B. UNE INSCRIPTION DES LANGUES RÉGIONALES DANS LA CONSTITUTION EN 2008 SANS EFFETS MAJEURS SUR LA DÉFENSE DES LANGUES RÉGIONALES
Lors des débats en 2008 sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, à l'initiative de plusieurs députés, l'Assemblée nationale a introduit dans la Constitution le principe selon lequel « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France »8(*). Il s'agissait de permettre le vote d'une loi sur les langues régionales promise par Christine Albanel, alors ministre de la Culture à l'occasion d'un débat à l'Assemblée nationale le 7 mai 2008. Cette intervention en elle-même était porteuse de promesses : pour la première fois, un gouvernement de la Vème République prenait l'initiative d'organiser un débat sur ce sujet, dans un contexte marqué par la ratification du traité de Lisbonne9(*).
Toutefois, l'inscription des langues régionales dans la Constitution n'a pas modifié le carcan des modalités de leur enseignement. Comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC 2011-130 du 20 mai 2011, l'article 75-1 de la Constitution ne constitue ainsi pas un droit ou une liberté opposable à un particulier ou aux collectivités territoriales. En l'espèce, les requérants représentant plusieurs associations de promotion des langues régionales estimaient que les dispositions du code de l'éducation relatives à l'apprentissage des langues régionales ne garantissaient pas une protection efficace et effective de l'enseignement de ces langues.
Le cadre constitutionnel préexistant à la réforme de 2008 reste applicable. Afin de respecter le principe constitutionnel selon lequel la langue de la République est le français (article 2 de la Constitution), l'apprentissage des langues régionales :
· ne peut avoir un caractère obligatoire ni pour les élèves ni pour les enseignants (DC n° 2001-454 du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse, DC n° 2004-490 du 12 février 2004 sur la loi portant statut d'autonomie de la Polynésie française). Ce caractère facultatif s'applique même si l'enseignement des langues régionales se fait dans le cadre de l'horaire normal des écoles ;
· et ne doit pas avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celuici (DC n° 91-290 du 9 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse) ;
· de plus, l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves ni dans la vie de l'établissement ni dans l'enseignement des disciplines autres que celle de la langue considérée (même décision).
Malgré les promesses gouvernementales, aucun projet de loi relatif à la promotion des langues régionales n'a été déposé depuis 2008. Comme le souligne notre collègue député Paul Molac dans le cadre de l'examen de sa proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, « en tant que tel, l'article 75-1 ne donne en effet aucun droit sans déclinaison législative ultérieure ».
* 8 Initialement introduite à l'article premier de la Constitution, la reconnaissance des langues régionales a été ensuite déplacée à un nouvel article 75-1. Comme le soulignait François Bayrou, alors député : « la reconnaissance des langues régionales ne me semble pas avoir sa place à l'article 1er de la Constitution, car il ne s'agit pas d'un principe fondamental de la République [...] Il s'agit, au contraire, de régler un problème technique né d'une mauvaise interprétation du premier alinéa de l'article 2 - “La langue de la République est le français” -, qui a donné lieu à une jurisprudence du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel hostiles aux langues régionales. [...] Je suis ravi que les langues régionales soient inscrites dans la Constitution, mais il faudrait qu'elles figurent à un autre article, car cette bizarrerie me semble être de nature à troubler le bon ordonnancement de la Constitution, au motif de régler un problème, certes réel et profond, mais qui ne tient pas aux principes de la République ».
* 9 Le traité de Lisbonne mentionne le respect de la richesse de la diversité culturelle et linguistique de l'Union européenne ainsi que la sauvegarde et le développement du patrimoine culturel européen.