C. LA REFONDATION : LE CHANGEMENT DE RÉGIME ALIMENTAIRE

Plusieurs acteurs ont souligné qu'aucune véritable réflexion d'ensemble n'avait été menée depuis la réforme Barre de 1977 qui a organisé la bascule de l'aide à la pierre vers l'aide au logement avec la création des APL, la première aide à l'investissement locatif (1984, Quilès-Méhaignerie) ou la loi SRU (2000) n'ont traité qu'un segment du parc de logements. De plus, le poids financier ou politique de certains choix imposera de les traiter à l'occasion d'une échéance électorale majeure pour notre pays.

Dans cette perspective, quatre propositions sont formulées :

8. La rédaction d'un livre blanc refondant la politique du logement et aboutissant à une loi de programmation. Il ne s'agit pas d'écrire un nouveau rapport ou de lancer une nouvelle concertation comme cela a été fait au cours des années récentes et dont le CNR a été la dernière illustration, mais de préparer des décisions politiques sous contrainte temporelle et financière, comme cela se fait en matière de défense. Cette réflexion devra partir d'une analyse et créer un consensus sur le besoin en logements. C'est essentiel alors qu'aujourd'hui l'ampleur du besoin de construire est débattu, Bercy ou le Shift Project retiennent moins de 250 000 logements, là où les acteurs du secteur ( USH, UNAM et le CNH) évaluent le besoin annuel national en logements neufs entre 350 000 et 520 000 logements. Or, il n'est pas possible de mener une politique du logement dans la durée sans se fonder sur une vision partagée du besoin.

Cette refondation de la politique du logement pourrait décliner trois objectifs majeurs.

9. Le premier objectif serait donc d'offrir un logement pour tous - concrètement, il s'agirait de redéfinir l'appui de la nation aux bailleurs sociaux, après les coups de canif qu'ont été la RLS, la baisse des APL et le retrait de l'État du financement du FNAP. Il s'agirait également de réaffirmer le modèle du logement social, outil du lien emploi-logement en termes de priorité d'attribution et de gestion de la PEEC, après le harcèlement subi par Action Logement depuis sept ans. Cette réflexion pourrait aussi conduire à créer de nouvelles manières de financer ce logement abordable. Benoît Apparu a par exemple proposé l'idée de foncières portées par des partenariats publics-privés.

10. Le second objectif serait le déblocage du parcours résidentiel des classes moyennes. Cela implique un soutien actif à l'accession qui pourrait passer par un renforcement du PTZ, comme cela a existé par le passé. Les conditions juridiques et financières d'acquisition pourraient également évoluer avec des formules progressives fondées sur un démembrement de la propriété ou de remboursement partiel comme cela existe en Belgique ou en Suisse. Ces évolutions s'inscriront dans les tendances à l'hybridation et à la convergence des différents segments que sont le logement, le bureau et les services hôteliers, ainsi qu'à l'importance accrue accordée à l'usage par rapport à la pleine possession. Mais pour être réussie, cette fluidification du parcours résidentiel devra se conjuguer avec un meilleur soutien à la rénovation énergétique du logement et à l'adaptation du logement au vieillissement.

11. Enfin, le troisième objectif est la reconnaissance de la contribution sociale et économique du bailleur privé. Aujourd'hui l'investissement locatif est vu comme une rente et non comme la production et la fourniture d'un service de logement qui a donc une dimension sociale et économique. Dès lors, il devrait être traité fiscalement comme tel. L'assujettissement des biens en location longue durée, éventuellement sous condition de loyer, à l'IFI devrait être reconsidéré et l'investissement locatif devrait pouvoir faire l'objet d'un amortissement, comme c'est le cas en Allemagne. Cette mesure est habituellement désignée sous le vocable du « statut du bailleur privé » pour faire comprendre qu'il s'agit non pas d'une nouvelle niche fiscale mais bien d'un nouveau traitement pérenne de ce type d'investissement. Enfin, au-delà de la fiscalité, on doit pouvoir offrir des garanties suffisantes aux bailleurs pour s'engager plus qu'aujourd'hui dans la location longue durée.

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