2. Le fort développement des crédits aux particuliers

Les constatations précédentes ne doivent toutefois pas faire oublier l'extraordinaire développement du crédit aux particuliers . Ainsi, l'encours des crédits de trésorerie aux particuliers est passé de 12 milliards de francs en décembre 1970 à 409 milliards de francs en décembre 1995.

Cette évolution résulte de la combinaison de plusieurs facteurs.

a) L'encouragement de l'accession à la propriété

Les pouvoirs publics ont fortement encouragé l'accession des ménages à la propriété.

En 1963, 59 % des Français marquaient leur préférence pour le statut de propriétaire, 80 % en 1984. Cette préférence se portait majoritairement sur les petites maisons familiales de quatre à cinq pièces. Ce marché se révèle très réactif à toute opération favorisant l'accession : toute injection massive de prêts aidés le relance automatiquement.

Sans aide de l'État, l'accession à la propriété est en effet impossible pour la grande majorité des ménages. Selon l'ANIL (Agence nationale pour l'information sur le logement), un ménage sur cinq souhaitant accéder à la propriété perçoit moins de 7.500 francs mensuels (ménages de deux personnes) ou moins de 10.000 francs (couples avec deux enfants).

La politique du logement a donc constamment cherché à combler cette inadéquation structurelle, et probablement durable, entre le niveau des revenus et la capacité d'accès à des logements offrant un confort normal. C'est un des principaux facteurs du fort développement des crédits à l'habitat.

Ceux-ci ont fortement crû de 1977 à 1991, l'encours passant de 499 à 2.149 milliards de francs courants. Par la suite, la crise immobilière a interrompu cette poussée, l'encours n'atteignant que 2.270 milliards de francs en 1996. Entre 70% et 75% de cet encours concernent les ménages, le reste correspondant essentiellement à la dette des bailleurs sociaux et des promoteurs.

C'est la loi n° 77-1 du 3 janvier 1977 portant réforme de l'aide au logement, dite "réforme Barre", qui a fait de l'accession à la propriété une priorité de la politique du logement. Elle a créé le Conseil national de l'accession à la propriété (CNAP), devenu, depuis 1983, le Conseil national de l'habitat (CNH).

Cette loi a créé le prêt d'accession à la propriété pour l'acquisition de logements neufs, prêt bénéficiant d'une bonification d'intérêt et accordé sous conditions de ressources. Elle est également à l'origine du prêt conventionné , accordé sans conditions de ressources, mais sous plafond de prix. Non bonifié, ce prêt est assorti d'un plafonnement de taux d'intérêt sans aide de l'État. La loi du 3 janvier 1977 a également créé l'aide personnalisée au logement, destinée à solvabiliser l'occupation de leur logement par les ménages, qu'ils soient locataires ou accédants à la propriété. Le prêt d'accession à la propriété et le prêt conventionné donnaient droit (c'est toujours le cas pour le prêt conventionné) à l'aide personnalisée au logement. Toutefois, l'aide personnalisée au logement a essentiellement bénéficié aux locataires et ne sert plus que marginalement à l'accession.

Évolution du nombre de bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement

(milliers de ménages)

au 31 décembre

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Accession

918

852

773

740

708

680

Location

1.462

1.655

1.784

1.888

2.020

2.115

Source : direction de l'habitat et de la construction

Les auteurs de la réforme de 1977 pensaient fonder, à terme, le financement du logement sur les aides personnelles (dont fait partie l'aide personnalisée au logement) et abandonner les aides à la pierre, en particulier les prêts bonifiés (dont fait partie le prêt d'accession à la propriété). Mais, bien que l'on ait assisté à une réduction des aides à la pierre et à une forte augmentation des aides à la personne, la substitution des unes aux autres ne s'est jamais produite : l'aide personnalisée au logement ne solvabilise pas suffisamment les postulants à l'accession à la propriété et le haut niveau des taux d'intérêt au long des années 80 a rendu nécessaire le maintien d'un système de bonification.

Ce système s'est révélé efficace : la proportion de propriétaires de leur résidence principale est passée de 46,7 % en 1975 à 54,4 % en 1990. Toutefois, le haut niveau des prix et des taux d'intérêts réels à la fin des années quatre-vingt a entraîné un tassement durable du mouvement, le taux de propriétaires plafonnant à environ 54 % depuis 1988, celui des accédants à la propriété ayant reculé de 26,1 % en 1988 à 23,5 % en 1992, puis à 21 % en 1995.

Évolution du taux de propriétaires de leur résidence principale (%)

1954

1968

1982

1988

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Propriétaires

35,5

43,3

50,6

53,6

54,2

54,1

53,8

54,0

53,9

53,7

dont accédants

26,1

24,8

23,8

23,5

22,3

21,6

21,0

Source: INSEE et compte du logement

En 1993 est apparu un nouveau type de prêt conventionné plus particulièrement destiné au logement ancien : le prêt d'accession sociale. Grâce à une garantie partielle de l'État, le taux d'intérêt du prêt d'accession sociale est plafonné à un niveau inférieur de 0,6 point à celui du prêt conventionné.

l En octobre 1995, le prêt d'accession à la propriété a été remplacé par le prêt à taux zéro , conçu selon le même principe : une bonification d'intérêt. Deux éléments substantiels le différencient néanmoins du prêt d'accession à la propriété :

- La bonification permet de rendre le taux d'intérêt nul, alors que celui du prêt d'accession à la propriété n'était que de quelques points inférieurs à ceux du marché. Le montant unitaire du prêt à taux zéro est donc beaucoup plus faible et il est conçu pour être un prêt complémentaire alors que le prêt d'accession à la propriété était un prêt principal, sinon unique .

- Le prêt à taux zéro est accordé sur une beaucoup plus grande échelle que le prêt d'accession à la propriété (144.000 en 1996, contre 35.000 prêts d'accession à la propriété annuels environ depuis le début des années quatre-vingt-dix) grâce à des plafonds de ressources plus élevés et à l'absence de contingentement budgétaire.

Prêt largement diffusé, le prêt à taux zéro a marqué un retour de la politique d'accession à la propriété vers le logement neuf, relançant très fortement les ventes de petites maisons neuves situées à la périphérie des villes.

Répartition du montant des crédits distribués aux ménages
entre crédits réglementés et crédits libres

(millions de francs)

1993

1994

1995

1996

Crédits réglementés*

92.138

102.426

93.111

110.152

Crédits libres

92.726

145.792

119.681

170.125

*les crédits réglementés sont les prêts conventionnés, les prêts d'épargne-logement, les prêts d'accession à la propriété et les prêts à taux zéro.

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