IV. PRÉLÈVEMENTS SUR LES REVENUS DES PERSONNES

Bien que la mobilité des personnes au sein de l'espace européen soit, en pratique, relativement faible, la concurrence fiscale a déjà des conséquences en matière de fiscalité des revenus de personnes, que le renforcement de l'intégration pourrait encore accentuer. Au nom de la subsidiarité, ni la fiscalité directe des personnes, ni les prélèvements obligatoires destinés à financer les systèmes nationaux de protection sociale n'ont fait l'objet de la moindre harmonisation négociée. Pourtant, les prélèvements directs sur les revenus des personnes pourraient, à l'avenir, subir des pressions fortes qui sont susceptibles de remettre en cause les principes d'équité -- horizontale et verticale -- qui fondent ces systèmes et l'ampleur de la protection sociale qui caractérise les Etats européens.

A. LE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Généralement très développée dans tous les pays de l'UE, bien qu'assurée selon des modalités très diverses, la protection sociale est financée dans des proportions très variables par des cotisations sociales et des impôts. En France, où les prélèvements sur les revenus d'activité -- cotisations sociales employeurs et salariés -- pourvoyaient traditionnellement de manière prépondérante au financement des différentes branches de la Sécurité sociale, les évolutions récentes ont sensiblement modifié la répartition entre les types de financement, avec la montée en puissance de la CSG et sa substitution progressive à certaine cotisations sociales, et avec la prise en charge par le budget général de l'Etat des baisses de cotisations sociales consenties sur les bas salaires.

Dans tous les pays européens, les pressions qui s'exercent sur la protection sociale et son financement sont comparables : la tendance au vieillissement démographique, inégale selon les pays mais partout présente, menace l'équilibre des régimes de retraite par répartition et alourdit les charges des assurances maladie ; le chômage réduit le nombre de cotisants aux différentes caisses et engendre d'importantes dépenses de transferts, soit d'allocations chômage -dont la durée et les montants ont été généralement amputés au cours des dernières années-, soit d'autres revenus de substitution (préretraites, RMI, notamment) ; enfin la faible croissance économique de la présente décennie et la baisse, partout sensible depuis le début des années quatre-vingt, de la part des salaires dans le revenu national -au bénéfice des revenus de la propriété et de l'entreprise- ont pesé sur les recettes de cotisations sociales.

Indépendamment du niveau et du contenu précis de la protection sociale, la question de son financement pose un problème dont l'analyse est complexe et donne lieu à des conclusions assez discordantes. En effet, l'analyse économique incite à conclure que, dans un marché du travail fonctionnant sans rigidités, l'ensemble des cotisations sociales, employeurs et salariés, pèse, en dernier ressort, sur le salarié, de sorte qu'à long terme, ni leur niveau, ni leur répartition entre employeurs et salariés ne devraient avoir d'incidence sur le coût de la main-d'oeuvre supporté par l'employeur. Il en va de même si l'on suppose que la régulation du marché du travail s'opère par l'intermédiaire d'une courbe de Phillips, l'ajustement à une augmentation des cotisations s'effectuant alors par le biais d'une montée temporaire du chômage, qui exerce une pression à la baisse sur les salaires nets. Les données présentées dans le chapitre 3 montrent effectivement qu'en moyenne, il n'y a pas de corrélation entre le poids des cotisations sociales et le coût unitaire moyen de la main-d'oeuvre dans les différents pays européens, en dépit de la très grande diversité des modalités de financement de la protection sociale.

Au-delà de ces considérations moyennes, de nombreuses études récentes, en France notamment, concluent à une incidence importante des cotisations sociales, patronales en particulier, sur le coût de la main-d'oeuvre peu qualifiée, en raison notamment de l'existence de contraintes légales sur le salaire minimum. Réduire le coût de la main-d'oeuvre, notamment la moins qualifiée, afin d'inciter les entreprises à embaucher, est devenu, au cours des années récentes, l'une des modalités privilégiées de la politique de l'emploi dans la plupart des pays européens, conduisant parfois à des pratiques qualifiées de " dumping social ". Dans le même temps, la volonté d'augmenter les salaires directs, voire les salaires nets, de certaines catégories de personnels -les cadres, en particulier- a incité certains gouvernements européens à alléger les prélèvements fiscaux et sociaux sur leurs revenus d'activité. De telles mesures ne peuvent déboucher que sur l'une ou l'autre des deux évolutions suivantes : soit une réduction des dépenses de protection sociale, soit une augmentation compensatoire de la fiscalité générale. Les chapitres 3 et 4 de la présente étude dressent un état des lieux de ces prélèvements et de l'interaction entre fiscalité directe sur les revenus d'activité et prélèvements sociaux dans les principaux pays européens. Ils montrent qu'en dépit de la grande diversité des situations, les tensions qu'engendrent ces prélèvements sont, pour l'heure, limitées.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page