B. UNE RESTRUCTURATION EN PROFONDEUR DU RÉSEAU DE LA DGFIP

Le Gouvernement a entamé en 2019 une importante restructuration du réseau de la DGFiP, désignée sous l'expression « nouveau réseau de proximité » (NRP). Cette nouvelle démarche n'était pas sans suscitée quelques interrogations, alors que le réseau déconcentré de la DGFiP n'a connu aucune phase de stabilisation depuis la création de la direction générale.

1. Un réseau en perpétuelle évolution, mais jusqu'alors peu satisfaisant
a) Jusqu'en 2019, un resserrement du réseau par à-coups, sans vision de long-terme

La DGFiP est soumise depuis longtemps à de profondes transformations visant son réseau, et notamment les trésoreries et services des impôts. Le nombre de services déconcentrés a connu une importante contraction, en particulier sur la période 2015-2019.

La fermeture ou la fusion de services locaux a longtemps été décidée sur une base annuelle, en ciblant en priorité les petites structures, et donc sans projet structurel et sans évaluation, par exemple, des effets de la dématérialisation sur les métiers de la DGFiP. Comme l'a rappelé M. Antoine Magnant, directeur général par intérim, lors de l'audition devant la commission, le seul impératif était de fermer un nombre suffisant de structures pour respecter la trajectoire d'emplois négative de la DGFiP, dont les effectifs ont diminué de près de 40 % en vingt ans.

Évolution du réseau déconcentré
de la DGFiP entre 2015 et 2019

 

2015

2016

2017

2018

2019

Évolution 2019/2015

Trésoreries mixtes

1 525

1 337

1 120

884

670

- 56,07 %

Trésoreries spécialisées / Services de Gestion Comptable

982

1 017

1 107

1 200

1 295

31,87 %

Services d'impôts des particuliers (SIP)

535

514

515

516

511

- 4,49 %

Services d'impôts des entreprises (SIE)

529

501

469

449

427

- 19,28 %

SIP-SIE

216

205

186

167

144

- 33,33 %

Pôles de recouvrement spécialisés

104

104

103

103

103

- 0,96 %

Services de la publicité foncière

354

354

354

350

351

- 0,85 %

Service départemental de l'enregistrement

 

1

14

19

19

 

Total

4 245

4 033

3 868

3 688

3 520

- 17,08 %

Source : d'après les données reprises dans l'annexe 15 « Mission des gestion finances publiques » de MM. Albéric de Montgolfier et Claude Nougein du rapport général n° 138 (2020-2021) sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2021

En 2019, le réseau déconcentré de la DGFiP se composait ainsi de près de 3 500 services locaux. 701 services comptaient cinq agents ou moins, suscitant de fait des difficultés de gestion et des pertes d'efficience.

b) Le « nouveau réseau de proximité », la volonté affichée d'une nouvelle méthode

Après plusieurs années de critiques de la part des élus locaux, des agents de l'administration, de la Cour des comptes et des parlementaires, notamment à la commission des finances, la méthode retenue par le Gouvernement pour restructurer le réseau de la DGFiP a connu une inflexion avec le lancement du « nouveau réseau de proximité ». Les suppressions et les fusions donnaient en effet l'impression d'être faites « à vue », sans vision de long terme, au gré des résistances rencontrées sur place et sans projection sur les besoins et les effectifs.

Un nouveau processus de concertation a donc été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département et par le biais d'une contractualisation, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Ce projet de nouveau réseau de proximité doit répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP, dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité des services publics.

Le NRP est ainsi supposé se traduire par une diminution du nombre de services déconcentrés de près de 50 % sur la période 2019-2026. En parallèle, le Gouvernement avait annoncé une augmentation des « points de contact » de la DGFiP de 30 % sur la même période, avec un accès à un accueil de proximité à moins de 30 minutes dans l'ensemble des cantons. La base de référence est l'année 2019, avec une présence dans 1 977 communes.

Comme l'a toutefois rappelé à plusieurs reprises le rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques », il convient de distinguer ce que recouvrent ces points de contact, entre le passage d'un bus itinérant ou la tenue d'une permanence une demi-journée par semaine. Il alertait notamment sur la nécessité d'allier un niveau élevé de qualité de service public à un maillage fin du territoire.

2. La mise en place de nouveaux interlocuteurs pour les élus locaux

La mise en oeuvre du nouveau réseau de proximité comprend le déploiement de nouveaux interlocuteurs pour les élus locaux, les conseillers aux décideurs locaux (CDL). Ces conseillers ont vocation à devenir les interlocuteurs privilégiés des ordonnateurs des collectivités territoriales. L'instauration des CDL, après la création des services de gestion comptable (SGC), a conduit à séparer deux métiers (comptabilité et mission de conseil) jusqu'ici traditionnellement exercés par une seule personne, le comptable public. Les élus locaux ont pu temporairement avoir l'impression de perdre en lisibilité quant à leurs interlocuteurs - l'une des recommandations de la Cour des comptes dans son enquête portant d'ailleurs sur la nécessité de réaliser dès 2024 un bilan du déploiement des CDL et de l'articulation entre ces derniers et les SCG du point de vue de leurs relations avec les élus locaux.

Ce n'est pas la première fois que la DGFiP promeut l'accompagnement et le conseil dans ses relations avec les collectivités territoriales : les conventions de services comptables et financiers (CSCF), ont été déployées en 2003 pour les collectivités de grande taille3(*), et les engagements partenariaux (EP) ont été mis en place en 2010, à destination de tous les organismes publics non éligibles à la signature d'une CSCF. Ces deux dispositifs visent à améliorer la performance administrative des services de l'ordonnateur et du comptable, l'efficacité des circuits comptables et financiers ainsi que la qualité du service rendu aux usagers.

Contenu d'une convention de services comptables
et financiers et d'un engagement partenarial

Une CSCF et un EP sont constitués d'une convention, de fiches-actions et d'un tableau de suivi. Elles sont conclues sur la base du volontariat pour une durée de deux ans à cinq ans, et comporte de quatre à cinq axes de travail :

- amplification des échanges entre l'ordonnateur et le comptable, en renforçant la dématérialisation ;

- amélioration de l'efficacité des procédures en optimisant la chaîne (a) de dépenses et (b) de recettes ;

- amélioration de la lisibilité des comptes en renforçant leur fiabilité ;

- développement de l'expertise comptable, fiscale, financière et domaniale.

Source : direction générale des collectivités locales, «  Le partenariat ordonnateur-comptable : la DGFP au service des collectivités locales »

Par ces « conventions de partenariat », la DGFiP défend un accompagnement différencié et adapté à chaque collectivité (conseil fiscal, financier et juridique) en échange d'engagements sur des objectifs opérationnels (suivi des réformes et des actions, par exemple la mise en place d'un service facturier). La démarche proposée par les CDL se distingue toutefois de ces deux outils, en ce qu'elle propose un accompagnement à l'ensemble des collectivités et ne s'appuie sur aucune contractualisation. Le rapporteur spécial regrette toutefois que l'articulation entre les conventions de partenariat et le nouveau dispositif des CDL n'ait encore fait l'objet d'une évaluation : les CSCF et les EP sont des outils sur lesquels le recul est désormais suffisant pour en effectuer le bilan.

Le déploiement des conseillers aux décideurs locaux doit répondre à deux aspirations différentes. Du côté des collectivités territoriales, les besoins ne sont pas les mêmes, les plus petites collectivités ne disposant pas de la même expertise en interne que les plus grandes. Du côté de la DGFiP, se pose la question de savoir s'il s'agit d'un service véritablement nouveau au profit des collectivités ou simplement d'une manière de réemployer une partie des agents en poste dans des trésoreries désormais fermées.

*

Ainsi, la principale question soulevée par la restructuration du réseau de la DGFiP et la mise en place de nouveaux interlocuteurs pour les élus locaux demeure de savoir si ces changements d'ampleur se sont traduits par un maintien du service public à qualité constante pour les usagers.


* 3 Régions, départements et collectivités du bloc communal de plus de 100 000 habitants.

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