N° 735
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires
économiques (1)
sur l'encadrement des
modalités de vente
des chiens et
chats,
Par Mme Anne CHAIN-LARCHÉ,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de :
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ;
MM. Alain Chatillon,
Daniel Gremillet, Mme Viviane
Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis,
Fabien Gay,
Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl,
M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent
Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi
Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ;
Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis
Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri
Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché,
MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin,
Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau,
Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot,
Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté,
MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla,
Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian,
MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione,
Jean-Claude
Tissot.
L'ESSENTIEL
Depuis le 1er janvier 2024 et l'entrée en vigueur de l'article 15 de la loi dite « maltraitance animale1(*) », il est interdit de vendre des chiens et chats - mais pas les autres espèces d'animaux - dans les animaleries. Pour autant, aux termes de l'article 18 de cette même loi, la vente en ligne d'animaux, y compris de chiens et chats, interdite par principe, est autorisée par dérogation en cas de respect de certaines conditions, pour certains établissements au nombre desquels figurent les animaleries de façon explicite - il ne s'agit donc ni d'une erreur, ni d'un oubli. Il en résulte que la vente de chiens et chats par les animaleries, pour autant qu'elle ait lieu en ligne, demeure autorisée, ce qui implique, du reste, que ces établissements continuent de détenir des animaux2(*). Tel est l'équilibre, complexe, issu de la commission mixte paritaire, aujourd'hui pointé du doigt par les associations de protection animale au motif notamment que la pratique du click and collect par les animaleries constituerait un contournement de la loi du 30 novembre 2021, contraire sinon à sa lettre, du moins à son esprit. Il est vrai que l'interdiction était motivée par des motifs pratiques - les achats impulsifs de chiots et chatons dans les animaleries conduiraient, quelques mois ou années plus tard, à des abandons - et philosophiques - les animaux ne seraient pas des « biens » comme les autres, et à ce titre ne devraient être commercialisés comme un quelconque article de commerce - qui, prima facie, ne semblent pas compatibles avec la poursuite de cette modalité de vente. Pour autant la rapporteure de cette loi pour la commission, Anne Chain-Larché, ne juge pas le commerce des animaux immoral et a toujours contesté l'accusation faite aux animaleries d'être le premier vecteur de l'abandon. Ainsi continue-t-elle de regretter l'interdiction de la vente en magasin et estime-t-elle, suivant une éthique de responsabilité, qu'adosser la vente en ligne à ce réseau connu et contrôlé par les services vétérinaires reste un moindre mal, comparé à la vente sur un site de petites annonces ou un réseau social. Consciente cependant que l'encadrement actuel de la vente de chiens et chats n'empêche pas le maintien voire le développement de certaines dérives, la rapporteure propose : Ø de réellement qualifier et quantifier le phénomène de l'abandon afin de mieux lutter contre ; Ø d'encadrer, contrôler et si besoin sanctionner les animaleries continuant la vente en ligne ; Ø de réguler d'autres modes de vente (salon, petite annonce) échappant encore aux contrôles. |
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nombre estimé de chiens et chats en France |
estimation haute des abandons d'animaux de compagnie par an, dont une majorité de chats |
nombre d'animaleries pratiquant le click and collect sur le total de ces établissements |
ventes en click and collect de chiens et de chats par des animaleries sur le total des ventes en France |
nombre de petites annonces de chiens et chats sur Leboncoin |
I. L'INTERDICTION DE LA VENTE DE CHIENS ET DE CHATS DANS LES ANIMALERIES : UNE MESURE DONT L'IMPACT SUR LE NOMBRE D'ABANDONS RESTE DIFFICILEMENT MESURABLE
Quatre ans après le vote de la loi « maltraitance animale », aucun élément statistique ne vient étayer de façon formelle une baisse du nombre d'abandons en lien avec la supposée diminution des achats d'impulsion qui serait liée à l'interdiction de la vente en animalerie, entrée en vigueur le 1er janvier 20243(*).
Lors de l'examen de la proposition de loi, les associations de protection animale communiquaient sur le nombre de 300 000 abandons par an, un nombre qui inclurait semble-t-il l'ensemble des animaux de compagnie et non les seuls chiens et chats. Mis en place en parallèle de l'adoption de la loi, l'observatoire de la protection des carnivores domestiques (Ocad), ne confirme ni n'infirme cela, et rappelle que 200 000 animaux par an sont pris en charge par les refuges et fourrières.
Pour autant, certains spécialistes vétérinaires entendus par la rapporteure ont pointé une communication intellectuellement « embarrassante » de la part d'associations, qui ferait fi de la diversité des motifs pouvant conduire à se séparer d'un animal de compagnie. En l'absence de définition légale et même de définition consensuelle selon I-Cad, la notion d'« abandon » ne recouvre que partiellement l'abandon à l'heure des vacances à la suite d'un achat d'impulsion mais inclut également des abandons liés à des circonstances de la vie (décès ou départ en maison de retraite d'un propriétaire, divorce, chatons issus d'une portée non désirée, problèmes comportementaux de chiens de type staff ou berger belge/malinois, à la mode).
84 % des animaux abandonnés ne sont pas identifiés (Ocad)
Alors qu'environ 50 % des chats et 90 % des chiens sont aujourd'hui identifiés, les flux entrée-sortie des animaux d'un foyer devraient pourtant pouvoir être fidèlement retracés par l'observatoire de la protection des carnivores domestiques (Ocad), ce qui permettrait au passage d'asseoir la décision politique sur des preuves.
Recommandation n° 1 : demander à l'Ocad d'affiner les statistiques pour mieux cerner le nombre réel d'abandons en France et pouvoir relier avec plus de rigueur chaque abandon à son mode d'acquisition. |
Comme les associations de protection animale l'ont reconnu, s'il est une mesure qui fait l'unanimité contre l'achat d'impulsion et donc l'abandon, c'est bien le délai de sept jours avant l'acquisition d'un animal de compagnie adossé au certificat d'engagement et de connaissance (CEC), introduit par la rapporteure Anne Chain-Larché au Sénat. En introduisant une prise de distance avec l'immédiateté et en forçant la réflexion, ce délai vise à responsabiliser les acheteurs et à leur faire prendre conscience des charges induites, sur plusieurs années, par la détention d'un animal.
Pour autant, il semblerait que ce certificat soit régulièrement antidaté, pour certaines modalités de vente, à l'exception des élevages, dans lesquels, compte tenu notamment des prix, l'usage consiste à réserver l'animal plusieurs jours avant de le récupérer. En outre, un recours formé devant le Conseil d'État par le Synapses (un syndicat d'animaleries) a abouti, en mars 2025, à ce que le délai de sept jours soit décompté depuis la délivrance du CEC et non sa signature.
La société centrale canine propose pour améliorer l'application de la loi de revoir les modalités de délivrance du certificat d'engagement et de connaissance (instruction technique - DGAL) pour qu'il ne puisse l'être que par voie informatique sur une plateforme centralisée empêchant de l'antidater.
Recommandation n° 2 : mettre en place une procédure informatique incontournable pour s'assurer du respect du délai de réflexion de 7 jours avant l'acquisition d'un animal, sur l'interface d'I-CAD. |
* 1 Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
* 2 Encore faut-il préciser que ces animaux détenus dans les animaleries ne peuvent être « visibles d'une voie ouverte à la circulation publique », en application de l'article 16 de cette même loi.
* 3 II de l'article L. 214-6-3 du CRPM, créé par l'art. 15 de la loi « maltraitance animale » : « La cession à titre onéreux ou gratuit de chats et de chiens est interdite dans les établissements de vente mentionnés au premier alinéa du I. »