II. LES 15 RECOMMANDATIONS DE LA MISSION POUR ENCOURAGER L'INTERCOMMUNALITÉ

A. PROMOUVOIR L'INTERCOMMUNALITÉ POUR ACCOMPAGNER LES ÉLUS DANS LEURS AMBITIONS DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

1. Promouvoir l'intercommunalité

Les échanges entre la mission et les élus locaux ont mis en évidence le fait que l'intercommunalité reste mal connue et suscite encore de nombreuses interrogations de la part d'une partie de ces derniers. Plusieurs fois, nos interlocuteurs ont souhaité connaître les avantages de l'intercommunalité dans l'hexagone afin de voir si le parallèle avec la situation locale aurait du sens.

En métropole, le fait intercommunal a mis des décennies à s'installer et n'a pas été qu'un mouvement volontaire. Rappelons, par exemple, la loi de réforme des collectivités territoriales françaises (loi RCT) de 2010, qui prévoyait la couverture intercommunale intégrale du territoire français à l'horizon de l'année 2014, la rationalisation des périmètres des structures intercommunales et l'approfondissement de l'intercommunalité à travers la rénovation de son cadre juridique.

Aussi, vos rapporteurs avancent deux recommandations.

Recommandation n°1 : promouvoir l'intercommunalité grâce à une démarche d'information et de présentation aux élus locaux :

- document détaillant les intérêts, enjeux et opportunités et les méthodes d'élaboration d'un projet intercommunal ;

- rencontres par territoire du représentant de l'État avec les maires ;

- échanges d'expérience directs entre élus.

Le document, de type guide, pourrait être diffusé aux élus locaux et mettre en évidence les retours d'expériences positifs relatifs à l'intercommunalité.

La rencontre par territoires du représentant de l'État avec les maires doit permettre d'aborder le sujet sous tous les angles et de lever les questions préalables. Les subdivisions administratives constituent l'échelon administratif de l'État le plus à même de promouvoir auprès des communes l'intercommunalité

L'animation de temps d'échanges directs entre élus disposant d'une expérience intercommunale et d'élus intéressés par le fait de mieux appréhender l'intercommunalité ne peut être que positive.

Recommandation n°2 : accompagner les démarches de réalisation d'un projet de territoire intercommunal grâce à la mise en place d'une cellule d'appui technique animée par le Haut-commissariat et le SPCPF notamment.

Pour faire ensemble, il est essentiel de commencer par prendre conscience de la communauté de destin qui lie des territoires entre eux, leurs intérêts communs au-delà de leurs spécificités. En ce sens, la mise en place d'une démarche de « projet de territoire » est essentielle. Elle permet de dépasser les limites communales et de formuler un horizon de développement collectif souhaitable : diagnostic, objectifs, projet politique commun...

Le projet de territoire de Tereheamanu

La communauté de communes a réalisé un diagnostic du territoire fin novembre 2021. Ce diagnostic a été réalisé en deux temps. D'abord, un temps d'analyse qualitative réalisée à partir de données, d'études, d'audits et de schémas directeurs, qui a mis en évidence les potentiels de ce territoire, porteur d'enjeux propres et ce malgré une faiblesse des données spécifiques. Ensuite, un temps de concertation avec les communes membres et avec les acteurs économiques et sociaux du territoire. Des visites communales ont eu lieu entre janvier et avril permettant aux élus de présenter les axes forts de développement de leurs territoires. Par ailleurs, environ 300 personnes oeuvrant dans des secteurs clés ont été invitées à participer à des diagnostics ou à répondre aux enjeux pour Tereheamanu.

Fruit de ce travail, un document « projet de territoire » rassemble à la fois les données essentielles du territoire, met en évidence ses enjeux propres et détermine des premières orientations qui « participeront à appuyer la demande de transfert et d'élargissement des compétences ».

Projet de territoire : https://www.calameo.com/read/007370264875340d53766

Cette cellule devrait commencer par éclairer ces démarches, proposer une méthodologie éprouvée sur la base des projets déjà conduits avec succès en Polynésie française, voire fournir un accompagnement aux collectivités qui s'engagent dans la direction d'un projet de territoire partagé.

Cette cellule réaliserait, ensuite, une étude de faisabilité et d'impact détaillant les conséquences financières et juridiques, pour chaque commune, dans le cadre d'un projet d'intercommunalité, fournirait un conseil juridique à la création des statuts, animerait une foire aux questions réponses ...

2. Suivre le projet d'évolution du élus du syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française SPCPF et de la maison des communes

Dans cette montée en puissance du fait intercommunal et de l'accompagnement qu'il peut recevoir, deux projets méritent une attention particulière.

Le SPCPF a un projet d'évolution de ses statuts en lien avec la recherche d'un modèle de développement économique cohérent avec ses missions. Il pourrait devenir soit un SMO, soit un SIVOM. L'enjeu pour le syndicat est de renforcer et de développer l'accompagnement des communes sous forme de prestations de services et d'élargir le panel de ses adhérents.

De plus, avec le Centre de gestion et de formation (CGF) et le syndicat des Tuamotu-Gambier (SIVMTG), le SPCPF a été à l'initiative du projet de « maison des communes ». Ce projet vise à rassembler en un même lieu l'ensemble des collectivités, afin de minimiser les coûts de fonctionnement des différentes structures, de mutualiser des salles de formation, du matériel et des équipements.

Lancé en 2017, le projet est toujours en phase préparatoire.

VISUEL DE LA MAISON DES COMMUNES

Source : SPCPF

3. Optimiser le paysage de l'intercommunalité

La Polynésie française a été dispensée de l'obligation d'établir un schéma de coopération intercommunale prévoyant une couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Pourtant, la présentation du paysage intercommunal met en évidence une accélération de la création des intercommunalités, mais aussi une tendance des communes à multiplier leur participation à des structures intercommunales.

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, seules 12 % des communes polynésiennes participent à une seule intercommunalité, alors que 63 % participent à deux structures intercommunales, et que plus de 25 % des communes sont adhérentes jusqu'à 5 intercommunalités.

TAUX DE COMMUNES

SELON LE NOMBRE D'INTERCOMMUNALITÉS AUXQUELLES ELLES SONT ADHÉRENTES

Source : SPCPF

Ce double constat illustre un développement de l'intercommunalité qui n'est pas toujours des plus optimisé.

Plusieurs exemples peuvent être signalés à titre d'illustration.

La mission a notamment été accueillie à Raiatea, qui appartient à la communauté de communes de Hava'i (CCH). Cette communauté de communes a été créée en 2012 et regroupe, depuis le 1er janvier 2016, 6 communes : Tumaraa, Taputapuatea, Uturoa, Huahine, Tahaa et Maupiti.

COMMUNES MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE HAVA'I

Source : SPCPF

« Pourquoi dans la CCH ne trouve-t-on pas Bora-Bora ? » s'interroge le site internet de présentation de la CCH. « Tout simplement pour deux raisons : Bora est sans aucun doute la commune la mieux dotée des îles Sous-le-Vent de par son tourisme ; et, d'autre part, lors de la concertation pour la création de la CCH, il est apparu que pour des raisons administratives et à cause de la taille de la population, les subventions en auraient été bien moins conséquentes. C'est donc volontairement que Bora s'est "sacrifiée"».

Il s'agissait donc, pour les communes concernées, de ne pas dépasser un certain seuil démographique (35 000 habitants) pour disposer de financements plus élevés. Mais il y avait aussi un enjeu de partage des ressources que Bora-Bora tire du tourisme.

Il faut, à ce titre, rappeler que l'intercommunalité, en métropole, a toujours eu pour rôle de lutter contre l'émiettement communal et d'aménager le territoire mais aussi, et parfois surtout, de renforcer la solidarité territoriale et d'exercer des compétences à la bonne échelle.

Autre exemple, avec la grande aire urbaine de Papeete qui concentre des enjeux majeurs et qui n'est pas couverte par l'intercommunalité. Les enjeux sont essentiels pour les habitants : mobilité et transports, économie et emploi, environnement ... La Chambre territoriale des comptes relève, par exemple, que « en matière d'assainissement, l'installation de Papeete ne tourne pas à pleine capacité et le SIVU Pirae - Arue est en retard dans son projet de raccordement à celle-ci. Ce syndicat, en cas de création d'intercommunalité, n'aurait d'ailleurs plus de raison d'être. Cela pourrait également signifier la fin du SIGFA ».

ILLUSTRATION DES DIFFICULTÉS DE TRANSPORT SUR TAHITI

Source : les aires urbaines : une nouvelle géographie d'une France mondialisée 9(*)

Afin de rendre plus perfectible le paysage de l'intercommunalité, réaliser des économies d'échelle et des clarifications de gouvernance, il serait pertinent d'inciter les élus à débattre localement sur les périmètres des syndicats et intercommunalités. Le paysage pourrait être amélioré. De plus, il serait possible de réactiver la commission de coopération intercommunale (CCI) qui n'a pas pu être installée suite aux élections municipales faute de candidat, dans une logique de conseil aux élus intéressés.

Recommandation n°3 : débattre localement entre élus sur les périmètres des syndicats et intercommunalités afin d'optimiser à l'avenir ce paysage et entretenir un dialogue avec la commission de coopération intercommunale.


* 9 https://hgemc.monvr.pf/wp-content/uploads/2019/12/Les_aires_urbaines_une_nouvelle_geographie_dune_france_mondialisee.pdf

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