b) Une réponse adéquate : la gestion de proximité

Le groupe de travail estime que les réponses, qui seront mises en oeuvre pour relever ces défis, devront promouvoir une gestion de proximité , qui est la mieux à même d'assurer la cohésion sociale et territoriale.

1.- Pour la cohésion sociale

Il en est ainsi en premier lieu du traitement des problèmes dont la conjonction a abouti au développement des phénomènes d'exclusion .

Au cours de son audition, M. Jean-Louis Sanchez a souligné la diversification du public concerné par l'aide sociale.

Sur un total de 2 201 milliards de francs de dépenses de protection sociale, environ 223 milliards de francs relèvent de l'action sociale. Mais, si celle-ci ne concerne directement qu'un nombre restreint de Français, ce nombre a néanmoins fortement augmenté ces dernières années et la nature des demandes d'intervention s'est elle-même profondément modifiée.

Ainsi, selon des études menées dans les départements dont rend compte le rapport établi par M. Jean-Louis Sanchez 8( * ) , un tiers des personnes s'adressant aux services d'action sociale appartiendraient à leur public " traditionnel " nécessitant un accompagnement social durable et deux tiers à un " nouveau public " hétérogène, dont une grande partie se trouve en risque d'exclusion.

Analysant devant le groupe de travail les facteurs qui ont un effet durable sur les dépenses départementales et qui se répercutent sur les villes, lesquelles assument 15 % des dépenses départementales , M. Jean-Louis Sanchez a relevé que le coût du soutien à la dépendance des personnes âgées et de l'hébergement des personnes handicapées a augmenté de 14 % par an au cours des cinq dernières années.

Il a par ailleurs souligné le poids croissant des dépenses d'insertion qui ont progressé de 205 % entre 1989 et 1995 pour s'établir à 10 milliards de francs en 1995. Il a noté la charge due au financement du revenu minimum d'insertion et de la protection sociale qui y est liée. En conséquence, il a fait observer que cette situation avait pour effet de réorienter l'action sociale des départements qui était jusque là affectée à des actions traditionnelles.

M. Jean-Louis Sanchez, faisant valoir que l'État avait pris en compte le principe de subsidiarité, a par ailleurs relevé qu'il intervenait davantage dans un but de régulation ou d'animation. Il a considéré que l'État reconnaissait ainsi la nécessité d'une territorialisation des réponses sociales.

Ce sont bien, en effet, des réponses territorialisées qui permettront de prendre en compte cette diversification des besoins d'aide sociale et en particulier la demande d'insertion.

Les maires sont d'ores et déjà en première ligne pour affronter les effets du contexte économique sur le tissu social et y apporter des réponses immédiates.

Ultime maillon de la cohésion sociale, ils jouent ainsi un rôle de médiateur social vers lequel les citoyens confrontés aux difficultés de logement, d'emploi, d'éducation ou d'intégration se tournent spontanément, comme l'ont mis en évidence les travaux du Congrès des maires de France organisé en 1994 sur le thème de " l'emploi et les collectivités locales ".

Ainsi, bien que la lutte contre le chômage ne fasse pas partie des compétences officiellement dévolues aux collectivités locales, un sondage réalisé à l'occasion de ce congrès a fait ressortir que 58 % des personnes interrogées considéraient que le maire pouvait avoir une influence sur la situation de l'emploi.

Les communes ont -il est vrai- consacré d'importants efforts afin d'atténuer les effets de la situation de l'emploi sur le tissu social.

Selon le sondage réalisé pour le congrès des maires de 1994, près des deux tiers des communes (65 %) employaient des personnes bénéficiaires des contrats emploi-solidarité (CES) institués par la loi du 19 décembre 1989, prolongés par la suite par les contrats d'emplois consolidés (CEC).

Les collectivités locales seront également au premier rang pour la mise en oeuvre des emplois de ville prévus par la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage et qui devraient -selon l'objectif retenu par le Gouvernement- être au nombre de 100 000 sur une période de quatre ans.

Destinés aux jeunes de 18 à moins de 26 ans qui résident dans les grands ensembles et les quartiers d'habitat dégradé, ces emplois durables -qui pourront également être créés dans les associations et les entreprises délégataires de services publics, et bénéficieront d'une aide de l'État- donneront aux jeunes la possibilité de bénéficier d'une formation et d'acquérir une qualification, grâce à la durée de cinq ans du contrat.

D'ores et déjà, plusieurs départements et régions ont apporté leur concours à la réussite de cette nouvelle formule, en s'engageant à prendre en charge 15 % du coût des emplois de ville, en sus de la part assumée par l'État.

Les départements jouent pour leur part un rôle essentiel dans la mise en oeuvre des solidarités sociales, comme en témoigne l' explosion de leurs dépenses d'aide sociale qui représentent désormais 60 % de leur budget de fonctionnement.

Selon les indications données par M. Jean-Louis Sanchez devant le groupe de travail, l'enveloppe des dépenses départementales d'action sociale -qui est passé d'environ 45 milliards de francs en 1989 à 73 milliards de francs en 1995- a subi non seulement les effets de l'évolution sociale et démographique mais également ceux de l'accroissement du coût des services. Ainsi, les dépenses de l'aide sociale à l'enfance ont progressé de 5 % par an au cours des dernières années alors même que les effectifs d'enfants placés ou suivis ont stagné. De même, la moitié de l'accroissement annuel de 15 % des dépenses d'hébergement des personnes handicapées s'expliquerait par l'augmentation du coût des services.

Confrontés à une offre déséquilibrée d'équipements et de services, les départements ont fait de l'adaptation de l'offre de service à la demande sociale une priorité.

Dans un rapport de 1995 consacré à l'action sociale décentralisée, la Cour des Comptes a ainsi relevé que " les départements ont consenti depuis la décentralisation un effort indéniable en vue d'améliorer le nombre de places en établissement, notamment pour les personnes âgées et les personnes handicapées ".

La loi du 24 janvier 1997 -issue d'une initiative sénatoriale- reconnaît ce rôle essentiel joué par les départements dans la prise en charge de la situation de dépendance des personnes âgées. Elle permet, en outre, de mettre fin opportunément aux dérives de l'allocation compensatrice pour tierce personne et prévoit simultanément le versement de la nouvelle prestation au domicile et en établissement. Elle préconise également la définition de solutions les plus adaptées à la situation du bénéficiaire de l'aide en prévoyant un suivi de celle-ci qui permettra de s'assurer de son adéquation aux besoins des personnes et de la qualité du service rendu.

Enfin, les villes sont elles-mêmes directement confrontées aux phénomènes d'exclusion.

M. Jean-Louis Sanchez a ainsi indiqué devant le groupe de travail qu'elles connaissaient une évolution comparable à celle des départements, la plupart d'entre elles essayant de dépasser une approche purement gestionnaire. Il a précisé que la moitié des dossiers du revenu minimum d'insertion était instruit par des villes ou par des centres communaux d'action sociale. Il a relevé que dans 70 % des villes de plus de 30 000 habitants, cette mission nécessitait la création de services sociaux qui assuraient également un suivi social.

S'agissant de l'insertion par l'économie, M. Jean-Louis Sanchez a fait observer que les deux tiers des villes de plus de 30 000 habitants avaient signé des contrats de ville dont huit sur dix comprenaient un volet consacré à l'insertion par l'économie. Il a par ailleurs fait valoir que 95 % de ces villes participaient à des missions locales.

Enfin, la décentralisation, comme l'a souligné M. Jean-Paul Delevoye, peut jouer un rôle essentiel pour maintenir et approfondir la citoyenneté, indissociable de la cohésion sociale, prévenant par là-même les risques de fracture " civique ".

2.- Pour la cohésion territoriale

La résorption de la fracture territoriale appelle, en second lieu et de la même manière, des solutions de proximité.

Le rapport de la mission sénatoriale d'information sur l'aménagement du territoire a clairement mis en évidence les pièges d'une dérive toujours possible vers une recentralisation. Elle a au contraire plaidé pour un scénario dans lequel le rôle de l'État pour un aménagement du territoire multipolaire se situerait à trois niveaux : la définition d'une stratégie d'ensemble, la correction des déséquilibres financiers entre collectivités territoriales et la mise en place des grandes infrastructures intellectuelles et de communication.

Comme le souligne le rapport : " Ainsi recentré dans ses fonctions essentielles et porteur d'un projet national, l'État doit déléguer aux collectivités décentralisées l'essentiel des actions qu'exige sur le terrain l'aménagement du territoire. Cette délégation doit nécessairement s'accompagner d'un transfert des moyens financiers et humains. La cohérence entre financements et décisions permettra de simplifier l'ensemble des circuits administratifs et financiers ".

Ces orientations ont trouvé une première traduction dans la loi d'orientation du 4 février 1995 à laquelle le Sénat a apporté une contribution majeure, dont l'article premier affirme que la politique d'aménagement et de développement du territoire est conduite par l'État " en association avec les collectivités territoriales dans le respect de leur libre administration et des principes de la décentralisation ". La même formulation a été retenue, pour ce qui est de la politique de la ville et du développement social urbain, par l'article premier de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

Les initiatives prises par les collectivités locales témoignent de leur très forte implication en faveur du développement de leurs territoires.

Le 79ème congrès des maires de France consacré au thème du territoire a mis en évidence que le développement de celui-ci était au coeur des préoccupations des maires, au moyen notamment de l'intercommunalité dont l'utilité est désormais reconnue dès lors qu'elle est librement consentie.

Le fort développement de l'intercommunalité de projet traduit cette implication des communes en faveur du territoire.

M. Jean-Paul Delevoye a fait valoir que la réflexion essentielle doit d'abord porter sur l'évolution des territoires avant d'envisager celle des structures.

Quant aux départements -ainsi qu'a tenu à le souligner M. Patrice Gélard- ils jouent un rôle essentiel et traditionnel à l'égard des communes rurales, mettant ainsi en oeuvre des actions concrètes en faveur du développement rural et d'une solidarité territoriale effective.

Enfin, la région -conformément aux missions que lui a confiées le législateur- joue un rôle d'impulsion confirmé par la loi d'orientation du 4 février 1995 qui, d'une part, a prévu l'établissement d'un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire, chargé d'exprimer les orientations fondamentales en matière d'environnement, de développement durable, de grandes insfrastructures de transport, de grands équipements et de services d'intérêt régional et, d'autre part, a créé une conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire.

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Pour autant, et peut-être justement parce que les collectivités locales sont en première ligne pour affronter les difficultés de notre société, la décentralisation fait trop souvent office de " bouc émissaire " des dysfonctionnements comme l'a mis en lumière le débat récent sur l'augmentation de la pression fiscale locale.

En outre, il faut prendre toute la mesure, à la suite du groupe de travail de la commission des Lois sur la responsabilité pénale, des inquiétudes réelles qu'éprouvent de trop nombreux élus, en particulier les maires, face à l'accumulation des responsabilités qui leur sont imposées.

Il est donc nécessaire d'identifier les obstacles à l'approfondissement de la décentralisation en menant aussi une réflexion sur les hommes et sur les méthodes employées.

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