B. LES LOIS ADOPTÉES EN PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE : PLUS NOMBREUSES ET MOINS APPLIQUÉES

1. Une adoption en procédure accélérée de plus des deux tiers des lois

Les sessions se suivent et se ressemblent en termes de retard dans la mise en application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée. Le nombre de ces lois a considérablement augmenté par rapport à la précédente session, en s'élevant à 40 contre 26 (+53,8 %). Celles-ci représentent donc 78,4 % de l'ensemble des lois adoptées. Après une baisse lors de la session précédente (59 %), la proportion de lois « urgentes » retrouve le niveau de celles des sessions antérieures.

Certaines commissions sont plus concernées que d'autres par le recours à la procédure accélérée. La présidente de la commission des lois, Mme Muriel JOURA a précisé que « 84 % des lois promulguées et envoyées au fond à la commission des lois ont cette année été adoptées après engagement de la procédure accélérée, soit 16 des 19 textes examinés. Cette procédure a ainsi visé la totalité des projets de loi, à l'exception du projet de loi constitutionnelle relative à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse, mais également la majorité des propositions de loi. »60(*)

2. Un taux de mise en application de 55 %, inférieur au taux global moyen

Cette augmentation du nombre de lois entraine un effet mécanique négatif sur le taux d'application, en raison de l'élargissement de l'assiette, démontrée par le graphique ci-après. Cet effet est néanmoins particulièrement accentué pour la session 2023-2024, indiquant ainsi une dégradation du taux d'application par rapport à la session précédente.

Évolution du nombre de lois adoptées après engagement de la procédure accélérée et de leur taux d'application

Source : Cellule d'assistance au contrôle et de soutien au travail législatif
de la direction de la législation et du contrôle, d'après les données de la base APLEG

Le taux d'application de ces lois est particulièrement faible, en s'établissant à 55 % sur la session 2023-2024. En dépit d'une amélioration de cinq points par rapport à la session précédente, ce taux demeure inférieur de huit à dix points par rapport aux taux enregistrés sur les sessions 2020-2021 et 2021-2022. Il s'établit systématiquement en deçà du taux global moyen d'application des lois, comme le démontre le graphique ci-dessous.

Évolution du taux d'application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée et du taux global moyen (toutes lois confondues)

Source : Cellule d'assistance au contrôle et de soutien au travail législatif
de la direction de la législation et du contrôle, d'après les données de la base APLEG

Le recours à la procédure accélérée pour l'adoption d'une loi est donc sans incidence sur le rythme de la prise des mesures d'application. Le Gouvernement ne semble pas s'astreindre à la célérité qu'il impose au Parlement. Ce recours, censé demeurer une exception selon la Constitution, pourrait se comprendre s'il répondait à une urgence avérée, mais il s'inscrit dans une tendance structurelle, aux conséquences dommageables. Comme l'a souligné la présidente de la commission des lois, Mme Muriel JOURDA « [le Gouvernement] persiste à nous contraindre à des délais d'examen excessivement resserrés qui ne sont pas réellement justifiés par l'urgence des circonstances, compromettant ainsi notre capacité à mener un travail d'analyse approfondi tel que garanti par le jeu de la navette parlementaire. » 61(*)

3. Une contraction importante du nombre des lois mises en application

On observe une répartition du degré de leur mise en application proche de celle des lois toutes confondues mais très éloignée de celle de la session précédente, comme en témoigne le graphique, ci-dessous62(*).

Répartition des lois selon leur statut d'application

Source : Cellule d'assistance au contrôle et de soutien au travail législatif
de la direction de la législation et du contrôle, d'après des données de la base APLEG

Le degré de mise en application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée tend à se dégrader par rapport à la session précédente, pour les raisons suivantes.

Le nombre des lois mises en application se contracte de 19 % à 10 %.63(*)

Plus de la moitié des lois adoptées en urgence (53 %) attendaient encore, au 31 mars 2025, des mesures d'application64(*), soit une augmentation de trois points par rapport à la session précédente.

15 % de ces lois65(*) n'ont fait l'objet d'aucune mesure d'application, décret comme arrêté, au 31 mars 2025. Leur nombre (six) a considérablement augmenté par rapport à la session précédente qui n'en comptait qu'une.

Quant aux lois partiellement applicables, on observe une dégradation de leur nombre passant de 46 % à 38 %66(*) du total des lois adoptées avec la procédure accélérée (Cf. graphique ci-dessus).

On constate également que leur répartition en fonction de leur taux d'application (Cf. graphique ci-après) est similaire à celle des lois toutes confondues.

Taux d'application des lois adoptées en urgence et partiellement mises en application pour la session 2023-2024

Source : Cellule d'assistance au contrôle et de soutien au travail législatif
de la direction de la législation et du contrôle, d'après les données de la base APLEG

4. Le cas particulier de la Loi de financement de la sécurité sociale : un bilan contrasté

Si la commission des finances bénéficie d'un taux d'application global supérieur au taux global moyen, la sous application des lois de la commission des affaires sociales concerne également la LFSS pour 2024. Son taux d'application ne s'élève qu'à 49 %, contre 58 % sur 2022-2023.

Ce taux historiquement bas comparé à ceux de 80 % enregistrés avant la pandémie, est difficilement explicable, eu égard à la nature même de l'exercice, à son champ très encadré et à ses conditions d'examen visant à une mise en oeuvre rapide.

Taux d'application par des lois adoptées en procédure accélérée pour 2023-2024

Source : Cellule d'assistance au contrôle et de soutien au travail législatif
de la direction de la législation et du contrôle, d'après les données de la base APLEG

Si les dispositions concernant les recettes sont mises en application rapidement, celles relatives aux dépenses ne donnent pas lieu au même empressement, avec des conséquences dommageables pour nos concitoyens. Ainsi, certains patients pourraient se trouver en rupture de traitement, en raison de l'absence d'entrée en vigueur du régime de prise en charge dérogatoire pour les médicaments en fin d'accès précoce67(*). Les textes d'application sont attendus depuis plus d'un an.


* 60 Présentation en commission des lois du bilan de l'application des lois le 14 mai 2025.

* 61 Cf. Présentation en commission des lois du bilan de l'application des lois le 14 mai 2025.

* 62 Les 40 lois adoptées après engagement de la procédure accélérée se répartissement de la façon suivante :

- 15 lois d'application directe

- 4 lois mises en application

- 6 lois non mises en application

- et 15 lois partiellement mises en application dont 7 lois au taux < 50 %, 6 lois au taux entre 50 % et 90 % et 2 lois au taux >90 %.

* 63 4 Lois

* 64 21 lois

* 65 6 lois.

* 66 15 lois

* 67 Cf. art. 76 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

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