C. FACILITER LA RÉINSERTION PROFESSIONNELLE DANS LE PRIVÉ

Lorsque l'activité professionnelle a été interrompue à l'occasion du mandat, le choix à l'issue de celui-ci consiste très souvent en une reprise d'activité. La question ne se pose pas dans les mêmes termes selon que celle-ci se passe dans la fonction publique ou dans le secteur privé.

Dans le premier cas, les élus locaux bénéficient d'un accès au troisième concours pour certains corps ou cadres d'emploi. L'article L. 325-7 du CGCT ouvre en effet cette voie aux candidats justifiant de l'exercice d'un ou plusieurs mandats de membre de l'assemblée d'une collectivité territoriale. D'une manière générale, le troisième concours permet d'accéder à des postes variés de toute catégorie (A, B, C), mais aussi aux écoles de la fonction publique. Il existe dans toutes les fonctions publiques (d'Etat, hospitalière et territoriale) et ouvre sur de nombreuses filières (administratives, culturelles, techniques...).

Dans le second cas, le droit existant encourage le redémarrage de la vie professionnelle en faisant de l'interruption d'activité une simple suspension, laissant ouvertes des perspectives de retour. L'article L. 2123-9 du CGCT prévoit ce droit à suspension pour les exécutifs locaux suivants :

- les maires, présidents de communauté urbaine, d'agglomération et de communes, présidents des conseils départementaux et régionaux, présidents de l'Assemblée et du conseil exécutif de l'Assemblée de Corse ;

- les adjoints au maire dans les communes d'au moins 10 000 habitants, vice-présidents de communauté urbaine, d'agglomération et de communes, vice-présidents des conseils départementaux et régionaux ayant reçu délégation de fonction de leur président.

Une condition d'ancienneté dans l'emploi doit être satisfaite : l'élu doit au préalable justifier d'une ancienneté minimale d'une année chez son employeur, à la date de son entrée en fonction.

Sous ces conditions, le retour à l'emploi se caractérise par une garantie d'équité et vise à une réintégration dans les meilleurs délais19(*). En effet, jusqu'à l'expiration de deux mandats consécutifs, le salarié retrouve alors son précédent emploi (ou un emploi analogue) assorti d'une rémunération équivalente, dans les deux mois suivant la date à laquelle il a avisé son employeur de son intention de reprendre son emploi. S'il y a eu succession de mandats, le salarié peut solliciter sa réembauche dans des conditions déterminées par le code du travail. Notamment, pendant un an, le salarié bénéficie d'une priorité de réembauche dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre.

Afin de ménager un retour à l'emploi dans les meilleures conditions, l'ancien élu bénéficie également du droit à un stage de remise à niveau lors du retour dans l'entreprise. Ce stage permet prendre la mesure de l'évolution du poste de travail et / ou des techniques / savoir-faire utilisés.

Le retour à l'emploi n'a toutefois pas nécessairement lieu dans la même entreprise, car l'ancien élu peut avoir le désir de donner une nouvelle orientation à sa trajectoire professionnelle. Dans ce cas, il dispose du droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences.

Le droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences :

passer de la théorie à la pratique

En application de l'article L. 2123-11-1 du CGCT, les élus concernés par ce dispositif sont ceux qui ont suspendu leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat.

À l'issue de leur mandat, ces élus ont droit, sur leur demande, au bénéfice d'une formation professionnelle et à un bilan de compétences dans les conditions fixées par le code du travail. Par ailleurs, lorsque les intéressés demandent à bénéficier du congé de formation ou d'un congé de bilan de compétences, le temps passé au titre du mandat local est assimilé aux durées d'activité exigées pour l'accès à ces congés.

On peut toutefois s'interroger sur la mise en oeuvre en pratique de cette faculté offerte aux anciens élus ayant participé à un exécutif local de se former et de s'évaluer. En effet, Pierre Camus indique que « dans le cadre de [ses] recherches et de [son] activité à l'Aric, [il] n'a jamais rencontré d'élus qui avaient connaissance de ces dispositifs. Une partie encore modeste des élus locaux connait (encore moins sait y recourir) le dispositif DIF [pour les élus] et sa fonction de reconversion professionnelle. La question d'un droit à la formation professionnelle, au bilan de compétence ou à un stage de remise à niveau renvoie au caractère tout à fait inégal des situations professionnelles que peuvent vivre les élus ».

C'est précisément pour surmonter ce défaut, ou ces inégalités, d'information que vos rapporteurs recommandent, dans leur première proposition, que soit diffusé, par le préfet, un guide d'information recensant les droits des élus en fin de mandat. Dans un souci de sensibilisation et d'anticipation, ce guide sera distribué à trois moments clefs du mandat : le début, le milieu et la fin.

Les allers-retours entre l'exercice d'un mandat local et le travail en entreprise peuvent encore gagner en fluidité. Ces deux mondes sont encore parfois trop cloisonnés : des cultures et des temporalités différentes, comme le souci de ne pas mélanger les genres, expliquent une bonne part de cet éloignement relatif.

Pourtant le rôle citoyen des entreprises n'est plus à démontrer, tout comme le souci de la majorité de leurs employés d'être pleinement partie prenante à la vie de la Cité. Encourager l'embauche d'anciens élus au sein de l'entreprise permet d'ailleurs, en retour, de lever certains freins parmi les salariés désireux de s'engager dans un mandat local, mais soucieux de leurs conditions de retour dans le privé au terme du mandat.

La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », a créé un nouveau statut de « société à mission », désignant les entreprises qui se donnent statutairement une finalité d'ordre social ou environnemental, en complément du but lucratif.

Qu'est-ce qu'une « société à mission » ?

Selon l'Observatoire des « sociétés à mission »1, quatre grandes raisons motivent les entreprises à adopter la qualité de « société à mission » :

favoriser l'engagement des collaborateurs et attirer de nouveaux talents ;

engager l'entreprise sur des enjeux environnementaux (climat, biodiversité...) ;

faire monter l'entreprise sur des enjeux sociaux externes (santé, alimentation, éducation, égalité des chances...) ;

positionner l'entreprise sur des enjeux sociaux internes à l'entreprise (diversité, bien-être, partage de la valeur...). Pour les dirigeants, devenir société à mission permet de redonner du sens aux activités de l'entreprise et du corps au projet collectif.

Toujours selon l'Observatoire, on comptait à la fin de l'année 2021, 505 « sociétés à mission » (contre 207 en 2020). Cette forte progression reflète le dynamisme du modèle en France, même si ce nombre reste encore très limité au regard du nombre total d'entreprises en France.

De grandes entreprises multinationales ont opté pour ce statut, dont Danone par exemple. D'autres grandes entreprises au niveau national l'ont également choisi, dont Enedis ou bien une mutuelle telle que la MAIF.

Proportion des sociétés à mission parmi toutes les entreprises, par type
d'entreprise

1 Cf. Cinquième baromètre de l'Observatoire des sociétés à mission (mars 2022).

Pour renforcer ce statut tout en l'enrichissant, un volet « citoyen », en complément des objectifs sociaux et environnementaux, pourrait être inséré parmi les spécificités d'une « société à mission ». Ce volet « citoyen » comprendrait notamment la manifestation de la volonté de recruter d'anciens élus, d'accompagner leur réinsertion, et / ou reconversion professionnelle.

Cette proposition viendrait parachever celle formulée par l'AMF relativement à un label « Entreprise partenaire de la démocratie locale » pour les entreprises employant des élus (à l'instar de ce qui existe pour les sapeurs-pompiers). Alors que l'enrichissement du statut de « société à mission » concernerait proportionnellement davantage les grandes entreprises nationales ou multinationales, le label imaginé par l'AMF se tournerait davantage vers les PME / PMI.

Recommandation n° 8 : insertion dans le statut des « sociétés à mission », aux côtés des objectifs sociaux et environnementaux, d'un volet « citoyen » visant à favoriser le recrutement et la reconversion professionnelle d'anciens élus.

Délai : avant les prochaines élections municipales en 2026

Acteur(s) : Parlement / Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, direction générale des entreprises (DGE)


* 19 Ces dispositions sont également applicables aux agents non titulaires de l'État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs, sauf si ceux-ci bénéficient de régimes plus favorables.

Les élus fonctionnaires peuvent, pour leur part, bénéficier pour l'exercice de leur mandat et à leur demande, d'une mise en disponibilité de plein droit pour l'ensemble des mandats électifs et d'un détachement de plein droit pour les mandats exécutifs ouvrant le droit à la suspension du contrat de travail pour les élus salariés soit : tous les maires, les adjoints au maire des communes d'au moins 10 000 habitants, les présidents d'EPCI et les vice-présidents d'EPCI de même taille.

Pour les titulaires de mandats électifs locaux, le décompte de la période d'inscription sur la liste d'aptitude est suspendu pendant la durée de leur mandat s'ils sont lauréats de concours de la fonction publique territoriale.

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