3. Une affirmation croissante sur la scène régionale et internationale 7( * )

Faire entendre davantage la voix de l'Indonésie dans l'enceinte internationale, était l'une des ambitions du Président Suharto. Nul ne saurait nier aujourd'hui qu'elle a été, dans une grande mesure, réalisée. Son pays a assumé la Présidence du Mouvement des Non-Alignés de 1992 à 1995 ; il a détenu celle de l'APEC 8( * ) en 1994 ; il a occupé un siège de membre non permanent au Conseil de Sécurité durant la période 1994-96. Cependant, les efforts déployés par Jakarta pour s'affirmer davantage sur ce plan se trouvent quelque peu minés par les questions relatives aux droits de l'Homme.

a) Un acteur influent dans la région

Puissance à la fois de l'Asie et du Pacifique par sa position stratégique, membre de l'ASEAN 9( * ) et de l'APEC, l'Indonésie est active sur la scène régionale où sa situation, sa taille et son poids démographique la placent aux premiers rangs.

L'ASEAN, dont elle abrite le siège et qu'elle a présidée d'août 95 à août 96, constitue pour elle un instrument d'influence privilégiée. Ainsi, lors de sa présidence, Jakarta a considérablement aidé la Birmanie à se réinsérer dans la région en obtenant son admission au statut d'observateur de l'ASEAN. Ce cadre lui a également permis de mettre en valeur ses talents de médiateur, notamment dans le conflit opposant le gouvernement philippin 10( * ) à des rebelles musulmans et qui a trouvé une solution grâce à son entremise.

Ses prises de position en faveur de l'intégration à terme de l'ensemble des pays de la péninsule indochinoise dans l'ASEAN sont appréciées dans les capitales concernées. Elles ont conforté une stature régionale qui a été tout particulièrement affirmée dans le contexte de la conférence de Paris sur le Cambodge, qu'elle co-présidait avec la France.

L'APEC est, elle aussi, une tribune assurant dans la zone un large retentissement des initiatives ou des concepts indonésiens. En novembre 1994, le sommet de Bogor, au cours duquel le Président Suharto s'est fait l'avocat du libéralisme et de la déréglementation, a constitué un point fort de la diplomatie du pays.

Ceci n'empêche pas que les relations de l'Indonésie avec les deux grandes puissances régionales, membres de l'APEC, la Chine et le Japon, demeurent teintées de réserves, voire de méfiance, même si les relations diplomatiques avec la Chine ont été rétablies en 1990 et même si le Japon 11( * ) est le premier donneur d'aide et le premier partenaire économique de Jakarta.

b) Un membre actif du Mouvement des Non-Alignés

Bien des indices le prouvent : l'Indonésie souhaite s'affirmer comme l'un des chefs de file du Tiers Monde.

Elle a voulu mettre à profit sa présidence du Mouvement des Non-Alignés (1992-1995) pour relancer le dialogue Nord-Sud, notamment sur les questions économiques et de développement et sensibiliser les pays riches à l'intérêt de leur contribution au développement d'une coopération Nord-Sud.

Elle a pris plusieurs initiatives en ce sens : demande d'invitation au sommet du G7 à Tokyo en tant que Président des Non-Alignés, proposition de diminution de 70 % des dettes accumulées par les pays les moins avancés... Ses tentatives n'ont toutefois guère été couronnées de succès.

c) Des handicaps découlant des questions relatives aux droits de l'homme

En dépit de son statut de pays non aligné, l'Indonésie est favorable au maintien d'une importante présence militaire américaine en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique, vraisemblablement en raison du frein aux ambitions des grandes puissances régionales qu'une telle présence paraît garantir implicitement. Les relations entre les deux pays n'en demeurent pas moins délicates, en grande partie à cause de la politique de Washington en matière de droits de l'Homme. Les violations dénoncées par les Etats-Unis en Aceh, en Irian Jaya et surtout au Timor oriental sont pour beaucoup à l'origine de ces difficultés. L'interdiction, en 1994, des trois hebdomadaires les plus lus en Indonésie et l'arrestation, la même année, du principal dirigeant d'un syndicat libre pèsent également sur les relations.

La question des droits de l'Homme perturbe aussi les relations avec les pays de l'Union Européenne, malgré leur place de deuxième donateur d'aide et de deuxième partenaire commercial. A cause de l'affaire de Timor, le Portugal a bloqué la signature par les Quinze d'un accord que les pays de l'ASEAN souhaitaient conclure.

Le souci de préserver l'image internationale du pays a entraîné, sous la pression du Ministère des Affaires étrangères, quelques évolutions positives sur le dossier timorais : retrait du commandement militaire spécial, ouverture du territoire aux organisations non gouvernementales, accès des journalistes étrangers à Timor-Est lors du sommet de l'APEC à Bogor. Cependant, l'élection de Mgr Belo et surtout de Ramos Horta, deux Timorais critiquant la politique de Jakarta, comme prix Nobel de la Paix a replacé la résistance timoraise sous les feux de l'actualité. Dans ce contexte nouveau, toute mesure qui ne serait pas acceptable internationalement ne pourrait que gêner davantage les relations de l'Indonésie avec les pays occidentaux.

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