10. Respect des engagements souscrits par la Russie et par l'Ukraine lors de leur adhésion au Conseil de l'Europe de mettre en place un moratoire sur les exécutions capitales - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) (Mercredi 29 janvier)

Réunis ici aujourd'hui, selon le rapporteur Mme Renate WOHLWEND, ce n'est pas pour débattre une fois de plus la question de la peine de mort, mais pour lancer un appel à ceux d'entre nos pays membres qui semblent n'être pas encore disposés à se conformer aux principes et aux normes du Conseil de l'Europe, qui ne semble pas encore disposés à respecter leurs engagements de mettre en place un moratoire immédiat sur les exécutions capitales. Et cet appel, nous le lançons tant à la Russie qu'à l'Ukraine. Toutefois, notre commission a décidé d'établir deux rapports distincts, estimant que deux pays souverains, dont les efforts et les progrès en matière de démocratisation diffèrent sur bien des points, ne sauraient faire l'objet d'un rapport commun.

Selon l'enquête effectuée par M. Bindig, en Russie la dernière exécution capitale a eu lieu le 1 er août 1996. Le rapport reprend une triste statistique relative au nombre d'exécutions intervenues ces dernières années.

Le deuxième rapport concerne l'Ukraine. Là encore, les chiffres, tels qu'ils apparaissent dans les statistiques, sont alarmants.

La Russie et l'Ukraine doivent enfin honorer leurs promesses et respecter leur engagement d'introduire un moratoire sur les exécutions capitales.

Puisse l'Assemblée voter massivement en faveur du rapport !

M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI), intervient dans le débat en ces termes :

" Monsieur le Président, la dernière fois que nous avons eu l'occasion de débattre de ce sujet, j'avais déjà fait un rappel au Règlement pour remarquer qu'il était dommage que tous les orateurs prévus ne puissent s'exprimer et donc aborder tous les problèmes soulevés par la peine de mort, en particulier s'agissant de la position des Etats-Unis.

Il m'avait été répondu par Mme la Présidente que nous verrions cela une autre fois. Nous y voici, et je m'aperçois qu'aujourd'hui, à nouveau il n'est pas possible de nous exprimer. Pendant que nous adressons des reproches à un certain nombre de pays de l'Est on oublie que le pays qui sert de modèle à la démocratie - particulièrement aux pays de l'Est - est celui dans lequel on tue le plus et où la peine de mort est le plus souvent mise en oeuvre : quarante-cinq personnes ont été exécutées aux Etats-Unis l'an dernier et une centaine le seront l'année prochaine.

La question est de savoir si nous pouvons tolérer le fait qu'un pays observateur se permette de maintenir chez lui la peine de mort, alors qu'il sert d'exemple à la démocratie ? Si le rapporteur n'est pas favorable à la suspension du statut d'observateur des Etats-Unis, nous ne pourrons pas approuver les rapports proposés. "

Interrompu, M. Nicolas ABOUT reprend la parole :

" Monsieur le Président, chers collègues, tout en reconnaissant le bien-fondé de la demande du Conseil de l'Europe relative à l'exécution des peines capitales, il me semble nécessaire de prendre en considération la situation générale de la Russie et de l'Ukraine pour nuancer nos propos. Comme chacun le sait, à l'ordre ancien, synonyme d'aliénation des droits de l'individu, a succédé un désordre dans lequel se sont engouffrés les réseaux criminels et mafieux.

Quant à la situation pénale et carcérale en Russie, permettez-moi de la comparer à celle des Etats-Unis, pays parfois présenté comme la meilleure des démocraties : 1996 aura vu l'exécution de quarante-cinq personnes de l'autre côté de l'Atlantique, et l'année 1997 s'annonce des plus morbides puisque ce sont 3 200 personnes - dont quarante-neuf femmes et quarante-sept mineurs - qui attendent dans les couloirs de la mort et une centaine d'exécutions prévues, soit plus que la Russie en 1995.

La peine capitale est désormais appliquée dans trente-huit Etats. Un renforcement de la législation qui correspond à l'accroissement de la criminalité et à l'engorgement des prisons. L'Amérique qui fait rêver l'Europe de l'Est, c'est aussi cela, on a tendance à l'oublier. Inutile donc d'incriminer des pays comme l'Ukraine et la Russie qui, sortant de soixante-dix ans de communisme, n'ont rien à envier à l'Amérique dans le domaine criminel.

Le Conseil de l'Europe doit aider ces pays à retrouver le chemin de l'Etat de droit en soutenant leurs demandes d'aide économique. Ces pays se sortiront de l'engrenage de la violence par le biais de l'expansion économique, source de stabilité et de prospérité. N'oublions jamais que la liberté des individus ne vaut rien sans la sécurité et la dignité de ces derniers. Les Etats-Unis devenus observateurs au Conseil de l'Europe doivent accepter un dialogue avec notre Assemblée sur ce sujet car l'Amérique doit montrer l'exemple et offrir un autre visage que celui de ces vieillards de plus de 80 ans ou de ces gamins de 17 ans que l'on exécute sur la chaise électrique. Si un tel dialogue ne peut être établi, je ne vois pas l'intérêt d'une telle présence même comme observateur au sein de notre Assemblée, censée défendre la dignité humaine.

Je termine mon propos sur une question au rapporteur : " Etes-vous pour la suspension du statut d'observateur accordé aux Etats-Unis ? "

Si la réponse est oui, nous serons cohérents. Dans le cas contraire, comment peut-on faire la morale aux autres ? "

Le rapporteur, Mme Renate WOHLWEND répond alors en ces termes :

" Monsieur le Président, j'aimerais, pour commencer, revenir sur l'argument avancé par M. About. Lors de notre session de juin, c'est son collègue qui s'était chargé de soulever ce point. Je crois qu'il est malvenu ici d'ouvrir le débat sur la question de la peine de mort aux Etats-Unis. Certes, nous connaissons tous la situation qui règne dans le pays et nous la déplorons. Certes, il convient d'agir. Cependant, notre débat d'aujourd'hui ne porte pas sur la peine de mort, il porte sur le respect des engagements relatifs à la mise en place immédiate d'un moratoire sur les exécutions en Russie et en Ukraine. "

Au terme de ce débat, la résolution 1111 contenue dans le rapport 7746, amendée, est adoptée, ainsi que la résolution 1112 contenue dans le rapport 7745, également amendée.

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