N° 813

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juillet 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les unités d'élite
de la
gendarmerie et de la police nationales,

Par M. Bruno BELIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

M. Bruno Belin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurités », a présenté le mercredi 2 juillet 2025 les conclusions de son contrôle sur les unités d'élite de la gendarmerie et de la police nationales : le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), l'unité du RAID1(*) de la police nationale et la brigade de recherche et d'intervention de la préfecture de police (BRI-PP).

I. DES UNITÉS D'ÉLITE AUX MISSIONS COMPARABLES MAIS AYANT CHACUNE LEURS SPÉCIFICITÉS

A. L'ACCOMPLISSEMENT DE MISSIONS EXIGEANTES AU SERVICE D'UN CONTINUUM DE SÉCURITÉ

1. Des missions nombreuses et protéiformes

Les unités d'élite, qui doivent être distinguées des forces spéciales2(*), se voient confier quatre catégories de missions, qui apportent une contribution de très haut niveau à la lutte contre toutes les formes de criminalité ou de danger significatif portant sur l'ordre public, la population ou les personnes et intérêts essentiels :

- l'intervention spécialisée, définie comme la capacité à résoudre les situations les plus complexes et dangereuses (prises d'otages, forcenés armés, actes terroristes, etc.), par la négociation ou la force ; c'est ce type de missions qui a d'ailleurs justifié la création de ces unités, à la suite de la prise d'otages de Munich en 1972 ;

- le concours au travail des services de police judiciaire ; ces missions correspondent notamment aux interpellations difficiles, aux filatures et à l'observation ;

- la protection d'autorités (président de la République, postes diplomatiques, etc.), l'évacuation de ressortissants français à l'étranger, et le transfèrement de personnes présentant un fort degré de sensibilité, ainsi que la sécurisation d'évènements d'ampleur ;

- le rétablissement de l'ordre dans les situations très dégradées sur l'ensemble du territoire, y compris par exemple dans les établissements pénitentiaires.

2. Des unités d'élite intégrées dans un système de sécurité intérieure

Si les trois unités sont dites d'« élite », elles ne présentent un intérêt systémique qu'en ce qu'elles sont pleinement intégrées à un écosystème de forces de sécurité intérieure, dont elles ne représentent qu'une faible part en termes d'effectifs et d'activités.

Ces unités ont ainsi vocation à intervenir pour les missions les plus dangereuses, complexes ou sensibles. Elles sont, en outre, en capacité d'utiliser des techniques et des moyens spécifiques, notamment en termes d'armement. Elles constituent un « dernier recours » pour de nombreux services en charge de la sécurité, de la justice ou du renseignement.

B. DES SPÉCIFICITÉS PROPRES À CHAQUE UNITÉ

Si les unités partagent un champ missionnel largement commun, elles présentent aussi chacune leurs spécificités.

1. Un rattachement organique à des autorités distinctes et des statuts différents

En premier lieu, il convient de distinguer la BRI-PP et le RAID, composés d'effectifs de la police nationale, du GIGN, regroupant des effectifs de la gendarmerie nationale qui relèvent, par conséquent, du statut de militaire.

En second lieu, s'ajoute une différence tenant à l'autorité compétente pour chacune d'entre elles : le GIGN dépend du directeur général de la gendarmerie nationale, tandis que le directeur général de la police nationale a autorité sur le RAID et le préfet de police sur la BRI-PP.

2. Des équilibres variables dans le poids de chaque type de missions

La BRI-PP est la première des trois unités à avoir été mise en place, en 1964. Alors spécialisée dans la lutte contre un grand banditisme foisonnant, elle intègre en 1972, à la suite de la prise d'otage de Munich, une brigade anti-commandos et prend le surnom d'« antigang », à même d'intervenir en situations de crise (prises d'otages, attaques terroristes, etc.). Aujourd'hui encore, elle voit néanmoins une partie très substantielle de son activité relever de la police judiciaire, non seulement dans le cadre d'arrestations difficiles, mais également de filatures et de surveillances.

Le GIGN, créé en 1974, qui avait pour vocation initiale de répondre spécifiquement aux situations de crise, accomplit également des missions d'observation, de recherche et d'interpellations complexes, dans le cadre du concours à la police judiciaire, ainsi que de protection.

Enfin, le RAID, créé en 1985, qui visait initialement également à apporter une réponse aux situations de crise, procède par ailleurs notamment à des missions d'interpellations à risque et de protection. En revanche, l'investigation occupe jusqu'à présent une faible part de son activité.

3. Des effectifs de dimensions variables

Les trois unités d'élite présentent des dimensions très différentes en termes d'effectifs. Alors que le GIGN est composé d'environ 1 000 personnels, les effectifs du RAID en représentent environ la moitié, tandis que ceux de la BRI-PP sont un peu plus d'une centaine.

Effectifs du GIGN

Effectifs du RAID

Effectifs de la BRI-PP

 
 
 

Ces écarts d'effectifs s'expliquent principalement de trois manières : des différences dans le périmètre des zones de compétence, plus concentré pour la BRI-PP3(*) ; une augmentation progressive modérée du nombre des personnels chargés de l'intervention aux échelons centraux, qui demeurent néanmoins inférieurs à 100 personnels dans chaque force ; surtout, la tendance historique à l'intégration par le RAID et le GIGN, sous la forme d'antennes territoriales, de services initialement autonomes. Ce processus s'est en outre accompagnée de la création d'antennes ex nihilo4(*). L'intégration organique des antennes du GIGN au sein d'une entité unique en 2021 a ainsi conduit à faire passer les effectifs de 400 à environ 1 000 personnels.

II. UNE COUVERTURE DU TERRITOIRE COHÉRENTE ET UNE EFFICACITÉ PARTAGÉE DES TROIS UNITÉS

A. UNE COUVERTURE DU TERRITOIRE COHÉRENTE

1. Une couverture du territoire selon un système de zones de compétences...

L'action des unités d'élite répond à la compétence géographique des administrations dont elles relèvent :

- Le RAID est compétent sur le ressort de la zone relevant de la police nationale, schématiquement, les villes de taille significative ;

- Le GIGN est compétent en zone « gendarmerie », à savoir, globalement, les territoires ruraux, périurbains et les petites villes ;

- La BRI-PP est pour sa part en charge de la zone de compétence de la préfecture de police : Paris et les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Concrètement, pour ces trois derniers départements, un partage s'opère avec le RAID.

Le RAID et le GIGN disposant d'une compétence nationale, il n'est pas possible pour leurs unités centrales respectives, situées en région parisienne, de répondre très rapidement aux sollicitations provenant de l'ensemble du territoire. C'est la raison pour laquelle, dans un contexte marqué par les attentats terroristes de 2012 à 2016, des antennes territoriales au sein des deux unités ont été mises en place progressivement, y compris via l'intégration de services qui leur était initialement extérieurs. Ces antennes, qui se sont multipliées au fil des années, complètent l'action de l'échelon central.

Implantations de la BRI-PP, du GIGN et du RAID

Source : commission des finances, d'après une carte (modifiée) du ministère de l'Intérieur

2. ...qui connaît une certaine souplesse

La répartition du territoire en zones « police » et « gendarmerie » n'empêche pas une certaine agilité dans la mise en oeuvre des missions des unités d'élite.

En premier lieu, il est fait exception au principe de la répartition géographique des compétences en cas d'urgence absolue, conformément au schéma national d'intervention de 2016. Dans cette hypothèse, chacune des unités peut intervenir en premier, quelle que soit le territoire concerné, afin de permettre la résolution de la crise, ou a minima sa stabilisation.

En second lieu, des compétences spécifiques sont attribuées à certaines unités, afin de tirer profit d'expertises particulières. À titre d'illustration, le GIGN est dit « menant » pour les plans gouvernementaux sur la piraterie maritime, la piraterie aérienne, les centres nucléaires de production d'électricité et les emprises militaires, les autres unités pouvant être « concourantes ».

B. UNE EXPERTISE ET UNE EFFICACITÉ PARTAGÉES

La réalisation des missions confiées aux unités d'élite et leur fonction de « dernier recours » suppose la maîtrise complète de capacités rares, parmi lesquelles une préparation rapide à l'intervention, l'effraction, la négociation, la plongée, le parachutisme, la gestion du risque NRBC5(*), l'escalade, l'approche sous blindage, le soutien médical opérationnel, le tir et l'utilisation de capacités cynophiles.

Les résultats obtenus par ces unités sont salués par l'ensemble des acteurs concernés. Ils sont atteints grâce à un degré très élevé de sélectivité dans le recrutement, une formation complète, l'utilisation de matériels spécifiques et un engagement sans faille des effectifs.

Par ailleurs, la coexistence et l'articulation des compétences des unités d'élite font aujourd'hui l'objet de peu d'inquiétudes. Le changement de contexte sécuritaire et la volonté des chefs d'unité de coopérer de façon volontariste a permis de renforcer leur complémentarité. Si chaque unité est fière de porter son écusson, leur coexistence est source d'une saine émulation entre les effectifs de chacune d'entre elles, qui partagent les succès et drames des autres.

III. FACE À UNE HAUSSE DU NIVEAU D'ACTIVITÉ, UNE PROGRESSION DES MOYENS QUI NE RÉPOND PAS À L'ENSEMBLE DES BESOINS

A. DANS UN CONTEXTE DE HAUSSE DU NIVEAU D'ACTIVITÉ ...

Au cours de la dernière décennie, les unités d'élite ont connu une hausse de leur engagement se matérialisant, quantitativement, par une augmentation de leur niveau d'activité et, qualitativement, par le durcissement des menaces auxquelles elles ont vocation à répondre.

Le RAID a ainsi connu entre 2019 et 2024 une hausse de son activité de 43 %6(*), le nombre d'interpellations à domicile ayant par exemple augmenté de plus de 90 % (passant de 390 à 755).

De même, l'engagement du GIGN a significativement augmenté sur la période, notamment les missions de protection (+ 285 %), d'interpellation (+ 332 %), et d'intervention (+ 28 %).

Pour le GIGN et le RAID, les missions d'interpellations difficiles et de protection sont nettement majoritaires, l'intervention étant en réalité plus épisodique.

La BRI-PP connaît, quant à elle, une relative stabilité de son activité sur les 5 dernières années, tant s'agissant de l'activité judiciaire (40 dossiers traités par an en moyenne et 200 interpellations) que des interventions (entre 10 et 15 par an, mais 26 en 2024).

En 2024, les unités d'élite ont tout particulièrement contribué au succès des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et au rétablissement de l'ordre en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.

B. ...DES MOYENS QUI ONT PROGRESSÉ...

Au total, le budget total exécuté, hors CAS « Pensions », pour l'ensemble des trois unités d'élite, s'établit à un peu plus de 140 millions d'euros en crédits de paiement en 2024, soit un peu plus de 0,5 % des dépenses de la mission « Sécurités » exécutées la même année. En incluant la contribution au CAS « Pensions », les dépenses s'établissent à 200 millions d'euros.

Budget exécuté du GIGN
en 2024 (hors CAS « Pensions »)

Budget exécuté du RAID
en 2024 (hors CAS « Pensions »)

Budget exécuté de la BRI-PP
en 2024 (hors CAS « Pensions »)

 

 
 

Sur les dernières années, les dépenses totales des différences unités ont eu tendance à augmenter. Cette tendance résulte néanmoins largement de la hausse des effectifs liée essentiellement à des évolutions périmétriques du RAID et a fortiori du GIGN7(*), à un niveau d'activité en augmentation, à une progression du coût et de la rapidité de l'obsolescence des matériels, à la multiplication et au durcissement des menaces, ainsi qu'à la préparation des JOP de 2024.

C. ...SANS RÉPONDRE TOUTEFOIS À TOUS LES BESOINS, MÊME ESSENTIELS

Malgré des moyens nettement supérieurs aux services traditionnels de gendarmerie et de police, les unités d'élite ne sont aujourd'hui pas en capacité de faire face à l'ensemble de leurs besoins, pour certains essentiels.

Si des stratégies d'adaptation sont utilement mises en oeuvre, il apparaît nécessaire de répondre rapidement à certains enjeux :

- la dotation en véhicules apparaît aujourd'hui insuffisamment adaptée, notamment des points de vue de leur nombre, de leur type, de leur âge moyen et de leur kilométrage ;

- face à la hausse du niveau d'activités, une forte tension sur les effectifs est constatée dans de nombreuses implantations du RAID et du GIGN, en particulier dans leurs antennes territoriales, au détriment des capacités opérationnelles et du temps de repos des personnels ;

- le RAID et la BRI-PP peinent aujourd'hui, pour des raisons tenant notamment aux modalités de passation de marchés publics spécifiques à leurs besoins de « niche », à accéder à certains matériels pourtant essentiels, à l'image de protections balistiques. Cette situation doit être résolue rapidement, par exemple en mettant en place une cellule de commande publique au niveau des deux forces ;

- enfin, les unités d'élite n'échappent pas aux difficultés immobilières dont souffrent les forces de la police et de la gendarmerie nationales en général. Certains locaux apparaissent ainsi inadaptés, exigus, ou en mauvais état.

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Recommandation n° 1 : Dans les territoires ultramarins dans lesquels le GIGN et le RAID ne disposent pas d'antenne, assurer les conditions - notamment logistiques - d'une projection de personnels et de matériels de ces unités depuis d'autres implantations (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale et direction générale de la police nationale)

Recommandation n° 2 : Dans une perspective d'efficience budgétaire, renforcer le recours aux réservistes au sein des trois unités, notamment s'agissant de prestations spécialisées (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police)

Recommandation n° 3 : En raison de la très forte spécificité des véhicules utilisés par les unités d'élite, envisager de faire exception à l'application du malus écologique pour leurs véhicules opérationnels (Gouvernement)

Recommandation n° 4 : Afin d'optimiser l'utilisation des ressources et dans une logique d'efficience opérationnelle, mobiliser des véhicules adaptés et moins onéreux à l'occasion des missions de maintien de l'ordre (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police)

Recommandation n° 5 : Garantir un niveau d'effectifs suffisant dans les antennes territoriales du RAID et du GIGN pour bénéficier d'effets de seuil et réduire le coût budgétaire de l'envoi régulier de renforts (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale et direction générale de la police nationale)

Recommandation n° 6 : Accélérer et simplifier les procédures de passation des marchés publics de fourniture de matériels spécifiques des unités du RAID et de la BRI-PP (ministère de l'Intérieur, direction générale de la police nationale, préfecture de police)

Recommandation n° 7 : Déployer un niveau d'investissement suffisant en faveur de l'immobilier des unités d'élite et lancer le projet immobilier couvrant l'échelon central du GIGN à Versailles (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale)

« J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre. »

Nelson Mandela8(*)

PREMIÈRE PARTIE :
DES UNITÉS D'ÉLITE COMPLÉMENTAIRES
ASSURANT EFFICACEMENT L'EXERCICE
D'UN LARGE SPECTRE DE MISSIONS

Le ministère de l'Intérieur, dispose depuis plusieurs décennies, de trois unités dites communément d'« élite » ou, officiellement, d'« intervention spécialisée » (UIS). Il s'agit du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (« GIGN »), du « RAID »9(*) et de la Brigade de recherche et d'intervention de la préfecture de police de Paris (« BRI-PP »).

Insérées dans un continuum de sécurité, elles assurent efficacement et de façon complémentaire l'exercice de leurs nombreuses missions sur l'ensemble du territoire10(*), ainsi qu'à l'étranger. Elles doivent être distinguées des forces spéciales rattachées au ministère des armées et essentiellement destinées à mener des opérations dans le cadre de conflits11(*), aujourd'hui à l'étranger.

I. DES UNITÉS AUX MISSIONS NOMBREUSES ET COUVRANT L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE, EN DÉPIT D'EFFECTIFS DEMEURANT MODESTES

Les missions des trois unités d'élite sont multiples et vont bien au-delà de l'intervention spécialisée. Collectivement, elles couvrent l'intégralité du territoire, sur la base d'effectifs variables, dont la croissance globale résulte principalement de la mise en place d'antennes territoriales et de l'intégration de services initialement extérieurs à ces unités.

A. DES MISSIONS NOMBREUSES ET PROTÉIFORMES AU SERVICE D'UN CONTINUUM DE SÉCURITÉ

Les unités d'élite se voient confier des missions nombreuses et variées, les intégrant dans un système global de sécurité intérieure.

1. Des missions d'intervention spécialisée, de concours à la police judiciaire, de protection et de rétablissement de l'ordre public

Si un large éventail de missions est confié aux trois unités, celles-ci peuvent être regroupées en quatre catégories principales, en dépit d'un poids variable en fonction des unités12(*) :

- l'intervention spécialisée, définie comme la capacité à résoudre les situations les plus complexes et dangereuses ;

- le concours au travail des services de police judiciaire, à savoir ceux compétents - principalement au sein de la police et de la gendarmerie nationales - pour constater les infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs13(*) ;

la protection, l'évacuation et le transfèrement de personnes présentant un fort degré de sensibilité, ainsi que la sécurisation d'évènements d'ampleur ;

le rétablissement - voire le maintien - de l'ordre dans les situations très dégradées.

Au total, ces unités apportent une contribution de très haut niveau à la lutte contre toutes les formes de criminalité ou de danger significatif portant sur l'ordre public, la population ou encore les personnes ou intérêts essentiels. Par ailleurs, elles concourent à la formation des services des forces de sécurité intérieure.

a) Les missions d'intervention spécialisée

Les missions d'intervention spécialisée consistent à répondre à des troubles graves à l'ordre public présentant un niveau de complexité et de gravité élevé et nécessitant l'utilisation de techniques et de moyens spécialisés. Il peut en aller ainsi notamment des prises d'otage, des forcenés armés et des actions terroristes, qu'elles soient résolues par la négociation ou, si nécessaire, par l'intervention.

Ces missions, dont la réalisation est parfois spectaculaire, ont fortement contribué à la notoriété de ces unités, à l'image de l'intervention du GIGN à l'aéroport de Marignane lors de la prise d'otage d'un avion de la compagnie Air France en 1994, et celle du RAID et de la BRI-PP à l'occasion des attentats du 13 novembre 2015.

Surtout, la transformation de la BRI-PP (en 1972) et la création du GIGN (en 1974) et du RAID (en 1985)14(*) ont largement résulté d'une volonté d'être en capacité de répondre efficacement à des situations de crise. Le revers de la résolution de la prise d'otages intervenue à l'occasion des jeux Olympiques de 1972 à Munich a joué, de ce point de vue, un rôle de déclencheur.

La prise d'otages lors des jeux Olympiques de Munich

Début septembre 1972, des terroristes de l'organisation palestinienne « Septembre noir » prennent en otage la délégation israélienne dans le cadre des jeux Olympique organisés à Munich. Ils exigent notamment la libération de militants palestiniens détenus en Israël. 11 athlètes et encadrants de la délégation olympique israélienne, 1 policier et 5 terroristes décèdent à cette occasion.

Les importants écueils ayant marqué l'intervention des forces de l'ordre, dans un contexte plus général de multiplication des prises d'otage et des attentats (bande à Baader, brigades rouges, etc.), ont souligné la nécessité de disposer d'unités spécialisées pour résoudre ces crises, qui ne soient ni les forces de sécurité intérieure traditionnelles, ni les forces armées.

Source : commission des finances

b) Le concours matériel au travail des services de police judiciaire, voire de police administrative

Les trois unités assurent un nombre important de missions au profit des services de police judiciaire.

En premier lieu, ils procèdent à des interpellations jugées dangereuses, complexes et/ou sensibles en raison des personnes concernées ou de leurs modalités, à l'image de certaines arrestations programmées et réalisées sur des véhicules en mouvement sur la voie publique.

En deuxième lieu, s'y ajoutent, surtout pour la BRI-PP et le GIGN15(*), des missions relevant de l'investigation et consistant dans l'observation et la surveillance de personnes recherchées ; elles recouvrent notamment la réalisation de filatures et peuvent emporter l'utilisation de techniques spéciales d'écoute et de traçage.

Il convient de noter que ces missions et moyens peuvent également être mises au profit de la police dite « administrative »16(*), notamment dans le cadre de la prévention des actes de terrorisme.

c) Les missions de protection et de sécurisation

Les trois unités d'élite sont chargées d'assurer des missions de protection, d'évacuation ou d'escorte de personnes présentant un fort degré de sensibilité.

Tout d'abord, elles ont la charge, de manière institutionnalisée ou dans le cadre de missions ponctuelles, de la protection d'autorités françaises essentielles. Une quarantaine des effectifs du GIGN est ainsi affectée à temps complet au sein du groupe de sécurité de la présidence de la République17(*). En outre, les trois unités sont régulièrement chargées de protéger différentes personnalités, françaises (Président de la République en complément du GSPR, Premier ministre, ministres, magistrats, etc.) ou étrangères (en particulier à l'occasion de visites). Enfin, le GIGN et le RAID assurent la sécurité des ambassadeurs et des postes diplomatiques dans les pays dans lesquels ils sont exposés à de forts risques de violence.

La protection par le GIGN et le RAID des ambassadeurs
et des postes diplomatiques exposés à des risques significatifs de violence

La sécurité des postes diplomatiques est, en vertu d'un décret de 200618(*), assurée par les services de sécurité intérieure qui leur sont rattachés et qui sont dirigés par l'attaché de sécurité intérieure, placé sous l'autorité de l'ambassadeur. L'attaché peut appartenir à la police ou à la gendarmerie nationale ; il dirige l'ensemble des personnels placés sous son autorité, qu'ils soient policiers ou gendarmes.

En fonction de l'intensité du risque de sécurité auquel sont exposées les missions diplomatiques et l'ambassadeur, une mobilisation de membres du GIGN ou du RAID au sein de ces services est possible, pour tout ou partie19(*).

À ce jour, le GIGN assure la sécurité de postes diplomatiques dans 9 pays (dans trois villes en Irak, au Pakistan, en Ukraine, en Libye, au Tchad, en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso et en Haïti), mobilisant 48 opérateurs. Le RAID est quant à lui présent dans deux postes diplomatiques, en Syrie (8 opérateurs) et au Liban (4 et bientôt 8 opérateurs).

Ces personnels peuvent également être amenés, le cas échéant, à organiser l'évacuation du personnel diplomatique, comme ce fut le cas pour le GIGN en Ukraine en 2022.

Source : commission des finances

Par ailleurs, ces unités ont également vocation à contribuer à l'évacuation de ressortissants français situés à l'étranger dans des contextes de crise. En 2021, le RAID a ainsi joué un rôle central dans leur évacuation d'Afghanistan, en dépit d'un niveau de danger considérable.

En outre, les unités d'élite sont régulièrement sollicitées pour assurer le transfèrement de criminels particulièrement dangereux, depuis l'étranger ou en France (notamment pour leur transfert des prisons aux tribunaux).

Enfin, ces unités peuvent se voir confier des missions consistant à sécuriser des évènements de nature à générer des enjeux de sécurité importants pour la population ou un groupe de personnes (Coupe du monde de rugby de 2023, jeux Olympiques et Paralympiques - JOP - de 2024, procès des attentats du 13 novembre 2015 en 2021 et 2022), ou des autorités (80e anniversaire du débarquement en 2024, conférence des Nations Unies sur l'Océan organisé à Nice en juin 2025 - UNOC -, etc.)

d) Le rétablissement - voire le maintien - de l'ordre en situation dégradée

La mission de rétablissement de l'ordre public dans des situations très dégradées, notamment dans des contextes d'émeutes, y compris dans les prisons, de manifestations violentes ou de guérilla urbaine est régulièrement confiée aux unités d'élite. Lors de l'accomplissement de ces missions, ces unités coopèrent de façon très approfondie avec d'autres services de la police et de la gendarmerie nationales. Le GIGN et le RAID sont ainsi intervenues très récemment en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.

Face à certains troubles à l'ordre public ne présentant pas la gravité de ceux constatés par exemple en Nouvelle-Calédonie mais caractérisés notamment par leur grande ampleur, les trois unités d'élite peuvent également participer au maintien de l'ordre. Elles ont ainsi été mobilisées à la suite des émeutes consécutives à la mort de Nahel Merzouk, en juin et juillet 2023. De telles missions, nécessitent de mener une réflexion sur les équipements utilisés à cet effet20(*).

2. Des unités d'élite intégrées dans un système de sécurité intérieure

Si les trois unités sont dites d' « élite », elles ne présentent un intérêt systémique qu'en ce qu'elles sont pleinement intégrées à un écosystème de forces de sécurité intérieure, dont elles ne représentent qu'une faible part en termes d'effectifs et d'activités.

Les trois unités ont ainsi vocation à intervenir pour les cas les plus dangereux, complexes, techniques et sensibles21(*), quel que soit le type de missions concernées (intervention, concours à la police judiciaire, protection et maintien de l'ordre). Elles ont, en outre, la particularité de pouvoir mobiliser des techniques (d'effraction, d'écoute, de traçage, etc.) et moyens spécifiques, notamment en termes d'armes. Elles constituent ainsi une forme d'ultima ratio22(*) au sein des forces de sécurité intérieure, la tête d'une pyramide en trois étages, dont la formalisation est la plus forte s'agissant de l'intervention, conformément au schéma national d'intervention (SNI) de 2016.

Le schéma national d'intervention (SNI)

Le SNI a été conçu à la suite des attentats du 13 novembre 2015 et présenté en avril 2016. Il vise à améliorer la qualité de la réponse des forces de l'ordre aux situations de crises de nature terroriste.

Il s'articule autour de trois idées principales : une meilleure couverture du territoire, une optimisation des moyens et une réduction des délais d'intervention, pour limiter le nombre de victimes. Il organise les unités d'intervention selon différents niveaux capacitaires :

l'intervention élémentaire, rôle dévolu à tous les policiers et gendarmes ;

l'intervention intermédiaire, qui correspond en principe à la première intervention (« primo-intervention »), dans les meilleurs délais. Pour la police nationale, ce niveau correspond principalement aux brigades anti-criminalité (BAC), aux brigades de recherche et d'intervention (BRI23(*)), aux compagnies départementales d'intervention (CDI) et de sécurisation et d'intervention (CSI) et aux sections de protection et d'intervention de 4e génération des CRS24(*) (SPI4G). Pour la gendarmerie, sont notamment concernés les pelotons de surveillance et d'intervention (PSIG), les pelotons d'intervention (PI) de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine et les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) ;

l'intervention spécialisée, qui survient après la primo-intervention, et est assurée par les trois unités d'élite.

La répartition géographique des unités d'intervention intermédiaire et spécialisée répond, tout en maillant le territoire, à la nécessité de couvrir les zones où le risque est le plus élevé, afin d'intervenir dans les délais les plus réduits.

Le SNI pose, par ailleurs, le principe « menant-concourant » des unités d'intervention. Est « menante » l'unité qui intervient dans sa zone de responsabilité habituelle ou au titre d'une compétence particulière en matière de contre-terrorisme25(*). Par exception à ces principes, le SNI instaure une procédure d'urgence absolue (PUA) prévoyant, en cas de crise majeure ou de crise multiple, la suspension ponctuelle des critères de compétence26(*) au bénéfice de la proximité et de la disponibilité immédiate des unités.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Une telle organisation permet d'utiliser rationnellement les différentes ressources de la police et de la gendarmerie nationales, en évitant deux écueils : surcharger ou sous-utiliser les unités d'élite.

Elle est mise en oeuvre dans un esprit de complémentarité des différents niveaux de force, la complexité de la réalité, qui ne peut être aisément répartie en trois niveaux étanches, empêchant un fonctionnement en silos. Il est ainsi fréquent qu'une même mission, par exemple de nature de police judiciaire, soit confiée pour certaines tâches à une unité d'élite (par exemple l'arrestation dans un véhicule en marche), tandis que d'autres volets (notamment l'observation préalable) sont confiés à des services de niveau intermédiaire. De même, s'agissant des missions d'intervention, il est usuel que lors de son arrivée sur les lieux de la zone de crise, l'unité d'élite relève les effectifs des primo-intervenants et sollicite les unités locales de premier ou deuxième niveau pour assurer des missions de soutien ou de protection périmétrique.

En outre, l'intégration des unités d'élite dans un continuum de sécurité se matérialise dans le rôle rassurant que leur mobilisation permet auprès des forces de sécurité de niveau inférieur. Il est ainsi fréquent que leur présence favorise le fonctionnement optimal de l'ensemble des forces impliquées, non seulement d'un point de vue matériel et opérationnel mais également du point de vue de la dimension psychologique, dont l'importance ne doit pas être sous-estimée pour la bonne réalisation des missions dans les contextes dégradés. Récemment, la mobilisation du RAID et du GIGN dans les outre-mer, et notamment en Nouvelle-Calédonie, en a été un exemple flagrant.

Enfin, l'intégration des unités d'élite dans un système de sécurité global se traduit également par le rôle de formation dévolu à ces unités au profit des autres services des forces de l'ordre, notamment en matière d'intervention ou de formation au tir. Ces unités procèdent aussi à des études et essais techniques de matériels susceptibles de bénéficier à toutes les forces et mettent régulièrement à leur disposition certains matériels spécialisés.

3. Des missions réalisées pour le compte et en partenariat avec de nombreux acteurs de la sécurité

Les missions des trois unités d'élite sont réalisées au bénéfice ou en partenariat avec de nombreux services relevant de différents ministères.

Au sein du ministère de l'Intérieur, les trois unités ont vocation à répondre notamment aux sollicitations des services de la police et de la gendarmerie nationales, mais également d'autres acteurs, parmi lesquels la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dans ses missions de police judiciaire.

Ces unités apportent également leur concours au ministère de la Justice, à l'occasion notamment du rétablissement de l'ordre en cas d'émeute dans les établissements pénitentiaires, de l'escorte lors des transfèrements, ou encore de la protection de magistrats mis en danger et de la sécurisation de procès sensibles.

Elles collaborent également avec les services de la communauté du renseignement, pour mettre en oeuvre des mesures concrètes (arrestations, filature, écoutes, etc.), en particulier le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) relevant du Premier ministre, la DGSI (dans sa fonction de service de renseignement), la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) du ministère des armées, et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Dans leur fonction de protection, elles collaborent également avec les services de la présidence de la République, du Premier ministre et des différents ministères, ainsi qu'avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'agissant de la sécurisation des postes diplomatiques et l'évacuation des ressortissants français en situation de crise.

B. UNE COUVERTURE DU TERRITOIRE ÉQUILIBRÉE, SELON UN SYSTÈME DE ZONES DE COMPÉTENCES

Sauf pour certaines missions spécifiques27(*), les trois unités d'élite voient leurs compétences réparties par zones géographiques, sans exclure une certaine flexibilité, y compris en cas d'urgence absolue.

1. Une répartition du territoire national par zones de compétences

L'action des trois unités d'élites répond, par principe, à la compétence géographique des administrations dont elles relèvent. Le RAID est ainsi compétent sur le ressort de la zone relevant de la police nationale28(*) (schématiquement, les villes de taille significative) et le GIGN en « zone gendarmerie » (schématiquement, les territoires ruraux, périurbains et les petites villes). La BRI-PP est, quant à elle, en charge de la zone de compétence de la préfecture de police, à savoir Paris et les trois départements de la petite couronne : les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne29(*). Concrètement, pour ces trois derniers départements, un partage s'opère néanmoins entre le RAID et la BRI-PP, en fonction des instructions du préfet de police.

a) Une compétence de la BRI-PP géographiquement concentrée

La compétence géographique de la BRI-PP est la plus concentrée parmi les trois unités, couvrant quatre départements.

Néanmoins, d'une part, les limites extérieures de cette zone ne sont pas absolues, l'exécution des missions de police judiciaire, en particulier celles débutées dans les quatre départements précités, pouvant impliquer la poursuite des actions à l'extérieure de cette zone, en région parisienne, voire au-delà. D'autre part, le territoire de compétence de la BRI-PP connaît une grande densité de population et d'enjeux en termes de police judiciaire et d'intervention.

La capacité de réaction de la BRI-PP est garantie non seulement par l'implantation géographique de ses locaux historiques, situés au 36, quai des Orfèvres à Paris, et par le fait que les personnels opérationnels qui la composent emportent à leur domicile, lorsqu'ils sont d'alerte, le matériel nécessaire pour une éventuelle intervention à proximité. Cette modalité d'organisation, qui ne se retrouve pas en général dans les autres unités, permet, en cas d'urgence, une couverture large de la zone de compétence par les premiers intervenants, avant qu'ils ne soient rejoints par les effectifs venant du siège.

b) Une compétence nationale du RAID et du GIGN, qui s'appuient chacun sur une unité centrale et des antennes, dont le nombre s'est accru

À la différence de la BRI-PP, le RAID et le GIGN disposent d'une compétence nationale. Or, en dépit d'une organisation efficiente de moyens de mobilité rapides, il n'est pas possible pour leurs unités centrales respectives situées en région parisienne (à Versailles pour le GIGN et à Bièvres pour le RAID) de répondre très rapidement aux sollicitations provenant de l'ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer.

C'est la raison qui a présidé, dans un contexte marqué par les attentats terroristes de 2012 à 2016 qui ont frappé plusieurs régions, à la mise en place et à la multiplication progressives des antennes au sein des deux unités, y compris via l'intégration de services qui leur était initialement extérieurs. Ces antennes relèvent aujourd'hui de leur commandement à l'échelon central dans chacune des deux forces. Elles complètent l'action nationale de ce dernier.

La mise en place progressive d'antennes du GIGN et du RAID,
pleinement intégrées au sein des deux unités

Au sein du RAID, le déploiement progressif du réseau d'antennes résulte d'un mouvement initié en 2015. À l'intégration des sept groupes métropolitains d'intervention de la police nationale (GIPN)30(*) en 2015, a succédé la création en 2016 des antennes de Montpellier, Toulouse et Nancy (2017), puis l'intégration des GIPN de Nouvelle-Calédonie (2018), de Guadeloupe et de La Réunion (2019), avant la création des antennes en Martinique (2022), en Guyane et à Mayotte (2023).

Selon une logique similaire, les antennes du GIGN (AGIGN) ont été créées à compter de 2016. Matériellement, elles ont remplacé, sur le territoire métropolitain, les pelotons d'intervention de deuxième génération (PI2G), lesquels avaient été créés progressivement à compter de 2006, à Toulouse (2006), Orange (2008), Dijon (2012), Reims, Tour et Nantes (2015). A ensuite été créée en 2021 une antenne à Caen. Dans les territoires ultramarins, les AGIGN ont remplacé les groupes de pelotons d'intervention (GPI) en 2016 ; elles sont implantées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, en Guadeloupe, en Martine, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte. En 2024, trois antennes techniques (situées à Bordeaux, Marseille et Maisons-Alfort), dédiées à l'acquisition technique des preuves judiciaires et du renseignement, ont en outre été intégrées au GIGN.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial.

Aujourd'hui, le GIGN dispose d'une unité centrale et de 14 antennes opérationnelles (dont 7 en métropole et 7 dans les outre-mer), auxquelles s'ajoutent 3 antennes dites « techniques ». Le RAID est quant à lui composé d'une unité centrale et de 16 antennes (dont 10 en métropole et 6 dans les outre-mer) sur lesquelles le chef du RAID a autorité. Un échelon zonal « sud » basé à Marseille coordonne l'action des antennes de Marseille, Montpellier, Nice et Toulouse ; il dispose de moyens de gestion de crise complémentaires à la dotation classique des antennes.

Implantations de la BRI-PP, du GIGN et du RAID

Source : commission des finances, d'après une carte (modifiée) du ministère de l'Intérieur.

Aujourd'hui, les effectifs des antennes du RAID et du GIGN sont plus nombreux que ceux de l'unité centrale. Pour le RAID, la proportion est d'environ 60 %, tandis qu'elle s'établit à environ 52 % pour le GIGN. La taille des antennes est variable, s'étendant pour le RAID d'environ 5 (à Mayotte) à 27 personnels (à Marseille)31(*) et pour le GIGN de 24 (à Mayotte) à 46 personnels (à Cayenne). À l'antenne du GIGN de Tours, sur les 38 personnels affectés, 20 sont des personnels chargés de l'intervention et de la police judiciaire, 17 de la protection, tandis qu'une personne assure le soutien.

Répartition géographique des effectifs du RAID au 31 mars 2025

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Il convient de noter une différence dans la nature des missions confiées aux antennes du RAID et du GIGN. En effet, alors que la technicité des personnels du RAID est équivalente et leurs missions largement identiques, qu'ils soient affectés à l'échelon central ou dans les antennes32(*), il n'en va pas de même pour le GIGN. Au sein de cette dernière unité, les missions les plus complexes sont en principe confiées à l'échelon central, les antennes prenant en charge celles présentant un degré de complexité ou de gravité un peu moindre.

Répartition géographique des effectifs du GIGN au 31 mai 2025

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

2. Une couverture du territoire globalement équilibrée et qui connaît une certaine flexibilité

Il résulte du cumul de la capacité de projection de l'unité centrale, y compris par hélicoptère33(*), et de l'accroissement du nombre d'antennes une couverture globalement satisfaisante du territoire, y compris dans les outre-mer.

a) Une couverture du territoire globalement équilibrée...

Sur le territoire métropolitain, en cohérence avec les caractéristiques de la zone « police »34(*), le RAID dispose d'une implantation dans ou à proximité de dix des onze villes françaises les plus peuplées35(*), seule Nantes faisant exception.

Carte des zones de compétences des implantations métropolitaines du RAID

Source : RAID.

S'agissant du GIGN, il est pour sa part implanté dans ou à proximité de villes de taille moyenne, à l'exception des antennes de Toulouse et de Nantes, conformément à un maillage territorial lui permettant de rejoindre rapidement les zones périurbaines ou rurales à proximité.

Seules deux régions géographiques connaissent une couverture en apparence limitée : le centre de la France et la Corse. Comme l'ont révélé les travaux du rapporteur spécial, l'absence d'implantation au centre du territoire s'explique par un nombre de missions associées relativement limité36(*). Par ailleurs, il est préféré, pour ce qui concerne la Corse, une intervention ponctuelle des échelons centraux du GIGN et du RAID.

En sens inverse, les départements de la petite couronne parisienne connaissent un cumul potentiel de compétences de la BRI-PP et du RAID, dont l'actualisation des modalités précises de répartition font actuellement l'objet de discussions entre le préfet de police et le directeur général de la police nationale, pour ce qui concerne certains types de missions. Conformément à l'état d'esprit constaté auprès des personnes auditionnées, le rapporteur spécial considère que les décisions prises en la matière ne devront avoir pour seul guide que l'intérêt du citoyen, qui doit s'interpréter en particulier par le prisme du temps d'intervention utile.

Dans les outre-mer, le RAID dispose de six antennes en Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, tandis que le GIGN, présent dans les mêmes territoires, est également implanté en Polynésie française.

Seuls Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, et Wallis-et-Futuna ne disposent d'antenne d'aucune des deux forces, en raison d'un besoin plus limité. Le rapporteur spécial considère néanmoins qu'il convient, à défaut, de s'assurer de la capacité à réagir rapidement dans l'ensemble de ces territoires, en y maintenant des capacités d'accueil suffisants, notamment du point de vue des infrastructures, pour l'arrivée éventuelle de personnels de ces unités.

Recommandation n° 1 : Dans les territoires ultramarins dans lesquels le GIGN et le RAID ne disposent pas d'antenne, assurer les conditions - notamment logistiques - d'une projection de personnels et de matériels de ces unités depuis d'autres implantations (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale et direction générale de la police nationale)

b) ...et qui connaît une certaine souplesse

La répartition du territoire en zone « police » et en zone « gendarmerie » et l'implantation fixe d'unités centrales et d'antennes du RAID et du GIGN pourraient faire craindre une forme de rigidité. En réalité, une certaine agilité doit être soulignée, a fortiori en cas d'urgence absolue.

En premier lieu, l'intégration des unités du RAID et du GIGN au sein d'un commandement central unique dans chacune des deux forces permet la centralisation et la répartition des demandes par un état-major répartissant les missions aux différentes structures, que ce soit l'unité centrale ou les antennes. Si la proximité géographique constitue un élément structurant dans les choix opérés, les antennes conservent une compétence nationale les amenant à intervenir au-delà de leur zone de compétence, dans des territoires parfois éloignés, notamment lorsque l'antenne la plus proche est mobilisée sur d'autres missions. En outre, l'activité de certaines antennes du GIGN est ponctuellement interrompue afin de mobiliser les personnels concernés pour des missions spécifiques, à l'image de la sécurisation du procès des attentats du 13 novembre, assurée notamment par les effectifs de l'antenne de Tours.

En deuxième lieu, il est fait exception au principe de la répartition des compétences par zone en cas d'urgence absolue, conformément au schéma national d'intervention de 201637(*). Dans cette hypothèse, chacune des unités peut intervenir en premier, quelle que soit le territoire concerné, afin de permettre la résolution de la crise, ou a minima sa stabilisation. Une fois l'unité compétente arrivée sur les lieux, cette dernière reprend la direction des opérations, la première unité intervenue apportant alors, si besoin, son concours selon une articulation unité menante/unité concourante. Par ailleurs, il est prévu qu'à la demande du directeur général de la police nationale, la BRI-PP peut être appelée à intervenir sur l'ensemble du territoire national, sur décision du préfet de police38(*).

En dernier lieu, la capacité de coordination des unités d'élite en cas de crise majeure est renforcée institutionnellement pour ce qui concerne la BRI-PP et le RAID. En effet, dans cette hypothèse, les deux unités policières peuvent être regroupées opérationnellement au sein de la force d'intervention de la police nationale (FIPN), dont le statut administratif a été créé en 2009.

La force d'intervention de la police nationale (FIPN)

Le statut de la FIPN a été créé par une instruction ministérielle de 2009 et précisé par un arrêté de 201139(*), dans le but de créer les conditions d'une coordination efficace des actions des forces de la BRI-PP et du RAID en cas de crise majeure. La FIPN est, du point de vue administratif, permanente et comprend les deux unités, qui conservent néanmoins leur rattachement organique.

Du point de vue opérationnel, elle n'est constituée qu'en cas de besoin, sur décision du DGPN et avec l'accord du préfet de police ; c'est alors le chef du RAID qui assure la coordination opérationnelle des unités40(*).

Source : commission des finances

La FIPN fut activée opérationnellement à une seule reprise, à l'occasion de l'intervention du RAID et de la BRI-PP lors de la prise d'otages de la Porte de Vincennes dans le magasin « Hyper Casher », en janvier 2015. Cette intervention avait au demeurant été assurée en coordination avec le GIGN, intervenant pour sa part contre des terroristes retranchés dans une imprimerie de Seine-et-Marne. La FIPN ne fut en revanche pas activée lors de l'intervention commune de la BRI-PP et du RAID à l'occasion des attentats du 13 novembre 2015, notamment lors des assauts conjoints dans la salle de spectacle du Bataclan et de Saint-Denis ; un travail de coordination avait toutefois été réalisé entre la BRI-PP et le RAID.

C. DES UNITÉS AUX EFFECTIFS VARIABLES, DONT LA CROISSANCE A PRINCIPALEMENT RÉSULTÉ DE L'INTÉGRATION DE DIFFÉRENTS SERVICES ET DE LA CRÉATION D'ANTENNES

Les trois unités d'élite présentent des dimensions très différentes en termes d'effectifs. Alors que le GIGN est composé d'environ 1 000 personnels, les effectifs du RAID en représentent environ la moitié, tandis que ceux de la BRI-PP sont un peu plus d'une centaine.

Effectifs actuels des unités d'élite

(en nombre de personnels)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial.

Ces différences s'expliquent principalement de trois manières : le périmètre des zones de compétence ; la tendance à l'intégration de services initialement autonomes par le RAID et le GIGN, qui s'est accompagnée de la création d'antennes ex nihilo ; une augmentation modérée du nombre des personnels chargés de l'intervention à l'échelon central.

En premier lieu, la BRI--PP étant responsable sur une zone nettement plus réduite que le RAID et le GIGN, il est cohérent qu'elle dispose de moins d'effectifs.

En deuxième lieu, le niveau des effectifs du RAID et du GIGN s'explique par l'incorporation progressive de services qui n'en faisaient initialement pas partie, afin de mailler le territoire sous la forme d'antennes, à laquelle s'est ajoutée la création d'antennes ex nihilo41(*). Les effectifs du RAID sont ainsi passés de 80 en 1985 à 504 fin 2024.

Le phénomène est encore plus manifeste pour le GIGN dont les effectifs sont passés de 20 personnels en 1974, à assez rapidement 80, et environ 400 en 2020 et 953 personnels fin 202442(*), à la suite de l'intégration organique des antennes en 2021.

Les principales évolutions historiques de l'organisation du GIGN

Le GIGN, créé en 1974, était initialement composé d'une vingtaine de militaires, avant d'atteindre peu à peu un niveau de quatre-vingt effectifs, spécialisés en particulier sur l'intervention.

En 2007, fut mis en place le « GIGN 2.0 », intégrant l'escadron parachutiste d'intervention de la gendarmerie nationale (EPIGN), le détachement du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et le groupe d'instruction et de sécurité des activités (GISA). Les effectifs passent alors de 80 à 400 personnels environ.

Enfin, le « GIGN 3.0 » fut inauguré en 2021 ; il a intégré organiquement les antennes à l'échelon central, portant les effectifs de 400 à environ 1 000 militaires.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questions du rapporteur spécial.

Évolution des effectifs du GIGN et du RAID entre 2011 et 2024,
à périmètre courant

(en nombre de personnels)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial.

Note : les données présentées sont les effectifs autorisés pour le GIGN et les effectifs exécutés pour le RAID.

En troisième lieu, dans le même temps, les effectifs chargés de l'intervention à l'échelon central ont finalement peu évolué pour le GIGN et le RAID sur les dernières décennies, demeurant inférieur à 100 personnes. Ainsi, environ 85 personnels sont aujourd'hui affectés à l'intervention à l'échelon central du GIGN. En revanche, l'on peut observer un quasi-doublement des effectifs de la BRI-PP entre 2015 et aujourd'hui, afin de renforcer la capacité à faire face aux enjeux forts en termes de risque terroriste, tout en maintenant le suivi quotidien des dossiers de police judiciaire.

Un taux d'emploi féminin modeste

Au Raid, 10 % des effectifs sont des femmes. À l'exception de 3 policières affectées au groupe « négociation » à l'échelon central, elles occupent des fonctions de commissaires, administratives ou de soutien. À la BRI-PP, ce taux est de 5,5 % des effectifs, soit 6 personnels féminins : une commissaire, cheffe de section, trois investigatrices chargées de la documentation criminelle et deux secrétaires. Enfin, le taux s'établit à 6 % au GIGN, soit environ 60 personnels, dont 10 sur des fonctions opérationnelles (hors intervention).

Le taux d'emploi limité des femmes peut s'expliquer par le faible nombre de candidates pour les postes opérationnels, en particulier d'intervention, et à l'application de barèmes sportifs commun aux hommes, en raison de la nature des missions.

Source : commission des finances et réponses aux questionnaires du rapporteur spécial.

Tout comme les autres services de la police et de la gendarmerie nationales, les unités d'élite peuvent recourir à des réservistes pour l'accomplissement de certaines missions. Celles-ci sont très variées (garagistes, informaticiens, communicants, etc.) et d'un niveau d'expertise qui peut être très élevé, pour un coût modeste.

En 2024, 207 missions de réserve opérationnelle ont été réalisées au sein du GIGN, pour l'équivalent de 12 620 jours de travail (soit l'équivalent d'environ 50 personnels à temps plein), un niveau près de dix fois supérieur à celui constaté en 2019. Au RAID, 49 réservistes retraités et spécialistes auraient été mobilisés la même année, pour un coût de 280 200 euros.

Les travaux et déplacements menés par le rapporteur spécial l'amènent à considérer qu'un investissement plus important dans le recrutement et l'utilisation des réservistes serait de nature à apporter un complément d'expertise et des économies financières particulièrement intéressantes. C'est par exemple le cas s'agissant de l'entretien mécanique des véhicules divers et complexes du GIGN, dont le coût est bien moindre en mobilisant des mécaniciens réservistes qu'au sein des garages privés.

Recommandation n° 2 : Dans une perspective d'efficience budgétaire, renforcer le recours aux réservistes au sein des trois unités, notamment s'agissant de prestations spécialisées (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police)

II. DES UNITÉS COMPLÉMENTAIRES ET PARTAGEANT UNE TRÈS GRANDE EXPERTISE

Si les trois unités connaissent un champ missionnel largement commun43(*), elles présentent chacune des spécificités. Elles partagent néanmoins une très grande expertise, tandis que leur coexistence est gage de complémentarité et d'une saine émulation.

A. DES UNITÉS PRÉSENTANT DES SPÉCIFICITÉS, TOUT EN PARTAGEANT UNE TRÈS GRANDE EXPERTISE

1. Des spécificités propres à chaque unité

Outre des différences tenant à leurs compétences géographiques et au nombre de leurs effectifs44(*), les trois unités sont rattachées à des autorités organiques distinctes, présentent des spécificités liées à leur histoire et aux choix stratégiques opérés, ainsi qu'aux missions particulières qui leur sont confiées.

a) Un rattachement organique à des autorités distinctes et des statuts des personnels différents

Les trois unités dépendent de trois autorités organiques distinctes, tandis que leurs effectifs relèvent de deux statuts différents.

En premier lieu, il convient de distinguer la BRI-PP et le RAID, composés d'effectifs de la police nationale, d'une part, et le GIGN, regroupant des effectifs de la gendarmerie nationale45(*) relevant, par conséquent, du statut de militaire, d'autre part.

En second lieu, s'ajoute une distinction tenant à l'autorité organique compétente sur chacune d'entre elle : alors que le GIGN dépend du directeur général de la gendarmerie nationale, le directeur général de la police nationale a autorité sur le RAID46(*), mais non sur la BRI-PP, qui dépend in fine du préfet de police de Paris47(*), via le directeur régional de la police judiciaire de la préfecture de police.

b) Des équilibres variables dans le poids de chaque type de missions

La BRI-PP est la première des trois unités à avoir été mise en place, en 196448(*). Alors spécialisée dans la lutte contre le grand banditisme foisonnant, elle intègre en 1972, à la suite de la prise d'otage de Munich49(*), une brigade anti-commandos50(*) et prend le surnom d'« antigang », à même d'intervenir en cas de prises d'otages ou d'attaques terroristes.

Aujourd'hui, conformément à son histoire, la BRI-PP - dont la plupart des opérateurs sont des officiers de police judiciaire (OPJ) pouvant produire des procès verbaux d'enquête judiciaire - voit une partie très substantielle de son activité relever de la police judiciaire, au bénéfice de la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police51(*), non seulement dans le cadre d'arrestations difficiles (en milieux clos ou sur la voie publique), mais également de filatures et de surveillances.

Le GIGN, créé en 1974, avait pour vocation initiale de répondre spécifiquement aux situations de crise nécessitant une intervention spécialisée. Ses missions se sont toutefois étendues à l'observation et à la recherche, dans le cadre de la police judiciaire ainsi qu'à la protection.

L'organisation opérationnelle et de commandement du GIGN

En vertu de l'arrêté qui en régit les attributions et l'organisation52(*), le GIGN « est une unité hautement spécialisée dans la gestion de crise, l'intervention, l'observation, la recherche d'adversaires et la protection. »

Les forces opérationnelles du GIGN sont structurées autour de trois forces, tant à l'échelon central que dans les antennes : la force observation-recherche (FOR), la force d'intervention (FI) et la force sécurité-protection (FSP). Chacune d'entre elles relève du commandant du GIGN, qui dispose également d'un état-major de commandement, d'un état major opérationnel, d'un état-major soutien et finances, d'une division technique, du centre national de formation en intervention spécialisé et de l'antenne médicale spécialisée.

Source : commission des finances

Enfin, le RAID, créé en 198553(*), visait également initialement à apporter une réponse aux situations de crise. Ses missions couvrent néanmoins un spectre plus large, et notamment les interpellations à risque et la protection rapprochée. En revanche, l'investigation occupe une faible part de son activité, à ce jour.

Les unités d'élite des forces de sécurité intérieure à l'étranger

À la suite de la prise d'otage de Munich en 1972, voire pour certains antérieurement, de nombreux pays ont mis en place des unités d'élite comparables au GIGN, au RAID et à la BRI-PP. Peuvent notamment être cités le GSG 9 en Allemagne54(*), le GEO en Espagne55(*), les SWAT56(*) aux États-Unis, ou encore le STAR à Singapour57(*), parmi beaucoup d'autres. Ces unités entretiennent des liens fréquents, au travers de stages et de formations croisées. À l'échelle de l'Union européenne, la plupart d'entre elles sont regroupées au sein du réseau Atlas, créé en 2001.

Il peut arriver que des forces relevant des armées soient mobilisées aux mêmes fins lors de certaines crises (prise d'otage et actes terroristes en particulier) à l'extérieur des frontières, à l'image de l'intervention des forces armées israéliennes lors du raid à l'aéroport d'Entebbe en Ouganda en 1976, ou encore du soutien de la légion étrangère de l'armée de terre au GIGN lors de la résolution de la prise d'otage de Loyada la même année, à Djibouti.

Source : commission des finances

c) Des compétences spécifiques attribuées à certaines unités

Certaines compétences spécifiques, déterminées soit par convention soit par des plans gouvernementaux, sont, en principe, attribuées à certaines unités. Ainsi, à titre d'illustration, le GIGN est menant pour les plans gouvernementaux sur la piraterie maritime, la piraterie aérienne, les centres nucléaires de production d'électricité et les emprises militaires. Le RAID peut alors intervenir comme force concourante ou en cas de crises multiples.

2. Une très haute technicité commune aux trois forces
a) La maîtrise complète de capacités rares

La réalisation des missions confiées aux unités d'élite et leur fonction de dernier recours suppose la maîtrise complète de capacités rares, parmi lesquelles une préparation à l'intervention très rapide mais également de techniques spécifiques, parmi lesquelles, l'effraction, la négociation, l'utilisation de capacités cynophiles, la plongée, le parachutisme, la gestion du risque NRBC58(*), la varappe59(*), l'approche sous blindage, le soutien médical opérationnel et le tir (y compris de haute précision), etc.

Si la dimension variable des unités et leurs compétences géographiques ou matérielles peut expliquer des différences quant au nombre de compétences déployées, notamment dans les antennes, un niveau très élevé de technicité peut être observé partout. Les résultats obtenus par chacune des unités, capables d'intervenir très rapidement (dans des délais inférieurs à 2 heures en métropole pour le RAID par exemple, avec un délai d'alerte de 10 minutes en heures ouvrables et 30 minutes en tout temps), sont au final salués par l'ensemble des acteurs concernés.

Ce niveau est atteint grâce à un degré très élevé de sélectivité dans le recrutement, une formation intense et complète, l'utilisation de matériels spécifiques et un engagement sans faille des effectifs.

b) Un recrutement et une formation des personnels particulièrement exigeants

Les épreuves de sélection des personnels opérationnels des trois unités sont d'une très grande difficulté60(*).

Au sein du RAID et de la BRI-PP, les personnels opérationnels sont recrutés parmi les fonctionnaires actifs de police à l'issue d'une première sélection sur dossier puis d'épreuves de sélection. Ces dernières s'étendent sur une durée d'une semaine et comprennent des examens médicaux, des épreuves physiques, psychologiques, psychotechniques, sportives et techniques (dont le tir), ainsi qu'un entretien individuel61(*). Au RAID, 46 épreuves sont ainsi prévues, les candidats étant soumis à des privations partielles de sommeil et évalués sur leur gestion du stress et leur capacité à surmonter les phobies et à faire preuve de résilience, de discernement et d'esprit collectif. Une approche similaire est adoptée par le GIGN, les personnels opérationnels étant recrutés parmi les gendarmes actifs.

Des différences dans les politiques de recrutement peuvent néanmoins être observés, la BRI-PP ayant tendance, en raison de son prisme en faveur de la police judiciaire, à recruter des personnels plus expérimentés, tandis que le GIGN tend pour sa part à recruter des agents un peu plus jeunes.

Le niveau de sélectivité est particulièrement élevé, 1 candidat sur 12 étant admis au RAID et au GIGN (à l'échelon central, et 1 sur 6 à l'échelle des antennes), tandis que lors de la dernière session, 3 personnels ont été recrutés à la BRI-PP sur une centaine de dossiers.

La formation initiale s'étend quant à elle sur des durées variables en fonction de l'unité et des spécialités. Au sein du RAID, elle est d'une durée de 19 semaines, des candidats étant éliminés chaque semaine ; elle dure 12 semaines à la BRI-PP. Un stage probatoire complète la formation (6 mois au RAID et à la BRI-PP).

Au sein du GIGN central, succèdent à un pré-stage de sélection de 8 semaines, un stage de formation de 10 mois commun pour tous les opérationnels, puis une formation spécialisée et adaptée au futur métier choisi (intervention spécialisée, observation et recherche ou sécurité et protection). Pour les antennes, la formation initiale dure deux mois et est adaptée à la filière.

Les membres des unités bénéficient en outre d'une formation continue (entraînements, stage, échanges avec les autres unités, etc.).

Par ailleurs, les personnels opérationnels sont en général affectés pour une période relativement longue au sein des unités, afin de tirer profit de l'expérience. S'agissant du RAID et de la BRI-PP, ils sont affectés pour une période de cinq ans renouvelables. De même, au GIGN, il n'est pas rare que certains effectifs réalisent une part notable de leur carrière au sein de l'unité, bien que des limites d'âge s'appliquent.

c) La maîtrise de matériels performants

Pour accomplir leurs missions, les unités bénéficient de matériels performants, et pour certains innovants.

Leurs dotations en armement (armes de point, d'épaule, de haute précision, etc.), en protections balistiques, en outils technologiques (drones, caméras, lunettes de vision nocturne, etc.), en explosifs et en véhicules sont modernes. La projection aéroportée du RAID et du GIGN est effectivement opérationnelle et relève du groupe interarmées d'hélicoptères (GIH). Créée en 2006, il est équipé d'hélicoptères Puma (qui doivent être remplacés), appartenant aux armées de terre et de l'air et de l'espace. Rattaché aux forces spéciales, il est implanté sur la base aérienne à Villacoublay.

Néanmoins, certaines limites doivent être soulevées s'agissant des équipements affectés à ces unités.62(*)

d) Un engagement sans faille et l'attribution de primes

Les travaux menés par le rapporteur spécial ont été l'occasion de constater le niveau d'engagement très élevé des personnels des trois unités, qui leur sont dévoués, en dépit des risques significatifs encourus et des exigences fortes en termes de disponibilité (qui ne sont pas sans impact sur leurs familles), d'entraînements quotidiens exigeants et de la nécessité de conserver l'anonymat63(*). Le rapporteur spécial a pu constater qu'en raison de la tension sur les effectifs et de leur niveau de motivation, il n'est pas rare que les effectifs ne soient pas en mesure de poser les congés auxquels ils pourraient prétendre.

Ces conditions d'exercice des fonctions opérationnelles des trois unités justifient pleinement l'attribution de primes spécifiques, dont la principale est l'indemnité pour mission exclusive (IME). Elles s'ajoutent au traitement de base des personnels.

Les primes des personnels opérationnels des unités d'élite

En raison d'une différence de statuts, les effectifs des trois unités perçoivent des primes au fonctionnement et aux modalités distinctes. Toutefois, une prime commune, l'indemnité pour mission exclusive (IME), rémunère la spécificité de leurs missions.

Concernant le RAID et la BRI-PP, un décret de 200464(*) prévoit qu'une IME est attribuée aux fonctionnaires habilités et affectés au sein de l'une des deux unités pour y exercer des fonctions opérationnelles. L'habilitation de niveau 1 (globalement, pour les missions d'intervention) correspond à une IME d'un montant de 650 euros, et celle de niveau 2 (globalement, pour les missions de soutien) à une IME d'un montant de 500 euros. Au sein du GIGN, un décret de 202265(*) prévoit que les personnels qui y sont affectés, y compris au sein des antennes, et qui sont « habilités à l'issue des épreuves de sélection pour y exercer des fonctions opérationnelles » perçoivent également l'IME. Son montant est fixé à 650 euros par mois pour les habilitations de niveau 1 et 500 euros pour celles de niveau 2.

L'IME est modulable, au sein des trois forces, en fonction de l'importance des responsabilités exercées, de la manière de servir et des sujétions inhérentes à l'exercice des missions, dans la limite de 110 % des montants mensuels de référence. Elle a représenté, en 2024, un coût global de 2,634 millions d'euros pour le RAID.

Par ailleurs, outre le paiement des astreintes et des heures supplémentaires (pour les policiers), d'autres primes non-spécifiques aux personnels des unités d'élite, qui s'attachent à leurs engagements et leurs qualifications, peuvent s'ajouter à l'IME. Sont notamment concernées l'indemnité d'absence missionnelle (IAM)66(*) et la prime de résultats exceptionnels (PRE). En outre, les membres du GIGN peuvent bénéficier de primes spécifiques pour des compétences militaires, à l'image de la prime « parachutiste » octroyée aux opérationnels de l'échelon central67(*), pour un montant forfaitaire variant, en fonction du statut, de 545 euros à 705 euros par mois.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Le montant de l'IME n'a pas évolué depuis sa création pour le RAID et la BRI-PP, en novembre 2004. L'inflation cumulée s'établissant à 39,5 % jusqu'à aujourd'hui, le niveau d'indemnisation offert par l'IME s'est réduit d'autant et ce alors même que les risques auxquels font face les opérateurs, notamment en matière de terrorisme, a augmenté. Le rapporteur spécial estime que cette situation nécessite de faire un état des lieux sur l'évolution des rémunérations brutes des personnels des unités sur les dernières années, toutes primes confondues, afin d'en tirer les conséquences nécessaires et, le cas échéant, envisager une revalorisation de l'IME.

B. UNE COEXISTENCE, GAGE DE COMPLÉMENTARITÉ ET D'UNE SAINE ÉMULATION

Si l'existence simultanée de trois unités d'élite pourrait être de nature à créer un risque de concurrence entre elles, elle permet au contraire une complémentarité, ainsi qu'une saine émulation.

À la différence d'il y a environ une quinzaine d'années, le sujet de la coexistence et de l'articulation des compétences des unités d'élite, y compris s'agissant du RAID et de la BRI-PP, fait aujourd'hui l'objet de peu d'inquiétudes. D'une part, la création de certains dispositifs a permis de structurer la coopération de ces unités, parmi lesquels la mise en place de la FIPN68(*) (au sein de laquelle une procédure de transferts d'effectifs entre les deux unités a récemment été formalisée69(*)) et de l'Ucofi70(*).

L'unité de coordination des forces d'intervention (UCOFI)

L'UCOFI, créée au sein du ministère de l'intérieur le 1er juin 2010, est rattachée organiquement à la DGGN, tout en étant fonctionnellement subordonnée aux DGGN et DGPN et au préfet de police. De taille réduite, elle est dirigée par un personnel de la gendarmerie, secondé par un policier ; elle ne dispose pas d'une structure permanente ou d'un budget dédié.

Sans lien hiérarchique avec les unités d'intervention de la gendarmerie et de la police nationales, elle est chargée de donner davantage de cohérence, de transparence et d'efficience collective au dispositif des forces d'intervention du ministère de l'Intérieur et de les préparer à l'interopérabilité, y compris s'agissant du langage tactique. Elle favorise la réalisation d'entraînements et d'exercices de formation, rédige des projections de conventions et protocoles qui lient ces unités à des partenaires privés et publics, et produit des statistiques.

Elle a joué un rôle central dans l'élaboration du schéma national d'intervention en 2015.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

D'autre part, et surtout, un changement de contexte sécuritaire, associé à une volonté des chefs d'unité de coopérer de façon volontariste, a permis de renforcer la complémentarité des forces, y compris d'un point de vue matériel, à l'image de l'interopérabilité des radios. Le succès du dispositif mis en place pour les JOP 2024 est l'illustration de la capacité de coordination des unités.

Le succès des JOP de 2024 pour les unités d'élite

Afin d'assurer la sécurisation des JOP de 2024 s'agissant des risques les plus significatifs (attentat, prise d'otage, etc.), les trois unités ont fourni un important travail de coordination préalable consistant à se répartir les missions, les implantations géographiques et les capacités, selon un schéma qui a été validé par les autorités administratives et politiques. Des postes de commandement communs ont regroupé les trois unités, tandis que le réseau de communication déployé a garanti l'interopérabilité opérationnelle.

À titre d'exemple, alors que les trois unités se sont coordonnées pour la sécurisation de la cérémonie d'ouverture, le GIGN a été mobilisé pour la sécurisation du relais de la flamme, de la délégation d'Israël, et de différents sites (à Paris, Nantes, Châteauroux, Marseille et en Polynésie française). Pendant la période des JOP, 97,3 % des militaires du GIGN étaient engagés, que ce soit sur cet évènement, en Nouvelle-Calédonie ou sur les missions permanentes.

Les JOP de 2024 n'ont finalement été marqués par aucun évènement significatif de sécurité de nature à concerner les unités d'élite, la dissuasion du dispositif mis en place y ayant sans doute contribué.

Source : commission des finances et réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Par ailleurs, si chaque unité est fière de porter son écusson et souhaiterait accomplir les missions les plus périlleuses, la coexistence des unités n'est source que d'émulation entre les effectifs, qui in fine partagent les succès et les drames des autres. Des échanges réguliers, formels ou informels, entre unités, participent d'ailleurs à la volonté d'augmenter toujours davantage le niveau d'expertise.

DEUXIÈME PARTIE :
FACE À UNE HAUSSE DU NIVEAU D'ACTIVITÉ,
UNE PROGRESSION DES MOYENS, QUI NE RÉPOND TOUTEFOIS PAS À L'ENSEMBLE DES BESOINS

Dans un contexte de hausse du niveau d'activité, les moyens des trois unités d'élite ont été renforcés ces dernières années, sans répondre toutefois à l'ensemble des besoins.

I. LA HAUSSE DU NIVEAU D'ACTIVITÉ DES UNITÉS D'ÉLITE A CONDUIT À UNE PROGRESSION DE LEURS MOYENS...

A. UN NIVEAU D'ACTIVITÉ EN HAUSSE

Au cours de la dernière décennie, les trois unités d'élite ont connu une hausse de leur niveau d'engagement se matérialisant, quantitativement, par une augmentation de leur niveau d'activité et, qualitativement, par le durcissement des menaces auxquelles ils ont vocation à répondre, reflet des évolutions de la criminalité en France. Si des différences dans les modalités de production des statistiques rendent difficile la comparaison du niveau d'activités des unités entre elles, une tendance à la hausse peut être observée pour chaque unité sur les cinq dernières années.

Le RAID a ainsi connu entre 2019 et 2024 une hausse de 43 % de son activité (1 380 saisines acceptées en 2024, contre 964 en 201971(*)). Ainsi, le nombre d'interpellations à domicile a augmenté de plus de 90 % (passant de 390 à 755). Si, en 2024, le nombre d'interventions pour des prises d'otage ou des forcenés s'est légèrement réduit par rapport à 2019 (76 contre 87), 103 interventions avaient eu lieu en 2023.

Évolution du nombre de missions du RAID entre 2019 et 2025

(en nombre de missions décomptées)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

En 2024, l'activité du RAID s'est répartie en 52 % d'interpellations (755 interpellations, dont 455 en lien avec les stupéfiants et 123 avec le terrorisme), 30 % de protection (président de la République, personnes menacées, ambassadeurs et grands évènements), 5 % de crises (68 forcés et 8 prises d'otages) et 13 % d'autres missions (maintien de l'ordre, escortes de biens, sécurisation de procès, enlèvements, filatures et fouilles).

Ventilation de l'activité du RAID en 2024

(en pourcentage, sur la base du nombre de missions)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

L'engagement du GIGN a également significativement augmenté en cinq ans s'agissant des missions de protection (+ 285 %) et des interpellations (+ 332 %), les missions d'intervention étant également en hausse (+ 28 %, hors assistances à la négociation, en très forte hausse). En sens inverse, peuvent néanmoins être observées une légère baisse des missions d'observation, de surveillance et de filature et une réduction des transfèrements.

En 2024, le GIGN a été engagé à 3 335 reprises. Son activité s'est répartie72(*) en 43 % de missions liées à des interpellations, 40,5 % de protection, 13,5 % d'observation, surveillance ou filature, 1,5 % d'intervention, 1 % d'assistances techniques et 0,5 % de transfèrements.

Ventilation de l'activité du GIGN en 2024

(en pourcentage, sur la base du nombre de jours de missions)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

La BRI-PP connaît quant à elle une relative stabilité de son activité sur les 5 dernières années, tant s'agissant de l'activité judiciaire (40 dossiers traités par an en moyenne et 200 interpellations) que des interventions (entre 10 et 15 par an). Néanmoins, depuis 2024, la BRI-PP est régulièrement saisie des crises dans les départements de la petite couronne, ce qui a porté à 26 le nombre d'interventions en 2024, un chiffre qui apparaît soutenable au regard des moyens. En 2025, l'activité de la BRI est en outre renforcée à l'occasion des enlèvements liés au milieu des crypto-monnaies.

La mobilisation du RAID et du GIGN en Nouvelle-Calédonie

Afin de contribuer à la sécurisation du territoire néo-calédonien, les antennes du GIGN et du RAID implantées sur place, renforcées par des effectifs de l'échelon central, ont été mis fortement à contribution afin de compléter le dispositif des forces de sécurité intérieure.

Pour ce qui concerne le RAID, face à l'ampleur des difficultés, 20 personnels de l'unité centrale ont été mobilisés de la mi-mai à la mi-novembre 2024, avec un système de rotation. Depuis cette date, les personnels locaux sont renforcés au cas par cas selon l'évolution de la situation. Les missions du RAID en Nouvelle-Calédonie ont consisté à : traiter les missions prioritaires (forcenés, prise d'otages) ; effectuer des interpellations diverses sur le haut du spectre criminel ; appuyer les unités de forces mobiles face aux émeutiers armés (reconnaissance, recueil de renseignements, contre-snipping) ; assurer par moyens héliportés des reprises de bâtiments publics ou de barricades lors d'opérations diurnes ; protéger ou évacuer sous protection blindée ou par voie maritime des personnes gravement menacées.

Source : commission des finances et réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

En 2025, les unités d'élite continuent d'être très fortement mobilisées en métropole, dans les territoires ultramarins et à l'étranger, générant des coûts significatifs.

B. DES MOYENS EN PROGRESSION MAIS QUI DEMEURENT MODESTES AU REGARD DES MISSIONS CONFIÉES AUX TROIS UNITÉS

Le budget total exécuté, hors CAS « Pensions », pour l'ensemble des trois unités d'élite s'établit à un peu plus de 140 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit environ 0,5 % des dépenses de la mission « Sécurités » exécutées la même année. En incluant la contribution au CAS « Pensions », les dépenses s'établissent à 200 millions d'euros.

Dépenses totales exécutées des trois unités d'élite, en 2024

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Ce coût total n'est néanmoins pas réparti de façon équilibrée entre les trois forces. En cohérence notamment avec les différences d'effectif total, les dépenses du GIGN représentent 64 % du total, celles du RAID 29 % et celles de la BRI-PP 7 %.

Répartition des dépenses totales exécutées en 2024 entre unités

(en millions d'euros,
en CP et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Sur les dernières années, les dépenses totales des différences unités ont augmenté. Cette tendance résulte en particulier de la hausse des effectifs liée principalement à des évolutions périmétriques du RAID et a fortiori du GIGN, à un niveau d'activité en augmentation ainsi qu'à la préparation des JOP de 2024, à une progression du coût des matériels et de la rapidité de leur obsolescence, et à la multiplication et au durcissement des menaces.

Entre 2022 et 2024, les dépenses totales exécutées du GIGN ont ainsi cru de 17,6 %73(*). S'agissant du RAID, elles ont progressé, entre 2020 et 2024, de 48,5 %74(*). Si une part de cette progression est liée à un élargissement du périmètre du GIGN (intégration de trois antennes techniques notamment) et du RAID (création des antennes en Martinique, en Guyane et à Mayotte), elle résulte également d'une politique budgétaire relativement volontariste en faveur des unités d'élite.

Évolution des dépenses totales exécutées entre 2020 et 2024 
pour le GIGN et le RAID, hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

La progression du budget exécuté des unités résulte pour une part significative de la hausse des effectifs, et donc des dépenses de personnel.

Évolution des dépenses de personnel exécutées entre 2020 et 2024 
pour le GIGN et le RAID, hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Néanmoins, les crédits hors dépenses de personnel exécutés ont également nettement augmenté sur la période bien que, là encore, les évolutions périmétriques y ont nettement contribué.

Évolution des dépenses hors personnel exécutées entre 2020 et 2024 
pour le GIGN et le RAID

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Entre 2019 et 2024, les dépenses d'équipement du RAID sont par exemple passées de 0,6 million d'euros en 2019 à 3,3 millions d'euros en 2024. Comme le rapporteur spécial a pu le constater, la préparation des JOP de 2024 a participé à l'acquisition de nouveaux matériels performants.

Évolution des dépenses d'équipement exécutées entre 2019 et 2024 
pour le RAID

(en millions d'euros, en CP)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

Si les moyens déployés ont été augmentés et s'ils sont d'un niveau incomparable avec ceux fournis à l'essentiel des services de la police et de la gendarmerie nationales, ils demeurent pour autant relativement modestes au regard du nombre et de la nature des missions effectuées et ne répondent pas à tous les besoins. Et ce d'autant plus que les matériels utilisés présentent un coût souvent très élevé, y compris dans des domaines relativement peu connus : à titre d'illustration, le GIGN, qui exerce une mission centrale en matière de gestion des risques NRBC75(*), doit acquérir et entretenir à ce titre un nombre important d'équipements (tenues spécifiques, détecteurs, masques, etc.) pour un coût significatif.

II. ... SANS RÉPONDRE À TOUS LES BESOINS, MÊME ESSENTIELS

Malgré la hausse de leurs moyens et les progrès permis par la préparation des JOP de 2024, les unités ne sont aujourd'hui pas en capacité de faire face à l'ensemble de leurs besoins, pour certains essentiels, même si des stratégies d'adaptation sont utilement mises en oeuvre.

A. UNE DOTATION EN VÉHICULES QUI DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE ATTENTION PARTICULIÈRE

Le niveau et la qualité de la dotation en véhicules constituent des enjeux structurels pour l'ensemble des forces de sécurité, dépassant largement le seul cadre des unités d'élite. Or, il se produit un effet d'éviction en faveur dépenses de personnel et de fonctionnement et au détriment des dépenses d'investissement (soit dès la conception du budget annuel des deux forces, soit lors de son exécution, soit par un cumul des deux phénomènes), par nature davantage pilotables. L'acquisition de véhicules, tout comme l'investissement immobilier, en souffre et se voit souvent in fine sacrifiée, au moins en partie. Ce fut par exemple le cas en 202476(*). Si des plans de renouvellement des véhicules sont ponctuellement lancés à l'échelle de la gendarmerie et de la police nationales, le parc des deux forces souffre d'un manque de moyens et d'une politique de « stop and go » peu favorable au maintien dans la durée d'un nombre et d'un âge moyen des véhicules satisfaisants.

Les travaux et déplacements réalisés par le rapporteur spécial ont permis de constater qu'un important effort est réalisé pour que les unités d'élite disposent, autant que possible, d'un parc de véhicules de bonne facture. Néanmoins, ces dernières n'échappent pas aux difficultés générales exposées supra. Par ailleurs, les unités d'élite connaissent des enjeux spécifiques tenant en particulier à la nécessité de disposer de véhicules variés et aux caractéristiques spécifiques. À des véhicules rapides et endurants doivent s'ajouter des véhicules blindés, banalisés, et de transport de personnalité, des camions tactiques, des motos, des quads, ou encore des scooters des mers, etc.

Par ailleurs, une part minoritaire des besoins n'est en réalité satisfaite non pas par le biais des dotations des administrations dont les unités relèvent, mais soit via l'affectation de véhicules saisis par la justice soit par l'intermédiaire de conventions conclues avec des entreprises privées.

Comme l'a constaté le rapporteur spécial, la mobilisation au profit de ces unités de véhicules saisis apparaît tout à fait pertinente, lorsqu'ils sont adaptés, à l'image de certains véhicules de grosse cylindrée. Par ailleurs, les conventions conclues, notamment par le RAID, avec des fabricants automobiles lui permettent de disposer notamment de véhicules de transport de personnalité et d'un camion à titre gratuit, le fabricant bénéficiant pour sa part d'un gain en termes d'image publique. Enfin, les unités déploient une véritable agilité dans la conception ou la modification de leurs véhicules, à l'image de la BRI-PP qui a aménagé elle-même un petit camion servant de centre de commandement mobile.

La place du mécénat et des partenariats dans les équipements du RAID

Le RAID déploie depuis plusieurs années une stratégie du recours au mécénat et aux partenariats visant à la fois à optimiser l'utilisation de ses ressources et à obtenir des équipements adaptés à ses besoins. En 2024, la valorisation des équipements concernés, qui ne concernent pas uniquement les véhicules, serait de 4,1 millions d'euros.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

En outre, en raison de la nature, de la motorisation et du poids des véhicules utilisés, le coût de leur acquisition, déjà intrinsèquement élevé, est très fortement amplifié par l'effet du malus écologique77(*), dont le montant peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d'euros par véhicule.

Or, l'utilisation de véhicules hybrides ou électriques pour les missions opérationnelles de ces unités ne constitue pas une option au regard des risques qui y seraient afférents (problèmes de recharge, poids et dimension des batteries empêchant de disposer de suffisamment de matériels, etc.). Le rapporteur spécial estime qu'à l'image des véhicules des sapeurs-pompiers, une exception à l'application du malus écologique pourrait ainsi être envisagée pour les véhicules des unités d'élite acquis à des fins opérationnelles.

Recommandation n° 3 : En raison de la très forte spécificité des véhicules utilisés par les unités d'élite, envisager de faire exception à l'application du malus écologique pour leurs véhicules opérationnels (Gouvernement)

Enfin, certains véhicules sont vieillissants et ne sont pas pleinement adaptés à leur usage, y compris certains véhicules d'intervention destinés à transporter les effectifs opérationnels et leur matériel (dont le blindage réalisé a posteriori aboutit par exemple à une réduction très significative de la taille de l'habitacle), ceux dont l'ancienneté et l'importance du kilométrage fait peser un risque de panne (de nature à mettre en danger la bonne réalisation de la mission) ou encore qui sont trop lents, une fois chargés.

De ce point de vue, il convient de noter que la multiplication des missions de rétablissement voire de maintien de l'ordre de ces unités78(*) appelle à une réflexion sur les moyens matériels utilisés à cet effet. En effet, la réalisation de ces missions peut conduire à une forte dégradation des véhicules utilisés, dont une part n'a pas été conçue pour cet usage. Le rapporteur spécial a ainsi pu constater que ces missions ont conduit à mobiliser des véhicules légèrement blindés d'intervention rapide d'une valeur de plus de cent mille euros, pour des missions qui auraient justifié d'utiliser d'autres types de véhicules, moins onéreux et plus robustes.

Recommandation n° 4 : Afin d'optimiser l'utilisation des ressources et dans une logique d'efficience opérationnelle, mobiliser des véhicules adaptés et moins onéreux à l'occasion des missions de maintien de l'ordre (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police)

B. UN ENJEU D'EFFECTIFS, EN PARTICULIER DANS CERTAINES ANTENNES

Dans un contexte de hausse du niveau d'activités, en dépit d'une augmentation progressive des effectifs des unités d'élite, une tension forte sur les personnels apparaît au sein de certaines unités. Cette situation, qui n'est pas sans conséquence sur les capacités opérationnelles et le rythme de travail des personnels, pourrait être résolue avec des créations modestes d'effectifs, dans le cadre d'une démarche pluriannuelle.

À l'échelon central, si les effectifs de la BRI-PP sont correctement dimensionnés, les unités du RAID et du GIGN connaissent une certaine tension, qui nécessite une implication des personnels induisant un rythme de travail très intense, parfois peu compatible avec l'exigence opérationnelle associée, et le renoncement à des congés. Il apparaît ainsi qu'il pourrait être opportun de renforcer modérément et progressivement leurs effectifs, notamment opérationnels. À titre d'illustration, pour le GIGN, pourrait être visée une cible de 60 personnels opérationnels pour l'observation (contre 50 aujourd'hui), de 100 pour l'intervention (contre 85 actuellement), et de 60 pour la protection (contre 50 aujourd'hui). La situation est tout à fait comparable au RAID.

À l'échelon territorial, certaines antennes du RAID et du GIGN ont des effectifs réduits, mettant ces derniers en très forte tension pour assurer les missions et alertes hebdomadaires.

Pour ce qui concerne le RAID, un niveau proche ou inférieur à 20 effectifs opérationnels par antenne pour l'intervention rend difficile, dans la plupart des territoires, l'accomplissement normal des missions. Or, à fin 2024, 10 antennes disposeraient d'un nombre de personnels opérationnels inférieur à 20 (dont 5 pour Mayotte et 10 pour Cayenne), dont 4 en France métropolitaine, seules 2 antennes en ayant plus de 22 (Marseille et Lyon).

Concernant le GIGN, les auditions et déplacements menés par le rapporteur spécial ont permis de constater que certaines antennes nécessiteraient également d'être mieux dotées en effectifs, dans les outre-mer mais également sur le territoire métropolitain. C'est notamment le cas pour les trois antennes de la zone nord-ouest s'étendant approximativement de la Normandie à la Charente-Maritime, qui comptent un nombre réduit d'effectifs (20 personnels opérationnels pour l'intervention s'agissant de l'antenne de Tours par exemple), ce qui conduit à une alternance des permanences entre ces trois antennes, au détriment du niveau d'activité et donc de technicité des personnels. Il n'est d'ailleurs pas rare que l'une d'entre elles soit temporairement fermée pour affecter les personnels concernés à d'autres missions, le GIGN considérant qu'il est possible de couvrir suffisamment le territoire avec deux antennes, de façon temporaire. Le rapporteur spécial considère que cette situation n'est pas optimale, un choix devant être opéré entre une légère hausse des personnels de ces antennes ou un fonctionnement sur la base d'un schéma à deux antennes.

Au total, le rapporteur spécial estime qu'une légère hausse des effectifs des unités du GIGN et du RAID, dans une démarche pluriannuelle, serait de nature à renforcer nettement les capacités opérationnelles de ces unités, en particulier grâce à des effets de seuil, ainsi qu'à améliorer l'équilibre des conditions de vie de personnels très exposés. Le coût associé serait modeste, d'autant qu'il génèrerait par ailleurs, pour ce qui concerne les antennes, des économies liées à un besoin moins fréquent en renforts, notamment dans les outre-mer, qui se révèle particulièrement onéreux. À titre d'illustration, le soutien de 5 effectifs apporté par l'unité centrale du RAID à Mayotte représente un coût d'environ 50 000 euros par mois, à raison de 10 000 euros par agent intervenant en renfort (pour le transport, l'hébergement et la restauration).

Recommandation n° 5 : Garantir un niveau d'effectifs suffisant dans les antennes territoriales du RAID et du GIGN pour bénéficier d'effets de seuil et réduire le coût budgétaire de l'envoi régulier de renforts (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale et direction générale de la police nationale)

C. DES DIFFICULTÉS LIÉES À LA PASSATION DE MARCHÉS PUBLICS POUR CERTAINS ÉQUIPEMENTS

Les équipements devant être mis à disposition des unités d'élite regroupent, d'une part, des matériels communs à la plupart des services de police et de gendarmerie, et d'autre part, des matériels spécifiques caractérisés par un niveau de performance ou de complexité élevé. Outre les véhicules79(*), il en va ainsi principalement des équipements d'intervention (armements, protections balistiques, etc.) mais également d'observation (notamment dans le cadre de filatures) et de protection des personnes escortées, ainsi que d'entraînement.

Les travaux menés par le rapporteur spécial ont fait apparaître deux séries d'écueils s'agissant des équipements, en dépit de dotations beaucoup plus importantes que dans d'autres services de la police et de la gendarmerie nationales.

Tout d'abord, un certain nombre de matériels sont acquis ou renouvelés trop tardivement, y compris pour des équipements essentiels, à l'image des protections balistiques de la BRI-PP, mais également des lunettes de vue nocturne au sein des trois unités. Ensuite, certains équipements mis à disposition des unités ne répondent pas aux attentes ou nécessitent un travail d'adaptation chronophage, comme l'illustre l'exemple des armes de tir à longue distance, dont le changement de marques ou de type de balles amène les tireurs de précision à adapter leurs techniques de tir.

Outre les contraintes budgétaires, ces difficultés, qui semblent plus nombreuses au sein de la BRI-PP et du RAID qu'au sein du GIGN (a minima à l'échelon central), ont notamment pour cause les contraintes associées aux modalités de passation de marchés publics pour ces deux forces. En effet, conformément au cadre européen et au code de la commande publique, l'essentiel des marchés de fourniture est soumis à un formalisme croissant (notamment en termes de publicité et de mise en concurrence) en fonction de la valeur du marché, à compter de 40 000 euros. Au regard du coût des équipements de ces unités, il est très fréquent que ce seuil soit dépassé, parfois très largement.

Or, si le GIGN dispose de la capacité de conclure ses propres marchés (son commandant disposant du statut de représentant du pouvoir adjudicateur et d'une cellule dédiée), il n'en va pas de même pour la BRI-PP et le RAID. Ces derniers, d'une dimension plus réduite, doivent en effet s'appuyer - à l'exception des matériels d'une valeur inférieure à 40 000 euros80(*) - sur les services compétents de l'administration dont ils relèvent pour acquérir des matériels spécifiques, en complément des dotations en équipements communes aux différents services de la police nationale.

Si tant la direction générale de la police nationale que la préfecture de police sont très attentifs aux demandes formulées respectivement par le RAID et la BRI-PP, les travaux menés par le rapporteur spécial ont été l'occasion de constater que cette organisation tend à réduire la capacité de ces unités à obtenir certains équipements de « niche » qu'elles sollicitent selon le cahier des charges requis et les délais souhaitables. En effet, les marchés en question induisent, pour les services généraux en charge de la commande publique, des coûts fixes en temps, pour un retour relativement limité en termes de nombre de matériels concernés et de services bénéficiaires.

Le rapporteur spécial considère qu'il est légitime que les services généraux en charge de la commande publique encouragent les marchés de masse au profit d'un nombre de services importants de la police nationale et/ou de la préfecture de police. Il remarque en outre que des marchés spécifiques aux besoins des unités sont d'ores et déjà régulièrement conclus. Il constate néanmoins qu'un effort doit être fourni pour améliorer l'accès de la BRI-PP et du RAID à la commande publique pour des équipements de niche, notamment en matière d'armement et de protection balistique. Il appartient au ministère de l'Intérieur et aux responsables de programme et de budget opérationnel de programme (BOP) d'en déterminer les modalités. Le modèle mis en place à l'échelle du GIGN, pour lequel les marchés d'équipement lui sont pour une part déconcentrés, fonctionne bien. Son extension pourrait être envisagée pour le RAID et la BRI-PP, idéalement de façon conjointe à ces deux forces policières ayant des besoins comparables, par exemple via la FIPN.

Recommandation n° 6 : Accélérer et simplifier les procédures de passation des marchés publics de fourniture de matériels spécifiques des unités du RAID et de la BRI-PP (ministère de l'Intérieur, direction générale de la police nationale, préfecture de police)

D. DES ENJEUX LIÉS À L'IMMOBILIER QUI N'ÉPARGNENT PAS LES UNITÉS D'ÉLITE

Comme indiqué supra, les dépenses d'investissement en matière d'immobilier de la gendarmerie et de la police nationales, qui recouvrent tant l'acquisition de terrains ou d'immeubles que les travaux de construction ou de réhabilitation, souffrent régulièrement d'un effet d'éviction au profit des dépenses de personnel et de fonctionnement. Il en résulte un état bâtimentaire très peu satisfaisant, notamment s'agissant des casernes domaniales de la gendarmerie nationale, comme l'a récemment exposé le rapporteur spécial81(*).

Or, si d'autres services sont encore plus affectés qu'elles, les unités d'élite n'échappent pas à ce constat, qu'il s'agisse de l'exiguïté de certains locaux, de leur état, de leur localisation ou encore des hébergements associés. S'ajoutent la tension sur l'immobilier que génère la hausse progressive des effectifs, ainsi que les enjeux associés à la sécurisation du stockage de munitions dangereuses.

Cette situation se reflète ainsi pour différentes implantations du RAID. À l'échelon central, à Bièvres, la dimension des locaux est aujourd'hui peu adaptée aux effectifs qui y sont affectés, tandis que leur configuration complique le fonctionnement logistique ; en outre, le stockage des munitions et des armes semble poser des difficultés en termes de sécurité, en dépit des efforts réalisés. À l'échelon territorial, plusieurs implantations du RAID souffrent de configurations bâtimentaires inadaptées, voire problématiques. Des défauts dans les structures des bâtiments (apparition de fissures structurelles) ont par exemple impacté les antennes de Lille et Bordeaux, obligeant à des adaptations et déménagements. À Mayotte, les locaux sont exigus, avec un espace unique de 30 mètres carrés pour loger les personnels du RAID, le matériel d'intervention, l'armement, les munitions et les vestiaires.

Le GIGN n'échappe pas non plus à la situation générale dégradée des bâtiments de la gendarmerie nationale. Certaines antennes s'appuient sur une capacité d'hébergement de ses effectifs limitée, contraignant certains personnels, y compris opérationnels, à se loger à l'extérieur, en contradiction avec le principe du logement en caserne des gendarmes et le besoin de célérité. Plus largement, les bâtiments de certaines antennes ne sont pas adaptés, à l'image de Mayotte, où les locaux posent des difficultés de logement, d'opérationnalité et même de sécurité, un projet de construction de caserne étant évoqué.

L'échelon central est quant à lui situé dans des locaux, la caserne Pasquier à Satory, qui ne sont plus adaptés aux besoins. Il est ainsi concerné par un projet immobilier d'ampleur intitulé « Capsatory », qui recouvre également le groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) et des logements. Ce projet emporte, pour ce qui concerne le GIGN, la construction d'une nouvelle caserne à proximité des locaux actuels permettant d'adapter les infrastructures à ses besoins en termes de formation (centre d'entraînement multi-missions), d'instruction, de parachutisme et de plongée, ainsi que pour la logistique et les ressources humaines, le stockage des munitions, l'entretien automobile, le chenil, le poste de sécurité et le commandement.

Ce projet, dont le programme et les pièces du marché seraient prêtes à être publiées, requiert la validation du ministère de l'Économie et des finances. Il s'appuie sur un contrat de partenariat ; ce modèle, certes moins efficient sur le principe que le financement direct des dépenses afférentes au projet par l'État, répond à certains besoins spécifiques de la gendarmerie, dans un contexte d'attrition des crédits d'investissement, comme l'a récemment montré le rapporteur spécial82(*). Le schéma choisi permet le retour en domanialité à l'issue du contrat. Si le coût associé à ce projet, à savoir 600 millions d'euros selon la DGGN, est significatif, le rapporteur spécial considère qu'il s'agit d'un projet d'investissement structurant et nécessaire, qui doit être soutenu.

Plus largement, le rapporteur spécial rappelle que la réhabilitation et le renouvellement des bâtiments du RAID et du GIGN, qu'ils appartiennent à l'État ou aux collectivités territoriales, est favorable à l'efficacité opérationnelle de ces unités. D'un point de vue financier, ces dépenses présentent en outre un intérêt tenant au patrimoine bâtimentaire de l'État et des collectivités territoriales propriétaires ; elles permettent en outre de générer des économies, notamment au sein des antennes, dont les capacités d'hébergement très limitées conduisent régulièrement les personnels de renfort de l'unité centrale à devoir être hébergés et nourries à l'extérieur, y compris à l'hôtel, pour un coût significatif83(*).

Recommandation n° 7 : Déployer un niveau d'investissement suffisant en faveur de l'immobilier des unités d'élite et lancer le projet immobilier couvrant l'échelon central du GIGN à Versailles (ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale)

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 2 juillet 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Bruno Belin, rapporteur spécial, sur les unités d'élite de la gendarmerie et de la police nationales.

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à la communication de notre collègue Bruno Belin, rapporteur spécial des programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et « Sécurité et éducation routières », sur les unités d'élite de la gendarmerie et de la police nationales.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Je commencerai par un bref rappel historique. La prise d'otages de la délégation israélienne survenue aux jeux Olympiques de Munich en 1972 - les premiers à être organisés en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale - a provoqué une prise de conscience. La République fédérale d'Allemagne ne souhaitait pas montrer de forces de sécurité ; les agents chargés d'assurer la sécurité de l'événement n'étaient donc ni en uniforme ni armés. En a résulté un fiasco dans la gestion de la prise d'otage.

À la même période, les Brigades rouges sévissaient en Italie et la bande à Baader en Allemagne, et la France était frappée par l'affaire Mesrine et celle du baron Empain.

Cela a conduit les autorités à créer d'abord une brigade « antigang », surnom donné à compter de 1972 à la brigade de recherche et d'intervention de la préfecture de police (BRI-PP), puis deux unités spécialisées de la gendarmerie et de la police nationale : le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) en 1974, d'un côté, et le Raid, de l'autre, en 1985.

Le budget général du GIGN s'élève, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » à environ 90 millions d'euros, pour un effectif d'un millier de personnes. Le Raid dispose quant à lui d'un budget d'environ 40 millions d'euros, pour un effectif de 500 personnes. Enfin, la BRI présente un budget d'environ 10 millions d'euros, pour un effectif d'une centaine de personnes.

Il y a peu de femmes dans les groupes d'intervention de ces unités. Ce phénomène ne découle évidemment pas d'une volonté des unités. Certaines femmes se présentent aux tests, mais l'une des difficultés est le poids de l'équipement. Pour une petite sortie, l'équipement pèse 25 kilos, et parfois 45 kilos pour une grande sortie. Vous imaginez la contrainte physique que cela représente.

Au total, les unités d'élite emploient donc environ 1 600 personnes, pour un budget total avoisinant les 140 millions d'euros, hors CAS « Pensions ».

Elles s'appuient sur une répartition territoriale spécifique. La BRI-PP est compétente à Paris et dans les départements de Seine-Saint-Denis, des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne, le Raid dans le reste de la zone « police » en France et le GIGN en zone « gendarmerie ».

Qu'est-ce qui justifie la séparation entre la BRI-PP et le Raid au sein de la police ? Pourquoi cette subtilité ? C'est le fruit de l'histoire. La première est sous l'autorité du préfet de police et la seconde sous celle du directeur général de la police nationale. Mais il n'y a pas de conflit ni de guerre de polices. Lorsqu'un besoin se présente, ce sont les premiers disponibles qui interviennent. Cela ne pose pas de difficultés.

Serait-il plus pertinent de n'avoir qu'une seule unité d'élite, pour gagner en efficacité, en performance et en moyens budgétaires ? Je pense qu'il faut tenir compte des différences entre les zones police et gendarmerie. De plus, chaque unité d'élite a ses spécificités complémentaires, l'investigation pour la BRI-PP par exemple, et la piraterie aérienne et maritime pour le GIGN.

La BRI-PP a son siège à la préfecture de police, le Raid à Bièvres, dans l'Essonne, et le GIGN à Versailles, dans les Yvelines. En outre, le RAID et le GIGN disposent aussi d'antennes en métropole et en outre-mer, ce qui constitue une véritable force. Le GIGN dispose ainsi de sept antennes en métropole et de sept autres en outre-mer.

Nous pourrions nous demander si la distance d'intervention ne pourrait pas poser problème dans certaines zones. Il est vrai qu'un certain manque d'implantations s'observe notamment dans le Massif central. Mais il faut tenir compte de la rapidité de mobilisation de ces unités. Lors de notre visite dans l'unité du GIGN de Tours, nous avons ainsi pu constater qu'il lui fallait une heure et demie pour aller de Tours au Puy-de-Dôme. Ces unités disposent aussi d'hélicoptères basés à Villacoublay. De Bièvres ou de Versailles, il est donc possible de déplacer des moyens humains en très peu de temps.

S'agissant de leurs activités, les unités d'élite ne gèrent pas seulement des prises d'otages, même si nous avons tous en tête les interventions sur l'Airbus à Marignane en 1994 ou à l'Hyper Cacher en 2015. Elles interviennent également beaucoup dans la protection rapprochée, par exemple lors de la Conférence des Nations unies sur l'océan qui s'est tenue à Nice, et à l'occasion d'interpellations difficiles, à domicile ou sur la voie publique. Ces moments particulièrement tendus requièrent un savoir-faire spécifique.

S'agissant de la sélectivité des personnels de ces unités, l'intégration au GIGN nécessite par exemple plusieurs mois d'observation, après des tests sur dossiers, physiques et d'intervention. Nous avons pu participer à plusieurs mises en scène qui montrent combien ses membres ont une formation physique et morale à toute épreuve.

Le GIGN est également mobilisé pour les transfèrements, très consommateurs de moyens, qui sont organisés pour un certain nombre de clients - si j'ose dire - au curriculum vitae « élogieux », pour un procès, par exemple, ou pour un entretien avec le juge d'instruction. Les prisonniers les plus ciblés changent en outre de prison tous les quatre mois. Or ces opérations nécessitent parfois la mobilisation de 15 à 35 gendarmes du GIGN, hélicoptère compris. Elles requièrent donc des moyens humains et un savoir-faire.

Outre-mer, certaines zones sont dépourvues d'unités d'élite : Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin - ce qui soulève des interrogations compte tenu de sa nature binationale particulière et de son aéroport international, sachant que le trafic de stupéfiants est très important dans la région -, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna. Ce sont les seules zones où il faudrait des déplacements aériens pour pouvoir faire intervenir les unités d'élite.

Certaines de mes recommandations concerne les effectifs. Posons les termes du débat : le coût d'un équivalent temps plein (ETP) au sein d'une unité d'élite est d'environ 90 000 euros par an. C'est pourquoi je propose de renforcer le recours aux réservistes au sein des trois unités d'élite en vue de traiter un certain nombre de prestations spécialisées. Mais il faudra malgré tout garantir des moyens humains suffisants.

Lors de mes différents déplacements, mes interlocuteurs ont beaucoup insisté sur un autre sujet : les véhicules utilisés par les unités d'élite. On m'a fait comprendre qu'il était tout simplement impensable d'utiliser des véhicules électriques pour les missions opérationnelles, et ce compte tenu de la nature de ces dernières et de l'indispensable efficacité dont ces unités doivent faire preuve en intervention ; en bref, au nom du principe de réalité. Aussi, je propose - c'est ma recommandation n° 3 - que l'on déroge à l'application du malus écologique pour les véhicules opérationnels des unités d'élite.

La recommandation n° 6 porte sur les marchés publics. Si le GIGN est soumis à des règles spécifiques en la matière, les unités du Raid et de la BRI peinent parfois à accéder à certains matériels pourtant essentiels - munitions, gilets pare-balles -, parce qu'elles doivent suivre les modalités classiques de passation des marchés publics, malgré des besoins de niche. Il conviendrait de simplifier ces procédures.

Enfin, la recommandation n° 7 a trait à l'immobilier- c'est un sujet qui me tient à coeur, puisque j'ai consacré mon précédent contrôle budgétaire à l'immobilier de la gendarmerie nationale. La situation n'a guère changé : il faut réaliser davantage d'efforts d'investissement. Je pense plus particulièrement au projet immobilier de reconstruction de l'échelon central du GIGN à Versailles, le projet CapSatory, qu'il importe, malgré son coût de 600 millions d'euros, de lancer au plus vite. Enfin, sur ce sujet, il me revient de vous alerter sur l'état problématique de la caserne de l'unité du GIGN de Saint-Herblain.

Je terminerai en évoquant, en manière de clin d'oeil, l'importance des chiens au sein de nos unités d'élite. Ces animaux sont très impressionnants : ils ont un odorat exceptionnel et sont capables de détecter explosifs comme stupéfiants à une vitesse record. Ils sont considérés comme faisant partie prenante des effectifs. La preuve en est que, lorsqu'ils décèdent en opération, ils sont par la suite enterrés près des casernes - c'est le cas d'un dénommé Diesel, un ancien chien du Raid, qui est aujourd'hui enterré à Bièvres.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Mon cher collègue, à mon tour de vous adresser un clin d'oeil amical à propos des chiens qui servent dans nos unités d'élite : j'ai une pensée en cet instant pour un chien très renommé, un certain Rintintin, qui s'est distingué au cours de la Première Guerre mondiale. Ce chien était employé par l'armée américaine, stationnée alors en Meurthe-et-Moselle, dans la petite commune de Flirey, et est par la suite devenu très célèbre. Cette parenthèse étant fermée, j'en reviens aux différents sujets qui viennent d'être abordés.

Concernant l'immobilier, une problématique pourtant éminemment régalienne, on ne peut, hélas, que regretter ces difficultés récurrentes, auxquelles nous devons rester particulièrement attentifs. Je me suis moi-même rendu à Champigneulles, petite bourgade près de Nancy, pour rendre visite aux policiers de l'antenne locale du Raid : ils m'ont alerté sur les difficultés qu'ils rencontraient pour disposer de suffisamment de terrains et de lieux d'entraînement, notamment en zone urbaine, malgré l'existence de vastes friches. Vous a-t-on fait part de telles difficultés, monsieur le rapporteur spécial ? Comment les expliquer ? Le problème est-il d'ordre financier ou est-ce une problématique de conventionnement ?

Vous avez par ailleurs parlé de la couverture du territoire par nos unités d'élite. Dispose-t-on d'une cartographie de leurs principales zones d'intervention ? Cela nous permettrait de nous faire une idée sur les territoires les plus exposés et de suivre de plus près l'évolution de la situation.

Enfin, vous préconisez une accélération de la procédure de passation des marchés publics : les difficultés identifiées résultent-elles uniquement de lourdeurs administratives ? Cela implique-t-il une simplification et un allègement des règles ? Quelles améliorations sont-elles envisageables dans ce domaine ?

M. Thierry Cozic. - Je remercie Bruno Belin de cet éclairage sur un sujet que tout le monde connaît, mais que peu d'entre nous maîtrisent.

Alors que la majorité sénatoriale est très attachée à l'efficacité des politiques publiques et, partant, à la rationalisation des dépenses publiques, d'autant plus dans le contexte actuel, est-il encore pertinent de maintenir trois unités d'élite ? Un rapprochement est-il envisageable ? À défaut, ne devrait-on pas améliorer leur complémentarité et les échanges d'informations ?

M. Stéphane Sautarel. - Permettez-moi à mon tour de remercier le rapporteur spécial.

Pour ma part, je formulerai deux observations. D'abord, je découvre avec un grand étonnement les très faibles moyens - 140 millions d'euros ! - consacrés à nos unités d'élite. Ensuite, je considère qu'il s'agit d'une raison supplémentaire pour faire en sorte, y compris financièrement, d'apporter les réponses que l'on doit à ces personnels, qu'elles aient trait aux véhicules ou aux conditions de logement.

Cette communication comporte des éléments intéressants qu'il nous reviendra d'exploiter dans la perspective du prochain projet de loi de finances.

M. Pierre Barros. - Mon observation portera sur le parcours professionnel de nos unités d'élite. Dans mon département notamment, le Val-d'Oise, j'ai remarqué que les patrons de la gendarmerie sont tous passés par le GIGN : cette unité fait office de quasi-passage obligé pour les officiers de l'encadrement supérieur. Je trouve cela intéressant : le GIGN permet d'apprendre un métier certes spécifique, mais il est ensuite possible de faire fructifier cette expérience au plus près des territoires. Un tel parcours professionnel qui concilie compétences très pointues et pratiques de terrain est à préserver. La logique managériale qui le sous-tend est d'autant plus pertinente qu'elle contribue à maintenir l'attractivité de ces métiers.

M. Claude Raynal, président. - La remarque de Stéphane Sautarel sur la faiblesse des moyens alloués à nos unités d'élite est fort pertinente. En revanche, je m'étonne que notre collègue n'ait pas relevé l'absence de ces unités dans les départements du centre de la France... Ce « vide » est pourtant notable !

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, il n'existe aucune cartographie des interventions des unités d'élite. Cela étant, sans trop m'avancer, je dirai que beaucoup de ces interventions ont lieu notamment à proximité des grandes villes, dans les territoires criminogènes et sur les routes, dans le cadre de missions tenant à la protection de personnalités, à la lutte contre les trafics - je pense aux convois de type go fast -, à des interpellations ou à diverses interventions sensibles.

Je vous confirme par ailleurs que le Raid et la BRI sont confrontés à de vraies difficultés lors de la passation des marchés publics. Le degré de détail et le volume des commandes exigés par les services centraux du ministère en charge de la commande publique rendent la procédure particulièrement complexe. Au vu du nombre élevé d'interpellations que l'on m'a faites à ce sujet, s'il n'y avait qu'un problème à résoudre, ce serait celui-ci, outre les véhicules.

M. Claude Raynal, président. - Comment se fait-il que le rapprochement opéré entre la police et la gendarmerie au sein du ministère de l'Intérieur ne se soit pas traduit par des commandes publiques communes ? Un tel carcan est véritablement dommageable.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Si c'était faisable, ce serait effectivement une bonne chose.

Vous m'interrogez également sur les difficultés auxquelles seraient confrontées nos unités d'élite pour obtenir des terrains d'entraînement : pour ce que j'en ai vu, à Tours, Satory ou Bièvres, je vous répondrai que de tels problèmes n'empêchent toutefois pas la bonne réalisation des entraînements. Les opportunités, quand il y en a, sont saisies, tout cela en accord avec les élus locaux, les propriétaires et les riverains.

Je répondrai à Thierry Cozic que nos unités d'élite ont certes chacune une histoire et une culture différentes, mais qu'elles sont parfaitement complémentaires. On l'a observé lors des attentats de novembre 2015 en France : une coordination a été effectivement assurée. Ces services travaillent ensemble en bonne intelligence ; il existe même des passerelles entre unités pour les personnels.

Pour clore le débat, je constate aussi que les économies tirées d'une potentielle fusion ou réorganisation de ces unités d'élite ne rapporteraient pas grand-chose, étant donné le budget modeste - 140 millions d'euros hors CAS « Pensions » - qui leur est alloué.

Enfin, la remarque de Pierre Barros sur le GIGN me semble judicieuse. Il faut savoir que, pour intégrer le GIGN, un militaire doit au préalable avoir passé un certain nombre d'années de service dans la gendarmerie. La durée de service au sein de cette unité d'élite peut atteindre 20 ans, ce qui est particulièrement remarquable. En plus de leurs qualités physiques, ces hommes et ces femmes possèdent des qualités mentales exceptionnelles.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la police nationale :

- M. Louis LAUGIER, directeur général ;

- Mme Naïma RAMALINGOM, conseillère budgétaire du directeur général.

Direction générale de la gendarmerie nationale :

- Général de corps d'armée Bruno ARVISET, major général adjoint ;

- M. François DESMADRYL, directeur des soutiens et des finances.

Préfecture de police :

- M. Laurent NUÑEZ, préfet de police.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Siège de la brigade de recherche et d'intervention de la préfecture de police (BRI-PP)84(*)

- M. Thierry SABOT, chef de la BRI-PP.

Siège du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), à Versailles85(*)

- Général de division Ghislain RÉTY, commandant du GIGN ;

- Mme Hélène VAN HAMME, bureau de la synthèse budgétaire, direction générale de la gendarmerie nationale.

Siège de l'unité du RAID86(*), à Bièvres87(*)

- M. Philippe GOSSELIN, adjoint au chef du RAID.

Antenne du GIGN à Tours88(*)

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)

N° de la proposition

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Dans les territoires ultramarins dans lesquels le GIGN et le RAID ne disposent pas d'antenne, assurer les conditions - notamment logistiques - d'une projection de personnels et de matériels de ces unités depuis d'autres implantations

Ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale et direction générale de la police nationale

Dès aujourd'hui

Infrastructures et équipements

2

Dans une perspective d'efficience budgétaire, renforcer le recours aux réservistes au sein des trois unités, notamment s'agissant de prestations spécialisées

Ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police

Dès aujourd'hui

Réserve opérationnelle

3

En raison de la très forte spécificité des véhicules utilisés par les unités d'élite, envisager de faire exception à l'application du malus écologique pour leurs véhicules opérationnels

Gouvernement

Dès que possible

Texte législatif

4

Afin d'optimiser l'utilisation des ressources et dans une logique d'efficience opérationnelle, mobiliser des véhicules adaptés et moins onéreux à l'occasion des missions de maintien de l'ordre

Ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale et préfecture de police

Dès que possible

Equipements

5

Garantir un niveau d'effectifs suffisant dans les antennes territoriales du RAID et du GIGN pour bénéficier d'effets de seuil et réduire le coût budgétaire de l'envoi régulier de renforts

Ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale et direction générale de la police nationale

Dès que possible

Gestion des ressources humaines

6

Accélérer et simplifier les procédures de passation des marchés publics de fourniture de matériels spécifiques des unités du RAID et de la BRI-PP

Ministère de l'Intérieur, direction générale de la police nationale, préfecture de police

Dès que possible

Texte réglementaire

7

Déployer un niveau d'investissement suffisant en faveur de l'immobilier des unités d'élite et lancer le projet immobilier couvrant l'échelon central du GIGN à Versailles

Ministère de l'Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale

2026

Projet de loi de finances pour 2026


* 1 Recherche, assistance, intervention, dissuasion.

* 2 Qui sont rattachées au ministère des armées, et essentiellement destinées à mener des opérations dans le cadre de situations de conflits, aujourd'hui à l'étranger.

* 3 Voir infra.

* 4 Idem.

* 5 Nucléaire, radiologique, biologique et chimique.

* 6 1 380 saisines acceptées en 2024, contre 964 en 2019, pour 1 494 saisines au total en 2024, contre 1 090 en 2019.

* 7 Voir supra.

* 8 Un long chemin vers la liberté, 1996, Nelson Mandela.

* 9 Acronyme de l'unité « Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion ».

* 10 La BRI-PP n'a toutefois pas une compétence nationale, voir infra.

* 11 Qu'ils soient classiques (entre États) ou non conventionnels, par exemple contre des groupes armés.

* 12 Voir infra.

* 13 Selon la définition posée par l'article 14 du code de procédure pénale. Ces missions sont accomplies sous la direction du procureur de la République, en vertu de l'article 12 du même code.

* 14 Voir infra.

* 15 Voir infra.

* 16 La police administrative ayant vocation à prévenir les troubles à l'ordre public, la police judiciaire se chargeant de les réprimer, une fois réalisés.

* 17 Le GSPR est une entité du service de la protection de la direction générale de la police nationale, composée de gendarmes du GIGN et de policiers du service de la protection.

* 18 Décret n° 2006-1088 du 30 août 2006 relatif à l'organisation des services de sécurité intérieure au sein des missions diplomatiques à l'étranger.

* 19 En vertu de l'organisation du GIGN, la granularité dans le choix des effectifs concernés est accrue par le fait qu'en cas de risque très élevé, ce sont les effectifs de l'échelon central du GIGN qui sont mobilisés, tandis que le sont ceux des antennes si le risque est légèrement moindre.

* 20 Voir infra.

* 21 Ces critères n'étant pas nécessairement cumulatifs.

* 22 « Dernier recours », en latin.

* 23 Hors BRI-PP.

* 24 Compagnies républicaines de sécurité.

* 25 Voir infra.

* 26 Idem.

* 27 Voir infra.

* 28 Conformément aux articles R. 2214-1 et R. 2214-2 du code général des collectivités territoriales, les communes chefs-lieux de département sont placées sous le régime de la police d'État. En outre, ce régime peut être établi dans une commune ou dans un ensemble de communes formant un ensemble urbain lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : 1° La population de la commune ou de l'ensemble de communes, appréciée en tenant compte de l'importance de la population saisonnière, est supérieure à 20 000 habitants ; 2° Les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines.

* 29 En application des articles 72 et 73 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, le préfet de police a la charge de l'ordre public dans le département de Paris mais également dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne. Il y dirige l'action des services de police. Il dispose également de compétences spécifiques en matière d'ordre public s'agissant des aéroports Paris-Charles de Gaulle, Paris-Le Bourget et Paris-Orly, en application de l'article 73-1 du même décret.

* 30 Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nice, Rennes et Strasbourg.

* 31 Dont 24 à 25 effectifs opérationnels.

* 32 Néanmoins, conformément à l'article 2-1 de l'arrêté du 5 janvier 2011 relatif aux missions et à l'organisation des services composant la force d'intervention de la police nationale et portant dispositions sur l'affectation et l'aptitude professionnelle de leurs agents, les antennes ne peuvent pas mettre à disposition des moyens techniques spécifiques.

* 33 Voir infra.

* 34 Voir supra.

* 35 Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Bordeaux, Lille et Rennes.

* 36 La création d'une antenne dans cette zone présenterait un coût peu efficient au regard d'un niveau d'activités qui serait relativement faible. En outre, un niveau d'activité faible implique une baisse de technicité des personnels.

* 37 Voir supra.

* 38 Article 10 de l'arrêté du 5 janvier 2011 relatif aux missions et à l'organisation des services composant la force d'intervention de la police nationale et portant dispositions sur l'affectation et l'aptitude professionnelle de leurs agents

* 39 Arrêté du 5 janvier 2011 relatif aux missions et à l'organisation des services composant la force d'intervention de la police nationale et portant dispositions sur l'affectation et l'aptitude professionnelle de leurs agents.

* 40 Article 1 du même arrêté.

* 41 Voir supra.

* 42 Auxquels doivent être ajoutés les personnels stagiaires.

* 43 Voir supra.

* 44 Idem.

* 45 En vertu de l'article R. 3225-4, le GIGN relève, comme son nom l'indique, de la gendarmerie nationale.

* 46 En vertu de l'article 6 du décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer, l'unité du RAID constitue un service actif de police rattaché au directeur général de la police nationale.

* 47 En vertu de l'article 10 de l'arrêté du 5 janvier 2011 relatif aux missions et à l'organisation des services composant la force d'intervention de la police nationale et portant dispositions sur l'affectation et l'aptitude professionnelle de leurs agents, « La brigade de recherche et d'intervention de la préfecture de police [est] placée sous l'autorité du préfet de police ».

* 48 Sous le nom de section de recherche et d'intervention, avant de devenir la BRI-PP en 1967.

* 49 Voir supra.

* 50 Qui agrège également d'autres forces autour de la BRI-PP.

* 51 À laquelle elle est d'ailleurs rattachée.

* 52 Arrêté du 26 juillet 2021 relatif aux attributions et à l'organisation du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale.

* 53 Arrêté du 23 octobre 1985 portant création du service de recherche, d'assistance, d'intervention et de dissuasion de la police nationale, abrogé.

* 54 Grenzschutzgruppe 9 der Bundespolizei en allemand. En français, groupe 9 de protection des frontières de la police fédérale.

* 55 Grupo Especial de Operaciones (GEO) en espagnol. En français, groupe spécial d'opérations.

* 56 Special Weapons And Tactics en anglais. En français, armes spéciales et tactiques.

* 57 Special Tactics and Rescue en anglais. En français, tactiques spéciales et sauvetage.

* 58 Nucléaire, radiologique, biologique ou chimique.

* 59 Techniques d'escalade.

* 60 Les personnels non opérationnels sont recrutés selon des modalités classiques au sein de la gendarmerie et de la police nationales, à différents postes (commandement, secrétariat, mécaniciens, magasiniers, etc.).

* 61 Articles 5 et 11 de l'arrêté du 5 janvier 2011 relatif aux missions et à l'organisation des services composant la force d'intervention de la police nationale et portant dispositions sur l'affectation et l'aptitude professionnelle de leurs agents.

* 62 Voir infra.

* 63 En vertu de l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires de police et militaires de la gendarmerie nationale, les membres des trois unités d'élite doivent, pour des raisons de sécurité, conserver l'anonymat. Les chefs d'unité, qui exercent des missions de représentation, sont néanmoins identifiés.

* 64 Décret n° 2004-1315 du 26 novembre 2004 portant attribution d'une indemnité pour mission exclusive aux fonctionnaires actifs de police nationale affectés au RAID et à la brigade de recherche et d'intervention de la direction régionale de la police judiciaire de Paris. Soit un montant identique à celui perçu par les unités de CRS spécialisées dans le secours en montagne.

* 65 Décret n° 2022-1154 du 12 août 2022 portant attribution d'une indemnité pour mission exclusive aux militaires du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale.

* 66 L'IAM vise à compenser l'absence prolongée d'un agent de sa résidence administrative dans le cadre de certaines missions de renfort temporaires ou exceptionnelles

* 67 Et de quelques autres personnels.

* 68 Voir supra.

* 69 Arrêté du 3 octobre 2024 modifiant l'arrêté du 5 janvier 2011 relatif aux missions et à l'organisation des services composant la force d'intervention de la police nationale et portant dispositions sur l'affectation et l'aptitude professionnelle de leurs agents.

* 70 Voir infra.

* 71 Pour 1 494 saisines au total en 2024, contre 1 090 en 2019.

* 72 Selon une mesure en nombre de jours cumulés par missions et hors activités des réservistes.

* 73 La hausse est de 179 % entre 2020 et 2024, du fait de l'intégration organique des antennes du GIGN au sein d'une entité unique, en 2021.

* 74 Les éléments à disposition du rapporteur spécial ne permettent pas de procéder à une analyse pertinente de l'évolution des dépenses s'agissant de la BRI-PP. Leur poids dans l'ensemble du budget des unités d'élite demeure relativement faible.

* 75 Nucléaire, radiologique, biologique ou chimique.

* 76 Rapport sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 : Sécurités, n° 743 (2024-2025), tome II, annexe 29, volume 1, déposé le 18 juin 2025.

* 77 Taxe sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme, régie par les articles L. 421-58 et suivants du code des impositions sur les biens et services.

* 78 Voir supra.

* 79 Voir supra.

* 80 Sont ainsi concernés pour le RAID notamment de petits matériels de vestiaires, des lunettes de protection, etc.

* 81 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, M. Bruno BELIN, déposé le 10 juillet 2024.

* 82 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, M. Bruno BELIN, déposé le 10 juillet 2024.

* 83 Voir supra. Des primes sont également prévues, voir supra.

* 84 L'identité de toutes les personnes entendues n'est pas communiquée, pour des raisons de confidentialité.

* 85 Idem.

* 86 Recherche, assistance, intervention, dissuasion.

* 87 L'identité de toutes les personnes entendues n'est pas communiquée, pour des raisons de confidentialité.

* 88 L'identité des personnes entendues n'est pas communiquée, pour des raisons de confidentialité.

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