CHAPITRE III
LES PERSPECTIVES D'AVENIR DE L'ONAC
Les
perspectives d'avenir de l'ONAC varient selon que l'on raisonne à court
ou à plus long terme.
L'avenir proche de l'ONAC est assuré. Au contraire, l'Office devrait
voir ses missions renforcées et ses moyens accrus. Toutefois, il est
indispensable que les réformes commencées soient poursuivies et
même accentuées.
En revanche, l'avenir plus lointain de l'Office national des anciens
combattants dépendra essentiellement de sa capacité à
anticiper les mutations structurelles du monde combattant.
I. L'AVENIR PROCHE DE L'OFFICE : DES REFORMES STRUCTURELLES À METTRE EN OEUVRE
Le
projet de réorganisation des services déconcentrés de
l'Etat élaboré par le commissariat à la réforme de
l'Etat en 1996 avait fortement ému les associations d'anciens
combattants.
Aussi, lorsque l'actuel secrétaire d'Etat a lancé le projet d'une
réforme du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, il a
dû donner au monde combattant des garanties sur le maintien d'une
administration respectueuse de sa spécificité.
Or, les services départementaux de l'ONAC sont les mieux connus des
anciens combattants. En conséquence, il a été
décidé, en contrepartie de l'intégration du
secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la
défense, que l'Office national des anciens combattants serait non
seulement maintenu, mais que ses services de proximité seraient
renforcés pour devenir la structure d'accueil, d'écoute, de
conseil et de rencontre pour l'ensemble des ressortissants du monde combattant.
Toutefois, cette évolution ne réussira que si des réformes
structurelles sont entreprises et qu'une stratégie concentrée est
élaborée en ce qui concerne les maisons de retraite et les
écoles de rééducation professionnelle.
A. LA MODERNISATION DE LA GESTION DE L'ONAC
1. La clarification du cadre budgétaire et comptable
L'Office
a un statut d'établissement public administratif. Il est donc soumis au
principe de l'unité budgetaire. Pourtant, dans la mesure où les
missions de l'ONAC sont diverses et font intervenir de nombreux acteurs, son
budget apparaît peu transparent car il ne permet ni d'identifier les
activités de l'établissement public, ni les
responsabilités des différents intervenants.
Une clarification du cadre budgétaire et comptable s'impose donc, qui
permettra de distinguer les actions du service central, de celles des services
déconcentrés, des écoles de rééducation ou
des maisons de retraite.
Deux solutions sont envisageables.
La première viserait à créer des budgets annexes pour
les écoles de rééducation professionnelle et les maisons
de retraite.
Il s'agirait d'une évolution radicale car chaque école de
rééducation et chaque maison de retraite constituerait alors une
entité indépendante. Leurs charges et leurs produits ne seraient
pas réincorporés dans ceux de l'ONAC : elles disposeraient
de leur résultat propre et de leurs réserves qui ne figureraient
que pour mémoire dans le compte de résultat de
l'établissement.
Cette solution modifierait également la procédure d'adoption du
budget de l'ONAC car les budgets annexes sont votés de manière
distincte par le conseil d'administration.
Votre rapporteur n'est pas favorable à un tel choix. D'une part, il
nécessiterait une modification du statut de l'ONAC puisque l'instruction
codificatrice de la " M9 " dispose que "
la création
d'un budget annexe n'est possible que si elle est expressément
prévue par le texte portant organisation administrative et
financière de l'établissement.
" D'autre part, il
risquerait de rompre le lien entre l'Office d'une part, et ses maisons de
retraite ainsi que ses écoles de rééducation d'autre part,
relançant ainsi le débat sur la légitimité du
maintien de ces deux catégories d'établissements sous le
contrôle de l'ONAC.
La seconde solution consisterait à créer des services ayant
une comptabilité distincte de la comptabilité
générale de l'établissement.
Ces services seraient
dotés d'un cadre comptable complet, comprenant aussi bien les comptes de
charge et de produits que les comptes de bilan. Cette organisation aurait
l'intérêt de dégager un résultat propre pour chaque
service, même si ces derniers seraient ensuite intégrés au
résultat de l'établissement principal pour sauvegarder
l'unité budgétaire de l'établissement public. Elle
permettrait d'affiner les comptes budgétaires afin de pouvoir suivre les
recettes et les dépenses en fonction de l'origine des crédits.
Comme votre rapporteur l'a déjà rappelé, l'Office a mis en
place depuis 1997 un budget par " pôle de
responsabilité " distinguant le service central, les services
départementaux et les établissements pour gérer les
engagements et les délégations de crédits. Cette
réforme constitue une première étape destinée
à améliorer la transparence de l'Office. Toutefois, il s'agit
d'un document administratif qui n'a pas de traduction comptable. Seule une
individualisation des budgets et des comptes des établissements
permettra d'améliorer réellement la gestion de l'ONAC et,
notamment de permettre à ce dernier d'opposer sa comptabilité aux
tiers lors des négociations budgétaires.
En effet, chaque école de rééducation doit négocier
annuellement son budget avec la DDASS dont elle dépend. Or,
jusqu'à présent, il n'existe qu'un compte administratif, celui de
l'Office. Les écoles doivent donc élaborer un document qui
permette d'identifier leurs recettes et leurs dépenses. C'est pourquoi
il est souhaitable qu'un compte administratif soit établi par
établissement, qui serait opposable aux DDASS.
Les maisons de retraite vont également devoir se soumettre à
cette règle. En effet, la signature des conventions tripartites est
conditionnée par l'individualisation, dans chaque budget de maison de
retraite, des dépenses et des recettes relevant de l'hébergement,
de la dépendance et de la médicalisation.
Votre rapporteur rappelle que la création de services ayant une
comptabilité distincte de la comptabilité générale
de l'établissement est soumise à l'autorisation de la direction
de la comptabilité publique. Il souhaite donc que les responsables de
l'ONAC entrent en contact avec ladite direction non seulement pour obtenir
cette autorisation, mais également pour solliciter une aide technique
afin de mettre en place des services à comptabilité distincte.
2. Le développement du contrôle interne de gestion
Le
contrôle de gestion vise, au sein d'une organisation un peu complexe,
à permettre aux responsables d'être informés sur les
opérations engagées par l'organisme dont ils ont la charge et de
faire en sorte que l'ensemble des moyens disponibles soient mobilisés de
la manière la plus efficace pour atteindre les objectifs visés
par cet organisme.
Dans la mesure où l'ONAC exerce des activités qui, de fait, sont
largement déconcentrées et font intervenir de nombreux acteurs
(les services départementaux, les écoles de
rééducation professionnelle et les maisons de retraite), il est
indispensable d'établir un contrôle de gestion qui non seulement
autorise un suivi plus fin et précis des dépenses, mais
également permette l'analyse des coûts des missions accomplies et
l'efficacité des services.
Aujourd'hui, le service central de l'Office ne dispose pas d'outils performants
lui permettant de connaître en temps réel l'exécution du
budget. En effet, les liquidations sont effectuées par les
trésoreries générales. Les informations comptables sont
ensuite centralisées à l'Agence centrale. En définitive,
les informations parviennent au directeur du service " gestion et
logistique " de l'Office un an et trois mois plus tard en moyenne.
La lourdeur de la procédure ne permet donc aucun ajustement ponctuel
dans l'exécution du budget puisque les services compétents ne
peuvent recueillir aucune information sur une éventuelle dérive
des dépenses.
Par ailleurs, l'ONAC ne dispose d'aucun élément chiffré
sur le rendement de ses services et sur les éventuelles variations
d'activité qui peuvent exister d'un service à l'autre, à
effectif constant.
Or, toute gestion rationnelle suppose au moins la formalisation d'objectifs
(par exemple l'instruction d'un nombre déterminé de cartes
d'ancien combattant par agent) et la mise en place de tableaux de bord
permettant de suivre l'activité et la réalisation desdits
objectifs.
Ainsi, il apparaît par exemple indispensable d'élaborer un
organigramme de fonctionnement pour les maisons de retraite afin
d'établir le personnel en nombre et en qualité nécessaire
en moyenne. Grâce à ce schéma, les maisons de retraite de
l'ONAC pourront se positionner et, le cas échéant, ajuster leur
personnel
11(
*
)
.
A cet égard, le rapport dressé par le contrôle
général des armées
12(
*
)
en octobre constatait que l'existence
de résidents dépendants imposait aux maisons de retraite de
l'ONAC de satisfaire aux conditions exprimées sous forme de ratios
:
- un ratio correspondant au rapport entre le nombre total de personnel et le
nombre total de pensionnaires ;
- un ratio correspondant au rapport entre le nombre de personnels soignants et
le nombre de résidents semi-dépendants ou dépendants.
Pourtant, si ces ratios étaient globalement respectés,
"
la réalité de l'adéquation
emploi-spécialité-niveau est loin d'être optimisée.
Tel ouvrier professionnel est employé au ménage, des
spécialistes bâtiment entretiennent des espaces verts, des
aide-soignantes ne sont pas diplômées...
"
Votre rapporteur tient à souligner que de nombreux services du secteur
public appliquent déjà des indicateurs. Il peut s'agir
d'indicateurs simples, concernant par exemple les dépenses
d'énergie, de chauffage, d'électricité.
Il exhorte donc l'ONAC de développer cette technique afin de
rationaliser sa gestion aussi bien au niveau des services départementaux
qu'au niveau des maisons de retraite et des écoles de
rééducation.
L'existence d'un véritable contrôle de gestion apparaît
en outre comme la condition indispensable d'une certaine déconcentration
en matière d'exécution des dépenses.
L'article D 472 du code des pensions militaires d'invalidité dispose que
"
les dépenses et les recettes des services
départementaux sont exécutées par le directeur
général de l'Office national et par l'agent comptable. Toutefois,
certaines opérations de recettes et de dépenses dont la liste est
fixée par arrêté [...] peuvent être
exécutées par le préfet qui a qualité d'ordonnateur
secondaire et par un comptable subordonné à l'agent central. Le
préfet peut déléguer ces fonctions au chef du service
départemental
".
Dans la mesure où l'arrêté prévu n'a jamais
été adopté, les directeurs des services
départementaux ont la qualité de simples régisseurs. Or,
le renforcement de leurs pouvoirs en matière d'exécution des
dépenses leur offrirait une plus grande souplesse. Cela obligerait en
outre le service central non seulement à mettre en place une politique
de contrôle du réseau, mais également à planifier
les besoins des services déconcentrés.
Lors de ses nombreux entretiens avec les directeurs des services de
proximité, votre rapporteur a eu l'impression que les demandes de ces
derniers
13(
*
)
étaient
satisfaites au " coup par coup ", en fonction de l'insistance du
directeur.
Si les directeurs des services départementaux devenaient ordonnateurs
secondaires, le service central de l'ONAC serait conduit d'une part à
engager un véritable dialogue avec ces derniers pour dresser la liste
des besoins et, d'autre part, à établir un réel budget
prévisionnel qui fixerait les priorités et déterminerait
les crédits nécessaires.
Votre rapporteur est conscient que cette proposition va à l'encontre de
la tendance à la recentralisation des dépenses
décidée par l'ONAC. En effet, l'Office estime pouvoir faire des
économies d'échelle. Il est vrai qu'en ce qui concerne la
commande de fournitures ou encore la passation d'un contrat de
téléphone, l'ONAC pourrait plus influencer les
négociations si le service central était le seul interlocuteur et
représentait l'intérêt de tous les services
départementaux.
Toutefois, cette recentralisation risque, si les besoins desdits services ne
sont pas correctement évalués, de leur imposer des solutions
inadaptées à leur situation particulière. Ainsi, un
dirigeant d'une maison de retraite s'était plaint auprès de votre
rapporteur, lors d'un de ses déplacements, d'avoir reçu un
distributeur automatique de boissons alors qu'il avait demandé des
barres d'appuis pour les salles de bain.
3. L'amélioration de la politique en matière d'investissements immobiliers
En ce
qui concerne les maisons de retraite, lors de la préparation du budget
pour 1996, le directeur général de l'Office avait alerté
le ministre des anciens combattants sur l'ampleur des travaux à
réaliser pour mettre aux normes de sécurité,
d'hygiène et d'accessibilité les 15 maisons de retraite.
Après un arbitrage positif du Premier ministre, un article 30 avait
été créé au chapitre 57-91 du budget des
anciens combattants pour la réalisation des travaux de
sécurité dans les maisons de retraite. 30 millions de francs
avaient été inscrits en autorisations de programme entre 1997 et
1999 et 26,5 millions de francs en crédits de paiement.
A défaut de créer un titre VI qui aurait permis de verser ces
crédits sous forme de subvention à l'Office, une convention entre
le maître d'oeuvre, à savoir le secrétaire d'Etat aux
anciens combattants et le mandataire, soit l'Office national des anciens
combattants avait été signée le 2 mai 1996, qui
précisait que cette dotation était intégralement
reportable tant que les dernières sommes dues au mandataire ne seraient
pas acquittées.
Or, le bilan de la réalisation de ce programme est pour le moins
mitigé. Ainsi, au 15 octobre 1999, seulement 9,94 millions de
francs ont été engagés et 5,96 millions de francs
mandatés
14(
*
)
.
Plusieurs raisons expliquent ce retard. D'une part, il a fallu au
préalable élaborer le programme des travaux et, notamment,
choisir les maisons de retraite à réhabiliter. La liste a
d'ailleurs évolué en fonction des travaux urgents à
réaliser constatés dans certaines maisons de retraite. Ainsi, un
avenant au protocole a ajouté Barbazan à la liste des cinq
établissements déjà pris en charge par le
programme
15(
*
)
. D'autre part, le
lancement des appels d'offres, ou encore le désistement de certaines
entreprises, ont ralenti l'exécution des travaux.
Toutefois, comme l'a dénoncé la Cour des comptes
16(
*
)
, le montage financier retenu a
également constitué un obstacle. La procédure a
été freinée par le fait que le véritable
bénéficiaire desdits travaux, à savoir l'ONAC,
n'était pas le maître d'oeuvre. En effet, le secrétaire
d'Etat aux anciens combattants ne semble pas avoir fait preuve d'une diligence
particulière en ce qui concerne l'ordonnancement des crédits.
L'avenant n °2 audit protocole qui met fin à ce dernier au
31 décembre 1999 et qui donne à l'Office national des
anciens combattants la qualité de maître d'ouvrage des travaux
à compter du 1
er
janvier 2000 devrait en
accélérer l'exécution.
Votre rapporteur regrette que l'ONAC n'ait pas accepté de
reconsidérer son parc de maisons de retraite avant d'engager ces travaux
de mise en sécurité. Ainsi 8,5 millions de francs ont
été engagés pour la réhabilitation de Ville Lebrun.
Or, cette maison de retraite sera fermée en 2000. Cet argent aurait donc
pu être investi plus efficacement.
Par ailleurs, le patrimoine de l'Office ne se réduit pas aux maisons de
retraite. Il lui faut également entretenir les locaux de
l'administration centrale, les écoles de rééducation
professionnelle et les locaux des services départementaux dont il est
propriétaire.
Or, votre rapporteur a constaté l'absence d'une véritable
programmation des équipements. L'ONAC semble agir " au coup par
coup ", et répondre essentiellement aux situations d'urgence.
Cette attitude est en partie liée à une méconnaissance de
l'état du parc immobilier de l'ONAC. Jusqu'à présent,
seules les maisons de retraite ont fait l'objet d'un recensement exhaustif.
Cette situation résulte également de la dégradation de la
situation financière de l'Office qui a dû puiser dans son fonds de
roulement en raison de l'apparition d'un déficit d'exploitation. Or, le
fonds de roulement sert aussi à financer les investissements.
Il est donc indispensable d'une part de dresser un état des lieux
complet afin d'évaluer les besoins de rénovation et, d'autre
part, de définir un programme pluriannuel de travaux.
Si l'Office
parvient à signer des conventions tripartites avec les conseils
généraux et l'assurance maladie, sa situation financière
s'améliorera. Il devrait alors pouvoir engager un programme
d'investissements dans de meilleures conditions.
A cet égard, selon des informations communiquées à votre
rapporteur, il apparaît que si des dotations aux amortissements sont
comptabilisées, lors de l'exécution du budget, une partie de ces
sommes ne sont pas utilisées pour la réalisation
d'investissements. En effet, depuis quatre ans, l'ONAC est contraint, soit de
puiser dans son fonds de roulement pour compenser son déficit de
gestion, soit de renoncer à certains investissements pour couvrir son
déficit de fonctionnement. Une telle situation n'est pas tenable car
elle ne fait que repousser les travaux de rénovation. Or, plus les
bâtiments se dégradent, plus le coût final de leur
réparation est élevé. Il s'agit donc à terme d'une
stratégie contreproductive.