B. UNE RÉFORME QUI EST LOIN D'ÊTRE ACHEVÉE
Votre
rapporteur se félicite des réformes engagées par l'Office.
Il regrette cependant que certaines décisions ne soient pas intervenues
plus tôt, notamment en ce qui concerne la restructuration du parc des
maisons de retraite, même s'il estime que les responsabilités sont
partagées
.
En effet, il semblerait qu'il ait fallu attendre l'arrivée du nouveau
secrétaire d'Etat aux anciens combattants pour que l'Etat exerce
véritablement son rôle de tutelle auprès de l'Office
national des anciens combattants.
Auparavant, l'Etat faisait preuve d'une grande réticence à
s'immiscer dans la gestion de l'ONAC. Cette prudence s'explique par la
très grande sensibilité des associations d'anciens combattants
à toute mesure susceptible de remettre en cause l'Office et ses
prérogatives. En conséquence, l'ONAC s'est contenté
longtemps d'être la " caisse de résonance " des
associations pour lesquelles les préoccupations d'équilibre
budgétaire ou de bonne gestion n'étaient pas prioritaires.
Toutefois, cet effacement relatif de l'Etat s'est avéré
contreproductif : les réformes n'ont pas été
engagées à temps et l'ONAC est amené aujourd'hui à
prendre des décisions irrévocables, comme la fermeture de plus
d'un tiers de ses maisons de retraite.
En outre, au-delà des réformes engagées, le pari du
renouveau de l'ONAC ne sera gagné qu'à deux conditions. Non
seulement l'Office doit sortir de son relatif isolement, mais les
mentalités doivent évoluer : alors que la tendance
était jusqu'à présent à l'attentisme, il est urgent
que l'ONAC ait une vision prospective de ses missions et de son fonctionnement.
1. La nécessité de rompre le relatif isolement de l'ONAC
Votre
rapporteur a été frappé par le relatif isolement de
l'ONAC.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène.
D'une part, l'Office apparaît, dès sa création, comme le
défenseur des intérêts matériels et moraux des
anciens combattants. En conséquence, la défense des relations
très privilégiées qu'il entretient avec ses ressortissants
et qui fondent sa légitimité, ont longtemps poussé
l'Office à prendre ses distances par rapport aux autres administrations.
Ainsi, dans les années 70, il n'a pas jugé utile de demander
d'agrément auprès de la sécurité sociale pour les
sections de cure médicale afin de conserver son indépendance.
D'autre part, l'isolement de l'Office s'est renforcé lorsque sa
situation financière s'est dégradée. Votre rapporteur a,
à plusieurs reprises, souligné le rapport de force existant entre
le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et l'Office national des
anciens combattants et, notamment, le souci de ce dernier d'affirmer son
rôle et ses prérogatives. Aussi, lorsque l'Office a
été confronté à des difficultés
financières et qu'à la même époque, la question de
sa pérennité était posée officieusement, une partie
de son personnel dirigeant a eu tendance à rejeter la
responsabilité des dysfonctionnements sur la lourdeur des
procédures et sur l'inadaptation de son statut.
Or, ce renfermement sur soi conduit à un certain immobilisme. Ainsi, il
est révélateur que lors de la dernière réunion du
conseil d'administration statuant sur la fermeture de certaines maisons de
retraite, les associations aient proposé des décisions plus
radicales que l'administration de l'Office.
Par ailleurs, il constitue un obstacle au rapprochement vers d'autres
administrations pour échanger des informations et comparer les
expériences.
Lors de ses visites à l'Office, votre rapporteur a eu écho des
problèmes rencontrés par l'Office pour la commercialisation du
livre " les Bleuets de l'espoir ". Or, il existe des
établissements publics administratifs, comme l'Institut
géographique national, qui exercent des activités commerciales.
L'Office aurait donc pu prendre contact avec eux pour profiter de leur
expérience et faciliter ses démarches.
De la même manière, depuis plusieurs années, l'Office peine
à individualiser les budgets et les comptes des établissements.
Or, les responsables du service central pourraient se tourner vers la direction
de la comptabilité publique pour demander une assistance technique.
Par ailleurs, le contrôle de gestion pourrait être
amélioré en coopération avec l'Agence comptable.
Or, il appartient au service central de l'ONAC de créer un réseau
d'informations et d'échanges avec non seulement les ministères de
tutelle, mais également les partenaires de l'Office et les
administrations dont certaines expériences pourraient être
imitées.
2. Le développement d'une vision stratégique
Votre
rapporteur a eu le sentiment, tout au long de sa mission, que, par le
passé, l'ONAC a très souvent attendu d'être acculé
à une réforme pour intervenir.
L'exemple le plus significatif est celui des maisons de retraite. D'abord,
l'Office a attendu le milieu des années 90 pour lancer les demandes
d'agréments. Ensuite, les mesures en matière d'investissement ont
été prises très tardivement. Enfin, la restructuration du
parc des maisons de retraite, pourtant conseillée dans de nombreux
rapports dès le début des années 90, n'est intervenue
qu'en 1998, parce que les commissions de sécurité interdisaient
la poursuite de l'activité de certains établissements devenus
dangereux pour les résidents.
Toutefois, cet attentisme se retrouve dans d'autres domaines. Ainsi, depuis des
années, le contrôleur financier demande une clarification du cadre
budgétaire et comptable dans lequel fonctionnent les
établissements. Or, même si des progrès ont
été réalisés par l'instauration d'un budget par
" pôles de responsabilité ", ces mesures sont
insuffisantes. Pourtant, l'Office va être contraint à une
meilleure transparence financière s'il veut signer les conventions
tripartites pour ses maisons de retraite.
Certes, l'élaboration de la charte " un nouvel élan "
pour l'ONAC constitue une césure puisqu'il s'agit d'un programme
d'actions pour les prochaines années qui tient compte de
l'évolution de la société et du monde combattant. Elle
traduit la prise de conscience, par les responsables de l'ONAC, de la
nécessité de projeter son action dans l'avenir et d'anticiper les
mutations prochaines du monde combattant.
Votre rapporteur espère que ce changement de mentalité sera
durable et concernera toutes les catégories de personnel de l'ONAC.
En effet, si l'Office bénéficie actuellement d'une conjoncture
favorable en raison du choix, de la part du secrétaire d'Etat,
d'arbitrer en sa faveur et aux dépens des directions
interdépartementales, cette situation risque en réalité
d'être temporaire.
De nombreux services départementaux fonctionnent déjà
aujourd'hui sous la forme de micro-structures. En conséquence,
dès qu'un poste est vacant, le service s'en trouve fortement
perturbé. Or, les demandes de cartes et de titres sont amenées
à diminuer fortement. Pourtant, une réduction des effectifs
mettrait certains services de proximité de l'Office dans
l'incapacité d'assurer la continuité du service.
Lorsque votre rapporteur a soulevé ce problème auprès des
directeurs des services départementaux qu'il a visités, la
plupart d'entre eux ont paru soit ignorer cet état de fait, soit
considérer que, le moment venu, une solution devra bien être
trouvée sachant que leur statut de fonctionnaire les protège. Or,
cet attentisme risque de placer l'ONAC dans une situation très
délicate dans quelques années.
C'est pourquoi, malgré les apparences, il est urgent pour l'Office de
réfléchir à son avenir.