2. Dynamisation de l'activité des caisses d'assurance-maladie

Face à ces scénarios de coordination ou de concurrence entre assurances privées et Sécurité sociale, il convient de ne pas négliger les ripostes potentielles, pour le régime d'assurance obligatoire et notamment dans l'assurance complémentaire santé, des caisses primaires régionales d'assurance-maladie, qui disposent d'un certain nombre d'atouts et qui pourraient, moyennant la création d'une véritable dynamique du service public, devenir aussi compétitives que d'autres structures. Quels résultats donneraient l'expérimentation d'une autonomie au niveau local des CPAM et des CPRM pour la mise en place de réseaux décentralisés de coordination de soins ? Pourquoi fixer par arrêté ministériel la rémunération des mutuelles chargées de la gestion des régimes obligatoires, et ne pas laisser le soin à la CNAM de négocier " les remises de gestion " ?

Les caisses d'assurance-maladie gèrent en effet à l'heure actuelle des flux de cotisations et de prestations santé, grâce à des équipements informatiques puissants, dont ne sont pas fréquemment dotées par exemple beaucoup de petites mutuelles. Elles disposent d'historiques des dépenses, de dossiers et de médecins conseils pour mettre en valeur cette richesse dormante dans les fichiers. Par ailleurs, les caisses d'assurance-maladie ont une connaissance de l'ensemble de la population couverte et du " risque santé " qui est incomparable, puisqu'elles ne pratiquent aucune sélection et prennent " tout le monde ". Elles pourraient développer, dans le cadre de l'objectif de la maîtrise des dépenses de santé, la pratique du " dialogue confraternel " entre médecins conseils des services de contrôle médical et médecins de ville, souvent isolés et preneurs de conseils en matière de savoir-faire thérapeutique, un savoir-faire qui est rassemblé par définition dans les mains des médecins conseil 167( * ) . Enfin, les caisses disposent d'un réseau de bureaux d'accueil très important, d'environ 40 guichets au minimum par département, et ont su mettre en place dans les campagnes des camions itinérants.

Il resterait à savoir dans quel cadre juridique, maintenu ou réformé, la Sécurité sociale, qui est la mieux placée en matière de connaissance du risque santé, pourrait être amenée à mieux valoriser ses atouts, si elle était dotée d'une plus grande autonomie de mouvement et autorisée à pratiquer l'assurance santé complémentaire. Il convient de rappeler ici que le statut du personnel des caisses d'assurance-maladie primaires et régionales est de droit privé. Seul le statut du personnel des caisses nationales qui sont des établissements publics administratifs est un statut de droit public.

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L'heure de l'expérimentation, en provenance de tous les horizons du champ de l'assurance-maladie, semble venue. Elle est d'autant plus souhaitable que ces expérimentations, limitées dans l'espace et dans le temps, ne seront pas étendues avant une évaluation précise de leurs résultats. Les résultats discutables, en termes de qualité de la santé, de la mise en place d'une concurrence des financeurs aux Etats-Unis, ne doivent pas empêcher l'Europe de faciliter une certaine concurrence dans l'offre de soins et la gestion de cette offre, à la condition donc que cela soit au profit de la qualité du service rendu à tous les assurés sociaux, et non à certains d'entre eux seulement.

Dans une Europe de la santé, caractérisée par la diversité et le mouvement, il serait regrettable, et certainement peu efficace à moyen terme, que la France se distingue par son incapacité à sortir du statu quo et par la stérilisation de la créativité. Même si " la logique et les limitations d'un comportement concurrentiel idéal dans les conditions d'incertitude nous obligent à reconnaître que la description de la réalité que fournit un système de prix impersonnels est incomplète " 168( * ) .