- L'ESSENTIEL
- I. LE DÉVELOPPEMENT À MARCHE
FORCÉE DES CPTS, APPUYÉ SUR DES MODALITÉS DE FINANCEMENT
INCITATIVES
- II. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES CPTS
ET FAVORISER LEUR CONTRIBUTION EFFECTIVE À LA COORDINATION DES
SOINS
- A. OPTIMISER LA DÉPENSE PUBLIQUE ET MIEUX
ORIENTER L'ACTION DES CPTS
- 1. Améliorer l'adéquation entre les
financements alloués et la réalité de l'action des CPTS
afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique
- 2. Mettre en oeuvre un dialogue de gestion efficace
sur l'ensemble du territoire et encourager l'utilisation d'indicateurs
adaptés aux spécificités des territoires et à la
maturité des CPTS
- 1. Améliorer l'adéquation entre les
financements alloués et la réalité de l'action des CPTS
afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique
- B. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES
CPTS
- A. OPTIMISER LA DÉPENSE PUBLIQUE ET MIEUX
ORIENTER L'ACTION DES CPTS
- I. LE DÉVELOPPEMENT À MARCHE
FORCÉE DES CPTS, APPUYÉ SUR DES MODALITÉS DE FINANCEMENT
INCITATIVES
- LISTE DES PROPOSITIONS
- LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE
CONTRÔLE
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (MECSS)
- I. LE DÉVELOPPEMENT À MARCHE
FORCÉE DES CPTS, APPUYÉ SUR DES MODALITÉS DE FINANCEMENT
INCITATIVES
- A. LE DÉPLOIEMENT RAPIDE DE CPTS, PORTEUR
D'EFFETS CONCRETS MAIS INÉGAUX SUR LA COORDINATION DES SOINS DE
VILLE
- B. DES MODALITÉS DE FINANCEMENT INCITATIVES,
MAIS FAIBLEMENT PILOTÉES
- A. LE DÉPLOIEMENT RAPIDE DE CPTS, PORTEUR
D'EFFETS CONCRETS MAIS INÉGAUX SUR LA COORDINATION DES SOINS DE
VILLE
- II. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES CPTS
ET FAVORISER LEUR CONTRIBUTION EFFECTIVE À LA COORDINATION DES
SOINS
- A. OPTIMISER LA DÉPENSE PUBLIQUE ET MIEUX
ORIENTER L'ACTION DES CPTS
- B. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES
CPTS
- A. OPTIMISER LA DÉPENSE PUBLIQUE ET MIEUX
ORIENTER L'ACTION DES CPTS
- I. LE DÉVELOPPEMENT À MARCHE
FORCÉE DES CPTS, APPUYÉ SUR DES MODALITÉS DE FINANCEMENT
INCITATIVES
- EXAMEN PAR LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE
CONTRÔLE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- DÉPLACEMENT
- TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES PROPOSITIONS
N° 32
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 octobre 2025
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission d'évaluation et de
contrôle de la sécurité sociale (1)
de la commission
des affaires sociales (2) sur les communautés
professionnelles territoriales de
santé,
Par Mme Corinne IMBERT
et M. Bernard JOMIER,
Sénatrice et Sénateur
(1) Cette mission d'évaluation est composée de : M. Alain Milon, président ; Mmes Élisabeth Doineau, Annie Le Houerou, vice-présidentes ; Mmes Solanges Nadille, Cathy Apourceau-Poly, Marie-Claude Lermytte, Raymonde Poncet Monge, Véronique Guillotin, secrétaires ; Mmes Chantal Deseyne, Pascale Gruny, M. Olivier Henno, Mme Corinne Imbert, MM. Bernard Jomier, Philippe Mouiller, Mmes Émilienne Poumirol, Marie-Pierre Richer, M. Jean Sol.
(2) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Brigitte Bourguignon, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris.
L'ESSENTIEL
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) bénéficient, depuis 2019, d'un soutien opérationnel et financier important des pouvoirs publics. Dans ce contexte, la Mecss a souhaité étudier la pertinence des fonds qui leur sont consacrés.
À l'issue de leurs travaux, les rapporteurs appellent à renforcer le contrôle financier des CPTS et à favoriser leur contribution effective à l'amélioration de l'offre de soins dans les territoires.
I. LE DÉVELOPPEMENT À MARCHE FORCÉE DES CPTS, APPUYÉ SUR DES MODALITÉS DE FINANCEMENT INCITATIVES
A. LE DÉPLOIEMENT RAPIDE DE CPTS, PORTEUR D'EFFETS CONCRETS MAIS INÉGAUX
1. Le déploiement rapide des CPTS, outil central d'organisation des soins de ville
Créées par la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, les CPTS ont été, dès l'origine, conçues comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires, à l'initiative des professionnels de santé. Un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) conclu par l'assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé a fixé les conditions d'accompagnement et de financement des CPTS autour de six missions1(*).
Poussé par les pouvoirs publics, le nombre de CPTS a très fortement progressé ces dernières années, passant d'une vingtaine en 2018 à plus de 800 en mai 2025. Elles couvrent désormais une grande partie du territoire national et 82 % de la population.
2. Des résultats concrets mais inégaux sur le terrain
Les acteurs auditionnés ont souligné l'action des CPTS en matière d'accès aux soins, d'organisation des parcours et de prévention. Elles permettent également aux pouvoirs publics de disposer localement d'interlocuteurs susceptibles de faciliter la mise en oeuvre des politiques de santé.
Toutefois, en réalité, l'apport effectif des CPTS n'a jamais été réellement mesuré au niveau national. Par ailleurs, l'implication variable des professionnels de santé dans leur CPTS est particulièrement soulignée. Selon l'UNPS, ces derniers ont, en pratique, « du mal à s'approprier les CPTS, jugées trop administrées et peu lisibles ».
B. DES MODALITÉS DE FINANCEMENT INCITATIVES, MAIS FAIBLEMENT PILOTÉES
1. Des modalités de financement sur fonds publics définies pour faciliter la création des CPTS
Les CPTS reçoivent deux types de financements dont le montant est fonction du nombre d'habitants couverts. Un financement pour le fonctionnement attribué avant le démarrage des missions et un financement pour chaque mission engagée composé d'une part fixe et d'une part variable, calculée selon l'atteinte des objectifs fixés dans le contrat.
Les ARS apportent également un soutien financier aux CPTS, par les crédits du fonds d'intervention régional (FIR), particulièrement en phase de lancement. Des fonds conventionnels de l'assurance maladie peuvent également être versés, sous certaines conditions, avant la signature de l'ACI.
2. Des financements importants qui souffrent d'un pilotage et d'un contrôle manifestement insuffisants
Les sommes versées aux CPTS sont importantes : 105,8 et 121 millions d'euros, respectivement, en 2022 et 2023. Dans ces conditions, les rapporteurs n'ont pu que regretter la faible connaissance des financements attribués aux CPTS et s'étonnent qu'aucun outil de pilotage de la dépense ne soit disponible à l'échelle nationale.
Proposition n° 22(*) : Mettre en place un outil de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS sur l'ensemble du territoire national.
Si le dialogue de gestion constitue le principal outil de pilotage financier de l'activité des CPTS permettant d'évaluer leurs actions, les rapporteurs ont pu constater les limites de certains indicateurs retenus. Trop souvent, le justificatif demandé apparaît faible : une simple mention dans le rapport d'activité d'une réunion suffit parfois à attester de sa tenue.
II. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES CPTS ET FAVORISER LEUR CONTRIBUTION EFFECTIVE À LA COORDINATION DES SOINS
A. OPTIMISER LA DÉPENSE PUBLIQUE ET MIEUX ORIENTER L'ACTION DES CPTS
1. Améliorer l'adéquation entre les financements alloués et la réalité de l'action des CPTS afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique
Il existe une réelle dichotomie entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées. Ainsi, la mission « gestion de crise sanitaire » semble largement surfinancée quand d'autres, comme la mission « prévention », paraissent sous-estimées. Les rapporteurs souhaitent la mise en place d'un cadre national autorisant la fongibilité des enveloppes entre chaque mission.
Consommation moyenne de l'enveloppe
« crise sanitaire » attribuée
lors de la
première rédaction du plan de gestion de crise, par taille de
CPTS
(en euros)
Source : Mecss du Sénat, d'après des données FCPTS
Par ailleurs, l'existence de crédits de fonctionnement, alloués dès la naissance de la CPTS puis pendant toute la durée contrat, conduit à s'interroger. Il existe un risque que cette rémunération au titre du fonctionnement fasse double emploi avec la part fixe des financements par mission.
C'est pourquoi les rapporteurs estiment que la négociation du prochain ACI doit être l'occasion de revoir le périmètre des missions ainsi que les modalités de leur financement.
Proposition n° 5 : Conduire une étude nationale sur le montant des dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions conventionnelles pour pouvoir réviser, dans le cadre de la négociation du prochain ACI, le périmètre et la répartition des crédits entre ces missions.
Enfin, une discussion doit être engagée entre les financeurs et les organisations représentatives pour augmenter la part variable du financement des CPTS basée sur l'atteinte d'objectifs.
Proposition n° 6 : Prévoir, dans le cadre du prochain ACI, d'augmenter progressivement la part variable dans le financement par mission des CPTS.
2. Mettre en oeuvre un dialogue de gestion efficace sur l'ensemble du territoire et encourager l'utilisation d'indicateurs adaptés aux spécificités des territoires et à la maturité des CPTS
L'utilisation d'outils de gestion performants et de plateformes interopérables doit être favorisée dans le cadre du dialogue de gestion, afin de simplifier la transmission des données et des pièces justificatives. Les rapporteurs appellent également à l'utilisation d'indicateurs évolutifs en fonction de l'ancienneté de la CPTS et de sa taille afin de tenir compte de sa capacité à influer sur les résultats en santé de son territoire.
B. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES CPTS
1. Mieux contrôler les dépenses et la gestion des CPTS
L'ACI laisse une très grande liberté aux CPTS dans l'utilisation des fonds qui leur sont octroyés et le risque de mésusage de ces fonds publics a fréquemment été évoqué.
Illustrations de mésusages et de dépenses litigieuses
- organisation d'activités culturelles et sportives à destination de leurs membres, tels que des cours de yoga, des sorties en voile ou des « soirées théâtre »3(*) ;
- thésaurisation d'une partie des fonds octroyés demeurant inutilisée et épargnée ;
- utilisation de fonds de l'assurance maladie pour réaliser un investissement immobilier.
De plus, les rapporteurs ont observé que le niveau d'information dont disposent les régulateurs sur les dépenses engagées par les CPTS est très variable. Une CPAM rapporte, ainsi, que l'une des CPTS de son territoire lui adresse son rapport d'activité « amputé de la partie financière ».
Proposition n° 9 : Imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS.
Ainsi, bien que les rapporteurs demeurent attachés à la libre organisation des professionnels, un encadrement plus strict de la gestion financière des CPTS au niveau national doit être recherché. Celui-ci pourrait amener à fixer des règles visant notamment à interdire explicitement certaines pratiques, prévoir des mécanismes de récupération des indus et de sanctions financières visant directement les personnes responsables des dépenses litigieuses.
2. L'indispensable contrôle des sources de financement des CPTS
À côté du financement conventionnel et des cotisations versées par les adhérents, les CPTS disposent parfois de sources de financement secondaires très diversifiées : y figurent notamment les collectivités territoriales mais aussi des acteurs privés, tels que des associations ou des laboratoires pharmaceutiques. Ces financements sont aujourd'hui difficilement identifiables.
Part des CPAM identifiant une source de
financement secondaire
pour au moins une CPTS de leur ressort
territorial
Source : Mecss du Sénat, d'après des données de la Caisse nationale de l'assurance maladie
Proposition n° 11 : Mettre en place, dans le cadre du nouvel ACI, un contrôle systématique des sources de financement des CPTS à l'aide des documents budgétaires et comptables transmis.
Certains financements secondaires observés suscitent des risques spécifiques. Tel est le cas, en particulier, des fonds versés par des laboratoires pharmaceutiques en contrepartie de formations. Une réflexion doit être engagée avec les professionnels de santé sur l'opportunité d'encadrer davantage le financement des CPTS par des entreprises.
Réunie le mercredi 15 octobre 2025 sous la présidence de Mme Pascale Gruny, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les propositions présentés par Corinne Imbert et Bernard Jomier, rapporteurs, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.
LISTE DES PROPOSITIONS
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Proposition n° 1 |
Dans la perspective de la négociation d'un nouvel ACI, engager une réflexion visant à découpler les financements ARS et assurance maladie en réservant les seconds aux CPTS ayant signé l'ACI. |
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Proposition n° 2 |
Mettre en place un outil de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS sur l'ensemble du territoire national. |
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Proposition n° 3 |
Autoriser et encadrer la fongibilité des enveloppes entre missions. |
|
Proposition n° 4 |
Prévoir, en fonction de la maturité des CPTS, une réduction progressive des crédits de fonctionnement afin de privilégier le financement par missions. |
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Proposition n° 5 |
Conduire une étude nationale sur le montant des dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions conventionnelles pour pouvoir réviser, dans le cadre de la négociation du prochain ACI, le périmètre et la répartition des crédits entre ces missions. |
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Proposition n° 6 |
Prévoir, dans le cadre du prochain ACI, d'augmenter progressivement la part variable dans le financement par mission des CPTS. |
|
Proposition n° 7 |
Fixer au niveau national les modalités de récupération des pièces justificatives et un cadre commun d'analyse de l'action des CPTS lors du dialogue de gestion. |
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Proposition n° 8 |
Privilégier la définition d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et à la maturité des CPTS, permettant de mesurer réellement l'impact de leur action. |
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Proposition n° 9 |
Imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS. |
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Proposition n° 10 |
Renforcer le cadrage national des dépenses effectuées et des rémunérations versées par les CPTS, afin d'assurer la prévisibilité des contrôles et sanctions. |
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Proposition n° 11 |
Mettre en place, dans le cadre du nouvel ACI, un contrôle systématique des sources de financement des CPTS à l'aide des documents budgétaires et comptables transmis. |
|
Proposition n° 12 |
Engager une réflexion sur l'opportunité d'encadrer le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques. |
LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DE LA
SÉCURITÉ SOCIALE (MECSS)
La Mecss du Sénat
Selon l'article L.O. 111-10 du code de la sécurité sociale, « il peut être créé au sein de la commission de chaque assemblée saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale une mission d'évaluation et de contrôle chargée de l'évaluation permanente de ces lois ».
Ainsi, chacune des deux commissions des affaires sociales a créé en son sein une Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).
Les commissions des affaires sociales disposent de prérogatives importantes en matière de contrôle4(*).
Dans le cas des missions d'évaluation et de contrôle, en cas de non-transmission d'informations, le président de la commission peut demander au juge statuant en référé de faire cesser l'entrave sous astreinte5(*). Par ailleurs, la mission d'évaluation et de contrôle peut adresser aux pouvoirs publics des observations, ceux-ci ayant deux mois pour y répondre6(*).
Conformément à son règlement intérieur, la Mecss du Sénat comprend 16 membres désignés de façon à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques, auxquels s'ajoute le président de la commission. Le rapporteur général et les rapporteurs de branche sont membres de droit de la Mecss.
Déroulé des travaux
Lors de sa réunion du 17 décembre 2024, la Mecss du Sénat a adopté son programme de travail pour 2025, comprenant un contrôle sur le financement des communautés professionnelles territoriales de santé.
Lors de sa réunion du 5 février 2025, la Mecss a nommé Corinne Imbert (groupe Les Républicains, sénatrice de la Charente-Maritime) et Bernard Jomier (groupe Socialiste, écologiste et républicain, sénateur de Paris) corapporteures de ce contrôle.
Des questionnaires écrits ont été adressés à l'ensemble des personnes ou entités auditionnées, au nombre d'une quarantaine. Leur liste figure à la fin du présent rapport. Les rapporteurs ont également interrogé dix-sept caisses primaires d'assurance maladie afin d'obtenir des éléments concernant les indicateurs mis en place et les modalités de contrôle des actions réalisées par les CPTS.
Par ailleurs, la mission s'est déplacée dans l'Allier pour étudier l'action des CPTS sur le terrain.
Le rapport a été examiné par la Mecss du Sénat le 7 octobre 2025. Il a été adopté par la commission des affaires sociales du Sénat le 15 octobre 2025.
I. LE DÉVELOPPEMENT À MARCHE FORCÉE DES CPTS, APPUYÉ SUR DES MODALITÉS DE FINANCEMENT INCITATIVES
A. LE DÉPLOIEMENT RAPIDE DE CPTS, PORTEUR D'EFFETS CONCRETS MAIS INÉGAUX SUR LA COORDINATION DES SOINS DE VILLE
1. Le déploiement rapide des CPTS, outil central d'organisation des soins de ville
a) La genèse des CPTS
Créées par la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé7(*), les CPTS ont été, dès l'origine, conçues comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires, à l'initiative des professionnels de santé. À rebours du projet de service territorial de santé au public (STSP) initialement envisagé par le Gouvernement de l'époque, le législateur a, en effet, souhaité que la constitution des CPTS résulte des professionnels eux-mêmes. La loi prévoit, ainsi, que ces derniers peuvent « décider de se constituer » en CPTS, afin « d'assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé (...) et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé »8(*). Ce principe a plusieurs fois été réaffirmé depuis.
L'initiative et la libre organisation des
professionnels,
des principes originels auxquels la commission demeure
attachée
Le projet initial du Gouvernement, en 2014, confiait aux agences régionales de santé (ARS) le soin d'assurer « la mise en place du service territorial de santé au public », sur la base d'un diagnostic territorial qu'elles devaient établir elles-mêmes. Le projet de loi autorisait également le directeur général de l'ARS à subordonner l'attribution de crédits du fonds d'intervention régional (FIR) ou l'octroi d'autorisations d'activités à la participation du bénéficiaire à la mise en oeuvre du projet territorial de santé qui fondait le STSP9(*).
Comme le relevaient les rapporteurs Alain Milon, Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, ce dispositif a été « quasi-unanimement dénoncé par les professionnels pour son caractère excessivement rigide, hyper-administré, ainsi que pour sa logique normative perçue comme descendante, de l'ARS vers les territoires et les professionnels ».
Pour tenir compte de ces réactions et au terme d'un travail de concertation, des amendements gouvernementaux adoptés par l'Assemblée nationale ont intégralement réécrit ce dispositif pour lui substituer deux outils nouveaux, à la main des professionnels de santé volontaires : l'équipe de soins primaires (ESP) et la CPTS.
La commission des affaires sociales du Sénat avait favorablement accueilli ce revirement, estimant que « toute entreprise d'amélioration de la qualité et de l'efficacité des soins ne peut être pensée et mise en oeuvre qu'en partant des professionnels ». En conséquence, elle avait souligné que « le dispositif des CPTS doit être entièrement facultatif et ne pas comprendre de mesures opposables aux professionnels de santé »10(*).
La commission des affaires sociales du Sénat a, depuis, réaffirmé son attachement à ces principes. Elle a supprimé de la proposition de loi dite « Valletoux », en 2023, des dispositions qui visaient à systématiser l'adhésion des professionnels de santé conventionnés et centres de santé aux CPTS, sauf opposition expresse de leur part11(*). Elle a souligné que de telles dispositions risquaient de contraindre « inutilement à adhérer aux CPTS des professionnels de santé qui n'entendent pas s'y impliquer », et de décourager « les initiatives locales, qui apparaissent pourtant particulièrement nombreuses et dynamiques ces dernières années »12(*).
Le régime juridique applicable aux CPTS a, depuis, été progressivement précisé.
Si les professionnels volontaires doivent formaliser un projet de santé transmis à l'ARS, la loi « santé » de 2019 a précisé que celui-ci serait réputé validé en l'absence d'opposition du directeur général de l'ARS dans un délai de deux mois. Une telle opposition ne peut être fondée que sur l'absence de respect des objectifs du projet régional de santé ou sur la pertinence du territoire d'action de la CPTS13(*). La même loi a également supprimé les dispositions du code de la santé publique qui prévoyaient, jusqu'alors, que l'ARS devait prendre les initiatives nécessaires à la constitution de CPTS à défaut d'initiative des professionnels14(*).
Un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) conclu en 2019 pour une durée de cinq ans par l'assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé a fixé les conditions d'accompagnement et de financement des CPTS, autour de six missions de service public - les quatre premières étant obligatoires et les deux dernières, optionnelles -, également inscrites dans le code de la santé publique par une ordonnance de 202115(*) :
- l'amélioration de l'accès aux soins, comprenant l'accès à un médecin traitant, la prise en charge des soins non programmés en ville et le développement de la télésanté ;
- l'organisation des parcours de soins associant plusieurs professionnels de santé ;
- le développement d'actions territoriales de prévention ;
- la participation à la réponse aux crises sanitaires graves ;
- le développement de la qualité et de la pertinence des soins ;
- l'accompagnement des professionnels de santé sur le territoire16(*).
La conclusion d'une convention avec l'ARS et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), prévoyant les modalités de réalisation de ces missions, conditionne le versement d'aides de l'État ou de l'assurance maladie17(*).
La même ordonnance a précisé que les CPTS étaient constituées sous la forme d'associations régies par la loi de 190118(*). En conséquence, les professionnels sont libres d'y adhérer ou de s'en retirer à tout moment19(*).
b) Un déploiement rapide, fortement encouragé par les pouvoirs publics
Le déploiement des CPTS sur l'ensemble du territoire national a été activement recherché par les pouvoirs publics ces dernières années. Le Président de la République et le Gouvernement ont, ainsi, plusieurs fois réaffirmé l'objectif de couvrir l'ensemble de la population nationale d'ici à la fin de l'année 202320(*).
Si cet objectif ambitieux est demeuré inaccompli, le nombre de CPTS a, toutefois, très fortement progressé ces dernières années. Alors qu'en 2018, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) ne dénombrait qu'une vingtaine de CPTS validées par les ARS21(*), la France comptait, au mois de mai 2025, plus de 800 CPTS validées ou en cours de validation : 700 signataires de l'ACI, 24 CPTS non signataires mais dont le projet de santé avait été validé par l'ARS et 85 disposant d'une lettre d'intention signée par l'ARS.
Nombre de CPTS ayant signé ou devant signer l'ACI (2021-2025)
Source : Mecss du Sénat, d'après des données de la Caisse nationale de l'assurance maladie
Les CPTS couvrent désormais une grande partie du territoire national. Selon l'assurance maladie, les CPTS signataires de l'ACI couvraient, en mai 2025, 82 % de la population. 5,4 millions de personnes demeuraient, toutefois, en « zone blanche », non couverte22(*). Ces zones blanches sont inégalement réparties sur le territoire national : 78,93 % des habitants de la Corse et 26,58 % des habitants de la Normandie y résident, contre 1,68 % seulement des habitants de la région Centre-Val de Loire.
Nombre d'habitants et part de la population en zone blanche, par région, en 2025
Source : Mecss du Sénat, d'après des données de la Caisse nationale de l'assurance maladie
Ce développement a été fortement encouragé par l'État. Si le législateur a finalement exclu que les ARS soient à l'initiative de la création des structures, l'État a pour autant souhaité, dès l'origine, accompagner les porteurs de projets. Une instruction de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) souligne ainsi, dès 2016, que « les ARS auront un rôle essentiel à jouer pour faciliter l'élaboration des projets », par l'accompagnement et le conseil aux professionnels de santé. Elle précise que cette aide peut se traduire « par la mise à disposition d'éléments de diagnostic territorial, d'un appui à la formalisation des projets, d'une mise en relation avec d'autres acteurs... »23(*).
Au-delà des aides financières, analysées infra, les ARS ont ainsi mis en place de nombreuses actions destinées à favoriser la création des CPTS. L'ARS Grand Est, entendue par les rapporteurs, souligne la mise en place d'une « taskforce territoriale incluant ARS, CPAM, mutualité sociale agricole (MSA) et union régionale des professionnels de santé - médecins libéraux (URPS-ML) [qui] soutient les projets dès la phase amont de la lettre d'attention en s'assurant que celle-ci répondra aux attendus ». L'ARS indique également financer trois chargés de mission de l'URPS-ML, appuyant les professionnels de santé à un stade précoce du projet.
Si de nombreuses ARS appuient les porteurs de projet en mettant à leur disposition un consultant destiné à leur fournir un soutien méthodologique et rédactionnel ou en finançant le recrutement d'un coordonnateur, une grande hétérogénéité persiste dans les pratiques. Le rapport « Tour de France des CPTS », établi en juin 2023 par trois personnalités qualifiées, relevait des actions « assez diverses » et des situations dans lesquelles des CPTS « ont passé plus d'un an entre [la validation de la lettre d'intention et la signature de l'ACI], faute justement d'un appui méthodologique et rédactionnel adéquat »24(*).
L'assurance maladie a également mis en place plusieurs actions destinées à faciliter la création d'une CPTS. Le dispositif national « Accélérateur CPTS », mis en place en 2021, a ainsi permis d'accompagner plus de 300 professionnels dans leur projet, en les aidant à définir et prioriser leurs actions et en partageant les bonnes pratiques. L'assurance maladie a également mis à disposition un outil de diagnostic, fournissant une vingtaine d'indicateurs relatifs à l'offre de soins ou au profil de la population pour chaque territoire de CPTS.
2. Des résultats concrets mais inégaux sur le terrain
a) Des outils efficaces de coordination des professionnels de santé
En regroupant les professionnels de santé volontaires sur un territoire, les CPTS permettent de promouvoir des réponses collectives et coordonnées aux besoins de santé de la population. Cette « responsabilité populationnelle » des professionnels de santé a, dès l'origine, été mise en avant. L'instruction de la DGOS précitée de 2016 définit, ainsi, les CPTS comme « des équipes de projets, s'inscrivant dans une approche populationnelle ». Celles-ci ne visent « pas seulement à améliorer la réponse à la patientèle de chaque acteur mais aussi à organiser la réponse à un besoin de santé sur un territoire »25(*).
Les acteurs auditionnés par les rapporteurs ont, très majoritairement, souligné l'apport des CPTS en matière d'accès aux soins et d'organisation des parcours. Le ministère relève, ainsi, que « les CPTS sont souvent à l'initiative du déploiement de dispositifs innovants pour améliorer l'accès aux soins (médicobus, services d'accès aux soins, article 51...), qui ne pourraient pas se développer ou se concrétiser sans leur intervention »26(*). Dans sa récente « Grande Enquête », la Fédération des CPTS (FCPTS) liste également de nombreux dispositifs mis en place par les CPTS pour améliorer l'accès aux soins : orientation des patients sans médecin traitant vers une offre existante, établissement d'une liste de patients sans médecin traitant, développement des protocoles de coopération, etc.27(*)
Les CPTS contribuent également à la mise en oeuvre d'actions de prévention. Plusieurs d'entre elles portent, par exemple, l'expérimentation Icope (Integrated Care for Older People28(*)) visant, conformément à une démarche préconisée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à repérer précocement et prévenir le déclin fonctionnel lié à l'âge en outillant les professionnels de premier recours29(*). Certaines CPTS s'engagent, par ailleurs, dans la mise en oeuvre d'actions de dépistage sur leur territoire.
Enfin, les CPTS permettent aux pouvoirs publics, à l'assurance maladie et aux acteurs du système de santé de disposer localement d'interlocuteurs susceptibles de faciliter la mise en oeuvre des politiques de santé. Le ministère souligne, ainsi, que les CPTS agissent « comme des relais efficaces et pertinents pour la mise en oeuvre des politiques publiques portées par le ministère : santé mentale, prise en charge de pathologies chroniques, soins palliatifs, etc. ». Les CPTS offrent aussi un interlocuteur, en ville, aux établissements de santé : le rapport « Tour de France » de 2023 observait, ainsi, que les hôpitaux « évoquent quasi systématiquement l'émergence des CPTS comme un facteur positif pour le dialogue avec la ville »30(*).
b) Le risque d'un déploiement « à marche forcée » et l'inégale contribution des CPTS sur le territoire
Malgré ces apports, la contribution des CPTS à la coordination des professionnels, à l'amélioration de l'accès aux soins ou au déploiement des actions de prévention apparaît inégale. De nombreux acteurs ont souligné, lors de leur audition, le risque d'un déploiement « à marche forcée », pour répondre à l'objectif gouvernemental d'une couverture intégrale du territoire national, et de l'apparition de « coquilles vides ». L'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), entendue par les rapporteurs, estime ainsi que « la stratégie de généralisation accélérée des CPTS à l'ensemble du territoire, sans adhésion suffisante des professionnels, s'est révélée, in fine, contre-productive et a pu nuire à l'appropriation du dispositif par les acteurs de terrain ».
L'implication inégale des professionnels de santé dans leur CPTS est particulièrement soulignée. L'UNPS indique encore que, bien qu'un « grand nombre de professionnels de santé [ait] adhéré à une CPTS », ces derniers ont, en pratique, « du mal à s'approprier les CPTS, jugées trop administrées et peu lisibles. » Ce faible engouement serait particulièrement marqué chez les médecins et, parfois, « accentué par la mise en place de l'accès direct au sein des CPTS ».
Les rapporteurs, qui ont interrogé l'assurance maladie comme le ministère à ce sujet, s'étonnent que les données relatives à l'adhésion des professionnels de santé demeurent lacunaires, plus de huit ans après la création des CPTS et alors que cet indicateur apparaît particulièrement pertinent pour mesurer leur implantation dans les territoires. L'assurance maladie souligne, en effet, la fragilité des données dont elle dispose « liée à des normes et des qualités de remplissage par les CPTS inégales ».
Ces données tendent toutefois à montrer une implication très inégale des professions exerçant en ambulatoire, 25 % des médecins généralistes étant identifiés comme adhérant à une CPTS, contre 9,5 % des masseurs-kinésithérapeutes, 6 % des gynécologues et 0,3 % des chirurgiens-dentistes libéraux. Avec plus de 18 000 adhésions recensées, les infirmiers constitueraient la profession la mieux représentée au sein des CPTS.
Nombre et proportion des professionnels libéraux adhérant aux CPTS, par profession
Source : Mecss du Sénat, d'après des données de la Caisse de l'assurance maladie
La présence de certaines professions ne relevant pas, au sens du code de la santé publique, des professions de santé dans les CPTS et, parfois, dans leurs organes décisionnels, a également été relevée par plusieurs personnes auditionnées. L'assurance maladie identifiait ainsi, au milieu de l'année 2025, 26 sophrologues, 9 hypnothérapeutes et 5 réflexologues adhérant à une CPTS.
En outre, l'apport effectif des CPTS au niveau national apparaît encore faiblement mesuré. Le rapport « Tour de France » de 2023 affirmait, ainsi, que « pour l'ensemble des missions pour lesquelles les CPTS sont financées (accès aux soins, organisation des parcours de soins, prévention, qualité et pertinence, accompagnement des professionnels), il est trop tôt pour mener un travail d'évaluation de l'action conduite »31(*). Aucune évaluation nationale n'a été conduite depuis.
Dans ce contexte, le développement des CPTS continue parfois de susciter la défiance de certains professionnels et la place qui leur est accordée dans l'organisation des soins ou la représentation des professionnels est parfois contestée. Dans une publication de novembre 2024 relative aux CPTS, l'Union française pour une médecine libre (UFML-S) rappelle ainsi que les CPTS n'ont pas de « droit légitime de représenter les professionnels de santé »32(*).
B. DES MODALITÉS DE FINANCEMENT INCITATIVES, MAIS FAIBLEMENT PILOTÉES
1. Des modalités de financement sur fonds publics définies pour faciliter la création des CPTS et leur offrir une grande liberté d'organisation
a) Un financement conventionnel, principalement assis sur les missions légales des CPTS
Les CPTS signataires de l'ACI ayant conclu avec la CPAM et l'ARS une convention reçoivent sur ce fondement deux types de financements :
- un financement pour le fonctionnement attribué avant le démarrage des missions et permettant d'assurer le fonctionnement de la CPTS de manière pérenne (l'enveloppe est comprise entre 50 000 et 90 000 euros) ;
- un financement pour chaque mission engagée composé d'une part fixe (allouée dès le début de chaque mission) et d'une part variable (calculée selon l'atteinte des objectifs fixés dans le contrat et de l'intensité des moyens déployés par la CPTS pour chaque mission).
La part fixe permet d'amorcer et de soutenir la structure dès le lancement des missions, offrant à la CPTS un financement pérenne pour le volet fixe de ses dépenses liées aux actions à mettre en oeuvre (tels que les salaires par exemple). Concrètement, à la date de démarrage de chaque nouvelle mission, 75 % du volet fixe est versé, proratisé en fonction de la date anniversaire du contrat. Puis à chaque date anniversaire du contrat, le solde de la part fixe de l'année n-1 est versé ainsi que les 75 % de l'enveloppe pour l'année n.
La part variable, quant à elle, incite les CPTS à atteindre des objectifs, adaptés aux besoins spécifiques du territoire et à la taille de la structure. Elle est fondée sur des indicateurs d'actions et de résultats fixés, pour chaque mission, dans le contrat conclu par la CPTS avec l'ARS et la CPAM33(*).
Ce système, similaire à celui appliqué aux maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), est conçu pour pérenniser le financement et soutenir la coordination et la gouvernance des structures de santé.
Les financements conventionnels prévus par l'ACI sont fonction du nombre d'habitants couverts par la CPTS. Quatre « tailles » sont ainsi définies34(*) :
|
Taille |
Nombre d'habitants couverts |
|
Taille 1 |
Moins de 40 000 |
|
Taille 2 |
Entre 40 000 et 79 999 |
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Taille 3 |
Entre 80 000 et 175 000 |
|
Taille 4 |
Plus de 175 000 |
Le tableau ci-dessous présente les financements prévus par l'ACI selon la catégorie de la CPTS et le type de mission, ainsi que, pour chaque mission, la répartition entre volet fixe et volet variable :
Il faut ajouter que les communautés professionnelles de taille 4 comprenant au moins 100 membres bénéficient d'une majoration de 10 % sur l'ensemble des missions socles ou optionnelles.
Selon les chiffres fournis par l'assurance maladie, dans le cas où la part variable de chaque mission serait intégralement versée aux 700 CPTS ayant signé l'ACI au 31 mai 2025, le montant total des financements conventionnels s'élèverait à 254 millions d'euros par an.
b) Des financements complémentaires par l'assurance maladie et les ARS, destinés à favoriser la création des CPTS et leur contribution à l'innovation sanitaire
Les ARS apportent par ailleurs un accompagnement et un soutien financier aux CPTS, par les crédits du FIR, particulièrement en phase de lancement. L'objectif est que, sauf exception, l'ARS finance l'émergence des CPTS en amont de la signature de l'ACI. Les fonds conventionnels prennent ensuite le relais.
Les ARS peuvent, d'abord, soutenir les porteurs de projets, tout au long de l'élaboration du projet de santé, pour les aider à le concevoir, à financer un consultant ou le recrutement d'un coordonnateur35(*). Ce financement par le FIR est accordé, au plus tôt, à partir de la validation de la lettre d'intention et de la constitution de la CPTS en association.
Mais ce type de financement présente une grande variabilité entre les régions en fonction des ARS. Son montant peut se situer entre 10 000 et 50 000 euros. Dans certaines régions, selon la FCPTS, aucun versement n'est même déclaré au titre du FIR. De plus, il apparait que seule une minorité de CPTS bénéficie de ces fonds. Selon la fédération, « moins de 10 % des CPTS interrogées déclarent percevoir des fonds du FIR ».
Des fonds conventionnels de l'assurance maladie peuvent également être versés, dans certaines conditions, avant la signature de l'ACI. Le dispositif de « contrat précoce » a, ainsi, pour objectif de constituer un crédit d'amorçage lorsque la CPTS conduit une action opérationnelle avant même d'avoir formellement signé l'ACI. Si la signature de l'ACI n'est pas effective dans les 9 mois suivant le versement de ces crédits d'amorçage, la somme est récupérée par l'assurance maladie.
Comme l'a indiqué la FCPTS aux rapporteurs, les porteurs de projet ne connaissent pas toujours ces dispositifs financiers et ne les sollicitent donc pas systématiquement. Questionnée sur ce point par les rapporteurs, la Cnam n'a pas précisé le nombre de CPTS qui ont pu bénéficier de ce type de contrat, indiquant seulement que peu de CPTS sollicitent ces crédits.
La DGOS a souligné toute l'utilité que ces crédits peuvent avoir lors de la création d'une CPTS afin, par exemple, d'embaucher un coordinateur permettant de structurer et faire aboutir leur projet de santé et la contractualisation ACI mais aussi de financer des premiers projets permettant de mobiliser et fédérer des professionnels de santé.
Toutefois, les rapporteurs regrettent le manque de lisibilité lié à la coexistence de deux systèmes de financement qui suivent le même objectif au moment de la création des CPTS. Il semblerait plus efficient de consacrer effectivement les financements de l'ARS, dans le cadre de son accompagnement à la rédaction du projet de santé, à la phase pré-ACI et de réserver les financements conventionnels aux CPTS signataires. Outre la clarification du rôle de chacun, cette répartition stricte aurait également pour résultat d'amener les ARS à s'engager davantage dans le suivi et le soutien à la création des CPTS sur leur territoire.
Proposition n° 1 : Dans la perspective de la négociation d'un nouvel ACI, engager une réflexion visant à découpler les financements ARS et assurance maladie en réservant les seconds aux CPTS ayant signé l'ACI.
Dans tous les cas, les fonds conventionnels restent largement majoritaires dans le financement des CPTS, dont ils représentent plus de 90 % des recettes.
L'ARS Grand Est a ainsi indiqué à la mission avoir versé 505 000 euros de financements au titre du FIR en 2024. La même année, les financements ACI au titre des missions prévues par l'ACI dans la région s'élevaient à 8,1 millions d'euros.
Financements ACI par mission versés dans la région Grand Est en 2024
(en euros)
Source : Mecss du Sénat, d'après des données de l'ARS Grand Est
Les CPTS peuvent obtenir des financements complémentaires, par exemple du fonds pour l'innovation du système de santé (FISS) dans le cadre de leur réponse à des appels à projets spécifiques et de leur participation à des expérimentations dites « de l'article 51 » ou encore lorsqu'elles mettent en place des projets « inter-CPTS » difficilement finançables via l'ACI36(*).
2. Un pilotage et un contrôle des financements manifestement insuffisants
a) Une connaissance insuffisante des financements accordés au niveau national
Au cours de leurs travaux, les rapporteurs n'ont pu que regretter la faible connaissance des financements versés aux CPTS, malgré l'importance de leur montant.
Selon la Cour des comptes, 105,8 millions d'euros ont été versés en 202237(*) aux 348 CPTS signataires de l'ACI. La Cnam, interrogée par les rapporteurs, indique que ce montant s'élève à 121 millions d'euros en 2023 pour les 508 CPTS alors signataires de l'ACI, soit une moyenne de 240 000 euros par CPTS. Enfin, la Cnam a également précisé aux rapporteurs que le montant maximal prévu pour les 700 CPTS signataires de l'ACI au 31 mai 2025 s'élève à 254 millions d'euros, dans le cas où tous les indicateurs seraient atteints.
Malgré ces sommes conséquentes, ni la Cnam, ni la DGOS n'ont pu fournir aux rapporteurs une analyse des montants versés par mission et action. Tout du moins, la Cnam a annoncé que des travaux étaient en cours pour aboutir à des premiers éléments d'analyse à la fin de l'année 2025.
Les rapporteurs s'étonnent que six ans après la signature de l'ACI, aucun outil de pilotage de la dépense ne soit disponible à l'échelle nationale.
Concernant les crédits attribués par les ARS, la DGOS indique qu'« il n'existe pas de vision consolidée au niveau national sur ce qui a été versé aux CPTS et à quel titre ». Si, comme indiqué précédemment, ces financements restent marginaux par rapport aux crédits de l'ACI, il est regrettable que l'administration ne dispose pas d'une vision d'ensemble et d'un outil de supervision digne de ce nom permettant d'analyser l'évolution des financements accordés aux CPTS.
Les rapporteurs estiment qu'il est urgent de mettre en place des outils de cartographie fonctionnels, permettant de visualiser qui finance quoi sur un territoire donné, de clarifier les rôles pour éviter les concurrences de compétences et fluidifier l'action des acteurs de santé.
Proposition n° 2 : Mettre en place un outil de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS sur l'ensemble du territoire national.
b) Au niveau local, un dialogue de gestion indispensable pour assurer l'efficacité de la dépense mais encore trop inégalement réalisé selon les territoires
Le dialogue de gestion fonctionne comme un temps d'échange structuré et régulier, au minimum annuel à la date anniversaire de signature du contrat, qui se fonde sur l'ACI. Il permet d'évaluer la progression de la CPTS dans la réalisation des missions définies dans son projet de santé, ainsi que l'atteinte des indicateurs prévus dans l'accord et qui commande le versement de la part variable des financements. Il s'agit dès lors du principal outil de pilotage financier de l'activité des CPTS permettant d'évaluer les résultats de la CPTS et ainsi déterminer le montant de la part variable.
Au-delà du seul outil de pilotage financier, le dialogue de gestion est aussi le moyen d'identifier les difficultés ou les freins rencontrés par la CPTS, et d'adapter les objectifs ou les moyens en conséquence. Il permet une analyse tripartite des besoins de santé du territoire et la réévaluation des priorités en fonction de celle-ci. Enfin, ce dialogue s'inscrit pleinement dans la logique partenariale qui prévaut dans la mise en oeuvre des CPTS entre les professionnels de santé et les acteurs institutionnels. Si la plupart des CPAM interrogées par les rapporteurs font mention de l'importance d'un dialogue continu tout au long de l'année entre les acteurs et les financeurs, le dialogue de gestion représente, dans tous les cas, le moment privilégié pour mettre en oeuvre un véritable co-pilotage territorial des politiques de santé. C'est pourquoi il est d'autant plus regrettable que les délégations territoriales des ARS ne soient pas toujours systématiquement associées au dialogue de gestion, ce qui contribue au manque de lisibilité pour les professionnels de santé et aux difficultés de suivi de mise en oeuvre du projet de santé38(*).
Un dialogue de gestion-type : l'exemple d'un dialogue de gestion en Moselle
Le dialogue de gestion est généralement organisé autour de la date anniversaire de la signature de la convention. En Moselle, il doit avoir lieu au plus tard dans les deux mois suivant cette date. Afin d'en faciliter la planification, la date est fixée de préférence six mois à l'avance.
Toutefois, dans l'ensemble, les CPAM et les ARS restent trop dépendantes de la bonne relation avec les CPTS de leur territoire pour obtenir les documents nécessaires au bon déroulement du dialogue de gestion. Ainsi, les rapporteurs ont pu constater que certaines CPTS refusent de transmettre la liste de leurs adhérents au nom du respect de la protection des données personnelles. Plusieurs CPAM ont également mentionné des pièces justificatives transmises beaucoup trop tardivement, la veille, voire à l'issue du dialogue de gestion, ou des pièces peu pertinentes ne permettant pas de vérifier l'effectivité des actions conduites. À l'inverse, certaines CPAM, à l'instar de celles des Yvelines, de la Guadeloupe ou de la Moselle, ont pu mettre en avant la qualité des échanges et de la relation entretenue avec les CPTS.
Le dialogue de gestion est également le cadre dans lequel sont fixés et mis à jour les indicateurs permettant de mesurer l'action des CPTS. Les indicateurs de résultat, mesurant les effets des actions de la CPTS, permettent de déterminer le montant de la part variable des financements associés à chacune des missions. Ils sont négociés entre la CPTS, l'assurance maladie et l'ARS.
Les indicateurs sont construits sur la base d'un diagnostic territorial, d'une cible et, théoriquement, d'un objectif de résultat. Les pièces justificatives et les « livrables » sont précisés au moment de leur définition. Les rapporteurs estiment que les indicateurs doivent pouvoir évoluer avec la maturité de la CPTS, pour passer progressivement d'une logique de moyens à une approche, plus quantitative, par résultat. Si l'assurance maladie a bien pour ambition d'intégrer progressivement de plus en plus d'indicateurs de résultats (taux de dépistage, suivi de patients en ALD par exemple), cette démarche reste encore limitée du fait de la réticence de certaines CPTS à endosser des indicateurs quantitatifs.
Afin d'analyser le fonctionnement du dialogue de gestion, les rapporteurs ont interrogé 17 CPAM pour obtenir des éléments concernant les indicateurs mis en place et les modalités de contrôle des actions réalisées par les CPTS. Dans le cadre cette enquête, les rapporteurs ont pu constater les limites de certains indicateurs retenus. De nombreux indicateurs ne requièrent que la fourniture d'une pièce justificative simple (comptes rendus de réunion, feuilles d'émargement à une formation, etc.) et ne permettent pas de rendre compte de l'impact réel de l'action de la CPTS sur le terrain. Parmi les indicateurs de ce type identifiés dans les documents transmis, les rapporteurs se sont étonnés que, dans le cadre de la mise en place d'une action visant à renforcer la vaccination des femmes enceintes, un financement de 5 000 euros puisse être accordé à la seule condition de réaliser l'action « promotion de la vaccination pour les femmes enceintes ». Parfois, le justificatif demandé apparaît faible : une simple mention dans le rapport d'activité d'une réunion suffit à attester de sa tenue.
À l'inverse, certaines CPAM travaillent à la rédaction d'une trame harmonisée d'indicateurs pour l'ensemble des CPTS de leur territoire avec une progression à moyen terme en fonction de leur maturité.
II. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES CPTS ET FAVORISER LEUR CONTRIBUTION EFFECTIVE À LA COORDINATION DES SOINS
A. OPTIMISER LA DÉPENSE PUBLIQUE ET MIEUX ORIENTER L'ACTION DES CPTS
1. Améliorer l'adéquation entre les financements alloués et la réalité de l'action des CPTS afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique
a) Des financements qui ne répondent que partiellement aux besoins des CPTS notamment en matière de prévention et d'accès aux soins
Les rapporteurs regrettent que ni la Cnam, ni la DGOS n'aient pu leur fournir des données précises relatives à la nature des dépenses effectuées par les CPTS grâce aux financements qu'elles reçoivent. En conséquence, ils ont exploité les éléments publiés par la FCPTS relatifs à la répartition des dépenses des CPTS au niveau national39(*). Toutefois, ces éléments ne couvrent que les 165 CPTS qui ont accepté de partager leurs données.
Il ressort de l'analyse de ces données que les dépenses réelles de fonctionnement sont quasi systématiquement supérieures aux enveloppes allouées dans le cadre de l'ACI. L'écart entre les dépenses de fonctionnement engagées et l'enveloppe augmente avec la taille de la CPTS.
Consommation moyenne des enveloppes
« fonctionnement »
par taille et ancienneté de
CPTS
Source : Mecss du Sénat, d'après des données FCPTS et de la Caisse nationale de l'assurance maladie
A contrario, les enveloppes « missions » sont moins consommées. Si cela peut varier sensiblement selon les départements et la taille de la CPTS, il ressort qu'aucune variation significative en fonction de l'ancienneté n'est observable dans la consommation des crédits des missions.
Globalement, les missions « prévention » et « accompagnement des professionnels de santé » présentent l'écart entre enveloppe allouée et enveloppe consommée le plus faible. De nombreuses CPTS indiquent que ces enveloppes sont sous-estimées au regard des actions à mener. La CPAM de Seine-et-Marne, interrogée par les rapporteurs, a indiqué craindre que la faiblesse de l'enveloppe « prévention » mette à mal la mise en oeuvre d'actions d'aller vers.
À l'inverse, la mission « gestion de crise sanitaire », ajoutée au sein de l'ACI par l'avenant 2 entré en vigueur le 31 mars 2022, semble largement surfinancée du fait, d'une part, de l'investissement très variable d'une CPTS à l'autre au moment de la rédaction du plan initial et, d'autre part, du peu de crises sanitaires survenues. Par ailleurs, pour attester de la mise en oeuvre de cette mission et d'un versement annuel allant de 12 500 à 25 000 euros selon la taille de la CPTS, une simple actualisation du plan de gestion de crise sanitaire suffit. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), interrogée sur la pertinence de cette mission, a indiqué que « créer des plans est peu perspicace et surtout non utilisé ».
Consommation moyenne de l'enveloppe
« crise sanitaire » attribuée
lors de la
première rédaction du plan de gestion de crise, par taille de
CPTS
(en euros)
Source : Mecss du Sénat, d'après des données FCPTS et de la Caisse nationale de l' assurance maladie
Les rapporteurs jugent nécessaire qu'une étude soit désormais menée au niveau national sur l'ensemble des CPTS afin de pouvoir mieux connaître les dépenses réalisées et mieux orienter les financements.
La dichotomie entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées soulève également la question de la fongibilité entre les enveloppes et des contrôles qui doivent nécessairement y être liés. Aujourd'hui, si celle-ci n'est pas explicitement autorisée, elle est pratiquée de fait par les CPTS. Ainsi, 82,4 % des CPTS interrogées par la FCPTS déclarent y avoir recours40(*).
En effet, il apparaît nécessaire de ne pas intégrer les missions dans une stricte logique de silos mais d'apporter une vision plus transversale dans l'utilisation des fonds. Selon la FCPTS, un même projet peut répondre à plusieurs missions et une vision trop étanche des missions « empêche parfois cette transversalité et donc une certaine forme de souplesse ». Les rapporteurs appellent à un encadrement national autorisant la fongibilité des enveloppes entre chaque mission. Cette fongibilité pourrait, par exemple, n'être autorisée que lorsque les missions prioritaires sont remplies.
Proposition n° 3 : Autoriser et encadrer la fongibilité des enveloppes entre missions.
Enfin, comme l'a soulevé la DGOS dans sa réponse au questionnaire, l'existence de crédits de fonctionnement, alloués dès la naissance de la CPTS puis pendant toute la durée contrat, conduit à s'interroger. En effet, les rapporteurs estiment qu'il existe un risque que cette rémunération au titre du fonctionnement fasse double emploi avec la part fixe des financements des missions. Dans ce cadre, une réflexion doit être lancée sur la possibilité de réduire progressivement les crédits de fonctionnement après la première année d'existence de la CPTS afin de privilégier le financement du temps d'ingénierie de projet pour la mise en place des actions via la part fixe de chaque mission.
Proposition n° 4 : Prévoir, en fonction de la maturité des CPTS, une réduction progressive des crédits de fonctionnement afin de privilégier le financement par missions.
b) Dans le cadre de la négociation du prochain ACI, envisager une évolution du périmètre et du financement des missions
Les rapporteurs souhaitent souligner la pertinence de l'existence de différentes missions socles et optionnelles permettant de mieux cibler les actions et les objectifs assignés aux CPTS et considèrent qu'il n'est pas pertinent de remettre en cause cette structuration des financements. Toutefois, ils estiment que des réajustements dans le calibrage des crédits qui leur sont alloués pourraient être envisagés et que les travaux en cours en vue du prochain ACI doivent être l'occasion de revoir le périmètre des missions ainsi que les modalités de leur financement.
Proposition n° 5 : Conduire une étude nationale sur le montant des dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions conventionnelles pour pouvoir réviser, dans le cadre de la négociation du prochain ACI, le périmètre et la répartition des crédits entre ces missions.
Par ailleurs, les spécificités du territoire pourraient être mieux prises en compte. Le dispositif actuel est principalement indexé sur la taille démographique du territoire, et non sur la densité médicale ou la difficulté d'accès aux soins. Les financements ne prennent pas suffisamment en compte la spécificité des territoires (pauvreté, âge de la population, isolement, surmortalité, démographie médicale, etc.). Ainsi plus de 50 % des répondants à un sondage réalisé par l'UNPS en novembre 2024 auprès de 16 organisations représentatives des professionnels estiment que de nouveaux critères intégrant les besoins des territoires devraient être pris en compte.
Une réflexion doit également être engagée sur la prise en compte, dans le cadre de l'ACI, du renforcement de la coordination ville-hôpital. Lors de leur déplacement au sein de la CPTS Sud-Allier, les rapporteurs ont pu constater l'importance du lien entre la CPTS et l'hôpital pour l'amélioration de l'accès aux soins sur le territoire. Ainsi, cette CPTS dispose de plusieurs bureaux au sein de l'hôpital du secteur afin de tenir des réunions et de permettre aux jeunes professionnels de santé de disposer d'un local. L'amélioration des prises en charge lors des sorties d'hôpital tout comme le repérage en amont des fragilités afin d'éviter des hospitalisations doivent ainsi constituer des missions prioritaires pour les CPTS. La présence d'infirmières de parcours sur la CPTS Sud-Allier contribue, par exemple, à diminuer le taux d'hospitalisation sur le territoire grâce à une prise en charge précoce des patients.
Enfin, dans une logique d'efficience de la dépense publique, une discussion doit être engagée entre les financeurs et les organisations représentatives pour augmenter la part variable du financement des CPTS basée sur l'atteinte d'objectifs. Comme le relève la CPAM de l'Isère, pour une CPTS de taille 3, la part fixe des missions et le budget de fonctionnement représentent 275 000 euros alors que la part variable n'est que de 122 500 euros (hors crise sanitaire), soit 31 % du total. Le montant de la part variable des financements pourrait, à ce titre, évoluer en fonction de l'ancienneté de la CPTS.
Proposition n° 6 : Prévoir, dans le cadre du prochain ACI, d'augmenter progressivement la part variable dans le financement par mission des CPTS.
2. Mettre en oeuvre un dialogue de gestion cohérent et efficace sur l'ensemble du territoire
a) Enrichir le dialogue de gestion afin d'en assurer la pertinence
Le dialogue de gestion est l'outil central du pilotage de l'action des CPTS et du dialogue avec les CPAM et les ARS. Il souffre cependant aujourd'hui d'une trop grande hétérogénéité sur le territoire et sa qualité dans le suivi de l'action des CPTS reste, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles plus contraignantes, trop dépendante de la bonne volonté des acteurs.
Les rapporteurs estiment qu'une amélioration du dialogue de gestion à droit constant est, dans un premier temps, possible. Il s'agit tout d'abord de renforcer la mutualisation des bonnes pratiques. Le dialogue de gestion doit être un espace de partage d'expériences entre les différentes CPTS. Dans ce cadre, l'ARS et la CPAM doivent davantage diffuser les bonnes pratiques observées sur le territoire, en s'appuyant sur les CPTS pour structurer les soins de premiers recours sur le territoire.
Par ailleurs, les contributions transmises aux rapporteurs dans le cadre de la mission font également état de difficultés dans la collecte des données et la rédaction des rapports d'activité, notamment pour les plus petites CPTS souvent peu dotées en personnels administratifs. Sur le modèle de « l'accélérateur CPTS » mis en place dès 2021 par la Cnam, les institutions pourraient apporter un soutien méthodologique renforcé et continu aux CPTS dans ces domaines. Au sein des CPAM, le métier de référent dédié à l'appui au déploiement de l'exercice coordonné doit, dans ce cadre, être soutenu.
L'utilisation d'outils de gestion performants doit également être favorisée, tout comme celle de plateformes numériques communes et interopérables (comme e-Parcours) qui permet de simplifier la transmission des données et le suivi des actions, réduisant ainsi la charge administrative pour les professionnels de santé. Il s'agit de renforcer le partage d'informations entre les CPTS et les acteurs institutionnels et la lisibilité du suivi de l'action des CPTS en mettant en place un cadre national fixant les modalités de récupération des pièces justificatives.
Proposition n° 7 : Fixer au niveau national les modalités de récupération des pièces justificatives et un cadre commun d'analyse de l'action des CPTS lors du dialogue de gestion.
La coordination entre les acteurs institutionnels doit également être améliorée. À ce titre un comité de pilotage coordonné entre les services du ministère, la MSA et la Cnam a été créé afin de permettre la mise en place d'outils et de procédures de pilotage communs et de renforcer la cohérence de l'action des financeurs institutionnels sur l'ensemble du territoire. Ce rapprochement, permettant de créer un cadre national commun de l'analyse de l'action des CPTS, doit être encouragé. Or, comme le souligne l'ARS du Grand Est dans sa contribution, un écart de plus en plus important peut se créer entre le projet de santé initial et les objectifs liés à la réalisation des missions de l'ACI. Cet écart « entre l'approbation du projet de santé qui relève de l'ARS et la conduite du dialogue de gestion ainsi que la fixation des objectifs ACI qui relèvent de l'assurance maladie »41(*) entraîne un manque de lisibilité dans le suivi global de l'action des CPTS et pose la question de la révision des projets de santé et de leur cohérence avec les indicateurs de l'ACI.
Enfin, les rapporteurs notent avec intérêt la mise en place d'un projet de formation commune de coordonnateurs de CPTS et de référents locaux ARS - assurance maladie entre la Cnam et la FCPTS afin de renforcer la diffusion d'une culture commune de l'évaluation et l'interconnaissance entre les acteurs.
b) Mettre en place des indicateurs adaptés aux spécificités territoriales et aux objectifs précis des CPTS
Conscients de la charge de travail que peut représenter la collecte et l'enregistrement des données relatives aux indicateurs pour certaines CPTS, les rapporteurs appellent à une utilisation pragmatique des indicateurs quantitatifs de résultats.
Une approche plus qualitative, basée sur des retours d'expériences et des études de cas, pourrait compléter les données quantitatives. Les indicateurs doivent pouvoir évoluer en fonction de l'ancienneté de la CPTS et de sa taille afin de correspondre à la charge que la CPTS peut intégrer. Ils ne doivent pas se limiter à l'évaluation d'actions à réaliser (comme un nombre de réunions par exemple), au risque d'enlever toute portée stratégique aux objectifs fixés par rapport aux besoins des territoires.
Les professionnels sont parfois réticents à la fixation d'indicateurs quantitatifs, qui ne peuvent refléter pleinement la complexité des situations sur le terrain et la qualité des actions mises en oeuvre. À titre d'exemple, la CPAM du Calvados a relayé les réserves exprimées par les CPTS de son territoire à propos des indicateurs de résultats sur lesquels « elles ne disposent pas toujours de la maîtrise suffisante sur les déterminants permettant de les atteindre », comme l'implication des professionnels de santé non membres de la CPTS ou la disponibilité du matériel et des outils permettant d'effectuer les actions de dépistage sur le territoire.
Les indicateurs mis en place doivent tenir compte des difficultés socio-économiques du territoire, de la réalité de sa démographie médicale et de l'état de santé globale de sa population. Par ailleurs, comme l'ajoute la CPAM du Calvados, il est nécessaire de prévoir une évolution des indicateurs au regard de la maturité de la CPTS, pour tenir compte de leur capacité croissante « à influer sur les résultats en santé de leur territoire ».
L'extrait reproduit ci-dessous illustre la coexistence, au sein d'une même CPTS, d'indicateurs dont la réalisation doit être justifiée par la production de pièces pertinentes, comme la liste des médecins formés à la réalisation de frottis, et d'indicateurs, comme l'évolution du taux de dépistage, dont l'atteinte dépend de facteurs extérieurs à la CPTS et pour lesquels le poids de son action est difficilement mesurable.
Extrait d'un tableau d'indicateurs fourni dans le cadre d'un dialogue de gestion
Source : Document transmis par une caisse primaire d'assurance maladie dans le cadre des travaux menés par les rapporteurs
Enfin, l'outil de diagnostic ReZone CPTS en open data fournit une vingtaine d'indicateurs par territoire de CPTS, notamment pour la prévention et l'accès aux soins, et apporte de la donnée sur l'offre de soins et le profil de la population. Son utilisation doit être largement diffusée sur l'ensemble du territoire afin de pouvoir disposer d'indicateurs de résultats robustes.
Proposition n° 8 : Privilégier la définition d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et à la maturité des CPTS, permettant de mesurer réellement l'impact de leur action.
B. RENFORCER LE CONTRÔLE FINANCIER DES CPTS
1. Mieux contrôler les dépenses et la gestion des CPTS
a) Le risque de mésusage des fonds accordés
L'ACI de 2019 laisse une très grande liberté aux CPTS dans l'utilisation des fonds qui leur sont octroyés. Il précise, à cet égard, explicitement que chaque CPTS « dispose d'une liberté d'appréciation quant à l'utilisation et l'affectation des fonds alloués par l'assurance maladie »42(*). Aucun des financements prévus ne requiert, pour la CPTS, de justifier précisément ou exhaustivement l'utilisation des fonds perçus :
- le financement du fonctionnement des CPTS est attribué dès la signature du contrat, sans attendre le démarrage des missions, puis pendant toute sa période d'exécution43(*) ;
- le financement, fixe et variable, des missions dépend de la taille de la CPTS, de l'intensité des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus pour chacune des missions, évalués dans le cadre du dialogue de gestion44(*).
Cette liberté laissée aux CPTS dans l'usage des fonds est encore favorisée par les modalités de versement retenues. Une avance de 75 % étant versée chaque année aux CPTS à la date anniversaire du contrat45(*), celles-ci jouissent, en effet, d'une grande marge de manoeuvre dans le choix des dépenses comme du rythme de décaissement.
L'absence de contrôle est confirmée par les régulateurs. Selon l'ARS Grand Est, en ce qui concerne les fonds versés dans le cadre de l'ACI, « CPAM et ARS n'ont aucun regard, ni aucun contrôle réel. Seul le dialogue de gestion de fin d'exercice permet de supposer que les fonds ont été correctement utilisés, si les indicateurs sont atteints. »
Le risque de mésusage des fonds octroyés a fréquemment été évoqué lors des auditions conduites par les rapporteurs. L'ARS observe que « certains retours de terrain peuvent laisser penser que certaines CPTS n'utilisent pas correctement les fonds ACI ». La Cnam elle-même a indiqué envisager un renforcement des contrôles devant permettre de « détecter de potentiels mésusages de fonds pour des projets immobiliers, pour des salaires versés ou pour des événements conviviaux, ne relevant pas stricto sensu des missions décrites dans l'ACI ».
Plusieurs représentants de professionnels de santé ont dénoncé le risque d'un usage détourné des fonds de l'assurance maladie. L'UNPS a suggéré de mieux sanctionner « les éventuels débordements ». Plusieurs syndicats ont indiqué souhaiter que l'utilisation des fonds soit mieux contrôlée, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) ayant même souligné que « les CPTS ne peuvent être des clubs territoriaux de professions de santé », se limitant « à opérer du team building à l'échelle du territoire ».
Dans le cadre de leurs travaux, les rapporteurs ont pu relever de nombreux exemples de dépenses litigieuses, pour lesquelles la légitimité d'un financement sur fonds publics peut être interrogée.
Illustrations de mésusages et de dépenses litigieuses
De nombreux acteurs dénoncent le financement par l'assurance maladie de dépenses liées à la convivialité et à la consolidation d'équipe. L'UFML-S cite notamment, dans sa production récente relative aux CPTS, un gala annuel organisé dans un château et une « cocktail party » organisée dans un casino, respectivement en juin et novembre 2024.
Certaines CPTS semblent également organiser des activités culturelles et sportives à destination de leurs membres. L'UFML-S rapporte encore plusieurs cours mensuels de yoga, l'organisation de sorties en voile, de courses de karting ou de « soirées théâtre » en 202446(*).
Les dépenses salariales sont également citées, plusieurs acteurs se prononçant pour un encadrement des rémunérations versées. Aujourd'hui, seules les indemnités et rémunérations versées aux professionnels de santé sont plafonnées par décret : elles ne peuvent excéder la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale47(*).
Des cas de thésaurisation ont plusieurs fois été signalés aux rapporteurs, une partie des fonds octroyés demeurant inutilisée et épargnée.
Enfin, l'ARS Grand Est évoque un cas d'utilisation de fonds de l'assurance maladie pour réaliser un investissement immobilier et la CPAM de la Gironde indique avoir été confrontée « à un médecin qui, dans le cadre de l'attractivité du territoire et de l'accueil de stagiaires, avait acquis des locaux qu'il voulait mettre à disposition de ses stagiaires et dont les loyers auraient été payés par les fonds alloués à la CPTS ».
b) La nécessité d'un cadrage national
En l'absence de cadrage national, le niveau d'information dont disposent les régulateurs sur les dépenses engagées par les CPTS est variable. La Cnam relève ainsi que « même si le cadre conventionnel ne contraint pas les CPTS à partager les documents comptables, plusieurs caisses sont invitées aux assemblées générales, reçoivent les rapports d'activité ou des documents comptables ». Elle souligne que « certaines CPTS partagent les valorisations financières des actions dans leur outil de gestion de projet, ce qui permet de contrôler le bon usage ». Les rapporteurs s'étonnent que de telles pratiques, permettant un contrôle minimal du bon usage des deniers publics, ne fassent l'objet d'aucun encadrement national dans l'ACI et dépendent entièrement de la qualité des relations entretenues avec chaque CPTS.
Les rapporteurs ont observé des pratiques particulièrement hétérogènes au sein de l'échantillon des 17 CPAM interrogées. La CPAM du Calvados rapporte, ainsi, que l'une des CPTS lui adresse, depuis plusieurs années, son rapport d'activité « amputé de la partie financière ». Alors que la CPAM du Loiret estime n'avoir, en l'absence de disposition en ce sens dans l'ACI, « aucune légitimité à questionner la CPTS sur l'utilisation des deniers publics », la CPAM de la Moselle indique, au contraire, demander et obtenir systématiquement, dans le cadre du dialogue de gestion, le bilan comptable et le compte de résultat de la CPTS.
Dans leur très grande majorité, les CPAM interrogées plaident pour un renforcement des contrôles réalisés sur l'utilisation des fonds. La plupart d'entre elles suggèrent de systématiser la transmission des documents budgétaires et comptables nécessaires à la réalisation de ces contrôles : budget prévisionnel, budget réalisé, bilan comptable et compte de résultat. Les régulateurs - CPAM et ARS - seraient également susceptibles de requérir la mise à disposition de toute pièce comptable - grand livre, factures, bulletins de salaires - dans le cadre de contrôles aléatoires ou lorsqu'un mésusage des fonds accordés est suspecté.
Les rapporteurs jugent indispensable que de telles garanties puissent entrer en vigueur rapidement, et être portées par la Cnam dans le cadre de la négociation du prochain ACI.
Proposition n° 9 : Imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS.
La CPAM des Yvelines précise utilement que la qualité des documents comptables transmis devra être garantie par la mise en place d'un contrôle effectif de la désignation d'un commissaire aux comptes.
Par ailleurs, de nombreuses CPAM interrogées soulignent les ressources nécessaires à un contrôle effectif des documents budgétaires et comptables transmis. La CPAM des Pyrénées-Orientales juge que « l'exploitation de ces documents pourrait valablement être confiée aux directeurs comptables et financiers des caisses, avec l'appui des référents exercice coordonné qui ont la connaissance “terrain” des CPTS, quitte à renforcer leur formation en matière d'analyse » financière. Une cellule d'appui nationale pourrait également être mise en place pour accompagner les CPAM dans la réalisation de ces contrôles.
Enfin, interrogées sur ce point par les rapporteurs, les CPAM jugent souhaitable la mise en place d'un encadrement plus strict de la gestion financière des CPTS au niveau national. Selon elles, cela pourrait passer par la fixation de règles visant :
- à encadrer l'organisation par les CPTS d'activités conviviales, culturelles ou sportives à destination de leurs membres ;
- à interdire explicitement certaines pratiques, telles que certains investissements immobiliers ou le surfinancement d'actes de soins ;
- à fixer une masse salariale maximale en fonction de la taille de la CPTS ou, à tout le moins, une grille de rémunération des postes clés (directeur, coordonnateur, etc.) ;
- à harmoniser l'indemnisation du temps consacré par les professionnels aux CPTS ;
- à maîtriser le phénomène de thésaurisation par certaines CPTS des fonds publics qui leur ont été accordés, éventuellement par un système de récupération.
Les rapporteurs jugent que la fixation d'un tel cadre national est d'autant plus nécessaire si les contrôles exercés sur les documents budgétaires et comptables devaient être renforcés. En effet, l'existence de règles claires et partagées permettra aux CPTS de connaître précisément l'étendue de leur liberté en matière financière et préviendra l'apparition d'interprétations départementales divergentes. Elle justifiera l'application de sanctions renforcées, telles que la récupération par l'assurance maladie d'indus lorsque les fonds ont été utilisés contrairement à leur objet ou des sanctions financières visant directement les personnes responsables des dépenses litigieuses. Au total, les rapporteurs jugent indispensable de renforcer les contrôles sans décourager, pour autant, les professionnels de s'engager.
Proposition n° 10 : Renforcer le cadrage national des dépenses effectuées et des rémunérations versées par les CPTS, afin d'assurer la prévisibilité des contrôles et sanctions.
2. L'indispensable contrôle des sources de financement des CPTS
a) Des sources variées de financement secondaire
À côté du financement conventionnel et des cotisations versées par les adhérents, les CPTS disposent parfois d'autres sources de financement. Interrogée sur ce point, l'assurance maladie indique, à l'issue d'une enquête conduite auprès de son réseau, que 75 % des CPAM estiment qu'au moins une CPTS de leur ressort territorial dispose d'une autre source de financement.
En effet, si l'ACI est conçu pour permettre le financement de l'ensemble des missions légales des CPTS, il n'interdit pas à ces dernières de bénéficier de financements complémentaires, versés par des personnes publiques ou des personnes privées.
Les sources de financement secondaires citées par les CPAM sont très diversifiées : y figurent notamment les collectivités territoriales, les URPS et d'autres acteurs privés.
Part des CPAM identifiant une source de
financement secondaire
pour au moins une CPTS de leur ressort
territorial
Source : Mecss du Sénat, d'après des données de la Caisse nationale de l'assurance maladie
D'après la Cnam, la catégorie « Autres » comprend, dans les remontées des CPAM analysées, une grande diversité de financeurs : la MSA, le projet européen Leader, des fonds européens, des associations, des laboratoires pharmaceutiques ou d'autres entreprises.
b) Mieux contrôler les financements secondaires pour maîtriser le risque de financiarisation
Conscients de l'existence de ces sources de financement secondaire, les régulateurs n'apparaissent, pour autant, pas en mesure de les maîtriser.
Les financements secondaires dont bénéficient les CPTS demeurent, d'abord, largement méconnus. L'assurance maladie indique ne pas disposer « de ces données de manière consolidée », en l'absence de transmission des documents comptables qui permettraient de connaître avec précision les produits enregistrés annuellement par les CPTS. Elle souligne que ces financements « peuvent tout à fait soutenir des actions hors des missions conventionnelles », sans préciser toutefois la nature de ces actions.
Les rapporteurs jugent indispensable de permettre aux régulateurs de mieux identifier ces financements secondaires. Ils souhaitent que la transmission annuelle, par les CPTS, des documents budgétaires et comptables pertinents permette aux CPAM et aux ARS d'identifier, systématiquement et avec précision, la nature et le montant de ces versements. Agrégées au niveau national, ces données pourront permettre à l'assurance maladie de vérifier la pertinence des financements conventionnels portés par l'ACI et, le cas échéant, de les faire évoluer.
Proposition n° 11 : Mettre en place, dans le cadre du nouvel ACI, un contrôle systématique des sources de financement des CPTS à l'aide des documents budgétaires et comptables transmis.
Certains financements secondaires observés induisent des risques spécifiques. Tel est le cas, en particulier, des fonds versés par des laboratoires pharmaceutiques en contrepartie de formations. La Cnam confirme seulement, à ce stade, s'interroger sur « le risque de financiarisation » associé.
Or ni la loi, ni l'ACI ne permettent aujourd'hui aux régulateurs de contrôler ces financements dans le cadre du dialogue de gestion. Le ministère relève ainsi qu'« aucune disposition réglementaire n'interdit aux CPTS de diversifier leurs sources de financement ». Selon lui, les dialogues de gestion conduits avec l'ARS et la CPAM devraient pourtant « permettre d'accompagner les CPTS le souhaitant, notamment sur l'opportunité d'accepter certains types de financements extérieurs ».
Les rapporteurs souhaitent qu'à l'aune des données recueillies et dans la perspective de la négociation d'un nouvel ACI, une réflexion soit engagée avec les professionnels de santé sur l'opportunité d'encadrer davantage le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques.
Proposition n° 12 : Engager une réflexion sur l'opportunité d'encadrer le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques.
Réunie le mercredi 15 octobre 2025 sous la présidence de Mme Pascale Gruny, la commission des affaires sociales a adopté le rapport et les propositions présentés par Corinne Imbert et Bernard Jomier, rapporteurs, et en a autorisé la publication sous forme d'un rapport d'information.
EXAMEN PAR LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Réunie le mardi 7 octobre 2025, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale examine le rapport d'information de Mme Corinne Imbert et M. Bernard Jomier rapporteurs de la mission d'information sur le financement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
M. Alain Milon, président. - Nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner le projet de rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), travail de contrôle confié le 5 janvier dernier à Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie, et à Bernard Jomier.
Comme vous le savez, depuis cette année, la Mecss examine ses rapports avant que ceux-ci ne soient formellement adoptés par la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Créées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé ont été, dès l'origine, conçues comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires, sur l'initiative des professionnels de santé. Notre commission a plusieurs fois réaffirmé son attachement à cet équilibre ces dernières années.
Un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) conclu en 2019 par l'assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé a fixé, pour cinq ans, les conditions d'accompagnement et de financement des CPTS autour de six missions de service public, également consacrées par la loi : l'amélioration de l'accès aux soins ; le développement d'actions de prévention ; l'organisation des parcours de soins ; la participation à la réponse aux crises sanitaires ; le développement de la qualité et de la pertinence des soins ; enfin, l'accompagnement des professionnels sur le territoire. Les quatre premières missions doivent obligatoirement être mises en oeuvre, tandis que les deux autres sont optionnelles.
Fortement encouragé par les pouvoirs publics, le déploiement des CPTS a été rapide ces dernières années : leur nombre est passé d'une vingtaine en 2018 à plus de 800 en mai 2025. Elles couvrent désormais une grande partie du territoire national et 82 % de la population. Toutefois, contrairement à l'objectif fixé par le Président de la République et le Gouvernement, l'ensemble du territoire national n'est pas encore couvert et 5,4 millions de Français résideraient encore dans des « zones blanches » sans CPTS.
En regroupant les professionnels volontaires sur un territoire, les CPTS permettent d'apporter des réponses coordonnées aux besoins de santé. Les acteurs que nous avons entendus ont, très majoritairement, souligné l'apport des CPTS en matière d'accès aux soins, d'organisation des parcours et de prévention. Elles mettent fréquemment en oeuvre des actions visant à orienter les patients sans médecin traitant vers une offre existante, et contribuent au développement des protocoles de coopération. Les CPTS permettent également aux pouvoirs publics de disposer localement d'interlocuteurs susceptibles de faciliter la mise en oeuvre des politiques de santé, en particulier en ville.
Mais, en réalité, l'action des CPTS n'a jamais été précisément mesurée au niveau national. Par ailleurs, la variabilité de l'implication des professionnels de santé dans leur CPTS est fréquemment soulignée. À ce titre, nous regrettons le manque de données relatives à l'adhésion des professionnels de santé, alors que cet indicateur apparaît particulièrement pertinent pour mesurer l'implantation réelle de ces structures dans les territoires et garantir leur crédibilité. De nombreux professionnels ont, en pratique, du mal à s'approprier cet outil, parfois jugé trop administré ou peu lisible. Dans ce contexte, le risque d'un déploiement « à marche forcée », qui aboutirait à la création de coquilles vides, est réel. C'est paradoxal, au regard de la liberté d'initiative que le législateur a souhaité laisser aux professionnels en 2016, en substituant les CPTS à un projet gouvernemental qui ne répondait qu'à une logique descendante et laissait trop la main aux agences régionales de santé (ARS).
Venons-en à la question des modalités de financement des CPTS. Ces dernières reçoivent deux types de financements conventionnels, dont le montant est fonction du nombre d'habitants couverts : un financement pour le fonctionnement, attribué avant le démarrage des missions et permettant d'assurer le fonctionnement de la CPTS de manière pérenne, et un financement pour chaque mission engagée, composé d'une part fixe et d'une part variable calculée selon l'atteinte des objectifs fixés dans le contrat.
Les ARS apportent également un soutien financier aux CPTS, via les crédits du fonds d'intervention régional (FIR), particulièrement en phase de lancement.
Enfin, des fonds conventionnels de l'assurance maladie ont pu être versés, sous certaines conditions, avant la signature de l'ACI.
Alors que les montants versés sont importants, le pilotage et le contrôle des fonds paraissent gravement insuffisants.
Dans le cadre de l'ACI, 105,8 millions et 121 millions d'euros ont été versés respectivement en 2022 et 2023 aux CPTS. Au regard des sommes en jeu, nous ne pouvons que regretter la faible connaissance des financements attribués aux CPTS. Ainsi, six ans après la signature de l'ACI, aucun outil de pilotage de la dépense qui nous permettrait de disposer des données consolidées par mission n'est disponible à l'échelle nationale.
Concernant les financements issus des ARS, le ministère nous a également confirmé qu'il n'existait pas de vision agrégée au niveau national sur ce qui a été versé.
Nous demandons, en conséquence, que soient mis en place urgemment des outils de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS à l'échelle nationale.
En l'absence d'un tel outil, nous avons interrogé 17 caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) afin d'obtenir des grilles d'évaluation et des précisions sur le déroulement du dialogue de gestion. Ce dernier constitue le principal outil de suivi de l'activité des CPTS, permettant d'évaluer leurs actions et d'adapter les financements.
Or, au regard des documents obtenus, nous ne pouvons que constater les limites de cet exercice. Trop souvent, les indicateurs retenus et les justificatifs demandés dans le cadre du dialogue de gestion apparaissent lacunaires. Ainsi, une simple mention d'une réunion dans le rapport d'activité suffit parfois à attester de sa tenue et à déclencher un financement. Certaines CPTS refusent aussi de transmettre la liste de leurs adhérents, au nom du respect de la protection des données personnelles, ou transmettent des pièces justificatives la veille du dialogue de gestion, voire après sa tenue.
En réalité, l'efficacité de cet exercice dépend avant tout de la qualité du dialogue entre les financeurs et les CPTS, comme nous avons pu le constater lors de notre déplacement dans l'Allier.
Au regard de cette première analyse, il nous est apparu impératif de renforcer le contrôle financier des CPTS et de favoriser leur contribution effective à la coordination des soins.
L'adéquation entre les financements alloués et la réalité de l'action des CPTS doit être améliorée afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique.
En effet, il existe une réelle dichotomie entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées. Ainsi, la mission « crise sanitaire », dont le principal objectif consiste en la création, puis l'actualisation d'un plan de gestion de crise, semble largement surfinancée, quand d'autres, comme la mission « prévention », paraissent sous-estimées. Nous appelons à la mise en place d'un cadre national autorisant la fongibilité des enveloppes entre chaque mission. Aujourd'hui, si celle-ci n'est pas explicitement autorisée, elle est pratiquée de fait par les CPTS. Ainsi, 82,4 % des CPTS interrogées par la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) déclarent y avoir recours.
Par ailleurs, l'existence de crédits de fonctionnement, alloués dès la naissance de la CPTS, puis pendant toute la durée du contrat, interroge. Il existe un risque que cette rémunération au titre du fonctionnement fasse double emploi avec la part fixe des financements des missions.
C'est pourquoi nous estimons que la négociation du prochain ACI, prévue par l'assurance maladie pour 2026, doit être l'occasion de mesurer les dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions et de revoir, à la lumière de ces données, le périmètre et les modalités de financement de ces missions.
Enfin, une discussion doit être engagée entre les financeurs et les organisations représentatives pour augmenter la part variable du financement des CPTS, fondée sur l'atteinte d'objectifs.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Le rapport comporte également des propositions destinées à améliorer l'efficacité du dialogue de gestion, sur l'ensemble du territoire national.
L'utilisation d'outils de gestion performants et de plateformes interopérables doit être favorisée, afin de simplifier la transmission des données et des pièces justificatives. Les contributions que nous avons reçues font état de difficultés dans la collecte des données et la rédaction des rapports d'activité, notamment pour les plus petites CPTS, souvent peu dotées en personnels administratifs.
Les indicateurs retenus doivent être soigneusement sélectionnés : nous recommandons de privilégier les indicateurs de résultats adaptés aux spécificités des territoires et au niveau de maturité des CPTS, qui permettent de mesurer réellement l'impact de leur action. Les professionnels sont parfois réticents à la fixation d'indicateurs quantitatifs, qui ne peuvent refléter pleinement la complexité des situations sur le terrain et la qualité des actions mises en oeuvre. En effet, les CPTS ne disposent pas toujours d'une maîtrise suffisante des déterminants permettant d'atteindre des objectifs de résultats, tels que l'amélioration des taux de dépistage ou des conditions d'accès à des professionnels de santé extérieurs à la CPTS. Les régulateurs eux-mêmes ne disposent pas toujours de la capacité d'isoler l'effet de l'action de la CPTS sur l'évolution observée de ces indicateurs.
Il apparaît également indispensable de renforcer le contrôle financier des CPTS, aujourd'hui très insuffisant malgré le versement de montants importants d'argent public.
Tout d'abord, les dépenses et la gestion des CPTS devraient être davantage contrôlées. L'ACI laisse une très grande liberté aux CPTS dans l'utilisation des fonds qui leur sont octroyés, et le risque de mésusage de ces fonds publics a régulièrement été évoqué lors des auditions que nous avons conduites. Les réponses que nous avons reçues dans le cadre de notre enquête révèlent que de nombreuses CPAM se sentent démunies, l'une d'entre elles nous ayant même explicitement indiqué n'avoir « aucune légitimité », en l'état actuel des textes, « à questionner la CPTS sur l'utilisation des deniers publics » qui lui sont versés.
Plusieurs exemples de dépenses litigieuses nous ont ainsi été rapportés, qui menacent d'altérer la confiance des acteurs dans le dispositif. Ainsi, certaines CPTS organisent des activités culturelles et sportives à destination de leurs membres, telles que des cours mensuels de yoga, des sorties en voile ou des « soirées théâtre ». Des dépenses destinées à la convivialité et à la consolidation d'équipe, par exemple l'organisation de galas, ont également été rapportées. Par ailleurs, certaines CPTS thésauriseraient une partie des fonds qui leur ont été octroyés, demeurés inutilisés dans le cadre des actions conduites. Une ARS et une CPAM ont également évoqué l'utilisation des fonds de l'assurance maladie pour réaliser des investissements immobiliers.
De plus, nous avons observé que le niveau d'information dont disposent les régulateurs sur les dépenses engagées par les CPTS varie beaucoup d'un territoire à l'autre. Une CPAM rapporte, par exemple, que l'une des CPTS de son territoire lui adresse son rapport d'activité « amputé de la partie financière », quand d'autres indiquent, au contraire, demander et obtenir systématiquement, dans le cadre du dialogue de gestion, le bilan comptable et le compte de résultat de la CPTS.
En conséquence, il est recommandé dans le rapport d'imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS. Les sommes en jeu nous paraissent justifier, dans le contexte budgétaire actuel, un tel renforcement des contrôles.
Parallèlement, un encadrement strict, au niveau national, de la gestion financière des CPTS est nécessaire. La ligne de crête entre le renforcement du contrôle de la dépense publique et le risque de suradministration est difficile à tenir. Nous croyons toutefois possible d'encadrer davantage les choses sans décourager les professionnels de s'engager ni étouffer les initiatives locales.
Ces nouvelles règles pourraient viser, notamment, à interdire ou à encadrer certaines dépenses. De nombreuses CPAM interrogées suggèrent également de fixer une masse salariale maximale en fonction de la taille de la CPTS ou, à tout le moins, une grille de rémunération des postes clés des CPTS, notamment ceux de directeur et de coordonnateur. Aujourd'hui, seules les indemnités et rémunérations versées aux professionnels de santé sont plafonnées par décret.
Ce cadrage renforcé des dépenses pourrait être élaboré avec les professionnels de santé, l'année prochaine, dans le cadre de la négociation du prochain ACI. Ainsi, l'on pourrait envisager des règles claires tendant à interdire certaines pratiques, ou encore à prévoir des mécanismes de récupération des indus et des sanctions financières visant les personnes responsables des dépenses litigieuses. Un cadre national contribuera à éclairer les CPTS sur leurs marges de manoeuvre et les protégera d'éventuelles interprétations divergentes entre régulateurs locaux.
À côté du financement conventionnel et des cotisations versées par les adhérents, les CPTS disposent parfois de sources de financement secondaires très diversifiées. En effet, l'ACI ne leur interdit pas de bénéficier de financements complémentaires, versés par des personnes publiques ou privées. Figurent notamment parmi ces financeurs les collectivités territoriales, les unions régionales des professionnels de santé (URPS), mais aussi des acteurs privés comme des associations ou des laboratoires pharmaceutiques.
Ces financements demeurent aujourd'hui largement méconnus de l'assurance maladie et de l'État, qui ne disposent, là encore, d'aucune donnée consolidée ni d'aucun outil de suivi.
En conséquence, nous nous prononçons pour la mise en place, dans le cadre du nouvel ACI, d'un contrôle des sources de financement des CPTS, mené à l'aide des documents budgétaires et comptables que les structures devront désormais transmettre à leurs financeurs.
Certains financements secondaires observés induisent, en outre, des risques spécifiques. Ainsi des fonds versés par des laboratoires pharmaceutiques en contrepartie de formations : l'assurance maladie reconnaît l'existence, dans ce type d'accord, d'un risque de financiarisation des CPTS.
C'est pourquoi nous jugeons souhaitable que, dans la perspective de la négociation du nouvel ACI, une réflexion soit engagée avec les professionnels de santé sur l'opportunité d'encadrer davantage le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous avons une préoccupation commune : continuer de faire des CPTS des structures souples de coordination, à la main des professionnels de santé qui souhaitent s'y engager. Nous croyons nécessaire que l'assurance maladie continue de financer ces structures, utiles à notre système de santé. Nous jugeons également indispensable que les professionnels impliqués disposent d'une réelle marge de manoeuvre pour répondre, dans le cadre de leur responsabilité populationnelle, aux besoins de santé qu'ils identifient.
Toutefois, nous ne souhaitons pas que la crédibilité des CPTS puisse être entamée par une mauvaise utilisation des fonds publics qui leur sont versés. Sans tomber dans la suradministration ni le soupçon généralisé, nous croyons nécessaire de renforcer le dialogue de gestion destiné à suivre l'action de ces structures et d'améliorer les contrôles financiers.
En d'autres termes, nous souhaitons mieux contrôler les CPTS sans décourager les professionnels.
Mme Annie Le Houerou. - Je suis satisfaite de la conclusion de Bernard Jomier : il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain ! Je suis sidérée de certaines pratiques observées, comme des cours de yoga ou des soirées conviviales... Dans mon département des Côtes-d'Armor, les CPTS fonctionnent véritablement : nous sommes dans un territoire plutôt en déficit de professionnels de santé ; ceux-ci donnent beaucoup de leur temps, souvent bénévolement, pour que ces outils de coordination apportent un réel service à la population.
Il est évidemment nécessaire de sanctionner les fraudeurs et ceux qui détournent l'argent public, mais j'espère que cela ne concerne pas la majeure partie des CPTS. Dans mon département, ni moi ni les membres de ces CPTS ne pourraient imaginer de telles dérives. Il convient donc de ne pas se focaliser sur ces situations, sauf à ce qu'elles soient réellement très fréquentes.
Le dernier point que je souhaite souligner est le contrôle des sources de financement. Dès lors que des industries pharmaceutiques ou d'autres financeurs non publics interviennent, cela limite la possibilité de contrôle des deniers publics. Ce n'est pas l'objectif : les CPTS doivent rester centrées sur leur rôle de coordination et sur les missions qui leur sont dévolues, notamment la prévention, un domaine où il reste beaucoup à faire. Dans mon département, la question de la prévention repose largement sur le travail réalisé par ces CPTS.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je remercie nos deux collègues pour ce rapport, qui est fort intéressant. Les CPTS, comme les conseils territoriaux de santé (CTS) auxquels nous participons régulièrement, avaient à l'origine pour objet de faciliter l'accès à un médecin traitant et d'améliorer les parcours de soins. La première question à se poser est de savoir si, depuis leur création, les CPTS ont effectivement rempli la mission pour laquelle elles ont été créées.
Mon département, le Pas-de-Calais, compte plusieurs CPTS, dont le fonctionnement n'est pas toujours optimal et où l'on relève parfois des pratiques discutables. Les CPTS et les CTS sont complètement méconnus du public. Nous n'avons pas réussi à vulgariser leur rôle ni à faire en sorte que les habitants s'approprient ces structures. Même si leur objectif premier est de faire travailler les professionnels ensemble, il serait utile d'informer le public sur les services proposés, surtout dans un contexte où de nombreux habitants n'ont plus de médecin traitant. Ce dernier point constitue une vraie difficulté dans mon département, comme dans beaucoup d'autres, même si cela ne peut être imputé aux CPTS ou aux CTS.
Mon principal souci, comme nous l'évoquons souvent à la commission des affaires sociales et à la Mecss, concerne l'utilisation de l'argent public. Nous finançons de nombreuses structures, mais presque aucun rapport ne vient jamais évaluer les actions qu'elles mènent. Il est pourtant nécessaire de mesurer concrètement ce que ces politiques apportent aux professionnels et aux populations. Ces dispositifs continuent d'être financés alors même que l'argent public se raréfie, mais nous n'avons presque jamais de suivi ni de bilan.
Corinne Imbert et Bernard Jomier l'ont justement souligné dans leur rapport : il est essentiel de regarder à quoi sert l'argent et comment il est employé, et de disposer d'une évaluation réelle de ces politiques.
Mme Florence Lassarade. - Je remercie également les deux rapporteurs pour leur travail. Au démarrage des CPTS, j'étais extrêmement sceptique, en particulier en raison de la faible adhésion du milieu médical. Néanmoins, ces structures se sont rapidement développées sur l'ensemble du territoire, bien que de manière hétérogène dans leur fonctionnement. Elles comptent de nombreux professionnels paramédicaux et, proportionnellement, moins de médecins, mais à l'origine, elles servaient au moins de carnet d'adresses, permettant à chaque praticien nouvellement arrivé dans un secteur de disposer d'un correspondant.
Plusieurs aspects me préoccupent, et cela ne se limite pas aux CPTS. Dans notre pays, quels que soient les rapports demandés, il est difficile d'obtenir des chiffres. Même pour des sujets comme les maternités, les informations manquent. Est-ce par souci d'éviter toute intrusion dans la vie privée, ou parce que l'on ne veut rien savoir du fonctionnement de nos structures ?
Lors d'un déplacement à Londres avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), consacré à la bioéthique et au génome, j'ai constaté que, malgré certaines limites du système de santé anglais, les autorités disposent d'un goût de l'évaluation et de données exploitables. En comparaison, le fonctionnement des CPTS diffère fortement selon les territoires. Par exemple, une infirmière m'expliquait qu'elle recevait 50 euros à chaque réunion de CPTS, ce qui l'étonnait. Dans certaines réunions de mon département, un moment convivial est prévu à la fin. Cela peut sembler normal, mais doit rester proportionné.
M. Alain Milon, président. - La loi du 26 janvier 2016, issue du projet de loi de Marisol Touraine, texte dont j'ai été rapporteur au Sénat, visait à regrouper les professionnels de santé libéraux pour coordonner leurs travaux à l'égard de la patientèle. Ce qui m'a toujours étonné dans les CPTS, et m'a conduit à demander un rapport à Corinne Imbert et Bernard Jomier, ce sont les sommes parfois considérables laissées dans ces organismes. Lors du regroupement, il a été demandé des locaux, des ordinateurs, un secrétariat, voire un directeur de site, ce qui n'était ni le but premier de la loi, ni l'intention de la ministre, ni celle du rapporteur. Ce rapport m'intéresse donc particulièrement, et il conviendra de lui donner des suites.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Ce fut un grand plaisir de travailler avec Bernard Jomier sur ce rapport. Je faisais partie des élus ayant des soupçons ; je n'ai donc pas été surprise des propos qui nous ont été tenus. Certains professionnels sont engagés, et certaines CPTS fonctionnent très bien. J'ai donc été très intéressée de voir quels étaient à la fois les dysfonctionnements et les réussites des CPTS.
La loi de 2016 visait à apporter plus de coordination et d'ambition. Le législateur a retiré, dans la loi de 2019, les dispositions permettant à l'ARS de reprendre la main pour créer des CPTS quand les professionnels ne s'engagent pas. En réponse, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a développé à marche forcée des CPTS pour que toute la France soit couverte par ces structures. Cela a abouti à des coquilles vides et à des dysfonctionnements. Cette situation m'avait interpellée.
Ne nous y trompons pas, tout dépend des professionnels. Certains sont impliqués, d'autres moins, ou pas du tout... Un radiologue de mon département, dont le cabinet a plusieurs sites, est présent dans trois CPTS mais ne s'y implique pas, faute de temps. Son associé est en revanche très impliqué sur le dépistage du cancer du sein.
Les 17 CPAM que nous avons interrogées ont un avis très consensuel, mais rencontrent des difficultés à obtenir des chiffres. La demande d'évaluation me semble légitime.
L'hétérogénéité résulte inéluctablement d'un système aussi dépendant des professionnels, mais elle est aussi une conséquence de son déploiement à marche forcée, qui aboutit à des absurdités. Sans suradministrer ni être soupçonneux à tout va, j'estime qu'il faut que les choses soient claires pour que tout se passe bien dans l'intérêt des patients et des territoires et que l'esprit de la loi initiale soit conservé. Sinon, il en résulte des solutions chères en fonctionnement et pour lesquelles les acteurs refusent de rendre compte, ce qui n'est pas acceptable.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Bernard Jomier, rapporteur. - L'histoire des CPTS est très intéressante. Où place-t-on désormais l'argent pour améliorer la santé de nos concitoyens ? En créant les CPTS, la gauche voulait choisir une approche populationnelle, territoriale, avec des CPTS contrôlées par les ARS et les CPAM. La majorité sénatoriale plaidait quant à elle pour une approche plus souple, pour que les professionnels de santé aient davantage la main.
Le système mis en place responsabilise les acteurs de la santé avec un cadre : les quatre missions obligatoires et les deux missions facultatives. Les acteurs choisissent ce qui est important pour leur territoire et mènent des actions, avec un contrôle très lâche.
Désormais, nous sommes presque à front renversé. Lors des auditions, nous avons entendu certains acteurs qui sont, depuis toujours, opposés aux CPTS et qui estiment que les CPAM et les ARS doivent davantage les contrôler. Il n'est pas étonnant non plus que ces dernières souhaitent aussi contrôler davantage, car elles n'ont pas apprécié ce fonctionnement bottom up ; elles préfèrent la manière inverse, lorsque l'instance supérieure tient les verrous et dit aux médecins et infirmières que faire. Voilà le système des CPTS ; et évidemment, il y a des dérives...
Kant écrivait que la liberté n'existe pas sans l'apprentissage de la liberté. Il ajoutait que, quand on sort un enfant du trotteur, il tombe. Eh bien, on a donné à des professionnels, sur un territoire très précis, la liberté de s'organiser, et ils tâtonnent. Cela fonctionne dans certains endroits, mais dans d'autres non.
Comment encadrer ? Il ne faut pas accepter des dérives. Je n'ai aucun scrupule : il faut sanctionner si besoin est. Si vous avez utilisé l'argent pour une croisière avec champagne...
Mme Émilienne Poumirol. - C'est de la fraude !
M. Bernard Jomier, rapporteur. -... l'année suivante, cet argent sera repris sur le budget de rémunération des membres du bureau de la CPTS et non sur le budget des actions. « Tu casses, tu répares. » Et tu voles, tu rends l'argent. Ce n'est pas compliqué, mais il ne faut pas suradministrer. Nous devons faire attention et observer ce qui se passe : quelle orientation voulons-nous pour nos dépenses de santé ? Le système vertical descendant est-il l'idéal ?
J'en viens à l'interrogation de Florence Lassarade. Nous manquons de données pour évaluer les actions, car de nombreuses personnes n'ont pas intérêt à ce qu'on évalue leur action ou la destination de l'argent. Si l'on commence à le faire sérieusement, des rentes de situation disparaîtront. Vous avez raison : on n'évalue pas assez. Les CPTS doivent accepter qu'on évalue leur action, ni plus ni moins que les autres, j'y insiste. On doit leur demander des comptes sur leur utilisation de l'argent public comme on le fait pour tous les acteurs du soin qui reçoivent des financements publics. C'est la ligne que nous proposons dans ce rapport.
Mme Pascale Gruny. - Comme beaucoup d'autres, je ne connaissais pas très bien les CPTS. Sur le principe, je pense qu'elles sont un outil important, d'autant qu'elles sont créées par territoire. Les territoires sont différents les uns des autres, que ce soit dans les parcours de soin ou les effectifs de professionnels de santé.
Quelle est la rémunération ? Je ne savais pas qu'elle n'était pas enregistrée. Dans mon département de l'Aisne, on m'affirme que ce serait devenu une rente pour le médecin qui en a pris la charge, qui travaille peu à côté alors même que nous pleurons pour obtenir des médecins. Ce serait un détournement, avec des médecins qui font, in fine, de l'administration. Tel n'est pas le but des CPTS ! Cette indemnité est-elle importante ? Merci d'avoir réalisé cette étude, qui était nécessaire.
M. Alain Milon, président. - Le rapport sera mis aux voix lors d'une prochaine réunion de la commission des affaires sociales.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Vous trouverez un tableau récapitulatif sur les rémunérations dans l'Essentiel, une fois le rapport adopté.
La rémunération et les indemnités perçues par professionnel ne peuvent excéder le plafond annuel de la sécurité sociale, fixé en 2025 à 47 100 euros. Les CPTS reçoivent des financements pour leur fonctionnement et leurs missions, en fonction du nombre d'habitants couverts. Il y a quatre tailles de CPTS. Les CPTS de taille 1 rassemblent moins de 40 000 habitants ; celles de taille 2, entre 40 000 et 80 000 habitants ; celles de taille 3, entre 80 000 et 175 000 habitants ; enfin, celles de taille 4, plus de 175 000 habitants.
Le financement du fonctionnement diffère de celui des missions. Les CPTS de taille 1 disposent de 50 000 euros pour leur fonctionnement, contre 90 000 euros pour les CPTS de taille 4.
Si l'on fait la somme du financement du fonctionnement et des missions, avec des parts fixes et des parts variables pour ces dernières, une petite CPTS de taille 1 reçoit au total 287 500 euros. Les plus grandes peuvent recevoir jusqu'à 580 000 euros par an, sans compter des financements extérieurs. Ceux-ci peuvent être apportés aux CPTS soit de la part de collectivités territoriales - par exemple un conseil départemental pour financer un médicobus - soit d'entreprises privées, et notamment de laboratoires pharmaceutiques... Nous ne connaissons pas ces financements non publics.
Mme Marie-Pierre Richer. - Un directeur de CPTS peut-il exercer à côté ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Concrètement, il me semble que la situation posant le plus de problèmes est lorsqu'une CPTS n'a aucun médecin dans son bureau - sans vouloir faire de corporatisme. Auquel cas, un professionnel autre s'investit pleinement et tire un revenu de la CPTS. Nous avons des exemples de dérives, y compris en Île-de-France. Rien d'anormal, par contre, à avoir une grosse CPTS avec un coordonnateur ou un directeur qui assure la coordination et qui permet à de nombreuses actions de santé d'être menées. L'enjeu réside dans le dialogue de gestion avec la CPAM : on ne peut avoir de règle unique. C'est pour cela que nous demandons que soient précisés certains montants de rémunération, et que la CPAM dispose de tous les documents budgétaires et financiers.
J'ai l'exemple d'un médecin qui consacre un mi-temps à coordonner la CPTS pour 2 700 euros, ce qui complète son mi-temps d'activité clinique. Cela n'a rien de scandaleux, compte tenu de la réduction de son temps clinique. Nous avons besoin d'outils plus complets pour que le dialogue de gestion permette d'assurer les fonctions de contrôle.
Mme Émilienne Poumirol. - Les 47 000 euros de rémunération sont-ils inclus dans les 580 000 euros pour les CPTS ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Oui.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je vous remercie de votre présence et de votre écoute.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 15 octobre 2025, sous la présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président, la commission examine le rapport d'information de Mme Corinne Imbert et M. Bernard Jomier, rapporteurs de la mission d'information sur le financement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Mme Pascale Gruny, président. - Notre premier point à l'ordre du jour concerne la communication de nos collègues Corinne Imbert et Bernard Jomier à l'issue des travaux de la mission d'information qu'ils ont conduite, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Je vous précise que nos collègues ont déjà présenté leurs travaux à la Mecss, le 7 octobre dernier, sous la présidence d'Alain Milon.
M. Alain Milon, président de la Mecss. - J'avais été alerté par l'agence régionale de santé (ARS) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) sur le fonctionnement des CPTS. Soucieux d'approfondir cette question, et en concertation avec le président de la commission, j'ai proposé à la Mecss de se saisir du sujet. Deux excellents rapporteurs, Corinne Imbert et Bernard Jomier, ont été désignés pour conduire ces travaux. Leur rapport se révèle particulièrement intéressant.
Mme Pascale Gruny, président. - Pour avoir assisté à la présentation du rapport devant la Mecss, je le confirme : c'est un rapport très intéressant.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Je remercie le président Alain Milon de la confiance qu'il nous a accordée en nous chargeant de cette mission flash relative aux conditions de financement des CPTS.
Le rapport que nous vous présentons aujourd'hui a déjà été examiné par la Mecss le 7 octobre dernier ; notre intervention de ce matin est enrichie des échanges que nous avons pu avoir avec ses membres lors de cette réunion.
Créées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé, les fameuses CPTS, ont été, dès l'origine, conçues comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires, sur l'initiative des professionnels de santé. Notre commission a plusieurs fois réaffirmé son attachement à cet équilibre au cours des dernières années, par exemple en refusant de rendre obligatoire l'adhésion des professionnels en 2023.
Un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) conclu en 2019 entre l'assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé a fixé, pour cinq ans, les conditions d'accompagnement et de financement des CPTS autour de six missions de service public, également consacrées par la loi : l'amélioration de l'accès aux soins ; le développement d'actions de prévention ; l'organisation des parcours de soins ; la participation à la réponse aux crises sanitaires ; le développement de la qualité et de la pertinence des soins ; enfin, l'accompagnement des professionnels sur le territoire. Les quatre premières missions doivent obligatoirement être mises en oeuvre par les CPTS ; les deux autres, à l'inverse, sont optionnelles.
Fortement encouragé par les pouvoirs publics, le déploiement des CPTS a été rapide ces dernières années : leur nombre est passé d'une vingtaine en 2018 à plus de 800 en mai 2025.
Les ARS ont déployé de nombreuses actions destinées à favoriser la création des CPTS. L'ARS Grand Est nous a par exemple indiqué avoir mis en place une véritable « task force territoriale » à cet effet.
Toutefois, l'objectif affiché par le Gouvernement en 2023, visant 100 % du territoire couvert, n'est pas encore atteint. Ainsi, 5,4 millions de Français résideraient encore dans des « zones blanches » non couvertes, y compris par une CPTS en cours de constitution n'ayant pas encore signé l'ACI. On note à ce titre d'importantes disparités territoriales : 79 % des habitants de la Corse vivent dans une zone blanche, contre seulement 1,7 % des habitants du Centre-Val de Loire. (La rapporteure projette un diaporama en complément de son propos.)
En regroupant les professionnels volontaires sur un territoire, les CPTS permettent d'apporter des réponses coordonnées aux besoins de santé. Les acteurs que nous avons entendus ont très majoritairement souligné l'apport des CPTS en matière d'accès aux soins et d'organisation des parcours. Celles-ci mettent fréquemment en oeuvre des actions visant à orienter les patients sans médecin traitant vers une offre existante et contribuent au développement des protocoles de coopération. Elles favorisent également la mise en oeuvre d'actions de prévention, visant par exemple à encourager les dépistages ou à repérer le plus en amont possible les situations à risques. Les CPTS permettent, enfin, aux pouvoirs publics, à l'assurance maladie et aux établissements de santé de disposer localement d'interlocuteurs susceptibles de faciliter la mise en oeuvre des politiques de santé et la mobilisation des professionnels en ville.
Pour autant, l'action des CPTS n'a, en réalité, jamais été précisément mesurée au niveau national. Par ailleurs, l'implication variable des professionnels de santé dans leur CPTS est fréquemment soulignée. À ce titre, nous regrettons le manque de données relatives à l'adhésion des professionnels de santé, alors que cet indicateur apparaît particulièrement pertinent pour mesurer l'implantation réelle des CPTS dans les territoires et garantir la crédibilité de ces structures.
À cet égard, les données incomplètes que nous avons obtenues tendent à montrer une implication très inégale des professions exerçant en ambulatoire. Un quart des médecins généralistes sont identifiés comme adhérant à une CPTS, contre 0,3 % seulement des chirurgiens-dentistes libéraux. Les infirmiers constitueraient la profession la mieux représentée au sein des CPTS. Enfin, la présence, au sein des CPTS et, plus particulièrement, de leurs organes décisionnels, de certaines professions qui ne relèvent pas, au sens du code de la santé publique, des professions de santé, a suscité chez nous de fortes interrogations. L'assurance maladie identifie ainsi 26 sophrologues ou encore 9 hypnothérapeutes adhérant à une CPTS...
De nombreux professionnels de santé ont, en pratique, du mal à s'approprier cet outil, parfois jugé trop administré ou peu lisible. Par ailleurs, la stratégie de généralisation accélérée des CPTS sur l'ensemble du territoire s'est parfois révélée contre-productive, en suscitant la méfiance de certains professionnels de santé.
Dans ce contexte, le risque d'un déploiement « à marche forcée » qui aboutirait à la création de coquilles vides est réel. C'est paradoxal, au regard de la liberté d'initiative que le législateur a souhaité laisser aux professionnels en 2016 quand il a substitué les CPTS à un projet gouvernemental qui ne répondait qu'à une logique descendante et laissait trop la main aux ARS.
J'aborderai maintenant la question des modalités de financement des CPTS. Ces dernières reçoivent deux types de financements conventionnels, dont le montant est fonction du nombre d'habitants couverts : un financement pour le fonctionnement, attribué avant le démarrage des missions et permettant d'assurer le fonctionnement de la CPTS de manière pérenne, et un financement pour chaque mission engagée, composé lui-même d'une part fixe et d'une part variable, calculée en fonction de l'atteinte des objectifs fixés dans le contrat.
Des aides peuvent, en outre, être versées aux CPTS en phase de lancement. Les ARS apportent ainsi, fréquemment, un soutien financier aux nouvelles CPTS via les crédits du fonds d'intervention régional (FIR). Des fonds conventionnels de l'assurance maladie peuvent également être versés, sous certaines conditions, avant la signature de l'ACI.
Enfin, les CPTS peuvent obtenir des financements complémentaires, par exemple du fonds pour l'innovation du système de santé (Fiss) dans le cadre de leur réponse à des appels à projets spécifiques et de leur participation à des expérimentations.
Bien que les montants versés soient importants, le pilotage et le contrôle des fonds paraissent gravement insuffisants.
Dans le cadre de l'ACI uniquement, 105,8 millions et 121 millions d'euros ont été versés respectivement en 2022 et 2023 aux CPTS, soit, en 2023, une moyenne de 240 000 euros par CPTS. Au regard des sommes concernées, nous ne pouvons que regretter la faible connaissance des financements attribués aux CPTS. Ainsi, six ans après la signature de l'ACI, il n'existe toujours aucun outil national de pilotage de la dépense permettant de disposer des données consolidées par mission !
Concernant les financements issus des ARS, le ministère nous a également confirmé qu'il n'existait pas de vision agrégée au niveau national sur ce qui a été versé.
Nous recommandons, en conséquence, de mettre en place urgemment des outils de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS à l'échelle nationale.
En l'absence de tels outils, nous avons interrogé 17 caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) afin d'obtenir des précisions sur les contrôles réalisés au niveau local, sur les difficultés rencontrées et, plus généralement, sur le déroulement du dialogue de gestion. Ce dernier constitue le principal outil de suivi de l'activité des CPTS permettant d'évaluer leurs actions et d'adapter les financements.
Or, au regard des documents obtenus, nous ne pouvons que constater les limites de cet exercice. Trop souvent, les indicateurs retenus et les justificatifs demandés dans le cadre du dialogue de gestion apparaissent lacunaires : ainsi, une simple mention dans le rapport d'activité d'une réunion suffit parfois à attester de sa tenue et à déclencher un financement. Certaines CPTS refusent aussi de transmettre la liste de leurs adhérents au nom du respect de la protection des données personnelles ou transmettent des pièces justificatives la veille du dialogue de gestion, voire après sa tenue.
En réalité, l'efficacité de cet exercice dépend avant tout de la qualité du dialogue entre les financeurs et les CPTS, comme nous avons pu le constater lors de notre déplacement dans l'Allier.
Au regard de cette première analyse, il nous est apparu impératif de renforcer le contrôle financier des CPTS et de favoriser leur contribution effective à la coordination des soins.
L'adéquation entre les financements alloués et la réalité de l'action des CPTS doit être améliorée afin d'assurer l'efficacité de la dépense publique.
En effet, il existe une réelle dichotomie entre enveloppes théoriques et dépenses réellement engagées. Les données issues d'une enquête de la Fédération des communautés professionnelles territoriales de santé (FCPTS) font ressortir que les dépenses réelles de fonctionnement sont quasi systématiquement supérieures aux enveloppes allouées. Par ailleurs, concernant les missions, celle qui est relative à la réponse aux crises sanitaires, dont le principal objectif consiste en la création puis l'actualisation d'un plan de gestion de crise, semble largement surfinancée. D'autres, à l'inverse, comme la mission « prévention », paraissent sous-estimées. La CPAM de Seine-et-Marne a ainsi indiqué craindre que la faiblesse de l'enveloppe « prévention » mette à mal la mise en oeuvre d'actions d'« aller vers ». Nous appelons à la mise en place d'un cadre national autorisant la fongibilité des enveloppes entre chaque mission. Aujourd'hui, si celle-ci n'est pas explicitement autorisée, elle est pratiquée de fait par les CPTS. Ainsi, 82,4 % des CPTS interrogées par la FCPTS déclarent y avoir recours.
Par ailleurs, l'existence de crédits de fonctionnement, alloués dès la naissance de la CPTS puis pendant toute la durée du contrat, pose question. Il existe un risque que cette rémunération au titre du fonctionnement fasse double emploi avec la part fixe des financements des missions.
C'est pourquoi nous estimons que la négociation du prochain ACI, prévue par l'assurance maladie pour 2026, doit être l'occasion de mesurer les dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions et de revoir, à la lumière de ces données, le périmètre et les modalités de financement de ces missions. Par ailleurs, les spécificités du territoire pourraient être mieux prises en compte. En effet, le dispositif actuel est indexé sur la taille démographique du territoire, et aucunement sur la densité médicale ou les difficultés constatées d'accès aux soins.
Enfin, une discussion doit être engagée entre les financeurs et les organisations représentatives pour augmenter la part variable du financement des CPTS, fondée sur l'atteinte des objectifs fixés.
M. Bernard Jomier, rapporteur. - Le rapport comporte également des propositions destinées à améliorer l'efficacité du dialogue de gestion sur l'ensemble du territoire national.
L'utilisation d'outils de gestion performants et de plateformes interopérables doit être favorisée, afin de simplifier la transmission des données et des pièces justificatives. Les contributions que nous avons reçues font état de difficultés dans la collecte des données et la rédaction des rapports d'activité, notamment pour les plus petites CPTS, souvent peu dotées en personnels administratifs. Il s'agit de renforcer le partage d'informations entre les CPTS et les régulateurs, par la mise en place d'un cadre national fixant les modalités de transmission des pièces justificatives.
Les indicateurs retenus doivent être soigneusement sélectionnés : nous recommandons de privilégier des indicateurs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et au niveau de maturité de chaque CPTS, qui permettront de mesurer réellement l'impact de son action. Les professionnels sont parfois réticents à la fixation d'indicateurs quantitatifs, qui ne peuvent refléter pleinement la complexité des situations sur le terrain et la qualité des actions mises en oeuvre. En effet, les CPTS ne disposent pas toujours d'une maîtrise suffisante des déterminants permettant d'atteindre des objectifs de résultats tels que l'amélioration des taux de dépistage ou des conditions d'accès à des professionnels de santé extérieurs à la CPTS. Les régulateurs eux--mêmes ne sont pas toujours en mesure d'isoler l'effet de l'action de la CPTS sur l'évolution observée de ces indicateurs.
Il apparaît également indispensable de renforcer le contrôle financier des CPTS, aujourd'hui insuffisant malgré le versement de montants importants d'argent public.
En premier lieu, les dépenses et la gestion des CPTS devraient être davantage contrôlées. L'ACI laisse une très grande liberté aux CPTS dans l'utilisation des fonds qui leur sont octroyés. Aucun des financements prévus ne requiert, pour la CPTS, de justifier précisément ou exhaustivement l'utilisation des fonds perçus. Seul le dialogue de gestion, avec toutes les limites que nous avons évoquées précédemment, permet de supposer, en fonction de l'atteinte des indicateurs fixés préalablement, que les fonds ont été correctement utilisés.
Aussi le risque de mésusage de ces fonds publics a-t-il fréquemment été évoqué lors des auditions que nous avons conduites. Les réponses que nous avons reçues dans le cadre de notre enquête révèlent que de nombreuses CPAM se sentent démunies, l'une d'entre elles nous ayant même explicitement indiqué n'avoir « aucune légitimité », en l'état actuel des textes, pour « questionner la CPTS sur l'utilisation des deniers publics » qui lui sont versés.
Plusieurs exemples de dépenses litigieuses nous ont ainsi été rapportés, qui menacent d'altérer la confiance des acteurs dans le dispositif. Certaines CPTS organisent ainsi des activités culturelles et sportives à destination de leurs membres, telles que des cours mensuels de yoga, des sorties en voile ou des « soirées théâtre ». Des dépenses destinées à la convivialité et à la consolidation d'équipe ont également été rapportées. Par ailleurs, certaines CPTS thésauriseraient une partie des fonds qui leur ont été octroyés, demeurés inutilisés dans le cadre des actions conduites. Une ARS et une CPAM ont également évoqué l'utilisation des fonds de l'assurance maladie pour réaliser des investissements immobiliers. Enfin, nous avons été informés d'un cas de mise à disposition, par un médecin à ses stagiaires, de locaux dont les loyers auraient été réglés grâce aux fonds alloués à la CPTS.
De plus, nous avons observé que le niveau d'information dont disposent les régulateurs sur les dépenses engagées par les CPTS est très variable d'un territoire à l'autre. Une CPAM rapporte ainsi que l'une des CPTS de son territoire lui adresse son rapport d'activité « amputé de la partie financière », quand d'autres indiquent, au contraire, demander et obtenir systématiquement, dans le cadre du dialogue de gestion, le bilan comptable et le compte de résultat de la CPTS.
En conséquence, nous recommandons dans le rapport d'imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS. Les sommes en jeu nous paraissent justifier, dans le contexte budgétaire actuel, un tel renforcement des contrôles. Par ailleurs, les CPTS étant constituées sous la forme d'associations régies par la loi de 1901, elles sont théoriquement dans l'obligation de désigner un commissaire aux comptes dès lors qu'elles reçoivent plus de 153 000 euros de subventions publiques. Le contrôle effectif de cette désignation doit être renforcé.
Parallèlement, nous recommandons la mise en place d'un encadrement plus strict de la gestion financière des CPTS au niveau national. La ligne de crête entre renforcement du contrôle de la dépense publique et risque de suradministration est, certes, difficile à tenir. Nous croyons toutefois possible d'encadrer davantage les choses sans décourager les professionnels de s'engager ni étouffer les initiatives locales.
Ces nouvelles règles pourraient viser, notamment, à interdire explicitement ou à encadrer certaines des dépenses litigieuses que nous avons citées, ou à maîtriser le phénomène de thésaurisation, par exemple par l'instauration d'un système de récupération des financements non utilisés. De nombreuses CPAM interrogées suggèrent également de fixer une masse salariale maximale en fonction de la taille de la CPTS ou, à tout le moins, une grille de rémunération des postes clés des CPTS, comprenant ceux de directeur et de coordonnateur. Aujourd'hui, seules les indemnités et rémunérations versées aux professionnels de santé en contrepartie du temps qu'ils consacrent à la CPTS sont plafonnées par décret : elles ne peuvent excéder, pour chaque professionnel, le plafond annuel de la sécurité sociale, fixé en 2025 à 47 100 euros.
Ce cadrage renforcé des dépenses pourrait être recherché avec les professionnels de santé, l'année prochaine, dans le cadre de la négociation du prochain ACI. En cas d'infraction, des mécanismes de récupération des indus et des sanctions financières visant les personnes responsables pourraient être envisagés. L'existence d'un cadre national contribuera à éclairer les CPTS sur leurs marges de manoeuvre et les protégera d'éventuelles interprétations divergentes entre régulateurs locaux.
À côté du financement conventionnel et des cotisations versées par les adhérents, les CPTS disposent parfois de sources de financement secondaires très diversifiées. Selon l'assurance maladie, 75 % des CPAM estiment qu'au moins une CPTS de leur ressort territorial dispose d'une autre source de financement. En effet, l'ACI n'interdit pas à ces dernières de bénéficier de financements complémentaires, versés par des personnes publiques ou privées. Figurent notamment parmi ces financeurs les collectivités territoriales, les unions régionales de professionnels de santé (URPS), des fonds européens, mais aussi des acteurs privés comme des associations ou des laboratoires pharmaceutiques.
Ces financements demeurent aujourd'hui largement méconnus de l'assurance maladie et de l'État, qui ne disposent, là encore, d'aucune donnée consolidée ni d'aucun outil de suivi. L'assurance maladie souligne surtout que ces financements peuvent « soutenir des actions hors des missions conventionnelles », sans toutefois être en mesure de préciser la nature de ces actions.
Nous nous prononçons, en conséquence, pour la mise en place d'un contrôle systématique des sources de financement des CPTS dans le cadre du nouvel ACI, à l'aide des documents budgétaires et comptables que les structures devraient transmettre à leurs financeurs.
Certains financements secondaires observés induisent, en outre, des risques spécifiques. Il en va ainsi, en particulier, des fonds versés par des laboratoires pharmaceutiques en contrepartie de formations. L'assurance maladie reconnaît l'existence, dans ce type d'accord, d'un risque de financiarisation des CPTS.
C'est pourquoi nous jugeons souhaitable que, dans la perspective de la négociation du nouvel ACI, une réflexion soit engagée avec les professionnels de santé sur la nécessité d'encadrer davantage le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques.
Vous l'aurez compris, nous partageons une préoccupation commune : continuer de faire des CPTS des structures souples de coordination, à la main des professionnels de santé qui souhaitent s'y engager. Nous croyons nécessaire que l'assurance maladie continue de financer ces structures, utiles à notre système de santé, et nous ne souhaitons pas jeter l'opprobre sur les acteurs impliqués. Nous avons pu voir de nombreux exemples de la pertinence et de l'efficacité de l'action de ces structures. La CPTS Sud-Allier, que nous sommes allés rencontrer avec Corinne Imbert sur le terrain, a par exemple mis en place une véritable coordination entre la ville et l'hôpital afin d'améliorer le repérage en amont des fragilités pour réduire les hospitalisations et de renforcer la prise en charge par la médecine ambulatoire lors des sorties d'hospitalisation.
Nous jugeons également indispensable que les professionnels impliqués disposent d'une marge de manoeuvre étendue pour répondre, dans le cadre de leur responsabilité populationnelle, aux besoins de santé qu'ils identifient.
Toutefois, nous ne souhaitons pas que la crédibilité des CPTS puisse être entamée par une mauvaise utilisation des fonds publics qui leur sont versés. Elles doivent, au même titre que l'ensemble des acteurs du soin recevant des financements publics, accepter que l'on contrôle leur gestion et évalue leur action. Sans tomber dans la suradministration ni le soupçon généralisé, nous croyons nécessaire de renforcer le dialogue de gestion destiné à suivre l'action de ces structures et d'améliorer les contrôles financiers.
En d'autres termes, nous voulons mieux contrôler les CPTS sans pour autant décourager les professionnels.
Mme Annie Le Houérou. - Je remercie nos deux rapporteurs pour ce travail important. Dans mon département, les CPTS présentent une véritable utilité, même si certains retours font état de dérives. Il ne faudrait pas, pour autant, jeter le bébé avec l'eau du bain !
Vos conclusions constituent un cadre pertinent pour le développement des CPTS, en exigeant de leur part la définition et le contrôle des indicateurs d'activité, ainsi qu'un suivi financier rigoureux. Si des crédits publics leur sont affectés, la totale transparence sur leur utilisation est indispensable. De même, pour les financements privés, il est essentiel de disposer d'informations précises sur leur origine et leur affectation.
Vous évoquez également l'inégale participation des médecins. Cela paraît logique, les CPTS s'étant développées dans des territoires confrontés à un manque important de médecins, limitant leur disponibilité à contribuer pleinement au fonctionnement de ces structures. Les autres professionnels s'organisent pour mieux coordonner l'accès aux soins et les parcours, notamment en oncologie, pédiatrie et gériatrie, comme c'est le cas dans mon département.
Sans une implication forte, sur les territoires, de l'ensemble des professionnels de santé, y compris des médecins, les CPTS ne pourront produire des indicateurs d'activité valorisants. Une coordination renforcée des professionnels permettra une prise en charge optimale des patients, en les orientant vers les soins les plus pertinents et adaptés à leur situation. Je salue ces préconisations, que je partage pleinement.
Mme Véronique Guillotin. - Je vous remercie pour ce rapport. Nous ressentons bien l'utilité des CPTS, notamment dans un souci de coordination, mais nous entendons aussi cette petite musique selon laquelle elles ne rempliraient pas toujours leur mission ou connaîtraient des dérives financières.
Lorsque l'on confie des actions de prévention ou d'accès aux soins aux CPTS, serait-il possible de mettre en place des indicateurs de suivi plus stricts ? On a parfois l'impression qu'en matière de prévention, chacun fait un peu ce qu'il veut, avec une efficacité variable.
M. Daniel Chasseing. - Je veux à mon tour remercier et féliciter les deux rapporteurs. Il ressort de leur travail une nécessité de contrôler les fonds publics alloués à ces communautés, qui sont tout de même très importants - 240 000 euros par CPT en moyenne. Nous devons faire en sorte que celles qui fonctionnent puissent continuer leur action, mais aussi mettre un terme aux dérives. Nous devons aussi mieux encadrer les financements complémentaires.
Je souhaiterais également que les CPTS soient davantage organisées en rapport avec les bassins de vie, afin que les médecins puissent mieux se coordonner. Ce n'est pas toujours le cas, notamment dans mon département. La présence d'un médecin de garde à certaines heures au sein des CPTS pourrait éviter certains recours aux urgences.
Mme Brigitte Bourguignon. - Je veux à mon tour remercier les rapporteurs pour ce travail très utile sur les CPTS. Élue d'un territoire rural, j'en ai vu se constituer un peu partout.
Je note néanmoins qu'elles sont souvent méconnues, et que leur contrôle et leur encadrement posent problème. Il s'agit en effet d'associations de professionnels libéraux à qui il peut être difficile de demander des données.
Par ailleurs, je ne comprends pas comment vous pouvez affirmer que leurs moyens sont insuffisants alors que nous ne sommes pas capables de connaître précisément leurs différentes sources de financement ni de mesurer l'efficacité de leur action.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous avions incontestablement besoin d'une évaluation. Nous avons vu naître les CPTS sur nos territoires, mais nous constatons que la qualité n'est pas toujours au rendez-vous.
Je souscris à la conclusion du rapport : il faut développer des indicateurs, évaluer, mettre en lumière les problèmes et les corriger. Il n'est pas acceptable que l'on mène au sein des CPTS des activités qui n'ont rien à voir avec leur objet.
Pourquoi l'ARS ne demande-t-elle pas plus de comptes aux CPTS, alors qu'elle leur alloue une grande partie de leurs fonds, aux côtés des CPAM ? Pourquoi n'y a-t-il pas une obligation de vérifier que chaque euro dépensé est un euro utile pour la population, au regard des objectifs fixés ?
Enfin, existe-t-il aujourd'hui une animation par territoire, par exemple au niveau de la région, pour mettre en valeur les bonnes pratiques au sein des CPTS ?
M. Martin Lévrier. - Les rapporteurs évoquent « une faible connaissance des financements attribués aux CPTS ». Ne serait-il pas temps et opportun d'imaginer un guichet unique qui piloterait l'ensemble des aides publiques et des subventions ? Il pourrait, selon moi, relever des ARS, mais encore faudrait-il que ces aides soient interopérables, afin que nous puissions avoir une vision nationale de ce qui se passe au niveau des CPTS.
Ne devrions-nous pas pousser le raisonnement jusqu'à imposer des logiciels comptables également interopérables, qui permettraient des remontées de gestion ? Je pense au bilan et au compte d'exploitation, qui devraient être soumis au contrôle de commissaires aux comptes, au même titre que les associations qui reçoivent des subventions publiques. Ce serait une solution assez simple et totalement cohérente. À partir du moment où l'on reçoit des subventions publiques, ne doit-on pas rendre des comptes ?
Enfin, je n'ai rien vu dans votre rapport sur l'idée d'une subvention d'investissement versée par les collectivités, qui permettrait d'éviter une forme de concurrence entre des territoires proches.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Je veux saluer le travail efficace réalisé par nos rapporteurs et partager trois observations.
La première concerne mon département des Hauts-de-Seine. Le mouvement de création des CPTS s'y fait de façon dynamique, mais avec certaines difficultés. Il faut certes ménager l'autonomie des professionnels de santé - en 2023, nous avions insisté sur le caractère non obligatoire de l'adhésion aux CPTS -, mais il faut aussi soutenir les acteurs qui prennent la responsabilité de piloter et d'animer ces structures. À ce titre, les collectivités locales peuvent apporter un appui précieux, notamment à travers des moyens d'information ou matériels.
Ma deuxième observation concerne la Corse, un territoire relativement sous-doté, ce qui peut être lié à des éléments géographiques ou à une moindre culture de l'exercice coordonné. Dans quelle mesure les collectivités locales peuvent-elles alors appuyer la création des CPTS, en particulier en zone rurale ou montagneuse ? Des moyens d'animation, notamment numériques, peuvent-ils être proposés à ces professionnels pour qu'ils travaillent ensemble et se coordonnent ?
Ma dernière observation vise les territoires ultramarins, qui cumulent les handicaps. Avec une faible densité de professionnels de santé, la difficulté de s'organiser en CPTS est renforcée. Avez-vous identifié des leviers ou des solutions pour leur permettre d'accéder aussi à cette modalité d'organisation, utile pour les patients comme pour les professionnels de santé ?
M. Khalifé Khalifé. - Je remercie nos deux collègues pour ce rapport très attendu.
Permettez-moi d'exprimer un certain mécontentement. Il y a certes un réel engouement pour la création de CPTS, mais les résultats ne me semblent pas au rendez-vous. Dans mon département, aucune ne fonctionne correctement. Je regrette que l'on ne parle que de finances, et non d'activité réelle. Avez-vous des informations plus précises sur les actions concrètes menées par les CPTS ?
Je ne sais pas si les professionnels de santé travaillent en silo, mais les CPTS sont devenues, me semble-t-il, un silo à part entière, alors même que leur activité est discutable. Elles se battent pour faire partie de toutes les instances - contrats locaux de santé (CLS), conseils territoriaux de santé (CTS), etc. -, mais ensuite elles n'y sont plus.
S'agissant du financement, si j'ai bien compris, les CPTS disposent de réserves financières importantes. Pourquoi ne pas imaginer une année blanche, le temps de tout remettre à plat ?
Enfin, je serais heureux que ce rapport soit également adressé aux collectivités locales, afin que les conseils régionaux et départementaux, ainsi que les communes, sachent où va leur argent.
Mme Anne Souyris. - Je vous remercie pour ce rapport important. Lorsque j'étais maire adjointe à la santé de la ville de Paris, l'arrivée des CPTS a permis d'étendre les réseaux de coordination de soins au-delà des organisations construites par des militants, notamment dans le domaine de la lutte contre le sida.
Les conclusions de votre rapport soulèvent la question de la financiarisation de la santé, mais aussi celle du pilotage. Y a-t-il un pilotage, au moins régional et local, des CPTS, qui, par essence, sont des acteurs privés ?
Si votre rapport confirme mes inquiétudes sur un début de financiarisation des CPTS, ses recommandations me déçoivent quelque peu. Ne faudrait-il pas complètement interdire les financements privés lucratifs ? Partout, nous sommes gangrenés par une financiarisation de la santé que nous ne parvenons pas à maîtriser. Les CPTS ne devraient pas être financées par les laboratoires pharmaceutiques.
Mme Émilienne Poumirol. - Le succès des CPTS dépend beaucoup des personnes qui conduisent le projet. Lorsqu'un médecin très motivé s'implique, cela fonctionne mieux que si le projet est imposé par les ARS. C'est d'ailleurs l'idée qui avait présidé à la loi de 2016.
Je rejoins également Anne Souyris concernant les fonds privés, en particulier ceux des laboratoires pharmaceutiques. En tant que médecin, j'ai connu la formation continue financée par les laboratoires, qui se résumait à un bref exposé présenté au cours d'un bon repas... Ces pratiques sont désormais interdites. Pourquoi ne pas interdire non plus aux laboratoires de financer les CPTS ?
Vous indiquez que les CPTS bénéficient aussi de financement émanant des collectivités locales, ce que je comprends. Face aux déserts médicaux, les élus essaient de lutter comme ils le peuvent. Mais comment préciser le rôle des collectivités ? Quels sont les liens entre les CPTS et les élus locaux, et entre les CPTS et le contrat local de santé ? On a parfois l'impression que les dispositifs se chevauchent. Il serait important que nous puissions clarifier le rôle de chaque instance.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous dites que les CPAM, et même parfois les ARS, ne se sentent pas légitimes pour contrôler et évaluer les CPTS. Que recommandez-vous pour y remédier ?
Il me semble inadmissible que les CPTS ne produisent pas, a minima, leur bilan et leur compte de résultat. J'entends la crainte d'une suradministration, mais, en l'occurrence, nous sommes plutôt dans une sous-administration. Par conséquent, malgré la qualité du rapport, je trouve les recommandations un peu légères.
J'en reviens aux financements complémentaires privés. Ils surviennent souvent lorsqu'un manque de financement est constaté. C'est ce que l'on appelle la politique des caisses vides : on commence par asphyxier le système avant d'appeler le privé en sauveur. Or vous avez souligné qu'il n'y avait pas de problème financier global dans les CPTS. Les budgets vous semblent suffisants, à tel point que certaines communautés réalisent même des excédents. Il n'y a donc aucune raison pour ne pas les faire rentrer dans le rang.
Mme Frédérique Puissat. - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail éclairant, même si nos expériences de terrain peuvent être quelque peu différentes.
Nous avons voulu que les CPTS soient des outils souples et indépendants. À plusieurs reprises, nous nous sommes battus pour que les élus n'en fassent pas partie, considérant que ce sont les professionnels qui doivent être les acteurs de terrain.
Très honnêtement, dans mon territoire isérois, nous trouvons des solutions grâce aux CPTS. Elles sont génératrices d'idées pour atteindre une couverture médicale satisfaisante, ce qui est l'objectif attendu de ces communautés.
Cela étant, la souplesse et l'indépendance ne peuvent se concevoir sans confiance, et la confiance n'exclut pas le contrôle. La véritable difficulté est de savoir comment nous pouvons contrôler sans suradministrer. Avez-vous réfléchi à cet aspect dans le cadre de votre mission ?
M. Alain Milon. - Dans l'idée initiale du législateur, les CPTS consistaient en une coordination de professionnels de santé libéraux volontaires, sur un territoire donné. Aucun financement n'a jamais été prévu par le Parlement, ni dans la loi initiale ni dans les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) depuis 2016. C'est seulement en 2021 qu'une ordonnance prise dans le cadre de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a prévu que les CPTS puissent, une fois une convention conclue avec l'assurance maladie, bénéficier d'aides publiques.
Ce sont les ARS qui, à partir des fonds d'intervention régionaux, ont décidé de faciliter la mise en place de ces CPTS. Dès lors, des organismes ont été créés, avec des locaux, des secrétariats, des directeurs... Tout cela s'est déroulé sous nos yeux, sans qu'à aucun moment, depuis 2016, nous n'intervenions sur le sujet.
Si nous avons décidé de nous pencher sur le sujet, c'est parce que les ARS elles-mêmes et certaines CPAM nous ont alertés sur les dérapages financiers. On ne peut accuser personne dans cette affaire, sauf nous-mêmes, car nous n'avons prévu ni les financements ni les contrôles.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. - Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais formuler une remarque liminaire. Nous constatons une grande disparité entre les CPTS, tant en termes de périmètre que d'actions.
Je l'ai déjà dit, je faisais partie des « CPTS-sceptiques », mais je savais aussi qu'il ne fallait pas jeter le bébé avec l'eau du bain, car je connaissais des territoires où ces communautés fonctionnaient très bien. C'est dans cet esprit que j'ai abordé la mission aux côtés de Bernard Jomier.
Si les CPTS se sont parfois développées là où l'on manquait de médecins et où il y avait une difficulté d'accès aux soins, ce n'est pas partout le cas. Dans mon département, par exemple, le dernier territoire sans CPTS est un territoire rural qui souffre d'une difficulté d'accès aux soins. À l'inverse, il existe des territoires dépourvus de CPTS où les patients n'ont pas de problème d'accès aux soins, car il peut encore y avoir des professionnels de santé qui travaillent et prennent en charge les patients, même s'ils ne coopèrent pas au sein d'une CPTS.
La question du périmètre est donc importante. Au tout début, l'administration imaginait que chaque CPTS couvrirait en moyenne 100 000 habitants. Cela n'avait pas de sens. Il faut davantage de proximité. Le bassin de vie évoqué par Daniel Chasseing est sans doute parfois trop petit, mais il aurait plus de sens, car les professionnels se connaissent bien et pourraient être plus efficaces.
En ce qui concerne les financements, en effet, ils n'ont pas été prévus au départ. Or, dans ce cas, logiquement, lorsque des professionnels prennent des initiatives, ils vont frapper à la porte des collectivités territoriales, mais aussi à celle des laboratoires.
La fongibilité des enveloppes pourrait être un moyen de répondre non pas tant à l'insuffisance des moyens par endroits qu'au mauvais fléchage évoqué par notre collègue Brigitte Bourguignon.
Quant au contrôle des moyens alloués, je rappelle que notre proposition n° 9 vise à imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables. Il s'agit bien d'imposer, et non de favoriser.
D'une manière générale, la participation des collectivités territoriales est libre. Elle dépend aussi de chaque CPTS et de chaque collectivité, et nous ne connaissons pas les montants de ces participations.
Notre rapport s'inscrivant dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, il se concentre sur l'aspect financier. Nous ne sommes pas entrés dans le détail de toutes les actions de prévention qui peuvent être portées par les CPTS, mais nous en avons évidemment perçu la teneur par nos auditions, les retours qui nous ont été faits et notre déplacement dans l'Allier, qui nous a permis de voir toutes les actions pertinentes qui pouvaient être menées.
Lorsque nous avons constaté des difficultés au niveau du contrôle, nous avons également interrogé dix-sept CPAM, ce qui n'était pas prévu initialement. Elles nous ont largement répondu et étaient très contentes d'être sollicitées. Nous avons notamment interrogé la CPAM de Guadeloupe, qui souhaite une meilleure prise en compte des spécificités territoriales. En l'occurrence, elle souhaite que l'accent soit mis sur les missions de prévention.
Le rapport mentionne de nombreuses actions utiles des CPTS, notamment en matière d'accès aux soins, de coordination ou de prévention. À cet égard, la CPTS de l'Allier que j'évoquais précédemment est une pépite.
Les CPTS définissent elles-mêmes leur territoire de rattachement. Je reste convaincue que dans les zones rurales, où ce dernier peut être très vaste, leur réussite dépend très fortement des professionnels qui les composent. Je fais partie de ceux qui pensent que les médecins devraient s'impliquer davantage, mais je peux aussi entendre, au regard du temps médical qui leur est précieux, qu'ils puissent manquer de motivation à l'idée de faire une heure de trajet aller-retour simplement pour assister à une réunion.
Enfin, nous déplorons que les agences régionales de santé et les CPAM ne soient toujours pas en mesure, six ans après la montée en puissance, de nous communiquer des données consolidées sur le financement des CPTS par les collectivités. Nous espérons que la transmission des documents comptables nous permettra d'y voir plus clair. Peut-être les acteurs des CPTS prendront-ils conscience de la nécessité de se recentrer sur l'essentiel et sur leur mission originelle ? Éviter la dispersion est la clé de la réussite de dispositifs financés et pertinents dans les territoires.
M. Bernard Jomier. - Je remercie Alain Milon d'avoir permis ce travail, ainsi que Corinne Imbert, avec qui il est toujours très agréable de travailler.
Les CPTS ont cela de passionnant qu'elles combinent trois grandes questions relatives à notre système de santé : l'articulation entre le local et le national, la liberté de l'encadrement et l'utilisation de l'argent public.
L'esprit des CPTS peut se résumer ainsi : laisser aux acteurs locaux de santé le soin de définir les priorités en matière d'actions de santé dans les territoires et celui de les mettre en oeuvre. C'est tout de même un changement radical par rapport à la pratique antérieure et à ce que prévoyait initialement la loi de 2016. Les propos d'une directrice adjointe d'ARS que nous avons auditionnée dans le cadre de nos travaux, m'ont fait sortir de mes gonds. Elle avait expliqué, en synthèse, que les professionnels de santé étaient incapables de choisir les bonnes actions et qu'on ne pouvait pas leur faire confiance. Cela trahit une mentalité : les ARS savent et doivent dicter leur conduite aux acteurs locaux. Or la CPTS est le fruit d'une conception inverse. Il ne faut donc pas s'étonner que les régulateurs réclament de reprendre les rênes. Véronique Guillotin évoquait les actions de prévention. Si certaines d'entre elles - la fiscalité comportementale par exemple - relèvent du national, d'autres sont très localisées : on ne met pas en place les mêmes actions de prévention en fonction de la population des territoires. Les tâtonnements s'expliquent aisément. Avant la liberté, disait Kant, il y a l'apprentissage de la liberté !
La deuxième grande question est celle de l'encadrement. Doit-on tout réglementer ? Frédérique Puissat a très bien résumé la problématique. Je suis convaincu que les acteurs locaux de santé doivent disposer de davantage d'outils de maîtrise, mais aussi des financements qui leur sont associés, afin de construire les politiques publiques de santé. Les décisions prises à l'échelle nationale sont importantes, mais la mobilisation des acteurs locaux est essentielle. Elle se greffe sur un profond changement culturel, qui prend du temps. On demande aux soignants de soigner des patients, mais aussi, de plus en plus, de se préoccuper des enjeux de santé de leur territoire. Dans un contexte de pénurie, il n'est pas étonnant qu'ils peinent à s'impliquer dans les CPTS. Si certains soignants le refusent par principe, beaucoup n'en ont pas le temps. Dans certains territoires, on ne trouve aucun médecin dans les bureaux des CPTS. Nous devons donc résoudre la question de la liberté de l'encadrement en ayant à l'esprit que le contrôle total par l'ARS ne peut pas être une solution.
J'en viens enfin à la question très sensible et centrale de l'utilisation de l'argent public. Pour ma part, je n'ai aucun problème à dire que les dérives doivent être sanctionnées. J'ai d'ailleurs proposé que l'on récupère l'argent « mal utilisé », non pas sur le budget des missions, mais sur les rémunérations des membres du bureau de la CPTS. Les dépenses de convivialité, par exemple, ne sont pas scandaleuses en elles-mêmes, ce sont les dérives qui sont inacceptables.
La question des financements privés a également été soulevée. Pourquoi donc les discuter dans l'ACI ? Ne devrait-on pas poser simplement un principe d'interdiction ? Je n'y suis pas favorable et j'assume cette position. En effet, notre système de santé n'est pas seulement financé par l'argent public. Certains acteurs privés doivent certes être écartés a priori, mais cela n'a pas de sens d'empêcher par exemple une mutuelle de participer à des actions locales de prévention du cancer du sein. J'irai encore plus loin. Lorsque j'étais adjoint à la mairie de Paris, chargé de la santé, nous avons mis en place le programme « Vers Paris sans sida ». Parmi ses principaux financeurs figuraient des acteurs de l'industrie pharmaceutique. Nous avions alors fixé des règles simples : ces derniers pourraient contribuer au programme et le citer dans leurs documents de communication ; en revanche, ils seraient absents des organes de décision et de suivi. Sans cet argent, nous n'aurions pas pu monter cette campagne de communication, la première dans laquelle sont apparus des personnes transgenres ou des migrants, des populations clés concernées par le VIH à Paris. Le risque de financiarisation des CPTS a certes été clairement identifié. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'ouvrir toutes les portes. Toutefois, notre position est de ne pas exclure d'emblée l'ensemble des acteurs privés.
En conclusion, en recentrant les CPTS sur leur mission et en contrôlant mieux leurs sources de financement, nous disposerons de beaux outils de santé publique. Le développement des CPTS servira l'intérêt commun.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
· Union nationale des professionnels de santé (UNPS)
Sébastien Guérard, président
John Pinte, vice-président
Sarah Degiovani, secrétaire générale
Mathilde Guest, directrice générale
· Auteurs du rapport « Tour de France des CPTS »
Dr Marie-Hélène Certain, médecin généraliste
Albert Lautman, directeur général de la CPAM de l'Essonne
Hugo Gilardi, directeur général de l'ARS Hauts-de-France
Sophie Augros, sous-directrice démographie, formation et gestion des ressources humaines du système de santé, ARS Hauts-de-France
· Fédération nationale des CPTS
Dr Jean-François Moreul, médecin généraliste, président
Mylène Rouzaud-Cornabas, directrice
Jean-Philippe Brégère, pharmacien, trésorier
Sophie Pierrard, masseur-kinésithérapeute, trésorière adjointe
· Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam)
Emmanuel Frère-Lecoutre, directeur de l'offre de soins
Sandra Bidegaray, directrice de mission au sein de la direction de l'accompagnement des offreurs de soins
Veronika Levendof, en charge des relations avec le Parlement
· Fédération des pharmaciens de France (FSPF)
Christophe Wilcke, président de la commission pharmacie clinique et exercice coordonné
Kangué Koita, juriste
· Fédération nationale des infirmiers (FNI)
Daniel Guillerm, président
· Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil)
John Pinte, président national
· MG France
Agnès Giannotti, présidente
· Syndicat des médecins libéraux (SML)
Dr Latifa Miqyass, secrétaire générale
Dr Mardoché Sebbag, vice-président
· Union française pour une médecine libre (UFML)
Dr Thierry Vermeersch, vice-président
· Confédération des syndicats médicaux français (CSMF)
Dr Mickael Riahi, médecin généraliste, membre du bureau national
· Fédération des médecins de France (FMF)
Dr Claude Bronner, vice-présidente
· Avenir Spé-Le Bloc
Dr Patrick Gasser, gastroentérologue, président
Philippe Cuq, président de l'UCDF, co-président des syndicats Le Bloc et Avenir Spé-Le Bloc
· Agence régionale de santé (ARS) Centre-Val de Loire
Clara de Bort, directrice générale
Catherine Fayet, directrice de la délégation départementale du Loiret
Sabine Dupont, directrice de la direction de l'offre sanitaire
· Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine
Benoît Elleboode, directeur général
· Agence régionale de santé (ARS) Grand Est
Dr Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale
· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)
Samuel Delafuys, adjoint au sous-directeur de l'accès aux soins et du premier recours
Elizabeth Bouttier, cheffe du bureau de la coordination des professionnels de santé
· Direction générale de la sécurité sociale (DSS)
Clélia Delpech, sous-directrice au financement du système de soins
Annabelle Arcadis, cheffe du bureau des relations avec les professions de santé
· Association des maires de France (AMF)
Frédéric Chéreau, maire de Douai, vice-président de l'agglomération du Douaisis, vice-président et co-président de sa commission santé
Nelly Jacquemot, responsable du département action sociale, éducation, culture et santé
Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement
· Départements de France
Philippe Gouet, président du département du Loir-et-Cher
· Association des maires ruraux de France (AMRF)
Gilles Noël, vice-président
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
· CPAM de l'Allier
· CPAM du Calvados
· CPAM des Deux-Sèvres
· CPAM de Gironde
· CPAM du Jura
· CPAM du Loiret
· CPAM de la Moselle
· CPAM du Nord
· CPAM des Pyrénées-Orientales
· CPAM du Val-de-Marne
· CPAM de Vendée
· CPAM des Yvelines
· Caisse générale de sécurité sociale de Guadeloupe
DÉPLACEMENT
Déplacement dans l'Allier
(jeudi 3 juillet 2025)
· Visite de la Maison de santé de Varennes-sur-Allier
- Présentation des projets de la CPTS et de la MSP dans un territoire fortement dépourvu en médecins
· Déjeuner avec les membres de la CPTS
· Visite de la Maison de santé de Saint-Pourçain-sur-Sioule et entretiens avec les professionnels et les régulateurs (ARS et CPAM)
- Présentation des réalisations de la CPTS (prévention, maison sport santé...) et coopération avec l'hôpital Coeur du Bourbonnais
- Échanges avec les financeurs sur les modalités du contrôle de gestion (délégation départementale de l'ARS et CPAM)
TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI
DES
PROPOSITIONS
|
N° |
Propositions |
Acteurs concernés |
Support |
|
1 |
Dans la perspective de la négociation d'un nouvel ACI, engager une réflexion visant à découpler les financements ARS et assurance maladie en réservant les seconds aux CPTS ayant signé l'ACI. |
Cnam / syndicats de professionnels de santé |
Accord conventionnel |
|
2 |
Mettre en place un outil de pilotage de la dépense et d'analyse des financements alloués aux CPTS sur l'ensemble du territoire national. |
DGOS / DSS / ARS / Cnam |
Mesures administratives |
|
3 |
Autoriser et encadrer la fongibilité des enveloppes entre missions. |
Cnam / syndicats de professionnels de santé |
Accord conventionnel |
|
4 |
Prévoir, en fonction de la maturité des CPTS, une réduction progressive des crédits de fonctionnement afin de privilégier le financement par missions. |
Cnam / syndicats de professionnels de santé |
Accord conventionnel |
|
5 |
Conduire une étude nationale sur le montant des dépenses effectives des CPTS sur chacune des six missions conventionnelles pour pouvoir réviser, dans le cadre de la négociation de l'ACI, le périmètre et la répartition des crédits entre ces missions. |
DGOS / DSS /Cnam / ARS |
Mesures administratives |
|
6 |
Prévoir, dans le cadre du prochain ACI, d'augmenter progressivement la part variable dans le financement par mission des CPTS. |
Cnam / syndicats de professionnels de santé |
Accord conventionnel |
|
7 |
Fixer au niveau national les modalités de récupération des pièces justificatives et un cadre commun d'analyse de l'action des CPTS lors du dialogue de gestion. |
DGOS / Cnam |
Mesures administratives |
|
8 |
Privilégier la définition d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs de résultats adaptés aux spécificités du territoire et à la maturité des CPTS, permettant de mesurer réellement l'impact de leur action. |
Cnam / syndicats de professionnels de santé |
Accord conventionnel |
|
9 |
Imposer la transmission à l'ARS et à la CPAM des documents budgétaires et comptables nécessaires au contrôle de l'utilisation des fonds publics accordés aux CPTS. |
Parlement / Gouvernement |
Texte législatif/ Actes réglementaires |
|
10 |
Renforcer le cadrage national des dépenses effectuées et des rémunérations versées par les CPTS, afin d'assurer la prévisibilité des contrôles et sanctions. |
Parlement/ Gouvernement |
Texte législatif /Actes règlementaires |
|
11 |
Mettre en place, dans le cadre du nouvel ACI, un contrôle systématique des sources de financement des CPTS à l'aide des documents budgétaires et comptables transmis. |
Cnam / syndicats de professionnels de santé |
Accord conventionnel |
|
12 |
Engager une réflexion sur l'opportunité d'encadrer le financement des CPTS par des entreprises et, singulièrement, par des laboratoires pharmaceutiques. |
DGOS / DSS /Cnam |
Mesures administratives |
* 1 L'amélioration de l'accès aux soins, l'organisation des parcours de soins, le développement d'actions territoriales de prévention, la participation à la réponse aux crises sanitaires graves, le développement de la qualité et de la pertinence des soins et l'accompagnement des professionnels de santé sur le territoire. Les quatre premières sont obligatoires.
* 2 Le présent Essentiel ne reproduit que les principales propositions.
* 3 UFML-S, CPTS : des investissements en milliards pour qui, pourquoi, pour quels résultats, novembre 2024, pp. 15 et suivantes.
* 4 Les pouvoirs de contrôle de la commission sont définis par l'article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale, qui prévoit notamment que « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils [le président, le rapporteur général, le président de la Mecss, les rapporteurs, les membres désignés à cet effet] demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'État et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis ».
* 5 Article L.O. 111-9-1 du code de la sécurité sociale.
* 6 Article L.O. 111-9-3 du code de la sécurité sociale.
* 7 Article 65 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 8 Article L. 1434-12 du code de la santé publique.
* 9 Article 12 du projet de loi de modernisation de notre système de santé, déposé à l'Assemblée nationale le 15 octobre 2014.
* 10 Rapport 653 (2014-2015) de M. Alain Milon, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé, 22 juillet 2015, n° pp. 181, 183 et 188.
* 11 Article 3 de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, adoptée par l'Assemblée nationale le 15 juin 2023 et transmise au Sénat.
* 12 Rapport n° 48 (2023-2024) de Mme Corinne Imbert, fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, 18 octobre 2023, p. 72.
* 13 Article L. 1434-12 du code de la santé publique.
* 14 Article 22 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.
* 15 Ordonnance n° 2021-584 du 12 mai 2021 relative aux communautés professionnelles territoriales de santé et aux maisons de santé.
* 16 Article 5 de l'ACI en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019.
* 17 Article L. 1434-12-2 du code de la santé publique.
* 18 Article L. 1434-12-1 du code de la santé publique.
* 19 Article 4 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
* 20 Voir, par exemple, le « Plan 100 % CPTS » publié en 2023 par le ministère chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé.
* 21 Igas, Déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé. Appui à la DGOS, août 2018, p. 26.
* 22 Y compris par une CPTS en cours de constitution n'ayant pas encore signé l'ACI.
* 23 Instruction n° DGOS/R5/2016/392 du 2 décembre 2016 relative aux équipes de soins primaires (ESP) et aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
* 24 Dr Marie-Hélène Certain, Albert Laurtman, Hugo Gilardi, Rapport Tour de France des CPTS. Bilan et propositions pour le déploiement et le développement des CPTS, 28 juin 2023.
* 25 Instruction n° DGOS/R5/2016/392 du 2 décembre 2016 relative aux équipes de soins primaires (ESP) et aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
* 26 Réponses écrites de la DGOS et de la direction de la sécurité sociale (DSS) au questionnaire transmis par les rapporteurs.
* 27 FCPTS, Résultats de la Grande Enquête des CPTS, mars 2025.
* 28 En français : Soins intégrés pour les personnes âgées.
* 29 Cahier des charges « Icope » publié par le ministère des Solidarités et de la Santé.
* 30 Rapport « Tour de France des CPTS ». Bilan et propositions pour le déploiement et le développement des CPTS, 28 juin 2023, p. 21.
* 31 Rapport « Tour de France des CPTS ». Bilan et propositions pour le déploiement et ledéveloppement des CPTS, 28 juin 2023, p. 5.
* 32 UFML-S, « CPTS : des investissements en milliards pour qui, pourquoi, pour quels résultats », novembre 2024, p. 6.
* 33 Article 7.3.2.2 de l'accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019.
* 34 Article 7.1 de l'accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019.
* 35 Dr Marie-Hélène Certain, Albert Laurtman, Hugo Gilardi, Rapport Tour de France des CPTS. Bilan et propositions pour le déploiement et le développement des CPTS, 28 juin 2023, p. 18.
* 36 Par exemple, en Indre-et-Loire, dès 2019, les six CPTS ont sollicité une aide du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) pour financer un projet de coordination entre médecins généralistes et psychiatrie.
* 37 Cour des comptes, L'organisation des soins de premiers recours, mai 2024.
* 38 Réponse de l'Agence régionale du Grand Est au questionnaire transmis par les rapporteurs.
* 39 FCPTS, Résultats de la Grande Enquête des CPTS, mars 2025.
* 40 FCPTS, Résultats de la Grande Enquête des CPTS, mars 2025
* 41 Réponse de l'ARS Grand Est au questionnaire transmis par les rapporteurs.
* 42 Article 7.1 de l'ACI en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019 modifié.
* 43 Article 7.2 de l'ACI en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019 modifié.
* 44 Article 7.3 de l'ACI en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019 modifié.
* 45 Articles 9.1 et 9.2 de l'ACI en faveur du développement de l'exercice coordonné et du déploiement des CPTS de 2019 modifié.
* 46 UFML-S, CPTS : des investissements en milliards pour qui, pourquoi, pour quels résultats, novembre 2024, pp. 15 et suivantes.
* 47 Article D. 1434-44 du code de la santé publique.












