CHAPITRE IV :

L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES : LA VOIE DE " L'EXCEPTION FRANÇAISE " EST UNE IMPASSE

L'amélioration des équilibres de nos finances publiques est réel. Depuis 1994, le déficit des administrations publiques se réduit, et le gouvernement prévoit de poursuivre cette amélioration à l'horizon du programme de stabilité de la France en 2002. Ce déficit passerait ainsi de 5,75 % du PIB en 1994 à 0,8 % au minimum ou 1,2 % au maximum en 2002.

Toutefois, le gouvernement français à choisi une voie originale dans le monde industrialisé : celle d'un étatisme accru. En flux, il maintient un niveau élevé de prélèvements et de dépenses. En stock, il préfère ne pas réduire la dette brute et constituer des réserves gérées par les administrations publiques.

Ce choix traduit une philosophie différente de celle de votre commission sur le rôle de l'Etat dans l'économie. Mais ce n'est pas le plus important : ce choix ne permet pas de résoudre durablement les difficultés financières de la France, qui sont à venir. C'est pourquoi il est critiqué de toute part, et révèle la vanité de " l'exception française ".

I. LES FONDEMENTS DE L'ASSAINISSEMENT FINANCIER À LA FRANÇAISE : BONNE CONJONCTURE ET NIVEAU ÉLEVÉ DE PRÉLÈVEMENTS

A. LES OBJECTIFS D'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES POUR 2000 ET À MOYEN TERME

Les objectifs du gouvernement à moyen terme se lisent dans le tableau suivant :

Besoin/capacité de financement des administrations publiques

(% PIB)

 
 
 
 

Hypothèse prudente (4)

Hypothèse favorable (5)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2000

2001

2002

Etat

- 3,3

- 3,0

- 2,7

- 2,5

- 2,2

- 2,0

-

-

-

ODAC (1)

+ 0,7

+ 0,15

+ 0,1

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,2

-

-

 

APUL (2)

+ 0,2

+ 0,15

+ 0,15

+ 0,1

+ 0,2

+ 0,3

-

-

-

ASSO (3)

- 0,6

- 0,2

+ 0,15

+ 0,2

+ 0,2

+ 0,3

-

-

-

Total

- 3,0

- 2,9

- 2,3

- 2,0

- 1,6

- 1,2

- 1,7

- 1,2

- 0,8

(1) Organismes divers d'administration centrale

(2) Administrations publiques locales

(3) Administrations de sécurité sociale

(4) Croissance du PIB = 2,5 % par an

(5) Croissance du PIB = 3,0
% par an. Le gouvernement ne décompose pas par secteur car il y aurait, dans cette hypothèse, des baisses de prélèvements obligatoires différenciées.

On peut observer que les hypothèses de solde associées au débat d'orientation budgétaire pour l'exercice 2000 sont exactement les mêmes que celles ayant fait l'objet du programme de stabilité de la France, transmis à la Commission européenne en décembre 1998.

Ces objectifs témoignent de la volonté du gouvernement de continuer à réduire les déficits publics. La dette publique, qui atteindrait 58,5 % du PIB en 1999, pourrait se stabiliser à ce niveau en 2000.

B. UN RÉÉQUILIBRAGE FONDÉ SUR LA BONNE CONJONCTURE ET L'ACCROISSEMENT DES PRÉLÈVEMENTS, SANS ACTION SUR LES DÉPENSES

Le programme de stabilité de la France est fondé sur une hypothèse de croissance soutenue à moyen terme : entre 2,5 % et 3 % par an de 2000 à 2002. Une telle croissance est souhaitable, et sans doute possible, mais elle est loin d'être garantie.

Or, depuis 1997 le gouvernement fonde toute sa politique d'assainissement financier sur la conjoncture économique, en maintenant un niveau des prélèvements obligatoires très élevé, susceptible d'augmenter fortement les recettes publiques. Il n'infléchira pas cette politique en 2000, ni de façon sensible à l'horizon 2002.

Évolution du déficit et poids des dépenses et recettes
des administrations publiques

(en points de PIB)

 

1997

1998

1999

2000

Dépenses publiques

55,4

54,4

53,9

52,8-53,2

Recettes des administrations publiques

52,4

51,5

51,6

51,0-51,3

Taux de prélèvements obligatoires

46,1

46,1

46,1

45,7-46,0

Déficit public

- 3,0

- 2,9

- 2,3

- 1,7/-2,0

Source : Direction de la Prévision

En effet, sur le front des dépenses publiques, le gouvernement ne fait pas d'effort : il bénéficie de l'allégement de la charge de la dette liée à la baisse des taux d'intérêt et, transitoirement, du creux démographique affectant les dépenses de retraites.

1. Une politique de facilité pour l'Etat...

Cette politique de facilité est manifeste s'agissant des finances de l'Etat. Bien que le programme de stabilité prévoie une progression très modérée des dépenses publiques (+ 1 % en termes réels sur trois ans), c'est bien sur la conjoncture que le gouvernement s'appuie pour résorber le déficit budgétaire.

Ainsi en 1998, les recettes fiscales nettes de l'Etat ont progressé de 2,5 %, profitant de la bonne conjoncture, pour s'élever à 1.452,3 milliards de francs. Les dépenses ont progressé de 27,3 milliards de francs, soit + 1,4 %. Mais cette faible progression est essentiellement liée au ralentissement de la charge de la dette, résultant de la baisse des taux d'intérêt intervenue à partir de 1995. L'INSEE révèle ainsi que la réduction du poids des dépenses de l'Etat dans le PIB (de 24,3 % en 1997 à 23,7 % en 1998) s'est faite grâce à l'allégement de la charge de la dette, tandis que les autres dépenses ont continué à s'alourdir.

Sur les quatre premiers mois de 1999, l'exécution du budget se déroule sur le même profil : le rééquilibrage se fait grâce à une vive progression des recettes et à la baisse du coût de la dette, tandis que les autres dépenses continuent de progresser sensiblement, mais à un rythme moins rapide que les recettes.

Exécution à fin avril 1999

(en milliards de francs)

 

Fin avril 1998

Fin avril 1999

Evolution

Recettes du budget général

450,6

494,5

+ 9,7 %

Charges brutes de la dette

120,9

119,4

- 1,2 %

Autres dépenses

459,3

475,6

+ 3,5 %

Solde du budget général

- 129,6

- 100,5

 

Source : Direction du budget

2. ... qui est vraie de l'ensemble des finances publiques...

Comme votre commission l'a fait remarquer à l'occasion du débat relatif à la loi de finances pour 1999, le gouvernement s'appuie largement sur les excédents des administrations publiques autres que l'Etat pour assurer le redressement d'ensemble de l'équilibre des finances publiques.

Il table en particulier sur un excédent des comptes sociaux, alors même que les hypothèses des dépenses associées sont les plus fortes pour les administrations de sécurité sociale : + 4,6 % de 2000 à 2002, contre + 1 % pour l'Etat. Dans ces conditions, il lui sera bien difficile de réduire les prélèvements 13( * ) .

Or, s'agissant des comptes sociaux, mais aussi des dépenses de retraites de l'Etat, les finances publiques de la France sont actuellement dans " l'oeil du cyclone ", grâce à l'arrivée de classes creuses à l'âge de la retraite . Dans la période qui s'ouvre jusque vers 2005, nos comptes publics vont connaître une amélioration transitoire, qui précédera les effets dévastateurs de départs en retraite massifs.



Source : OCDE

L'amélioration de nos finances publiques est donc bien transitoire et conjoncturelle.

3. ... et que le gouvernement est contraint lui-même de reconnaître

Sans trop le faire savoir, le gouvernement est contraint lui-même de reconnaître que sa politique des déficits publics se fonde sur le maintien d'un niveau élevé de prélèvements que la bonne conjoncture transforme en recettes abondantes, tandis qu'il n'agit pas réellement sur les dépenses.

En effet, s'il n'a pas révisé ses objectifs de déficit public depuis la publication du programme de stabilité, le gouvernement a dû concéder qu'il avait atteint ces objectifs à des niveaux d'intervention publique plus élevés.


 

1997

1998

1999

Ecart déc98/mai99

Dépenses publiques (% PIB)

 
 
 
 

programme triennal (déc. 98)

55,4 %

54,3 %

53,5 %

 

rapport DOB (mai 99)

55,4 %

54,4 %

53,9 %

+ 0,4 point

Prélèvements obligatoires (% PIB)

 
 
 
 

programme triennal (déc. 98)

46,1 %

45,9 %

45,7 %

 

rapport DOB (mai 99)

46,1 %

46,1 %

46,1 %

+ 0,4 point

Déficit public (% PIB)

3,0 %

2,9 %

2,3 %

 

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