CONCLUSION

Au terme de ce rapport, sur un sujet délicat, que votre rapporteur a tenté d'aborder avec la plus grande objectivité, la France apparaît donc, aujourd'hui, à l'heure des choix :

- choix de société
, car l'inquiétude des consommateurs est grandissante. Les pouvoirs publics ont le devoir d'assurer une meilleure information des citoyens et de permettre une plus grande transparence. La liberté de choix doit être assurée. Dans le contexte international actuel de libéralisation des échanges, la sécurité alimentaire doit demeurer un critère intangible. La France doit rester fidèle à sa politique de sécurité et de qualité en la matière.

- choix de développement, aussi, tant pour l'agriculture que pour les industries de l'aval alimentaire ou pour le secteur des biotechnologies. La mise en place d'un dispositif légal et réglementaire rigoureux doit en encadrer le développement. Dans ces conditions, la France doit se donner les moyens de faire valoir ses atouts, nombreux, dans le domaine des sciences du vivant. Il y a en la matière des retards qui ne se rattrapent pas.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 mai 1998, la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Jean Bizet sur les organismes génétiquement modifiés.

M. Jean Bizet, rapporteur, a tout d'abord présenté les conclusions de son rapport. Puis, un débat s'est instauré.

Répondant à M. Jean François-Poncet, président, qui l'interrogeait sur les modifications génétiques apportées au tabac, M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué que cette espèce faisait l'objet de plusieurs modifications, en raison de la simplicité de son génome par rapport à d'autres espèces.

M. Francis Grignon, constatant le retard économique important de l'Europe sur les Etats-Unis en biotechnologie, a rappelé que la différence en termes de produit intérieur brut (PIB) par habitant était de 30 % entre ces deux continents. Il a souhaité savoir si ce retard touchait également le niveau de la recherche européenne.

En réponse, M. Jean Bizet, rapporteur, a souligné la qualité de la recherche fondamentale française en la matière, notre pays consacrant 2,4  % de son PIB à la recherche. Il a estimé que le retard européen résultait d'une approche culturelle peu favorable à la symbiose entre les mondes de la recherche, de l'industrie et de la finance.

M. Alain Pluchet a ensuite souligné l'intérêt et la qualité du rapport présenté à la commission. Il a rappelé que ce sujet difficile revêtait une importance toute particulière, la France étant aujourd'hui à l'heure des choix.

Après avoir à son tour félicité le rapporteur, M. Louis Moinard a décrit les peurs qui se dressaient dans l'opinion publique au sujet des OGM. Il a jugé que les contrôles scientifiques étaient peu perçus du grand public. Il a également estimé urgent une clarification en la matière, les incompréhensions demeurant fortes.

M. Jean Bizet, rapporteur, a considéré que les craintes actuellement exprimées tenaient en grande partie à l'approche culturelle de l'alimentation qui prévalait en Europe, ainsi qu'à l'angoisse de la société française, qu'il a qualifiée de " société d'inquiétude  ". Il a rappelé qu'aucune explication n'avait été proposée au grand public alors que, notamment pour le maïs transgénique récemment autorisé en France, la procédure d'autorisation -dont il a indiqué les différentes étapes- avait duré plus de dix ans. Il a souhaité que la conférence de consensus contribue à une meilleure information du public. A ce propos, il a proposé une " déclinaison régionale " de ce type de débat. Revenant sur la rigueur de la procédure d'autorisation, il a estimé que si la pomme de terre ou le kiwi devaient aujourd'hui être autorisés comme nouveaux aliments dans l'Union européenne, il n'était pas sûr qu'ils rempliraient l'ensemble des critères d'évaluation scientifique requis pour les OGM.

Revenant sur la question du transfert des biotechnologies aux pays du Sud, M. Jean Bizet, rapporteur, a souhaité que celui-ci soit organisé sous l'égide de la Food and agriculture organisation (FAO), organisation des Nations unies chargée de l'alimentation et de l'agriculture.

M. Désiré Debavelaere a rappelé les traumatismes qu'avaient provoqués, récemment, les affaires du veau aux hormones et de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Il a craint que l'ingénierie génétique n'ouvre une nouvelle " boîte de Pandore ", évoquant à ce propos les interrogations suscitées par ces techniques, au sein même du monde scientifique. Il a insisté sur la méfiance des consommateurs et l'inquiétude qu'elle éveille chez les industriels de l'agro-alimentaire. Il a indiqué, à titre d'exemple, que les professionnels de la transformation sucrière, s'opposaient, pour cette raison, à toute modification génétique de la betterave.

En réponse, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est inscrit en faux contre tout amalgame entre les organismes génétiquement modifiés et les récentes affaires de sécurité alimentaire. Il a rappelé que l'expérience américaine en matière de consommation d'OGM, plus ancienne que celle de l'Europe, n'avait pas fait apparaître des conséquences négatives avérées sur la santé humaine.

M. Jean Pourchet a indiqué les problèmes que posait, dans sa région, l'accroissement du nombre de campagnols terrestres. Il a interrogé le rapporteur sur les solutions que la transgénèse végétale serait susceptible d'apporter en la matière.

En réponse, le rapporteur a estimé qu'il était sans doute imaginable de mettre au point, à l'avenir, des végétaux contenant des substances répulsives pour tel ou tel type d'animal, comme cela était déjà le cas en ce qui concerne les maïs résistants à la pyrale.

A ce sujet, M. Jean Bizet, rapporteur, a insisté sur l'économie que permettaient de réaliser ces plantes en termes d'utilisation d'herbicides et de pesticides : les plantes actuellement autorisées permettent en effet de limiter l'utilisation des intrants agricoles, mais aussi d'améliorer la productivité, ce qui est un atout économique pour les producteurs, même si le grand public y est peu réceptif. Le rapporteur a toutefois jugé que les OGM " de deuxième génération ", concernant des fruits ou des légumes à maturation retardée ou à saveur améliorée, séduiraient davantage les consommateurs.

M. Jacques de Menou a souhaité qu'une approche extrêmement prudente soit adoptée pour les produits destinés au grand public.

M. Jean Bizet, rapporteur, a rappelé à ce sujet que la directive européenne n° 90/220, qui réglemente la procédure d'obtention d'une autorisation en vue de la mise sur le marché, avait fait l'objet de deux révisions, en 1994 et en 1997 dans le sens d'une rigueur accrue. En outre, il a indiqué qu'une nouvelle réforme, actuellement en cours d'élaboration, tendait à alourdir et à renforcer cette procédure d'autorisation.

M. Louis Althapé, rappelant l'importation massive par l'Union européenne du soja américain destiné notamment à l'alimentation du bétail, a interrogé le rapporteur sur les moyens dont disposait le consommateur pour retrouver la trace d'une éventuelle utilisation de végétaux transgéniques dans l'alimentation animale.

M. Jean Bizet, rapporteur, a répondu que la dépendance protéique européenne en matière végétale était un de ses sujets de préoccupation et qu'il avait d'ailleurs déjà interrogé le ministre de l'agriculture, en séance publique, sur cette question. Il a souhaité que la mise en place d'une filière " sans génie génétique ", comme le proposait son rapport, permette au consommateur de s'assurer de l'absence totale de transgénèse dans une filière de production donnée.

M. Francis Grignon a souligné que toute modification de la structure du vivant faisait naître des angoisses ; il a souhaité avoir des exemples prouvant que de telles craintes étaient injustifiées.

M. Jean Bizet, rapporteur, a estimé que l'Europe devait être inflexible en matière éthique. Il a rappelé et soutenu les initiatives de l'Unesco et du Conseil de l'Europe contre le clonage humain.

M. Jean François-Poncet, président, a insisté sur le rôle que pourrait jouer l'organisation mondiale du commerce (OMC) en matière d'organismes génétiquement modifiés, rappelant que toute barrière phytosanitaire non scientifiquement justifiée était considérée par cette institution comme une mesure protectionniste. Il a illustré son propos de l'exemple de la bière française interdite pour un temps en Allemagne pour des raisons soi-disant sanitaires, mais tendant en fait à la défense des brasseurs allemands.

Considérant qu'une pression internationale forte était à attendre sur ce sujet, M. Jean François-Poncet, président, a souhaité que l'Europe, dans cette optique, préserve la compétitivité de son économie. Appréciant l'équilibre des propos du rapporteur, il a estimé indispensable de donner toutes garanties aux citoyens quant à l'indépendance des évaluations scientifiques, condition du rattrapage nécessaire du retard européen. L'étiquetage lui est apparu un élément majeur pour la reconquête pour la confiance perdue du consommateur.

M. Jean Bizet, rapporteur, a rappelé l'émoi qu'avait suscité dans l'opinion l'introduction, dans les années 1950, des lignées de maïs hybrides, même s'il a convenu, à l'invitation de M. Jacques de Menou, que cette question était très différente de celle actuellement posée par les OGM. Il a également abordé la question du différend international portant sur les viandes anabolisées.

M. Jean François-Poncet, président, a jugé que les conclusions du rapport d'information étaient bien orientées et qu'une rigueur accrue était nécessaire, un trop grand laxisme risquant au contraire de heurter l'opinion publique.

M. Roger Rinchet a insisté sur l'importance, mais également sur la difficulté du sujet abordé par le rapporteur, qui intéresse à la fois la science et la morale et se prête donc malaisément à une information objective. Il a en outre fait valoir que l'activité de chercheur impliquait par sa nature même une forte subjectivité.

M. Jean François-Poncet, président, a considéré que les réticences constatées aujourd'hui disparaîtront le jour où les applications de cette technologie apporteraient de réels bénéfices au consommateur.

La commission a ensuite adopté à l'unanimité les conclusions du rapport.

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