max Brisson, président. - J'ouvre la discussion générale sur les conclusions de cette mission, en donnant la parole prioritairement à un intervenant par groupe.

M. Pierre Ouzoulias. - Merci Mesdames les rapporteures, pour ce rapport de grande qualité sur une matière complexe et qui n'a pas suffisamment été prise en compte par les gouvernements successifs, alors que la culture n'est pas seulement un supplément d'âme, elle est devenue un outil pour convaincre dans les relations internationales. Jean-Yves Le Drian vous a dit que la culture ne relève pas du pouvoir « doux » mais bien du pouvoir « dur » - chacun est libre de rétablir l'anglais... -, elle devient fondamentale dans la diplomatie d'influence. L'exemple de l'Arabie Saoudite le montre bien, puisque c'est la présence ancienne d'archéologues français, dotés pourtant de petits moyens, qui a ouvert les portes d'instances où l'on négocie aujourd'hui... jusqu'à la vente d'avions Rafale : c'est un raccourci, pour montrer que la stratégie d'influence peut rapporter beaucoup.

La maîtrise du récit national, ensuite, est devenue déterminante pour les États non libéraux. On le voit dans le conflit du Haut-Karabakh, où la fin de la République d'Artsakh et la fuite de 120 000 habitants vont être, malheureusement, suivies par la destruction du patrimoine arménien par les Azéris. L'Unesco n'intervient pas, parce qu'elle est bloquée par des conflits internes, la France est relativement discrète, alors que cette destruction systématique d'une culture est constitutive d'un crime contre l'humanité.

Vos propositions sont justes, et pour avoir participé à plusieurs des auditions, je confirme le manque de coordination et de cohérence des initiatives françaises. Sur le terrain, les ambassades nous disent ne pas comprendre les formes d'intervention des ministères en matière culturelle, ils nous disent manquer d'une sorte de catalogue de ressources qu'ils pourraient mobiliser en matière culturelle - et l'on voit des agents se mobiliser ici et là sans cohérence, pour faire souvent de très bonnes choses mais sans assez de moyens et parfois même sur leur temps libre et sans reconnaissance. Ce n'est pas admissible !

Vos recommandations vont donc dans le bon sens, pour plus de coordination et de cohérence de l'offre française en matière patrimoniale, ceci pour répondre à une demande importante qui nous est adressée et à laquelle nous ne répondons pas suffisamment.

M. Adel Ziane. - Je regrette d'être arrivé trop récemment au Sénat pour avoir pu participer à vos travaux, puisque j'ai passé quatre ans au ministère des affaires étrangères sur la coopération et le développement au Proche-Orient, et douze ans au Louvre à m'occuper de la coopération internationale et en particulier des relations extérieures du Louvre Abu-Dhabi...

Le désir de France sur les questions patrimoniales est très fort, il progresse à mesure que nos pays partenaires veulent davantage valoriser leur patrimoine. Au ministère des affaires étrangères, j'ai assisté à la création d'un service du Patrimoine, qui est devenu le point d'entrée pour les pays partenaires intéressés par la valorisation et la préservation du patrimoine. On a constaté ces dernières années des demandes de plus en plus tournées non pas principalement vers le patrimoine comme héritage, mais, à l'anglo-saxonne, comme levier pour l'activité touristique. De ce fait, les demandes mêlent à la fois des questions culturelles et des enjeux économiques.

Or, dans la compétition internationale exacerbée qui a cours, la France dispose d'un avantage compétitif grâce à notre réseau international puissant, et je vous rejoins pour dire qu'il faut le préserver. C'est ce que j'ai vu en travaillant au Louvre, nous avons des relations de travail continues avec bien des pays du pourtour méditerranéen, du Proche et du Moyen Orient, nous savons construire des relations culturelles avec des pays où la situation est compliquée. Je l'ai vu en Iran, où une exposition organisée par le Louvre à Téhéran avait rencontré un grand succès, ce qui avait été l'occasion de nouer bien des relations, même si le pays s'est refermé après. Les liens culturels sont une ouverture pour les habitants et c'est un vecteur de dialogue là où les liens politiques se sont distendus.

Parmi vos recommandations, je crois que la coordination entre les deux ministères des affaires étrangères et de la culture, est le point décisif. Des pays comme le Japon, l'Allemagne ou l'Italie peuvent répondre très vite à des demandes de pays tiers, nous devons améliorer notre organisation, votre recommandation n° 2 d'un comité de pilotage entre le secrétaire général et la direction du patrimoine est essentielle ; je crois qu'il faut regarder aussi au sein même du ministère de la culture, du côté des relations entre la mission d'expertise culturelle internationale et la direction générale des patrimoines.

Je souscris également au propos de Pierre Ouzoulias : les missions archéologiques établissent des liens sur le temps long, il faut les soutenir davantage.

Votre recommandation n° 7 est également très importante, il faut étoffer les équipes des établissements culturels qu'on estime stratégiques et encourager leurs agents à mieux participer aux réseaux internationaux dans leur domaine de compétence. Ces établissements ont des agents très compétents qui sont décisifs pour répondre à la demande des pays partenaires, mais à condition qu'on leur assure des décharges horaires suffisantes et que cette participation à l'international soit bien valorisée dans leur carrière. Il y a encore trop de freins administratifs et organisationnels, qui rendent difficiles des missions suffisamment longues à l'étranger, cela compromet bien des projets.

Ensuite, si le nombre de nos opérateurs et de nos agences montre bien la richesse de notre expertise, si notre pays peut se féliciter que certaines de ses initiatives comme l'Aliph aient rencontré le succès, il faut voir aussi qu'il nous arrive de perdre de l'expertise quand des personnels de haut niveau, après avoir été formés et avoir commencé leur carrière en France, vont travailler dans des institutions étrangères ou à l'étranger, on l'a vu avec le Louvre Abu Dhabi.

Dernier point, il faut réaffirmer le rôle d'ensemblier des ambassadeurs, de leurs services culturels et des Instituts français. Ce sont les coordinateurs de première ligne qui sont en lien avec les pays et les porteurs de projets.

Mme Sabine Drexler. - Merci pour ce rapport très intéressant. On vient nous chercher, c'est le signe du rayonnement de notre culture et de nos savoir-faire dans le domaine patrimonial. Le marché est très concurrentiel, d'où l'importance de promouvoir plus encore notre expertise pour renforcer son action à l'international. J'ai auditionné l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) dans le cadre de mon rapport budgétaire. Cet institut dispose d'une grande expertise et il est volontaire pour travailler à l'international. À votre avis, ne pourrions-nous pas, au Sénat, contrôler plus régulièrement la manière dont est assurée le suivi des offres d'expertise et la façon dont le Gouvernement se mobilise pour y répondre en interministériel ?

Mme Sonia de La Provôté. - Je félicite nos rapporteures pour la qualité de leur travail, sur un sujet que nous éludons trop de nos interventions, alors que l'enjeu, il est grand temps de s'en rendre compte, a toute son importance pour notre diplomatie. Quand les pays s'intéressent de plus en plus à leur histoire et que les questions identitaires prennent plus de place, l'expertise patrimoniale prend davantage de valeur, parce que c'est un outil d'écriture et de réécriture de l'histoire. Or l'éthique de nos chercheurs et experts, leur rigueur scientifique, sont le gage d'une meilleure interprétation de l'histoire. Je crois que nous devons mettre en avant ces qualités, elles sont essentielles quand on donne des conseils, quand on accompagne la construction du récit national. Et il y a aussi un enjeu plus large : l'approche scientifique facilite les ponts civilisationnels, des convergences qu'on recherche en diplomatie positive. C'est une dimension éthique qui me parait très importante et je vous félicite d'avoir mis en valeur ce rôle éthique de l'expertise.

La veille et la protection des patrimoines dans les zones de conflits est aussi un sujet de préoccupation. On a vu disparaitre des trésors du patrimoine de l'humanité. L'Unesco n'est pas partout un outil adéquat pour leur protection - la France a un rôle à jouer, on l'a vu encore récemment en Syrie.

Quelques questions, qui seront aussi des points d'appui d'une réflexion. D'abord sur la coordination et sur la stratégie : quelles sont nos priorités en matière d'archéologie, en matière d'expertise patrimoniale ? On ne les voit pas, la stratégie n'est pas visible - alors que c'est nécessaire pour coordonner notre action. Ensuite notre réseau d'ambassades : c'est une force, mais ne l'affaiblit-on pas avec la réforme du statut en cours ? Comment préserver tout ce qui fait levier du « soft power » ? Enfin, quelle place pour le mécénat - considérant que l'histoire s'écrit par des professionnels de l'archéologie, de l'histoire, et pas par des mécènes ?

Enfin, je crois que l'expertise patrimoniale française est irremplaçable, elle a toute sa place et que nous ne devons pas céder aux sirènes de l'idéologie anglo-saxonne, qui a tendance à envahir notre débat public.

Mme Monique de Marco. - Je savais le sujet complexe mais je ne me doutais pas qu'il l'était à ce point. Votre rapport le rend plus clair, c'est très précieux. Vous constatez le manque d'agilité de notre dispositif d'ensemble et je vous rejoins parfaitement quand vous repoussez l'idée d'ajouter une strate supplémentaire.

J'aimerais une précision sur la recommandation n° 11 : est-ce que les ambassadeurs ne disposent pas déjà d'un guide des ressources disponibles, puisqu'ils sont la vitrine de notre expertise patrimoniale ? J'avoue que cela me surprend...

Mme Else Joseph, co-rapporteure. - Merci pour vos remarques. Le patrimoine et la culture sont un levier important de l'influence française, c'est un constat prégnant. Il y a un désir de s'adresser à la France pour l'expertise patrimoniale. Nous devrons suivre ce qui advient de nos recommandations, l'enjeu est bien de développer ce qui est un atout culturel pour notre pays.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Merci pour vos remarques, elles confirment notre diagnostic. Quand nous nous déplaçons à l'étranger, nous voyons combien le désir de France est vivant, on nous sollicite pour des coopérations, pour de la formation - et nous avons un devoir de répondre à cet appel touchant. C'est aussi pourquoi il faut une stratégie, parce que nous parlons bien ici d'un pouvoir « dur » et non pas d'un pouvoir « doux ». Jean-Yves Le Drian a insisté sur ce point, de même qu'il nous a confirmé la coordination insuffisante entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture. Il faut s'emparer du sujet, nous le faisons avec nos propositions. L'appellation « Patrimoine France » pourrait être une bannière autour de laquelle rassembler, ou à tout le moins recenser tous ceux qui, dans les deux ministères, contribuent à l'action et à l'expertise patrimoniale, c'est le sens de notre proposition n° 11, un tel répertoire aidera notre action à l'étranger.

Le rôle des ambassades est primordial. La compétence « patrimoine » n'entre pas dans le champ des Instituts français, mais ils pourraient relayer des demandes, sous la responsabilité des ambassadeurs. La diplomatie est un métier, la réforme du statut des ambassadeurs a fait grand bruit à juste titre.

S'agissant de la protection du patrimoine dans les zones de conflits, l'Aliph joue un rôle formidable par sa souplesse et son agilité, notre rapport s'en fait le relais. Le Sénat a débattu de la situation en Arménie, nous nous y sommes déjà rendus et nous savons combien le patrimoine arménien est menacé dans le Haut-Karabakh. Bariza Khiari, vice-présidente de l'Aliph, nous l'a confirmé : les inscriptions chrétiennes sont effacées, trois mille ans d'histoire sont niés - et lorsque nous nous étions rendus sur place avec Bruno Retailleau, nous avions constaté combien l'OEuvre d'Orient jouait un rôle important, en lien avec l'Aliph, ces deux organisations tâchent d'intervenir pour préserver le patrimoine, il faut continuer de les soutenir.

Les démarches identitaires et la recherche des racines historiques, nous les constatons aussi dans les demandes de restitution. À nous de faire évoluer nos modes de coopération - nous avons interrogé le groupe francophone de l'Unesco à ce sujet. On voit qu'il y a un débat et qu'on prête à la France une capacité d'agir, je crois que nous devons réaffirmer ici l'importance des coopérations.

Mme Annick Girardin. - Vous constatez que la France est présente et mal organisée et vous proposez, à raison, d'améliorer la coordination stratégique pour gagner en agilité. C'est pour moi bien triste de constater que tout ce qui avait été mis en place il y a quelques années pour cette coordination semble avoir fait long feu... Parce qu'il faut se rappeler qu'Expertise France a été créé pour regrouper les moyens d'expertise internationale de chaque ministère, pour bâtir une expertise globale. C'est apparemment un échec, puisque les ministères ont reconstitué leurs moyens en propre - c'est bien connu, dans l'administration française, on n'aime pas se faire déposséder d'une compétence... Nous avions l'exemple allemand, où l'équivalent de l'AFD globalise l'action de développement et d'expertise à l'étranger, nous avons maintenu l'AFD comme banque, principalement, en lui accolant Expertise France. On voit que ce n'est pas la même chose et je crois qu'on n'arrivera pas à globaliser tant qu'on ne réformera pas l'AFD.

Il faut voir, aussi, comment l'action de l'Union européenne peut entrer en concurrence avec celle des États. C'est un sujet sur lequel il faut monter au créneau à l'échelon européen. Même chose pour l'articulation entre les agences, qui ont plus de moyens que les ministères, lesquels sont en charge de la stratégie : il faut mieux organiser les choses, bien expliciter la stratégie pour avancer.

En tous les cas bravo pour ce travail, j'espère que nous pourrons continuer sur ces sujets.

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Oui, une réforme de l'AFD est nécessaire. Les agences ont certes des moyens, mais c'est bien nous qui les votons - et nous demandons d'aller plus loin, en instaurant une coordination co-pilotée par les deux ministres. Il faut qu'ils s'emparent davantage du sujet. Hier en audition, la ministre de la culture n'a pas mentionné l'action culturelle extérieure dans sa présentation liminaire, alors qu'elle s'est déjà beaucoup déplacée à l'étranger. Je trouve que c'est symptomatique.

M. Jean-Gérard Paumier. - La restitution des oeuvres d'art sera l'un des grands enjeux du siècle. Au moment où l'influence de la France marque le pas en Afrique, la restitution de biens culturels de notre pays aux pays africains pourrait être une opportunité de regain d'influence. Le Sénat a voté une proposition de loi le 10 juillet 2022 pour demander un cadre et des mécanismes de contrôle pour ces décisions de restitution. Où en est-on, en particulier de la proposition d'un conseil national de réflexion de la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ?

M. Max Brisson, président. - Vaste sujet...

Mme Catherine Morin-Desailly, co-rapporteure. - Notre commission s'est emparée du sujet depuis une dizaine d'années et nous avons été à l'initiative de textes, après un long travail d'évaluation. Un texte a été voté avant l'été, sur la restitution des biens spoliés aux Juifs ; un texte est dans la navette, il porte sur la restitution de restes humains, nous en avons été à l'initiative avec Max Brisson et Pierre Ouzoulias ; et un troisième texte, qui ne devrait pas intervenir avant l'année 2024, porte sur la restitution des biens culturels appartenant à nos collections publiques en général. C'est dans le cadre de ce texte que se pose l'enjeu d'un avis d'un conseil scientifique indépendant, permettant d'assurer une réelle transparence sur ce processus. C'était l'objet du conseil national de réflexion que vous évoquez et que nous avions inscrit dans une proposition de loi que nous avions précédemment déposée, mais dont la discussion n'a pas été poursuivie à l'Assemblée natioanle. Ce conseil national est donc en pointillé, nous aurons l'occasion d'en reparler, car nous le gardons à l'esprit.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 24 janvier 2023

Délégation permanente de la France auprès de l'Unesco : Mme Véronique ROGER-LACAN, Ambassadrice de la France auprès de l'Unesco.

Mardi 7 février 2023

Collection Lambert : M. Alain LOMBARD, directeur, auteur d'un ouvrage paru en 2022 consacré à la diplomatie culturelle.

Mardi 14 février 2023

Ministère de la culture - direction générale des patrimoines : M. Bruno FAVEL, Chef du Département des affaires européennes et internationales.

Mardi 21 mars 2023

Ministère de la culture : M. Yannick FAURE, chef du service des affaires juridiques et internationales, Mme Agnès SAAL, haute fonctionnaire à l'égalité, la diversité et la prévention des discriminations, M. Matthieu BERTON, chef du bureau des affaires internationales et multilatérales.

Mardi 9 mai 2023

Unesco : Mme Krista PIKKAT, directrice de l'entité culture et situations d'urgence au sein du Secteur de la culture, Mme Sunna ALTNODER, cheffe de l'Unité patrimoine mobilier et musées, M. Alexis MOCIO-MATHIEU, spécialiste adjoint de programme CLT/CEM/MHM.

Mardi 16 mai 2023

Agence française de développement : M. Rémy RIOUX, directeur général, M. Philippe BAUMEL, conseiller stratégie, partenariats, communication, Mme Audrey GUIRAL-NAEPEL, responsable adjointe de division.

Mardi 30 mai 2023

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères : M. Matthieu PEYRAUD, directeur de la diplomatie d'influence, direction de la diplomatie d'influence, M. Olivier ROUZEAU, rédacteur au pôle sciences humaines et sociales, archéologie et patrimoine à la sous-direction de l'enseignement supérieur et de la recherche (DGM/DDI/ESR).

Mardi 6 juin 2023

Expertise France : M. Jérémie PELLET, directeur général, Mme Élodie CUENCA, responsable du pôle attractivité des territoires, culture et patrimoine.

Mardi 26 septembre 2023

Experts chargés par la ministre de la culture en 2022 d'une mission de réflexion pour améliorer la sécurité des acquisitions des musées nationaux suite aux affaires de trafic d'antiquités : Mme Marie-Christine LABOURDETTE, présidente de l'établissement public du château de Fontainebleau, ancienne directrice du service des musées de France, MM. Christian GIACOMOTTO, président du conseil de surveillance de Gimar Finance & Cie, membre du conseil d'administration de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, membre du Conseil artistique des musées nationaux, administrateur et président du comité d'audit de l'Agence France-Museums, et Arnaud OSEREDCZUK, conseiller-maître à la Cour des comptes.

- Institut national du patrimoine : M. Charles PERSONNAZ, directeur.

- Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou : M. Laurent LE BON, président, Mme Julie NARBEY, directrice générale.

- Ministère de la culture : M. Hervé BARBARET, directeur général.

- Institut français : M. Erol OK, directeur général, Mme Agathe BASQUIN, conseillère stratégie/présidence et direction générale.

- Mobilier national et manufactures des Gobelins : M. Hervé LEMOINE, président, M. Matéo D'YVOIRE, directeur de cabinet.

Mercredi 27 septembre 2023

- Établissement public du musée du quai Branly-Jacques Chirac : M. Emmanuel KASARHÉROU, président.

- ICOM France : Mme Émilie GIRARD, présidente, Mme Anne-Claude MORICE, déléguée générale.

- Musée national des arts asiatiques - Guimet : M. Vincent LEFEVRE, directeur de la conservation et des collections.

- Conseil de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit : Mme Bariza KHIARI, vice-présidente, M. Valéry FRELAND, directeur exécutif de la fondation ALIPH.

- M. Gérard MESTRALLET, ancien président de l'Agence française pour le développement d'Al Ula (Afalula).

- Institut des sciences humaines et sociales du CNRS : M. Stéphane BOURDIN, directeur adjoint scientifique suivant l'archéologie, M. Thomas BOREL, responsable des affaires publiques.

- Institut français d'archéologie orientale : M. Pierre TALLET, directeur.

Jeudi 28 septembre 2023

- Memorist : M. Laurent ONAÏNTY, directeur général.

- Musée du Louvre : Mme Laurence DE PÉRUSSE DES CARS, présidente, M. Matthias GROLIER, directeur de cabinet, M. Balthazar LIONNARD, conseiller en charge des affaires internationales et européennes.

Mardi 3 octobre 2023

Agence française pour le développement d'Al Ula (Afalula) : M. Jean-Yves LE DRIAN, président, M. Mathias CURNIER, directeur de cabinet.

Mercredi 4 octobre 2023

Institut du monde arabe (IMA) : Mme Inès BEN KRAÏEM, conseillère diplomatique du président, M. Éric DELPONT, directeur du musée.

Vendredi 13 octobre 2023

Ministère de la culture - direction générale des patrimoines : M.  Jean-François HEBERT, directeur général.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE
ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS

N° 

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

(le cas échéant)

Support

1

Renforcer la coordination entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de la culture en organisant, chaque année, une réunion entre les deux ministres consacrée à la question de l'expertise patrimoniale de la France dans le but d'assurer un pilotage plus stratégique et plus suivi d'effets.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2024

Réunion annuelle
entre les deux ministres

2

Mettre en place un comité de pilotage entre le Secrétariat général et la Direction générale des patrimoines en matière d'expertise patrimoniale.

Ministère
de la culture

2024

Décision ministérielle

3

Constituer une « task force » commune au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et au ministère de la culture autorisée, sur la base des orientations stratégiques définies au plus haut niveau, à apporter une réponse rapide aux demandes présentées à la France par des partenaires étrangers.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2024/2025

Texte interministériel

4

Réaliser une évaluation ex post de la conduite par Expertise France du projet qu'elle porte à Abomey afin de déterminer dans quelle mesure cette agence pourrait devenir la référence pour la mise en oeuvre des projets à dimension patrimoniale de type intermédiaire, en collaboration avec le ministère de la culture.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2027

Rapport
au Parlement

5

Faire des missions archéologiques françaises à l'étranger et de la coopération en matière de formation une priorité budgétaire.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2025

Loi de finances pour 2025

6

Inscrire plus largement l'intervention de la France dans le cadre des interventions financées par des bailleurs internationaux.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

 

Conventions

7

Étoffer les équipes des établissements culturels les plus stratégiques dans la mise en oeuvre de la politique internationale en matière patrimoniale afin de mieux répondre aux sollicitations internationales.

Ministère
de la culture

2025

Loi de finances
pour 2025

8

Définir une stratégie de prospection (zones stratégiques d'un point de vue géographique ou politique ; autorités en charge) et donner des instructions précises aux services concernés pour les mettre en oeuvre.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2024

Texte infra-réglementaire

9

Encourager les agents à participer aux différents réseaux internationaux dans leur domaine de compétences en leur assurant, le cas échéant, des décharges horaire ou en valorisant ces activités dans leur parcours de carrière.

Ministère
de la culture

2024

Texte infra-réglementaire

N° 

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

(le cas échéant)

Support

10

Effectuer un suivi annuel des demandes, des actions et des offres d'expertise patrimoniale susceptibles d'être proposées par les établissements nationaux et territoriaux afin de mieux appréhender la nature de la demande internationale et la capacité de la France à y répondre dans les meilleurs délais.

Ministère
de la culture et, le cas échéant, autres ministères de tutelle

Opérateurs susceptibles de contribuer à l'action internationale patrimoniale française

2024

Mise en place d'un outil numérique partagé avec les opérateurs

11

Élaborer un catalogue « Patrimoine France - Vous accompagner sur le chemin de vos racines » pour diffusion par les acteurs chargés de la promotion de l'expertise française, en particulier le réseau diplomatique et culturel à l'étranger, permettant de mieux valoriser les savoir-faire français dans les différents champs du patrimoine et leur capacité de projection à l'international.

Ministère
de la culture

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

2024

Support numérique
et papier

12

Utiliser la visibilité internationale du chantier de Notre-Dame pour communiquer autour de l'expérience acquise par la France afin de contribuer à la promotion de l'expertise française à l'étranger.

Ministère
de la culture

2025

Colloque international

13

Faire de nos ambassades la vitrine de nos savoir-faire en confiant au Mobilier national le soin de décorer nos ambassades les plus stratégiques.

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Mobilier national

2025

Convention de partenariat


* 1 Rapport d'information n° 239 (2020-2021) du 16 décembre 2020, intitulé « Le retour des biens culturels aux pays d'origine : un défi pour le projet universel des musées français », fait, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, par MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias sur la base des travaux conduits par la mission d'information sur les restitutions de biens culturels appartenant aux collections publiques, présidée par Mme Catherine Morin-Desailly.

* 2 Une délégation de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication avait pu mesurer le rôle joué par les experts français auprès des autorités mexicaines pour la restauration de plusieurs édifices endommagés lors des séismes de septembre 2017, à l'occasion d'un déplacement au Mexique effectué en septembre 2019, ayant donné lieu à la publication du rapport d'information n° 327 (2019-2020).

* 3 Rapport d'information n° 628 (2016-2017) du 12 juillet 2017, intitulé « France-Muséums : une expérience unique ? », fait au nom de la commission des finances, par MM. Vincent Éblé et André Gattolin.

* 4 Rapport d'information n° 568 (2018-2019) du 12 juin 2019, intitulé « La valorisation internationale de l'ingénierie et des marques culturelles : le cas des musées nationaux », fait au nom de la commission des finances, par MM. Vincent Éblé et Julien Bargeton.

* 5 Rapport d'enquête de la Cour des comptes, de mars 2019, consacré à « La valorisation internationale de l'ingénierie et des marques culturelles : le cas des musées nationaux ».

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page