Audition de Philippe-Olivier ROUSSEAU

Membre du CSA en charge des technologies nouvelles

Résumé : Développer l'utilisation des NTIC dans le monde éducatif suppose une réflexion approfondie sur les moyens les plus appropriés à employer si l'on veut éviter les erreurs du passé ; ainsi, cette utilisation suppose que l'on définisse un projet éducatif global autour de la manière de les employer eu égard aux structures et mentalités existantes ; d'autre part et du fait de l'introduction des NTIC, on ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion autour des rapports entre l'école et son environnement, notamment les entreprises ; il faut d'ores et déjà encourager et multiplier les initiatives et expérimentations locales en partenariat avec les entreprises ; le retard très inquiétant pris par ces dernières, en France, dans l'utilisation des NTIC ne laisse pas d'inquiéter ; il faut trouver les moyens de développer cette utilisation.

1. Je suis, au-delà des mes fonctions au CSA , membre du conseil d'administration du CNED, qui est le premier centre de télé-enseignement d'Europe et le premier centre de ce type de la francophonie, et co-responsable d'un programme de la Banque Mondiale intitulé « Information for development ». Il y a, dans ce programme, trois entités :


• le management, qui est celui de la Banque Mondiale ;


• les donateurs, qui sont soit des Etats soit des sociétés (IBM ; Motorola ; ...) ;


• un comité consultatif, dont je suis responsable, chargé de formuler des recommandations sur l'évolution de ce programme ;

Ce programme a une vue globale de toutes les actions, en particulier les actions pilotes que le fonds a décidé d'aider : l'Education vient au premier rang ;

Les NTIC et l'Education :

Il faut essayer de voir la manière dont le monde éducatif en général peut utiliser et peut faire siennes les nouvelles technologies, ainsi que la manière dont le monde éducatif, avec ses structures existantes et susceptibles d'évoluer, va enseigner ces nouvelles technologies : il faut absolument avoir une dialectique entre ces deux choses parce qu'il serait, en termes d'efficacité, extrêmement réducteur de vouloir introduire, a fortiori de force, ces nouvelles technologies sur des domaines que l'on a enseignés depuis un ou deux siècles ;

En d'autres termes, s'il est très intéressant d'utiliser les NTIC pour les mathématiques, la littérature et le droit, il faut en parallèle mener une action, définir un projet éducatif plus global autour des NTIC ;

L'idée de faire, comme souvent la France aime bien cela, un grand plan national unique non seulement en ce qui concerne l'équipement (réseaux et terminaux) mais aussi en ce qui concerne les programmes et la manière d'introduire ces technologies, serait une erreur ; et ce pour deux raisons simples :


• nous pressentons que les NTIC auront un impact majeur sur l'Education ; mais, sur la manière précise dont cet impact va se produire, nous n'en savons rien ; il faut donc rester d'une grande modestie et se garder de toute généralisation hasardeuse ;


• l'introduction des NTIC dans le monde de l'Education posera inévitablement la question des rapports entre l'école et son public naturel, les enfants, et son public indirect, les parents, et puis celle des rapports entre l' école et son environnement immédiat, à savoir l'entreprise, les autres services publics et la société ;

Une modeste recommandation pourrait être la suivante : l'Etat, qui a un rôle évident d'initiative à jouer doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour susciter et pour aider les initiatives locales ;

Sans vouloir faire le procès de l'Education nationale, je crois qu'il est absolument nécessaire de multiplier les expériences en partenariat, et plus particulièrement en partenariat avec les entreprises ; il faut développer les expérimentations en leur gardant un coeur, qui est l'école, mais en même temps, en profiter pour faire l'école « hors les murs » par des partenariats avec des entreprises ; de même, s'il faut profiter de ces nouvelles technologies pour promouvoir la langue française, le marché étant mondial, il faudra bien se résoudre à avoir un curriculum (des cours) en langue française mais aussi en d'autres langues ;

Il faut que les écoles disposent des équipements nécessaires à leur connexion, c'est évident, mais surtout qu'on les laisse prendre l'initiative des projets plutôt que de leur imposer ; ceci dit, la clé des changements espérés résidant dans le corps enseignant, il faut éviter la coercition et les recommandations du genre « c'est comme cela et pas autrement » ou « on va vous apprendre comment modifier vos habitudes pédagogiques avec ces techniques »,... Ceci ne marchera pas ; il faut partir résolument modeste mais néanmoins très déterminé ;

3. Les entreprises : il y a, et je ne m'explique pas très bien pourquoi, un retard vraiment considérable dans notre pays pour l'utilisation par les entreprises du courrier électronique ; or, je suis persuadé,


• que cette utilisation est la clé d'une meilleure productivité ;


• que pour réformer le mode de fonctionnement interne des entreprises, ces nouvelles technologies sont capitales: cela peut permettre de faire « sauter » un certain nombre de relations hiérarchiques, d'échelons inutiles ;


• que ce la modifie également de manière assez substantielle le rapport entre l'entreprise et son environnement : fournisseurs, clients, concurrents ;

Or, il apparaît de plus en clairement aujourd'hui que si, aux Etats-Unis par exemple, il n'y avait pas eu le développement de l'économie immatérielle que l'on sait depuis 1992, le cycle de progression de l'économie traditionnelle aurait été beaucoup plus lent ; or, la France accuse à cet égard un retard considérable et très inquiétant ; ces nouvelles technologies sont sources d'emplois nouveaux : sans parler de ceux qui en vivent très bien grâce aux « stock options », un « cyber salariat » se développe grâce aux NTIC, mieux rémunéré que la moyenne ;

Il faut donc trouver le moyen de combler ce retard, notamment en continuant à faire décroître les tarifs , en général, du téléphone, avec, peut-être à terme, une double tarification , c'est-à-dire une pour les services de téléphonie et de télécommunications classiques, et l'autre pour Internet ; de même, il faut favoriser autant que faire ce peut les infrastructures dites alternatives (câble, satellite, fréquences terrestres) sans oublier de continuer à développer les réseau téléphonique classique ;

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