V. LE FONCTIONNEMENT CONCRET DE CES MÉCANISMES D'ÉCHANGE, QUI SOULÈVENT DES DIFFICULTÉS CONSIDÉRABLES, DEVRA ÊTRE NÉGOCIÉ AVANT LA FIN DE L'AN 2000

1. Le " calendrier de Buenos Aires "

Lors de la conférence de Buenos Aires (1998), les parties à la convention cadre sur le changement climatique se sont accordées sur un calendrier de négociation des modalités pratiques de ces mécanismes, qui avaient été largement laissées dans le flou par le protocole de Kyoto.

Après une étape intermédiaire en 1999, ces modalités devraient ainsi être négociées avant la fin de l'an 2000, dans le cadre d'un sommet sur le climat qui pourait se tenir à partir d' octobre 2000 , c'est-à-dire au moment où la France exercera la présidence de l'Union européenne .

Le résultat de ces négociations conditionnera vraisemblablement la ratification du protocole de Kyoto, donc son entrée en vigueur.

Certains des experts auditionnés expriment toutefois des doutes quant à la possibilité de finaliser un accord avant la fin de l'an 2000, compte tenu de l'ampleur des problèmes en suspens.

2. Le fonctionnement pratique de ces échanges soulève des difficultés considérables

Les négociations relatives aux modalités pratiques des mécanismes de flexibilité devront notamment prévoir des mécanismes de contrôle et de sanction , qui constitueraient à bien des égards une novation à l'échelle internationale.

Le dispositif de sanctions prévu par le protocole de Montréal sur les CFC, qui reposait sur des sanctions commerciales (comme l'interdiction d'importer des produits contenant des CFC en provenance des pays non signataires) est en effet inapplicable aux émissions de gaz à effet de serre : tous les produits échangés contiennent de l'énergie (donc " des rejets " de CO 2 ) et il n'est pas envisageable de soumettre à un boycott total les pays qui ne participeraient pas à la lutte commune contre le changement climatique.

La définition de règles contraignantes se heurte en l'espèce à un dilemme cornélien :

- des sanctions suffisantes sont nécessaires pour s'assurer du respect du traité, pour éviter des comportements de passager clandestin, et surtout pour donner une valeur aux quotas d'émissions : à défaut de sanctions, les parties n'ont aucun intérêt à s'échanger des permis ou à mettre en oeuvre des projets de développement propre, ce qui réduit d'autant l'efficience de l'action collective contre le changement climatique ;

- inversement, si les sanctions apparaissent trop dures, elle ne seront pas appliquées, ou bien les États concernés pourraient se retirer du protocole, comme l'article 27 leur en ouvre la possibilité.

• La théorie économique suggère que des sanctions financières , par exemple, l'obligation de constituer un dépôt non rémunéré auprès du Fonds mondial pour l'Environnement, éventuellement converti en amende si les dépassements persistent, pourraient constituer un optimum. Toutefois, le seul traité international prévoyant à ce jour des sanctions financières analogues est le traité de Maastricht.

• À tout le moins, il paraît nécessaire d'éviter que des pays vendent des permis dont ils ne disposent pas : face à une situation économique détériorée un gouvernement pourrait en effet être tenté de brader les quotas nationaux, sans pour autant mettre en oeuvre les politiques nécessaires pour limiter les émissions.

Pour limiter ce phénomène, il conviendrait de partager entre États vendeurs et États acheteurs le risque que les quotas nationaux des pays vendeurs ne soient finalement pas respectés, par exemple en engageant la responsabilité de l'Etat qui a acheté des permis à un pays qui ne respecterait pas ses plafonds d'émission 62( * ) . De cette manière les acquéreurs seraient incités à faire preuve de prudence et à être vigilants quant aux mesures adoptées par leurs partenaires. À long terme, cette règle pourrait d'ailleurs conduire à l'émergence d'agences de notation, comme pour les emprunts internationaux, dont le classement pèseraient sur la valeur de marché des permis offerts par les différents États 63( * ) .

• Outre les difficultés liées aux mécanismes de sanction, se posent également des problèmes de mesure : le protocole de Kyoto porte sur d'autres gaz que le CO 2 (le méthane, le NO 2 , les CFC, les HFC et le SF 6 ), dont les émissions ne peuvent être évaluées avec précision, ce qui paraît peu compatible avec le principe de quotas, et surtout avec la faculté d'échanger ces quotas.

Au total, la crédibilité du processus de Kyoto est pour l'heure incertaine, ce qui n'incite guère les pays en développement à s'y rallier.

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