Section II - Réunions groupées de commissions LONDRES, 14 et 15 mars 1995

Les 14 et 15 mars se sont réunis à Londres :

- la commission des Affaires politiques. MM. Jacques BAUMEL (RPR) et Gabriel KASPEREIT (RPR), députés, et Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), assistaient à cette réunion ;

- la commission des migrations, des réfugiés et de la démographie, qui a tenu une audition sur le thème « migrants, minorités ethniques et médias », au cours de laquelle M. Salman RUSHDIE a pris la parole pour exhorter les gouvernements à lutter contre le terrorisme d'État et défendre la valeur universelle qu'est la liberté d'expression ;

- le Bureau de l'Assemblée, auquel a participé M. Jacques BAUMEL, Vice-Président ;

- la commission permanente de l'Assemblée parlementaire dont les travaux se sont ouverts par une allocution de Lord MACKAY of CLASHFERN, Lord CHANCELLOR. Trois députés ont participé à cette réunion : MM. Jean VALLEIX (RPR), président de la délégation, Jacques BAUMEL et Jean SEITLINGER (UDF).

Outre la fixation de l'ordre du jour de la deuxième partie de la session de 1995 de l'Assemblée et diverses mesures d'organisation, la commission a adopté les textes suivants :

- Avis n° 185 (1995) portant avis sur le projet de Charte sociale européenne révisée ;

- Recommandation 1261 (1995) sur la situation des femmes immigrées en Europe, M. Jean SEITLINGER, député (UDF), prenant la parole dans le débat pour préciser certains éléments de la politique française d'intégration ;

Section III - Séminaire sur la « Démocratie électronique » (PARIS, Palais du Luxembourg - 23 et 24 mars 1995)

À l'initiative de M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.), président de la sous-commission de la démocratie participative de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, un séminaire consacré aux avantages et inconvénients, pour le fonctionnement de la démocratie, des nouvelles technologies de communication s'est tenu au Palais du Luxembourg les 23 et 24 mars.

Se proposant d'approfondir certains éléments de modernisation éventuelle des procédures de la participation et de la représentation démocratique, à la suite des deux conférences interparlementaires organisées, respectivement, en mai 1992 au Parlement belge et en septembre 1993 à Paris, dans l'hémicycle du Sénat, ce séminaire a permis d'entendre des exposés de MM. Stéfano Rodotà, professeur à l'université de Rome, ancien membre de l'Assemblée du Conseil de l'Europe, Gérard Théry, président de la mission « Autoroutes de l'information » au ministère de l'Industrie, G. Papavlou, fonctionnaire à la Commission des Communautés européennes (Direction générale des télécommunications), Jeffrey B. Abramson, professeur à l'université Brandeis-Waltham-Massachusetts (USA), Kazimierz Krzyszofek, professeur à l'Institut culturel de Varsovie (Pologne), André Vitalis, professeur à l'université Michel de Montaigne de Bordeaux-Talence, Vittorio Sgarbi, président de la commission de la culture de la Chambre des députés italienne, Bernd Neumann, secrétaire d'État au ministère de l'éducation, des sciences et de la technologie de la République fédérale d'Allemagne et Gary Waller, président de la commission de l'information de la Chambre des Communes (Grande-Bretagne).

À l'ouverture du colloque, M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.) a salué les participants en ces termes :

« Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir répondu à l'invitation de la sous-commission des relations parlementaires et publiques de l'Assemblée du Conseil de l'Europe.

« Ces remerciements ne sont pas seulement une formule convenue car nous attendons, des échanges qui vont se produire cet après-midi et demain matin, un enrichissement de notre réflexion sur la démocratie représentative.

« Je voudrais retracer devant vous les étapes de cette réflexion ; je partage avec nombre de mes collègues de tous les Parlements nationaux représentés à l'Assemblée du Conseil de l'Europe une grande préoccupation devant les diverses manifestations de la crise du parlementarisme traditionnel.

« Ces symptômes, je ne les énoncerai pas tous, vous les connaissez d'ailleurs aussi bien que moi. Je pointerai simplement le relatif désintérêt des citoyens pour les consultations électorales, non seulement dans les grandes démocraties occidentales mais désormais dans les États d'Europe centrale, où, pourtant, le droit de vote a pu représenter le symbole même de leur émancipation politique. De même, on observe la montée de votes protestataires : partis populistes en Europe occidentale et retour des anciennes forces politiques en Europe centrale.

« Ce constat a été au centre des deux conférences interparlementaires que la commission des relations parlementaires et publiques de l'Assemblée du Conseil de l'Europe a organisées, respectivement en mai 1992 au Parlement de Belgique et en septembre 1993 ici même, au Sénat français. Je vous invite d'ailleurs à vous reporter aux actes de ces conférences, si vous souhaitez prendre connaissance des travaux qui ont précédé notre séminaire d'aujourd'hui.

« À partir donc de ce constat à peu près général, la sous-commission a choisi de faire désormais porter ses travaux sur l'approfondissement des éléments particuliers de la crise constatée, afin de tenter de dégager des propositions concrètes de réformes.

« Bien entendu, je n'ignore pas que les causes de cette crise sont multiples : sans doute, nous-mêmes, responsables politiques, nous sommes appelés à un profond renouvellement de nos propositions qui doivent s'adapter à l'évolution même des problèmes que rencontrent nos concitoyens ; de même, la globalisation de l'économie ou le transfert d'une part croissante de pouvoir de décision à l'Union européenne, ces deux phénomènes accroissent le sentiment d'impuissance des citoyens comme de leur élus. Ces tendances appellent des réponses spécifiques qui ne sont pas à l'ordre du jour de nos débats.

« Si vous le voulez bien, je souhaiterais que nos débats portent plus particulièrement non pas sur le contenu des messages politiques mais sur les méthodes de prise en compte des attentes des citoyens et sur les procédures d'élaboration des décisions qui doivent répondre à ces attentes.

« Nous avons tous recours, aujourd'hui, à des services d'information de plus en plus sophistiqués. Ainsi, en France, s'est développé, par exemple, le Minitel, qui permet aux abonnés d'accéder à toutes sortes de services d'information et d'opérer des réservations ou des commandes de biens et de services.

« Tout naturellement, certains ont songé à utiliser ces progrès technologiques pour permettre aux citoyens d'exprimer leur opinion et de participer directement à la prise de décision.

« Certains vont même plus loin et proposent de remédier à la crise des formes traditionnelles de la démocratie participative en les remplaçant par ce qu'on appelle la "démocratie électronique"...

« Nous aurons l'occasion, au cours de notre séminaire, d'assister à la démonstration des avantages de procédés qui fonctionnent déjà dans plusieurs villes européennes, Bologne ou Amsterdam.

« Je voudrais cependant que notre réflexion ne s'abandonne pas à la fascination technologique mais analyse de façon serrée les conditions matérielles et juridiques pour que ces progrès techniques n'entraînent pas un recul insidieux de la démocratie.

« Vous savez que la base de la démocratie est le suffrage universel, qui n'existe que pour autant qu'il est gratuit, égal et secret. L'émission d'opinions individuelles enregistrées électroniquement pourra-t-elle respecter ces conditions fondamentales : universalité, gratuité, égalité, secret ?

« D'autre part, nos systèmes parlementaires reposent essentiellement sur le principe représentatif, même si nombre d'États européens connaissent des procédures de consultation relevant de la démocratie directe : initiatives populaires et referendum, en Suisse, en Italie ou en France par exemple.

« Ce principe représentatif serait-il rendu obsolète par la possibilité de computer, en "temps réel" des millions et des millions d'opinions individuelles ?

« Ne faut-il pas au contraire prendre garde à cette comptabilité réductrice qui se borne à faire la somme arithmétique des voix pour et des voix contre, sans dialogue, alors que le propre du débat parlementaire est de progresser à l'occasion de délibérations publiques qui permettent, le cas échéant, des concessions ou des enrichissements mutuels et débouchent de toute façon sur des votes, eux aussi, publics.

« Si les nouvelles technologies offrent d'évidentes commodités matérielles, ne comportent-elles pas un risque d'appauvrissement de la vie politique qui se résumerait en une comptabilité strictement binaire d'opinions confinées dans un individualisme total ?

« Le sentiment d'appartenance à la société se trouverait encore fragilisé alors même que nous voulons précisément le renforcer !

« Je n'ai pas, bien sûr, la prétention de répondre à toutes ces questions mais je compte bien sur vos contributions et sur nos échanges pour que nous puissions mieux évaluer les avantages et les inconvénients des nouvelles technologies de consultation des citoyens et de participation aux décisions.

« Je me ferai alors l'interprète de nos réflexions auprès de mes collègues de l'Assemblée du Conseil de l'Europe. »

Ouvert par cette allocution de M. Jean-Pierre MASSERET, le débat s'est engagé, avec, notamment, l'intervention de Mme Luciana Castellina, présidente de la commission de la culture, de la jeunesse, de l'éducation et des médias du Parlement européen, qui a exposé les difficultés de sa commission pour se saisir, au moins pour avis, des actes communautaires portant sur les nouvelles technologies de l'information envisagés tant à la commission des Communautés qu'à la commission des questions économiques, exclusivement sous l'angle de leur développement industriel, c'est-à-dire dont la perspective de la plus large dérégulation.

Le séminaire s'est attaché à dégager des impératifs d'ordre public et de protection des droits intellectuels qui, outre les exigences d'universalité, d'égalité d'accès et de secret, pourraient notamment justifier une certaine réglementation des nouvelles « autoroutes de l'information » dans les usages s'apparentant à des consultations politiques.

Dans le cadre des débats, ont été présentées deux expériences de réseaux urbains d'information-consultation des citoyens et d'accès à de nombreuses bases de données et services divers : le canal « City-card » en fonction à Bologne, présenté par M. Stefano Bonaga, conseiller municipal de cette ville, et le réseau « Amsterdam-ville digitale » présenté par Mme G.K.T. Van der Giessen.

L'ensemble du séminaire a fait l'objet d'un enregistrement par la chaîne de télévision Arte - dont le coordinateur des programmes, M. Peter Wien, a participé aux débats - enregistrement qui a constitué une partie d'un programme de cette chaîne consacré au thème de « la démocratie et les nouvelles technologies interactives d'information et de consultation ».

Les actes de ce colloque ont été publiés par les soins des services de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en annexe au Rapport n° 1995-7359 de M. Jean-Pierre MASSERET, sénateur (Soc.) , rapport qui doit déboucher sur un débat en séance plénière de l'Assemblée parlementaire sur les effets des nouveaux moyens de communication et d'information sur la démocratie.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page