B. LE SUIVI EXHAUSTIF DU SÉNAT
Le Sénat a adopté un décompte global de toutes les mesures réglementaires.
1. Un périmètre de suivi exhaustif
Dans le cadre de son suivi, le Sénat répartit les lois adoptées pendant la session, en quatre catégories :
· les lois d'application directe, pour lesquelles aucune disposition d'application n'est attendue ;
· les lois applicables, pour lesquelles l'ensemble des textes réglementaires attendus ont été publiés ;
· les lois partiellement mises en application, pour lesquelles seule une partie des mesures attendues ont été prises ;
· et les lois non mises en application, pour lesquelles aucune des mesures attendues n'a été prise.
Les textes réglementaires suivis par le Sénat, sont :
· les décrets attendus ainsi que les autres mesures réglementaires (arrêtés) ;
· les mesures réglementaires non mentionnées dans la loi mais nécessaires à leur application ;
· et les mesures différées, dispositions dont le législateur a autorisé une entrée en vigueur différée. Ces mesures peuvent être prises à une date ultérieure à la session examinée.
Le Sénat suit également la publication des rapports demandés par le Parlement au Gouvernement et nécessaires à sa bonne information.
Afin de compléter sa vision globale de l'application des lois, il vérifie également la publication des ordonnances prises en application de l'article 38 de la Constitution. Ce suivi s'inscrit dans le prolongement des préconisations du groupe de travail consacré à « la modernisation des méthodes de travail du Sénat », créé au dernier trimestre 2020. Partie intégrante du processus de l'application des lois, ce suivi par les commissions bénéficie également de l'éclairage particulier apporté par la direction de la séance5(*).
S'agissant de la comptabilisation des mesures réglementaires d'application, des divergences de calcul des taux d'application du Sénat et du SGG demeurent.
2. Une convergence partielle des méthodes de comptabilisation avec le SGG
Le périmètre de contrôle est à géométrie variable, selon l'autorité de contrôle, même si une convergence significative a été constatée cette session.
a) La prise en compte des arrêtés par le secrétariat général du gouvernement
Alors que le Sénat retient toutes les mesures réglementaires d'application des lois, que ce soit un décret ou un arrêté, le SGG ne comptabilisait traditionnellement que les décrets d'application et non les arrêtés6(*).
En réponse aux demandes récurrentes du Sénat de prise en compte des arrêtés, le ministre chargé des relations avec le Parlement s'était engagé, lors du débat du 31 mai 2023, à « évoquer cette question lors du prochain comité interministériel de l'application des lois ». La Secrétaire Générale du Gouvernement a finalement annoncé suivre la parution des arrêtés pris pour l'application d'une loi depuis le 1er janvier 2024, sous réserve que ceux-ci aient été expressément prévus dans la loi.
La Haute assemblée se félicite donc de ce changement méthodologique plus rigoureux. L'absence de suivi des arrêtés par le SGG demeurait, en effet, un angle mort du contrôle de la parution des textes appelés par les lois adoptées, que le Sénat s'efforçait, quant à lui, d'éclairer. Peu importe que la disposition adoptée renvoie à un décret ou à un arrêté pour son application. La non parution de l'un ou de l'autre a pour effet d'empêcher la volonté du législateur de se traduire pleinement dans le droit et dans les faits.
Pour la présente session, le SGG a dû procéder progressivement à la mise en place de ce suivi. Il a pu présenter un taux d'application consolidé comprenant les arrêtés pour la première fois lors de la session 2023-2024 après s'être livré à un exercice de rattrapage, consistant à recenser l'ensemble du stock des arrêtés depuis 2022, date de la XVIe législature. Le SGG a assuré traiter de manière identique le suivi de la parution des arrêtés et des décrets dans le cadre de la XVIIe législature, bien que n'ayant pas le contrôle sur la phase de rédaction et de signature desdits arrêtés.
b) Des divergences de calcul demeurent
Nonobstant ce changement de périmètre, se rapprochant ainsi de la méthodologie sénatoriale, trois divergences majeures demeurent.
Premièrement, le SGG ne comptabilise que les arrêtés ayant fait l'objet d'un « renvoi exprès dans la loi », contrairement au Sénat qui suit l'ensemble des arrêtés, y compris ceux non prévus.
Cette différence méthodologique ne saurait être réduite à un simple calcul car elle peut être source de distorsion de la réalité de l'application des lois. Selon le Sénat, le taux d'application des « autres mesures réglementaires prévues » est de 52 %. Ce taux augmente de huit points si on inclut dans le calcul celles non prévues. Il atteint alors 60 %. Cela tend à démontrer l'importance non négligeable des arrêtés non prévus dans la mise en oeuvre de l'application des lois.
Deuxièmement, le SGG ne prend pas non plus en compte les décrets non prévus par la loi mais nécessaires à son application. Si le taux d'application des décrets prévus est de 61 %, celui-ci passe à 65 %, en incluant les décrets non expressément prévus.
La proportion non négligeable des mesures prises mais non prévues justifie donc pleinement leur suivi par le Sénat (Cf. graphique ci-dessous).
Proportion des mesures réglementaires prévues et non prévues en 2023-2024
Source : Cellule d'assistance au contrôle
et de soutien au travail législatif
de la direction de la
législation et du contrôle, d'après les données
d'APLEG.
Troisièmement, contrairement au Sénat, le taux d'application du SGG n'intègre pas les mesures pour lesquelles le législateur a prévu une entrée en vigueur différée. 35 mesures différées ont été comptabilisées par le Sénat pour l'application des lois de la session 2023-2024.
Ces différences de comptabilisation expliquent donc des écarts dans les taux d'application présentés dans cette synthèse.
* 5 Chaque trimestre, un suivi détaillé des ordonnances prises est effectué et publié sur le site du Sénat.
* 6 Comme pour les sessions précédentes, la Secrétaire générale du Gouvernement avait indiqué pour le bilan de la session 2020 2021 que « la petite taille du SGG et l'importance des flux qui y convergent conduisent à nous concentrer sur ce qui relève directement du Premier ministre en termes d'application [...] c'est aux ministères de procéder au suivi des arrêtés ». Mme Claire LANDAIS annonçait cependant pouvoir envisager que le SGG soit « au moins le relais d'une demande de suivi un peu plus précis des arrêtés et sur des schémas plus harmonisés, avec éventuellement des clauses de revoyure ». Cf. Audition de Mme Claire LANDAIS, Secrétaire générale du Gouvernement, sur le bilan annuel de l'application des lois, mercredi 27 juillet 2022.
Lors du débat en séance publique sur le bilan annuel de l'application des lois du 31 mai 2023, le ministre des relations avec le Parlement avait indiqué, en réponse à la sénatrice Pascale GRUNY, que le taux d'application des lois retenu par le Gouvernement « n'inclut pas les arrêtés, qui relèvent d'une compétence ministérielle, et qui sont en vérité trop nombreux pour faire l'objet d'une suivi centralisé » Cf. Compte rendu intégral du Débat sur l'application des lois pour la session 2021-2022 du 31 mai 2023. :
Le Sénat avait, néanmoins fait valoir que le Premier ministre devait répondre des actes de ses ministres et, à ce titre, le Secrétariat général du Gouvernement n'outrepasse pas son rôle en suivant la publication des arrêtés. En effet, conformément à l'article 21 de Constitution, seul le Premier ministre « exerce le pouvoir réglementaire » de droit commun. En dehors du pouvoir d'organisation de leurs services, les ministres ne sont associés à son exercice qu'en vertu d'une délégation accordée par une loi ou un décret.