Europe et mondialisation : l'espoir industriel

OUDIN (Jacques)

RAPPORT D'INFORMATION 462 (97-98) - DELEGATION DU SENAT POUR L'UNION EUROPEENNE

Table des matières






N° 462

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 mai 1998

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur la politique industrielle et commerciale de l'Union européenne face à la mondialisation de l'économie,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jacques Genton, président ; James Bordas, Michel Caldaguès, Claude Estier, Pierre Fauchon, vice-présidents ; Nicolas About, Jacques Habert, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, Michel Barnier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, M. Gérard Delfau, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Philippe François, Jean François-Poncet, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Jacques Rocca Serra, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, André Rouvière, René Trégouët, Robert-Paul Vigouroux, Xavier de Villepin.

Politique industrielle.

INTRODUCTION

" On ne dissocie pas un pays de sa puissance industrielle. Pas de grand pays sans industrie puissante ".

Jacques CHIRAC - Valeurs actuelles
5 octobre 1996

La mondialisation de l'économie n'est pas un phénomène récent : au fil des siècles, l'accroissement des échanges commerciaux, la circulation des idées et des hommes, la diffusion du savoir, des connaissances et des techniques, notamment informatiques, ont conduit à l'ouverture progressive des économies et des frontières.

En revanche, l'accélération spectaculaire de ce processus à laquelle nous assistons depuis les années quatre-vingt a contraint les pays industrialisés, qui s'y sont trouvés confrontés, à une brutale et récente prise de conscience d'une évolution, perçue tout à la fois comme une épreuve à subir et un défi à relever.

Donnant lieu à des analyses et commentaires aussi nombreux que contradictoires en Europe comme aux Etats-Unis, tant par les hommes politiques que par les économistes, cette marche vers la globalisation a provoqué des bouleversements profonds dans l'équilibre mondial. Ils ont remis en cause le schéma de développement jusqu'alors classique entre pays riches et pays pauvres. Cette rupture, consacrée par la mise en parallèle des taux de croissance annuels considérables affichés par certains pays définis longtemps comme " en voie de développement " et la moindre progression économique de l'Occident, est porteuse d'inquiétudes et d'incertitudes. Ainsi que l'indique M. Daniel Cohen, " ce face à face entre un monde pauvre qui s'enrichit et des nations riches qui semblent s'appauvrir donne inéluctablement prise aux théories selon lesquelles le premier facteur serait cause du second " (1( * )) .

En 1996, confirmant ces analyses, la banque mondiale prévoyait que la croissance asiatique moyenne des vingt prochaines années pourrait atteindre 7,5 % par an ; les perspectives de la Commission européenne tablaient, pour l'Union, sur 2,3 % en 1997 et 2,8 % en 1998, après le niveau modéré de 1,8 % atteint en 1996.

Un an plus tard, la situation est tout autre : la crise financière asiatique qui a atteint les pays symboles du modèle globalisé a brutalement perturbé l'évolution économique mondiale, montrant une fois encore, s'il en était besoin, qu'aucune situation n'est acquise. La donne ne s'en trouvera toutefois pas entièrement modifiée : après une première réaction d'affolement en Europe, les analyses laissent espérer des bouleversements moindres que ceux tout d'abord annoncés.

Les prévisions semestrielles de l'OCDE, publiées le 8 avril 1998, considèrent que les conséquences de cette crise seront bien réelles mais que ses effets négatifs devraient se limiter à la zone Asie. Les experts ont ainsi avancé que les perspectives de croissance pouvaient être maintenues à 2,9 % pour 1998 en France. En revanche, les estimations pour l'Allemagne sont ramenées de 3 % à 2,7 %, en raison essentiellement d'un retard de la demande intérieure. Mais, globalement, l'Union européenne, dans son ensemble, devrait être peu affectée, son impact sur la croissance étant apprécié à 0,4 et 0,2 points respectivement pour 1998 et 1999. Les effets seront plus nets aux Etats-Unis, où la croissance pourrait tomber à 1,4 % au cours du second semestre 1998, presque à point nommé pour éviter un phénomène de surchauffe de l'économie américaine. La zone asiatique sera beaucoup plus atteinte : le Japon pourrait enregistrer une baisse de 0,3 % de son PIB en 1998 et n'espérer qu'une croissance de 1,3 % en 1999. La Corée, principal acteur de la situation, perdrait 6,8 % de la croissance qu'elle pouvait attendre sur la tendance des années précédentes -soit un recul de 0,2 % de son PIB en 1998- mais elle devrait retrouver une croissance de l'ordre de 4 % en 1999.

Cette nouvelle situation économique n'entravera pas le développement des échanges : la forte dépréciation des monnaies asiatiques va au contraire favoriser davantage les exportations en provenance de cette zone et accroître encore la compétition internationale. Le volume des échanges continuera d'augmenter.

L'évolution du volume du commerce international illustre en effet parfaitement l'effet " mondialisation ". D'après les chiffres du FMI, pendant que le produit intérieur brut mondial augmentait, en moyenne, de 3,7 % au milieu des années 90, les échanges commerciaux progressaient deux fois plus, pour atteindre environ 8 %, et même 11 % pour ceux réalisés entre pays industrialisés et pays en développement.

De même, l'investissement direct à l'étranger, qui permet de mesurer l'évolution des processus d'internationalisation des économies, s'est accru massivement, entre 1990 et 1996, passant de 18 à 91,2 milliards de dollars. Tels qu'analysés dans le rapport remarqué de M. Jean Arthuis en 1993 ( 2( * ) ) , ces investissements directs s'effectuaient, depuis les années soixante, essentiellement par création de filiales, par fusions-acquisitions ou par co-entreprise, afin de permettre aux sociétés d'accéder plus aisément aux marchés étrangers et d'y accroître le volume de leurs ventes. Plus récemment, ils ont été guidés par le souci de rechercher des lieux de production à coûts de main d'oeuvre faibles, historiquement d'abord situés au Maghreb, puis dans le sud-est asiatique, enfin en Europe de l'Est. Ils ont alors été requalifiés " délocalisations ".

1. L'analyse du phénomène délocalisations : un débat qui tend vers l'apaisement

Terme générique à la définition confuse, mais toujours considérées comme synonyme de destruction d'emplois, les délocalisations ont accompagné, et probablement amplifié, la mondialisation de l'économie. Favorisées par la baisse des coûts de transports ( 3( * ) ) et l'efficacité des télécommunications, elles ont concerné plus directement les produits aisément transportables, de faible encombrement (textile, chaussures, jouets, puis plus récemment logiciels et autres produits technologiques...) ou les services utilisant les connexions modernes (comptabilité, saisies informatiques...).

L'accélération de ce mouvement de déplacement des lieux de fabrication des pays riches vers les pays pauvres, l'effet direct qu'il produit sur l'emploi européen -notamment le moins qualifié- ont fait l'objet de très nombreux commentaires ( 4( * ) ) .

Au cours des toutes dernières années, l'examen du phénomène des délocalisations a suscité des analyses multiples, aussi passionnées que divergentes.

Les uns y ont vu une évolution logique et inéluctable vers une nouvelle répartition des emplois dans le monde : les industries de main-d'oeuvre peu qualifiées s'implantant dans les pays en développement, à charge pour les nations les plus avancées de conserver leur avance technologique et de valoriser l'ouverture de nouveaux marchés étrangers permise par le déplacement d'emploi.

Les autres ont considéré, à l'inverse, que cette perte d'emplois peu qualifiés dans les pays industrialisés conduisait leur économie à la faillite et qu'une réaction plus protectionniste du marché, notamment européen, constituait la seule issue viable.

Les uns ont imputé aux délocalisations la destruction de milliers d'emplois, les autres ont soutenu qu'elles auraient au contraire permis de sauvegarder une partie des emplois de toute façon sacrifiés.

Ces différentes analyses comportent toutes leur part de vérité : il est incontestable que certains secteurs industriels traditionnels ont été laminés par la concurrence des pays émergents. Mais, dans le même temps, ces Etats se sont positionnés comme des marchés nouveaux dont le potentiel de développement considérable offre de grandes opportunités aux industriels occidentaux. Ainsi, la part des importations des " quatre dragons " d'Asie du Sud-Est dans le commerce mondial ( 5( * ) ) est passée de 2,4% en 1970, à 8,4% en 1994 et les importations chinoises ont plus que doublé, en valeur, depuis 1990.

De telles perspectives de développement incitent les industriels occidentaux à se préparer à satisfaire cette demande, le plus souvent en implantant dans ces pays des moyens et outils de production. En ce sens, il n'y a pas substitution d'investissements au profit des pays étrangers ; bien au contraire, ces " délocalisations " sont alors la condition de la croissance future du secteur investisseur.

Les multiples études récemment conduites sur ces questions d'investissements à l'étranger ont également permis d'en prendre une mesure plus large et d'en relativiser les effets. Ainsi, en 1994, sur l'ensemble de ses investissements à l'étranger, la France n'a consacré aux pays émergents que 10 milliards de francs, soit 1,5%. En retour, elle constituait le quatrième pays d'accueil des investissements internationaux après les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine en 1995 et, selon la Datar, ces apports extérieurs ont permis de maintenir ou de créer 20.000 emplois, soit 15% de plus qu'en 1994.

C'est pourquoi, considérant désormais la délocalisation d'activités comme l'une des conséquences, et non la seule cause, de la mondialisation, les commentaires les plus récents semblent s'orienter vers une approche plus optimiste de la globalisation de l'économie mondiale. On assiste, depuis peu, mais nettement, à un rapprochement sensible entre défenseurs et adversaires de cette globalisation. Le retour de la croissance en Europe est sans doute pour beaucoup dans cet apaisement : en 1997, celle-ci est en effet sortie d'une période de forte dispersion des conjonctures nationales et de performances moyennes médiocres. A partir du second trimestre, une croissance oscillant entre 3 et 4 % a établi la moyenne communautaire à 2,7 % en 1997 -au lieu des 2,3 % prévus et des 1,8 % réalisés en 1996. Elle s'élèvera vraisemblablement à 2,7 % ou 2,8 % en 1998 et au moins autant en 1999.

Lors de son audition devant la commission des Affaires économiques et du Plan du Sénat (6( * )) , M. Renato Ruggiero, Directeur général de l'OMC, a considéré que " la mondialisation ne détruisait pas des emplois, puisque la croissance et l'emploi dans les pays développés dépendaient de l'importance de leurs relations avec les pays émergents importateurs nets et véritables réservoirs de consommateurs et de production. La mondialisation est une chance pour les pays industrialisés et elle doit devenir le véritable moteur de la croissance dans les années à venir ".

Dès lors qu'on admet comme inéluctable cette évolution des règles du jeu commercial, l'Union européenne ne peut se contenter de la subir ; elle se doit de trouver les moyens de son adaptation, notamment par une réaction énergique pour maintenir et développer l'industrie sur son territoire.

En effet, l'industrie européenne s'est trouvée rapidement confrontée à la mondialisation de l'économie, qui exerce sur elle des effets tout à la fois négatifs, en créant une concurrence internationale de plus en plus vive, et positifs, en permettant l'ouverture de nouveaux marchés extérieurs. Ce double impact ne peut que se renforcer à l'avenir, comme le soulignait M. Didier Pineau-Valencienne au cours de son audition par la commission des Finances du Sénat ( 7( * ) ) : en 1985, seuls 500 segments de marchés de produits faisant l'objet d'échanges internationaux étaient totalement mondialisés ; les Etats-Unis étaient " leader " sur 300 d'entre eux, l'Allemagne sur 100 et la France sur pratiquement aucun. En 1995, ce nombre était passé à 2.000 segments, dont 40 tenus par la France, 300 à 350 par l'Allemagne et plus de 1.000 par les Etats-Unis. Il devrait atteindre 10.000 segments en l'an 2000.

Puisque la survie de l'industrie européenne dépend de sa capacité à assurer sa place dans le monde, il est impossible à l'Union de céder à une quelconque tentation protectionniste. Mais il n'est pas davantage envisageable de céder sans contrôle et sans raison aux poussées libre-échangistes que l'accord multilatéral sur les investissements ou le nouveau marché transatlantique ont récemment suggérées. Cette nouvelle donne réclame de nouvelles politiques économiques, dans l'objectif supérieur d'améliorer la situation de l'emploi en Europe.

2. L'Europe doit avoir une ambition industrielle

Il faut impérativement garder à l'esprit les atouts industriels de l'Europe et ne pas voir sa désindustrialisation comme une fatalité. L'industrie européenne est puissante, sa capacité d'exportation avérée et - on nous pardonnera ce réflexe national - la position de la France reste aux tous premiers rangs mondiaux dans nombre de secteurs.

a) L'opposition industrie-services : un débat dépassé

Dans la lutte constante que mène l'Europe contre le chômage, l'importance de l'industrie a sans doute été mésestimée, notamment en France où l'on a constaté une certaine tendance à considérer que le secteur tertiaire était le mieux -voire le seul- à même de favoriser la création d'emplois. Le récent sommet extraordinaire sur l'emploi, tenu à Luxembourg en novembre 1997, n'a pas davantage réservé à l'industrie la part qu'elle aurait méritée puisqu'il n'en fait aucune mention dans la liste des actions à conduire.

Certes, le secteur des services représente davantage d'emplois que l'industrie et l'agriculture réunies : au cours des quinze dernières années, 18 millions d'emplois ont été créés dans le secteur tertiaire, en Europe ; dans le même temps, 13 millions d'emplois ont été perdus dans l'agriculture et l'industrie.

Mais les analyses économiques s'accordent pour affirmer que le secteur industriel est essentiel au maintien global de l'emploi : " un emploi créé dans l'industrie, c'est au moins deux emplois créés dans les services " dit-on et l'on ne peut raisonnablement espérer constituer une économie puissante sans qu'elle s'appuie sur un socle industriel fort. Comme l'indiquait M. Raymond Lévy, ancien patron de Renault, " favoriser l'industrie, c'est favoriser la puissance économique et l'emploi. On ne remplace pas les emplois industriels par des emplois de services car il n'y a pas de services sans industrie " (8( * )).

Il convient de ne pas oublier combien l'activité des services reste dépendante de l'activité industrielle, à hauteur de 30 % environ et jusqu'à 40 % pour les emplois de services liés à l'exportation de biens. On estime ainsi qu'environ 2,5 millions de personnes travaillent en France dans le secteur des services aux entreprises.

De surcroît, opérer la distinction entre emploi de services et emploi industriel constitue désormais une entreprise difficile. L'appréciation de cette répartition dépend du degré d'externalisation des firmes : à titre d'illustration, des emplois pour l'entretien de locaux industriels peuvent être comptabilisés comme emplois industriels s'ils sont effectués à l'intérieur de la société, mais comme activités de service s'ils sont sous-traités auprès d'une entreprise de nettoyage. On mesure donc combien peut être parfois artificielle la séparation entre secteurs secondaire et tertiaire.

b) L'urgence d'une politique industrielle européenne

L'Union européenne ne pourra pas faire l'économie d'une politique industrielle à la hauteur de ses légitimes ambitions. Si l'objectif est clair, la démarche n'est pas simple en raison d'abord, des divergences idéologiques entre les Etats membres.

En effet, au contraire de ses principaux concurrents, américains et japonais, l'Europe éprouve les plus grandes difficultés à parler d'une seule voix. Comme l'indiquait déjà le rapport Arthuis précité, elle cumule les handicaps : elle regroupe des cultures et des langues différentes, n'a pas -pour l'heure- de monnaie unique, comporte plusieurs administrations, est consumériste et n'est pas protectionniste.

La diversité des convictions économiques qui animent les Etats membres la conduit alors à réagir par à-coups, au gré des événements. Elle peut ainsi opter pour une application excessivement rigide des règles de concurrence et perdre de vue tout objectif industriel, comme ce fut le cas lorsque la Commission refusa d'autoriser le rachat de la société canadienne de Havilland par Aérospatiale et Alenia, en 1991.

A l'inverse, elle peut aussi choisir l'industrie, au mépris des principes concurrentiels, en autorisant l'implantation, fortement subventionnée, d'une usine commune à Ford et Volkswagen, pour produire au Portugal un véhicule monospace concurrent de " l'Espace " français.

Cette oscillation permanente entre industrie et concurrence, entre concurrence intra et extra-européenne appelle désormais une réponse claire et un choix constructif pour l'avenir économique de l'Union. Le moment est venu de saisir l'opportunité que présente le retour de la croissance en Europe.

La seconde difficulté -qui découle d'ailleurs de la précédente- tient au contenu " colbertiste " que sous-tend encore l'expression de " politique industrielle ".

Qu'il soit bien clair ici que notre propos n'est pas de promouvoir quelque approche périmée de la politique industrielle, se traduisant par la multiplication d'interventions étatiques dans le secteur industriel, dont la mise en oeuvre, par le passé, n'a d'ailleurs pas toujours abouti aux résultats escomptés. Il n'est pas davantage question, en souhaitant protéger un marché, de différer les adaptations et évolutions techniques qui s'imposent. La concurrence est aussi un atout, comme en témoigne l'exemple de la libéralisation récente des télécoms qui a bénéficié aux entreprises comme aux consommateurs.

Certes, on n'inventera pas aujourd'hui une nouvelle politique industrielle. Mais l'Europe peut mettre en oeuvre, avec détermination, une panoplie de stratégies concurrentielles, commerciales et industrielles, qui créeront un environnement favorable au maintien et au développement de son industrie dans une économie qui sera, avec ou sans nous, de plus en plus globalisée.

I. ATOUTS ET FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE EUROPEENNE

A. UNE INDUSTRIE PERFORMANTE MAIS FORTEMENT CONFRONTÉE À LA CONCURRENCE MONDIALE

Après trois années de régression, la production industrielle de l'Union est en nette reprise depuis le dernier trimestre 1996. L'office statistique Eurostat fait état des résultats suivants :

Evolution de la production industrielle de l'Union
(construction exclue)

Variation annuelle en %

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Allemagne

5,2

2,9

-1,8

-7,4

3,3

0,2

0,1

4

4,3

Autriche

7,4

1,6

-1,1

-2

4

5,4

2

2,8

3,8

Belgique

3,7

-2

0

-5,2

1,8

4,2

0,3

2,4

2,8

Danemark

0,9

0,1

3,4

-2,9

10,5

4,3

1,7

2,6

2,8

Espagne

0,1

-0,8

-2,7

-4,8

7,3

4,7

-1

6,2

7,6

Finlande

0,4

-9,7

2,3

5,2

11,4

7,5

3,2

4,5

4,8

France

1,5

-1,3

-1,1

-3,8

3,8

1,5

0,7

2

3,4

Grèce

-2,3

-1,4

-1,2

-2,1

0,9

2,3

1,7

1,7

1,7

Irlande

4,7

3,3

9,1

5,6

11,9

18,8

10

9

7,5

Italie

-0,7

-0,9

-1,3

-2,1

6,8

5,5

0,9

1,6

3

Luxembourg

-0,4

0

-0,8

-2,5

5,9

0,8

-1,4

2,4

3

Pays-Bas

2,4

1,7

-0,1

-1,3

2,9

2,3

2,5

2,7

3

Portugal

9,1

0

-2,3

-2,6

-0,2

4,6

2

3

3,5

Royaume-Uni

-0,3

-3,6

0

2,1

5

2,1

1,3

2,7

2,8

Suède

1,1

-5,1

-1,5

-0,2

10,5

10,6

2,5

4

5

U.E. à 15

1,9

-0,5

-1

-3,1

5

3

0,9

3,1

3,9

Etats-Unis

0

-1,8

3,5

3,5

5,9

3,2

2,6

2,3

2,2

Japon

4,3

1,9

-5,8

-4,2

1,2

3,3

1,7

2,8

3,4

Pour 1995 et 1996 : estimations des services de la Commission à partir des données les plus récentes fournies par les Etats.

Pour 1997 et 1998 : prévisions.

Source : Eurostat 1997.

Les dernières données, publiées le 28 mars 1998, mettent en évidence une période d'expansion constante de la production industrielle. En augmentation de 3,8 % en 1997 (soit plus que les 3,1 % prévus), elle enregistre une progression très supérieure à celle constatée l'année précédente (+0,1 %). La hausse est nette dans l'ensemble des Etats membres et notamment en Irlande (+ 15 %), en Finlande (+8,3 %) et en Suède (+7,9 %) ; les taux les plus faibles étant enregistrés au Royaume-Uni (+1,2 %), en Grèce et aux Pays-Bas (+1,9 %). En outre, tous les Etats membres -sauf les Pays-Bas- ont constaté des résultats très supérieurs à ceux de 1996, année au cours de laquelle quatre d'entre eux avaient vu leur production régresser (Espagne, France, Italie et Luxembourg). Sur la même période, la production américaine a augmenté de 5 %, contre 3,4 % en 1996, et la hausse se situe à 4,30 % au Japon, contre 2,4 % en 1996.

Pour le seul mois de janvier 1998, le volume de la production industrielle de l'UE a augmenté de 4,3 % par rapport au même mois de l'année précédente, succédant à un taux de 4,8 % en décembre 1997. Sur la même période, la production américaine a augmenté de 5,3 % tandis qu'elle baissait de 2,5 % au Japon.

Ces résultats très positifs sont le signe tangible de la reprise de la croissance en Europe ; ils masquent toutefois des situations contrastées selon les secteurs industriels. Il n'est pas question ici de dresser un tableau exhaustif de l'industrie européenne, mais plutôt, à travers quelques exemples représentatifs, d'apprécier quelques grandes tendances de sa situation. L'exercice n'est d'ailleurs pas simple en raison de l'absence de séries statistiques complètes ou de l'établissement très tardif de celles-ci.

1. Les secteurs les plus technologiques résistent

Il ressort du panorama industriel européen qu'un secteur résiste d'autant mieux à la concurrence mondiale qu'il intègre une part forte de haute technologie. C'est une évidence qu'il convient de rappeler.

Dans cette optique, l'Allemagne bénéficie de la meilleure situation puisqu'elle domine le classement des dix premières régions de haute technologie : le Baden-Württenberg et le Bayern occupent les deux premières places du palmarès qui compte au total six régions allemandes, l'Est français étant placé en sixième position. Une situation semblable est observée dans le classement des dix premières régions de technologies de pointe, comprenant les machines de bureau et le matériel informatique, les équipements de radio, télévision et communication ainsi que l'industrie chimique, mais excluant notamment l'automobile. L'Allemagne y place six régions, la Flandre belge et le sud des Pays-Bas figurant en bonne place tandis qu'aucune région française n'y est retenue (9( * )) .

Parmi les secteurs industriels européens les plus performants, on observe notamment que :

a) L'industrie aéronautique et spatiale se restructure

• L'atout Airbus

Grâce à une coopération exemplaire de quatre industriels de l'aéronautique, l'Europe s'est dotée, avec Airbus Industrie, d'un géant industriel capable de rivaliser avec ses principaux concurrents, notamment américains. En 1996, près de trente ans après sa constitution, le consortium occupe plus de 30 % du marché mondial et affiche ses ambitions de porter ce chiffre à 50 % dans les prochaines années (10( * )) . L'enjeu est à la mesure de cet objectif car les perspectives tablent sur des besoins estimés à 15 000 avions dans les vingt prochaines années, soit un volume d'affaires de 5 000 milliards de francs.

D'intérêt tout à la fois stratégique, technologique et économique, l'industrie aérospatiale n'occupe toutefois qu'une place modeste dans l'économie européenne. Elle emploie directement 370 000 personnes, plusieurs fois ce nombre en terme indirect et génère un chiffre d'affaires de 350 milliards de francs. Elle ne représente que 1 % du PNB de l'Europe et 3 % de la production industrielle. Toutefois, en 1996, les exportations aérospatiales ont représenté plus de quinze milliards d'écus, soit près de 3 % des exportations totales de l'Union.

Cette industrie est essentiellement concentrée sur trois pays : la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, qui assurent respectivement 34, 31 et 26 % de la production. La structure choisie -celle du GIE- a permis, tirant les leçons de l'échec de l'association franco-britannique du Concorde, de créer une véritable coopération, gérée et coordonnée par les industriels eux-mêmes.

• Une situation à conforter

La situation de l'aéronautique européenne a toutefois été fragilisée lors de l'acquisition de Mc Donnell Douglas par Boeing, qui a été officiellement autorisée par la Commission le 30 juillet 1997 après quelques velléités de résistance. Celle-ci avait alors considéré que sur le marché en cause -celui des grands porteurs commerciaux à réaction- l'industrie de l'Union présentait une structure compétitive comparable à celle de son rival américain.

Toutefois, ce marché reste largement dominé par les américains- détenant désormais 70 % du marché mondial contre 25 % pour l'Europe-. La rentabilité économique de l'industrie américaine est supérieure de moitié à celle de sa rivale européenne (19 % contre moins de 13 %), tandis que la rentabilité financière y est trois fois plus élevée (9,6 % contre 3,6 %), grâce au large appui des contrats militaires outre-Atlantique (11( * )). Une restructuration de ce secteur, décidée par les Etats-membres concernés et conduite par les industriels, est aujourd'hui en cours (12( * )) .

b) L'industrie chimique se maintient

L'Union européenne est le premier producteur de produits chimiques au monde : elle devance largement les Etats-Unis et le Japon dans ce secteur qui génère un chiffre d'affaires de 350 milliards d'écus, soit 3 à 4% du PIB de l'Union. Ce domaine emploie environ 1,6 million de personnes, ce qui représente 6% de l'emploi industriel.

L'Allemagne constitue le principal site d'implantation de l'industrie chimique, notamment pour les trois plus grandes firmes mondiales, qui y ont leur siège. Mais cette branche est surtout composée d'un grand nombre de PME dans les secteurs de la peinture, des cosmétiques, du traitement du plastique ou des produits pharmaceutiques de base.

Si la situation européenne reste solide, on ne peut toutefois ignorer le danger de la concurrence asiatique ou d'Europe centrale qui est désormais à même d'offrir de nombreux produits de qualité, à des prix inférieurs à ceux des firmes européennes. En outre, il faut tenir compte des capacités industrielles des pays producteurs de pétrole (Arabie Saoudite, Mexique...) qui maîtrisent parfaitement la fabrication de produits pétrochimiques de base ou dérivés.

c) L'industrie automobile perd son avance

•  Elle demeure au premier rang mondial

En 1997, la production automobile des sept constructeurs européens (13( * )) s'est élevée à 14,7 millions d'unités en augmentation de 3,7 % par rapport à l'année précédente (14,15 millions). Avec près de 30 % de la production mondiale, l'Europe devance toujours les Etats-Unis (24 %) et le Japon (21 %), mais les pays émergents assurent déjà 15 % de la capacité mondiale, dont plus d'un tiers par la seule Corée du Sud. Bien que d'un très haut niveau technologique, l'industrie automobile européenne est désormais combattue par des rivaux tout aussi performants.

•  Elle est fragilisée

-- La domination européenne est donc menacée : les constructeurs européens, qui supportent des coûts de production élevés, sont moins bien implantés à l'étranger que leurs concurrents américains et japonais. Le marché de l'Union, très largement ouvert à la concurrence de l'ensemble des constructeurs mondiaux souffre d'une offre supérieure à ses capacités d'absorption : environ 13,7 millions de véhicules ont été vendus en 1996 pour une capacité théorique annuelle de production de 18 millions. Cette fragilité a obligé les fabricants à des mesures de restructuration industrielle pour abaisser les coûts de production, dont " l'affaire Vilvorde " a été le signe le plus marquant. Les plus récentes évolutions économiques laissent toutefois espérer une hausse de la demande sur ce secteur : on estime qu'elle pourrait se fixer en 1998 à 14,74 millions de véhicules.

-- Avec plus de trois millions de véhicules construits, la France se situe au quatrième rang mondial et occupe la troisième position pour sa capacité d'exportation. Toutefois, si le secteur automobile demeure l'un des fleurons de l'industrie française, sa situation est actuellement très instable (14( * )). Comme ses partenaires européens, la France est placée sur un marché ouvert à la concurrence internationale où la guerre des prix est exacerbée.

En outre, le système des primes qui s'est appliqué ces dernières années -primes à la casse " Balladur " de février 1994 à juin 1995, puis prime de qualité " Juppé " d'octobre 1995 à septembre 1996- a soumis le marché à de fortes fluctuations. Elles ont ainsi artificiellement dopé le nombre de nouvelles immatriculations, mais en favorisant la demande pour des petits modèles notamment importés, destinés à un marché centré sur le renouvellement du parc (80 % des acquisitions). Elles ont par ailleurs eu pour effet de rendre le prix déterminant dans l'acte d'achat : ce faisant, elles ont renforcé la pénétration étrangère sur le marché français, passée de 40 % début 1994 à 44,6 % en octobre 1996. A l'issue de la période primée, le volume des nouvelles immatriculations a reculé de plus de 21 %.

Pour toutes ces raisons, le constructeur Renault a enregistré, en 1996, une perte nette pour le groupe de 5,2 milliards de francs (15( * )) , le déficit d'exploitation de la branche automobile atteignant 2,5 milliards de francs et celui du département " poids lourds " 705 millions de francs. Les résultats de PSA s'établissaient en baisse de 56 % en 1996 par rapport à l'année précédente.

En outre, il faut reconnaître que notre secteur automobile accuse un retard d'adaptation à la mondialisation par rapport à la moyenne européenne : si Renault fabrique des véhicules dans une vingtaine de pays, ses ventes hors Union ne constituent que 14 % de l'ensemble -et moins encore pour PSA- tandis que Fiat assure déjà plus du tiers de ses ventes à l'extérieur de l'Europe occidentale.

Bien que difficiles à établir, les prévisions pour 1998 tablent sur une reprise de la consommation, les prévisions d'immatriculations oscillant autour de 1,8 million de véhicules, soit au-dessus des résultats pour 1997 (1,7 million).

QUELQUES AUTRES POINTS FORTS POUR LA FRANCE
DANS L'INDUSTRIE EUROPEENNE

• Les télécommunications : la situation française y est favorable puisqu'elle occupe 15 % du secteur des télécommunications mondiales, alors que le PIB français ne représente que 7,7 % du PIB mondial. La France occupe la cinquième place mondiale en termes de services et le quatrième rang pour les équipements. Il est essentiel que cette avance soit consolidée, compte tenu de l'accord récemment obtenu à l'OMC en la matière.

• Le secteur nucléaire : la France y occupe une position de pointe. La preuve en est que l'entretien des centrales américaines est actuellement assuré par des sociétés françaises. Toutefois, il convient de préparer activement le passage aux centrales de la nouvelle génération : on observe en effet que le calendrier américain de renouvellement des installations affiche une avance de quatre ou cinq années sur le nôtre. Les préoccupations écologiques devraient permettre de soutenir le développement de ce secteur.


Plusieurs autres postes sont porteurs comme la chimie-pharmacie, les biotechnologies, l'environnement, notamment l'industrie de l'eau, l'agro-alimentaire et l'armement.

2. Les secteurs traditionnels sont très vulnérables

Parmi les branches industrielles les plus affectées par les évolutions économiques récentes figurent essentiellement les industries de main-d'oeuvre. Or, il convient de souligner que l'Europe est composée de deux blocs dont les intérêts sont parfois divergents entre les pays " industriels " et les Etats " commerçants " : la France, qui relève plutôt du premier groupe, y défend de ce fait souvent une position minoritaire pour obtenir des politiques de soutien à la production. Les secteurs du textile et de la chaussure illustrent particulièrement cette dichotomie :

a) La situation du secteur textile

Le secteur européen du textile-habillement constitue l'une des principales victimes de la mondialisation et de la concurrence par les coûts. L'uniformisation des modes à travers la planète a permis la constitution d'un immense marché et d'une demande largement satisfaite par les productions à bas prix.

La production de textile, qui montrait déjà des signes de faiblesse au deuxième trimestre 1995, a chuté de 4,9 % en 1996. L'habillement a connu la même tendance : la baisse amorcée fin 1995 s'est poursuivie pour se situer à 3,7 % en 1996 (16( * )).

Hormis quelques exceptions -légère hausse dans le domaine de l'ennoblissement du textile en Espagne ou des étoffes à mailles pour l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni- les baisses de production les plus spectaculaires ont été enregistrées en Allemagne, en France et en Italie.

En conséquence, l'emploi a continué de chuter en 1996 dans l'industrie textile (- 6,3 %). Le secteur emploie désormais 2,2 millions de personnes soit 600 000 de moins qu'en 1990.

La situation du secteur textile-habillement français est particulièrement préoccupante puisque, entre 1986 et 1995, ses effectifs sont passés de 439 500 à 281 500 emplois, soit un recul de plus du tiers, très supérieur à celui constaté globalement dans le secteur industriel (- 15 %).

Ce contexte difficile s'explique en partie par les difficultés d'adaptation de ce secteur aux évolutions de la demande mais, surtout, par la concurrence mondiale qui s'exerce sur le marché grâce au faible prix des matières premières et au bas niveau de rémunération de la main d'oeuvre dans les pays en voie de développement.

La concurrence qui provenait, voici quelques années encore, des pays d'Afrique du Nord, est aujourd'hui originaire d'Asie du Sud-Est -avec la récente montée en puissance du Vietnam- et des pays de l'Europe de l'Est qui bénéficient de l'avantage lié à leur proximité géographique.

En outre, la dévaluation compétitive des monnaies britannique, espagnole, italienne et portugaise constatée ces dernières années a accentué le déséquilibre des échanges intra-communautaires, en particulier aux dépens de la France qui exporte 60 % de sa production et en importe 50 %.

En 1996, la réponse française au choc provoqué par les dévaluations compétitives a consisté à élaborer un " plan textile " tendant à alléger les charges sociales pour réduire les frais de main d'oeuvre et accroître la compétitivité du secteur. Ce dispositif d'allègement a été notifié aux autorités européennes qui ont aussitôt ouvert une procédure d'examen approfondi pour vérifier qu'il n'entraînerait pas de distorsion de concurrence. Le système a été accepté par la Commission pour les entreprises de moins de cinquante salariés, qui représentent 90 % des entreprises éligibles au bénéfice du plan textile ; mais son second volet a été jugé illégal par les autorités européennes et annulé pour rupture des conditions de commerce dans l'Union.

Si la structure du secteur du textile, français et européen, ne permet pas d'augurer d'un réel rétablissement, il existe toutefois, dans ce marché difficile, des niches de rentabilité exploitant en particulier l'image de la France, ses marques reconnues dans le monde entier et son savoir-faire, et celle, peut-être plus encore, de l'Italie. Dans ce cas, le différentiel de salaire est compensé par une mécanisation du secteur et une capacité d'adaptation et d'innovation importantes.

A l'inverse, d'autres Etats membres ont vu disparaître l'intégralité de leur secteur textile : la divergence des intérêts entre les partenaires constitue alors un obstacle à la préservation d'une industrie textile en Europe . En effet, les pays n'ayant plus de production nationale sont favorables à une ouverture très large sinon intégrale des frontières de l'Europe pour qu'une production à bas coût puisse alimenter leur marché intérieur.

UN EXEMPLE DE RELOCALISATION EN EUROPE

A contre courant du mouvement de délocalisation des entreprises européennes vers l'Asie, le Président Directeur Général de deux entreprises textiles belges, Modibel et Texim, vient de décider de relocaliser en France une partie de sa production jusqu'alors fabriquée en Inde.

Sa décision résulte d'un calcul simple : les gains tirés des faibles coûts salariaux de la main-d'oeuvre étrangère sont compensés par une productivité locale faible, une qualité des produits imparfaite, des frais et des difficultés de transports non négligeables, des délais de livraison plus longs.

Grâce à un investissement massif dans l'automatisation des tâches, limitant la création d'emplois à cinquante postes sur le site de Roubaix, l'entreprise devrait être plus compétitive en France qu'elle ne l'est aujourd'hui en Inde.

Libération - 20 février 1997

b) L'industrie de la chaussure

• la situation européenne

La production de l'Union reste importante bien qu'en légère diminution depuis une dizaine d'années. En 1994, 1,1 milliard de paires ont été réalisées dans plus de 10 000 entreprises employant environ 300 000 salariés. Les cellules de production sont très souvent des PME implantées dans des zones rurales et employant une main d'oeuvre essentiellement féminine. L'industrie de la chaussure est ainsi un des éléments de rééquilibrage régional, par exemple en France où la majeure partie de la production est réalisée dans les régions du littoral atlantique : Bretagne, Poitou, Charente, Aquitaine et, surtout, Pays de Loire.

L'Italie est la première zone de production (470 millions de paires) avant l'Espagne (190), la France (155), le Portugal (110) et le Royaume-Uni (105), la part des autres Etats membres restant très marginale sur ce secteur.

• La situation française

L'industrie française de la chaussure présente un très bon niveau d'exportation, destinées à plus de 60 % aux pays de l'Union européenne. Ce niveau supérieur à la performance moyenne de l'industrie française est une preuve du dynamisme et de la compétitivité du secteur, malgré les barrières tarifaires et non tarifaires qui freinent son développement sur de nombreux marchés.

La stabilité des exportations en 1996, après le net recul des années précédentes, est encourageante, de même que la légère diminution des importations, mais elle ne doit pas masquer la fragilité de la situation. Les taux de pénétration des importations varient, suivant les années, de 70 à 75 % de la consommation.

Jusqu'en 1996, la concurrence est surtout provenue des producteurs traditionnels intra-européens -Italie, Espagne et Portugal- qui ont bénéficié de reports de consommation grâce aux dévaluations compétitives de leurs monnaies respectives depuis fin 1992 : par rapport au franc, la lire et la peseta ont perdu près de 25 % de leur valeur en quatre ans et l'escudo 15 %.

A terme rapproché, le danger majeur vient des pays à très bas coût salarial. En effet, l'industrie de la chaussure est essentiellement une industrie de main d'oeuvre, donc exposée à la concurrence des faibles salaires en vigueur notamment en Asie du Sud-Est (Indonésie, Thaïlande et surtout Vietnam, en forte progression) : les importations en provenance de cette zone géographique représentent près de 56 % du volume total des importations françaises en 1995, la Chine en assurant à elle seule 31 %. Hormis un contingent d'importations applicable à ce seul pays, mis en place en mars 1994, les échanges sur ce marché sont libres. En outre, la dépréciation des monnaies asiatiques risque de perturber violemment le secteur de la chaussure dans les mois à venir.

Cette concurrence, renforcée par des procédés de dumping économique et social et par l'usage du piratage des modèles dénoncés par la Fédération nationale de l'industrie de la chaussure de France, a fait perdre à l'industrie française, en une quinzaine d'années, la moitié de ses emplois et le quart de sa production.

L'industrie de la chaussure en France en 1996 :
un nouveau recul

Variation par

rapport à 1995

26 670 salariés - 9,6 %

248 entreprises - 4,6 %

139 millions de paires produites - 8,6 %

13,5 milliards de francs de chiffre d'affaires - 4,2 %

Exportations :

58 millions de paires 0 %
(dont 66 % à destination de l'U.E)

soit 5,1 milliards de francs - 1,09 %

Importations :

240 millions de paires - 3,2 %
(dont 30 % en provenance de l'U.E)

soit 12,5 milliards de francs + 3,3 %

Déficit commercial : 7,4 milliards de francs + 7,2 %

(Source : Fédération nationale de l'industrie de la chaussure de France)

Parmi nos partenaires dans l'Union, d'autres industries nationales ont moins bien résisté que la nôtre à la pression des pays à faible niveau salarial : le secteur de la chaussure a ainsi pratiquement disparu en Suède ou dans les Etats du Bénélux.

De ce fait, la prise en compte des difficultés de ce secteur économique est très différente suivant les cas : si la France est prête à défendre ses productions nationales, d'autres pays devenus non producteurs, sont au contraire incités à favoriser des importations à des prix satisfaisant leur consommation locale et distribuées en grandes surfaces. Ce secteur illustre à nouveau ici la difficulté inhérente à l'Union qui veut faire parler d'une seule voix des intérêts diamétralement opposés.

*

3. Quelles perspectives pour l'industrie européenne ?

a) Les signes d'une reprise à court terme

En dépit de ce bilan mitigé, les perspectives de l'industrie européenne pour les tous prochains mois semblent être plus favorables.

Selon les chiffres publiés par la direction générale des Affaires économiques et financières de la Commission européenne (17( * )) , l'accroissement nominal de l'investissement dans l'industrie manufacturière devrait être de 6 % en 1998, comme en 1997. Au Royaume-Uni, on attend une forte augmentation de l'investissement industriel, de l'ordre de 11 % en 1998, après les 17 % enregistrés en 1997. En Allemagne et en France, ce taux pourrait croître respectivement de 7 % et de 3 %.

En 1997, le taux d'utilisation des capacités a connu une progression régulière. Cette tendance s'est poursuivie, ce taux s'élevant à 83,4 % en janvier 1998 contre 80,8 % l'année précédente (18( * )) .

En dépit des développements récents en Asie du Sud-Est, l'indicateur de confiance dans l'industrie a progressé en décembre 1997, essentiellement sous l'effet de perspectives plus favorables d'évolution de la production et d'une nouvelle amélioration des appréciations portées sur les stocks. Si cet indicateur a légèrement fléchi en janvier 1998, à la suite d'un ralentissement des entrées de commande, les perspectives d'emploi se sont améliorées.

Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette dimension psychologique, qui est essentielle en matière économique : l'avenir de l'industrie européenne ne dépend en effet pas seulement des gouvernements nationaux ou des institutions communautaires. Elle est aussi l'affaire des hommes qui la conduisent, de l'indice de confiance qu'ils portent aux perspectives économiques et de l'avenir personnel qu'ils envisagent. Le premier aspect est, depuis quelques mois, plus favorable. Le second paraît moins net si l'on considère le phénomène de " fuite des cerveaux " auquel on assiste actuellement et qui conduit de nombreux jeunes diplômés à s'expatrier de plus en plus massivement.

Quand l'industrie française reprend confiance...

Dans l'industrie manufacturière, les dépenses d'équipement envisagées pour 1998, ont été amplement revues à la hausse : + 4 % en valeur à l'enquête d'octobre 1997, + 11 % à celle de janvier dernier, soit une révision en hausse de 7 points. Or le plus souvent dans le passé, de fortes révisions en hausse lors des premières enquêtes ont été le signe d'une croissance vigoureuse des dépenses.

Les grandes entreprises industrielles, interrogées en janvier lors de l'enquête sur les facteurs de production, se déclarent elles aussi optimistes, prévoyant une croissance de leurs investissements de 12 % en 1998. En préfiguration de ces prévisions quantitatives, l'opinion des industriels sur les intentions d'achat s'était d'ailleurs déjà vivement redressée à l'enquête sur les trésoreries de juin 1997. L'enquête de décembre a confirmé ces intentions aux niveaux qu'elles avaient atteints en 1994 lors du précédent redémarrage.

Les éléments semblent donc tous réunis maintenant pour que l'on puisse envisager une reprise durable de l'investissement. Pour l'ensemble des entreprises, les dépenses en volume s'élèveraient de 5,6 % en 1998 et de 7,6 % en 1999. La progression devrait être ample dans les branches industrielles. Le retard d'investissement depuis 1990, année du précédent pic, y est en effet considérable ; il devrait être à l'origine d'une poussée des achats d'environ 9 % à chaque fois en 1998 et 1999. Mais à l'horizon de la prévision, le niveau des dépenses serait encore inférieur de presque 10 % à celui de 1990. De fait, en termes de taux d'investissement, cette progression des dépenses de près de 20 % d'ici à l'année prochaine ne constitue véritablement que l'amorce d'un rattrapage.

Source : étude OFCE réalisée à l'aide du modèle MIMOSA - 2 avril 1998.

b) La répartition mondiale de la production industrielle à l'horizon 2000

On entend par production manufacturière mondiale l'agrégat constitué des neuf branches suivantes : bois papiers et divers, chimie, électronique, matériaux de construction, matériel électrique, métaux de base, mécanique, textiles, véhicules. Les tendances passées et les perspectives de croissance industrielle à l'horizon 2000 sont les suivantes (19( * )) :

• depuis 1973, la part de l'Europe de l'Ouest dans la production mondiale régresse : de 30%, elle est passée à 27,3% en 1988 et pourrait ne constituer que 24,6% en l'an 2000, soit une perte de 2,7 points entre chaque période de référence ;

• la part de l'Amérique du Nord se contracte également, et à un rythme plus soutenu : elle passerait de 23,4% en 1988 à 18% en 2000, soit un recul de 5,4 points ;

• à l'inverse, les pays asiatiques, Japon inclus, enregistreraient l'essentiel des gains de production, passant de 26% en 1988 à 34,9% en 2000, soit une augmentation de 8,9 points.

A la fin de ce siècle, l'Asie développée (Japon et les quatre dragons) (20( * )) devrait ravir la place de l'Europe de l'Ouest et devenir la première puissance productive mondiale avec 26,9 %, contre 14 % en 1973.

Répartition mondiale de la production industrielle

 

Europe de l'Ouest

Europe de

l'Est

Amérique du

Nord

Amérique Latine

Asie développée

Autres pays d'Asie et d'Océanie

Afrique et Moyen-Orient

1988

27,3%

17,6%

23,4%

3%

22,1%

4,9%

1,7%

2000

24,6%

15,2%

18%

4,6%

26,9%

8%

2,7%

c) Les origines et les destinations des productions à l'horizon 2000

Les perspectives tablent sur la poursuite des tendances actuelles à une forte concentration du commerce sur les trois grands pôles de l'économie mondiale (Amérique du Nord, Europe et Asie développée) et à une prédominance des échanges à l'intérieur de chacune de ces zones.

Cependant, les évolutions à l'intérieur de ces zones seraient contrastées :

- on enregistrerait une stagnation de la production locale sur le marché Nord-américain (+ 2% aux Etats-Unis, mais une baisse au Canada) ;

- la croissance serait vive dans l'Union (+ 19%) grâce au doublement des échanges intra-communautaires ;

- on assisterait à une forte croissance de la demande intérieure en Asie et en Amérique latine, largement alimentée par des productions locales ;

- on devrait constater une rapide croissance des exportations japonaises et asiatiques vers les Etats-Unis et surtout vers l'Europe.

B. L'EUROPE CONSERVE SES CAPACITES D'EXPORTATION

1. Une balance commerciale globalement excédentaire

Sur longue période, les échanges de biens et de services se sont accrus, en moyenne, de 7,8 % par an entre 1986 et 1995 pour atteindre 58,2 % du PIB communautaire selon les données publiées par Eurostat le 30 janvier 1998. L'excédent de la balance des échanges courants de l'Union, intra et extra communautaire, a atteint près de 35,7 milliards d'écus en 1995, alors qu'elle accusait un déficit de 64,5 milliards d'écus en 1992. Ce retournement provient surtout de l'amélioration de la balance des biens, passée d'un déficit de 5,7 milliards d'écus en 1992 à un excédent record de 103,2 milliards d'écus en 1995.

Le commerce de l'Union européenne avec les pays tiers a continué d'augmenter en 1997, produisant un excédent commercial de 17,3 milliards d'écus au cours du premier semestre contre 10 milliards pour la même période de l'année précédente. Rapportées au premier semestre 1996, les exportations et les importations extra-communautaires ont augmenté respectivement de 6,4 % et de 6,5 % en 1997. En revanche, le commerce intra-communautaire n'a augmenté que de 5,8 % sur la même période. Cette hausse est cependant supérieure à celle enregistrée entre les premiers semestres 1995 et 1996 (+ 3,4 %).

2. L'européanisation des échanges de marchandises

Le commerce des biens, intégrant le secteur industriel, est marqué par une forte régionalisation des échanges. Depuis 1958, les exportations de marchandises intra-Europe occidentale sont passés de 52 % à plus de 70 % : il s'agit de la plus intense régionalisation des échanges, mais qui n'est pas unique puisque cette même concentration géographique est observée dans la plupart des régions du monde comme l'Asie ou l'Amérique du Nord (21( * )) .

Cette régionalisation commerciale s'est accompagnée d'une spécialisation industrielle européenne. Des travaux du CEPII (22( * )) ont montré que la spécialisation de l'Europe vis-à-vis des zones Eurafrique, Amérique et Asie-Océanie s'est portée sur la mécanique, la chimie, les matériels de transports, les industries agroalimentaires et le matériel électrique.

3. Des faiblesses dans la nature des échanges extra-européens

a) Les échanges de produits à haute technologie

Dressant le bilan commercial de l'Union en matière de produits de haute technologie pour 1995, Eurostat indique que l'Europe accusait un déficit avec les pays tiers d'environ 20 milliards d'écus.

Ce déficit s'explique principalement par le déséquilibre des échanges avec les Etats-Unis (13,7 milliards d'écus), le Japon (10 milliards d'écus) et les six pays nouvellement industrialisés -Malaisie, Thaïlande, Singapour, Hong Kong, Taïwan et Corée du Sud- (9 milliards d'écus).

Le déficit extérieur le plus important concerne les ordinateurs et équipement de bureau (18,2 milliards d'écus), suivi de l'électronique grand public (7,8 milliards d'écus). Les autres produits affichaient un quasi équilibre, seule la construction aéronautique et spatiale produisant un excédent de 6,5 milliards d'écus.

Ces chiffres, publiés en juillet 1997, concernent une large gamme de secteurs industriels porteurs pour l'avenir, mais sur lesquels l'Europe ne parvient pas toujours à s'implanter : aérospatial, télécommunications, ordinateurs et machines de bureau, électronique générale, électronique de consommation, appareils scientifiques, nucléaire, éléments radioactifs et isotopes, produits chimiques et armes.

b) Les échanges avec les pays émergents d'Asie

Selon l'OCDE (23( * )) , l'Union européenne, a destiné, en 1996, 15,2 % de ses exportations aux pays émergents d'Asie (6,5 % aux cinq pays actuellement en crise -Corée, Indonésie, Malaisie, Philippines et Thaïlande-, 2,3 % à la Chine et 6,4 % aux autres pays émergents- Singapour, Taïwan, Hongkong).

Un peu plus de 17 % de ces importations proviennent de ces pays (respectivement 6,5 %, 4,5 % et 6,1 %). Elle affiche donc un déficit structurel qui devrait encore se creuser après la forte dévaluation des monnaies asiatiques.

4. Les spécificités françaises

a) Une balance industrielle excédentaire

La France est le quatrième exportateur mondial, après les Etats-Unis, l'Allemagne et le Japon, en matière industrielle.

Sa position s'est trouvée consolidée dans une époque récente : après une nette dégradation du taux de couverture de ses échanges extérieurs, passé de 99,5 % à 92,8 % entre 1986 et 1990, celui-ci s'est nettement redressé pour atteindre 107,7 % en 1996, traduisant une amélioration de la compétitivité de son industrie.

Dans le même temps, le taux de couverture des échanges manufacturiers du Japon et de l'Allemagne s'est réduit, bien que restant très supérieur aux résultats français, et la situation américaine, toujours négative, s'améliore.

Taux de couverture en produits manufacturés des principaux pays industriels

(Unités : Pourcentage sur la base de valeur en dollars US aux changes courants)

 

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

France

99.5

94.5

94.1

92.9

92.8

96.4

100.1

106.1

106.4

107.8

107.7

Allemagne

162.5

159.5

157.9

153.8

140.4

114.7

123.7

130.2

132.3

132.9

130.8

Royaume-Uni

80.4

80.4

80.3

81.1

87.6

93.6

90.1

91.7

92.5

93.4

92.1

Etats-Unis

52.2

53.9

67.0

72.8

76.9

83.0

80.0

75.8

72.9

73.5

74.8

Japon

52.2

324.7

284

255.1

239.1

257.5

285.5

283.5

256.3

219.2

192.5

Source : OCDE & SESSI

LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS DE LA FRANCE EN 1997
PRODUITS MANUFACTURÉS

En 1997, le solde des échanges de biens et services a apporté à la France l'essentiel de la croissance. En effet, en expliquant 1,5 point des 2,4 % de croissance, le solde extérieur a constitué en 1997 l'élément le plus dynamique de la croissance du PIB marchand.

L'excédent de 1997 des échanges de produits manufacturés est le plus élevé que notre balance commerciale ait jamais enregistré . Ce résultat témoigne de la bonne compétitivité de nos entreprises qui a bénéficié au cours des dernières années des réajustements de change en Europe et de la hausse plus récente du dollar. Mais cet excédent repose aussi sur la faiblesse de la demande intérieure qui n'est pas suffisamment repartie pour entraîner les importations, bien que celles-ci se soient toutefois accélérées en fin d'année.



Le record de 1997 ne devrait pas être battu cette année. La balance commerciale française va en effet subir en 1998 un " effet de ciseau " dû au ralentissement attendu de la demande mondiale, sous l'effet de la crise asiatique, qui va brider nos exportations. La demande mondiale adressée à la France serait en effet moins dynamique à l'horizon de la prévision qu'en 1997 : elle progresserait à un rythme annuel de 5,3 % pendant les trois prochaines années contre 7,2 % en 1997. En outre, les monnaies dévaluées de ces pays vont se révéler être une arme compétitive féroce sur les marchés tiers. Sous ces hypothèses, comme l'illustre le graphique ci-dessus, les exportations des produits manufacturés, qui ont progressé de 12,2 % en volume en 1997, continueraient de s'accroître mais à un rythme plus faible, proche de 6,3 % en 1998. Ce rythme est cependant toujours supérieur à la demande mondiale soulignant des gains de parts de marché des industriels français. Quant aux importations, elles devraient s'accélérer (hausse de 8,4 % du volume en 1997 et 9,1 % en 1998) à mesure que la demande interne poursuit son redressement (5,6 % en 1998 contre 3,1 % l'an passé).

Source : étude OFCE à l'aide du modèle Mimosa, présentée le 2 avril 1998 au Sénat sous l'égide de la délégation sénatoriale pour la planification.

b) Des aspects préoccupants

Toutefois, l'examen plus approfondi de la balance commerciale en 1996 montre que la position française reste faible sur les marchés en forte croissance : les produits français ne constituent que 1,7 % des importations des pays asiatiques (contre 5,4 % pour les productions allemandes et 1,8 % pour les productions italiennes) et 4,2 % seulement des importations des pays d'Europe de l'Est (contre 28,2 % pour l'Allemagne et 8,1 % pour l'Italie).

Pour obtenir une image plus exacte des performances françaises, il convient de soustraire les opérations d'échanges effectuées avec les DOM-TOM (soit environ 30 milliards de francs) et d'isoler la part du commerce destiné aux pays de l'Union (60 %) : on constate alors que l'essentiel du solde ne réside que dans la mise en oeuvre de grands contrats, en matière aéronautique, nucléaire et de télécommunications pour lesquels la France dispose, pour l'heure, d'une position favorable.

C. LA SITUATION DE L'EMPLOI INDUSTRIEL CONTINUE DE SE DEGRADER

1. Des pertes d'emplois industriels préoccupantes

a) En Europe

Sur longue période, la part de l'emploi industriel a diminué dans la plupart des pays développés : entre 1980 et 1994, celle-ci a ainsi baissé de 21 % en France, de 21 % en Allemagne, de 33 % au Royaume-Uni, de 15 % en Italie, de 32 % en Espagne. Si elle a régressé de 27 % aux Etats-Unis, elle s'est en revanche maintenue au Japon sur la même période.

Les restructurations actuellement conduites au sein de l'Union européenne se sont donc accompagnées d'un déclin significatif de l'industrie manufacturière et de l'agriculture au profit des services.

• En 1996, selon l'office des statistiques des Communautés européennes Eurostat (24( * )) , la situation de l'emploi s'établissait comme suit :

-- 64,9 % de l'ensemble des emplois étaient dans le secteur des services (dont 79,3 % occupés par des jeunes), le taux le plus bas se trouvant au Portugal et en Grèce (de l'ordre de 57 %) ;

-- 5,1 % des emplois relevaient du secteur de l'agriculture (jusqu'à 20,3 % en Grèce) ;

-- 30 % des emplois appartenaient au secteur industriel, le taux le plus élevé se trouvant en Allemagne (36 %).

• Les résultats pour 1997 montrent qu'en dépit de l'augmentation importante de la production sur cette période, le niveau d'emploi a continué de décroître : l'emploi industriel a baissé de 1,5 % par rapport à 1996, elle-même en recul de 1,3 % sur l'année précédente. Les seuls pays qui ont connu une augmentation sont l'Espagne (+3,1 %) et le Royaume-Uni (+ 0,5 %), tandis que l'Allemagne, l'Autriche et le Portugal enregistraient une baisse moins marquée en 1997 qu'en 1996. A l'inverse, celle-ci s'est accélérée dans tous les autres Etats membres.

Aux Etats-Unis, l'emploi du secteur industriel a connu une augmentation de 0,4 %, après une baisse de 0,3 % en 1996 et les taux japonais s'élevaient à - 0,9 % en 1997 et - 2,2 % en 1996.

Source : Eurostat

b) En France

Au cours des dix dernières années, l'emploi industriel -y compris agro-alimentaire- n'a cessé de décroître passant de 4,7 millions d'effectifs en 1986 à 3,8 millions de personnes en 1996. Le passage sous la barre symbolique des quatre millions d'emplois enregistré en 1993 a vivement porté atteinte à l'image de nation industrielle de la France, en dépit du nombre important d'emplois dans le secteur des services aux entreprises évalué à 2,3 millions.

Toutefois, le récent regain de confiance des industriels, après une longue période de morosité incite à plus d'optimisme. Les enquêtes mensuelles de conjoncture menées par l'Insee témoignent, depuis la mi-1997, d'un meilleur état des carnets de commandes et de la reconstitution de stocks jusqu'alors maintenus à un niveau anormalement faible.

Les perspectives de l'emploi industriel français

Avec une contraction de ses effectifs permanents de 26 000 en 1997, l'industrie fait apparaître une évolution exagérément pessimiste. La réaffectation des intérimaires qu'elle emploie révélerait des créations nettes sur l'année. Dans le bâtiment, qui a perdu 20 000 emplois permanents l'année dernière, elle conduirait à une stabilisation. En regard, cette réaffectation vers les secteurs utilisateurs atténuerait la perception exagérément optimiste des mouvements de l'emploi dans les services.

Sous l'effet de la consolidation de la reprise, les créations se poursuivront cette année et l'année prochaine. L'industrie manufacturière et la construction apparaissent en bien meilleure situation aujourd'hui que dans les phases conjoncturelles passées équivalentes. La croissance de la production industrielle depuis un an a porté le niveau de la productivité au seuil de déclenchement des créations d'emplois. Les entreprises industrielles pourront dès lors procéder à des embauches sous statut permanent. Elles transformeront aussi les contrats temporaires actuels en contrats définitifs. Les effectifs concernés, qui quitteront alors le secteur des services, viendront s'ajouter à l'emploi permanent. Au total, l'emploi salarié industriel croîtrait de 1,6 % au cours de 1998. La hausse serait toutefois moindre en 1999 (+ 0,5 %), sous l'effet du ralentissement de la productivité entraîné par les créations de l'année précédente. Le bâtiment, qui a lui aussi amplement recouru au travail intérimaire en 1997 et enregistré des gains de productivité significatifs depuis un an et demi, pourra désormais créer des emplois stables en nombre important, 4,3 % en 1998 et 2,7 % en 1999.

Source : étude OFCE réalisée à l'aide du modèle MIMOSA - 2 avril 1998

2. Des charges salariales élevées

L'argument suivant lequel la disparition de l'emploi industriel en Europe s'expliquerait par le poids excessif du coût du travail pour des entreprises en quête de compétitivité a été si souvent développé qu'il n'est pas nécessaire de le reprendre ici.

dollars US par heure

travailleurs hommes et femmes

Source : Institut der deudschen Wirtschaft - Cologne

Il n'est toutefois pas inutile de souligner qu'en dépit de charges salariales qui peuvent être dix ou quinze fois supérieures à celles observées dans des pays du Sud-Est asiatique ou d'Europe centrale, les entreprises implantées dans l'Union parviennent à conserver une certaine compétitivité.

En revanche, il serait parfaitement contreproductif d'envisager d'alourdir encore cette charge. Le débat actuel sur la réduction du temps de travail sans diminution des salaires dépasse certes le cadre du présent rapport. Mais il va de soi que l'instauration d'un horaire hebdomadaire de 35 heures à rémunération égale aura des effets négatifs sur la compétitivité des entreprises en augmentant les coûts de production.

A titre indicatif, le passage de 39 à 35 heures en France sans perte de salaire correspondrait à une hausse des coûts salariaux horaires de 11,4 %. Or, la compétitivité globale de l'économie française n'est pas dans une situation telle qu'elle puisse assumer une nouvelle dégradation. Selon l'International Institute for Management Development de Lausanne, la France n'occupe plus, en 1997, que le vingt et unième rang mondial pour la compétitivité, soit une perte de deux places en un an. Ce classement, dominé par les Etats-Unis, Singapour et Hong Kong, fait figurer les Pays-Bas en quatrième position et onze pays européens -dont la Grande-Bretagne, l'Irlande, la Finlande et l'Allemagne- devancent notre pays (25( * )) .

Enfin, et pour compléter ce panorama, selon l'OCDE, la durée effective annuelle du travail s'élève, en 1996, à :

• Allemagne 1 508 h

• France 1 529 h

• Italie 1 682 h

• Royaume-Uni 1 735 h

• Canada 1 721 h

• Japon 1 919 h

• Etats-Unis 1 951 h

II. RENDRE LA POLITIQUE COMMERCIALE DE L'UNION PLUS OFFENSIVE

A. UNE POLITIQUE AUX EFFETS POSITIFS INCONTESTABLES

1. Un fondement de la construction européenne

a) Une compétence communautaire : les échanges de marchandises

La politique commerciale est, au même titre que la politique agricole ou celle des transports, à la base de la construction européenne : dans le cadre des principes figurant en tête du Traité instaurant la Communauté européenne, sont énumérées, parmi les objectifs qui lui sont assignés, l'élimination des obstacles tarifaires ou quantitatifs aux échanges et l'instauration d'une politique commerciale commune.

En application de l'article 113 dudit Traité cette politique commerciale commune est une compétence communautaire exclusive.

La Commission négocie les accords, dans le respect des directives adressées par le Conseil et avec l'aide du Comité des représentants des Etats Membres, dit " Comité 113 " ; le Conseil les conclut.

Or, le commerce international s'est considérablement élargi depuis la mise en place du GATT dans les années quarante : jusqu'alors limité aux marchandises et aux produits primaires, il s'est étendu aux services, aux investissements, à la propriété intellectuelle. La question s'est alors posée de savoir si ces nouveaux domaines devaient être assimilés aux biens dans la conduite de la politique commerciale.

b) Une compétence partagée : les échanges de services

Un avis de la Cour de justice des Communautés européennes a clairement indiqué que tel n'était pas le cas : la compétence exclusivement communautaire ne concerne que le seul commerce de marchandises ; le commerce des services et les règles internationales relatives à la propriété intellectuelle relèvent de la compétence partagée entre la Communauté et les Etats membres. Déplorant cette décision, la Commission a souhaité se voir reconnaître une extension de sa compétence exclusive en la matière, considérant qu'elle assurerait mieux, alors, la défense des intérêts de l'Union : elle a ainsi proposé que la Conférence intergouvernementale revoie les paramètres de la politique commerciale de sorte que l'Union se dote à nouveau de l'unité nécessaire (26( * )) .

Cette extension du domaine communautarisé n'a pas recueilli l'accord de tous les Etats membres : la France, notamment, estimait, à l'inverse, que cette répartition des rôles permettait aux Etats de défendre leurs intérêts tout en n'empêchant pas une action commune en liaison avec la Commission, comme cela fut le cas lors de l'adoption de la clause d'exception culturelle au cours des discussions de l'Uruguay Round (27( * )) .

La situation est demeurée en l'état dans le traité d'Amsterdam : la Conférence intergouvernementale n'a finalement autorisé l'extension des compétences externes de la communauté aux services et aux droits de propriété intellectuelle, à l'exclusion des investissements directs, que sur décision unanime du Conseil , ce qui équivaut à un maintien du statu quo, qui nous paraît tout à fait satisfaisant.

2. Un facteur d'accroissement considérable des échanges

Le marché intérieur de l'Union regroupe, en 1997, près de 374 millions d'habitants, soit 6 % de la population mondiale, et constitue le quatrième ensemble démographique, loin derrière la Chine (1,2 milliard) et l'Inde (1 milliard), mais juste après l'ALENA (394 millions), la zone de libre-échange nord-américaine qui regroupe les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Il compte 106 millions d'habitants de plus que les Etats-Unis et trois fois plus d'habitants que le Japon (28( * )) . Cette dimension démographique est essentielle dans le développement des échanges intra-européens.

a) L'accélération du volume des échanges

Désormais, les échanges intra-européens constituent environ 63 % du commerce extérieur des pays de l'Union. Selon une étude de la Commission (29( * )) , le grand marché a contribué à accroître de 20 à 30 % le volume des échanges de produits manufacturés à l'intérieur même de l'Europe. Celle-ci en aurait tiré un surplus de croissance de 1 à 1,3 % à partir de 1994, comportant un effet positif sur l'emploi, d'une estimation difficile mais appréciée entre 300.000 et 900.000 postes. Il est donc incontestable que le développement des échanges crée des emplois en nombre significatif.

Selon l'étude précitée, et contrairement à ce que l'on pouvait supposer, l'accroissement du volume des échanges intra-communautaires ne s'est pas produit aux dépens des productions extérieures à l'Union : les importations extra-communautaires de produits manufacturés ont accru leur part de la consommation de l'Union de 12 à 14 % sur la période 1980-1993.

b) L'élargissement de la gamme des produits échangés

Il a également été constaté une modification de la nature des échanges intra-communautaires.

Le marché unique ne semble pas avoir incité à la spécialisation des Etats membres sur certains secteurs industriels, en vertu de la théorie des avantages comparatifs : il les aurait plutôt conduits, au sein de chaque secteur industriel, à une spécialisation de gamme en termes de prix et de qualité, élargissant ainsi le choix offert aux consommateurs.

En outre, l'évolution de la nature des échanges est elle-même source d'une plus grande intégration économique. En effet, l'internationalisation des firmes ne passe plus uniquement par l'exportation de produits finis. Elle procède aussi de l'échange de biens intermédiaires destinés à être transformés entre filiales d'un même groupe implantées dans différents pays.

Concernant le commerce avec l'Union européenne, la part de l'intragroupe dépasse 50 % dans les importations françaises et avoisine 55 % pour les exportations. Le poids des échanges internes est encore plus élevé dans certains secteurs comme celui de la construction automobile.

En découle la multiplication des flux commerciaux : les composants étant comptabilisés à chaque passage de frontière (en valeurs brutes et non en valeur ajoutée), cette double, voire triple comptabilisation est en fait le reflet exact du processus de mondialisation, encore plus marqué dans le cadre du commerce intra-européen (30( * )).

3. Un facteur d'intégration dans le cadre mondial : du GATT à l'OMC

Le 15 avril 1994, le cycle de l'Uruguay s'est achevé à Marrakech après sept années de négociations portant sur la libération du commerce de marchandises et sur de nouvelles questions comme la mise en oeuvre de disciplines collectives dans les échanges de services, de produits agricoles et de textiles ou la défense de la propriété intellectuelle.

L'influence de l'Europe -et notamment, la volonté politique du Gouvernement français affirmée par MM. Edouard Balladur et Alain Juppé- a été déterminante pour l'aboutissement de ces discussions auxquelles les Etats-Unis n'étaient pas, a priori, très favorables.

Elles ont abouti à la création de l'organisation mondiale du commerce (OMC), remplaçant le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), destinée à permettre une meilleure application de la législation internationale et un règlement plus efficace des contentieux commerciaux. L'OMC a commencé de fonctionner le 1er janvier 1995 avec 123 Etats membres répartis sur tous les continents : en dépit de certaines lacunes (la Russie et la Chine (31( * )) n'y ont, pour l'heure, pas adhéré), ses premiers pas ont semblé encourageants.

Le véritable changement de l'OMC par rapport au GATT réside dans le fait de passer d'un système multilatéral des échanges, fondé sur le volontarisme, à un système contraignant, où l'OMC dispose des moyens de faire respecter les règles multilatérales. Le bon fonctionnement de la procédure de règlement des différends a été souligné par les Etats membres de l'OMC au cours de la Conférence de Singapour de décembre 1996, notamment par le fait que des compromis sont fréquemment trouvés avant même l'issue de la procédure contentieuse. Le fait que certains petits Etats aient obtenu gain de cause contre des grandes puissances (exemple d'un contentieux Etats-Unis/Costa Rica) est un indice de crédibilité pour cette institution récente.

Il convient donc d'apprécier, à leur juste mesure, les conséquences positives incontestables de la politique commerciale conduite par l'Europe : outre son effet de levier sur le niveau des échanges, elle a permis de consolider la construction européenne et accru sa crédibilité auprès de ses partenaires.

Pour autant, sa mise en oeuvre n'est pas exempte de critiques.

B. LA POLITIQUE EUROPEENNE MANQUERAIT-ELLE DE RÉALISME ?

Etayée par l'observation suivant laquelle l'Union défendrait mal ses intérêts économiques, la critique essentielle formulée à l'encontre de la politique commerciale européenne peut prendre la forme d'une question : l'Europe serait-elle trop naïve ? (32( * )).

1. La multiplication des zones de liberté commerciale

a) Des initiatives multiformes de la part de la Commission

On assiste, depuis plusieurs années, à la multiplication des initiatives de la Commission pour créer, ou amplifier, des zones géographiques avec lesquelles les échanges commerciaux sont libres de tout encadrement.

L'Union européenne a ainsi accordé des statuts préférentiels à de nombreux Etats partenaires, qu'il s'agisse de pays voisins (Turquie, Suisse...), de zones géographiques traditionnellement protégées (Etats méditerranéens, plus encore à l'issue de la Conférence de Barcelone) ou de pays à l'égard desquels une démarche politique volontaire est suivie (pays de l'Europe centrale et orientale).

A ces accords de type " traditionnel " se sont ajoutées des propositions de libre-échange avec des pays plus lointains. On peut ainsi notamment citer le Mexique ou l'Afrique du Sud, avec laquelle les négociations ne cessent de progresser, rappeler l'accord de coopération conclu le 14 décembre 1995 avec le Mercosur (Amérique du Sud), signaler la poursuite du " dialogue transatlantique " et indiquer d'autres discussions encore, relevant certes de la déclaration d'intention, au profit de la Corée du Sud, du Canada, de la Russie -avec laquelle un accord de partenariat et de coopération est entré en vigueur le 1er décembre 1997- ou de l'Ukraine.

Il ressort de cette énumération une impression de foisonnement anarchique, ne répondant apparemment à aucun raisonnement cohérent et qui reflète les divergences d'idéologie économique entre les différents commissaires en charge de ces questions. L'organisation même de la commission explique ce sentiment d'improvisation : la responsabilité des relations économiques extérieures y est partagée entre quatre commissaires dotés de secteurs de compétences distincts ne permettant pas l'élaboration d'une approche globale de la politique commerciale européenne.

Bref, face à une activité aussi débordante, l'on peut même se demander si le libre-échange n'est pas davantage considéré comme une fin en soi plutôt qu'un moyen d'action, tout en méditant l'exemple du Japon qui n'appartient, il faut le souligner, à aucune zone de libre-échange (33( * )) .

b) Une tentative de clarification par le Conseil

Dans un but de clarification, la présidence française avait souhaité, en 1995, encadrer les initiatives en matière de création de zones de libre-échange.

Le Conseil du 22 juin 1995 a ainsi adopté des conclusions pour que la Commission effectue et présente, lors de chaque demande de mandat, une " étude d'impact " du libre-échange envisagé, qui préciserait la compatibilité du projet avec les règles de l'OMC, ses conséquences sur les politiques communes, notamment la PAC, et l'effet qu'il pourrait produire sur les accords préférentiels déjà acquis. Il est en effet évident que si des conditions préférentielles sont accordées à tous nos partenaires commerciaux, cela revient à ne favoriser plus personne ; de surcroît, dans le contexte d'une libéralisation générale des échanges, de telles pratiques limitent considérablement l'intérêt des accords de commerce privilégiés.

Cette procédure a commencé à être mise en oeuvre dans le cadre des négociations avec l'Afrique du Sud : le défaut de présentation de ces analyses a entraîné, par la majorité du Conseil, le refus du premier mandat de négociation demandé par la Commission.

Toutefois, la démarche générale demeure inchangée : ainsi que le soulignait M. Jacques Genton, Président de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne (34( * )) , malgré la mise au point du Conseil à la Commission européenne, celle-ci a continué de placer les relations commerciales de la Communauté avec diverses zones économiques dans la perspective de la création de zones de libre-échange, selon un schéma de relations bilatérales bien différent de la démarche multilatérale adoptée par la Communauté au cours des négociations pour la création de l'OMC.

c) Un débat relancé : le nouveau marché transatlantique

Une initiative spectaculaire

Les récents développements conduisent à faire mention particulière du projet de " nouveau marché transatlantique " (NTM) lancé par le vice-président de la Commission européenne, Sir Leon Brittan, le 11 mars dernier et avalisé par une majorité de ses collègues (35( * )) .

Sans être totalement un arrangement libre échangiste, ce document proposait d'en accélérer spectaculairement l'aboutissement.

Le NTM, présenté conjointement par les commissaires Leon Brittan (commerce extérieur), Martin Bangemann (industrie et télécommunications) et Mario Monti (marché intérieur), comportent quatre volets :

-- une zone de libre échange pour les services ;

-- l'élimination des barrières techniques au commerce, notamment par des accords de reconnaissance mutuelle ;

-- la libéralisation des marchés publics, de la propriété intellectuelle et des investissements ;

-- éventuellement, la suppression progressive des droits de douane sur les produits industriels d'ici 2010.

Selon Sir Leon Brittan, cet accord " devrait présenter des avantages économiques substantiels pour l'entreprise et le consommateur, mais il devrait aussi donner un nouvel élan politique aux relations bilatérales " , ajoutant qu'une " analyse économique indépendante " avait évalué à 150 milliards d'écus par an les avantages de ce projet pour l'Europe après cinq années.

Une initiative contestable

La France s'est déclarée très hostile au NTM, considérant que l'ouverture actuelle des marchés était déjà satisfaisante et dénonçant à nouveau une " initiative sans consultation préalable du commissaire Brittan " (36( * )) .

Un nouveau degré dans la dramatisation du débat a été franchi le 31 mars dernier lorsque M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, a vivement contesté la présentation faite par Sir Leon Brittan des débats au Conseil du 30 mars. Il a en effet affirmé qu'il en résultait " une présentation inexacte et fausse du débat et des conclusions " du Conseil, que la France avait " non pas émis des réserves, mais s'était déclarée opposée à la proposition de la Commission, " et qu'il était erroné qu'un mandat ait été donné à celle-ci ; en conséquence, " la Commission n'est pas habilitée " à évoquer ce dossier au sommet euro-américain du 18 mai prochain à Londres (37( * )) . Le Président de la République a également condamné très fermement l'initiative personnelle du commissaire Brittan au cours de sa conférence de presse du 16 avril 1998.

En dépit des apaisements avancés par la Commission -exclusion des produits agricoles et audiovisuels, approche sélective dans le secteur de la pêche- qu'elle juge peu convaincants, votre Délégation approuve la ferme opposition du Gouvernement français sur ce dossier précipitamment présenté et insuffisamment préparé (38( * )). Elle aurait été favorable, le cas échéant, à ce que la France fasse usage du compromis de Luxembourg ou oppose son veto comme le Président de la République en a émis l'hypothèse (39( * )) .

Le problème ne se posera pas dans l'immédiat puisque, au cours du Conseil Affaires générales tenu à Luxembourg le 27 avril dernier, les Etats membres ont effectivement admis que l'unanimité requise pour accepter l'initiative de Sir Leon Brittan ne pourrait être obtenue et, partant, que la communication de la Commission ambitionnant la réalisation d'un grand marché transatlantique ne pourrait servir de base à la préparation du sommet de Londres.

Ce coup d'arrêt donné au " schéma Brittan " n'est pas pour autant le signe d'une hostilité des Etats membres à l'expansion des échanges transatlantiques, mais celle-ci doit être conçue sur d'autres bases.

On peut être certain que ce projet resurgira, sous une forme ou sous une autre, dans l'avenir. La Délégation demande au Gouvernement qu'il exige de la Commission qu'elle s'appuie sur un mandat du Conseil avant de relancer " proprio motu " des pourparlers sur ces questions essentielles. Elle demande enfin à être tenue officiellement informée de l'évolution de ce dossier.

En outre, elle ne peut que déplorer la perte de confiance qui résultera inéluctablement de cette situation conflictuelle entre la Commission et les Etats membres, quelle que soit leur analyse du bien fondé du projet transatlantique.

d) Bilatéralité ou multilatéralité ?

La nécessité de clarifier les choix entre la voie bilatérale et la voie multilatérale est désormais urgente. Au cours de la dernière session de l'OMC du 26 novembre 1997, plusieurs partenaires commerciaux de l'Union n'ont pas manqué de critiquer la multiplicité des accords bilatéraux et régionaux que celle-ci a conclus avec le reste du monde (40( * )) .

La question se pose en effet de savoir s'il convient de poursuivre la négociation d'accords bilatéraux en parallèle avec les accords multilatéraux organisés dans le cadre de l'OMC et si la démarche " au coup par coup " est conciliable avec une logique globale de libéralisation des échanges.

Trancher le dilemme bilatéralité-multilatéralité suppose que puisse être fourni un tableau complet des accords déjà conclus afin d'apprécier leurs conséquences. Certes, la Commission a récemment présenté une communication portant sur " les accords commerciaux préférentiels de l'Union européenne avec les pays tiers et règles de l'OMC " (41( * )) . Mais cette étude n'est pas exempte de critiques : outre son caractère tardif, puisqu'elle avait été demandée lors du Conseil de Florence en juin 1996, la délégation française a ainsi contesté, au cours du Conseil Affaires générales du 24 février 1997 (42( * )), ses lacunes, notamment l'absence d'étude de l'impact des accords préférentiels sur les politiques communautaires, qui en constitue un aspect essentiel.

Accords préférentiels réciproques existants entre l'Union européenne

et les pays tiers

1. Espace économique européen

Islande, depuis le 1 er janvier 1994

Liechtenstein, depuis le 1 er mai 1995

Norvège, depuis le 1 er janvier 1994

Type d'accord : extension du marché intérieur

(Zone de libre-échange créée par l'accord de libre échange de 1972)

2. Union douanière

Turquie, depuis le 31 décembre 1995

Type d'accord : phase finale de l'union douanière après la fin de la période transitoire de 22 ans prévue dans le protocole additionnel à l'accord d'association CEE-Turquie entrée en vigueur le 1er décembre 1963.

Chypre, depuis le 1 er juin 1973

Malte, depuis le 1 er avril 1971

Type d'accord : mise en place ultérieure d'une union douanière en deux étapes ;
projet d'instauration d'une zone de libre-échange à moyen terme.

Andorre, depuis le 1 er janvier 1991

Type d'accord : prévoit la mise en place d'une union douanière pour les produits industriels en deux étapes.

Saint-Marin, depuis le 1 er décembre 1992

Type d'accord : prévoit la mise en place d'une union douanière.

3. Accords de libre échange

a) Entrés en vigueur

Suisse, depuis le 1 er janvier 1974

Type d'accord : zone de libre échange

Hongrie, depuis le 1 er février 1994

Pologne, depuis le 1 er février 1994

République tchèque, depuis le 1 er février 1995

République slovaque, depuis le 1 er février 1995

Bulgarie, depuis le 1 er février 1995

Roumanie, depuis le 1 er février 1995

Estonie, signé le 12 juin 1995, depuis le 1er février 1998

Lettonie, signé le 12 juin 1995, depuis le 1er février 1998

Lituanie, signé le 12 juin 1995, depuis le 1er février 1998

Type d'accord : accord d'association prévoyant le libre échange et une éventuelle adhésion ultérieure.

b) A ratifier

Slovénie, signé le 10 juin 1996

Type d'accord : accord d'association prévoyant le libre échange et une éventuelle adhésion ultérieure.

c) Coopération euro-méditerranéenne (43( * ))

- Ratifié :

Tunisie, signé le 17 juillet 1995, entré en vigueur le 1er mars 1998 ; remplace l'accord de coopération de 1976

- Signés :

Israël, signé le 20 novembre 1995

Maroc, accord provisoire conclu le 15 novembre 1995

Egypte, négociations en cours

Jordanie, négociations en cours

Liban, négociations en cours

Type d'accord : accord d'association prévoyant le libre échange à l'horizon 2010.

d) Directives de négociation pour les accords de libre échange en cours de discussion au Conseil

Afrique du Sud

Type d'accord envisagé : accord de commerce et de coopération proposant l'établissement d'une zone de libre échange. Objectif de conclusion : mi-1998.

Mexique

Type d'accord envisagé : accord de partenariat économique et de concertation politique encourageant le développement graduel des échanges de marchandises, services et investissements notamment par la libération bilatérale progressive et réciproque des échanges de marchandises.

4. Accords préférentiels et non réciproques de libéralisation

Convention de Lomé : pays ACP, quatrième convention entrée en vigueur le 1 er mars 1990. Cinquième convention en cours de négociation.

Type d'accord : accord préférentiel non réciproque couvrant les échanges de marchandises, le droit d'établissement et les opérations des sociétés, les paiements courants et les mouvements de capitaux.

Accords méditerranéens, ancienne génération

- Algérie, depuis le 1 er novembre 1978

- Syrie, depuis le 1 er novembre 1978

Type d'accord : accord de coopération comprenant un accès réciproque non préférentiel au marché de la CE.

Accords envisagés avec les pays de l'ex-Yougoslavie.

- Croatie, négociations suspendues depuis le 4 août 1995

- Fyrom, accord paraphé le 20 juin 1996

Type d'accord envisagé : accès préférentiel non réciproque au marché de la CE.

Source : Communication de la Commission sur les accords commerciaux préférentiels de l'Union européenne avec les pays tiers et règles de l'OMC 16 janvier 1997 - SEC (96) 2168 final.

Mise à jour au 4 mai 1998

e) Le libre-échange est-il une panacée ?

Le dossier transatlantique présentait une importance particulière puisque, au-delà de la zone du libre-échange euro-américaine, c'est le problème du libre-échange mondial qui était en effet posé : le respect des règles de l'OMC impose d'étendre à tous les pays membres les réductions douanières ou libéralisations des échanges que concluraient l'Europe et les Etats-Unis entre eux, en vertu de la règle de la nation la plus favorisée.

Le risque serait réel de voir l'Union se perdre dans une zone de libre échange mondiale où ne s'appliqueraient que les règles et disciplines de l'OMC qui ont certes leurs vertus, mais ne comprennent aucune considération sociale, d'environnement ou de concurrence.

Il convient aussi de ne pas négliger les conséquences radicales, pour certains secteurs, que pourrait avoir la suppression des droits de douane applicables à l'ensemble des pays de l'OMC. En effet, la levée des barrières au commerce n'est pas, en elle-même, un remède miracle. Lorsqu'elle est conclue entre l'Union et des pays en voie de développement, elle repose parfois sur une double ambiguïté : l'Europe en espère de nouveaux marchés pour son industrie -ce qui peut déstructurer l'appareil productif local de ses partenaires encore fragile- ; ceux-ci en attendent des débouchés agricoles -pas toujours acceptables pour l'équilibre agricole européen. La problématique n'est pas meilleure entre grands pays industrialisés, comme l'a montré le projet de nouveau marché transatlantique.

2. L'octroi d'avantages sans contrepartie ou sans contrôle de ces contreparties

L'Union s'est fréquemment attiré le reproche d'accorder à ses partenaires extérieurs des facilités commerciales qu'elle n'obtenait pas d'eux, qu'il s'agisse du niveau de tarification douanière ou de mesures favorisant l'ouverture des marchés

a) L'évolution des tarifs douaniers

Le tableau suivant présente les moyennes tarifaires appliquées avant et après le cycle d'Uruguay (en pourcentage) :

Pays

Avant

Après (1)

Taux de baisse

Corée

18

8,3

- 53,9 %

Brésil

40,6

27

- 33,5 %

Thaïlande

37,3

28

- 24,9 %

Vénézuela

50

30,9

- 38,2 %

Inde

71,4

32,4

- 54,6 %

Mexique

46,1

33,7

- 26,9 %

Union européenne

5,7

3,6

- 34,8 %

Etats-Unis

5,4

3,5

- 38,6 %

Canada

9

4,8

- 46,7 %

Australie

20,1

12,2

- 63,1 %

Japon

3,9

1,7

- 56,4 %

Source : " Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay (OMC - Genève - novembre 1994).

(1) Réduction par étapes programmées entre le 1 er janvier 1995 et le 1 er janvier 1999.

Incontestablement, le cycle d'Uruguay a constitué une avancée importante, permettant des réductions substantielles de taux douanier notamment pour les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine. Mais le rapprochement des taux pratiqués montre l'importance de l'écart qui reste à combler pour que ces derniers parviennent au niveau des pays occidentaux et surtout européens. Il s'agit, en outre, de taux moyens, qui peuvent masquer de profondes disparités selon les produits concernés.

b) Les mesures non tarifaires

A côté des barrières commerciales classiques -droits de douane et restrictions quantitatives- qui ont été massivement réduites à l'issue du cycle d'Uruguay, des " coûts invisibles " se sont maintenus ou développés, créant un environnement commercial négatif.

Plusieurs secteurs industriels européens en font particulièrement les frais : ouverts à la concurrence mondiale, ils ne bénéficient pas d'une réciproque aussi favorable. On peut notamment évoquer, parmi les illustrations les plus patentes :

Le secteur textile

Dans le secteur textile, la programmation du démantèlement, en dix ans, des accords multifibres (AMF) s'accompagnait d'une ouverture réciproque des marchés des pays tiers. Or, cet assouplissement des conditions d'échanges reste encore très insuffisant de la part de certains partenaires comme l'Inde et le Pakistan. Pourtant, depuis lors, plusieurs actes communautaires ont régulièrement assoupli les conditions applicables aux importations provenant de ces pays, sans se soucier de vérifier la réalité des contreparties, difficulté maintes fois soulignée par votre Délégation (44( * )) : " Il s'avère que les entreprises françaises du textile et de l'habillement... émettent de sérieuses réserves à l'égard des nouvelles concessions ... consenties sans contrepartie véritable. Elles considèrent que les engagements pris par l'Inde et le Pakistan sont insuffisants, remarquant que les produits textiles communautaires les plus courants continueront à supporter des droits de douane supérieurs à 35 % et que la suppression par les deux pays en cause des quotas d'importation jusque là opposables à la Communauté sera sans conséquence pratique, les exportations communautaires vers ces pays étant actuellement presque inexistantes " .

Observant le même phénomène, le Comité économique et social des Communautés européennes a également souligné la nécessité d'une meilleure ouverture des marchés tiers aux productions européennes du secteur textile-habillement (45( * )), " ce qui amène à se poser la question de la cohérence de la politique extérieure de l'Union européenne par rapport à sa stratégie de compétitivité industrielle ". Il a ainsi estimé légitime de " placer l'ouverture de marchés des pays tiers avant l'ouverture de nos propres marchés comme priorité dans les négociations commerciales futures " et demandé " l'application effective du dispositif de surveillance des accords commerciaux, un meilleur accès pour les petites et moyennes entreprises de l'Union aux mécanismes de défense commerciale avec la possibilité de sanctions plus automatiques des contrevenants ".

Le secteur automobile

Le déséquilibre actuel des flux automobiles entre les marchés européen, américain et japonais résulte des obstacles réglementaires et commerciaux qui ont gêné les échanges et les implantations à l'étranger des entreprises de l'Union.

Ainsi, alors que les groupes américains détiennent 25 % du marché européen grâce à leurs filiales installées en Europe (Ford, Opel...), les automobiles européennes représentent à peine 2 % du parc américain.


De même, les Japonais occupent 11 % du marché de l'Union, bien que leurs importations soient encore limitées par des quotas, soit deux fois plus que la pénétration européenne au Japon (46( * )) . En 1997, ce pays a exporté 1,03 million de véhicules dans l'Union, équivalant à une augmentation de 28 % par rapport à l'année précédente.

Depuis 1991, la présence japonaise est encadrée par des accords d'auto-limitation en matière d'exportations vers le marché européen. Le dernier, en date du 25 mars 1998, a prévu un plafond global passant de 1,092 million de véhicules pour 1997 à 1,167 million d'unités en 1998. Cette augmentation répondrait, selon les parties à l'accord, à celle de la demande dans l'Union. Toutefois, les véhicules japonais issus des " transplants ", c'est-à-dire ceux fabriqués ou assemblés en Europe, ne font l'objet d'aucune limitation. En outre, les cinq " marchés restreints " de l'Union européenne -Espagne, France, Italie, Portugal et Royaume-Uni- qui ont bénéficié par le passé de restrictions nationales spécifiques à l'égard des importations japonaises, devront faire un effort particulier d'ouverture, proportionnellement plus important que les autres Etats membres. Enfin, comme c'était initialement prévu, l'accès des japonais au marché européen sera totalement libre à fin 1999- la réciproque n'étant pas accordée.

Le secteur de la construction navale

Le 21 décembre 1994, un accord a été conclu, dans le cadre de l'OCDE, entre l'Union européenne et les Etats concernés par la construction navale, instaurant des règles strictes pour l'octroi d'aides publiques à ce secteur, afin de commencer d'harmoniser les conditions de concurrence internationale.

Cet accord n'est toujours pas entré en vigueur : en effet, l'unanimité requise pour ratification n'ayant pas été atteinte en raison de l'opposition américaine (" amendement Bateman " adopté en juin 1996), sa mise en oeuvre a été à nouveau reportée.

Or, dans un premier temps, l'Union s'était engagée à respecter ses engagements de limitation des aides publiques, même en l'absence de contrepartie. Revenant à plus de réalisme, elle avait finalement décidé de prolonger, jusqu'à la mise en oeuvre de l'accord OCDE, sa propre réglementation, autorisant un taux de 9 % de subvention publique pour la construction des bâtiments, et de maintenir son régime d'aides au secteur de la construction navale jusqu'au 31 décembre 1997.

Sur ce fondement, la Commission a ainsi proposé, en mars 1997, d'octroyer des aides d'Etat supplémentaires en faveur de la restructuration de chantiers navals en Allemagne, en Espagne et en Grèce, estimant son intervention obligatoire pour éviter que l'avenir des chantiers navals européens ne soit compromis alors que d'autres pays (Corée ou Etats-Unis) continuent d'accorder des aides au-delà de ce qui est prévu par l'accord OCDE.

Le secteur de la construction navale, auquel le Sénat s'était montré, par le passé, très sensible (47( * )) , est en effet fragilisé : 200.000 emplois ont été perdus en Europe depuis vingt ans, dont 29.000 en France, et 14 % seulement des navires battent pavillon d'un Etat membre de l'Union aujourd'hui contre 32 % en 1970. A l'inverse, les effectifs des chantiers navals employés en Corée du Sud sont passés de 36.000 personnes en 1992 à 45.000 en 1996 (48( * )) .

On peut donc considérer comme parfaitement légitime la vigilance particulière de l'Union dans ce domaine, compte tenu des risques réels d'application non réciproque de cet accord par ses partenaires, notamment américains, coréens et japonais.

Or, alors même que c'est l'absence de ratification américaine qui faisait obstacle à l'entrée en vigueur de l'accord OCDE, les Etats-Unis ont officiellement contesté, à l'époque, la proposition de la Commission : " l'Union européenne et toutes les parties signataires de l'accord OCDE sur la construction navale ont des obligations claires qu'ils doivent respecter au titre de cet accord. Nous demandons une explication immédiate, étant donné les engagements que l'Union européenne a accepté par cet accord ", a indiqué Mme Chalène Barshefsky, représentant américain du commerce (49( * )) . On s'était alors félicité de la fermeté avec laquelle M. Karel Van Miert, commissaire européen à la concurrence, avait opposé une fin de non recevoir à cette protestation (50( * )) .

Toutefois, en octobre 1997, la Commission a défini, une fois de plus, une nouvelle stratégie relative à la construction navale (51( * )) proposant, dans un premier temps, de proroger l'application des règles européennes actuelles sur les aides jusqu'au 31 décembre 1998. A compter du 1er janvier 1999, au plus tard, un dispositif d'aide transitoire plus sévère serait appliqué, puis définitivement interdit à partir du 31 décembre 2000. Bref, même si l'accord OCDE n'est pas entré en vigueur en 1999, l'Europe renoncera progressivement à soutenir les chantiers européens face à une réglementation américaine très protectionniste dans le domaine des transports maritimes.

Votre Délégation s'était alors opposée à ces nouvelles règles par le dépôt d'une proposition de résolution (52( * )) considérant qu'il convenait de maintenir l'aide directe au fonctionnement tant que les chantiers navals de l'Union resteraient en butte à la concurrence déloyale coréenne et japonaise.

Ce dossier est actuellement en cours d'examen par les services du Conseil. Il convient que la France fasse preuve de la plus grande vigilance en la matière et s'oppose à l'abolition anticipée de ce type d'aide que souhaitent les pays les plus libéraux de l'Union -pays scandinaves, Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni.

C. L'EUROPE DOIT ÊTRE PLUS COMBATIVE

L'Union européenne doit se montrer plus combative si elle souhaite faire face à la concurrence des pays extérieurs. La meilleure voie à suivre est sans doute, ici, celle dictée par le pragmatisme et l'adaptation permanente de son comportement à la situation particulière des secteurs et des pays partenaires.

1. Eradiquer les obstacles non tarifaires aux échanges

Pouvant encore être taxée de naïveté en la matière , l'Union n'a pas toujours su faire face à l'usage d'obstacles non tarifaires aux échanges par ses partenaires. Il semble, toutefois, qu'une récente prise de conscience puisse inciter à plus d'optimisme. Ainsi, le 14 février 1996, la Commission a présenté au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions, une communication intitulée : " Le défi global du commerce international : une stratégie d'accès aux marchés pour l'Union européenne " (53( * )).

Ce document est un signe encourageant de la prise en compte des lacunes européennes en la matière ; a contrario, il manifeste du retard accumulé par l'Union dans le domaine commercial.

Son objectif est de proposer aux pays membres une stratégie globale pour rendre l'accès aux marchés plus aisé, les leurs comme ceux des pays tiers. Dans une approche dont on soulignera le caractère plus réaliste que celle en vigueur d'ordinaire, il souligne la nécessité d'une ouverture réciproque des marchés.

L'Europe reste en effet souvent démunie face à la mise en oeuvre, par ses partenaires, d'obstacles non tarifaires aux échanges. Les exemples en sont multiples, qu'il s'agisse des pics tarifaires américains -notamment sur le textile, le cuir, la joaillerie, la céramique ou le verre (54( * )) - ou du recours systématique aux normes techniques au Japon.

L'Union semble vouloir régler cette difficulté, afin de favoriser ses exportateurs, en chargeant la Commission de dresser l'inventaire des obstacles aux échanges mis en oeuvre par les Etats tiers, et pour ce faire de constituer une base de données informatiques accessible par Internet. Dans cet objectif, il est demandé aux Etats membres et aux entreprises européennes confrontées à de telles difficultés de les signaler, afin de pouvoir engager des procédures, le cas échéant, à l'encontre des partenaires agissant en violation des règles du commerce international.

Cette initiative n'est pas dénuée d'intérêt. Sir Leon Brittan la qualifie même d' " élément-clé de l'action de la Commission d'ici la fin du siècle " (55( * )) . Si l'on ne peut exclure que sa mise en oeuvre soit longue et lourde pour recenser des pratiques somme toute déjà connues, il est souhaitable que le Gouvernement français y participe aussi efficacement que possible.

LES OBSTACLES PAR PAYS RENCONTRÉS PAR LES ENTREPRISES FRANÇAISES DANS LEURS INVESTISSEMENTS À L'ÉTRANGER

1. ÉTATS-UNIS

Les entreprises françaises sont essentiellement gênées par des obstacles ayant trait à la sécurité nationale et par des obstacles réglementaires : législation antitrust, réglementation propre aux Etats fédérés, difficultés d'homologation de produits conformes aux normes françaises ou européennes, voire internationales. En outre, pour ce qui concerne les services financiers, certains Etats pratiquent une discrimination à l'encontre des sociétés d'assurances étrangères à capitaux publics.

Enfin, certaines dispositions fiscales n'assurent pas une protection suffisante des investissements français, notamment l'Unitary Tax (impôt sur les bénéfices) qui impose les filiales de groupes étrangers sur l'ensemble du résultat net positif du groupe et non sur les seuls profits de la filiale implantée dans un Etat américain.

2. CANADA

L'absence d'harmonisation des réglementations des provinces canadiennes constitue un obstacle au développement des investissements français, notamment en matière d'accès aux appels d'offres des marchés publics et dans le secteur de l'assurance automobile. En dehors de ces domaines protégés, l'accès aux marchés par les entreprises françaises est relativement aisé sauf pour les secteurs d'activité où la concurrence canadienne est importante : ainsi, les autorisations sont plus difficiles à obtenir pour l'exploitation des ressources naturelles ou pour les activités de transport et les difficultés d'homologation sont importantes pour certains produits aéronautiques civils.

3. BRÉSIL ET MEXIQUE

Le développement des investissements français est empêché par l'existence de nombreux monopoles d'Etat (industrie pétrolière, activités d'assurances...). Dans les autres secteurs, des règles contraignantes techniques, financières et sociales, rendent difficile l'accès aux marchés (homologation, obligation d'emploi du personnel local, rapatriement de bénéfices...).

La situation est semblable au Mexique, où l'on observe, en outre, que les investissements des entreprises de pays membres de l'ALENA bénéficient d'un traitement privilégié par rapport à celui réservé aux entreprises françaises.

4. CORÉE DU SUD

Les conditions d'accès aux marchés des investissements français y sont très sévères : formes d'investissement limitées, contrôles procéduriers, difficultés d'homologation. Les obstacles principaux proviennent aussi des réglementations publiques (existence de monopoles, appels d'offres réservés aux entreprises nationales...) et des comportements des entreprises sud-coréennes qui adoptent souvent une attitude discriminatoire à l'encontre des investisseurs étrangers : réticence à l'importation, contrôle de la distribution par les fabricants locaux, critique de l'acheteur de produits étrangers...

Enfin, l'insuffisante protection des marques et des droits de la propriété intellectuelle menace gravement les entreprises françaises.

5. JAPON

Les difficultés essentielles tiennent aux pratiques commerciales japonaises : les entreprises françaises souffrent des liens historiques qui favorisent, de fait, les investissements américains. En outre, les producteurs locaux tiennent efficacement les marchés, empêchant notamment les entreprises étrangères d'accéder aux réseaux de distribution.

La faible présence française s'explique par la difficulté de comprendre la réglementation en vigueur, par exemple en matière d'homologation des produits.

Source : enquête sur les obstacles aux investissements étrangers - C.N.P.F. - Comité national français de la Chambre de Commerce internationale - Novembre 1996

Entre le lancement de cette stratégie et novembre 1997, la Commission a recensé plus de 450 nouvelles barrières aux échanges sur les marchés étrangers, répertoriés par secteurs et par pays. Débordée par le volume d'informations transmises, elle n'a pu assurer de réponse immédiate aux problèmes soulevés par les exportateurs européens.

2. Assurer la promotion commerciale extérieure de l'Union

Si l'on souhaite améliorer la présence européenne sur les marchés étrangers, notamment asiatiques, il convient de faire savoir son savoir-faire à l'extérieur de l'Union.

A cet égard, une initiative récente de la Commission mérite d'être signalée et surtout amplifiée à l'avenir si les résultats escomptés s'avèrent positifs : il s'agit du lancement d'un programme de promotion commerciale " Gateway to Japan " valable pour la période 1997-2000 et doté d'un financement de 20 millions d'écus (56( * )) .

Ce programme se concentre sur dix secteurs considérés comme des " niches " commerciales potentielles, parmi lesquels l'équipement médical, l'équipement de manutention, les technologies de traitement des déchets, l'équipement maritime, l'équipement de loisirs en plein air... Bref, autant de domaines où la demande japonaise serait importante et les industriels européens performants. Menée par la Commission en coopération avec les Chambres de commerce des Etats membres, cette campagne de promotion prévoit l'organisation de nombreuses missions et expositions commerciales destinées à soutenir les entreprises européennes dans leur conquête du marché japonais.

3. Savoir engager des contentieux

Cette attitude est le signe d'une nouvelle réflexion de l'Union qui, jusqu'à présent, répugnait plutôt à engager des contentieux devant les instances compétentes, alors que certains de ses partenaires ne témoignaient pas des mêmes réticences.

a) La mise en oeuvre du règlement sur les obstacles au commerce

A l'initiative de la France et parallèlement à la création de l'OMC, le Conseil a adopté, en 1994, un règlement sur les obstacles au commerce qui permet aux entreprises de saisir directement la Commission d'une difficulté rencontrée sur un marché extérieur.

La Commission dispose d'un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de la plainte par l'entreprise pour se prononcer sur sa recevabilité. Si elle constate l'existence d'obstacles au commerce interdits en vertu de règles commerciales internationales, ayant pour résultat des effets commerciaux défavorables au commerce extérieur de l'Union, elle déclare la plainte recevable et fait publier un avis au Journal Officiel des Communautés.

Elle ouvre alors une procédure d'enquête pour réunir davantage d'éléments d'information sur la plainte et entame parallèlement des consultations bilatérales avec le pays accusé de restreindre l'accès de son marché aux entreprises européennes. Cette seconde phase dure cinq à sept mois.

Si l'infraction aux règles multilatérales est avérée et si les autorités du pays en cause refusent de modifier les règles incriminées, l'Union européenne saisit l'OMC, lorsque le litige porte sur l'accord général, ou entame les procédures internationales de consultations prévues par l'accord particulier qui constitue la base juridique du litige.

Le règlement sur les obstacles au commerce a été utilisé à de multiples reprises, notamment :

- à l'encontre des Etats-Unis pour utilisation abusive des procédures anti-dumping contre des producteurs d'acier européen et pour élaboration de règles d'origine pénalisantes dans le secteur de l'habillement ;

- à l'encontre de l'Argentine, pour des restrictions aux importations de produits en cuir ;

- à l'encontre du Brésil, en raison de l'usurpation de l'appellation " Cognac " et de pratiques discriminatoires à l'égard de ce produit.

Plus récemment, des plaintes y ont été portées contre le Japon pour sa réglementation restrictive en matière d'importation de produits en cuir et le Brésil pour ses obstacles aux importations de produits textiles. On notera cependant que les délais à interventions restent encore très longs : la procédure d'enquête ouverte par la Commission contre le Japon, le 9 avril 1997, n'a toujours pas débouché sur une décision.

b) Le recours aux instances de l'OMC

La libéralisation des échanges internationaux acquise lors de l'accord de Marrakech en avril 1994 s'est accompagnée d'un dispositif de contrôle effectif de la loyauté des relations commerciales et d'une procédure de sanctions en cas de manquement. Cette mission est assurée par l'organe de règlement des différends, dont les décisions ont un effet contraignant.

L'existence de délais limitant la durée des procédures contentieuses, la possibilité de sanctions imposées par le plaignant en cas de condamnation par l'OMC, l'application des sanctions sur les domaines des marchandises, des services ou de la propriété intellectuelle, constituent des bases sérieuses pour l'efficacité des procédures. L'OMC est devenue, en quelques années, une enceinte privilégiée pour le règlement des différents en dépit d'une opposition américaine résolue lors des négociations initiales. Or, depuis sa création, les Etats-Unis ont été les principaux utilisateurs de ce mécanisme qu'ils redoutaient : ils ont ainsi introduit neuf demandes de consultations, sollicité la constitution de cinq panels à l'encontre de la Communauté et choisi ce recours à l'occasion des conflits récents sur la banane et sur l'usage d'hormones dans la viande.

Considérant que les partenaires de l'Union ne se censurent pas lorsqu'il s'agit de recourir aux procédures de règlement des différends de l'OMC, notamment en matière agricole et y compris contre l'Europe, la France incite la Commission à se montrer tout aussi offensive à leur égard : en 1995 et 1996, une dizaine de contentieux a été engagée devant l'OMC par l'Union, avec succès pour la fiscalité discriminatoire japonaise en matière de spiritueux importés et, plus récemment, sur la législation américaine Helms-Burton, prévoyant l'application de sanctions commerciales à l'encontre des pays entretenant des relations avec Cuba (57( * )) .

En 1997, la Communauté aura porté plus de quarante plaintes, faisant intervenir plus de vingt-cinq pays membres de l'OMC, sur des sujets aussi divers que les droits de douane prélevés au-delà des taux consolidés de l'OMC, les taux de taxe discriminatoires sur des boissons alcoolisées, les règles imposant un " contenu local " dans les automobiles, ou les normes inutilement tatillonnes...

Cette démarche nous paraît essentielle, non par acharnement juridictionnel, mais pour la quête de la justice et le respect des engagements signés. Il faut maintenir ce cap, au risque de dénoncer parfois l'immobilisme de la Commission : c'est ainsi que la France a suscité, en février 1998, un débat au Comité 113 pour s'étonner du fait que la Commission n'ait pas donné suite au recours précédemment envisagé à l'OMC contre l'Etat du Massachusets pour sa législation extra territoriale de juin 1996 contraire à l'accord sur les marchés publics.

4. Améliorer ses instruments de défense commerciale

L'arsenal de défense commerciale européen, réactualisé à l'issue du cycle de l'Uruguay et applicable depuis le 1er janvier 1995, semble bien limité. Il repose sur un dispositif anti-dumping et anti-subventions d'une mise en oeuvre longue et complexe et dont l'aboutissement n'est jamais garanti puisqu'il suppose l'obtention d'une majorité qualifiée au Conseil. C'est ainsi, par exemple, que depuis 1995, l'association européenne des fabricants de coton, Eurocoton a essayé, à trois reprises, d'obtenir l'imposition de droits provisoires sur les importations de coton écru provenant de six pays (58( * )) : le 5 mars 1998, cinq pays y étaient favorables, cinq y étaient hostiles et cinq, enfin, réservaient leur réponse. La Commission a finalement décidé, le 25 mars dernier, la fixation de droits provisoires, mais ces mesures pourraient être rejetées dans six mois si une majorité d'Etats membres continuait de s'y opposer.

Or, quand une société européenne est victime du comportement anormal d'un concurrent étranger, la riposte doit être rapide et efficace si elle veut intervenir avant que le mal ne soit consommé et ne condamne définitivement à la faillite les firmes victimes de pratiques déloyales.

a) Une procédure perfectible

• Les lenteurs européennes

Les instruments anti-dumping européens sont d'un maniement malaisé et entraînent la mise en oeuvre de procédures lourdes : dépôt de plaintes, consultations multiples, enquête de la Commission, mesures provisoires, mesures définitives. Il en ressort que les délais de prise de la décision -qui n'aboutit parfois qu'après deux ans à compter de l'infraction- sont totalement inadaptés aux industries de PME, dont les cycles commerciaux sont de six mois, voire plus courts encore pour les produits dits de mode.

A titre d'illustration, la Commission européenne a annoncé, le 15 janvier 1997 , l'imposition de droits anti-dumping provisoires allant jusqu'à 94,9 % sur les importations communautaires de sacs en plastique originaires d'Inde, de Thaïlande et d'Indonésie. La procédure antidumping avait été ouverte en avril 1995 après la plainte déposée par l'Association européenne des polyoléfines textiles. Sur la période 1992-1995, le volume des importations en provenance des trois pays concernés s'est accru de 59 % tandis que les pertes de marchés européens entraînaient une réduction de près de 17 % de l'emploi dans l'industrie communautaire du sac en plastique (59( * )) .

• L'exemple américain

Par comparaison, les moyens d'action américains, fondés sur la section 301 du Trade Act de 1974, sont d'une efficacité et d'une rapidité sans commune mesure avec les procédures européennes.

Ce texte autorise le responsable américain pour les questions de commerce international à engager les mesures de rétorsion à l'encontre d'un partenaire commercial usant de pratiques " injustifiables, déraisonnables, ou discriminatoires ". Cette riposte permet, dans un délai d'environ un mois, d'appliquer toute mesure de rétorsion sur un produit quelconque provenant de l'Etat qui s'oppose aux exportations américaines.

D'autres mesures complètent ce dispositif, parmi lesquelles le " Buy American act " instaurant une préférence nationale sur les marchés publics, et des procédures anti-dumping et anti-subventions d'application rapide et conduites par des personnels nombreux et redoutablement efficaces. On estime à sept cents personnes les effectifs des services chargés de la politique commerciale américaine, soit dix fois plus que ceux affectés à la même mission à Bruxelles.

UN EXEMPLE DES RÈGLES ANTI-DUMPING AMÉRICAINES

Au sein de cet arsenal juridique figure une loi anti-dumping datant de 1916 qui autorise les personnes physiques et morales des Etats-Unis à réclamer des dommages et intérêts, voire une peine d'emprisonnement , lorsqu'elles estiment faire l'objet d'une politique de dumping visant délibérément à leur être préjudiciable.

Sur le fondement de ce texte, la société américaine Geneva Steel Corporation a saisi une juridiction de l'Utah, en septembre 1996, pour obtenir, du producteur allemand Thyssen Steel, 82 millions d'écus de dommages et intérêts, en l'accusant de saper l'industrie américaine en vendant à bas prix des tôles importées de Chine, de Russie et d'Ukraine.

La Confédération européenne des industries sidérurgiques, Eurofer, a déposé une plainte devant la Commission européenne, considérant que cette loi de 1916 dérogeait à l'accord anti-dumping de l'OMC.

La Commission devrait donc introduire, le 16 avril prochain, un recours formel auprès de l'OMC afin d'obtenir l'abrogation de cette loi qui vise, selon elle, à interdire les importations dont le prix de vente est inférieur aux prix du marché américain (60( * )) .

Europolitique 10 avril 1998

b) Des accusations excessives

Alors même que le marché européen semble particulièrement ouvert -d'aucuns disent offert- à la pénétration étrangère, la politique commerciale européenne s'est trouvée maintes fois critiquée tant par le Japon que par les Etats-Unis, dans leurs rapports annuels respectifs sur les obstacles qui entravent leurs exportations.

• Ainsi, le deuxième rapport annuel américain sur les barrières au commerce mondial en 1996 conteste bon nombre de pratiques commerciales et notamment les politiques d'importation, les modalités d'accès aux marchés publics, les normes et les systèmes de certification européens. Il cite pêle-mêle " les exportations agricoles américaines, y compris le riz, le blé, la farine de blé, les bananes, le boeuf (61( * )), les produits laitiers et certains fruits " , réfute les exigences des prescriptions en matière d'étiquetage des emballages, reproche le coût des frais de dépôt de brevets dans l'Union et met en cause les autorités de certains pays de l'Union, accusés d'avoir exercé des pressions illicites sur les îles Fidji et la Croatie pour inciter ces pays à porter leurs commandes aéronautiques sur Airbus plutôt que sur Boeing.

Le rapport pour 1997 souligne les progrès constatés ou escomptés en matière d'ouverture du marché européen mais dénonce à nouveau les divergences de vue euro-américaines sur la sécurité alimentaire, le recours abusif aux normes, les subventions agricoles, les aides d'Etat à Airbus et les entraves aux services (62( * )) .

• Pour sa part, le sixième rapport annuel japonais sur les pratiques commerciales de ses principaux partenaires estimait, en 1996, que " les mesures anti-dumping constituent une zone de protectionnisme caché dans l'Union européenne " , considérant que l'Europe utilise plus massivement cet instrument que les Etats-Unis. Le MITI -ministère du commerce international et de l'industrie- relève ainsi, pour l'Union, 32 enquêtes antidumping en 1995 et 10 début 1996, contre respectivement 18 et 8 pour les Etats-Unis. On observera toutefois que les produits japonais ont été sanctionnés à 53 reprises par les Etats-Unis, contre 12 cas seulement pour l'Europe.

Les mêmes accusations ont été renouvelées lors du rapport annuel pour 1997, dénonçant notamment une hausse spectaculaire des mesures anti-dumping dans l'Union depuis le début de la crise financière asiatique (63( * )) .

Les autorités japonaises se félicitent donc de la " nouvelle approche " que se propose de prendre la Commission européenne en matière d'antidumping.

c) Une évolution préoccupante

En effet, il se confirme que la Communauté européenne, sous l'impulsion de Sir Leon Brittan, commissaire chargé des relations économiques extérieures, envisage de se montrer plus restrictive en matière d'application des instruments de politique commerciale et affiche l'intention de redéfinir sa réglementation antidumping dans le sens d'une plus grande souplesse.

Il est ainsi prévu de réduire la portée des sanctions à la seule entreprise pratiquant le dumping, de recalculer à la baisse la valeur normale du produit servant de base à l'estimation du préjudice et d'accorder un traitement spécifique plus favorable aux pays d'Europe centrale et orientale.

Ce nouveau dispositif est dicté par le souci de " l'intérêt communautaire ", notion subjective pouvant justifier toutes sortes de décisions, selon que l'on apprécie l'intérêt des consommateurs ou celui des producteurs européens .

Annoncé par le Financial Times dès le 30 janvier 1997 (64( * )), ce projet de la Commission, soutenu par la présidence alors néerlandaise, comportait de nombreux points controversés, notamment :

- l'interprétation de l'article 21 du règlement antidumping adopté par l'Union européenne en décembre 1995 sur la prise en compte de l'intérêt communautaire -c'est-à-dire les intérêts des importateurs et des consommateurs européens en sus des intérêts des producteurs- lorsque l'Union européenne décide d'adopter des mesures antidumping ;

- le traitement des entreprises des pays à commerce d'Etat dans le cadre des procédures antidumping ;

- le traitement des pays d'Europe centrale et orientale.

La présidence néerlandaise élaborait alors également une réflexion sur des idées qualifiées de " révolutionnaires " par certains observateurs et qui " partaient du principe que la libéralisation multilatérale des échanges annulera la nécessité de mesures antidumping ".

Article 21 du règlement anti-dumping

Il convient de déterminer s'il est de l'intérêt de la Communauté que des mesures [antidumping] soient prises, d'apprécier tous les intérêts en jeu pris dans leur ensemble, y compris ceux de l'industrie communautaire et des utilisateurs et consommateurs.

Cette nouvelle lecture de la notion " d'intérêt communautaire " résulte d'une lettre adressée par Sir Leon Brittan aux ministres européens en décembre 1996, qui indiquait notamment : " la politique antidumping a pour but de remédier aux distorsions du commerce international qui peuvent créer une concurrence déloyale sur le marché communautaire et un préjudice contre l'industrie communautaire [...]. La seule circonstance selon laquelle la réglementation de base reconnaît que des mesures puissent être inappropriées est lorsqu'un examen de tous les intérêts impliqués, et des effets des mesures prises pour restaurer la concurrence, amène à la conclusion claire que l'impact négatif de mesures sur l'économie dans son ensemble serait disproportionné par rapport aux principes fondamentaux recherchés. Il doit être souligné que l'action antidumping n'est pas faite pour annuler l'efficacité réelle des exportateurs, mais seulement pour mettre fin à des avantages injustes qui ne résultent pas d'un comportement économique efficace. Elle n'est pas faite non plus pour empêcher l'industrie communautaire de mettre en oeuvre les adaptations structurelles nécessaires " (65( * )).

Les réactions des Etats membres à cette analyse ont été partagées, opposant les pays favorables à une politique commerciale de plus en plus libérale -Suède, Pays-Bas et Royaume-Uni- à ceux qui craignent que ces avancées libérales soient introduites sans consultation des Etats membres : la France a ainsi réclamé une communication formelle de la Commission au Conseil, considérant que cette nouvelle interprétation du règlement n'était pas une simple analyse technique du texte mais une modification profonde de son esprit.

Certaines propositions de réforme nous semblent intéressantes comme celle de constituer une structure d'alerte précoce lorsque des manoeuvres de dumping sont suspectées. Mais, globalement, une telle évolution ultra-libérale de la défense communautaire antidumping est extrêmement inquiétante pour la préservation de la loyauté des échanges. Elle met à nouveau aux prises les intérêts des importateurs, favorables à ces nouvelles orientations, et ceux des producteurs européens qui restent plus réservés. Il convient que, lors de l'examen de ces propositions, qui vont bien au-delà des exigences de l'OMC, la France fasse preuve d'une extrême vigilance en ce domaine.

La délégation du Sénat pour l'Union européenne a, dans ce sens, déposé récemment une proposition de résolution (66( * )) pour s'opposer à l'assouplissement du régime antidumping applicable à la Russie et à la Chine, en tant que pays classés comme à " commerce d'Etat ". Toutefois, au cours du Conseil Affaires générales du 27 avril 1998, une majorité d'Etats membres s'est déclarée favorable à l'adoption d'un nouveau règlement accordant à ces deux pays un régime anti-dumping plus favorable.

Le Gouvernement français semble également soucieux de cette évolution puisque, dans un mémorandum adressé aux Etats membres de l'Union, la France a proposé la création d'une agence indépendante ( 67( * )) à qui serait confiée la gestion des dossiers antidumping, afin, notamment, de " dépolitiser le régime de l'antidumping au sein de l'Union " . A défaut, elle s'est montrée favorable au maintien du dispositif actuel, mais en modifiant la procédure de vote pour que la proposition de la Commission en matière d'imposition de droits de douane soit adoptée en l'absence de l'opposition d'une majorité d'Etats membres. Pour l'heure, ces propositions n'ont pas reçu l'assentiment de la Commission européenne qui les a jugées peu réalistes et inutiles.

L'ANTI-DUMPING EN CHIFFRES

A fin 1996, 143 mesures anti-dumping ont été instaurées dans l'Union européenne, contre 298 aux Etats-Unis, 93 au Canada, 47 en Australie, 27 en Nouvelle-Zélande et 3 au Japon.

Ces dernières années, l'Union est restée relativement stable dans l'application de son dispositif anti-dumping, avec toutefois un chiffre record de 158 mesures en 1992.

Europolitique - 1er août 1997.

5. Défendre ses intérêts dans les négociations des instances internationales

a) à l'OMC

L'Union européenne est amenée à intervenir dans nombre de négociations internationales où elle doit impérativement parvenir à faire entendre sa voix afin de protéger les intérêts de ses industriels. Or, l'exemple de la première réunion bisannuelle des instances de l'OMC, tenue à Singapour du 9 au 13 décembre 1996, n'a produit qu'un bilan mitigé.

Plusieurs dossiers sensibles y étaient en discussion, portant sur des questions particulièrement importantes pour les intérêts européens, notamment un volet environnemental pour assurer la préservation de l'équilibre écologique mondial, ainsi que la définition de normes sociales.

L'Union était convenue de l'importance d'instaurer, au niveau international, un plancher minimal pour les droits du travail, commun à l'ensemble des partenaires mondiaux, comportant notamment l'interdiction du travail des enfants et des prisonniers. Cette question était difficile à aborder en raison des disparités de développement social entre les nations membres de l'OMC et des différences de normes culturelles et économiques auxquelles elle renvoie. Plus encore, elle a suscité des réactions brutales des pays en voie de développement pour qui cet argument n'était en fait qu'un habillage hypocrite du souhait de réduire la différence salariale entre pays industrialisés et PVD et de rétablir des comportements protectionnistes.

Ces questions n'ayant finalement pas été réglées à Singapour, hormis par le biais de la création d'un groupe de travail, l'Union européenne, et notamment la France - très en pointe sur ce sujet - doivent maintenir leur souhait de voir progresser ce dossier, sans pour autant se substituer aux missions dévolues à l'Office international du travail (OIT).

L'occasion s'en trouvera peut-être lors d'un prochain cycle de négociation à l'OMC qui pourrait avoir lieu en 2000 -" cycle du millénaire " pour Sir Leon Brittan- et qui concernerait, si les différents partenaires en conviennent, des questions techniquement complexes et politiquement sensibles : agriculture et services, droits tarifaires sur les produits industriels, instauration d'un cadre international en matière de concurrence, environnement...

L'importance de ce dossier explique aussi l'opposition française à la proposition de nouveau marché transatlantique, en considérant que l'ouverture de négociations globales et bilatérales entre les deux plus grandes puissances économiques, représentant 55 % du PNB mondial, fragilisait considérablement les négociations multilatérales à venir et pouvait être ressentie comme un signe de méfiance vis-à-vis de l'OMC.

b) à l'OCDE

Les négociations actuellement menées à l'OCDE sont dominées par le dossier particulièrement sensible de l'Accord Multilatéral sur les Investissements (AMI) dont les débats se poursuivent depuis trois ans afin de trouver un accord organisant la libéralisation et la protection des investissements étrangers. L'aboutissement de cet accord permettrait le remplacement d'environ 1 800 accords bilatéraux en constituant un cadre réglementaire multilatéral pour l'investissement, estimé à plus de 300 milliards d'écus par an. L'objectif général de l'AMI est de protéger les investissements transfrontaliers en abaissant les barrières nationales et en accordant une égalité de traitement à tous les signataires.

Les enjeux sont donc essentiels et l'on peut légitimement s'étonner de la discrétion avec laquelle a été engagée cette négociation, pourtant fondamentale, et notamment, de la quasi-absence d'information du Parlement français en la matière (68( * )) . En effet, ces discussions sont demeurées longtemps très confidentielles. Si elles ont suscité récemment un vaste écho dans l'opinion publique, il a surtout résulté de l'opposition qu'y a témoignée le monde du spectacle, peut-être plus sensible au maintien des barrières contre l'accès d'oeuvres culturelles américaines qu'au renforcement de la capacité de l'Union européenne à faire face à la concurrence.

Les négociations officielles sur l'AMI divisent profondément les vingt-neuf pays de l'OCDE : les critiques ont été multiples, parmi lesquelles le risque de voir les grands groupes industriels faire fi des considérations environnementales et sociales ou d'autoriser les entreprises à poursuivre en justice les gouvernements qui s'opposeraient à leur expansion. Aussi, le 28 avril 1998, une suspension des négociations d'au moins six mois a été obtenue notamment sans l'impulsion française, afin de dresser un état des lieux de la situation et d'effectuer de " nouvelles consultations entre les partis en négociation et avec les groupes intéressés de leur société " .

En mars 1998, le Parlement européen -premier Parlement à se prononcer avant même la conclusion de l'accord à l'OCDE- avait lui-même exprimé de sérieux doutes sur certains points et réclamé un meilleur contrôle démocratique sur les négociations : trente-sept recommandations ont été déposées, notamment pour que la Commission évalue la compatibilité de l'accord avec les autres engagements internationaux, pour exclure le dumping social ou environnemental du bénéfice de ses dispositions et pour régler les problèmes particuliers liés aux lois américaines Helms-Burton et d'Amato d'application extraterritoriales.

Cet accord est intéressant pour l'Europe -comme pour ses partenaires- car il lui ouvrira de nouvelles perspectives d'investissements industriels à l'étranger, qui sont une condition de sa survie : tous les pays trouveront intérêt à assurer la sécurité des investissements de leurs ressortissants à l'étranger et à proscrire les manifestations de dumping parfois pratiquées pour attirer les investissements étrangers.

Mais cet accord devra être négocié avec prudence lors de la reprise des pourparlers : il ne faut pas souhaiter que le blocage actuel de ce dossier persiste, car il poursuit des objectifs favorables à l'économie mondiale, mais il doit aboutir dans des conditions telles que l'intérêt général, y compris son aspect culturel, soit pris en considération. Il est indispensable que le délai de réflexion récemment décidé soit mis à profit pour relancer le débat sur des bases sérieuses après le 1er octobre 1998. En ce sens, peut-être serait-il fructueux de disjoindre l'aspect culturel de l'accord pour faciliter l'évolution des négociations, en dépit du refus de scission exprimé par les Etats-Unis.

En tout état de cause, notre Délégation doit obtenir du Gouvernement les éléments d'information et de réflexion nécessaires au suivi, par le Parlement, des négociations, de leurs procédures et de leurs enjeux.

III. CREER LES CONDITIONS FAVORABLES AU DEVELOPPEMENT INDUSTRIEL

Dès lors que l'on se préoccupe du développement de l'industrie européenne, on constate aussitôt qu'elle n'est pas clairement identifiée dans les objectifs de l'Union : la politique de concurrence qui, certes, n'en est pas séparable, forme une sorte d'écran dont on ne peut éviter l'analyse.

Promouvoir l'industrie de l'Europe nous conduit donc, paradoxalement, à étudier d'abord les effets de la politique de concurrence mise en oeuvre par l'Union.

A. RENDRE LA POLITIQUE DE CONCURRENCE MOINS DOGMATIQUE : LA CONCURRENCE EST UN MOYEN ET NON UNE FIN

Si les dispositions du Traité sur l'Union européenne en matière de politique industrielle sont, on le verra, particulièrement remarquables par leur caractère vague et peu contraignant, la politique de concurrence fait en revanche l'objet de dispositions détaillées qui ont donné lieu à une intense activité. La politique de concurrence est l'un des piliers de l'action communautaire et est conduite avec une grande détermination par la Commission européenne. Cette politique - tout à fait indispensable au demeurant - donne parfois le sentiment de pénaliser l'industrie européenne face à ses concurrents dans le contexte actuel de globalisation de l'économie.

1. Une politique ambitieuse

La politique communautaire de la concurrence est dotée d'une solide base juridique dans le Traité instituant la Communauté européenne puisqu'elle fait l'objet des articles 85 à 94 du Traité. Elle repose sur quatre piliers : le contrôle des ententes, le contrôle des abus de position dominante, le contrôle des concentrations, enfin, le contrôle des aides d'Etat.

a) Ententes et abus de position dominante

L'article 85 du Traité instituant la Communauté européenne est relatif aux ententes et interdit " tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ".

Cet article énumère certaines des pratiques interdites : il s'agit, par exemple, des accords qui tendent à une répartition des marchés ou des sources d'approvisionnement, des accords qui visent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements.

Les accords interdits par l'article 85 sont nuls de plein droit. Toutefois, le troisième alinéa du même article prévoit que l'interdiction peut ne pas être appliquée, sous certaines conditions, à des accords ou décisions " qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte [...] ". Ainsi, l'article 85 du Traité pose en principe l'interdiction des accords portant atteinte au jeu de la concurrence, mais envisage des exceptions afin de prendre en considération d'autres objectifs.

L'article 86 du Traité concerne, quant à lui, les abus de position dominante. Il dispose notamment qu'" est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ". La notion de position dominante a été progressivement précisée par la Cour de justice des Communautés européennes dans les nombreux arrêts qu'elle a rendus sur ce sujet. La part de marché joue naturellement un rôle essentiel, mais des critères qualitatifs sont également pris en considération, tels que le rapport entre les parts de marché détenues par l'entreprise concernée et par ses concurrents ou l'avance technologique qu'une entreprise possède par rapport à ses rivales.

Il convient d'ajouter que l'article 90 du Traité prévoit que les règles relatives à la concurrence s'appliquent aux entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, à condition que l'application de ces règles ne fasse pas échec à l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie. Sur la base de cet article, la Commission européenne a entrepris de nombreuses actions de libéralisation, en particulier dans le secteur des télécommunications.

b) Concentrations

Le contrôle des concentrations n'a pas pour base juridique le Traité instituant la Communauté européenne, qui ne contient aucune disposition sur ce sujet. C'est en 1989 que le Conseil a adopté un premier règlement permettant à la Commission européenne d'exercer un contrôle sur les opérations de concentration (69( * )) . L'intervention de la Commission européenne est, depuis lors, soumise à des critères relatifs aux chiffres d'affaires des entreprises concernées. Une opération de concentration est considérée comme illicite si elle crée ou renforce une position dominante et si celle-ci est de nature à entraver la concurrence de façon significative dans le Marché commun. Lorsque l'opération ne présente pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, la Commission l'autorise dans le délai d'un mois. Dans le cas contraire, une procédure d'enquête approfondie est ouverte, qui aboutit à un vote de la Commission au bout de quatre mois.

c) Aides d'Etat

Enfin, la Commission européenne est également compétente pour exercer un contrôle sur les aides d'Etat en vertu des articles 92 à 94 du Traité instituant la Communauté européenne. L'article 92 considère comme " incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ".

Comme en matière d'ententes, l'article 92 envisage des exceptions à l'interdiction des aides d'Etat. Certaines aides sont compatibles avec le Marché commun : il s'agit en particulier des aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles et des aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne.

D'autres aides peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun : c'est notamment le cas des aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi.

L'article 93 du Traité donne compétence pour examiner de manière permanente les régimes d'aides existant dans les Etats membres et pour autoriser ou rejeter les projets tendant à instituer ou à modifier des aides. L'article 94 permet quant à lui d'adopter des règlements d'application des articles 92 et 93. Ainsi, un nouveau règlement des procédures en matière d'aides d'Etat est actuellement en cours en vue d'aboutir à un accord politique au prochain Conseil Industrie du 7 mai 1998. La Commission souhaite en obtenir un renforcement de ses pouvoirs, notamment l'usage de plusieurs dispositions coercitives envers les Etats membres, comme l'introduction d'une possibilité d'injonction de récupération provisoire des aides versées illégalement. Il serait utile, à titre réciproque, que la Commission s'engage également sur le délai de traitement et d'instruction des dossiers.

Certains secteurs font l'objet d'un encadrement particulier en matière d'aides d'Etat : il s'agit de la construction navale, de l'acier, du charbon, de l'automobile, du secteur des fibres synthétiques, des transports, de l'agriculture et de la pêche. Dans le domaine agricole, il est intéressant de noter que les règles de la Politique agricole commune sont prioritaires par rapport à celles relatives aux aides d'Etat.

Enfin, il existe également des encadrements spécifiques pour les aides à finalité régionale, les aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises, les aides aux petites et moyennes entreprises, les aides à l'exportation, les mesures sociales générales et les aides à la recherche et au développement.

La politique de concurrence constitue l'un des domaines d'action les plus importants de la Communauté. La Commission européenne a mis en oeuvre les dispositions relatives à la concurrence avec une grande rigueur et une compétence certaine. Cependant, la manière dont est conduite cette politique suscite un certain nombre d'interrogations.

2. Une politique perfectible

Au cours des dernières années, la politique communautaire de la concurrence a fait l'objet de nombreuses critiques. On a parfois eu le sentiment que la mise en oeuvre des règles de concurrence prévalait sur toute autre considération et singulièrement sur la prise en compte des préoccupations industrielles. Dès 1993, dans un rapport sur ce sujet, notre collègue Maurice Blin observait qu'" à la limite, il est permis d'affirmer que la politique de concurrence, telle qu'elle est menée aujourd'hui, conduit à créer des distorsions de concurrence à l'encontre des entreprises européennes " (70( * )) . De fait, la politique de concurrence, qui dépend presque exclusivement de la Commission européenne, semble parfois être conduite de manière indépendante des autres politiques communautaires. L'absence de règles de concurrence au niveau mondial peut en outre pénaliser les entreprises européennes, soumises pour leur part à des règles très strictes.

a) Stabiliser les pouvoirs de la Commission européenne

La conduite de la politique communautaire de la concurrence repose presque exclusivement sur la Commission européenne qui dispose, comme on l'a vu, de prérogatives très étendues. Pour une large part, elle est chargée de définir les règles applicables, enquête sur les manquements éventuels et prend les décisions à l'égard des entreprises fautives. En matière de concentrations, elle peut accepter ou refuser une opération, mais choisit parfois d'autoriser une concentration en imposant des conditions plus ou moins lourdes aux entreprises concernées.

Au cours d'une audition devant la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, M. Franck Borotra, alors ministre de l'Industrie, de la Poste et des Télécommunications, avait évoqué le cas des aides d'Etat, pour s'inquiéter " des pouvoirs quasi-exclusifs que détient désormais la Commission européenne dans ce domaine puisque le Conseil s'est refusé à intervenir en la matière et n'a jamais engagé la procédure, prévue par le Traité, qui permettrait un contrôle politique des aides d'Etat. Le ministre a déploré cette situation, d'autant plus préjudiciable d'après lui, qu'elle mine la légitimité de l'action de l'Union européenne en matière de contrôle des aides nationales " (71( * )) . La question de l'étendue des pouvoirs de la Commission européenne ne pouvait être ignorée, alors même qu'à l'époque, elle souhaitait obtenir un nouvel élargissement de ses compétences en matière de contrôle des concentrations.

La réglementation de 1989

Dans ce domaine, la Commission européenne était compétente lorsque :

- le chiffre d'affaires sur le plan mondial de l'ensemble des entreprises concernées dépassait cinq milliards d'écus ;

- le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées dépassait 250 millions d'écus.

En revanche, la Commission européenne n'était pas compétente, même lorsque les seuils étaient atteints, si chacune des entreprises concernées réalisait plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre. C'est ce qu'on appelait la règle des deux tiers.

La revendication de la Commission

En 1996, la Commission a proposé de ramener les seuils, respectivement de 5 à 3 milliards d'écus pour le chiffre d'affaires mondial et de 250 à 150 millions d'écus pour le chiffre d'affaires communautaire. Elle souhaitait en outre abaisser encore davantage les seuils lorsque l'application des dispositions nationales impliquerait l'examen, dans au moins trois Etats membres, d'une opération de concentration.


Si cette dernière proposition pouvait paraître acceptable, dans la mesure où elle était susceptible d'éviter des décisions contradictoires de la part des autorités nationales, l'abaissement général des seuils ne semblait guère justifié. La charge de travail de la Commission européenne en matière de concurrence est désormais considérable. Le nombre d'affaires (tous domaines confondus) est passé de 1.081 en 1994 à 1.472 en 1995. Cette évolution est largement imputable à l'élargissement de l'Union européenne, mais il serait peu raisonnable d'élargir encore le champ de compétences de la Commission qui a résolu en 1995 le même nombre d'affaires qu'en 1994.

Notre Délégation s'était opposée, le 17 décembre 1996, à cet élargissement des compétences de la Commission en matière de concentrations au motif qu'il existait en France un contrôle de la concurrence performant pour les opérations de concentration qui n'atteignent pas les seuils communautaires. Cette répartition des tâches entre les instances communautaires et nationales lui paraissait conforme au principe de subsidiarité.

Les nouvelles dispositions

Le nouveau règlement sur le contrôle communautaire des concentrations, adopté par le Conseil en juin 1997( 72( * )), est entré en vigueur le 1er mars 1998 et modifie sensiblement le régime établi en 1989, sans toutefois satisfaire entièrement les demandes de la Commission. L'abaissement des seuils a été accordé non pas systématiquement mais seulement lorsque l'opération de concentration concerne au moins trois Etats membres. En outre, ce texte a pour effet d'étendre la portée du contrôle et la compétence exclusive de la Commission à de nouvelles opérations : transactions sans dimension communautaire lorsqu'elles ont des effets significatifs dans plusieurs Etats membres, opérations concernant toutes les entreprises communes de plein exercice atteignant une dimension communautaire.

L'équilibre ainsi réalisé parait satisfaisant : en augmentant les concentrations soumises aux règles impératives et à la procédure stricte du contrôle communautaire, ce nouveau règlement devrait offrir aux entreprises concernées une flexibilité moins importante que par le passé mais une sécurité juridique accrue.

b) Mettre la concurrence au service de l'industrie

Au-delà des pouvoirs détenus par la Commission, le problème essentiel qui se pose aujourd'hui est celui de la manière dont est conduite la politique de la concurrence. Dans son dernier rapport sur la politique de la concurrence en 1995, la Commission européenne fait valoir que " la politique de concurrence et la politique de compétitivité ne sont [...] pas antinomiques ; au contraire, elles poursuivent les mêmes objectifs, c'est-à-dire créer les conditions indispensables au développement et au maintien d'une industrie communautaire performante et concurrentielle, améliorer sans cesse la qualité des produits et des services offerts aux citoyens européens et assurer la stabilité de l'environnement économique " (73( * )) . On ne peut qu'approuver cette affirmation, mais les décisions prises en matière de concurrence, et particulièrement dans le domaine des aides d'Etat, montrent que la compétitivité de l'industrie européenne passe parfois au second plan.

Signalons tout d'abord que, contrairement à une idée reçue, la France ne fait pas partie des Etats membres qui aident le plus leurs entreprises. Au cours d'une audition devant la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale, M. Franck Borotra, alors ministre de l'Industrie, avait ainsi observé que " sur la période 1990-1992, la France a accordé 800 écus par personne employée, contre 1.090 écus en Allemagne, 1.165 en Italie et 1.513 au Luxembourg. Il a précisé que ces montants prenaient d'ailleurs en compte, pour la France, les aides à l'exportation, ce qui n'est pas le cas pour l'Allemagne " (74( * )) .

La Commission européenne reconnaît cet état de fait et a formulé d'intéressantes observations sur le niveau des aides dans l'Union dans son quatrième rapport sur les aides d'Etat dans le secteur des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union européenne : " abstraction faite de la Grèce, les niveaux d'aide les plus élevés sont observés en Italie et au Portugal. Ces pays se situent bien au-dessus de la moyenne communautaire, l'Italie ayant même relevé son niveau par rapport à la période précédente, alors que le Portugal a fortement réduit le sien. La Belgique et le Luxembourg sont légèrement au-dessus de la moyenne communautaire, et la France, l'Irlande et les Pays-Bas, légèrement au-dessous.

[...] La situation en termes d'aides rapportées à la valeur ajoutée est plus ou moins confirmée par les statistiques des aides par personne employée. Ici, les nouveaux Länder allemands pris séparément se situent bien au-dessus de tous les Etats membres, suivis par l'Italie. La Grèce, le Luxembourg, la Belgique et l'Irlande sont au-dessus de la moyenne communautaire. Le chiffre très élevé enregistré par les nouveaux Länder allemands s'explique à la fois par les aides considérables accordées par la Treuhand et par une forte baisse du nombre de salariés. La France, l'ancienne Allemagne de l'Ouest et les Pays-Bas se situent bien au-dessous de la moyenne communautaire et le groupe des donneurs d'aides les plus modérés comprend maintenant, par ordre décroissant, le Danemark, le Portugal, le Royaume-Uni et l'Espagne " (75( * ))
.

On a parfois le sentiment que la Commission européenne souhaiterait en fait la disparition totale de ces aides. L'Etat peut-il aujourd'hui s'abstenir d'aider son industrie pour lui permettre de demeurer compétitive dans le contexte de la mondialisation ? Il serait angélique de répondre par l'affirmative à cette question, a fortiori lorsqu'on constate que tous les pays partenaires de l'Union soutiennent, de fait, leur industrie nationale. La politique communautaire de la concurrence doit être mise en oeuvre en prenant en considération un ensemble de facteurs économiques et sociaux.

Ainsi, l'attitude de rejet de la Commission européenne à l'égard du plan d'aide en faveur du textile, mis en oeuvre en juillet 1996 par le Gouvernement français, a paru critiquable. Ce plan avait en effet pour objectif de faire face aux conséquences sur la compétitivité des entreprises françaises des dévaluations conduites par certains Etats membres de l'Union européenne entre l'été 1992 et la mi-1995. Il constituait, en outre, un élément de la politique de l'emploi en prévoyant des allégements de charges sociales dans le secteur du textile, du cuir, de l'habillement et de la chaussure, en contrepartie d'engagements précis des entreprises pour la sauvegarde de l'emploi, l'embauche de jeunes ou l'aménagement de la réduction du temps de travail.

Et, de fait, son efficacité s'est trouvée confirmée par une stabilisation des effectifs et l'emploi de 7.000 jeunes supplémentaires.

Or, la Commission européenne refuse toujours de tenir compte des distorsions de concurrence provoquées par des manipulations monétaires et s'oppose aux aides d'Etat, dès lors qu'elles revêtent un caractère sectoriel. La préservation de l'industrie et de l'emploi dans la Communauté paraissent insuffisamment prises en considération dans les décisions arrêtées en matière de concurrence. Certes, une fois les emplois supprimés, la Commission européenne propose d'intervenir par l'intermédiaire des Fonds européens pour favoriser la reconversion des salariés, mais on ne peut qu'être dubitatif sur le caractère pleinement satisfaisant de cette manière de faire.

Il est aujourd'hui indispensable d'avoir une vision d'ensemble des politiques communautaires pour prendre les décisions en matière de concurrence. L'absence de prise en compte de considérations industrielles ou sociales affaiblit les entreprises européennes face à la concurrence mondiale. L'absence de coordination entre politique structurelle et politique de la concurrence conduit, quant à elle, à des distorsions de concurrence parfois considérables à l'intérieur même de l'Union. Il est clair qu'une politique de concurrence au niveau communautaire est indispensable, à condition qu'elle ne nuise pas à la compétitivité des entreprises européennes, sur le marché communautaire d'une part, sur les marchés internationaux d'autre part.

Mis en cause sur ce sujet, M. Karel Van Miert, commissaire à la concurrence, a d'ailleurs défendu, à plusieurs reprises, sa politique anti-trusts contre la critique essentielle de ne pas tenir compte de la mondialisation de l'économie et de la concurrence internationale à laquelle se heurtent les firmes européennes .

Devant la Commission économique et monétaire du Parlement européen, par exemple, il a récemment (76( * )) affirmé qu'il lui appartenait de veiller à l'existence d'une concurrence réelle, que n'autoriseraient pas la constitution de monopoles ou l'intervention d'aides d'Etat.

On a parfois le sentiment d'une totale incompréhension entre les autorités européennes et le monde productif.

c) Obtenir l'instauration d'un cadre international

Un autre problème ne peut désormais plus être ignoré : celui de l'absence de règles de concurrence au niveau mondial. L'Union européenne est dotée de règles de concurrence précises, appliquées de manière rigoureuse par la Commission européenne. En l'absence de réciprocité, ces règles peuvent être un sérieux handicap pour les entreprises européennes sur les marchés mondiaux. Devant la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, M. Franck Borotra avait également évoqué le cas de la construction navale, rappelant : " ... que l'Union européenne avait signé, dans le cadre de l'OCDE, un accord extrêmement déséquilibré, qui autorisait les Etats-Unis à maintenir, pour partie, leur arsenal protectionniste. Bien que les Etats-Unis aient refusé de ratifier cet accord, la Commission européenne persiste dans sa volonté de mettre en oeuvre le démantèlement concédé à Washington de notre dispositif de soutien " (77( * )).

Au cours de son audition par notre Délégation, Sir Leon Brittan, Commissaire chargé des relations économiques extérieures, reconnaissait l'insuffisance de la situation actuelle : " Si nous avons les moyens d'un dialogue renforcé avec d'autres autorités de concurrence, ceci ne garantit pas toujours notre entière satisfaction avec les règles qui sont d'application dans d'autres économies importantes, ni même avec la manière dont ces règles sont appliquées par nos partenaires. Il en résulte à la fois l'incertitude pour nos hommes d'affaires qui veulent agir sur des marchés extérieurs et fréquemment des tensions entre nous-mêmes et certains de nos partenaires. On peut dire que beaucoup des problèmes récents en matière d'accès aux marchés du Japon, par exemple, qu'il s'agisse du marché des pellicules photographiques ou des automobiles, sont des problèmes de politique de concurrence plutôt que des questions d'obstacles traditionnels aux échanges internationaux ".

Au cours des dernières années, les institutions communautaires ont pris conscience des risques que comportait cette situation. Elles ont entrepris de renforcer les liens entre autorités chargées de la concurrence. Un accord a ainsi été signé avec les Etats-Unis le 23 septembre 1991. Toutefois, ces accords bilatéraux ne peuvent permettre de résoudre tous les problèmes.

En 1995, un groupe d'experts a formulé, à la demande du commissaire chargé de la concurrence, un certain nombre de recommandations. Ce groupe a en particulier estimé que la création d'une autorité de concurrence internationale n'était guère réaliste à court ou moyen terme. Il a en revanche proposé l'élaboration d'un cadre de coopération plurilatéral qui inclurait tous les éléments figurant déjà dans les accords bilatéraux, auxquels s'ajouterait une batterie de règles de concurrence minimales ainsi qu'un mécanisme de règlement des différends (78( * )) . A la suite de ces propositions , la Commission européenne a publié une communication intitulée : " Vers l'établissement d'un cadre international de règles de concurrence " (79( * )) , par laquelle elle exprime sa préférence pour la définition de règles internationales dans le cadre de l'OMC plutôt qu'au sein d'organisations telles que l'OCDE ou la CNUCED. Pour la mise en oeuvre de ce cadre de concurrence, la Commission estime qu'il conviendrait de procéder par étapes afin d'éviter un blocage des négociations. Elle suggère une approche en quatre phases :

- adoption d'une structure de concurrence interne : les membres de l'OMC s'engageraient dans un premier temps à garantir l'existence de règles de concurrence de base et des instruments nécessaires pour les mettre en oeuvre ;

- adoption de règles communes : les membres de l'OMC pourraient s'efforcer d'identifier des principes communs et de les faire adopter au niveau international ;

- création d'un instrument de coopération entre les autorités responsables de la concurrence : des dispositions pourraient être mises au point concernant la notification, l'échange d'informations et la coopération entre les autorités responsables de la concurrence ;

- règlement des différends : l'OMC est d'ores et déjà pourvue d'un mécanisme de règlement des différends. " Ce mécanisme pourrait s'appliquer lorsqu'un pays, par exemple, omet de mettre en place une structure interne de concurrence ou lorsque, dans un cas particulier, il ne réagit pas à une demande d'intervention en vue de faire respecter le droit de la concurrence présentée par un membre de l'OMC ".

Ces pistes de réflexion sont intéressantes si elles peuvent être rapidement concrétisées. En l'absence d'un cadre international de concurrence, les entreprises européennes, qui subissent au sein de l'Union des règles de concurrence très strictes, ne peuvent bénéficier de telles règles lorsqu'elles souhaitent s'implanter sur certains marchés étrangers. Dans le contexte de la mondialisation, la politique de concurrence n'a de sens que si elle s'applique de la même manière à tous, tant au sein de l'Union qu'à l'extérieur de celle-ci.

Or, le commissaire chargé de la concurrence, M. Karel Van Miert, reconnaissait le 21 avril dernier que " la création d'une autorité internationale investie de pouvoirs d'investigation et de mise en oeuvre dans le domaine de la concurrence n'était pas faisable " actuellement. Evoquant les prochaines négociations de l'OMC, il a souhaité que soient prioritairement négociés les domaines où un consensus peut être rapidement dégagé (fixation des prix, parts de marchés,...) tout en étudiant en parallèle les thèmes les plus conflictuels, comme celui des monopoles ( 80( * ) ). En tout état de cause, ces discussions ne sauraient aboutir avant 2003.

d) Assurer le bon fonctionnement du marché intérieur

La constitution d'un marché unique aurait eu, selon la Commission (81( * )) , les effets positifs suivants :

- création de 300.000 à 900.000 emplois supplémentaires ;

- augmentation supplémentaire du revenu dans l'Union de l'ordre de 1,1 à 1,5 % sur la période 1987-1993 :

- taux d'inflation inférieur de 1 à 1,5 % à ce qu'il aurait été en l'absence de marché unique ;

- renforcement de la convergence et de la cohésion entre les différentes régions de l'Union.

En matière industrielle, il en serait résulté un renforcement de la concurrence entre entreprises, une accélération du rythme des restructurations -donc une amélioration de la compétitivité-, une extension de la gamme des produits offerts à des prix moins élevés, une plus grande rapidité des livraisons transfrontalières et une mobilité accrue des travailleurs au sein de l'Union.

Toutefois, si le marché unique constitue un atout pour améliorer les performances des entreprises européennes, sa pleine efficacité suppose que son fonctionnement ne soit pas entravé par des imperfections ou des mesures prises au niveau national et qui en faussent le jeu.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur, M. Denis Kessler, Vice-président du CNPF, signalait ainsi, parmi d'autres, plusieurs dysfonctionnements à effet pervers sur l'industrie européenne :

- le recours aux dévaluations compétitives ;

- les distorsions provoquées par la concurrence fiscale et sociale entre Etats membres : qu'on se souvienne ainsi de l'émotion suscitée par l'annonce, en janvier 1993, du transfert de l'unité de production de la firme Hoover de Dijon en Ecosse, où les conditions sociales lui étaient plus favorables, délocalisation qui a fondé les critiques à l'encontre du " dumping social " pratiqué par le Royaume-Uni (82( * )) ;

- l'utilisation parfois abusive de l'article 100 A, paragraphe 4, du traité qui autorise l'adoption de mesures nationales plus rigoureuses que celles arrêtées au niveau communautaire dans le secteur de l'environnement ;

- la transposition de directives européennes différente suivant les pays, notamment dans le domaine des marchés publics, ainsi que la possibilité de recours plus ou moins facile pour les entreprises des autres pays membres. C'est ainsi que, le 25 juillet 1997, la Commission a poursuivi la procédure d'infraction pour manquement au droit communautaire contre huit Etats membres ayant mal transposé plusieurs directives touchant à la politique industrielle (83( * )).

Consciente des imperfections qui demeurent dans le bon fonctionnement du marché intérieur, le commissaire européen en charge de ce dossier, M. Mario Monti, a récemment présenté un nouveau plan d'action destiné à lever les derniers obstacles d'ici au 1 er janvier 1999 (84( * )) . Ce document, qui a été soumis aux chefs d'Etat des quinze pays membres lors du sommet d'Amsterdam de juin 1997, a développé les objectifs suivants, auxquels on ne peut que souscrire :

- assurer l'application effective du droit communautaire dans les Etats membres ;

- promouvoir le développement d'un environnement fiscal plus cohérent ;

- abolir les entraves qui subsistent dans certains secteurs (services financiers, droit des sociétés, propriété intellectuelle, commerce électronique) ;

- compléter le dispositif nécessaire à l'abolition des obstacles à la libre circulation des personnes.

Le Conseil " Marché intérieur " du 30 mars 1998 a pris note de l'état d'avancement de ce plan d'action : en dépit de progrès significatifs, il semble que des retards importants soient à déplorer sur le calendrier préfixé.

B. FAVORISER LA DEFINITION D'UNE POLITIQUE INDUSTRIELLE STRUCTUREE

1. La politique industrielle est restée trop longtemps au second plan des préoccupations européennes

a) Une place mineure dans les textes

Si l'on peut considérer que les traités CECA et EURATOM constituent des traités de politique industrielle pour deux des plus importants secteurs de l'industrie, le traité instituant la Communauté européenne ne comporte aucune règle absolue relative à une politique industrielle spécifique. Dans le Traité de Maastricht, l'industrie ne fait l'objet que d'un article unique, l'article 130-1, dont le contenu vague, montre à quel point cette préoccupation restait très seconde pour les parties prenantes.

Article 130-1

" La Communauté et les Etats membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l'industrie de la Communauté soient assurées ".

" A cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à :

" - accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels ;

- encourager un environnement favorable à l'initiative et au développement des entreprises de l'ensemble de la Communauté, et notamment des petites et moyennes entreprises ;

- encourager un environnement favorable à la coopération entre entreprises ;

- favoriser une meilleure exploitation du potentiel industriel des politiques d'innovation, de recherche et de développement technologique ".

Cet état de fait a été dénoncé à de multiples reprises :

Le Parlement européen lui-même a fait preuve d'une grande sévérité à l'égard de la Commission (85( * )) en demandant qu'elle lui précise " la politique industrielle existante, ou envisagée, les raisons pour lesquelles les autres options ont été écartées " ; qu'elle indique " si elle compte sur la politique de concurrence pour tenir lieu de politique industrielle et, si tel est le cas, quel rôle sa direction générale " Industrie " est appelée à jouer dans l'élaboration rationnelle de la politique industrielle et de la politique de concurrence " ; enfin, qu'elle formule " une politique industrielle explicite de l'Union européenne ".

b) Une structure éclatée au sein de la Commission

Outre la place, marginale, accordée à ces questions dans les textes fondant la Communauté, la politique industrielle ne bénéficie pas d'un traitement global au sein de la Commission : en plus du commissaire chargé des affaires industrielles, coexistent quatre commissaires distincts pour les relations extérieures, et un commissaire en charge de la concurrence. Si l'on ajoute que les questions d'emploi, de recherche, d'environnement concernent également l'industrie, comment imaginer qu'il puisse en résulter une action concertée en faveur du développement industriel européen ?

N'est-il pas grand temps que la Commission envisage de faire bénéficier l'industrie d'un traitement plus global ? Il est en effet inquiétant de constater que les réformes nécessaires ne sont prises que dans l'urgence -comme l'a montré la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine- et qu'il est fort à craindre qu'un nouvel émiettement des structures de la Commission ne résulte des perspectives d'élargissement de l'Union.

Quelques évolutions récentes nous autorisent toutefois à tempérer ce jugement d'un peu d'optimisme.

2. Une prise de conscience récente sur l'importance de la question industrielle

On a en effet le sentiment que, depuis un peu plus de deux ans, les différentes instances communautaires portent davantage intérêt à l'avenir de l'industrie européenne.

a) L'analyse de la compétitivité européenne par la Commission

• L'approche compétitive

En 1996, la Commission a publié une communication (86( * )) portant sur " le benchmarking de la compétitivité de l'industrie européenne " , c'est-à-dire l'étalonnage des performances compétitives, considérant qu'une telle démarche d'analyse de la compétitivité peut fournir un instrument utile et performant pour l'améliorer en se référant aux meilleures pratiques mondiales.

La Commission laisse à l'industrie le soin de procéder à cette opération pour les entreprises individuelles : " la coopération industrielle et la constitution de réseaux, inhérentes à l'étalonnage des performances, sont des instruments efficaces pour la mise au point d'une " façon de faire " européenne et pour le développement réel d'une culture européenne de la qualité, qui renforceront l'industrie européenne de l'intérieur et l'aideront à affronter ses concurrents à l'extérieur ". Par conséquent, elle invite les parties concernées à créer un système européen, en mettant en commun leur expérience, par l'établissement d'indicateurs et de critères communs.

L'étalonnage des performances peut aussi s'appliquer aux secteurs industriels entiers, comme une extension naturelle de l'étalonnage des performances des entreprises : les mêmes principes peuvent s'appliquer au groupe d'entreprises qui composent une industrie et pour lesquelles les modèles comparables des meilleures pratiques sont fondamentaux pour la compétitivité.

Ainsi, la Commission a déjà souligné l'importance de l'étalonnage des performances pour les secteurs, dans plusieurs communications récentes, notamment sur les industries automobile et chimique (87( * )). Cet étalonnage permet à la Commission de contrôler sur une base continue la capacité des industries européennes à répondre à la concurrence internationale.

L'étalonnage porte sur les coûts (de la main-d'oeuvre, du financement, de la fiscalité...), sur les principaux intrants de la compétitivité industrielle (prix, qualité et accès aux services - télécommunications, transports... - productivité du travail et du capital), sur les compétences (qualification, éducation, formation), sur le degré d'innovation (licences technologiques, rapidité à pénétrer le marché...), et sur l'efficacité industrielle dans le domaine de l'environnement (énergie, utilisation de l'eau...).

A son tour, le Parlement européen a récemment confirmé l'intérêt de ces études d'étalonnage des performances permettant de détecter les raisons pour lesquelles l'industrie européenne est moins compétitive que ses concurrentes japonaise et américaine (88( * )) .

• L'approche sectorielle

La Commission se livre également à l'analyse par secteur industriel des atouts et faiblesses européennes face à la concurrence mondiale, ce qui nous semble une excellente méthode d'appréhension des problèmes dès lors qu'elle laisse aux industriels le choix des stratégies à conduire. Elle a ainsi établi ce type de diagnostic en matière de textile-habillement en novembre 1997, et plus récemment pour le secteur aéronautique ( 89( * ) ).

La réussite d'Airbus ne doit en effet pas masquer la nécessité d'une recomposition rapide et radicale de l'industrie aéronautique européenne, qui reste très fragmentée, ainsi que l'a récemment souligné la Commission (90( * )) à partir d'une comparaison Europe-Etats-Unis. La restructuration de ce secteur, par les entreprises et les Etats membres eux-mêmes, pourra s'inspirer des éléments de la stratégie proposée par le " Memorandum Bangemann " :

- création de groupements européens, rassemblant de manière trans-sectorielle, toutes les entreprises européennes du secteur spatial (producteurs civils et militaires d'avions, d'hélicoptères ou de missiles, fournisseurs d'électronique militaires, maîtres-d'oeuvre dans le domaine des satellites,...) ;

- adoption d'un statut de la société européenne ;

- privatisations ;

- incitations à la recherche ;

- mise en place d'un régime européen des marchés publics ;

- institution d'une autorité pour la sécurité aérienne.

Le point qui nous semble fondamental dans cette communication tient à l'affirmation suivant laquelle le marché à prendre ici en considération est le marché mondial : la situation de concurrence d'une entreprise aéronautique ne devra pas être évaluée par rapport à sa position sur le marché européen, mais sur le marché mondial. Le commissaire à la concurrence a formellement approuvé cette conception (91( * )).

A la suite de ce constat, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont pris la décision de constituer, autour d'Airbus Industrie, une concentration des moyens de production aéronautiques que doivent conduire les industriels eux-mêmes, la transformation d'Airbus en une société intégrée ayant été fixée au 1er janvier 1999.

b) L'analyse des faiblesses européennes par le Conseil

Sous présidence néerlandaise, le Conseil " Industrie " des 31 janvier et 1 er février 1997 tenu à La Haye, s'est également préoccupé de l'industrie européenne à partir d'une étude-pilote consacrée aux performances compétitives de l'industrie européenne dans le domaine de la technologie de l'information et des communications.

Il en ressort que celle-ci accuse un retard considérable par rapport aux Etats-Unis ou au Japon dans tous les secteurs les plus importants. Les motifs de ce recul appliqués au secteur de l'information peuvent être extrapolés à la majeure partie des secteurs industriels.

•  Cette faiblesse s'expliquerait d'abord par la perte de marchés : d'une part, l'Europe perd les produits traditionnels des marchés de la consommation de masse dans le domaine de l'électronique et du matériel informatique ; d'autre part, elle est trop peu présente sur les nouveaux marchés comme ceux des logiciels.

La présidence néerlandaise a alors suggéré que le Conseil organise chaque année un débat sur la compétitivité de l'Union, sur la base du rapport annuel de la Commission relatif à la compétitivité de l'industrie européenne, ainsi qu'à partir d'un exercice de " benchmarking ", mesurant les performances compétitives européennes par rapport aux meilleures performances réalisées dans le monde. Ces études se prolongeraient par des actions concrètes menées avec l'industrie pour identifier les causes de leur manque de compétitivité, notamment dans les secteurs du textile-habillement et de l'industrie pharmaceutique, chimique et automobile.

Outre cette analyse sectorielle, il a également été envisagé une réorganisation des travaux du Conseil " Industrie ", dont l'essentiel des débats porte, pour l'heure, sur les secteurs les plus traditionnels (sidérurgie, construction navale...) et non sur les atouts de l'Europe pour l'établissement et le développement de ses entreprises industrielles.

Cette suggestion de porter, désormais, un intérêt particulier aux technologies plus récentes et plus opérationnelles et d'aborder la question industrielle sous l'angle de la compétitivité des entreprises semble le signe tangible d'une volonté politique longtemps attendue. Elle a été confirmée par les ministres européens responsables de l'industrie au cours de leur session du 24 avril 1997, puis du 13 novembre 1997 où le thème de la compétitivité de l'industrie européenne a été lié, de façon très pertinente, à celui de la recherche-développement.

La deuxième cause de la perte de compétitivité des industries européennes tiendrait au fonctionnement même du marché intérieur.

Il a été observé que le potentiel du marché intérieur n'était pas encore totalement utilisé, notamment en raison de la complexité et de la lourdeur des réglementations. L'objectif annoncé est de poursuivre le processus de simplification de la législation communautaire et des réglementations nationales.

Enfin, la présidence néerlandaise a considéré que " le processus d'intégration est trop axé sur le marché intérieur et [qu'] il a tendance à négliger la position compétitive de l'industrie européenne sur les marchés mondiaux ". A l'avenir, il sera donc nécessaire de tenir davantage compte des exigences des secteurs industriels européens qui sont exposés à la concurrence sur les marchés extérieurs à l'Europe.

Cette approche était encourageante pour l'élaboration d'une politique industrielle européenne globale, à condition qu'elle aille au-delà des déclarations d'intention et qu'elle fasse l'objet d'une véritable stratégie opérationnelle. Dans son programme et calendrier publiés en janvier 1998 pour le trimestre en cours, la présidence britannique a confirmé l'intérêt qu'il convenait de porter à la compétitivité de l'Europe et pour laquelle elle souhaite développer un dialogue entre les ministres de l'industrie et les milieux industriels et organiser un vaste débat sur la compétitivité dans le cadre du Conseil " Industrie ".

c) Les recommandations des industriels européens

• Si la prise en compte de la dimension industrielle semble évoluer dans le bon sens, ces avancées sont encore insuffisantes pour les professionnels du secteur. Ainsi, l'Unice -Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe- s'est montrée très critique dans son récent rapport sur la compétitivité de l'industrie européenne (92( * )) , où elle dénonce une action de l'Union et des gouvernements nationaux " lente, insuffisante et décevante surtout dans le domaine, politiquement sensible mais vital, de la réforme structurelle et réglementaire ". Son étude est construite autour de quatre recommandations principales :

-- améliorer l'environnement des entreprises en Europe : l'un des handicaps qui affectent la compétitivité des entreprises européennes tient au coût élevé des facteurs de production. Ainsi, le prix de l'énergie est en moyenne 47 % plus élevé dans l'Union qu'aux Etats-Unis -qui servent de référence mondiale à cet égard- et le transport routier y est plus cher de 40 % ;

-- limiter la part des dépenses publiques : la moyenne communautaire des dépenses publiques rapportées au PIB est d'un peu moins de 50 %, contre 33 % aux Etats-Unis, d'où une charge fiscale en augmentation constante, néfaste pour les activités de production et pour la promotion de l'esprit d'entreprise ;

-- alléger les charges des entreprises , notamment le coût du travail ;

-- réformer les marchés du travail, par une meilleure formation et par l'instauration d'une réelle flexibilité de l'emploi.

• En réponse à ces critiques, M. Jacques Santer, Président de la Commission européenne, a rappelé les mesures prises et les évolutions comportant, dit-il, un impact positif très direct sur la compétitivité européenne, parmi lesquelles:

- la libéralisation des télécommunications depuis le 1 er janvier 1998 ;

- l'ouverture, décidée, des marchés de l'électricité et, prévue, du gaz naturel ;

- l'encouragement à la création d'entreprises " profondément ancrée dans la pensée et dans toutes les actions de la Communauté européenne " (93( * )) ;

- l'amélioration de 20 %, au cours du dernier trimestre 1997, de la transposition, en droit national, de la législation européenne relative au marché intérieur ;

- la mise sous contrôle progressive des finances publiques dans la " perspective euro " ;

- la tenue du sommet européen extraordinaire sur l'emploi en novembre 1997 à Luxembourg.

Il nous semble légitime de considérer qu'il s'agit là d'un bilan non négligeable, mais qui reste encore, pour l'essentiel, au stade de la bonne intention.

C. RENFORCER LES POLITIQUES D'ACCOMPAGNEMENT NECESSAIRES

Aider le développement industriel en favorisant le contexte économique qui soutiendra son essor fait appel à la mobilisation de très nombreuses politiques d'accompagnement tant il est vrai qu'une multitude de facteurs intervient dans ce domaine.

• Il est ainsi incontestable que la politique de formation et d'éducation est un élément essentiel dans une démarche industrielle globale, dès lors que la concurrence des pays à faible coûts de main d'oeuvre s'exerce essentiellement aux dépens de l'emploi non qualifié (94( * )) . Il convient également d'adapter la formation des jeunes aux besoins de l'industrie : de nombreux industriels français déplorent le fait que la moitié des jeunes diplômés ait reçu, en réalité, un enseignement inutilisable directement dans le monde du travail. La voie de l'apprentissage, expérimentée en Allemagne de manière exemplaire, constitue une réponse adaptée aux besoins de l'industrie et mériterait d'être mieux explorée.

• On ne peut également ignorer la politique de l'environnement et les risques que fait courir à la compétitivité des entreprises européennes une politique de protection de l'environnement très ambitieuse, donc plus coûteuse que celle mise en oeuvre dans les autres pays. Il est patent que les contraintes environnementales sont au centre des préoccupations actuelles. Il est incontestable qu'elles renchérissent les coûts et qu'elles peuvent conduire certaines industries à se délocaliser vers des lieux où les réglementations sont moins strictes et moins contraignantes (95( * )). Mais il est non moins vrai que le souci de protection de l'environnement doit être un objectif mondial et qu'il faut, autant que possible et dans un souci d'équilibre coût-efficacité, adapter notre appareil industriel à cet objectif qui sera de plus en plus présent dans les années à venir. A cet égard, le programme auto-oil, conduit en partenariat avec les industries automobile et pétrolière concernées et portant sur l'amélioration de la qualité de l'air par la diminution des pollutions automobiles, est exemplaire dans son souci de rechercher le meilleur rapport coût-avantage des mesures arrêtées.

• Il faut aussi encourager toutes les mesures qui, dans le cadre du programme SLIM, ont pour objectif de simplifier la législation dans le marché intérieur et qui éviteront de surcharger les PME-PMI -principales pourvoyeuses d'emplois- de contraintes administratives. Dans le même esprit, toutes les mesures qui permettront de renforcer la compétitivité des petites structures industrielles, par l'innovation ou l'accès au financement extérieur, ne devraient avoir que des effets positifs.

La micro-industrie constitue en effet une mine d'emplois -qui plus est d'emplois peu ou moyennement qualifiés- dont on a jusqu'à présent négligé la richesse potentielle en concentrant l'intérêt sur les grandes structures. Celles-ci sont indispensables à la crédibilité industrielle de l'Europe mais celles-là ne le sont pas moins en terme d'emploi. Dans une perspective tant industrielle que d'aménagement du territoire, il serait structurant de repositionner dans des zones aujourd'hui désertées des petites entreprises industrielles -le cas échéant en partenariat ou en réseau avec de grandes entreprises pôles- qui irrigueront le territoire et permettront son développement selon un schéma plus harmonieux. Ce modèle serait particulièrement adaptable en France, laquelle n'a guère fait preuve, en ce domaine, de beaucoup de réussite et pourrait utilement s'inspirer de l'exemple italien, notamment en Emilie Romagne.

Par ailleurs, quatre autres politiques d'accompagnement qui relèvent, à l'évidence, de la compétence de l'Union, méritent d'être ici plus amplement évoquées.

1. Favoriser la politique de recherche et développement

a) Un effort insuffisant au niveau européen

D'excellentes intentions

Tous les partenaires s'accordent à reconnaître la nécessité d'une politique concertée de recherche : il est incontestable que la mise en commun des moyens, des connaissances, des compétences et des résultats ne peut que produire une forte valeur ajoutée pour l'Union, à condition d'organiser le transfert des recherches vers les entreprises, notamment les PME, et de les rendre applicables, pratiquement, dans l'industrie.

La Commission s'est montrée sensible à cet aspect des choses : d'abord, dans son livre blanc, présenté en 1993, intitulé " croissance, compétitivité, emploi : les défis et les pistes pour entrer dans le XXI ème siècle ", puis en confirmant qu'elle maintiendrait cet objectif essentiel dans son programme de travail pour 1997, qui comportait un volet consacré à l'amélioration de l'environnement compétitif en Europe notamment par l'encouragement de l'innovation.

La même volonté a été affichée lors de la présentation du cinquième programme-cadre de recherche et développement (PCRD) dont les négociations sont en cours d'achèvement, et qui couvrira la période 1999-2003. Les propositions de la Commission, modifiées le 14 janvier 1998, incluent en effet quatre programmes thématiques dont le troisième s'intitule " favoriser une croissance compétitive et durable ". Celui-ci s'articule autour des cinq actions-clés :

-- produits, procédés et organisations ;

-- mobilité durable et intermodalité, dans le domaine des transports ;

-- nouvelles perspectives pour l'aéronautique ;

-- technologies de la mer ;

-- ville de demain et patrimoine culturel (96( * )) .

Une mise en oeuvre contestée

Il faut espérer que ce cinquième programme saura se montrer plus convaincant que le précédent : le quatrième volet du PCRD, actuellement appliqué et valable pour la période 1994-1998 (97( * )) a en effet fait l'objet de nombreuses critiques (98( * )) .

Il lui a été reproché le nombre excessif de projets retenus -dix-huit- qui conduit à un " saupoudrage " de financements nuisant à son efficacité ; la règle de l'unanimité pour l'adoption des programmes conduirait à la recherche de compromis entre les différents intérêts nationaux et sectoriaux, pas toujours en phase avec les besoins de l'industrie ; on observe également qu'il porte peu d'intérêt au développement des technologies de base directement utilisables par les entreprises.

Le projet de cinquième PCRD, qui sera définitivement adopté au printemps 1998, semble avoir pris acte de certains de ces arguments puisque la Commission a commencé par ramener à trois, avant de porter à quatre le nombre de programmes à financer.

D'autres modifications ont également été envisagées, comme le renforcement des responsabilités accordées à la Commission pour l'exécution du programme et la substitution du vote à la majorité qualifiée pour la définition des projets. Pour l'heure, il faut souhaiter que ces bonnes intentions trouvent leur traduction dans une stratégie convaincante anticipant les développements des technologies et des marchés.

Des réalisations limitées

La Commission a mis en place des " forces d'actions " ou " task forces ", concentrant d'importants financements de recherche, afin d'accroître la compétitivité de l'industrie européenne dans des domaines précis (" environnement et eau ", " industrie aérospatiale... "). Toutefois, les résultats de cette politique restent insuffisants. Ainsi, dans le secteur aéronautique, la fusion récente de Boeing et Mc Donnell-Douglas imposera à l'Union un renforcement de ses financements si elle souhaite que son industrie reste techniquement à un haut niveau suffisant d'efficacité et de compétitivité.

En effet, globalement, l'Union européenne investit relativement moins que les Etats-Unis ou le Japon dans la recherche-développement : elle y consacre 1,9% de son PNB, contre respectivement 2,5 % et 3 % pour ses concurrents directs. Rapportée au budget de l'Union, la recherche-développement n'absorbe que 3,4 % des crédits. Le cinquième PCRD, qui proposait un budget en hausse en pourcentage du PNB européen par rapport à celui consacré par le quatrième volet, vient de voir sa dotation reconduite à un niveau équivalent, soit 16,3 milliards d'écus.

Dans son deuxième rapport sur les indicateurs pour la science et la technologie, paru le 7 avril 1998, la Commission européenne a publié une comparaison des performances en matière de recherche en Europe et dans cinquante autres pays. Il en ressort que le fossé se creuse, notamment entre l'Union et ses partenaires américains et japonais, qui ont investi massivement pour soutenir la compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie, dans des secteurs essentiels pour l'avenir. Mme Edith Cresson, commissaire à la recherche, s'est déclarée préoccupée de ce retard, ainsi que de constater que " les investissements européens dans la science ne se traduisent pas de manière adéquate en percées industrielles et commerciales "(99( * )).

En effet, l'Europe valorise insuffisamment ses investissements pour en faire un moyen d'affronter l'économie globalisée et de favoriser la création d'emplois dans les secteurs à haute technologie.

Son handicap essentiel tient au fait que, en matière de recherche publique , les crédits sont attribués dans des conditions où le souci d'équilibre entre les Etats compromet parfois la recherche de l'efficacité. En matière de recherche fondamentale et appliquée , seul le niveau communautaire peut pourtant permettre de dégager des économies d'échelle indispensables, en facilitant, par exemple, la création de grandes installations de recherche qu'un Etat membre ne pourrait développer ni entretenir avec ses seuls moyens.

Une démarche fructueuse : le programme EUREKA

Initié par la France, le programme EUREKA trouve, en revanche, le soutien du monde industriel. On observera d'ailleurs, une fois encore, que la mise en oeuvre de ce programme résulte de coopérations extérieures et volontaires et non de l'application des dispositions du Traité. Depuis l'origine, en 1985, il a permis le financement de plus de 1.250 projets pour un montant de 115 milliards de francs investis par les Etats et les entreprises. Ce succès s'explique par son mode de fonctionnement fondé sur le volontariat : ce sont les industriels qui décident du sujet de recherche, du niveau de leur coopération et du choix de leurs partenaires, cette démarche garantissant une meilleure adéquation avec le marché.

b) Un effort à relayer au niveau national

Il est essentiel que les Etats participent à l'effort de recherche, soit en l'assurant directement, soit en appuyant les initiatives privées. Le dispositif fiscal français de crédit impôt-recherche est ainsi un instrument efficace pour favoriser l'innovation : il autorise une réduction de l'impôt sur les sociétés équivalent à 50 % des investissements-recherche. Toutefois, il présente l'inconvénient d'être circonscrit à certains types de dépenses (salaires des personnels, frais de brevets...) trop limités pour être vraiment incitatifs. De surcroît, il serait -paraît-il- psychologiquement mal perçu par les administrations fiscales, ce qui a fait dire à un industriel, lors de son audition, qu'il n'utilisait jamais cette faculté car elle conduisait immanquablement, à brève échéance, à un contrôle fiscal de l'entreprise qui y a recours.

2. Consolider la protection contre la contrefaçon

Dans le cadre des relations commerciales instaurées au niveau mondial, figure l'obligation de la loyauté des échanges. Ce principe suppose aussi l'interdiction du piratage et des contrefaçons. Or, on constate un développement considérable de ces pratiques provenant le plus souvent des pays du sud-est asiatique et, plus récemment, d'Europe de l'Est, qui, faussant le jeu du marché, privent les pays innovants ou créatifs des retombées financières de leurs efforts.

Elevée au rang d'industrie, la contrefaçon représenterait aujourd'hui 5 % environ du commerce mondial, soit l'équivalent de 600 milliards de francs (100( * )) . Elle aurait provoqué la destruction de 100.000 emplois en Europe depuis dix ans, dont 40.000 pour la France, qui a toujours constitué une cible de choix pour les contrefacteurs en raison de sa place prépondérante dans la fabrication et le commerce des produits de luxe.

a) Le dispositif français

Pour ces raisons, la France s'est dotée très tôt d'un dispositif protecteur, récemment renforcé par une législation particulièrement efficace face à ce type de délinquance économique (101( * )) . Outre l'aggravation massive des sanctions financières et la possibilité de saisine immédiate en douane des produits suspects, il a été décidé que les poursuites s'appliqueraient également à l'encontre du distributeur des marchandises piratées et non plus seulement à l'égard du fabricant.

Ainsi que l'indiquait M. Lucien Devaux, président du groupe textile Devaux SA, au cours de son audition par votre rapporteur, " il est plus aisé et plus efficace de saisir des produits reproduisant illégalement nos modèles dans une chaîne d'hypermarchés français plutôt que d'entreprendre des poursuites, le plus souvent vaines, contre un petit fabricant thaïlandais ou coréen devenu introuvable ".

Enfin un comité national anti-contrefaçons, placé sous l'égide du ministère de l'industrie, a été institué le 5 avril 1995 afin de constituer un lieu de concertation et d'information entre les partenaires -industriels et administrations- impliqués dans la lutte contre la contrefaçon.

b) Le système européen

L'Union européenne dispose également d'une réglementation anti-contrefaçon mais qui n'est intervenue que plus récemment : un premier règlement (102( * )) entré en vigueur le 1 er janvier 1988, resté inefficace en raison de la lourdeur et de l'imprécision de ses procédures, a été remplacé par les règlements CE n° s 3295/94 et 1367/95 du 16 juin 1995.

Ce texte fixant les " mesures en vue d'interdire la mise en libre pratique, l'exportation, la réexportation et le placement sous un régime suspensif de marchandises de contrefaçon et des marchandises pirates " apporte trois améliorations substantielles au précédent dispositif :

- les autorités douanières des Etats-membres, notamment celles situées aux frontières de l'Union, peuvent désormais s'opposer d'elles-mêmes à l'entrée des marchandises suspectes de contrefaçon, sans devoir attendre l'intervention de décisions judiciaires ;

- le nouveau régime s'applique également aux exportations et au trafic de transit ;

- la protection est étendue aux droits d'auteurs et aux droits voisins, ainsi qu'aux dessins et modèles - et non plus seulement aux marques - ce qui est essentiel pour tous les produits de mode.

De juillet 1995 à juin 1997, ce mécanisme de surveillance a donné lieu à 4.133 interventions des services des douanes, soit deux fois plus que durant les sept années de fonctionnement du précédent règlement. Ces opérations ont été essentiellement accomplies en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Espagne pour des produits en provenance de Pologne, de Thaïlande, de Turquie et des Etats-Unis (103( * )) .

Si ces résultats sont encourageants, le dispositif de protection n'est toutefois pas totalement satisfaisant ( 104( * ) ) : il ne couvre pas, par exemple, les brevets d'invention de produits et les certificats complémentaires de protection des médicaments et des produits phytopharmaceutiques, et il ne s'applique pas à la " marque communautaire ", pourtant opérationnelle depuis le 1 er avril 1996, ce qui permettrait pourtant aux titulaires, par une demande unique, de bénéficier d'une protection douanière valable dans plusieurs Etats membres. Il serait également utile d'organiser, à terme rapproché, un dispositif de brevet européen.

De surcroît, le problème majeur dépasse ce cadre européen : il concerne, bien au-delà, la définition d'une véritable réglementation au niveau mondial. Si certaines bases existent au niveau de l'OMC, le dispositif est encore trop imparfait et imparfaitement respecté pour constituer une solide protection contre la contrefaçon.

Enfin, à l'inverse, l'instrument douanier ne s'applique qu'aux échanges avec les pays tiers et ne permet pas d'appréhender les marchandises pirates fabriquées à l'intérieur de la Communauté ou circulant entre les différents Etats membres.

3. Clarifier la politique régionale

a) Un moyen d'intervention puissant

L'objectif de cohésion économique et sociale inscrit, en 1986, dans le Traité de Rome afin d'accompagner les pays les moins favorisés vers l'ouverture du marché unique européen, a impliqué une réforme profonde des fonds structurels communautaires.

Il est résulté de cette orientation politique fondamentale une augmentation considérable des moyens financiers disponibles. Une première réforme, en 1989, suivie d'une seconde, négociée lors du Sommet d'Edimbourg de décembre 1992, ont porté la politique régionale au deuxième rang des dépenses communautaires. Le budget 1997 a doté les fonds structurels de 31,8 milliards d'écus en moyens d'engagement, soit 38,6% du budget communautaire, juste après la politique agricole par rang d'importance des dépenses (41,2 milliards d'écus, soit 50%).

Les quatre fonds structurels existants ont tous vocation à intervenir en matière industrielle :

- le Fonds européen de développement régional, FEDER, dont la mission est de corriger les déséquilibres régionaux dans la Communauté et de contribuer au développement des régions les moins favorisées, peut ainsi financer des investissements productifs permettant la création ou le maintien d'emplois durables, des investissements en infrastructures ou des mesures de soutien au développement local et aux activités des petites et moyennes entreprises ;

- le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, FEOGA, section orientation, concourt à l'amélioration des structures agricoles et de l'industrie agro-alimentaire ;

- le Fonds social européen, FSE plus spécialement réservé aux interventions de soutien à l'emploi, a pour objectif de compléter les politiques menées par les Etats membres en matière d'emploi, d'insertion dans le monde du travail et de formation professionnelle ;

- enfin, plus récemment créé, l'IFOP, instrument financier d'orientation de la pêche, peut participer au financement des opérations de transformation et de commercialisation des produits de la pêche et de l'aquaculture.

A ces quatre fonds, il convient d'ajouter le Fonds de cohésion, institué le 16 mai 1994 et qui ne bénéficie qu'aux quatre Etats membres dont le PIB par habitant est inférieur à 90% de la moyenne communautaire : la Grèce, le Portugal, l'Irlande et l'Espagne.

L'action régionale intervient dans le cadre de l'un des six objectifs prioritaires de développement, destinés soit à certaines zones géographiques nommément désignées (105( * )) , soit à l'ensemble du territoire communautaire (106( * )) .

Il résulte de la politique structurelle actuellement en vigueur une forte concentration des moyens disponibles : 80% des ressources des fonds structurels seront réservés, jusqu'en 1999, aux régions en retard de développement (objectif 1) et à celles victimes de déclin industriel (objectif 2).

La politique régionale de l'Union constitue donc un moyen d'action particulièrement puissant, dont l'industrie pourrait bénéficier prioritairement.

C'est ainsi qu'un ensemble de programmes d'aide régionale destinée aux anciennes zones industrielles de l'Union européenne, d'une valeur totale de 2,81 milliards d'écus, a été renouvelé par la Commission le 26 février 1997, à destination de régions du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Danemark et de la Belgique. La Commission indique que les programmes retenus créeront 150.000 emplois dans les dix régions britanniques concernées et 15.700 emplois dans les trois zones industrielles néerlandaises répertoriées.

b) Des objectifs insuffisamment atteints

Le fondement de la politique d'aide structurelle tient à son rôle fondamental dans la lutte contre le chômage et le renforcement de la cohésion économique et sociale au sein de l'Union.

Or, si l'on se réfère au bilan présenté par la Commission dans le premier rapport qu'elle a consacré à la cohésion économique et sociale, ces résultats restent décevants.

Certes, les quatre Etats membres éligibles au fonds de cohésion -Espagne, Grèce, Portugal et, surtout, Irlande- ont enregistré des résultats positifs en termes de rattrapage du niveau moyen de revenu par habitant dans l'Union. Mais, dans le même temps, le taux de chômage a globalement progressé, accusant de fortes disparités entre Etats-membres et, même, entre régions riches et pauvres au sein d'un même Etat. En découle une augmentation des écarts de revenus au sein des Etats que les politiques structurelles n'ont pas empêchée.

Il convient donc de mobiliser les fonds disponibles en faveur d'investissements productifs, notamment dans l'industrie, susceptibles d'améliorer la situation globale de l'emploi : on pourrait ainsi mieux utiliser les ressources du Fonds social européen (FSE) pour accompagner les mutations industrielles ou concentrer les ressources du Fonds de cohésion sur la réalisation des infrastructures de transport en Europe.

c) Des dysfonctionnements à corriger

Il faut également se garder de l'effet pervers produit parfois par ces aides régionales et qui ont déjà eu par le passé la conséquence paradoxale de déstructurer la situation de l'emploi par l'octroi de subventions incitant à la délocalisation intra-communautaire.

On se souvient ainsi de l'exemple de la société Atlas-Copco qui s'est déplacée de la région de Brême, située en objectif 2, vers une autre région d'objectif 2, en Suède, après l'adhésion de ce pays à l'Union européenne.

C'est pourquoi le Parlement européen, sensible à ces difficultés, a invité la Commission à procéder à une évaluation des fonds structurels dans l'optique de distorsions de concurrence et de mise en évidence de " courses aux subventions " (107( * )) .

Il a ainsi proposé " que le soutien apporté par l'Union européenne à des sociétés par le truchement des fonds structurels soit conditionné par un engagement à long terme en matière d'emploi et de développement local ", afin d'éviter que de telles implantations puissent être aisément délocalisées plus tard.

Cette critique du comportement anti-économique de la recherche de subventions européennes n'est pas nouvelle ; nous la connaissons également dans le cadre national. Pour autant, il est très contestable que le même raisonnement ait été formulé par le Parlement européen le 12 mars 1997, au cours de la session consacrée à la discussion de la fermeture par Renault de son site de production belge de Vilvorde. En effet, il n'est ni juste, ni justifié de vouloir expliquer cette décision purement économique de restructuration industrielle par le fait que, parallèlement, une subvention était accordée à Renault pour l'extension d'un autre site de production situé en Espagne. L'usine de Vilvorde, implantée voici soixante-douze ans, ne peut être décemment considérée comme une installation de courte durée en vue d'une délocalisation rapide. Il est tout aussi malsain qu'un commissaire européen se propose de supprimer ces subventions à titre de sanction contre la fermeture de l'usine belge, alors même que la création de cinq cents emplois en Espagne en dépend : cet exemple illustre, une fois encore, le conflit des impératifs industriel et concurrentiel au sein de l'Union.

Enfin, le Parlement européen a estimé regrettable que " l'utilisation actuelle des fonds structurels rende difficile la coopération économique entre régions européennes et que le potentiel de développement considérable de celles-ci soit entamé par cet effort de concurrence " ; il a considéré opportun " d'adapter l'utilisation des fonds structurels de façon à ce qu'ils permettent de promouvoir la coopération économique entre régions européennes " (108( * )) .

Il a par ailleurs demandé à la Commission d'évaluer l'impact des fonds structurels sur la concurrence en élaborant " des indicateurs socio-économiques efficaces et pertinents permettant d'évaluer les conflits potentiels entre la politique de concurrence et la politique de cohésion ".

Les mêmes observations ont été formulées lors du Conseil Industrie du 24 avril 1997, au cours duquel les ministres ont souligné les aspects négatifs sur la concurrence dans la Communauté que peut avoir la conjugaison des versements des fonds structurels et de l'aide régionale accordée par les gouvernements nationaux pour attirer l'industrie et relancer l'emploi (109( * )) . La Commission y a été invitée à présenter, dans un délai d'un an, un rapport sur la délocalisation des sociétés en quête du régime d'aide le plus favorable. Elle a ainsi présenté, le 16 décembre 1997, une série d'orientations qu'elle entend appliquer -mais à partir de l'an 2000- seulement pour l'évaluation des aides régionales. L'objectif est de réduire le montant de l'aide versée tout en se concentrant sur les régions les plus pauvres de la Communauté. Elle a également adopté une communication aux Etats membres appelant le Conseil à s'entendre sur un nouveau système d'allocation des fonds structurels compatible avec les règles de concurrence de l'Union.

d) Que peut-on attendre d'Agenda 2000 ?

La réforme de la politique structurelle envisagée pour la période 2000-2006 dans le cadre Agenda 2000 ne résoudra pas toutes ces difficultés, peut-être même risque-t-elle de les renforcer.

Il s'agit là d'une phase transitoire destinée à accompagner l'élargissement de l'Union, calibrée pour tout à la fois ménager les susceptibilités des Etats actuellement membres de l'Union et réserver une place aux candidats à l'adhésion.

Certes, on peut en espérer une simplification des mécanismes, une plus grande transparence du mode de fonctionnement, un resserrement sur les objectifs et les régions prioritaires. Mais jusqu'en 2006, il en résultera surtout un plus grand saupoudrage des fonds disponibles afin d'organiser en parallèle la " sortie " des actuels bénéficiaires et " l'entrée " des nouveaux adhérents. Au-delà de cette échéance, les besoins des nouveaux entrants seront tels qu'ils monopoliseront, très légitimement d'ailleurs, les moyens d'action.

En définitive, on peut se demander si l'occasion n'a pas été manquée, au cours des dernières années, de mobiliser les moyens financiers au profit du développement industriel et de redéployer des fonds, que l'on savait notablement sous-utilisés, pour assurer la réalisation de grands projets d'infrastructures, fortement structurants pour l'espace européen et fondamentalement utiles pour l'industrie.

4. Valoriser l'entrée en vigueur d'une monnaie unique

L'impact négatif des fluctuations monétaires importantes qu'a connues l'Union européenne entre 1992 et 1995 a montré une nouvelle fois le handicap que constituait pour l'industrie européenne l'absence d'une monnaie unique.

L'étude réalisée par la Commission européenne en vue du Conseil européen de Madrid a ainsi établi que ces fluctuations avaient entraîné, sur cette période, un ralentissement de la croissance de l'ordre de 0,25 à 0,5 %, en même temps qu'elles obligeaient les entreprises industrielles, tributaires de décisions d'investissement à long terme, à s'adapter à des variations brutales de la compétitivité-coût des différents pays. Ainsi, l'industrie automobile française a dû modifier de manière drastique ses comportements de marge pour rester présente sur le marché italien, ce qui a pesé sur ses résultats d'ensemble compte tenu de l'importance de ce marché.

La coexistence d'autant de monnaies que d'Etats membres conduisait donc à des distorsions de concurrence, tout en entretenant une incertitude préjudiciable à l'investissement et donc à la compétitivité.

L'entrée en vigueur de la monnaie unique est à un double titre une réponse à cette situation. Par définition, elle supprimera toute fluctuation monétaire au sein de la zone euro ; cet avantage paraît d'autant plus important que celle-ci sera dès le départ une zone large, comprenant onze Etats membres. Mais les effets stabilisateurs de l'Union économique et monétaire se sont fait sentir dès avant l'entrée dans la monnaie unique : la dynamique de la convergence a d'ores et déjà, depuis deux ans, considérablement réduit les fluctuations monétaires au sein de l'Union.

Cependant, pour que l'unification monétaire joue pleinement au bénéfice de l'industrie communautaire, il est nécessaire que la gestion de l'euro soit une gestion équilibrée, fondée à la fois sur l'objectif de stabilité et sur l'objectif de croissance. Certains facteurs pourraient, dans un premier temps, conduire à une certaine surévaluation de l'euro : si la banque centrale européenne se croyait tenue d'asseoir sa crédibilité par une gestion restrictive, l'industrie communautaire ne pourrait tirer tous les avantages de l'unification monétaire.

Les difficultés de l'industrie japonaise, pourtant exemplaire par sa compétitivité, lorsqu'elle a été confrontée à une forte appréciation du yen, montrent bien les risques qu'encourrait l'industrie européenne en cas de surévaluation de l'euro ; à l'inverse, la vigueur de l'économie américaine durant la même période, vigueur qui s'est avérée compatible avec la maîtrise de l'inflation, suggère tout l'intérêt d'une gestion monétaire équilibrée et réaliste.

Par ailleurs, l'unification monétaire va faciliter les comparaisons des prix et des coûts et favoriser une concurrence plus vive dans divers secteurs. Nombre de règles fiscales et sociales devront être repensées en fonction de cette nouvelle donne. Dès lors que l'arme de la dévaluation n'existera plus pour restaurer une compétitivité compromise par des charges sociales et fiscales trop élevées, la maîtrise de ces charges sera essentielle pour faire face à une concurrence accrue.

Enfin, la monnaie unique suppose un effort prolongé de rigueur financière de la part des Etats participants, qui doivent retrouver une marge de manoeuvre budgétaire. La plupart des Etats qui entreront dans la monnaie unique le feront en se situant à la limite des critères fixés par le traité sur l'Union européenne concernant les déficits publics et l'encours de la dette. Sans un effort durable de rigueur, ils ne pourront dès lors prendre des mesures de relance sans risquer les sanctions prévues par le pacte de stabilité. Pour se retrouver en situation de pouvoir exercer, le cas échéant, une action contra-cyclique, les Etats devront donc, préalablement, ramener leurs finances publiques à une situation proche de l'équilibre. C'est bien là une des conditions nécessaires pour que l'unification monétaire puisse être synonyme à la fois de stabilité et de croissance.

CONCLUSION

A l'issue de ce rapide panorama de l'industrie française et européenne, il est permis de faire preuve d'un peu moins de pessimisme que nous n'en aurions éprouvé voici encore dix-huit mois.

L'intérêt désormais porté par les institutions communautaires au secteur industriel, le retour de la croissance en Europe, les avancées spectaculaires récentes sur le terrain de l'Union économique et monétaire sont autant d'atouts pour que soit enfin forgée une politique industrielle et commerciale porteuse d'espoirs pour l'avenir.

Toutefois, en dépit de certains succès marquants, l'industrie européenne souffre : elle perd ses emplois, elle régresse en termes de parts de marchés notamment face à ses concurrents asiatiques ou américains, elle se positionne insuffisamment sur les segments mondiaux les plus innovants . Or, nous ne pouvons l'ignorer, l'Europe n'aura sa place dans le monde qu'en s'appuyant sur un socle industriel performant et compétitif . Elle y trouvera également le moyen de créer de véritables emplois, les emplois industriels étant un élément déterminant pour la création d'emplois de service nombreux. Que peut faire l'Union pour renforcer ce pôle essentiel pour son avenir ?

Notre délégation propose quatre grandes orientations qui pourraient être utilement mises en oeuvre et qui se rapportent à :

- l'Euro dans un nouvel ordre monétaire international ;

- une meilleure défense des intérêts de l'Union ;

- la recherche de la compétitivité industrielle européenne ;

- la mise en oeuvre de politiques d'accompagnement.

*

1. La première piste de réflexion s'impose d'elle-même en constatant l'urgence de la définition d'un meilleur ordre monétaire international.

La création d'une monnaie unique est un atout considérable qui supprimera désormais les désordres internes qu'ont pu causer, par le passé, les dévaluations compétitives au sein même de l'Union européenne. La crise asiatique et, partant, la forte dévaluation des monnaies, dont le yen, qui en a résulté seront lourdes de conséquences en matière de commerce international. L'Europe doit impérativement faire entendre sa voix en plaidant pour l'élaboration d'un meilleur ordre monétaire international.

*

2. Le deuxième angle d'attaque devrait s'attacher à la défense des intérêts de l'Union sur le plan international.

En effet, la prolifération d'accords commerciaux à laquelle nous assistons rend sa démarche trop opaque tant pour les Parlements nationaux que pour les acteurs économiques et ce manque de visibilité nuit à sa compréhension et à sa crédibilité. De surcroît, des négociations menées sans cadrage politique préalable, sans évaluations économiques sérieuses et sans réelle concertation entre les différentes institutions européennes -l'Uruguay Round et, plus récemment, le NTM et l'AMI- produisent, sur le plan international, un effet désastreux et conduisent à des situations de blocage extrême qui ne sont pas constructives. Pour être efficace, l'Union doit savoir parler d'emblée d'une seule voix, les négociations du GATT l'ont, par le passé, clairement démontré.

Il semble donc essentiel d'obtenir :

• la définition d'une politique claire et d'un cadrage précis dans la conduite des négociations internationales de l'Union, dans le respect indispensable des règles du jeu institutionnel : c'est bien au Conseil qu'il appartient de donner à la Commission les mandats nécessaires à l'ouverture des pourparlers commerciaux et non à celle-ci de prendre des initiatives qui seront mal ressenties, quel que soit leur degré de pertinence ;

• la négociation d'accords équilibrés dans lesquels il soit procédé à une juste appréciation de l'équilibre et de la réciprocité des échanges, de l'intérêt particulier de l'Europe et des conséquences qui résulteront de ces accords sur les économies des Etats membres ;

• un contrôle effectif du respect de ces accords, éventuellement au prix de recours juridictionnels auprès des instances européennes ou internationales compétentes ;

• la définition de procédures " anti-dumping " au moins aussi performantes que celles pratiquées par nos partenaires commerciaux, notamment américains : le recours à des pratiques commerciales déloyales ne peut être justifié par aucun argument, pas même celui qui, de manière pernicieuse, considère que les consommateurs européens peuvent y trouver avantage. Lorsque l'industrie européenne subit les effets de tels comportements, ce sont aussi les salariés-consommateurs qui en pâtissent, à plus ou moins longue échéance. Aussi, notre Délégation appuie la suggestion du Gouvernement français de créer une agence indépendante pour le contrôle des actes de dumping, qui aurait le mérite de " dépolitiser " les procédures.

*

3. Le troisième thème d'action de l'Union pourrait privilégier la compétitivité de son industrie et notamment imposer :

• un meilleur usage de la politique de concurrence européenne qui sache se départir de ses tendances à privilégier le contrôle des conditions internes de concurrence pour se préoccuper davantage de la concurrence avec le reste du monde. L'Union doit désormais accepter de ne plus s'opposer à la constitution, en son sein, de groupes industriels de taille mondiale, affrontant la concurrence internationale à armes égales ;

• une évaluation de la compétitivité de l'industrie européenne , ce qui suppose à tout le moins d'avoir la volonté politique de procéder de façon permanente à ce type d'appréciation et donc de disposer de séries statistiques complètes et rapidement disponibles ;

• la définition de politiques de recherche et, en particulier, de recherche-développement qui puissent se situer à un niveau au moins équivalent à celui mis en oeuvre chez nos principaux concurrents mondiaux et le soutien de choix de projets innovants, directement utilisables pour l'industrie et essentiels pour sa compétitivité.

*

4. Enfin, le quatrième axe d'intervention tiendrait à la mise en oeuvre de politiques internes d'accompagnement pour aider au développement industriel européen en insistant en particulier sur :

• la prise en compte de la dimension industrielle dans la définition de la politique régionale européenne pour la période transitoire 2000-2006 et la mobilisation des fonds structurels en faveur d'investissements industriels productifs susceptibles d'aider à l'amélioration de la situation globale de l'emploi ;

• la nécessité de mettre en oeuvre des mesures favorisant le développement accru du tissu de petites et moyennes entreprises industrielles tout à la fois pourvoyeuses d'emplois et essentielles à un aménagement du territoire harmonieux ;

• la prise en compte des besoins de l'industrie dans la formation des jeunes et, notamment, le développement de l'apprentissage et de la formation en alternance.

*

* *

Au-delà de la nécessaire affirmation de la volonté industrielle de l'Europe et des institutions communautaires, les gouvernements nationaux ont un rôle majeur à jouer dans ce combat. Ainsi que l'a indiqué le Président de la République lors de sa conférence de presse du 16 avril dernier, " une forte ambition européenne doit aller avec une grande ambition nationale " . Les handicaps français - " trop de dépenses publiques, trop d'impôts, trop de bureaucratie ", on pourrait ajouter " trop de déficits "- exigent d'être corrigés, à la veille d'une année cruciale pour l'Europe, pour ramener la France dans la moyenne européenne.

C'est à nous qu'il appartient de renforcer notre compétitivité, de valoriser l'excellente formation de nos ingénieurs, de savoir retenir les jeunes diplômés qu'une trop forte fiscalité peut conduire à l'expatriation, d'adapter notre législation sur les fonds de pension pour que notre capital industriel ne soit pas progressivement acquis par ces structures anglo-saxonnes.

L'Europe a fait, le 2 mai 1998, le choix de l'Euro : dans un marché unique, doté d'une monnaie unique qui constituera un avantage fondamental à valoriser, et d'un dispositif de convergence qui a fait la preuve de son efficacité, la France ne doit pas être " l'exception négative ". L'époque où il était de bon ton d'accuser l'Europe d'être à la source de tous nos maux est désormais révolue.

Il incombe à la France de procéder aux réformes nécessaires pour faire face aux enjeux de la construction européenne. Il lui revient également de peser sur les décisions communautaires dans le sens des orientations préconisées par le présent rapport.

EXAMEN EN DELEGATION

La délégation s'est réunie le 13 mai 1998, sous la présidence de M. Jacques Genton , pour l'examen du présent rapport. A l'issue de cette présentation, le débat suivant s'est engagé :

M. Christian de La Malène :

Le traité de Maastricht ne prévoyait aucune disposition vraiment opérationnelle en matière d'industrie européenne ; le traité d'Amsterdam n'y fait aucune référence ; le lancement de l'euro a été effectué sans songer à l'Europe industrielle. Or, la mondialisation fragilise notre industrie ; l'Europe s'élargit, elle s'occupe de pratiquement tous les domaines, sauf de son industrie. Je trouve cette situation très préoccupante, de même qu'il m'apparaît fort dangereux que la Commission se soucie davantage des conditions de concurrence à l'intérieur de l'Union qu'à l'extérieur de celle-ci.

Mme Marie-Claude Beaudeau :

Je ne suis pas d'accord avec les conclusions proposées par notre rapporteur. Les restructurations industrielles -je pense notamment au secteur aéronautique- vont aboutir à des suppressions d'emplois et, si je suis favorable à la réduction des déficits, je souhaite que celle-ci soit opérée selon d'autres modalités.

M. Emmanuel Hamel :

Je partage l'opinion de Mme Beaudeau.

M. Lucien Lanier :

Je constate que, de manière parallèle avec la mondialisation accélérée de l'économie, on assiste à une recrudescence des nationalismes et des particularismes. Si l'on veut que l'Europe soit plus combative, il faut aussi qu'elle soit plus unie, ce qu'elle n'est pas actuellement. Par ailleurs, les derniers résultats du secteur automobile semblent montrer les signes d'une reprise qui paraît plus forte que celle des dernières années, ainsi que l'a indiqué notre rapporteur.

M. Jacques Oudin :

En ce qui concerne l'automobile, et fort heureusement, les secteurs industriels peuvent évoluer rapidement. J'en veux pour preuve la situation de l'automobile américaine que, il y a une quinzaine d'années, l'on disait moribonde face à la concurrence asiatique, et qui s'est spectaculairement redressée.

Nous pouvons parfaitement reprendre en main notre industrie ; des restructurations seront inévitables et entraîneront des ajustements en termes d'emplois, mais il faut penser à cette évolution sur longue période.

La difficulté de l'Europe est qu'elle réunit des pays producteurs et des pays commerçants. Les uns et les autres n'ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes objectifs : il est donc particulièrement difficile de les faire parler d'une seule voix en matière industrielle.

Concernant les objections de Mme Beaudeau, il est indispensable que l'Europe ait un socle industriel puissant. Ce que l'on a fait pour l'agriculture, il faut le faire pour l'industrie. En 1993, lors de la publication du rapport Arthuis, les délocalisations étaient ressenties comme un phénomène de fuite en avant non maîtrisée. Aujourd'hui, les chefs d'entreprises ont mesuré les difficultés liées à l'éloignement des centres de production et l'on assiste à des relocalisations en Europe. L'emploi industriel n'est pas en corrélation absolue avec la puissance industrielle.

Les conclusions que je vous propose prennent la forme de recommandations au Gouvernement afin de relancer une vraie volonté industrielle.

M. Yann Gaillard :

Je doute que l'on puisse mobiliser les fonds structurels en faveur de l'industrie compte tenu des perspectives financières pour l'après an 2000.

A la suite de ce débat, la délégation a reporté à sa prochaine réunion l'adoption des conclusions du rapport d'information.

Au cours d'une nouvelle réunion, tenue le 27 mai, M. Jacques Oudin a donné lecture des conclusions du rapport qu'il avait présenté à la délégation au cours de la réunion du 13 mai.

M. Christian de la Malène :

J'attache un intérêt particulier au premier thème développé par notre rapporteur car je considère qu'il reste, en effet, un long chemin à parcourir en matière de défense des intérêts de l'Union sur la scène internationale. Si l'Europe s'est trouvée très en pointe dans le domaine de la politique commerciale, elle est particulièrement en retard pour ce qui concerne sa politique industrielle. Cet état de chose s'explique notamment par le fait que la politique commerciale se définit à Bruxelles alors que ce sont les Etats membres qui se préoccupent des questions industrielles et d'emploi. Cette structure n'est pas satisfaisante car la Commission -et notamment le commissaire Brittan- est surtout soucieuse d'ouvrir les frontières de l'Union et ne s'intéresse au problème du chômage que de façon plus lointaine.

De la même manière, elle s'est beaucoup plus penchée sur la concurrence interne et sur l'achèvement du marché unique que sur la concurrence externe à l'Union. Il faut rappeler que 8 % du potentiel industriel français est aujourd'hui stérilisé, sclérosé, alors que les Etats-Unis exploitent intégralement leurs capacités de production puisque seuls 0,6 % en sont inutilisés. Cette situation résulte des politiques conduites jusqu'à présent dans l'Union. L'idée de la " forteresse Europe ", qui était continuellement mise en avant il y a quelques années, ne découlait aucunement d'une analyse objective, mais du simple constat que la balance des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et l'Europe était déséquilibrée.

M. Pierre Fauchon :

Si j'approuve entièrement les conclusions de notre rapporteur, je souhaiterais qu'on y mentionne plus nettement notre préoccupation en matière d'emploi industriel.

M. Denis Badré :

Il me paraît essentiel que l'Union européenne intervienne de manière soudée si elle veut être efficace. L'exemple des négociations du GATT, pour lesquelles l'Europe a su parler d'une seule voix et faire entendre son point de vue, illustre particulièrement cette nécessité. Par ailleurs, il serait plus logique, à mon sens, d'inscrire le point 4 -définition d'un nouvel ordre monétaire international- en tête des conclusions, car il est, me semble-t-il, la première des priorités à mettre en oeuvre.

La délégation a alors approuvé les conclusions présentées par le rapporteur et modifiées en fonction des propositions formulées par les intervenants et a autorisé la publication du rapport.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
Les perspectives de croissance mondiale

1) Modèle MIMOSA-OFCE

Avril 1998

2) Prévisions OCDE

Avril 1998

ANNEXE 2:
Les flux d'investissements directs dans l'Union européenne en 1996

Juillet 1997

ANNEXE 3 :
Résultats des enquêtes auprès des chefs d'entreprise et des consommateurs

Source : Commission européenne - Janvier-février 1998

1) Au 31 décembre 1997

2) Au 31 janvier 1998

ANNEXE 4 :
La structure du commerce extérieur de la France

La structure par produits du commerce extérieur de la France depuis 1950 (110( * ))

Les exportations : depuis la fin des années cinquante, les produits manufacturés représentent environ les deux tiers de la valeur des bien et services exportés. Cette stabilité résulte de mouvements contraires : un doublement des exportations de biens d'équipement professionnel, y compris le matériel militaire, et une légère croissance des produits agro-alimentaires compensés par la baisse de la part des biens de consommation et des produits énergétiques.

Les importations : la structure des produits importés s'est profondément modifiée : les produits manufacturés ne représentaient que le tiers des importations françaises en 1959 ; leur part a doublé depuis du fait d'une forte augmentation des biens d'équipement professionnel et des biens de consommation. Les importations d'automobiles et de matériel de transport terrestre sont passées de 1% à 10%, tandis que diminuait fortement la part des produits agro-alimentaires et énergétiques.

- Les échanges en produits agro-alimentaires étaient très largement déficitaires jusqu'à la fin des années cinquante : ils représentaient alors 30% des importations et 10% des exportations seulement. Sous l'influence de la PAC, ces dernières ont été multipliées par 14, en volume, entre 1959 et 1995 tandis que les importations quadruplaient seulement.

- Les achats de produits énergétiques qui constituaient 17% des importations françaises de biens et services à la fin des années cinquante, étaient réduits à 11% à la veille du premier choc pétrolier. Après les deux crises pétrolières et malgré une baisse en volume, la facture énergétique constituait près du quart des importations en 1980. Le contre-choc pétrolier de 1986 et la faible croissance des volumes importés ont ramené sa part à 6% en 1995. Le développement des exportations d'électricité a permis l'amélioration du taux de couverture des échanges énergétiques, passé de 11% en 1974 à 37% en 1995.

- Les échanges de produits manufacturés ont été structurellement excédentaires entre la fin des années quarante et le milieu des années quatre-vingt. Toutefois, une nette dégradation de la balance commerciale est survenue, dans les années soixante, du fait de la libéralisation des échanges extérieurs : il en est résulté une augmentation plus rapide des importations dans plusieurs secteurs (biens de consommation, biens d'équipements, matériel de transport terrestre). La dévaluation de 1969 a permis l'inversion de cette tendance et l'amélioration du solde industriel jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Depuis dix ans, le solde industriel paraît dépendre des décalages conjoncturels entre la France et ses partenaires : déficitaire en période de forte demande interne (1988-1990), il s'est redressé depuis lors.

- Le taux de croissance des échanges de services est resté inférieur à celui des biens jusqu'à la fin des années soixante-dix, avant de le rejoindre, puis le dépasser pour les importations dans les années quatre-vingt. En conséquence, le solde reste excédentaire, mais a tendance à stagner depuis 1986. Les services financiers ont crû rapidement depuis la fin des années soixante-dix ; la croissance des échanges de services de transport et de télécommunications a été inférieure à celle des biens, compte tenu de la baisse des prix relatifs au transport de marchandises ; enfin, le tourisme, déficitaire à la fin des années soixante, a opéré un redressement spectaculaire qui place la France au deuxième rang mondial pour les recettes touristiques, après les Etats-Unis.

TAUX DE CROISSANCE ET STRUCTURE DES ECHANGES EXTERIEURS DE LA FRANCE:

 

1949 - 1959

1960 - 1969

1970 - 1979

1980 - 1989

1990 - 1995

 

Taux de croissance

Structure

Taux de croissance

Structure

Taux de croissance

Structure

Taux de croissance

Structure

Taux de croissance

Structure

BIENS importations

exportations

dont :

• agriculture et IAA importations

exportations

• énergie importations

exportations

• produits manufacturés importations

exportations

4,8

7,7

4

6,9

3,4

6,1

7,6

8

82,5

77,2

30,3

11

17,2

3,4

35

62,8

11,2

9,5

3,8

12

9,6

7,4

16,3

9,3

87,2

78,4

16,5

14,5

10,3

2

60,5

61,9

5,6

8,6

5,8

7,8

4,6

5,6

8

9

89,7

80,7

12,5

12,6

19,7

3,2

57,4

64,8

3,7

3,7

3,7

5,8

- 2,8

0,4

6

3,5

87,6

80,5

10,1

13,4

7,9

1,9

69,7

65,2

2,4

4,3

3,5

3,5

- 0,1

0,4

2,8

4,6

85,3

79,3

10,1

12

5,9

2

69,3

65,4

SERVICES importations

exportations

1,9

2

17,5

22,8

4,2

6,5

12,8

21,6

4,1

7,2

10,3

19,3

4,6

3,3

12,4

19,5

2,1

3,1

14,7

20,7

TOTAL BIENS ET SERVICES

importations

exportations

4,6

5,3

100

100

10,1

8,8

100

100

6,3

8,3

100

100

3,8

3,7

100

100

2,4

4,1

100

100

- taux de croissance annuel moyen en volume, en %,

- structure des flux d'importation et d'exportation en valeur, en %, mesurés sur la dernière année de chaque période

La structure géographique du commerce extérieur de la France depuis 1950

Depuis trente ans, les exportations françaises représentent 5 à 6%, en valeur, du commerce mondial, tandis que la part de l'Allemagne se situe entre 9 et 12%. Sur la même période, les exportations américaines ont décru de 15 à 12%. A partir de 1985, la part de l'Union européenne dans le commercial mondial a très sensiblement augmenté : elle est passée d'environ 34% à plus de 43% en raison de l'accroissement des échanges intra-communautaires.

Pour l'ensemble des biens , la part française du marché communautaire est passée de 8 à 10 % depuis 1967. Cette progression, jointe à la croissance rapide du commerce intra-communautaire, a permis le maintien de notre part du marché mondial.

Les exportations françaises sont restées majoritairement à destination des Etats membres de l'Union : de 43 % en 1961, elles sont désormais passées à 63 % en 1995. Par comparaison, l'Union ne représente qu'à peine plus de la moitié des exportations allemandes.

La part de nos exportations à destination des Etats-Unis est restée stable, autour de 6 % sur l'ensemble de la période, à l'exception du milieu des années quatre-vingt marqué par un niveau élevé du dollar.

Les exportations destinées à l'Asie, Japon inclus, ont sensiblement augmenté passant de 1,7 % à 8 %.

A l'inverse, la part de l'OPEP et de l'Afrique a diminué.

La même analyse s'applique aux produits manufacturés. Pour les produits agro-alimentaires, le poids de l'Union dans nos exportations est encore plus important, de l'ordre de 72 %.

Les importations françaises présentent une structure assez proche, mais avec des évolutions plus marquées sur l'ensemble de la période : la part des Etats-Unis est passée de 16 % en 1961 à 10 % en 1995, tandis que les importations asiatiques, Japon inclus, se sont accrues, de 1 % à 12 %.

Pour les produits agro-alimentaires, l'Afrique, hors OPEP, ne représente plus que 8 %, en valeur, de nos importations 1995 contre 29 % en 1967. En revanche, celle de la Communauté européenne a fortement progressé, de 27 % en 1967 à 69 % en 1995.



(1) Cf. Richesse du monde, pauvreté des nations - Daniel Cohen - Flammarion - Février 1997.

(2) Rapport d'information sur l'incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service - Sénat n° 337 - 4 juin 1993 - p. 41.

(3) Au cours de son audition devant la Commission des Finances du Sénat, M. Didier Pineau-Valencienne, Président du Groupe Schneider, donnait l'exemple du coût du transport d'une chaise autour du monde, passé de 350 F en 1985, à 3,50 F en 1996 - 26 février 1997.

(4) Cf. notamment rapport de M. Jean Arthuis, précité.

Rapport de la Commission d'enquête " Délocalisations économiques à l'étranger " MM. Franck Borotra et Georges Chavanes - A.N. - 2 décembre 1993.

Démystifier la mondialisation de l'économie - Annie Fouquet et Frédéric Lemaître - Editions d'organisation - Février 1997.

Richesse du monde, pauvreté des nations - Daniel Cohen - Flammarion - Février 1997.

La tentation hexagonale - Elie Cohen - Fayard - Septembre 1996.

L'épreuve de la mondialisation : pour une ambition européenne - Jean-Yves Carfantan - Seuil - 1996.

(5) Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong.

(6) Grandes auditions sur le thème de la mondialisation - 4 février 1997 - Bulletin des Commissions, p. 2675.

(7) Audition du 26 février 1997. Bulletin des commissions p. 3031.

(8) La tribune - 10 février 1997.

(9) Eurostat - 24 avril 1998 - Classement pour l'année 1995.

(10) Cf. " Airbus industrie : les succès d'une coopération européenne " - Jean Pierson - Revue du marché commun et de l'Union européenne - Mars 1996.

(11) Indice intéressant de la place prise par Airbus dans le monde aéronautique, le constructeur aéronautique américain Boeing a officiellement affirmé que " la part européenne de ses activités était très significative, que son groupe effectuait en Europe des investissements importants créateurs d'emplois et que, par ailleurs, Airbus continuait à vivre en grande partie de subsides publics, faisant ainsi une concurrence partiellement déloyale à Boeing " -négligeant du même coup le soutien apporté par la Nasa pour ses programmes militaires... Agence Europe - 13 février 1998.

(12) Cf. infra p. 87.

(13) Volkswagen, Fiat, PSA, Renault, BMW-Rover, Mercedes et Volvo.

(14) Cf. Audition de M. Louis Schweitzer devant les commissions des Affaires sociales et des Affaires économiques du Sénat et la délégation pour l'Union européenne - 13 mars 1997.

(15) Compte tenu d'une provision pour restructuration de 3,4 milliards de francs (coûts sociaux pour la Belgique et la France).

(16) Bulletin trimestriel de l'Observatoire européen du Textile et de l'Habillement 1997.

(17) Résultats des enquêtes auprès des chefs d'entreprise et des consommateurs - n° 1 et 2 - Janvier et février 1998.

(18) Cf. Annexe n° 3.

(19) Cf. analyse du rapport du CEPII en collaboration avec l'équipe MIMOSA de l'OFCE, Economie mondiale ; 1990-2000 : l'impératif de croissance. Economica. 1992.

Cf. Au-delà des délocalisations : globalisation et internationalisation des firmes - Chambre de commerce et d'industrie de Paris - Economica. Septembre 1995.

(20) Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan.

(21) Cf. Yann Echinard " L'Union européenne : régionalisation ou mondialisation ". Problèmes économiques n° 2-530. 20 août 1997.

(22) MM. Freuderberg et Unal-Kersenci : " Aspects de la spécialisation européenne ". La lettre du CEPII n° 142 - Janvier 1996.

(23) "Perspectives économiques 1998 " - Avril 1998.

(24) Eurostat : Population et conditions sociales n° 8/97

" Enquête sur les forces de travail - Résultat 1996  " - Juillet 1997.

(25) Cf. Le Figaro - 22 avril 1998.

(26) Cf. audition de Sir Leon Brittan devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne, 24 octobre 1996.

(27) La France aurait ainsi pu faire entendre sa voix si le débat portant sur le nouveau marché transatlantique s'était poursuivi. Cf. infra p. 46.

(28) Analyse de l'Institut national d'Etudes démographiques - Janvier 1998.

(29) " Impact et efficacité du marché unique ". Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil. COM (96) 520 final du 30 octobre 1996.

(30) Cf. " Réflexions sur le cycle européen " - Alain Henriot 27/2/97 - Le Figaro.

(31) Les nouvelles propositions chinoises présentées le 7 avril 1998 (droits de douane ramenés de 17 % à 10,8 % en moyenne sur les produits industriels, ouverture de certains marchés de services, assouplissement des règles applicables aux sociétés étrangères de comptabilité et d'assurance) témoignent toutefois de progrès réels en ce sens, même si les instances de l'OMC les jugent encore insuffisantes.

(32) Terme emprunté à M. Franck Borotra, alors Ministre de l'industrie - Cf Le Figaro - 28 août 1996.

(33) Cf. Audition du M. Hervé Jouanjean, responsable des politiques commerciales multilatérales à la Commission, devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne - intervention de M. Jacques Oudin - 19 mars 1996.

(34) Cf. J.O. Sénat - Séance du 30 janvier 1996 - Discussion d'une question orale avec débat portant sur un sujet européen : " Instauration de zones de libre-échange ".

(35) Cf Agence Europe - 14 mars 1998.

(36) Déclaration de M. Lionel Jospin - Cf. Agence Europe - 13 mars 1998.

(37) Cf. Agence Europe - 1er avril 1998.

(38) Audition de M. Pierre Moscovici devant la Délégation pour l'Union européenne et la Commission des Affaires étrangères du Sénat - 8 avril 1998.

(39) Déclaration de M. Jacques Chirac - Cf. Agence Europe - 13 mars 1998.

(40) Cf. Europolitique - 3 décembre 1997.

(41) Sec (96) 2168 final - 16 janvier 1997.

(42) Cf. Agence Europe n° 6921 - Lundi 24, Mardi 25 février 1997.

(43) En attendant l'entrée en vigueur de cette nouvelle génération d'accords méditerranéens (sauf pour la Tunisie), tous ces Etats sont actuellement parties soit à des accords de coopération avec la CEE comprenant un accès préférentiel non réciproque au marché de la CE, soit à des accords de coopération et de libre échange avec la CEE.

(44) Cf. Notamment rapport de M. Jacques Genton, n° 302 (1995-1996) : le contrôle parlementaire sur l'Europe : grandes échéances européennes et suivi des propositions communautaires, p. 74.

(45) Cf. Avis du CES sur la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur la compétitivité de la sous-traitance dans l'industrie textile et de l'habillement de l'Union européenne - 27-28 novembre 1996 - CES 1389/96.

(46) Cf. Perspectives de l'industrie automobile, étude de Mme Marie-Christine Schmitt " Automobile : défis et contraintes de l'an 2000 ". Problèmes économiques n° 2512 - 19 mars 1997.

(47) Adoption de la loi n° 96-607 du 5 juillet 1996 sur les " quirats ".

(48) Cf. Avis de la commission des Affaires économiques et du Plan sur le projet de loi de finances pour 1997 - Industrie - M. Francis Grignon, n° 88 (1996-1997).

(49) Cf. Agence Europe - 27 mars 1997.

(50) Cf. Agence Europe - 28 mars 1997.

(51) " Vers une nouvelle politique de la construction navale " - 1er octobre 1997.

(52) Proposition de résolution n° 100 (97-98) déposée par Mme Marie-Madeleine Dieulangard le 20 novembre 1997, devenue définitive le 17 mars 1998 (n° 93).

(53) Com (96) 53 final.

(54) Cf. Troisième rapport annuel de la Commission sur les obstacles au commerce et aux investissements aux Etats-Unis - 29 juillet 1997.

(55) Cf. Audition de Sir Leon Brittan devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne - 24 octobre 1996.

(56) Cf. Agence Europe 17/18 mars 1997.

(57) Encore qu'un an après la mise au point d'un arrangement provisoire entre l'Union européenne et les Etats-Unis supposé régler leurs différends en matière d'investissements à Cuba, la situation se trouve dans une impasse, chaque partie campant sur ses positions. L'Europe avait jusqu'au 25 avril 1998 pour renouveler sa plainte auprès de l'OMC. Elle y a renoncé.

(58) Chine, Egypte, Inde, Indonésie, Pakistan et Turquie - Cf. Europolitique - 7 mars 1998.

(59) Cf. Europolitique - 22 janvier 1997.

(60) La Commission a confirmé son intention de demander l'ouverture d'une procédure de consultation à l'OMC dans le Journal Officiel des Communautés européennes daté du 28 avril 1998, mais elle se déclare prête à accepter un règlement à l'amiable avant l'ouverture formelle des consultations.

(61) La demande de levée de l'embargo sur le boeuf aux hormones demandée par les Etats-Unis après la décision favorable de l'OMC n'est toujours pas effective, la Commission ayant souhaité qu'une nouvelle étude sur les risques sanitaires soit préalablement effectuée -ce qui peut se comprendre à la suite de l'affaire de la " vache folle ". Europolitique - 10 avril 1998.

(62) Cf. Agence Europe - 10 avril 1998.

(63) Le rapport pour 1997 est toutefois plus critique, cette fois, à l'égard des Etats-Unis - Cf. Europolitique - 25 avril 1998.

(64) " France clash with Brittan on dumping " - Cf. rapport d'information de la délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union européenne sur des propositions d'actes communautaires soumises par le Gouvernement à l'Assemblée nationale du 23 janvier au 13 février 1997 (n°E 770, E 772 à E 784) - N° 3339, p. 8.

(65) La Commission applique d'ores et déjà sa propre conception de " l'intérêt communautaire " : lors de l'imposition de droits définitifs sur les télécopieurs privés originaires de sept pays d'Asie, elle a ainsi justifié cette mesure par le fait que, dans ce secteur, "l'industrie communautaire était viable ", appréciation qui va au-delà de la simple constatation de procédures de dumping. Agence Europe - 29 avril 1998.

(66) Proposition de résolution n° 334 (1997-1998), déposée le 5 mars 1998 par M. James Bordas.

(67) Cf. Europolitique - 4 février 1998.

(68) Hormis le très récent débat au Sénat concernant la dimension culturelle de l'AMI à la suite d'une question orale avec débat posée par M. Adrien Gouteyron (Cf. JO Sénat - 23 avril 1998).

(69) modifié en 1997 -Cf. infra p. 74.

(70) La politique communautaire de la concurrence, Rapport d'information n° 204, 26 janvier 1993.

(71) Les aides d'Etat : une politique communautaire efficace, Rapport d'information de Mme Monique Rousseau, n° 3107, 6 novembre 1996.

(72) Règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil du 30 juin 1997 modifiant le règlement (CEE) n° 4064/89 relatif au contrôle des opérations de concentrations entre entreprises.

(73) XXV e rapport sur la politique de concurrence - 1995.

(74) Les aides d'Etat : une politique communautaire efficace, op. cit.

(75) Quatrième rapport de la Commission sur les aides d'Etat dans le secteur des produits manufacturés et certains autres secteurs de l'Union européenne, COM (95) 365 final, 26 juillet 1995.

(76) Cf. Agence Europe - 9 et 10 février 1998.

(77) Les aides d'Etat, une politique communautaire efficace, op. cit.

(78) " La politique de concurrence dans le nouvel ordre commercial : renforcement de la coopération et des règles au niveau international ", Agence Europe, 27 juillet 1995.

(79) COM (96) 284 final, 18 juin 1996.

(80) Cf. Europolitique - 25 avril 1998.

(81) Cf. Impact et efficacité du marché unique - Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil COM (96) 520 - 30 octobre 1996.

(82) On observera, d'ailleurs, que les commissaires européens qui sont intervenus pour contester avec vigueur la décision de Renault de fermer son site de production de Vilvorde, n'avaient pas jugé bon d'intervenir lors de la délocalisation d'Hoover, de même lorsque J.V.C. avait quitté la Lorraine ou Grundig Creutzwald.

(83) Italie, Irlande, Autriche, Portugal, Espagne, Belgique, Luxembourg et Grèce. Les sept directives concernées par ces infractions se rapportent aux systèmes de protection en atmosphère explosive, aux produits de construction, aux substances dangereuses, aux règles techniques applicables aux bateaux de plaisance, à l'étiquetage des chaussures, aux émissions de véhicules à moteur et à la compatibilité électromagnétique des appareils électriques.

(84) Cf. Europolitique n° 2219 - 25 avril 1997.

(85) Cf. Rapport sur la restructuration et la délocalisation industrielle au sein de l'Union européenne - 29 octobre 1996. Rapporteur : Mme Heidi Hantala. Conclusion n° 19.

(86) 9 octobre 1996 - Com (96) 463 final.

(87) Com (96) 187 final.

(88) Cf. rapport de M. José Garcia-Margallo y Marfil - COM (96) 463 - 9 avril 1997.

(89) A l'inverse, les appels à la restructuration des industries européennes de la défense présentés en novembre 1997 n'ont pas encore été suivis d'effet. En avril 1998, la Commission a invité le Conseil à adopter de toute urgence, une position commune sur la stratégie européenne en la matière. Cinq ministres européens de la Défense (Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni) réunis à Paris le 20 avril dernier ont toutefois convenu d'approuver en juin prochain une lettre d'intention sur les moyens d'éliminer certains obstacles aux restructurations industrielles.

(90) Communication au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des Régions : " L'industrie aérospatiale européenne face au défi mondial " - 23 septembre 1997.

(91) Cf. Agence Europe - 25 septembre 1997.

(92) " Etalonnage de la compétitivité européenne : de l'analyse à l'action " - Agence Europe - 13 février 1998.

(93) Cf. Communication de la Commission au Conseil " encourager l'esprit d'entreprise en Europe : piorités pour l'avenir ". COM (1998) 222 final - 7 avril 1998.

(94) Cf. sur ce point Richesse du monde, pauvreté des nations - Daniel Cohen - Flammarion - Février1997.

(95) A l'inverse, il faut aussi tenir compte des effets de la politique de l'environnement sur l'emploi, notamment dans l'industrie de la dépollution et de la surveillance : une étude de l'OCDE estime qu'à l'horizon 2000-2005, elle permettra la création de 5,4 millions d'emplois aux Etats-Unis et 1,2 million d'emplois en Allemagne. Elle aurait déjà généré 418 000 emplois en France en 1992. Cf. problèmes économiques n° 2.527 - 9 juillet 1997.

(96) On pourrait s'étonner du caractère hétéroclite de cette énumération et, notamment, de la pertinence de l'action 5 dans ce chapitre.

(97) Doté d'un financement de 13 milliards d'écus pour cinq ans.

(98) Cf. notamment le rapport du groupe d'experts, présidé par M. Etienne Davignon, ancien commissaire européen à la recherche, remis à Mme Edith Cresson, commissaire européen, le 26 février 1997.

(99) Cf. Agence Europe - 8 avril 1998.

(100) Cf. La lutte contre la contrefaçon en droit communautaire, Anne-Sophie Gourdin-Lamblin - Revue du marché commun et de l'Union européenne - n° 394 - janvier 1996.

(101) Loi n° 94-102 du 5 février 1994 relative à la répression de la contrefaçon et modifiant certaines dispositions du code de la propriété intellectuelle.

(102) N° 3842-86 du 1 er décembre 1986.

(103) Cf. Agence Europe - 20 février 1998.

(104) Une modification du règlement CE n° 3295/94 est en cours dans ce sens. Cf. proposition E 1021 COM (98) 25 final. Actualités de la Délégation sénatoriale pour l'Union européenne n° 6.

(105) Objectifs :

• 1 (promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement)

• 2 (reconvertir les zones en déclin industriel)

• 5b (promouvoir le développement des zones rurales vulnérables)

• 6 (promouvoir le développement des zones à très faible densité de population).

(106) Objectifs :

• 3 (lutter contre l'exclusion du marché du travail et faciliter l'insertion professionnelle des jeunes)

• 4 (faciliter l'adaptation des travailleurs aux mutations industrielles et à l'évolution des systèmes de production)

• 5a (accompagner l'évolution des structures de production agricoles et de la pêche).

(107) Rapport du Parlement européen sur " la restructuration et la délocalisation industrielle au sein de l'Union européenne " 29 octobre 1996 - Rapporteur : Mme Heidi Hantala pour la commission économique, monétaire et de la politique industrielle.

(108) Parlement européen : avis sur la restructuration industrielle et les délocalisations - Commission de la politique régionale - Rapporteur : Mme Elisabeth Schroedler - 29 octobre 1996.

(109) Cf. Europolitique n° 2219 - 26 avril 1997.

(110) Les éléments d'information de ce chapitre proviennent de l'étude " France : un demi-siècle d'échanges extérieurs " - Henri Tyrman, Françoise Le Gallo et Christian Loisy - INSEE Premières n° 495 novembre 1996 - Problèmes économiques n° 2512 - 19 mars 1997.

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