C. UN LIEN AFFECTIF PUISSANT

La Poste entretient autour de ses immobilisations territoriales une relation privilégiée avec le public et les élus locaux.

D'abord, il faut le savoir, le bureau de poste est un lieu fréquenté . Une enquête nationale réalisée par La Poste en 1990 révèle que deux tiers des ménages français se rendent à la poste au moins une fois par mois et que près de la moitié y vont plusieurs fois par mois. Si l'on ajoute que trois millions de personnes fréquentent chaque jour un point postal, que 22 millions de personnes y possèdent un livret d'épargne et 10 millions un compte chèque, on comprend que la représentation collective que se font de La Poste les Français excède largement son seul poids économique.

Ensuite, ce n'est un secret pour aucun sénateur, La Poste joue un rôle sociologique de première importance dans le tissu communal. Pour chaque citoyen, le bureau de poste appartient au paysage municipal fondamental, au même titre que l'église, l'école et la mairie. En d'autres termes, bien peu imaginent qu'il puisse y avoir de vie communale digne de ce nom sans la présence emblématique d'un bureau de poste. Dès lors, le sort d'un tel bureau affecte les habitants d'un village quelle que soit sa rentabilité ou sa fréquentation, même si cette dernière se réduit souvent à quelques heures par jour, voire moins.

C'est pour ces raisons que, pour beaucoup, la présence postale a, en définitive, une valeur symbolique .

Ils peuvent comprendre que l'église ne soit plus desservie quand les paroissiens préfèrent assister aux messes au chef lieu de canton. Mais, sur le toit de l'église ne flotte pas le drapeau tricolore les jours de fête nationale !

Ils peuvent se résigner à ce que l'instituteur s'en aille si les cris d'enfants ne font plus résonner les murs de la cour de récréation. La République se renierait si elle refusait la liberté d'installation à ses citoyens ou la liberté de choix aux parents !

Pour la plupart, à commencer par le maire, ils ne peuvent pas accepter que l'antenne postale (bureau ou annexe) -qui est bien souvent installée dans leur village depuis un siècle ou plus- cesse d'exister. Dans le contexte décrit, une telle décision n'est pas seulement ressentie comme la fermeture d'un service, mais comme l'expression d'un abandon, voire la trahison d'un pacte républicain implicite selon lequel tous les points de peuplement du territoire ont droit à une marque de présence de l'État, à un signe officiel d'appartenance à la collectivité nationale. Aussi, la disparition d'un tel signe peut-il être vécu comme une marque de mépris et susciter des réactions " passionnelles ", de nature à surprendre ceux qui n'ont pas compris la force et la grandeur des sentiments qui les inspirent.

Un signe de cet attachement " quasi viscéral " a été donné à votre rapporteur lors d'un des forums de discussion qu'il a tenus avec les postiers en province. L'un d'eux, lorsqu'il les a interrogés sur la manière dont ils percevaient la présence postale sur le territoire, a fait remarquer que : " Quand on regroupe les codes postaux, on a l'impression que pour les maires, c'est comme si on leur arrachait leur monument aux morts "

Du coup, La Poste se trouve placée au centre d'enjeux qui excèdent manifestement ses moyens d'opérateur de service public. Alors qu'elle est devenue un exploitant autonome ayant reçu pour mission prioritaire de prodiguer des services dans un contexte économique de plus en plus difficile, elle est confrontée à une demande qui exige d'elle -pour des raisons parfaitement compréhensibles- qu'elle demeure une administration continuant à entretenir un patrimoine immobilier fortement symbolique, comme au temps où elle bénéficiait des ressources d'un monopole inébranlable et où ce patrimoine était nécessaire tant à la collecte et à la ditribution du courrier, qu'à la fourniture des autres prestations.

Cette demande est parfois d'autant plus exigeante que ceux qui la lui adressent n'ont pas toujours une conscience aigüe des réalités de l'évolution du marché postal et continuent à la considérer comme une administration, alors qu'elle est de facto devenue une entreprise.

Comment s'étonner dans ses conditions de l'incompréhension qui a pu se développer entre La Poste et certains responsables locaux, surtout quand on sait que parfois certains de ses agents réticents à tout changement n'ont pas manqué d'attiser les dissensions et que ces changements n'ont pas toujours été annoncés aux élus avec les indispensables explications qu'ils appelaient ?

Votre rapporteur a pu constater les conséquences de cette incompréhension lors des entretiens qu'il a eus sur le terrain avec les postiers et des élus locaux : la confiance longtemps inspirée par La Poste à ces derniers a, en certains endroits, été entamée.

Il est aujourd'hui prioritaire de la rétablir.

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