B. L'EXTENSION DE L'ASSIETTE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SE TRADUIRAIT TOUTEFOIS PAR DES TRANSFERTS IMPORTANTS ENTRE ENTREPRISES SUSCEPTIBLES D'EN LIMITER L'EFFICACITÉ POUR L'EMPLOI

Il s'agit là d'une évidence : toute réforme de la fiscalité à prélèvements constants se traduit par des gagnants et des perdants. Schématiquement, l'analyse exposée plus haut suggère qu'un transfert de charges des bas salaires vers les hauts salaires et/ou surtout des entreprises intensives en main-d'oeuvre vers les entreprises hautement capitalistiques, serait favorable à l'emploi total.

Cette remarque liminaire appelle toutefois quatre observations :

• Le transfert des cotisations sociales employeurs vers des prélèvements assis sur les ménages (CSG, IR ou TVA), aurait des effets diffus et de faible ampleur au regard du revenu des ménages (50 milliards de francs de prélèvements représentent moins de 1 % de leur revenu disponible), mais l'expérience suggère qu'une hausse des prélèvements sur les ménages est toujours difficile à mettre en oeuvre.

• Le transfert de cotisations sociales employeurs vers d'autres prélèvements sur les entreprises (cotisation à la valeur ajoutée, taxes sur les profits,) dont les effets sur l'emploi sont potentiellement plus favorables, se traduirait par une redistribution de grande ampleur entre entreprises 36( * ) . Cela signifie qu'une réforme à prélèvements constants de la fiscalité des entreprises devrait être progressive , au risque d'en limiter les effets sur l'emploi.

• La spécialisation d'une économie, et plus généralement la structure d'ensemble de son système productif, reflètent dans une certaine mesure la structure de sa fiscalité.

L'analyse macroéconomique suggère que la réforme des prélèvements sur les entreprises n'est potentiellement créatrice d'emplois que si elle s'accompagne d'un redéploiement du tissu productif vers des secteurs plus riches en emplois. Cette reconversion , qui constitue d'ailleurs l'objectif premier des écotaxes, est toutefois coûteuse , dès lors que doivent être déclassées des installations durables (par exemple des raffineries). Ce coût, qui n'est guère pris en compte dans les simulations macroéconomiques précédentes, est susceptible de réduire au moins temporairement les effets sur l'emploi attendus d'une modification de l'assiette des prélèvements sociaux. En outre, ce redéploiement de l'économie, donc les créations d'emplois afférentes, nécessite pour être effectif des réformes pérennes, conduites selon un calendrier crédible.

• Enfin, à prélèvement total constant, une baisse du coût relatif du travail par rapport au capital se traduirait par une baisse modeste du coût absolu du travail, mais par une hausse significative des taux d'imposition sur le capital .

Les deux assiettes sont en effet dans un rapport de 1 à 4 environ. Cela signifie qu'un transfert de grande ampleur de cotisations sociales employeur vers d'autres prélèvements sur les entreprises ou des taxes sur les revenus du capital, pourrait entraîner une délocalisation de l' épargne et des investissements susceptible de freiner la croissance et l'emploi, ce dont les modèles ne peuvent rendre compte.

Au total, le remplacement de cotisations sociales par des taxes sur le capital risque de se traduire par une croissance plus riche en emploi, mais moins dynamique, cet effet pervers étant d'autant plus fort que le capital est mobile 37( * ) .

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