CONCLUSION

Beaucoup a été fait pour la Nouvelle-Calédonie en très peu d'années et l'ensemble des acteurs du territoire ainsi que l'Etat français peuvent être fiers de l'oeuvre accomplie.

Au-delà du rééquilibrage institutionnel, le statut de 1988 a permis d'atténuer de façon significative les écarts de niveau d'équipement qui séparaient Nouméa du reste du territoire voici encore dix ans.

Cependant, l'effort considérable déjà consenti doit être poursuivi pour être mené à son terme. Surtout, les collectivités publiques, et au premier chef l'Etat français, doivent maintenant s'attacher à conférer à l'investissement privé les moyens de prendre le relais afin de garantir à la Nouvelle-Calédonie un développement pérenne.

Le rééquilibrage économique reste à faire.

Ce constat, central, en amène un autre : la période de paix ouverte voici près de dix ans ne doit pas être remise en cause.

Le temps n'a certes pas effacé la structuration de la vie politique calédonienne autour de la défense de l'option indépendantiste et de son refus.

Votre rapporteur a cependant relevé la profonde convergence qui unit aujourd'hui la plupart des habitants du territoire dans la recherche d'une alternative au référendum d'autodétermination prévu pour 1998 :

- Les enjeux du référendum d'autodétermination risqueraient d'être troublés par l'intervention, au même moment, des élections législatives.

- Ensuite, sa tenue entraînerait très vraisemblablement, dans un contexte de stabilité des rapports de force, une nouvelle victoire du camp de ceux qui prônent le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République française. Elle se conclurait ainsi par la réapparition d'une fracture communautaire et géographique dont le territoire pourrait cette fois ne pas se relever.

- Plus fondamentalement sans doute, la classe politique mélanésienne issue de la mouvance indépendantiste sait que l'option qu'elle défend ne peut être mise en place, dès 1998, sans phase transitoire. " Nous avons encore besoin d'une génération " est le leitmotiv que votre rapporteur a entendu dans la bouche de tous ses interlocuteurs, sans exception.

Cette conviction est sans doute renforcée par l'expérience neuve de la gestion des provinces et des communes, mais procède aussi de la comparaison avec les Etats de la zone Pacifique : partout, les indépendances se sont accompagnées d'un recul considérable du niveau de vie . Le produit intérieur brut de la Nouvelle-Calédonie rapporté au nombre de ses habitants, comme celui de la Polynésie française, reste celui d'un pays développé, ce qui n'est le cas d'aucune des micro-nations qui les entourent.

Après les élections pour le renouvellement des assemblées de province du 9 juillet 1995 et la mise en place des exécutifs des provinces et du bureau du nouveau Congrès, le Premier ministre, M. Alain Juppé, a ainsi pris l'initiative de réunir les partenaires des accords de Matignon le 16 octobre 1995 pour définir une méthode et réfléchir à un calendrier afin de rechercher une solution négociée qui pourrait être proposée aux calédoniens.

Il avait alors été décidé d'un commun accord de créer un comité de discussion préalable associant des délégations restreintes mandatées par les partenaires des accords, qui serait chargé d'explorer les voies du consensus et d'en examiner les dimensions économique, financière, technique et juridique. Ce dialogue avec les partenaires des accords de Matignon devait être élargi par la suite aux autres formations politiques du territoire et aux responsables sociaux professionnels.

Après des débuts prometteurs, le cadre multilatéral associant l'ensemble des partenaires des accords de Matignon a cependant été récusé au mois d'avril 1996 par le FLNKS.

Le ministre de l'Outre-mer s'est rendu en Nouvelle-Calédonie du 29 juin au 5 juillet 1996. Ce déplacement a été marqué par une volonté d'aller à la rencontre des habitants dans les trois provinces et d'avoir des contacts avec tous les responsables politiques, économiques, coutumiers, syndicaux et religieux et les deux associations de maires.

A l'issue de ce déplacement il a constaté que " les fils du dialogue étaient renoués " avec le FLNKS.

Le ministre a souligné que " personne ne peut comprendre les problèmes de la Nouvelle-Calédonie s'il ne les restitue pas dans une perspective historique ". Il a indiqué que " le rôle de l'Etat est d'être un arbitre et un garant de la démocratie acceptée par tous " , que " l'Etat a un rôle moteur à jouer pour élaborer un premier texte qui soit vu, au préalable, en rencontres bilatérales ou multilatérales ...".

C'est dans ce contexte d'attente et d'espoir que votre rapporteur a effectué son déplacement sur le territoire.

Depuis, la situation a évolué favorablement avec la réception à Paris, par le Premier ministre, à la fin du mois de janvier 1997, d'envoyés des mouvements les plus représentatifs de l'échiquier politique calédonien :


· La question de l'investissement métallurgique conduit en province nord par la SMSP et Falconbridge semble en passe d'être déconnectée du débat institutionnel. Toutefois, les modalités pratiques de mise en oeuvre de l'accord passé avec Eramet doivent encore être définies . Le Premier ministre a insisté pour que ces modalités soient maintenant adoptées dans les plus brefs délais, en demandant " aux deux sociétés de désigner et d'envoyer leurs mandataires à Nouméa pour engager sans délai la procédure d'échange " des titres miniers.


· La signature d'un communiqué de presse commun à l'ensemble des partenaires des accords de Matignon prouve l'intention des élus indépendantistes de réactiver les discussions multilatérales Etat-RPCR-FLNKS, alors que le lien était rompu depuis le mois d'avril.

Même si les instances dirigeantes de l'Union calédonienne, principale composante du FLNKS, ont plusieurs fois manifesté leur distance avec les élus, l'heure semble cependant revenue au dialogue entre les signataires des accords de Matignon.

M. de Peretti devait ainsi se rendre sur le territoire le jour de la parution du présent rapport pour en renouer définitivement les fils.

Cependant, le contenu de la "solution négociée" reste à définir. Trois points doivent encore être élucidés. Par ordre de difficulté :

Le " règlement du contentieux colonial ".

Demandé par la mouvance indépendantiste, il pourrait reposer sur un compromis, l'Etat reconnaissant ses torts mais faisant également valoir l'apport de la présence française au développement de la Nouvelle-Calédonie.

Il serait souhaitable que ce règlement passe par un "geste" fort de réconciliation entre toutes les communautés, à la faveur d'un déplacement du Premier ministre ou du Président de la République sur le territoire.

Un accroissement des responsabilités confiées aux calédoniens .

Cet approfondissement pourrait s'effectuer à deux niveaux :


· par la dévolution des fonctions de l'exécutif à une structure élue et la suppression du dédoublement institutionnel auquel est soumis aujourd'hui le Haut-commissaire ;


· par la reconnaissance de nouvelles compétences dans certains domaines sur lesquels règne une unanimité relative parmi les calédoniens tels les mines, l'emploi, l'immigration ou la maîtrise du foncier.

La définition d'une nouvelle période de stabilité pour la Nouvelle-Calédonie .

Si tous s'accordent pour reconnaître qu'une nouvelle période de stabilité doit s'ouvrir, pendant laquelle les calédoniens exerceront des responsabilités accrues, la portée qu'il convient de donner à ce délai cristallise l'essentiel des différends entre les parties en présence :


· pour le FLNKS, cette période, dont la durée est négociable, est le support d' un processus irréversible d'accession à l'indépendance ;


· s'il évoque " une solution irréversible d'émancipation du territoire ", le RPCR fixe à 24 ans la période incompressible avant un nouveau référendum d'autodétermination et estime que " la solution institutionnelle négociée entre les trois partenaires des accords de Matignon qui serait soumise à l'approbation des calédoniens par un référendum de ratification, devrait mettre en oeuvre [pendant cette période de 24 ans] une souveraineté partagée entre la République française et le Territoire, permettant à la Nouvelle-Calédonie d'affirmer son identité particulière dans le respect des compétences propres de l'Etat ".

L'Etat, pour sa part, a rappelé, par la voix de M. de Peretti, qu'il ne pourrait jamais transiger sur le principe selon lequel le suffrage universel doit être la base de toute décision . Le Parlement ne peut que soutenir cette démarche qui exclut absolument toute idée d'un processus irréversible conduisant à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie sans organisation d'un nouveau référendum d'autodétermination.

Une piste médiane, suggérée par M. de Peretti, pourrait consister à laisser aux calédoniens eux-mêmes la définition de la date à laquelle ils seront amenés à se prononcer une nouvelle fois sur leur maintien au sein de la République française. Aucune période incompressible ne serait alors fixée et le Congrès se déterminerait, à une majorité qualifiée qui reste à définir, en vue de convoquer le collège électoral.

Le temps presse.

La "solution négociée", si elle aboutit, aura très certainement des implications constitutionnelles. Or, la lourdeur des procédures de révision rend de plus en plus problématique le respect des délais permettant d'éviter d'aller au référendum d'autodétermination prévu par le statut de 1988.

Parallèlement, l'économie du territoire pâtit de cette situation d'attente qui retarde les investissements dont elle a tant besoin.

La commission des finances et son rapporteur spécial sont convaincus de la capacité des calédoniens à s'entendre . Grâce à l'action remarquable du gouvernement, et plus particulièrement de M. de Peretti, un accord semble à portée de main. Le sens des responsabilités manifesté depuis dix ans par tous les acteurs du territoire ne saurait leur faire défaut en ce moment crucial où se décide leur avenir.

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