CHAPITRE VII

LES MARCHES DES NOUVELLES TECHNOLOGIES
DE L'INFORMATION (comment vont-ils évoluer
et quelles vont être les nouveautés) ?

Une avalanche de chiffres, souvent divergents, sont publiés par les cabinets de consultants spécialisés, concernant l'évolution des marchés des TIC.

Or, ces données sont à manier avec précaution, étant donné les incertitudes qui entachent toute prévision en la matière.

Il est donc prudent et recommandé de se fonder en premier lieu sur la mise en évidence de grandes tendances dont la plupart peuvent être dégagées de la récapitulation des observations précédemment notées dans cet ouvrage.

Les orientations des marchés paraissent découler ainsi principalement de :

n L'évolution de l'offre de technologies , elle-même déterminée par une accélération de leur diversification, de leurs gains de performances (notamment dans le domaine des semi-conducteurs et de la compression de données), et, malgré des difficultés de standardisation, de leur convergence, caractérisée par le règne du numérique, de l'informatique et des réseaux ;

n L'explosion correspondante de la demande , dans des secteurs d'activités, tels qu'Internet, la téléphonie mobile, et, de façon moins spectaculaire, la télévision numérique, surtout par satellite ;

n Enfin, l'ouverture à la concurrence des télécommunications.

Il ne s'agit pas d'un jeu à somme nulle mais d'une dynamique marquée non seulement par des redéploiements au sein des secteurs traditionnels (par exemple, dans l'audiovisuel, au détriment des chaînes hertziennes généralistes...) mais aussi par la création d'activités nouvelles (images en trois dimensions, Webcasting, commerce électronique...) et par une accentuation de la prédominance de l'informatique.

Certes, ni le budget loisirs, ni le temps passé par les usagers devant leurs différents écrans, ni les dépenses d'informatique et de communication des entreprises ne sont indéfiniment extensibles.

Mais la dynamique, qui caractérise l'évolution des TIC, peut bénéficier :

n du supplément de croissance économique qu'elle contribue à provoquer (par la création de biens et services inédits, la prospection et la conquête de nouveaux marchés...) ;

n des gains de productivité qui en résultent et s'y investissent en retour ;

n enfin, du redéploiement du produit de certaines économies réalisées grâce à elles (frais de déplacement et de missions, d'expéditions de documents...).

Les nouvelles techniques d'information et de communication présentent de ce fait un potentiel de croissance et de création d'emplois incontestable.

Il existe une véritable interaction entre les évolutions technologiques, économiques, politiques et culturelles qui sont à la fois la condition et la conséquence de l'avènement de la société de l'information.

La compression de données, par exemple, a rendu à la fois possible un bouleversement de l'économie des réseaux audiovisuels et informatiques et nécessite une modification du cadre juridique des activités correspondantes.

Malgré les réductions de bande passante qu'elle permet, le besoin de consommation d'images qu'elle suscite risque de contribuer à rendre inévitable une augmentation des débits des échanges de données (visioconférences, vidéo à la demande...).

L'ouverture à la concurrence, par ailleurs, qui est, au départ, de nature politique, accélère certaines évolutions techniques (le contournement de la boucle locale, par exemple, par les radiocommunications...) et est susceptible d'activer ce qui me paraît être une évolution inéluctable de l'économie de la société de l'information : un déplacement des sources de valeur ajoutée, vers les services personnalisés, en aval de la chaîne d'exploitation et de transmission des données de base.

Ainsi, l'émergence de nouvelles techniques d'information peut-elle être considérée de deux façons :

- concernant, tout d'abord, son impact sur les activités traditionnelles des secteurs concernés ;

- à travers, ensuite, ses conséquences inédites.

I. L'IMPACT DES NTIC SUR LES ACTIVITÉS TRADITIONNELLES DES SECTEURS CONCERNÉS

L'irruption de nouvelles technologies peut influencer à la fois les relations entre les secteurs d'activités concernés (informatique, télécommunications et audiovisuel) et l'activité propre de chacun d'eux.

A) AU NIVEAU GLOBAL

Selon l'Observatoire Européen des Technologies de l'Information (50 ( * )), notre continent représentait, en 1996, 30 % du chiffre d'affaires mondial des TIC, les Etats-Unis 34 %, et le Japon 15 %.

La part française du marché européen des TIC est d'environ 16,5%.

Les télécommunications correspondent, en Europe, à 53 % du total des TIC et ont enregistré, en 1997, un taux de croissance plus élevé (+ 7,9 %) que celui des seules technologies de l'information (+ 6,5 %).

Nous accusons dans ce dernier secteur (équipements, services informatiques et logiciels) un retard, par rapport aux Etats-Unis, qui tend à s'aggraver : en effet, de 1993 à 1996, notre chiffre d'affaires ne s'y est accru que de 21 % alors qu'il a augmenté de 41 % en Amérique.

L'informatique et l'électronique sont devenus, Outre-Atlantique, le premier employeur de l'industrie, devant l'automobile.

Toutefois, le marché des télécommunications demeure, au niveau mondial aussi, plus important que celui de l'informatique et de l'audiovisuel.

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Mais, d'une part, l'équipement des deux autres secteurs tend à s'informatiser de plus en plus, d'autre part, le taux de croissance de l'informatique est bien supérieur aux leurs, Europe mise à part, du fait de la progression soutenue de la zone Asie-Pacifique, et en particulier de la Chine.

Cette zone a ainsi consommé plus de PC que l'Europe de l'Ouest en 1996.

Il se peut toutefois que la crise traversée actuellement par plusieurs pays d'Asie fassent évoluer rapidement ces ordres de grandeur.

L'essor de l'industrie informatique devrait, par ailleurs, continuer à être soutenu par l'explosion des ventes de micro-ordinateurs, la poursuite du développement d'Internet et l'évolution favorable du marché américain (41 % du marché mondial, + 10 % d'augmentation annuelle escomptée d'ici à 2001 selon le cabinet de consultants IDC).

Seule la téléphonie mobile (+ 34,7 % pour les services en 1997, + 20,5 % pour les infrastructures) connaît un rythme de croissance plus soutenu que celui de la micro-informatique.

Le marché des PC a cru en moyenne de 21 % de 1991 à 1997 ce qui constitue une performance appréciable).

Un autre marché, plus cyclique, mais lui aussi très dynamique et créateur d'emplois, en longue période, est celui des semi-conducteurs dont le chiffre d'affaires double tous les trois à cinq ans.

La progression de l'audiovisuel (+ 2,7 % en 1997), est dans l'ensemble, beaucoup moins soutenue que celle de l'informatique et des télécommunications (+ 5,6 % en 1997), à l'exception de la télévision par satellite (+ 22,5 % par an depuis 1991) et des matériels haut de gamme (correspondant notamment, aux Etats-Unis, au concept de « home theater » ou cinéma à domicile).

Mais ce secteur compte sur des technologies et des produits nouveaux pour faire redémarrer ses activités (télévision et camescopes numériques, DVD...).

Dans l'ensemble, la croissance des TIC est nettement plus soutenue que celle du PIB qui n'a été en Europe que de 1,6 % en 1996 et 2,3 % en 1997 (+ 2,6 % et + 3 % pour l'ensemble de l'OCDE).

Dans les télécommunications et l'audiovisuel, les services tendent à occuper une place plus importante que les équipements et à progresser, en outre, plus rapidement.

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Cette tendance est moins marquée dans l'informatique (voir plus loin) où l'on note cependant, en Europe, une croissance des produits logiciels (+ 9,5 % en 1997), et surtout des services réseaux (+ 14,3 %) supérieure à celle de l'ensemble des technologies de l'information (+ 6,8 %).

La «convergence», souvent avancée pour caractériser la société de l'information, ne coïncide pas, on l'a vu, avec une « fusion » immédiate des contenus et des infrastructures concernés.

Des frontières subsistent entre secteurs d'activités traditionnels mais elles tendent à devenir beaucoup plus aisément franchissables.

En effet, l'informatique, on l'a vu, (matériels et logiciels) pénètre de plus en plus les télécommunications et l'audiovisuel (aux stades de la production et de la diffusion).

La technologie permet, en outre, de transmettre pratiquement n'importe quel contenu sur n'importe quel support, à destination de n'importe quel terminal.

Le texte, le son, la voix et les images peuvent ainsi emprunter les réseaux audiovisuels ou de télécommunications, ou le réseau des réseaux qu'est Internet, pour rejoindre l'ordinateur, le téléviseur ou, bientôt, l'écran de la radio ou du téléphone mobile de l'usager.

Bien entendu, certaines spécificités demeurent liées aux différences de contextes et de modes de consommation des produits et aux fonctions principales du terminal : on ne conçoit pas de la même façon un programme destiné à être regardé de près (sur un écran d'ordinateur) ou de loin (sur un téléviseur) individuellement ou à plusieurs (idem), à des fins professionnelles, éducatives, distrayantes ou relaxantes.

L'image peut n'être qu'un complément du texte et du son et le message écrit, un substitut seulement, de la communication vocale.

Mais, sans même évoquer, pour l'instant, l'apparition de médias, produits ou services entièrement inédits, qui sera examinée plus loin, de nouvelles formes de concurrence entre activités traditionnelles surgissent et des opportunités inattendues s'offrent aux entrepreneurs concernés.

Deux formes de communications anciennes, la presse écrite et le téléphone, en donnent des illustrations : Time Warner, Berterlsmann et plus encore un groupe comme News Corp. ont prouvé leur capacité à profiter de positions fortes dans l'écrit pour développer leurs activités dans l'audiovisuel et le multimédia.

Les débats du congrès de l'Association mondiale des journaux, qui se sont tenus à Amsterdam, en juin 1997, ont montré, par ailleurs, qu'Internet n'inquiète plus les dirigeants de la presse écrite. Beaucoup d'entre eux, aux Etats-Unis, se sont lancés dans l'édition électronique comme le Wall Street Journal ou le Groupe Times Mirror qui en retirent des revenus substantiels (notamment en ce qui concerne la commercialisation de leurs actions et leurs services de petites annonces).

L'annonce faites par l'AFP à Imagina le 3 Mars 1998 de présenter certaines dépêches avec des illustrations 3D diffusées par Internet montre toute la capacité d'adaptation de cet organisme face à de nouveaux outils d'information.

S'il est exact que des différences entre médias demeurent, elles peuvent ainsi affecter parfois davantage la présentation des données, qui nécessite une adaptation à chaque support de diffusion spécifique, que leur contenu lui-même, comme en témoignent les activités liées à la couverture de l'actualité et à la diffusion d'informations générales ou particulières.

S'agissant du téléphone, forme de communication moins ancienne que la presse, mais néanmoins bien établie, il a déjà été rendu compte dans cet ouvrage des expériences dont il fait l'objet sur le câble.

Mais la téléphonie sur le Net inquiète davantage les opérateurs traditionnels. Son essor a été, en effet, semble-t-il, largement sous-estimé et elle a été affranchie, depuis le 1 er janvier 1998, en pratique sinon en théorie (la France s'y opposant), des obligations qui lui incombent encore (obtention d'une licence et contribution au financement du service public).

USA Global Link a lancé, en 1997, le premier service mondial de téléphonie sur Internet, Global Internet Work.

Son utilisation devrait être complètement transparente pour l'utilisateur. Ce sont, en effet, des serveurs d'accès qui numérisent les signaux analogiques correspondant à la voix. L'emploi d'un ordinateur personnel n'est donc pas nécessaire, contrairement à ce qui se passe dans un système comme Vocaltec.

Un simple téléphone numérique ordinaire suffit.

Le même type de solution est proposé par la jeune société française Applio qui espère étendre ses services au fax et à la visioconférene.

L'opérateur doit néanmoins se doter, dans ces cas, d'ordinateurs agissant comme passerelles entre Internet et le réseau téléphonique commuté.

Comme la téléphonie, la vidéo à la demande pourrait se prêter à une certaine concurrence entre les infrastructures habituelles de prédilection pour la transmission de ce type de données (réseaux audiovisuels câblés ou hertziens, terrestres ou satellitaires) et l'utilisation d'une solution alternative inédite (emploi de la technologie ADSL sur le réseau téléphonique commuté).

Dernier exemple de rivalités entre secteurs traditionnels d'activités : celui qui oppose les équipementiers de l'informatique, fabricants de routeurs à ceux des télécommunications, qui proposent des commutateurs.

Selon ADN (Alcatel Data Networks), filiale commune à l'industriel français et à l'américain Sprint, les routeurs (51 ( * )) ne suffisent plus à faire face à l'accroissement du trafic Internet et doivent donc être remplacés par des commutateurs (52 ( * )) à haut débit.

Il faut toutefois vérifier que cette approche qui voudrait que la fonction d'aiguillage du trafic Internet passe par des autocommutateurs à haut débit et non par des routeurs est bien compatible avec le protocole IP.

Ainsi, du fait de la coexistence d'une diversification et d'une convergence des technologies, une certaine concurrence peut naître entre des activités qui, tout en demeurant distinctes, tendent à se rapprocher.

Ces mêmes évolutions sont susceptibles de provoquer aussi une nouvelle donne entre les composantes des différents secteurs concernés.

B) CONCERNANT LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Les deux tiers de la croissance du marché des télécommu-nications, qui s'accélère (+ 5,6 %), proviennent de celle des équipements (+ 20,5 %) et services (+ 34,7 %) pour les mobiles .

Avec un total de 745 milliards de dollars, ce marché demeure, on l'a vu, le premier de ceux des technologies de l'information, mais devrait se faire rattraper par celui de l'informatique (610 milliards) dont la progression est plus rapide.

Le montant des ventes de services (615,15 milliards de dollars) représente près de cinq fois celui des équipements (129,9 milliards) et cet écart ne devrait que se creuser.

Le marché mondial des services de télécommunications reste dominé par les recettes provenant des réseaux téléphoniques commutés (435,3 milliards de dollars) mais leur part relative est en baisse (71 % en 1997 au lieu de 84,7 % en 1991).

Cette situation relative pourrait toutefois se trouver modifiée dans l'avenir, sous l'effet de la continuation de l'essor d'Internet, et de son entrée dans l'économie marchande, et des conséquences tarifaires de l'ouverture à la concurrence de la téléphonie vocale.

Le phénomène le plus marquant des années récentes a été celui de l'explosion de la téléphonie mobile qui, après une croissance de l'ordre de 20 % par an, entre 1991 et 1997, représente aujourd'hui plus du cinquième du marché mondial des services de télécommunication et près de 30 % de celui des équipements . La plupart des pays développés ont privilégié les infrastructures pour réseaux mobiles dans leurs stratégies d'investissement, le Japon allant jusqu'à les substituer, en partie, aux équipements pour réseaux fixes.

Le marché des satellites (hors lanceur et assurance) a connu lui aussi une croissance à deux chiffres (+ 11,4 %).

Comme cela a déjà été souligné dans cet ouvrage, les télécommunications correspondent à un point fort de la France dont l'opérateur national et le principal industriel, Alcatel, se classent au quatrième rang mondial.

Toutefois, si nous figurons au premier rang mondial, grâce au Minitel, en ce qui concerne les terminaux vidéotex, et à une place honorable (la sixième) pour le nombre de lignes principales par centaine d'habitants, nous n'étions encore en 1997 que le 21 e pour celui des radiotéléphones par milliers d'habitants.

Toutefois le réveil récent des français face au téléphone portable (850.000 portables vendus dans le seul mois de Décembre 1997) devrait permettre à notre Pays de regagner rapidement des places.

Notre champion national Alcatel a, selon l'expression cruelle d'Usine Nouvelle du 13 novembre 1997, « raté le coche de deux évolutions majeures des télécommunications : la mobilité, d'une part ; Internet et les réseaux de données, d'autre part».

Il a, en outre, effectué une acquisition malheureuse aux Etats-Unis, en 1991, en achetant l'activité transmission de Rockwell qui n'avait pas investi en recherche et développement, depuis au moins deux ans.

Mais nous avons vu comment le groupe français avait tenté ensuite de redresser la barre par une politique d'alliances (avec Sprint, Motorola et Cisco), de développements technologiques (ADSL, câblophone, ...), d'initiatives stratégiques (projet de constellation de satellites Skybridge), et en anticipant quelles devraient être les principales tendances du marché dans les prochaines années : progression du multimédia et convergence des réseaux de communication fixe et mobile, montée en puissance des réseaux de données, transmissions et commutations à haut débit, besoin de nouvelles compétences dans les logiciels et les services.

Sous l'impact d'Internet, les réseaux de télécommunication vont passer d'une architecture dédiée à la voix à une structuration centrée sur les données.

« Avec les technologies ATM, les industriels des télécommunications espèrent reprendre l'avantage sur les sociétés de réseau -écrit Laurence GIRARD dans l'Usine Nouvelle- en apportant ce qui manque aujourd'hui le plus à Internet, la vitesse et la qualité de service . »

C) CONCERNANT L'INFORMATIQUE

Le cabinet américain IDC évalue le chiffre d'affaires mondial de l'informatique à quelques 700 milliards de dollars (en 1997).

Avant la crise, ce cabinet estimait que, durant les cinq prochaines années, la croissance de ce marché sera tirée par l'essor des nouvelles technologies et la consommation des pays de la zone Asie-Pacifique, notamment la Chine (+ 24 % de croissance annuelle moyenne). La part de cette zone est déjà passée de 18,6 % des ventes mondiales en 1992 à 23,5 % en 1996.

Le marché américain (41 %) devrait rester le premier avec une progression attendue de l'ordre de 10 % par an d'ici 2001. Quant à la part de marché européen, elle devrait continuer, selon l'IDC, à s'éroder, à cause d'un taux de croissance de 8,5 % seulement par an. Elle ne représentait déjà plus que 27 % du marché mondial en 1996, contre 36,6 % il y a cinq ans.

Les ventes de micro-ordinateurs augmentent à un rythme soutenu : + 21 % par an en moyenne de 1991 à 1997.

Même lorsqu'un ralentissement se produit, comme en 1996, la croissance reste à deux chiffres (+ 16 % selon IDC, Apple Compris, + 17,8 % d'après Dataquest).

Les grands constructeurs contrôlent près de 38 % du marché mondial et renforcent leurs positions en augmentant leurs ventes de façon spectaculaire.

Il s'agit de :

n Compaq (2,2 millions d'unités, + 42 %) ;

n IBM (1,7million d'unités, + 20 %) ;

n Hewlett-Packard (+ 58,4 %), passé en un an de la sixième à la troisième place en franchissant le cap du million de machines vendues ;

n et Dell (+ 61,4 %), spécialisé dans la vente directe aux entreprises.

Gateway 2000, qui mise sur la vente par correspondance, obtient également, aux Etats-Unis, de très bons résultats.

La micro-informatique devient de plus en plus une industrie de gros volumes de production et de faibles marges. Il ne subsiste plus qu'un seul constructeur indépendant européen : Siemens-Nixdorf.

Les prix de vente des ordinateurs personnels baissent rapidement, sous l'effet conjugué de la diminution du coût des composants, du jeu de la concurrence qui entraîne une guerre des prix, et de l'évolution des méthodes de distribution : stimulés par les performances de Dell et des spécialistes de la vente directe, les constructeurs, tout en gardant leur réseau, ont développé la fabrication à la commande et transféré l'assemblage des PC chez les distributeurs afin de gagner une marge de manoeuvre sur les prix de vente, en réduisant les stocks de machines assemblées (53 ( * )).

Les ventes promotionnelles se multiplient (y compris sur Internet) avec, par exemple, la vogue, l'été dernier, aux Etats-Unis, du PC à moins de 1.000 dollars et, à l'automne 1997, en France, à moins de 5.000 francs, dans la grande distribution.

Tout ceci tend à rendre nettement moins attractif le concept d'ordinateur de réseau (Network Computer), d'autant que sont proposés des ordinateurs personnels simplifiés moins chers (avec des composants moins puissants ...).

Il semble que le ralentissement de 1996 soit dû à un certain essoufflement du marché grand public, notamment aux Etats-Unis où l'industrie doit désormais chercher de nouveaux clients parmi les consommateurs à moindres revenus.

La reprise manifestée depuis le second semestre 1997 est principalement due à une demande soutenue des PME.

Désormais, 20 % des plus petites d'entre elles (de 6 à 200 salariés) possèdent au moins un poste connecté à Internet, selon le dernier rapport de l'AFTEL (Association Française de la Télématique Multimédia).

Le marché des PME est très convoité par les constructeurs informatiques qui développent des offres spécifiques (conseils en organisation, aides à la décision, formation de revendeurs capables d'apporter du service et de la maintenance, opérations de sensibilisation, ...).

Dans « America et Work », un livre interactif diffusé sur le site Internet de Microsoft, il est démontré que ce sont les PME informatisées, capables -grâce à la technologie- de rivaliser avec les grands groupes, qui tirent la croissance américaine.

Pour en revenir au grand public en France, un certain frémissement se fait aussi sentir. Si on en croit les sondages les plus récents, les Français seraient en passe de combler leur sous-équipement en ordinateurs domestiques. Les rayons des grandes surfaces, où se vend désormais un micro-ordinateur sur quatre, ont été dévalisés lors des fêtes de fin d'année en Décembre 1997.

Il s'est vendu quelque 850.000 micro-ordinateurs domestiques en 1997.

Le cabinet d'études GFK prévoyait, avant cette période des fêtes de fin d'année, que le taux d'équipement des familles françaises passerait de 15 % en janvier 1997 à 17 % en décembre 1997 et à 20 % fin 1998. Or, les chiffres publiés au cours du 1 er trimestre 1998 semblent montrer que, depuis Décembre 1997, une famille sur cinq aurait un ordinateur au foyer . La moitié du parc total (soit plus de 2 millions) est désormais équipée de lecteurs de CD-ROM.

Il reste que, trop souvent encore, « l'achat d'un ordinateur multimédia tient de l'aventure » (pour reprendre un titre du Monde du 20 décembre 1997) du fait, notamment, de difficultés d'installation dissuasives.

L'Observatoire européen, précité, des technologies de l'information publie des données intéressantes concernant l'évolution du marché ouest-européen.

Il en ressort des tendances générales à :

n la baisse des ventes des grands serveurs et une augmentation corrélative de celle des moyens et, surtout, des petits serveurs (+ 11 %) ;

n l'augmentation, supérieure à la moyenne, des achats de micros portables (+ 12 %), produits logiciels - logiciels systèmes et logiciels d'application - (+ 9,6 %), services professionnels (+ 8,6 %) et, surtout, services réseaux (+ 14,7 %).

La bataille sur le front des logiciels est de plus en plus acharnée.

Le déploiement d'Intranets (réseaux d'entreprises utilisant la technologie Internet) constitue un enjeu particulièrement important puisque le marché correspondant devrait atteindre 3,13 milliards de dollars (17 milliards de francs) en l'an 2001, pour les seuls logiciels, selon le cabinet IDC.

IBM, Oracle, Microsoft affûtent leurs armes dans cette perspective.

Mais, le développement du commerce électronique sur Internet (voir plus loin) est tout aussi crucial : il devrait faire passer à 210 milliards de dollars en l'an 2000, selon le cabinet Input, le total des logiciels, matériels et services de réseaux.

La concurrence est vive également sur le terrain des logiciels de travail de groupe et de coopération (collecticiels) qui permettent le partage de l'information, l'accès commun à des bases de données et aux agendas personnels, le travail en collaboration sur un même document, etc...

IBM a lancé Domino, adapté à l'architecture Intranet, successeur de Notes, de la Société Lotus, devenue l'une de ses filiales.

De son côté, Netscape propose la technologie Collabra, du nom d'une petite société qu'il a rachetée à la fin de 1995.

Le logiciel de loisirs devient un objet de grande consommation. Les ventes de CD-ROM pour ordinateurs personnels et de logiciels pour consoles de jeu ont passé, en France, en 1997, le cap des 10 millions d'unités écoulées, avec un chiffre d'affaires de 2,8 milliards de francs, en hausse de 30 %. Pour la première fois, il s'est vendu plus de CD-ROM de loisirs, dans notre pays, que de logiciels pour consoles.

Les applications éducatives (grand public ou destinées aux enseignants) et culturelles devraient également se développer fortement.

Au total, il paraît certain que les ventes d'équipements de logiciels et de services pour réseaux (Internet, Intranet ou autres) vont continuer de croître à un rythme très soutenu.

Mais l'avenir du marché de l'informatique dépendra fortement de l'issue des confrontations actuelles entre partisans de standards ouverts et tenants de systèmes propriétaires.

La stratégie de Microsoft consiste, on l'a vu, à garder ses clients captifs en créant des relations exclusives entre ses systèmes d'exploitation (dont sont équipés plus de 90 % des ordinateurs personnels dans le monde) et les progiciels qui en sont dérivés, y compris les navigateurs sur Internet.

L'utilisation du langage Java de Sun permet d'aller à l'encontre de cette démarche en permettant de concevoir des systèmes d'exploitation et des programmes d'application indépendants et adaptables à n'importe quelles machines.

En outre, les applications considérées peuvent être exécutées localement, de façon autonome, par la machine de l'utilisateur, selon des instructions adressées par le navigateur.

Les logiciels écrits en Java ont ainsi l'avantage d'être portables et d'économiser les ressources du réseau.

Les outils nécessaires au développement de programmes Java (compilateurs, interpréteurs, ...) peuvent être téléchargés gratuitement à partir du site Web de Sun qui a mis au point une version bridée et simplifiée de ce langage (Javascript) pour de petites applications (applets), telles que l'animation de pages Web.

Java a, ainsi, vocation à devenir un système de programmation universel, mais Sun, tout en souhaitant en faire un standard ouvert, voudrait pouvoir contrôler la définition de ses spécifications.

La façon dont seront tranchés les débats conceptuels qui divisent le monde informatique ne sera pas sans conséquences sur l'évolution du marché et, en particulier, celui des ordinateurs personnels.

Les ventes de PC sont susceptibles, dans ce contexte, d'être affectées :

n favorablement par :

- la baisse de leurs prix, l'amélioration de leurs performances et de leur convivialité ;

- les retards d'équipement de certains pays, dans les domaines professionnels et grand public ;

n négativement par :

- les possibilités de stocker les logiciels les plus récents sur des serveurs et de les télécharger sur des ordinateurs personnels plus anciens, de façon à économiser les coûts de renouvellement des terminaux et les charges de maintenance correspondantes.

Intranet et Java permettent de faire fonctionner ensemble, en réseau, des machines hétérogènes, ce qui rend moins pressant le besoin de changer sans cesse d'équipement pour s'adapter aux progrès techniques.

D) CONCERNANT L'AUDIOVISUEL

Par comparaison avec les deux marchés qui viennent d'être décrits, celui de l'audiovisuel apparaît, à la fois, comme le plus réduit (309 milliards de dollars, soit deux fois moins que l'informatique et une proportion, plus faible encore, des télécommunications) et le moins dynamique (+ 2,7 % de croissance en 1997).

Ce premier constat doit cependant être nuancé par les considérations suivantes :

n la croissance annuelle du satellite est forte (+ 22,5 % par an depuis 1991) ;

n le câble (+ 6,8 %) et la télévision payante (+ 5,8 %) se développent à un rythme moins soutenu mais supérieur à la moyenne du secteur ;

n les nouvelles technologies numériques n'ont pas encore produit pleinement leurs effets. Elles pourraient sortir du marasme certains segments du marché de l'électronique grand public, tels que ceux correspondant aux ventes de magnétoscopes ou de camescopes... ;

n la vidéo domestique, notamment, l'achat de cassettes enregistrées (+ 12,7 %) continue à progresser (54 ( * )) ;

n l'évolution du marché américain (+ 3,7 % par an de 1991 à 1997) a été plus positive que celle du reste du monde dans lequel se trouvent des pays (notamment la Chine) à potentiel de consommation considérable.

Les Etats-Unis ont ainsi augmenté de 5 points leur part de marché mondial qui est désormais de 27,3 %.

Les ventes d'équipements y ont été tirées par le cinéma à domicile (« hometheater ») et l'audio numérique.

La relative stagnation de l'audiovisuel n'empêche apparemment pas les perspectives d'en être jugées prometteuses, avec l'avènement du numérique, si l'on en juge selon les mouvements stratégiques qui se multiplient dans le monde (acquisitions, fusions, alliances, avec parfois de spectaculaires renversements de situations...).

La transition vers le numérique et la multiplication des chaînes reçues est en marche (le nombre de foyers recevant de nombreuses émissions progresse de 10 % par an dans le monde), on assiste à un repli relatif (notamment au niveau des ressources publicitaires) de la diffusion télévisuelle publique, la vidéo domestique stagne, tandis que malgré le succès planétaire d'un film comme Titanic le déclin de la fréquentation des salles de cinéma n'est pas enrayée (la valorisation de la production cinématographique s'effectue désormais davantage par d'autres moyens).

Les services audiovisuels (215 milliards de dollars) pèsent plus du double des équipements (94 milliards) et progressent légèrement du fait, notamment, de la croissance des abonnements à des chaînes payantes et de l'achat de cassettes enregistrées.

Les exemples du développement de la télévision par satellite et des ventes de matériel haut de gamme aux Etats-Unis ( home theater ) et en France (Son Nicam, Format 16/9) montrent que l'audiovisuel a beaucoup à attendre des évolutions technologiques en cours. Il est à espérer que la mise sur le marché du DVD-vidéo enregistrable et de nouveaux camescopes numériques le confirme.

Mais de nombreuses incertitudes subsistent.

Elles concernent principalement :

n la rentabilité des investissements, souvent considérables, à effectuer ;

n l'adaptation de l'offre de contenus et de services à l'évolution des capacités de diffusion ;

n enfin, l'adoption de normes communes et d'un cadre juridique propices au développement du marché.

n Sur le premier point, les expériences de télévision véritablement interactive ont pratiquement toutes été interrompues pour des raisons, parfois, en partie techniques (complexité des logiciels), mais surtout de nature économique (retour sur investissement non garanti).

Si la compression de données, en multipliant les chaînes transmises par un canal de diffusion (filaire, terrestre ou satellitaire) et l'informatisation des régies de production et d'émission, économisent certains coûts d'exploitation, le « ticket d'entrée » dans la télévision numérique n'en demeure pas moins assez onéreux (achats de matériels de studio, d'encodeurs, de serveurs, location de capacités de diffusion par satellite ou par câble, constitution, surtout, d'un parc de décodeurs susceptibles d'être proposés à la location...).

n Ceci est susceptible d'influer sur l'adaptation de l'offre de contenus et de services à la multiplication des chaînes permise par le numérique.

Cette multiplication, tout d'abord, n'est pas infinie. Les positions orbitales propices à la diffusion par satellite ne sont pas illimitées ; la transition avec l'analogique peut imposer la duplication de certaines émissions (simulcast), mobilisant des plages de fréquences non négligeables.

A priori, la progression de la production de programmes risque d'avoir du mal à suivre celle des capacités de transmission.

Déjà, la négociation des droits concernant les émissions les plus prisées du public (retransmissions d'événements sportifs et de films ou de fictions américains) donne lieu à des surenchères.

L'offre de chaînes thématiques (il y en a néanmoins 97 sur le câble en France) est susceptible d'être freinée par les coûts, susmentionnés, et aussi par les critères de sélection des câblo-opérateurs ou des assembleurs de bouquets satellitaires qui se réfèrent à leurs liens (capitalistiques ou au niveau des régies publicitaires) avec les autres chaînes ou les principaux actionnaires impliqués.

Cependant, la vidéo « quasi à la demande » (diffusion, à intervalles réguliers, des mêmes programmes), le téléchargement de données multimédia, l'offre de services interactifs (paiement à la séance, etc...) ou l'amélioration de la qualité des images transmises, peuvent être des moyens de résorber un éventuel excédent de capacités d'émission.

- La difficulté de parvenir à l'adoption de standards communs ou l'insuffisante adaptation du cadre juridique d'exercice des activités concernées à l'évolution de leur environnement technique, peuvent entraver également le développement du marché.

Il existe actuellement pas moins de trois systèmes de contrôle d'accès (55 ( * )) en Europe qui peuvent être regroupés de deux façons (technologies simulcrypt ou multicrypt) et deux propositions de moteurs d'interactivité (logiciels de pilotage du décodeur).

PRÉSENTATION SOMMAIRE
DES SYSTÈMES D'ACCÈS CONDITIONNEL

Un système d'accès conditionnel est une combinaison :

- d'embrouillage des signaux (qui rend ces derniers inintelligibles) ;

- de cryptage, c'est-à-dire de protection des clés secrètes de désembrouillage ;

- d'émissions d'informations relatives à la gestion des abonnements destinés à vérifier la solvabilité des personnes autorisées à regarder les programmes ou recevoir les données en clair.

Le système utilise donc :

- un algorithme d'embrouillage ;

- des informations

° servant au contrôle des autorisations d'accès (des mots de passe cryptés commandent le désembrouillage des données) ;

° destinées à la gestion des abonnements (cryptées elles aussi, elles subordonnent le désembrouillage à l'acquittement préalable, par les personnes autorisées, des sommes dont elles sont redevables. Elles permettent la tenue à jour des comptes de chaque client).

- des guides électroniques permettant de naviguer et d'opérer une sélection dans l'offre de programmes et de services.

L'interface utilisateur (ou décodeur) intègre les plus puissants micro-processeurs disponibles sur le marché.

n La solution simulcrypt suppose la conclusion d'accords permettant aux abonnés d'un opérateur, d'accéder, par leur décodeur, aux programmes d'un ou plusieurs autres opérateurs. L'utilisateur ne possède qu' un seul boîtier , rendu apte à activer les différents systèmes de contrôle d'accès et de gestion d'abonnements dont les signaux respectifs sont diffusés simultanément ;

n avec la solution multicrypt , les signaux susvisés sont émis séparément. Aux divers systèmes propriétaires d'accès conditionnel correspondent autant de boîtiers différents susceptibles d'être connectés à une interface commune.

Un boîtier simulcrypt peut être raccordé à une interface commune multicrypt.

Concernant les moteurs d'interactivité (56 ( * )), il n'existe pas non plus de proposition unique.

Deux systèmes se trouvent en effet en concurrence :

- Media highway développé, pour Canal +, par la start up française COJYP ;

- et Open TV, proposé en commun par Sun et Thomson Multimédia.

Le forum international de normalisation DAVIC préconise l'utilisation, en la matière, du langage Java et du manipulateur d'objets MHEG.

Outre l'accès conditionnel et le moteur d'activité, le contrôle des fréquences (orbitales ou terrestres) est un enjeu capital, et peut favoriser l'établissement de positions dominantes sur le marché. Or, la révolution numérique s'accompagne de tendances à l'intégration verticale (du producteur au diffuseur) et horizontale (entre différents médias et secteurs d'activité), ainsi que d'une internationalisation des activités audiovisuelles pouvant aboutir à une certaine uniformisation des contenus.

Le cadre juridique de l'exercice de ces activités doit donc être adapté en privilégiant :

n la défense du pluralisme des acteurs et des contenus ;

n la libre concurrence et la lutte contre l'abus de positions dominantes (sans affaiblir les atouts de nos champions dans la compétition internationale) ;

n une préférence pour la régulation, plus appropriée, en raison de sa souplesse, à un contexte marqué par la rapidité des évolutions.

La législation et la réglementation française et européenne paraissent souvent à la fois :

n archaïque (comment appliquer la redevance à la réception de programmes de télévision sur ordinateur ? comment faire respecter des quotas de diffusion en matière de vidéo à la demande ?) ;

n trop contraignante pour ce qu'elles devraient avoir de souple (en matière de concurrence entre le câble, le satellite et le hertzien terrestre, de télévision locale...) ;

n trop laxiste pour ce qu'elles devraient avoir de ferme (concernant la normalisation, dans l'intérêt du consommateur ou les seuils de concentration qui pourraient être appréciés globalement, tous médias confondus, et localement, à l'échelle, par exemple, d'une agglomération...).

n trop dogmatique dans la lutte contre la violence et la pornographie. La puce anti-violence (V-chip)qui sera prochainement implantée dans tous les téléviseurs vendus aux Etats Unis et qui permettra aux parents d'interdire toute projection d'un film violent ou choquant sur le téléviseur familial se montrera certainement plus efficace que la signalisation sur l'écran préconisée par le CSA en France.

Les incertitudes affectant l'avenir de la télévision numérique expliquent à la fois les mouvements d'intégration et d'alliance et les spectaculaires revirements parfois constatés (par exemple, le renoncement de Kirch en Allemagne à son bouquet DF1, sa rupture avec Murdoch, et le départ de Canal + du marché allemand).

Les principaux pôles français dans le domaine de la communication sont constitués par l'ensemble Générale des Eaux-Havas-Canal +, d'un côté, et Hachette, du groupe Matra, de l'autre, qui envisage une alliance dans le multimédia avec France Télécom.

Aux Etats-Unis, des poids lourds de stature mondiale, prêts à exploiter leurs points forts en Europe (dessins animés, documentaires, catalogues de films et de programmes de fiction attractifs) se sont formés ces dernières années par fusion ou acquisition :

n Walt Disney et Capital Cities/ABC ;

n Time Warner et Turner Broadcasting Group, premier groupe de communication de la planète ;

n ou, enfin, Westinghouse qui a acquis le réseau de l'un des plus grands diffuseurs terrestres américains, NBC .

Malgré sa rupture avec Kirch, en Allemagne, puis Echostar, aux Etats-Unis, le groupe News Corp. de Rupert Murdoch poursuit sa stratégie d'expansion mondiale.

Contrôlant BSkyB en Grande-Bretagne, il possède, aux Etats-Unis, les chaînes Fox et s'y est tourné, dans le domaine de la télédiffusion directe par satellite, vers Primestar (qui, bien qu'ayant 1 700 000 abonnés, ne dispose pas cependant de position orbitale de pleine puissance).

Dans la lettre mensuelle de l'audiovisuel et du multimédia qu'il publie, notre attaché à Los Angeles, Philippe Coste, développe les considérations suivantes :

n L'audiovisuel est aujourd'hui pluriel ; il consiste, dans la société de l'information, à entremêler divertissement, communication, diffusion de l'information et du savoir et « téléservices ».

La technologie en est une composante cruciale, et la mondialisation le caractérise : l'international est devenu pour Hollywood un marché plus important que les Etats-Unis.

n L'artiste devient à la fois technicien et, parfois même, comme G. Lucas « industriel » , pour aller jusqu'au bout de sa création et les dérivés de l'« entertainment industry » peuvent se décliner en toute une gamme de produits (posters, T shirts, jeux et cassettes vidéos, animations dans des parcs de loisirs, etc...).

n « Big is beautiful » , pour être un joueur majeur, il faut avoir la masse critique. Même si on continue à affirmer que « le contenu est roi », on cherche à en contrôler le plus largement possible les canaux de distribution (intégration tant horizontale que, surtout, verticale).

S'agit-il de répartir les risques entre les différents maillons de la filière audiovisuelle tout en cherchant à y valoriser des images de marque fortes (Time Warner, Disney...) ?

On peut appeler cela intégration verticale et synergies ou y voir plutôt le signe d'une certaine confusion régnant dans le secteur. Faute de pouvoir contrôler l'évolution de son métier de base, on est ainsi tenté de tout faire... en espérant que, quelque part, on arrivera malgré tout à affirmer un avantage concurrentiel... et à compenser pertes par ici par profits par là.

Cette sorte de fuite en avant implique des besoins de capitaux croissants et a, in fine, une rentabilité médiocre.

Aussi, un besoin de clarification des stratégies se fait-il parfois sentir, avec un délestage d'actifs non stratégiques (cf. TCI, Viacom ou Time Warner) ou un recentrage, dans le multimédia, sur les métiers de base (AOL comme assembleur et diffuseur de contenus, Wordcom sur le marché du transport de données et de la connexion Internet...).

Renouer avec une segmentation des activités pourrait donc s'imposer à terme.

n L'industrie de la communication, que les développements technologiques complexifie davantage, se centre sur la valorisation de portefeuille de droits, plus que sur la production elle-même, qui demeure un maillon stratégique, mais de moins en moins immédiatement profitable.

n La production, la distribution et la diffusion tendent de plus en plus à se recouvrir, s'imbriquer, voire se confondre. Mais pourtant un échelon supplémentaire apparaît en même temps, celui de la programmation, c'est-à-dire de l'assemblage de programmes (bouquets de satellites ou offres de réseaux câblés), indépendante de la diffusion physique proprement dite.

Ce métier d'assembleur de contenus se retrouve aussi dans le multimédia (cf. plus loin les moteurs de recherche et le Webcasting).

Quels sont les axes possibles, l'évolution de la filière audiovisuelle ?

Le cinéma, en diversifiant ses modes de valorisation (merchandising, entertainment) et la télévision, en exploitant les opportunités du numérique (interactivité, démultiplication, globalisation) pourraient retrouver leur identité et leur dynamique spécifiques.

Une autre hypothèse est celle de l'apparition de nouveaux métiers (gestion des droits, programmation), la diffusion tendant, pour sa part, à s'intégrer dans les services de télécommunication.

Mais je reste convaincu pour ma part que, malgré des convergences, le contenu devra être adapté aux différences de terminaux (petit ou grand écran) et de mode de consommation (active ou passive).

La télévision peut être regardée sur un ordinateur ou les pages Web sur un téléviseur, mais à titre accessoire et non principal.

Internet est devenu un nouveau média à part entière, qui justifie la création de contenus et de services qui lui soient essentiellement dédiés.

Ainsi, l'évolution des nouvelles techniques d'information et de communication ne se contente pas de modifier les relations entre les secteurs traditionnels et les activités propres à chacun d'eux, elle entraîne aussi l'apparition de médias et de services nouveaux.

II. DES MÉDIAS ET DES SERVICES NOUVEAUX

A) LES POTENTIALITÉS D'INTERNET

Internet n'est pas à proprement parler un réseau, puisqu'il utilise les moyens de communication existants, mais plutôt le résultat de la conjonction de deux éléments :

n les technologies de transmission de paquets (ensemble de données numériques représentatives d'informations) ;

n des protocoles d'adressage de message (conventions permettant la coopération des équipements hétérogènes des divers réseaux du monde entier).

L'important est que des informations numérisées (textes, sons, voix ou images) puissent ainsi être échangées, via un modem, entre n'importe quels ordinateurs raccordés au réseau téléphonique commuté, ou que ce soit dans le monde.

Internet n'est pas non plus une nouveauté puisqu'il est l'héritier du réseau ARPANET, créé en 1969 par le département américain de la Défense (sa structure décentralisée devait lui permettre de survivre à des destructions partielles en cas de conflit).

Le protocole IP (Internet Protocol) lui-même date du début des années 1970.

Ce sont ses modes d'organisation (décentralisée), de gestion (coopérative), d'utilisation (conviviale et gratuite) qui en ont fait d'abord un media original.

S'y sont ajoutés, ensuite, l'enrichissement de ses contenus (grâce au multimédia et au foisonnement de sites Web) et le perfectionnement des moyens d'investigation correspondants (notamment le langage HTML, les navigateurs et moteurs de recherche...).

Pour s'en tenir aux évolutions futures ou les plus récentes, Internet présente aujourd'hui de nouvelles possibilités : Webcasting et commerce électronique.

B) LE WEBCASTING

A l'origine, les technologies Push (Webcasting, Netcasting ou Cybercasting) étaient destinées à faciliter la recherche d'informations en fonction des centres d'intérêt de l'utilisateur.

Ces informations pertinentes, regroupées à partir de plusieurs sites et livrées au client, selon son profil particulier, ont été ensuite organisées en chaînes thématiques, diffusées en continu et sélectionnées grâce à des options personnalisées.

Internet devient ainsi un moyen d'apporter de l'information et non plus seulement d'aller la chercher et le Webcasting peut être considéré comme un nouveau media à part entière, se rapprochant, par certains côtés, de ses prédécesseurs (radio, TV) qui tendent à devenir, de leur côté, interactifs, mais diffusant des contenus spécialement conçus pour lui.

ABC News, le service d'information continue de Disney, a, par exemple, accepté de produire des chaînes au Format Netcaster de Netscape (technologie Marimba).

Le succès de ce nouveau media associant texte, son et image, suppose toutefois :

- une connexion permanente à Internet (incompatible avec la facturation à la durée des communications locales comme en France)

- une interopérabilité entre les différentes technologies de Netcasting.

Il était, au début, impossible de récupérer des pages diffusées avec les serveurs de Netscape à l'aide du navigateur de Microsoft (jusqu'à ce que ce dernier adapte son format CDF).

L'incompatibilité inverse demeure.

Selon Le Monde du 30 novembre-1 er décembre 1997, il est en effet impossible, par exemple, de visualiser la totalité du site MS-NBC (résultat de l'alliance entre le géant du logiciel et la grande chaîne américaine) avec Navigator 4.

Il paraît essentiel de préserver Internet de cette dérive vers des technologies propriétaires.

C) LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE

Le commerce électronique sur Internet est encore balbutiant quoique déjà non négligeable.

Selon Jupiter communication, près de 15 millions de foyers américains, soit 63 % du total mondial, étaient connectés à un service commercial en ligne en décembre 1996.

America on Line (AOL), premier service en ligne, avec près de 8 millions d'abonnés et un chiffre d'affaires de 1,1 milliard de dollars, était le seul à offrir une interface et un navigateur propriétaires. Il a dû, comme les autres services commerciaux en ligne, s'ouvrir à Internet.

Beaucoup de prestataires sont même passés d'une stratégie d'ouverture à une stratégie d'intégration totale dans le réseau des réseaux.

Le rachat du service commercial de Compuserve, numéro deux des services en ligne américains, a procuré à AOL 3 millions d'abonnés supplémentaires. Celui-ci, devenu la première marque en ligne du Web, se recentre sur son métier de fournisseur et assembleur de contenus, abandonnant à UUnet la gestion de ses infrastructures de réseaux. Poursuivant son expansion, AOL entend fournir non seulement de l'information mais du divertissement (ce en quoi Microsoft a échoué) et diversifier ses sources de revenus (publicités, abonnements, commissions sur transactions...).

Après avoir lancé, durant l'été 95, son réseau MSN (Microsoft Network), comme un service propriétaire en ligne, la firme de Seattle s'est rapidement tournée, elle aussi, vers le Web, pour devenir un gros fournisseur d'accès Internet, avec quelques services interactifs en plus.

Ayant échoué dans sa stratégie tendant à positionner son site dans le domaine du divertissement, Microsoft s'est lancé dans les guides de proximité (genre Pariscope de grandes villes américaines), en espérant en faire des points d'entrée dans ses sites commerciaux Expedia (voyages) Carpoint (vente de voitures) Cinemania (films) et Music Central (pour les CD).

Les réseaux tels qu'AOL ou MSN, subissent la concurrence des moteurs de recherche comme Yahoo, Hotbot, Excite, Infoseek, Lycos financés par la publicité (57 ( * )), dont les sites sont parmi les plus visités du Web, parce qu'ils peuvent offrir, gratuitement, des services comparables.

Cependant, les moteurs de recherche, points de passage obligés sur Internet, ne se contentent plus désormais des seuls revenus publicitaires : ils entendent toucher une commission sur les ventes en provenance de leur site, tirant ainsi parti de l'explosion actuelle du commerce électronique.

Les sites de vente en ligne sur Internet sont de plus en plus nombreux, essayant de satisfaire à la règle des 3C (Cost, Convenience, Choice), en offrant des articles moins chers, plus variés, faciles à commander.

De nombreuses galeries marchandes virtuelles (Cybermall) se sont développées, réussissant à se faire connaître et à prospérer.

Après les livres et les disques, ce sont certainement les ventes de voyages qui connaissent le plus grand succès.

Les progrès en cours dans les domaines de l'assouplissement de la réglementation de la cryptographie et de l'utilisation de cartes à puce autorisent les plus grands espoirs quant à un réel essor à venir du commerce électronique sur Internet :

Concernant le cryptage, le souci d'en élargir la diffusion des méthodes, afin de renforcer la confidentialité des transactions, indispensable au développement du commerce en ligne, doit être concilié avec les préoccupations des pouvoirs publics de défense nationale et de lutte contre les réseaux internationaux de malfaiteurs.

Les puissances étrangères ne doivent pas pouvoir accéder aux techniques de chiffrement des services secrets nationaux ni les trafiquants, terroristes ou délinquants en tout genre, utiliser des procédés inviolables pour communiquer à l'insu des autorités.

Les logiciels de navigation d'outre-Atlantique proposent des options de cryptage utilisant des clés de 128 bits, plusieurs milliards de milliards de fois plus résistants.

Il s'agit d'un assouplissement de la position officielle américaine initiale. Même si des « hackers » parviennent à déchiffrer des messages codés, ils ne peuvent pas le faire pour les millions de transactions simultanées.

Afin de contourner les règles américaines, Sun Microsystems a sous-traité à une petite entreprise russe le développement d'un système de cryptage doté de clés allant de 56 à 128 bits qu'il compte diffuser internationalement.

En France, les décrets publiés au J.O., le 25 Février 1998, définissent l'utilisation et les conditions d'usage des moyens de cryptologie pour protèger les données.

Un système de « tiers de confiance », dont les Etats-Unis paraissent vouloir s'inspirer, après l'échec de leur projet de « clipper chip » (58 ( * )) a été prévu (mais imagine-t-on la mafia déposer ses clés de cryptage chez de tels intermédiaires) ?

Pour favoriser le développement du commerce électronique, il est important, dans ce domaine de la cryptologie, que des accords cohérents et compatibles soient rapidement conclus entre les principaux pays qui joueront un rôle essentiel dans cette nouvelle économie.

Par ailleurs, sont proposés et testés des projets tendant à adapter au commerce électronique sur la toile, les systèmes de paiement couramment utilisés dans les magasins affiliés aux réseaux de cartes bancaires.

Deux propositions françaises rivales s'affrontent. Elles ont en commun de se référer à un protocole de transactions sécurisées (SET), soutenu par IBM, Microsoft, Hewlett-Packard... et de prévoir l'utilisation de cartes à puce, domaine d'excellence nationale.

n Le premier consortium, qui comprend Bull , le Crédit Agricole et d'autres banques, a adapté SET pour en faire un standard, C. SET, qui prenne pleinement en compte les atouts des nouvelles puces. Son projet Europay propose une chaîne de commerce, sécurisée de bout en bout, qui assure, d'une part, le cryptage, par la puce, de la transaction, et, d'autre part, des liaisons avec les serveurs et le catalogue électronique du commerçant, ainsi que la banque du client (dont l'identité et la solvabilité peuvent être vérifiés).

Les achats s'effectuent par l'intermédiaire d'un petit terminal (Pin-Pad), fabriqué par Bull, doté d'un lecteur de carte, connecté à l'ordinateur du client et relié, à travers le réseau, aux sites des commerçants en ligne.

n Le deuxième ensemble, E - Comm, regroupe notamment IBM et Microsoft et, côté bancaire, la BNP, la Société Générale, le Crédit Lyonnais...

Il se montre moins ambitieux et plus pragmatique que son concurrent, restant entièrement fidèle à la norme SET.

En juin 1998, France Telecom et le consortium E-Comm vont lancer un nouveau système de micropaiement.

Développé par Cap Gemini sur le standard international SET, le nouveau dispositif distribuera au client (et au commerçant) une fois pour toutes un certificat d'authentification à installer, sous forme logicielle, dans l'ordinateur utilisé pour commercer sur Internet, en faisant de tout petits achats.

En fin de mois ou au delà d'un plancher, la facturation reprenant chaque paiement à l'acte sera alors déclenchée par un intermédiaire.

Dans le cadre de l'accord France Telecom- E.Comm, France Telecom jouerait ce rôle d'intermédiaire et facturerait les clients directement sur leurs notes de téléphone.

L'identification du porteur de la carte, à piste, se fait une fois pour toute par l'intermédiaire d'un serveur d'accréditation.

Celle-ci n'est utilisée, en quelque sorte, que comme un moyen d'obtenir la signature de l'acheteur.

L'utilisation du langage Java fait l'unanimité. Il permet de télécharger de nouvelles applications, d'envisager des cartes multifonctions, interopérables...

Jusqu'ici, les fabricants de cartes développaient un logiciel d'application spécifique pour chaque client. Avec Java, il devient non seulement possible de faire évoluer le programme de la carte à n'importe quel moment, mais aussi d'ajouter ou d'ôter à la demande de nouveaux logiciels d'applications. Les cartes à puce de tous les constructeurs vont, en outre, devenir compatibles.

Ainsi, la carte à puce de demain ne se contentera plus de manipuler des données. Elle deviendra une véritable machine à traiter de l'information, grâce aux instructions écrites en langage Java, téléchargées dans des mémoires flash, réinscriptibles, aux capacités de plus en plus fortes (bientôt 64 kilooctets) et exécutées par des microprocesseurs de plus en plus puissants (32 bits).

Les technologies correspondantes sont développées dans le cadre de programmes européens (projet Cascade du programme Esprit pour les microprocesseurs et projet Eurêka Medea).

Les enjeux en sont majeurs. Il s'agit, en effet :

n de préserver et d'exploiter l'un des rares points forts français et européen (Gemplus est le leader mondial de la carte à puce) dans le domaine des NTIC.

n de prendre position sur des marchés considérables : plus de 10 milliards de francs à l'aube du XXI e siècle pour le marché européen de la carte à puce (2,8 milliards en 1996), qui représente aujourd'hui la moitié du marché mondial et devrait croître de 50 % par an les prochaines années.

Ø Quant aux ventes sur Internet, leur total devrait atteindre 66 milliards de dollars en 2000, dont 7 milliards pour les ventes directes au consommateur, selon Forrester Research.

Avec l'explosion aux Etats-Unis du commerce électronique, la question du respect des droits d'auteur sur le Web devient cruciale.

Certains éditeurs se sont spécialisés dans la protection d'oeuvres musicales (Aris Technologies) ou photographiques (Digimarc Corporation). Cette dernière a développé un logiciel de marquage permettant de coder, de manière invisible, toute image soumise au copyright. Cette technique dite du «watermarking» (ou filigranes numériques) permet d'identifier le propriétaire d'une photographie et en interdit la modification.

La société propose également un service, Marcspider, qui permet de conserver la signature du propriétaire et donc de repérer les « voleurs d'images ».

L'image est, du reste, l'un des domaines dans lesquels les NTIC permettent l'apparition de produits entièrement nouveaux.

D) DES IMAGES INÉDITES

Le sénateur Claude HURIET vient de rédiger, au nom de l'OPECST, un rapport consacré aux images de synthèse, dont la réalité virtuelle constitue l'application la plus élaborée et la plus spectaculaire.

Le marché est encore peu organisé du fait d'une offre très créative mais un peu anarchique et d'une demande rare et prudente.

Il suscite toutefois la création de nombreuses start-up autour d'une idée et de quelques ingénieurs talentueux et motivés. Il est possible d'y réussir sans gros capital (par rapport aux investissements de l'ère industrielle), ni effectifs importants, comme en témoigne l'exemple, cité par Claude HURIET, de la société Visiotics, qui a réussi à prendre une part significative du marché de la simulation de practice de golf avec un produit conçu et fabriqué par une équipe d'une vingtaine de personnes.

La réalité virtuelle, à la pointe du progrès technologique, est cependant encore chère.

Le marché mondial (206 millions de dollars en 1995), à moitié américain, en est réparti entre un tiers de jeux et deux tiers d'utilisations professionnelles (design, visualisation des bases de données...). Il devrait croître de 40 % par an pour dépasser le milliard de dollars en 2001 selon le cabinet OVUM.

Un autre segment, bien identifié, du marché des images de synthèse, est celui de la simulation (Formation au pilotage d'avions, à la conduite de véhicules, applications militaires, etc...) qui atteignait 1,260 milliard de dollars en 1997.

Concernant les jeux, grands utilisateurs d'images de synthèse, ils représentent les deux tiers des ventes de logiciels multimédia aux Etats-Unis et un marché mondial d'environ 100 milliards de francs (consoles + CD-ROM).

S'agissant des images en trois dimensions (3 D) et des effets spéciaux, l'exploitation de leurs possibilités est, en grande partie, à l'origine de la création, la première à Hollywood depuis plus de 50 ans, des studios Dreamworks par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen.

Un milliard de dollars y ont été investis, et un autre milliard emprunté en vue, notamment, de la construction à Los Angeles d'un immense complexe technologique (projet Playa Vista), d'un coût total de l'ordre de 7 milliards de dollars.

L'inévitable et omniprésent Microsoft se positionne bien sûr sur ce créneau du graphisme par ordinateur et de l'animation 3 D, ayant racheté la société spécialisée Softimage, qui travaillait avec des stations de travail, sous Unix, de Silicon Graphics, et porté ses logiciels sur le système d'exploitation Windows NT.

L'arrivée, pour l'an 2000, des puces dépassant les fréquences du Gigahertz (Ghz) va profondément bouleverser le monde du virtuel.

Au niveau de la distribution, il existe des marchés du cinéma panoramique et du cinéma dynamique, où l'offre, à fort contenu technologique, a longtemps créé la demande. Le canadien Imax possède plus de 150 salles dans 22 pays (350 millions de dollars de recettes) et projette d'en construire 50 autres, dont 12 en 3 D, en Amérique (réseau Cinémark). La tendance est à la création de multiplexes, centres de loisirs.

Ainsi, les technologies de l'information et de la communication font mieux que de concurrencer les activités des secteurs traditionnels concernés, elles leur ouvrent de nouvelles perspectives, permettent de circonvenir la saturation de leurs débouchés.

Elles créent des activités et des métiers entièrement nouveaux et enclenchent une dynamique de croissance et d'emploi.

E) QUEL PARTAGE DE LA VALEUR AJOUTÉE ?

Deux îlots de relative certitude me semblent émerger de l'océan d'inconnues qui inonde les horizons de la société de l'information : l'avenir appartient à ceux qui savent anticiper et se placer le plus avantageusement dans la chaîne de la valeur ajoutée des biens et services multimédia.

1. Savoir anticiper

n Au niveau du contenu, dont on continue à dire qu'il est roi, «le multimédia peine à trouver sa rentabilité - constate Philippe Coste dans sa lettre précitée de l'audiovisuel et du multimédia - aucun type d'outils, de contenus ou de services multimédia ne rapporte, à ce stade, de l'argent».

Hors ligne, les ventes de CD-ROM multimédia pour ordinateurs et consoles de jeux ont progressé fortement, en volume en 1996 (+ 74 %), aux Etats-Unis, pour atteindre 2,5 milliards de dollars. Mais 6 % seulement des titres, hors jeux, seraient rentables selon une étude de Dataquest et 4 % seulement des éditeurs gagneraient de l'argent. La société Pixar, bien qu'ayant vendu plus d'un million de titres, s'est retirée de ce secteur, le jugeant incertain, pour renforcer ses activités dans le domaine de l'animation.

En ligne, peu de sites web gagnent de l'argent. Bien que de plus en plus populaires, les jeux nécessitent des investissements coûteux (plusieurs millions de dollars pour l'ouverture d'un site), ne rencontrent pas un public suffisamment nombreux pour faire des bénéfices et subissent la concurrence des acteurs de l'édition électronique qui proposent des services gratuits.

La partie «divertissement » du site de Microsoft, d'abord accessible gratuitement, n'a pas connu le succès escompté.

Beaucoup de fournisseurs américains d'accès à Internet fournissent à perte le service d'abonnement sans limitation de temps (flat rate).

Dans le domaine du commerce électronique, il est vrai en forte croissance, le chiffre d'affaires des ventes en ligne (1 milliard de dollars fin 1997), représente, selon Forrester Research, à peine un peu plus de un pour mille de celui du commerce traditionnel.

En outre, il existe une forte concurrence entre les moteurs de recherche, qui font peu de bénéfices, et les services en ligne traditionnels, les uns comme les autres tendant à accroître leurs recettes publicitaires (59 ( * )) et à prélever une commission sur les transactions, au détriment des commerçants. Un bon contenu ne suffit pas pour réussir, il faut aussi soit offrir un service rare et recherché (livres et disques anciens...), soit avoir une marque connue du grand public, soit s'afficher sur un site générateur de trafic. Les marchands sont ainsi prêts à payer cher, par exemple, le privilège de figurer dans l'offre d'AOL.

Au total, les valeurs boursières tant de l'entertainment industry que du multimedia sont désormais sous haute surveillance.

«La rentabilité des entreprises de ces secteurs est souvent calamiteuse ou, au mieux, médiocre» - écrivait Philippe Coste en mai 1997. Selon Standard et Poor's, « le secteur de l'audiovisuel, malgré la flamboyance de ses dirigeants et une croissance continue de ses recettes, n'arrive qu'au 27 e rang des secteurs de l'économie américaine en termes de rentabilité, c'est-à-dire au même niveau que la distribution d'eau... ».

Quant au cinéma, on l'a vu, le retour sur investissement pourrait y être négatif en 1997, pour les studios, et la rentabilité des capitaux investis n'y a été, de 1993 à 1996, que de 5 %, les coûts continuant à y augmenter nettement plus vite que les recettes (notamment en raison du déluge d'effets spéciaux dans les dernières productions).

Pourtant, écrit Philippe Coste, « il y aura, cela est sûr, une forte croissance des marchés et beaucoup d'argent à gagner dans les années à venir dans les secteurs non seulement de l'audiovisuel mais aussi du multimédia... ».

Où et comment ?

« L'avenir appartiendra à ceux qui s'inscrivent dans une vision à long terme » et pas nécessairement aux plus créatifs, aux plus riches ou à ceux qui maîtrisent le mieux les nouvelles technologies.

Ce qui compte c'est la valeur à long terme des contenus et la capacité à les exploiter de toutes les façons.

Ce dont a surtout besoin le multimédia, c'est de temps, pour construire ses actifs et capter et fidéliser une clientèle.

Les intermédiaires, assembleurs de contenus multimédia en ligne ou audiovisuels, sur le câble et par satellite, éditeurs de programmes, détenteurs et gestionnaires de droits, risquent de jouer un rôle clé.

« Paradoxalement - conclut notre attaché audiovisuel à Los Angeles - l'entertainment, alors qu'il est traditionnellement associé à l'éphémère, apparaît aujourd'hui comme une industrie qui doit se jauger à l'aune du long terme ».

n Au niveau des équipements, je crois, tout d'abord, concernant les terminaux, que l'avènement et la généralisation de la reconnaissance vocale (et dans une moindre mesure de celle de l'écriture) sera l'un des phénomènes majeurs des prochaines années.

Mais je doute que le concept d'ordinateur de réseaux (NC) parvienne à se concrétiser sur les réseau des réseaux tout au moins tant que les hauts débits ne seront pas accessibles à chacun, étant donné la tendance générale à la baisse des prix de vente des ordinateurs personnels (sous les effets de la baisse des coûts des composants et de la concurrence). Par contre ce concept de Network Computer pourrait faire une percée remarquée dans les Intranets.

La qualité de l'image et du son sera peut-être le meilleur moyen pour l'audiovisuel et l'électronique grand public traditionnels de maintenir leur spécificité et de résister à l'intégration dans l'informatique multimedia, sans que cela empêche toutes sortes de métissages et d'hybridation aux niveaux des contenus comme des terminaux.

Tout ce qui concerne les réseaux (infrastructures, équipements de raccordement, d'interconnexion) devrait demeurer stratégique, notamment les serveurs et les modems.

n S'agissant des logiciels, il ne faut pas rejeter, à priori, la victoire finale de Java, malgré la résistance de Microsoft (dont Explorer aurait presque rattrapé, à la fin de 1997, le Navigator de Netscape ) parce qu'elle est conforme à l'intérêt de la majorité des industriels, comme des utilisateurs, de l'informatique.

La création de systèmes d'exploitation, désormais ouverte à tous, et l'édition de logiciels sont, je le répète, des domaines où la puissance est déconnectée du nombre.

Il est possible d'y faire fortune avec une mise de fonds et des ressources humaines initialement réduites.

Il n'y a, en effet, pas de limites à la diffusion d'un logiciel alors qu'il y en a, par exemple à l'activité d'une société d'ingénierie et de conseil en informatique (le nombre d'heures d'ingénieurs et leur coût, la clientèle et ses ressources...).

2. Le déplacement de la valeur ajoutée

« La société du XXI e siècle sera orchestrée par les services de communication » -a écrit le directeur du CNET, Michel Feneyrol- qui prévoit une migration et nouvelle segmentation de la valeur ajoutée dans les industries de la communication.

« Les réseaux ne sont que des supports - poursuit-il - et la valeur première apportée au client est constituée par les services ».

La nouvelle segmentation de la valeur ajoutée devrait se traduire par une moindre hégémonie des communications vocales et téléphoniques, une désolidarisation réseaux-services, les exploitants devant s'efforcer de remonter vers l'intégration de réseaux et les couches logicielles des services, pour tirer leur épingle du jeu.

En bref, ils ont intérêt à s'orienter vers des services toujours plus riches en valeur et mieux différenciés en fonction des clientèles.

La métaphore des « autoroutes de l'information », critiquable par certains côtés, a l'avantage de bien fixer les idées sur ce point : la valeur du contenu (les marchandises) et des services (leur livraison à des personnes distinctes, en divers lieux, selon des trajets différenciés) est infiniment supérieure à celle des infrastructures, des camions et même du carburant utilisés. Il suffit d'additionner, d'un côté, le péage, l'essence et l'amortissement du camion et, de l'autre, la valeur des objets transportés et le prix du service rendu pour comprendre la différence.

A mon avis, la valeur ajoutée, dans la société de l'information, devrait se déplacer en aval des infrastructures, des équipements et des données de base, vers tous les services personnalisés permettant de les exploiter.

Ainsi, la concurrence aidant, l'importance relative des coûts de l'utilisation des réseaux, de la fourniture des terminaux et de l'information de base, devrait décroître au profit de celui de l'expertise qui autorise à en tirer profit.

Bien sûr, il faut amortir les investissements que nécessitent la construction de réseaux haut débit et de terminaux multimédia, la mise au point de logiciels de navigation ou de moteurs de recherche, la constitution de bases de données, mais la prise en charge des dépenses correspondantes sera de plus en plus répercutée en aval, dans la chaîne de l'information, à travers la rémunération des services à valeur ajoutée.

L'information de base, le terminal, l'utilisation du réseau devraient être vendus au prix coûtant, voire moins cher, sur une base forfaitaire ; l'emploi d'un navigateur, ou du langage de programmation Java, de même (faut-il payer pour se servir d'une carte routière ou d'une boussole ou pour parler une langue ?).

En revanche, les créateurs de systèmes d'exploitation ou de logiciels apportant une valeur ajoutée dans l'exploitation de l'information (agents et réseaux intelligents), les auteurs de contenus ou initiateurs de services méritent une plus haute rémunération.

Sans eux, les machines seraient inertes, les informations introuvables, le client insatisfait ou inexistant, les autoroutes désertes et les camions immobilisés ou vides.

La société de l'information est complexe. Elle va donc engendrer, on l'a vu, le besoin de nouvelles connaissances ou expertises (assemblage de programmes, édition de contenus, gestion de droits) afin, non seulement, de donner de la valeur aux données de base recueillies mais de mieux organiser les activités correspondantes.

Les trois facteurs essentiels qui donneront toute sa valeur à la société de l'information qui sous nos yeux se développe sont les contenus, le commerce électronique mais aussi les communautés qui seront des ensembles de plus en plus pertinents.

La complexité de la société de l'information résulte, on l'a vu, pour une part importante, du foisonnement de techniques et de normes qui la caractérisent, d'où le succès de toutes les tentatives de faire communiquer entre eux équipements et systèmes hétérogènes : le codage numérique, le protocole Internet et bientôt Java, qui est aux logiciels de Microsoft, en informatique, ce que l'espéranto est à l'anglais, comme langage universel.

* (50) Dont les statistiques n'incluent ni l'audiovisuel, ni l'électronique grand public.

* (51) Les routeurs sont des ordinateurs assurant des transferts d'informations (aiguillage) dans les réseaux de transmission de paquets.

* (52) La commutation permet la connexion et l'acheminement de bout en bout d'une communication le long d'un circuit.

* (53) Les stocks de composants remplacent les stocks de PC. Le nombre de modèles standards est réduit.

* (54) En à peine quinze ans, ce marché a atteint et dépassé 10 % du marché mondial de l'audiovisuel (35 milliards de dollars, soit le triple des recettes des salles de cinéma) Les magnétoscopes, camescopes et lecteurs de vidéodisques représentent pour leur part, malgré la stagnation de leurs ventes, le tiers environ d'un marché des équipements audiovisuels grand public (94 Mds de $), beaucoup plus important que celui des équipements professionnels (environ 4 Mds de $).

* (55) Mediaguard (Canal +), Irdeto (Nethold), Viacess (France Telecom), successeur du visiopass analogique à la norme Eurocrypt. Aux Etats Unis, tous les systèmes satellitaires sont propriétaires. News Data Com du groupe de Rupert Murdoch est celui utilisé par Direct TV.

* (56) Système d'exploitation logiciel du terminal interactif. Il télécharge l'application de la mémoire du décodeur, l'exécute et lui donne accès aux ressources de ce dernier (activation du processeur, de la télécommande, de la voie de retour).

* (57) Les grands annonceurs traditionnels tels que American Express, Procter et Gamble commencent à faire leur apparition sur le Net. Le chiffre d'affaires de la publicité sur Internet est d'environ 130 millions de dollars et devrait avoisiner 5 milliards en l'an 2000.

* (58) Puce permettant de reconstituer en clair tout message codé sur requête, justifiée, des autorités.

* (59) Le chiffre d'affaires de la publicité sur Internet avoisine 130 millions de dollars, ce qui est encore peu.

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