1. la croissance potentielle.

Vous avez remarqué que dans notre compte, la croissance est relativement faible en Europe et l'on peut se poser la question suivante : cette croissance relativement faible correspond-elle à un affaiblissement durable de la croissance potentielle en Europe et plus généralement dans les pays de l'OCDE ?

Nous avons une fiche dans notre étude (page 37 de l'annexe) sur la croissance potentielle, dans laquelle on rappelle qu'il existe un certain nombre d'estimations en provenance des institutions internationales selon lesquelles la croissance potentielle a fortement diminué en Europe et qu'elle ne serait plus que de l'ordre de 2 à 2,2 % dans la plupart des pays européens, et que l'écart entre la production et la production potentielle serait relativement faible : de l'ordre de 2 à 3 points.

Selon nous, ces travaux sont extrêmement contestables : soit ils proviennent de méthodes statistiques dans lesquelles ce que l'on appelle la production potentielle n'est en fait qu'un lissage de la production passée, soit ils proviennent de méthodes plus économiques, mais dans lesquelles ce résultat est obtenu par un certain nombre d'hypothèses très contestables, en particulier l'hypothèse qu'il y aurait eu un nouveau ralentissement tendanciel de la productivité des facteurs depuis 1991, ralentissement dont on ne s'expliquerait pas les causes.

Un deuxième élément douteux dans ces estimations est qu'elles reposent sur l'idée que les taux de chômage d'équilibre, c'est-à-dire les taux de chômage qui n'accélèrent pas l'inflation, seraient maintenant extrêmement élevés en Europe : 11 à 12 %, donc très proches des taux de chômage effectifs. Or, selon nous, les taux de chômage actuels en Europe sont plus élevés que les taux de chômage effectif, et la preuve en est que l'on constate, dans tous les pays d'Europe, à l'heure actuelle et dans notre projection, une tendance permanente à la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée et à la désinflation, ce qui pour nous est un indice que la situation en Europe est déséquilibrée et que le taux de chômage est supérieur au chômage d'équilibre.

Enfin, dans la plupart de ces analyses, on considère comme exogène l'évolution du stock de capital. On considère que cela correspond à une contrainte en soi, alors que selon nous, s'il y avait une demande plus vigoureuse, étant donné la bonne santé financière des entreprises, celles-ci n'auraient aucune difficulté à accroître leurs capacités de production, même s'il peut y avoir transitoirement une période difficile liée au fait que l'investissement des entreprises serait en retard sur les besoins de production.

Cela nous conduit à dire qu'il y a actuellement un écart important en Europe entre la production et la production effective, et que le faible niveau de production que nous observons dans notre compte n'est pas lié à une contrainte du côté de l'offre, mais simplement à une demande qui reste durablement insuffisante. En effet, lorsqu'il y a un choc dans l'ensemble des pays européens, comme on l'a vu par exemple en 1991-1993, les mécanismes de retour spontané au plein emploi du travail et même du capital ne jouent pas. Le chômage fait pression sur les salaires, donc la demande est faible, l'investissement ne se redresse pas même si les profits sont bons, parce que la contrainte de demande est importante. S'il n'y a pas une politique économique concertée de relance, l'économie peut ainsi rester durablement dans un sentier s'éloignant de la croissance potentielle.

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