2. Le coût du guichet social des services financiers

Nous l'avons vu 116( * ) , La Poste gère un guichet social de fait sur l'ensemble du territoire en assurant une identité financière aux plus démunis.

Or l'utilisation du livret A par les plus démunis comme un véritable " porte-monnaie " voire même comme le substitut du compte courant pour les interdits bancaires engendre des coûts importants.

Il faut savoir que ce sont sur les 9,3 % de Livrets A qui représentent la plus faible fraction des encours (0,7%) que sont effectuées le plus grand nombre d'opérations (en moyenne 12 chaque année 117( * ) ).

Si l'on rapporte l'encours de ces livrets A, utilisés comme des comptes courants, au nombre de leurs détenteurs, on constate que l'encours moyen par livret est de 944 francs.

La marge réalisée par La Poste sur les livrets disposant de moins de 5.000 francs de dépôts est négative de -3,24 milliards de francs. Compte tenu des profits réalisés grâce à la marge positive réalisée sur les livrets A dont le solde est supérieur à 5.000 F, soit 1,92 milliard de francs, le coût global de la gestion du livret A par La Poste est estimé 118( * ) à 1,31 milliard de francs en 1995 .

La gestion du service des mandats, dont on a vu l'importance, entraîne aussi une perte substantielle. C'est ainsi qu'en 1995, le compte d'exploitation des mandats postaux se soldait par un déficit d'environ 400 millions de francs du fait de l'excédent des charges (- 950 millions de francs) par rapport aux recettes (550 millions de francs). De toute évidence, une part importante de ce déficit provient de la sur-utilisation des mandats pour des montants très modestes . Il est révélateur que, dans les zones urbaines sensibles, on ait deux fois plus recours au service des mandats qu'ailleurs.

Le rôle social des services financiers de La Poste se manifeste d'une façon particulièrement flagrante dans les zones urbaines défavorisées . Un exemple précis, celui de la ville de Trappes, permet d'illustrer ce rôle multiforme qui entraîne de sérieux manque à gagner pour La Poste.

A Trappes, sur une population de 31.000 habitants, les deux bureaux de poste reçoivent plus de 1.000 clients chaque jour, souvent pour des montants extrêmement faibles. Il n'est pas rare que les retraits sur les livrets A y soient de 5 francs par opération ! C'est ainsi, par exemple que, le 17 avril 1997, le bureau de Trappes a enregistré 7 retraits (sur les livrets A et les CCP) inférieurs à 100 francs, dont 5 retraits de moins de 50 francs et un retrait de 14 francs. Au total, le nombre des retraits effectués sur le livret A pour un montant inférieur à 200 francs avoisine plus de 30 % du nombre total des retraits effectués chaque année, tandis que 15 % des retraits CCP sont inférieurs à ce montant. Or dans ce bureau, le coût de chaque opération est d'environ 20 francs !

Certes, les banques sont également présentes -quoique en beaucoup moins grand nombre- dans les zones urbaines sensibles, mais l'absence de sélection des clientèles renforce sans aucun doute la proportion des personnes en difficulté qui s'adressent à La Poste. Comme le relevait le receveur de la poste de Trappes, certaines banques affichent dans leur vitrine : " Pas de retraits inférieurs à 500 francs " .

Comme le montre une étude réalisée pour l'AFB auprès de 508 personnes de plus de 18 ans résidant dans 25 quartiers HLM défavorisés, La Poste est la banque de 19 % d'entre eux, suivie par la Caisse d'Épargne (16 %). Viennent ensuite le Crédit agricole (15 %), et à égalité le Crédit Lyonnais et la Banque nationale de Paris avec chacun 11 %.

Il convient d'ajouter aux charges directes de l'accueil financier à titre social les conséquences difficilement évaluables induites par cet accueil en termes d'image. Comme le relevait un conseiller financier rencontré par votre rapporteur : " lorsqu'on a 100.000 francs à placer, on choisit un guichet financier plutôt qu'un guichet social pour les investir ! ".

Pendant longtemps, l'avantage relatif dont bénéficiait le livret A en termes d'épargne administrée, a permis de financer les charges citoyennes que subit journellement La Poste financière au titre du " guichet social ". Cet équilibre a cependant été mis à mal par la création de nouveaux livrets défiscalisés diffusés par tous les opérateurs financiers. Toute politique de banalisation du livret A aurait vraisemblablement des effets négatifs immédiats sur la situation des populations paupérisées qui utilisent le guichet social postal, en déstabilisant ce fragile équilibre financier.

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