ANNEXES

Comptes rendus des auditions du groupe de travail

M. Francis BECK, Président de l'INA

• M. Jean-Marie CAVADA , Président directeur général de Radio France

• Mme Véronique CAYLA, Membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel

M. Bruno CHETAILLE , Président directeur général de Télédiffusion de France

• M. Roger CHINAUD , membre de l'autorité de régulation des télécommunications (compte-rendu en attente de validation)

• M. Jean-Paul CLUZEL , Président directeur général de Radio France Internationale

M. Jean-Pierre COTTET , chargé de mission à France Télévision

• M. Jean DRUCKER , Président directeur général de M6

M. Jacques ESPINASSE, Directeur général de Télévision par satellite, M. Gilles MAUGARS , directeur technique et informatique et M. Bernard PRADES , délégué général de Suez-Lyonnaise

M. Bertrand LARRERA DE MOREL, Président de l'IFCIC et de Mme Elisabeth Flury-Herard, Directeur général

M. Maurice LEVY , président du directoire de Publicis SA

• M. Etienne MOUGEOTTE , Vice-président et Directeur général de TF1

M. Jean-Claude MOYRET , Directeur de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication du ministère des affaires étrangères

M. Fabrice NORA , Directeur général adjoint du groupe Amaury

• M. Jérôme SEYDOUX, Président de Pathé

• M. Frank SOLOVEICIK , Président directeur général de M5

• M. Bernard SPITZ , Maître des requêtes au Conseil d'Etat

• M. Marc TESSIER, Président directeur général de France télévision

Audition de M. Francis Beck

Président de l'Institut National de l'Audiovisuel (INA)

Mercredi 15 septembre 1999

M. Francis Beck a tout d'abord rappelé le contexte particulier dans lequel se déroulait son audition. En effet, elle se situait à la veille d'importantes décisions, pour l'avenir de l'INA, que devait prendre son Conseil d'administration et qui s'inscrivaient dans le processus législatif en cours.

Il a évoqué en premier lieu l'accord cadre avec France Télévision, le principal partenaire de l'Institut, qui constituera une mutation importante dans son mode de financement. Il a ainsi précisé que les modalités de facturation des prestations d'archivage, ainsi que le système de dévolution des droits de propriété intellectuelle sur les archives trois ans après diffusion, seraient revus.

Il a précisé en second lieu que le projet de plan stratégique pour la période 1999-2003 devait également être soumis à l'approbation du Conseil d'administration. Pour permettre à l'entreprise une visibilité à moyen terme, un contrat d'objectif et de moyens avec le gouvernement sur quatre années devra être signé. En effet, selon lui, les incertitudes pesant sur l'avenir de l'Institut avaient suscité une réelle inquiétude dans son personnel, au point de provoquer le déclenchement d'une procédure de droit d'alerte en mars dernier. Le Conseil d'administration allait également être amené à y répondre le lendemain.

M. Francis Beck a ajouté qu'en contrepartie, l'INA s'engagerait dans une stabilisation de ses charges, notamment celles de la masse salariale qui représente 60 % de son coût de fonctionnement. Il a indiqué que l'objectif de stabilisation de la masse salariale entraînerait une réduction de l'ordre de 2 % par an déjà mise en oeuvre dès 1999. Cette anticipation du contrat pluriannuel prévu dans le projet de loi, se fera sans plan social et sans licenciement. Il a précisé que d'autres économies seraient effectuées sur les frais généraux et grâce à une meilleure gestion des achats.

Répondant à M. Claude Belot et à Mme Marie-Claude Beaudeau , il a ensuite abordé les projets en matière de sauvegarde et de numérisation du fonds patrimonial de l'INA. Le site Internet de l'INA permettra de disposer de la commande électronique par messagerie et à terme, lorsque les réseaux seront suffisamment développés, la mise en service du télévisionnage en ligne avec télépaiement. Il a également déclaré que l'INA grâce à son expérience et à ses investissements en matériels performants représentait la compétence la plus poussée pour la gestion d'extraits d'émissions mais que face à un stock de plus d'un million d'heures d'archives, il ne pouvait, en l'état actuel de ses moyens, toujours répondre complètement à la demande. Il a regretté que sur 450.000 heures de programmes, qui représentaient 80 kilomètres de rayonnage et s'accroissaient au rythme de 35.000 heures par an, la moitié était menacée de disparition.

Enchaînant sur le problème de la sauvegarde, M. Francis Beck a constaté que si " conserver et mettre en valeur le patrimoine " figurait parmi les missions réaffirmées à l'Institut dans le projet de loi, son métier était également de trier ce qui méritait d'être conservé. Il a indiqué que si seulement 5.000 heures avaient été transférées sur support numérique en 1998, pour 1999 on en était d'ores et déjà à 18.000 heures, avec un objectif total de 88.500 heures fin 2003 dans le cadre du plan de sauvegarde et de numérisation. Il a également précisé qu'il était affecté à ce plan pluriannuel de sauvegarde et de numérisation, 23 millions de francs en 1999 et qu'il en était prévu 30  pour 2000. Il a surtout estimé que le coût total de cette opération s'élèverait à 500 millions de francs (300 pour 200.000 heures télévision et 200 pour 300.000 heures radio).

Confirmant à M. Claude Belot que la commercialisation de ses archives constituait un objectif majeur de l'INA, il a souligné que la réponse " à la demande " serait progressivement associée à une offre plus thématique. Il a rappelé qu'en ce qui concernait le dépôt légal, cette mission de l'Institut était réaffirmée dans le projet de loi pour toutes les émissions des chaînes hertziennes nationales. Pour ce qui concerne les sociétés nationales de programme, l'exploitation des programmes en dehors des oeuvres de fiction revenait de droit à l'INA, passé un délai de trois ans après la diffusion. Cette dévolution ne concernerait plus à l'avenir que la gestion des extraits, mais dans un délai d'une année.

Après avoir précisé que le budget annuel de l'INA, hors amortissements de programmes, s'élevait à 650 millions de francs, M. Francis Beck a conclu en rappelant que le projet de loi réaffirmait très fortement la priorité donnée à la mission patrimoniale tout en réaffirmant la nécessaire convergence des autres activités de production, de recherche et de formation.

Audition de M. Jean-Marie Cavada

Président directeur général de Radio France

Mardi 14 septembre 1999

Dans un propos introductif, M. Jean-Marie Cavada a souligné que Radio France, première radio sur le marché national avec 28,5 % d'audience, a conforté sa position, au cours des derniers mois, avec une progression de 525.000 auditeurs, dont plus de 200.000 pour la seule station France Musique.

Après avoir souligné les bons résultats de Radio France, en saluant au passage la culture d'entreprise des personnels, M. Jean-Marie Cavada a évoqué les réformes en cours, notamment l'affirmation de l'identité de chaque station sous le signe d'une marque administrée par une direction monocéphale. Ainsi, Radio France procède à une contraction des services généraux après avoir réformé les antennes.

M. Jean-Marie Cavada s'est montré inquiet pour l'avenir, estimant que le budget actuel ne permet pas de faire face aux priorités qu'il a définies : numérisation des outils de production et de diffusion, politique sociale favorisant les départs volontaires et l'embauche de jeunes, meilleure agressivité sur le marché. Il a indiqué qu'avec le budget actuel, la numérisation ne pouvait être mise en oeuvre, et qu'il lui paraissait fondamental d'achever la numérisation en trois ans. Il a exprimé le souhait de réaliser l'entrée de Radio France sur de nouveaux supports.

Répondant à M. Claude Belot, M. Jean-Marie Cavada a rappelé que le transfert des oeuvres vers l'INA interdisait toute exploitation ultérieure de ce fonds, pourtant indexé et stocké par Radio France. Il a émis le voeu que les négociations à intervenir dans le cadre de l'OMC règlent la question des droits d'exploitation de ce fonds.

A une question de M. André Vallet, M. Claude Norek , directeur général délégué à la gestion et à la production a fait valoir que les fonds disponibles, celui de France Culture notamment, ne pouvaient être utilisés par les Universités que pour autant qu'on puisse les transférer sur bases de données, ce qui supposait de les numériser au préalable.

S'agissant de la présence sur Internet, M. Jean-Marie Cavada a souligné le très faible volume des crédits mis à la disposition de son entreprise, comparativement aux montants alloués à la télévision ou aux fonds dont disposent des radios étrangères telles la BBC.

M. Paul L'Ollivier , directeur des finances et du contrôle de gestion, a précisé que Radio France produisait ses programmes, la gestion de l'outil de production intégré supposant des coûts qui ne laissent de place ni à la souplesse, ni au développement technologique.

Abordant la question des radios locales, M. Jean-Marie Cavada a insisté sur la place prise par cette activité. Il a évoqué la réussite spectaculaire de certaines d'entre elles, rappelant que les programmes purement locaux représentaient environ 12 heures d'émission quotidienne. Il a regretté le manque de moyens financiers conduisant Radio France à rétrocéder des fréquences disponibles, au détriment de la couverture du territoire national, 38 fréquences locales desservant 43 départements. En réponse à M. Vallet, il a confirmé que France Info ne couvrait que 60 % de la population répartie sur 40 % du territoire.

M. Sylvain Anichini , directeur général adjoint chargé des technologies nouvelles, a souhaité que le développement du numérique hertzien résolve une partie des problèmes des radios locales, en rapprochant l'information des utilisateurs pour éviter l'encombrement du réseau national.

Répondant à M. Belot, M. Jean-Marie Cavada a évalué à 188 millions de francs par an, pendant deux à trois ans, le coût des investissements jugés indispensables.

M. Jean-Marie Cavada a conclu en invitant le législateur à définir une véritable politique de la radio publique, une importante réflexion s'avérant nécessaire. Il a émis le souhait que le pays se donne les moyens de soutenir la radio, industrie véritable qui devra encore faire face aux défis sociaux que constituent la révision des accords collectifs et l'application de la législation sur les 35 heures de travail hebdomadaire.

Audition de Mme Véronique Cayla

Membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel

Mardi 22 juin 1999

Mme Véronique Cayla a tout d'abord affirmé que la révolution numérique lui paraissait un phénomène inéluctable, tout en notant qu'il était compréhensible que, compte tenu de l'avance de la France dans le satellite et des investissements déjà réalisés en ce domaine, les opérateurs actuels ne soient guère enclin à accélérer le passage au numérique terrestre.

Elle a souligné que si le montant de l'investissement n'est pas encore connu, le coût de la diffusion numérique hertzienne sera nettement moins élevé que celui de la diffusion analogique : à terme -sans doute dix ans- la diffusion analogique doit disparaître, ce qui libérera des fréquences. Par ailleurs, cette perspective aboutit à poser en termes différents la question des télévisions locales, à un moment où les esprits évoluent comme le montre le revirement de la Presse quotidienne régionale.

Elle a évoqué le problème d'accès aux événements sportifs majeurs en attirant l'attention sur le problème de la définition de ces événements.

Au sujet de la publicité sur les télévisions de service public, Mme Véronique Cayla a indiqué qu'en Allemagne où il n'y avait pas de publicité à l'heure du  " prime time " et en Angleterre où la publicité est interdite par la charte, les règles du jeu étaient claires mais coûteuses, tandis qu'en France, il faut gérer un système mixte. La redevance rapporte 30 milliards de francs en Allemagne, 20 milliards de francs en Angleterre contre 13 milliards de francs dans notre pays. A cet égard, elle a fait savoir qu'il fallait se méfier des réglementations par trop tatillonnes, naturellement difficiles à appliquer.

D'une façon générale, Mme Véronique Cayla a mis l'accent sur la nécessité en matière audiovisuelle, de faire plus de place aux contrôles a posteriori qu'aux contrôles a priori : on a trop tendance à faire appel au décret et à susciter les interventions de la tutelle, pour des organismes publics dont le mode de gestion doit se rapprocher de celui des entreprises.

En ce qui concerne la production audiovisuelle, elle a d'abord noté que, compte tenu de la nature d'une activité caractérisée par des marges faibles, -les émissions de flux se révélant d'ailleurs plus rentables que les émissions de stocks- , le système des SOFICA fonctionnait moins bien que dans le cinéma. Plus généralement, elle a rappelé qu'il n'y a pas encore de réel marché européen de la production audiovisuelle en dépit des systèmes d'encouragements mis en place au niveau de l'Union Européenne et que les programmes américains constituaient, de fait, le vrai dénominateur commun culturel du paysage audiovisuel en Europe.

Evoquant enfin les enjeux culturels, Mme Véronique Cayla a fait remarquer que les évolutions en cours à TV 5 allaient dans le sens d'une présence audiovisuelle accrue.

Audition de M. Bruno Chetaille

Président directeur général de Télédiffusion de France (TDF)

Mercredi 15 septembre 1999

Dans un propos introductif, M. Bruno Chetaille a brièvement présenté l'entreprise qu'il dirige. TDF est, depuis 1990, une société anonyme, filiale à 100 % de France Télécom. Son chiffre d'affaires, pour 1998, s'est élevé à 4,2 milliards de francs. A cela s'ajoutent 500 millions de francs en provenance de ses filiales françaises. TDF est également présente à l'étranger, notamment au Royaume Uni où elle détient 20 % de CCICUK qui assure la diffusion des programmes de la BBC et de On Digital (Chiffre d'affaires d'1 milliard).

Il a expliqué, qu'en France, TDF exerce trois activités :

la diffusion des chaînes de télévision hertziennes. Cette activité représente 50 % du chiffre d'affaires (environ 2,4 milliards de francs) et régresse de 2 % environ en raison de la baisse des prix pratiqués par l'entreprise ;

la diffusion des radios. Cette activité représente 20 % du chiffre d'affaires (environ 1 milliard de francs). Les prix pratiqués décroissent mais le volume augmente, les recettes sur ce poste restent donc stables ;

l'activité de radiocommunications, notamment avec les opérateurs Itinéris, SFR et Bouygues Telecom. Ce secteur qui représente 20 % du chiffre d'affaires est le moteur de croissance de l'activité de TDF sur le marché français.

Il a expliqué que TDF pratiquait une égalité de traitement entre ses clients. Lorsqu'une offre est faite à une chaîne , elle est immédiatement répercutée aux autres. Il a indiqué que TDF avait un contrat de 7 ans avec TF1, de 6 ans avec M6, de 5 ans avec F2 et F3 et 4 ans avec Canal +. Les prix pratiqués ont baissé de 2,5 % au cours de 5 dernières années.

Abordant la question de la diffusion en numérique sur le réseau hertzien, M. Bruno Chetaille a souligné que TDF ne demandait pas un monopole sur ce nouveau marché. Il a expliqué que la plupart des pays européens s'étaient engagés ou s'apprêtaient à s'engager dans cette mutation technologique. Il a notamment indiqué que la Grande-Bretagne et la Suède avaient déjà démarré et que l'Espagne s'apprêtait à le faire en 2000. Il a rappelé que TDF avait placé son action dans un cadre européen : au niveau des études et recherche dans le cadre des programmes Eureka, au niveau de la normalisation au travers des groupes DVB - une norme européenne a été définie en 1996 - et maintenant au niveau opérationnel avec sa présence au Royaume Uni et en Espagne.

Il a souligné que la diffusion numérique hertzienne permettait de diffuser 6 réseaux nationaux avec pour chacun de l'ordre de 6 chaînes, l'offre audiovisuelle pouvant être complétée par des services (ex : Internet diffusé). A ces réseaux nationaux peuvent également s'ajouter des multiplex locaux ou régionaux. Il a indiqué que ce type de diffusion était moins performant en matière d'interactivité que le câble mais présentait l'avantage de s'adresser rapidement à l'ensemble du territoire et de garantir l'entrée de tous les foyers français dans la société de l'information.

Il a rappelé que la diffusion numérique hertzienne pourrait fonctionner en complémentarité avec la diffusion par satellite (couverture géographique).

En réponse à M. Claude Belot , qui l'interrogeait au sujet du délai de mise en place de ce type de diffusion, M. Bruno Chetaille a indiqué que 18 mois seraient nécessaires à compter de la décision. En France, il a estimé que le système serait opérationnel - fin 2001.

Audition de M. Roger Chinaud

Membre de l'autorité de régulation des télécommunications (ART)

Mardi 21 septembre 1999

M. Roger Chinaud a observé que la France n'avait mesuré ni l'ampleur de la révolution numérique en cours, ni les nouvelles facultés de transport que l'on pouvait en espérer.

Il a expliqué que le gouvernement avait lancé une consultation au cours de l'été au sujet de la télévision numérique hertzienne, à la suite du rapport de Messieurs Cottet et Emery et a relevé quatre éléments, à ses yeux primordiaux :

- la qualité de service qu'autorisera le numérique

- la baisse du coût de la diffusion

- la multiplication du nombre des chaînes

- la naissance de bouquets mis à la disposition des grandes chaînes de télévision .

Il a indiqué que cette révolution impliquait un renouvellement du parc des téléviseurs et une meilleure gestion du spectre hertzien. A ce sujet il a précisé que la France se trouvait actuellement en situation de pénurie de fréquence, et a estimé que cette situation disparaîtrait avec l'avènement de la diffusion numérique terrestre.

M. Roger Chinaud a ensuite fait remarqué que le mot " Internet " ne figurait pas dans la loi, qui en 1996 a créée l'ART, illustrant ainsi la rapidité des évolutions des techniques. Il a retracé la très importante progression l'usage du téléphone portable en Europe, soulignant que la prochaine génération de téléphones portables (UMTS) comporterait des dispositifs permettant d'utiliser Internet.

Il a indiqué que la principale préoccupation des opérateurs de téléphonie mobile était de fidéliser leur clientèle ; pour ce faire le développement des services interactifs est indispensable. Les recettes sont à venir, pour l'instant chaque nouvel abonné coûte entre 2.000 et 2.300 francs à l'opérateur.

Il a estimé que dans les trois années à venir, les opérateurs feraient cadeau du transport de la voix, celui des données étant le véritable enjeu de la prochaine décennie.

Abordant, à la demande de M. Claude Belot , l'avenir du réseau câblé français, M. Roger Chinaud a estimé qu'il se développerait en réseaux de fibre optique, destinés notamment à l'exploitation des liaisons satellitaires.

Il a cité l'exemple de plusieurs communes qui développent des réseaux fermés. Bien souvent le retour sur investissement est effectué en 18 mois seulement. Tout en préconisant la prudence, il s'est dit favorable à ce genre d'initiative.

En réponse à M. Claude Belot , qui l'interrogeait sur le sort réservé aux fréquences du spectre hertzien qui seraient libérées par l'avènement du numérique, M. Roger Chinaud a indiqué qu'une partie pourrait servir à la troisième génération de téléphone mobile. Par ailleurs il a fait remarquer qu'un certain nombre d'entre elles étaient aujourd'hui attribuées à l'armée -qui ne les utilise pas toujours- et a souhaité en rationaliser l'affectation.

Audition de M. Jean-Paul Cluzel

Président directeur général de Radio France Internationale

Mardi 14 septembre 1999

M. Jean-Paul Cluzel a tout d'abord rappelé que RFI avait une triple caractéristique : un statut de droit commun ; un double financement public (ses recettes proviennent pour 60 % du ministère des affaires étrangères et pour 40 % du ministère de la culture); des émissions en FM et ondes courtes presque exclusivement destinées à l'étranger, à l'exception de l'émetteur situé en région parisienne.

RFI possède des relais FM dans 80 villes du monde et est repris dans 180 autres villes par des radios étrangères. Sa présence sur le dispositif de diffusion satellitaire directe est assurée en Europe, par le biais d'Astra, ainsi qu'en Amérique du Nord et en Amérique latine ; elle dispose également d'un réseau satellitaire professionnel lui permettant d'être repris, au niveau mondial, par tout particulier ou radio possédant la parabole nécessaire. Elle est également présente sur Internet. Dans ce cadre international, elle dispose de 30 millions d'auditeurs dans le monde, pour moitié de langue française, l'autre moitié se répartissant entre 19 langues étrangères. M. Jean-Paul Cluzel a signalé en outre l'importance de RMC Moyen-Orient, filiale de RFI, qui reprenait 1 h 30 d'émissions françaises, et qui compte par ailleurs 15 millions d'auditeurs arabophones. Il a tenu à préciser que ces chiffres ne reflétaient pas un auditoire potentiel mais un auditoire effectif et souligné l'importance de RFI dans le paysage audiovisuel extérieur de la France puisqu'il est le seul organe 100 % français dont dispose la nation pour faire entendre sa voix sur le plan international et qu'en outre ses émissions reflétaient la diversité d'opinion des médias français.

Face à cet enjeu et au nombre de ses auditeurs, les recettes de RFI apparaissent bien faibles : son budget en 1999 s'élevait à 725 millions de francs, soit 3,9 % du total du budget de l'audiovisuel public et 5,6 % des ressources publiques affectées à ce secteur. Depuis plusieurs années RFI connaît un traitement budgétaire défavorable. Pour des raisons structurelles, d'abord car la subvention du ministère des affaires étrangères dont le budget est chaque année reconduit ou en régression, ne lui permet pas de faire face au dynamisme de ses frais de personnel qui représentent 44 % de son budget ; pour des raisons conjoncturelles ensuite, car RFI a dû faire face à des mesures de régulation budgétaire : 60 millions de francs en 1996 et 14 millions de francs en 1997 ; en 1999, l'apport du ministère des affaires étrangères a été diminué de 20 millions de francs et celui de la culture de 10 millions de francs. Au total les concours publics octroyés à RFI en loi de finances initiale ont diminué de 1,7 % entre 1997 et 1999 contre une augmentation de 6,3 % pour l'ensemble du secteur audiovisuel public. Si RFI avait bénéficié d'une évolution de ses ressources comparable, elle aurait perçu environ 60 millions de francs de plus au cours des deux derniers exercices.

Cette politique budgétaire a conduit RFI à faire des ajustements importants, portant essentiellement sur les ondes courtes, et à réaliser des économies notamment grâce à la numérisation. La gestion rigoureuse mise en place a permis de renouer avec l'équilibre budgétaire en 1999. M. Jean-Paul Cluzel a énuméré les priorités de son budget : la modernisation des équipements afin de les adapter à la numérisation ; l'adaptation des moyens de diffusion aux attentes et à la diversité des auditeurs, grâce au maillage du réseau de FM et à l'enrichissement des sites Internet ; la situation au Kosovo exigeant le renforcement du dispositif de diffusion en FM ainsi que l'extension des émissions en serbe et en croate et la mise en place d'émissions en albanais et en macédonien.

M. Jean-Paul Cluzel a souhaité qu'on donne à RFI les moyens de poursuivre le développement du réseau de FM, de mener une politique de communication adaptée à sa présence internationale, de renforcer le contenu des émissions, notamment en les régionalisant, en enrichissant les magazines, en développant les programmes en langue étrangère. Il a conclu en soulignant combien ces coûts étaient négligeables face à l'impact décisif qu'ils entraîneraient pour l'image de la France à l'étranger.

En réponse à M. Claude Belot qui évoquait la puissance de la BBC, M. Jean-Paul Cluzel a reconnu que le système anglais était certainement plus efficace mais qu'il était difficilement transposable en France. Il souhaitait une mise en commun des ressources de l'audiovisuel public sur la base des avantages relatifs à chacun, notamment pour réformer le réseau des correspondants à l'étranger. M. Claude Belot s'est étonné de ce que le budget de la BBC, qui ne comprend pas de recettes publicitaires, et celui de l'ensemble de l'audiovisuel français soient du même ordre.

Les radios francophones, a déclaré M. Jean-Paul Cluzel , se portaient plutôt bien, ainsi qu'en faisait état un rapport récent de Médiamétrie qui dégageait deux catégories principales d'auditeurs : les décideurs et les jeunes. Le succès rencontré par la radio dans le monde francophone et non francophone s'expliquait par le fait qu'il s'agissait là d'un média particulièrement économique et accessible.

M. Jean-Paul Cluzel s'est attaché à préciser qu'il tenait à ce que RFI garde sa spécificité dans le monde et ne vienne pas en concurrence avec les autres radios du monde francophone mais apporte un complément en mettant l'accent sur l'information et la culture. C'est volontairement que RFI n'avait pas développé une politique de radios de proximité afin de laisser place aux radios locales. En trois ans, RFI avait réussi à reconstituer son audience et à l'augmenter dans de nombreux pays en se repositionnant sur le créneau de l'information.

M. Claude Belot a reconnu que le budget de communication de RFI, s'élevant à 3 millions de francs, était insuffisant et a suggéré que RFI pourrait se faire l'écho des régions françaises à l'étranger et dégager ainsi des recettes supplémentaires. M. Jean-Paul Cluzel s'est déclaré très intéressé par cette perspective.

Audition de Monsieur Jean-Pierre Cottet

Chargé de mission à France Télévision

Mardi 21 septembre 1999

M. Jean-Pierre Cottet a expliqué que M. Gérard Emery et lui même étaient convaincus de l'avènement du numérique dans toute la chaîne de la production audiovisuelle, tant dans la production d'images que dans le stockage, le montage et la diffusion.

Il a indiqué que la généralisation de la diffusion numérique terrestre permettrait d'engager une meilleure gestion du spectre hertzien français. 150 émetteurs actuellement en service couvrent 85% de la population. Ils seraient susceptibles de permettre le développement de la télévision locale, si la loi autorisait la syndication - condition essentielle à l'équilibre financier de tels projets-. La technique de l'Adsl et la transmission par satellite permettraient aux 15% de population restante, l'accès aux programmes Il a rappelé qu'aucune mesure n'obligeait les diffuseurs, même publics, à couvrir l'intégralité du territoire, et qu'une réflexion mériterait d'être menée à ce sujet.

En réponse à M. Claude Belot , M. Jean-Pierre Cottet a souligné que le gouvernement avait besoin de geler un certain nombre de fréquences analogiques afin de préserver les espaces nécessaires au transport des six futurs multiplexes - destinés aux six grandes chaînes actuelles - et un réseau interville. Il est souhaitable de réserver quelques canaux à de nouveaux acteurs.

Il a rappelé que la presse quotidienne régionale souhaitait investir rapidement les fréquences actuellement libres et diffuser des programmes analogiques, qui, même s'ils ne sont pas rentables, les placeront dans une position de marché confortable le jour où le mode numérique se généralisera. Il a insisté à nouveau sur l'impérieuse nécessité de réformer la loi sur la syndication faute de quoi les télévisons locales se développeraient dans un esprit de " patronage ".

M. Jean-Pierre Cottet a cité l'exemple d'une télévision locale parisienne. Il a expliqué que l'investissement de départ s'élevait environ à 200 millions de francs, et que l'espoir de rentabilité n'intervenait pas avant au moins six ans. Il a souligné que les chaînes locales n'échappaient pas aux grands combats d'audience que représentent les créneaux horaires 18-20 heures et 21-22 heures. Pour des raisons de rentabilité, les télévisions locales ne peuvent se limiter à une audience de journée dont les programmes sont dédiés aux inactifs.

En réponse à M. Alain Joyandet qui s'interrogeait sur la nécessité d'appliquer les standards nationaux aux télévisions locales, M. Jean-Pierre Cottet a expliqué que la paysage audiovisuel français permettait la création d'une télévision différente mais aucune chaîne ne peut se passer de ressources publicitaires.

Abordant -à la demande de M. Alain Joyandet- la question de l'entrée de nouveaux acteurs dans la télévision numérique, M. Jean-Pierre Cottet a indiqué qu'ils s'installeraient vraisemblablement dans le secteur de la télévision locale par le biais du réseau interville. Ces nouveaux projets auront besoin de mesures d'accompagnement législatives et réglementaires, ainsi que de partenaires locaux. Au cours de la nécessaire transition technique, ces nouvelles chaînes ne bénéficieront pas de leur diffusion simultanément en numérique et en analogique contrairement aux chaînes historiques. Il a toutefois souhaité que la transition ne soit pas trop longue.

En réponse à M. Claude Belot, M. Jean-Pierre Cottet a abordé la question de l'interactivité de la télévision et a défendu la technique du numérique terrestre. Il a expliqué que la diffusion par satellite ne permettait pas une grande interactivité car le retour des informations n'est guère possible.

Il a plaidé en faveur de la substitution de l'analogique par le numérique hertzien pour des raisons politiques d'une part. En effet, l'Etat conserve la possibilité de maîtriser l'émission du signal, ce qui n'est pas le cas avec le satellite. Les diffuseurs ont le choix d'émettre à partir d'un pays étranger. D'autre part, la diffusion hertzien permet de rendre les postes de télévision " portables ", car l'antenne disparaît. Cette possibilité rendrait possible la diffusion dans les moyens de transport et engendrerait une modification des modes de consommation.

Commentant l'exemple donné par M. Claude Belot, qui faisait allusion à une expérience québécoise de diffusion en boucle d'un programme local quotidien numérique, M. Jean-Pierre Cottet a émit des voeux d'une plus grande richesse des programmes des futures télévisions locales françaises.

Audition de M. Jean Drucker

Président directeur général de M6

Mardi 22 juin 1999

M. Jean Drucker a tout d'abord retracé l'histoire du service public de l'audiovisuel au cours des dernières années. Il a remarqué que, lors de la privatisation de TF1, les chaînes publiques n'avaient pas été dotées d'un exécutif stable et qu'elles n'avaient pas reçu d'objectifs clairs. Les chaînes privées ont bénéficié d'une grande stabilité de leurs équipes dirigeantes ; cette pérennité -que les politiques revendiquent pour conduire leur action- est également nécessaire aux entreprises publiques.

Il s'est montré inquiet sur l'avenir de France 2 estimant que la prochaine loi sur l'audiovisuel constituerait pour la chaîne sa dernière chance tant la concurrence est rude (chez les moins de 50 ans l'audience du journal de M6 est supérieure à celle de France 2 ).

Il a critiqué le lancement concomitant du plan câble et d'une chaîne de télévision à péage sur le réseau hertzien, le succès de cette dernière expliquant l'échec du premier.

Il a souligné que la création d'Arte avait engendré une fuite des programmes culturels ou intellectuels vers cette chaîne aux dépens de France 2. Dans l'hypothèse d'une privatisation, France 2 lui a semblé mieux placée que France 3. Il a redouté cette perspective, en raison notamment des répercussions très néfastes sur le marché publicitaire.

A l'invitation de M. Claude Belot , M. Jean Drucker s'est ensuite livré à une analyse des évolutions technologiques récentes et à leur impact sur le paysage audiovisuel français. En premier lieu il a évoqué le succès dans notre pays des bouquets diffusés par satellite. Il a observé que les chaînes thématiques, à vocation culturelle, coûtent chères à produire, alors qu'elles ne connaissent pas de véritable succès d'audience ; cependant, elles représentent un investissement pour l'avenir et pourront constituer, des programmes destinés à des chaînes diffusées en numérique hertzien.

Il s'est ensuite interrogé sur les intentions du gouvernement dans ce secteur, qui, de façon contradictoire, semble favorable au développement du numérique hertzien tout en laissant distribuer des fréquences analogiques en province, voire à Paris. M6 réalise avec succès des décrochages régionaux au cours de ses journaux d'information. La chaîne collabore avec des grands quotidiens régionaux tels que Sud Ouest pour la région de Bordeaux. Il a regretté que ces mêmes quotidiens aient des velléités de création de chaînes télévisées de plein exercice.

En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogeait sur les nouvelles technologies de diffusion et sur l'avenir du câble en France, M. Jean Drucker a expliqué que l'environnement français semblait favorable au développement du numérique hertzien, encouragé par la société Télédiffusion de France (TDF) et l'industrie électronique qui voit là l'occasion d'un renouvellement des postes de télévision.

Il a répété qu'à son sens le câble était un échec en France et que le réseau actuel servirait sans doute demain à autre chose qu'à la diffusion de chaînes de télévision.

Il a remarqué que la communication est une industrie de l'offre. Les téléspectateurs n'ont pas besoin fondamentalement de nouveaux programmes, mais ils en ont simplement envie. Dans ces circonstances, le prix devient une donnée subjective, non discriminante, sauf lorsque la concurrence voit le jour. C'est la raison pour laquelle les Français assistent aujourd'hui à une bataille serrée, au niveau des prix, entre TPS et Canal satellite.

M. Jean Drucker s'est ensuite exprimé au sujet de l'amendement " Mathus " adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, au cours de la discussion de la loi relative à la liberté de communication. Cette disposition tend à rendre nulle l'exclusivité que possède TPS, de diffuser sur son bouquet les chaînes France 2 et France 3. Il a plaidé pour le maintien de l'actuelle exclusivité, au moins pour un temps. TPS ne dispose actuellement que de la moitié des abonnés de Canal satellite, et a besoin -afin de conforter son lancement commercial- de cet atout. Il a indiqué qu'en cas d'adoption de cet amendement dans le texte définitif de la loi, TPS continuerait à diffuser ces chaînes sur son bouquet.

En réponse à M. Yann Gaillard qui évoquait les travaux de M. René Trégouët, selon lesquels l'avenir de la télévision passerait par le choix donné aux téléspectateurs de sélectionner leurs propres programmes et le développement de l'interactivité, M. Jean Drucker , sans exclure ce nouveau marché, s'est montré optimiste sur l'avenir des chaînes généralistes et la coexistence des deux systèmes.

Pour conclure il a plaidé pour une concentration des entreprises de communication françaises, estimant que leur taille, était à l'heure actuelle, trop petite comparée aux groupes anglo-saxons. A titre d'exemple, il a indiqué que la capitalisation boursière de Canal Plus était inférieure aux bénéfices d'Intel.

Audition de Messieurs Jacques Espinasse , Directeur général et Gilles Maugars, directeur technique et informatique de Télévision par satellite (TPS) ainsi que de Monsieur Bernard Prades, délégué général de Suez-Lyonnaise

Mercredi 15 septembre 1999

M. Bernard Prades a tout d'abord retracé brièvement l'historique du développement du câble en France. Il a rappelé que le lancement du câble en tout fibre optique en France avait été un échec. On a d'abord rencontré des difficultés techniques. Ensuite le démarrage de la commercialisation de TV Câble en décembre 1986 s'est déroulé dans de mauvaises conditions, tant du fait du lancement simultané de Canal + et de deux chaînes hertziennes gratuites que des relations délicates avec France Télécom. Par ailleurs, France Télécom, n'a pas favorisé le développement technique de l'accès à Internet par le câble. L'entreprise publique ne souhaite se voir concurrencée sur la boucle locale dont elle détient le monopole. Il a par ailleurs regretté que l'autorité de régulation des télécommunications peine à obtenir la levée de ce monopole. Il a conclu en se déclarant convaincu que le câble constitue la vraie " autoroute de l'information " de demain.

M. Claude Belot a fait remarquer qu'une large partie du territoire national serait exclu de cette autoroute. M. Bernard Prades a expliqué que seules les entreprises - environ 20% de clients potentiels - auraient l'utilité de l'énorme débit qu'offre le câble, les particuliers n'auront l'usage que du débit, déjà important, de l'ADSL. Il a précisé qu'il était toujours possible d'installer un câble pour une entreprise qui serait située dans une zone géographique isolée.

M. Jacques Espinasse , a ensuite précisé que les malheurs du réseau câblés français n'étaient pas à l'origine du succès de la télévision par satellite. Il l'a attribué à la géographie de notre pays et la faible densité de population constatée dans certaines régions qui ne permet pas une généralisation des branchements dans des conditions économiques raisonnables. Il a indiqué, qu'en terme de coût, la diffusion par satellite était en France, la meilleure marché. Il a également rappelé que l'attribution à Canal Plus d'un réseau crypté analogique, la création de la Cinq et M6, de façon concomitante au lancement du plan câble, n'avaient pas favorisé sa réussite.

M. Jacques Espinasse a ensuite retracé l'histoire de TPS, rappelant que sa création avait eu lieu en 1996 et que sa diffusion était assurée par le satellite Eutelsat. Il a indiqué que les pertes cumulées s'élèveraient au 31 décembre 1998 à 1,9 milliard de francs. Le chiffre d'affaires pour 1999 est estimé à la même somme, et les pertes pour cette même année à 900 millions de francs. Le seuil de rentabilité sera atteint lorsque TPS comptera 1,3 million d'abonnés. Elle en comptait - en septembre 1999- 800 0000.

Abordant la composition du bouquet M. Jacques Espinasse a rappelé que l'exclusivité faite à TPS, pendant 10 ans, de diffuser les chaînes publiques avait été remise en cause par un amendement du député Didier Mathus. Il a souhaité conserver cet avantage -tout en reconnaissant que la durée initiale pourrait être réduite- ce qui lui paraît d'autant plus nécessaire que les chaînes thématiques du service public font elles aussi partie du bouquet.

Audition de Monsieur Bertrand Larrera de Morel
Président de l'Institut de Financement du Cinéma et des Industries culturelles (IFCIC)

et de MadameElisabeth Flüry-Hérard
directeur général

Mercredi 15 septembre 1999

M. Bertrand Larrera de Morel a expliqué que le rôle de l'IFCIC consistait à alléger les risques pris par les banques lorsqu'elles financent des productions audiovisuelles, ou des projets culturels. Le plus souvent ce sont des productions cinématographiques ou des programmes destinés à la télévision.

Il a indiqué qu'à une époque, le financement de ce type de production par le capital risque, avait été tenté mais sans succès. C'est la raison pour laquelle le système de garantie qu'apporte l'IFCIC, reste aujourd'hui l'un des moyens les plus efficaces pour permettre le montage financier des opérations.

M. Bertrand Larrera de Morel a ensuite expliqué, que le plus souvent, le financement d'un film était assuré à 60 % par les chaînes de télévision dont Canal Plus, et le reste partagé entre le Centre national du cinéma -20 % environ-, les fonds propres du producteur, les distributeurs.

Le risque majeur de ce type d'industrie réside dans l'éventualité que le produit ne soit pas livré, ceci est très rare. En effet la raison la plus courante pour laquelle une livraison ne serait pas effectuée est liée au manque d'argent en cours de tournage ; dans ce cas les banques n'hésitent pas à consentir un prêt complémentaire, évitant ainsi de perdre l'ensemble des fonds engagés précédemment. L'IFCIC garantit le nouveau prêt.

M. Bertrand Larrera de Morel a expliqué que ce dispositif permettait de pré-financer la production.

Abordant la question du financement de ce secteur, Mme Elisabeth Flüry-Hérard a indiqué que les SOFICA représentaient 180 millions de francs et que le reste, -environ 2,2 milliards de francs- provenaient des acteurs du secteur. Elle a précisé que l'IFCIC garantissait le capital à l'exclusion des frais d'agios. Ce sont les banques, et non les producteurs qui bénéficient de cette garantie. A titre indicatif, elle a estimé à 638 millions de francs le montant des garanties consenties en1998.

Sur cette enveloppe, 4 à 10 millions présentent des risques sérieux.

M. Bertrand Larrera de Morel a ensuite indiqué que le taux de sinistre s'élevait à 1 ou 2 % des crédits accordés. Il a expliqué que des assureurs britanniques avaient tenté de fournir le même service que l'IFCIC sur notre territoire. Ce fut sans succès. Il a émis l'idée de relancer le capital risque sur ce secteur, ce qui supposerait une forte sélection. Il a expliqué que huit films sur dix n'étaient pas rentables, et que sans les fonds versés par les chaînes de télévision, la production française n'existerait plus.

Madame Elisabeth Flüry-Hérard a signalé notamment la faiblesse des exportations des productions françaises. Cette faiblesse est due à plusieurs causes :

- domination de masse du film anglo-saxon, et surtout concurrencé sur les marchés exports par les productions locales. Entre les deux, le film français ou européen trouve de moins en moins sa place, à quelques exceptions près comme " le 5 ème élément " ou " Astérix et Obélix " ;

- en ce qui concerne l'audiovisuel, les problèmes viennent des formats pratiqués en France -les films de 90 minutes ne correspondent pas aux standards internationaux- et de l'effet volume : pour vendre à l'étranger, il faut pouvoir proposer des séries très longues, que la faiblesse quantitative de notre production -handicapée par des diffuseurs moins riches que ceux de nos voisins- nous interdit de proposer à la vente ;

- en ce qui concerne les films, la solution est sans doute à chercher du côté d'une adaptation en amont aux standards du marché international d'une partie de la production française : pour vendre, il faut d'abord concevoir pour le marché international. Cette ambition n'est pas incompatible avec le développement d'un secteur de films d'art et d'essai vivant, secteur qui constitue aujourd'hui une réussite, du point de vue artistique, de la production française. Il faut cependant comprendre que ces deux secteurs n'ont pas le même public, ni la même économie, ni la même commercialisation.

D'une façon générale, elle a souligné que l'essor du secteur de la production ne pourrait provenir que du renforcement de la capacité financière des producteurs indépendants, aujourd'hui trop faibles pour pouvoir se développer dans le moyen terme. En effet, l'insuffisance chronique de fonds propres les met en situation de vulnérabilité lorsqu'ils négocient avec les diffuseurs. Ils gardent, du coup, très peu de droits sur des oeuvres qu'ils produisent, et ne peuvent dégager, au surplus, qu'une marge minimale sur la production. Ainsi se perpétue une situation de précarité financière qui leur interdit toute perspective d'entrée en Bourse, moyen normal de lever des capitaux pour une entreprise en croissance.

C'est pourquoi l'urgence paraît être de leur garantir une part de négatif -et donc de droits sur les recettes futures- plus importantes sur les oeuvres qu'ils produisent, seul moyen, pour eux, de se développer sur une base ambitieuse, et de se dégager de la dictature à court terme des besoins et des méthodes éditoriales des chaînes françaises.

Audition de Monsieur Maurice Lévy

Président du directoire de Publicis SA

Mardi 29 juin 1999

M. Maurice Lévy a débuté son propos en faisant observer que la publicité était le programme préféré des Français, tandis que M. Claude Belot évoquait l'idée de " coupure-souillure " qui sous-tend le nouveau projet de loi sur la liberté de communication.

M. Maurice Lévy s'est montré dubitatif sur les errements de la politique gouvernementale depuis de nombreuses années, et ce quelle que soit l'appartenance politique, en matière de définition de service public de l'audiovisuel. La mise en concurrence de France télévision avec TF1 a entraîné un renchérissement du coût des programmes et donc un accroissement du financement par la publicité. Le gouvernement n'a jamais clairement privilégié la qualité ou l'éducation et a toujours hésité entre rentabilité et Audimat, au détriment de la notion de service public.

Evoquant la décision du gouvernement de diminuer l'espace réservé à la publicité sur les chaînes publiques, il a jugé cette proposition absurde et surtout regretté que le vrai problème ne soit pas abordé et qu'aucune décision concernant les lignes éditoriales n'aient été prises. Les dirigeants de l'Audiovisuel Public ne se voient pas confier une mission de projet industriel ou un cahier des charges précis. Il a également déploré l'absence de recherche dans le secteur du numérique. Il a remarqué que cette nouvelle loi faisait rejaillir dans l'inconscient collectif le fantasme de l'ancienne ORTF (sans la radio toutefois).

M. Maurice Lévy a ensuite analysé les conséquences de cette nouvelle donne pour le marché de la publicité. Inéluctablement, la limitation des écrans publicitaires sur les chaînes publiques va entraîner un renchérissement du prix de l'espace publicitaire à la Télévision. Les chaînes privées n'accroîtront probablement pas le temps réservé à la publicité mais simplement leurs prix. L'espace, sur les chaînes publiques, sera vraisemblablement redistribué tout au long de la journée au bénéfice des heures de nuit et des heures de moindre écoute dans la journée : les recettes baisseront donc mais dans une proportion probablement moindre que la baisse du temps.

Plusieurs solutions s'offrent aux annonceurs : le report partiel des investissements publicitaires sur les chaînes thématiques diffusées par le câble et le satellite et, dans une proportion beaucoup plus faible, vers la presse quotidienne et régionale. Quoiqu'il en soit, il est probable que les dépenses publicitaires consacrées à la Télévision Publique régresseront de 5 à 8% et que ces sommes là ne seront pas redistribuées.

M. Maurice Lévy a rappelé la philosophie qui avait conduit dès les années 60, les pouvoirs publics à ouvrir la télévision au marché publicitaire : favoriser l'égal accès de toutes les entreprises à ce support. Certes, depuis la disparition de la Régie française de publicité, cet état d'esprit ne règne plus réellement. Mais cette nouvelle loi -entraînant un renchérissement des coûts- privera totalement les entreprises de taille moyenne de la possibilité de promouvoir leurs produits à l'écran.

M. Claude Belot a ensuite invité M. Maurice Lévy a s'exprimer sur la dispersion de l'audience que provoque la multiplication des offres de chaînes. Celui-ci a livré les résultats d'une enquête menée par son groupe sur les souhaits d'abonnements des Français pour l'année à venir : la télévision arrive en tête. Il a expliqué que dans les pays où les chaînes thématiques étaient très implantées, les chaînes classiques conservaient 50 à 60% de l'audience. Les chaînes thématiques constituent donc un marché potentiel intéressant ; il a précisé -à titre d'exemple- que la Cinquième coûterait 120 millions de francs et Arte 150 millions de francs, si la publicité y avait sa place.

A la demande de M. Claude Belot , il a décrit l'abonné type des chaînes payantes : ce n'est pas le cadre supérieur qui le plus souvent consacre ses soirées et son temps libre à des activités culturelles et sociales, mais le cadre moyen ou l'employé qui rentre tôt de son travail, habite des zones suburbaines où les loisirs sont moins nombreux qu'en centre ville et dont les déplacements de fin de semaine sont plus rares. Il a estimé que les programmes interactifs et le développement de l'Internet (diffusion prochaine de films, commerce électronique affranchi de toute règle nationale et internationale) bénéficieront, en premier lieu, à ces mêmes catégories de consommateurs. Il a parié sur un taux de réception des chaînes câblées et diffusées par satellite d'environ 70% des ménages français à l'horizon 2005-2010.

En réponse à M. Claude Belot qui s'interrogeait sur l'avenir des grandes chaînes généralistes, M. Maurice Lévy a expliqué que TF1 se devait de conserver sa position dominante dans le but de pérenniser "la prime au leader" dont elle bénéficie à l'heure actuelle dans le domaine de la publicité. Cette volonté explique la part active jouée par la chaîne dans TPS. L'intérêt des annonceurs est d'offrir à leurs clients des audiences de plus en plus ciblées, c'est pourquoi la publicité tiendra une place non négligeable sur les chaînes payantes, même si l'audience y est plus faible. Le processus actuel ne condamne pas les chaînes de télévision généralistes mais conduit seulement à une fragmentation de l'audience. Il a rappelé que l'homme est un animal d'habitude, fidèle aux programmes et aux présentateurs qu'il connaît.

En réponse à M. Yann Gaillard, M. Maurice Lévy a indiqué qu'Internet représentait à l'heure actuelle 0,11 % des recettes publicitaires du marché français et 2 % du marché nord américain.

A l'invitation de M. Claude Belot, M. Maurice Lévy a donné son opinion sur l'avenir des chaînes de service public. Il a approuvé la nomination de M. Marc Tessier à la tête de France Télévision. Il y a vu une possibilité pour les chaînes, de clarifier leurs lignes éditoriales, de procéder à une modernisation de leurs structures, et d'avancer dans le numérique, l'Internet et l'interactivité. Il a déploré le malaise observé entre les pouvoirs publics et leurs chaînes depuis 1968. La tentation d'intervention demeure importante et s'exprime à travers les journaux d'information. Pris de mauvaise conscience, les pouvoirs publics renoncent alors à donner des orientations sur les programmes, ce qui s'avérerait pourtant nécessaire.

Abordant les projets locaux de la Télévision Presse Régionale et sa syndication publicitaire, il s'est montré sévère quant à la réduction des coûts pour les annonceurs et le retard technique qu'engendrera le développement de la télévision locale en analogique dans la course au numérique qui est aujourd'hui engagée au niveau mondial.

Audition de M. Etienne Mougeotte

Vice-Président et directeur général de TF1

Mercredi 22 septembre 1999

M. Etienne Mougeotte a indiqué qu'il aborderait trois points, à ses yeux essentiels en matière de service public de l'audiovisuel. Il a remarqué que la question du financement ne concernait pas uniquement la France mais plus largement l'Union Européenne, qu'une confusion existait au sujet des sources et des structures de financement et enfin que des solutions équitables étaient possibles.

S'agissant du financement des télévisions publiques -qui est assuré par la publicité et la redevance- M. Etienne Mougeotte a rappelé qu'une plainte avait été déposée par TF1, auprès de la Commission européenne le 10 mars 1993. A la suite de l'arrêt rendu en première instance, le 3 juin 1999, la commission a ouvert une procédure pré-contentieuse envers la France, engageant notre pays à s'expliquer. Le gouvernement a formulé, en août 1999, un pourvoi contre cet arrêt. Les chaînes privées portugaises ont elles aussi entrepris les mêmes démarches, auprès de la Commission européenne et ont obtenu des explications de la part de leur gouvernement .

Il a souligné que l'objectif de TF1 dans cette procédure n'était pas de remettre en cause le double financement des télévisions publiques dans notre pays, mais de déterminer précisément l'affectation de la redevance et celle des recettes publicitaires. M. Etienne Mougeotte a indiqué qu'il lui semblait indispensable de consacrer les fonds provenant de la redevance à des missions de service public, et ceux provenant des recettes commerciales à des actions commerciales.

Il a ensuite abordé le problème de la confusion française -et non l'exception française- en matière de financement et de structure.

Il a regretté la concurrence, à ses yeux peu loyale, que les chaînes de service public exercent sur le marché de l'achat des programmes. Il a émis un doute quant à la possibilité qu'auraient ces chaînes, si elles achetaient avec leurs seules recettes publicitaires, de faire monter les prix comme elles le font actuellement sur certains secteurs tels que les retransmissions sportives. Il a conclu sur ce thème en démontrant que le produit de la redevance n'était guère affecté à l'achat ou la production d'émission de service public mais plutôt faire de la surenchère sur le marché des programmes.

Évoquant l'éventuelle création d'une holding -tel que le prévoit le projet de loi sur la liberté de communication- il l'a dénoncée, estimant que le bénéfice d'une telle structure constituerait pour les chaînes publiques un privilège exorbitant par rapport à leurs concurrentes privées. En effet elles seraient en possession d'un outil qui leur permettrait de mieux coordonner leurs programmes. Elles le font déjà, en diffusant par exemple le dimanche soir en première partie de soirée, un programme destiné aux téléspectateurs de moins de 50 ans sur France 2 (série " Urgences "), et un programme destiné aux téléspectateurs de plus de 50 ans sur France 3 (la série " Derrick "). Il en est de même pour les diffusions sportives à l'exemple des basculements d'une chaîne à l'autre lors de la diffusion du Tour de France ou du tournoi de tennis de Roland-Garros. M. Etienne Mougeotte s'est ému de cette situation qu'il a jugée inégalitaire au vu des mesures de nature anti-concentrationnelles imposées aux chaînes privées.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau qui s'interrogeait sur l'avenir, M . Etienne Mougeotte a ensuite exposé ses préconisations.

Il a recommandé de préciser les missions du service public de l'audiovisuel. Pour illustrer son propos il s'est interrogé sur l'opportunité pour France 2 d'avoir programmé une édition spéciale du jeu " les z'amours " au moment ou TF1 diffusait le premier épisode du téléfilm " Balzac ".

Il a revendiqué un mieux disant déontologique. A ce titre il a rappelé que le service public avait consacré une émission à une jeune infirmière ayant reconnu avoir pratiqué l'euthanasie, alors qu'elle faisait l'objet d'une procédure judiciaire. Il a insisté également sur le lourd dispositif interdisant la concentration qui pèse sur les télévisions privées. Il a souhaité une évolution dans ce domaine afin de permettre aux chaînes privées de prendre des participations significatives dans des entreprises de communication.

Il a plaidé pour un allégement des contraintes qui séparent le producteur du diffuseur, pour un assouplissement des modalités d'application des quotas de diffusion et pour une réadaptation des obligations de production. S'agissant d'oeuvres co-produites par les chaînes de télévision, M. Etienne Mougeotte a rappelé que seules trois diffusions en quatre ans étaient autorisées. Ensuite les droits reviennent au producteur. Il s'est montré inquiet quant aux dispositions contenues dans le projet de loi sur la liberté de communication à ce sujet. Il a rappelé qu'il n'existait plus en France de producteurs indépendants et qu'ils était tous adossés à des chaînes de télévision.

Il a souhaité qu'une différence de statut juridique soit instaurée entre des séries classiques et des productions plus importantes du type " Monte-Cristo " pour lesquelles l'investissement de la chaîne est considérable.

M. Etienne Mougeotte a ensuite abordé les évolutions liées au mode de diffusion numérique. Il a exprimé le désir de TF1 d'être présente sur Internet. Il a indiqué que 100 millions de francs y seraient consacrés en 2000. Le développement de l'interactivité fait également l'objet d'études. Les recettes escomptées pour 1999 pour la seule activité Internet, pourraient atteindre 6 millions de francs. Il a indiqué que la politique menée par TF1, dans le but de conserver sa place de leader dans le paysage audiovisuel français, était de produire le plus grand nombre de magazines, de documentaires et de programmes en général, afin d'être prêt à créer des chaînes à haute valeur ajoutée.

En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogeait sur la percée du numérique M. Etienne Mougeotte a indiqué que la chaîne de production de TF1 serait entièrement numérisée à la fin de l'année 2000 ; pour l'information les cassettes devraient totalement disparaître entre 2001 et 2002. Il a précisé que les locaux de LCI seraient transférés vers ceux de TF1, afin de rationaliser la gestion. Les résultats financiers de LCI seront équilibrés, en 1999, comme prévu dans son business plan. M. Etienne Mougeotte a expliqué que TF1 possédait une participation d'un tiers dans le capital d'Eurosport. En outre, trois chaînes sont prêtes à être lancées : l'une mini-généraliste (TF2), l'autre destinée à la jeunesse et enfin une dernière consacrée aux séries télévisées. Le lancement des chaînes se fera sur le câble et le satellite dans un délai qui reste à définir.

Il a indiqué à M. Claude Belot que la télévision locale n'était pas la vocation de TF1. Il a précisé que le cahier des charges ne le permettait pas et a estimé que la presse quotidienne régionale lui semblait la plus à même de réaliser ce type de projet.

Audition de M. Jean-Claude Moyret

Directeur de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication
du Ministère des Affaires étrangères

Mercredi 23 juin 1999

M. Jean-Claude Moyret a tout d'abord présenté les objectifs de son ministère dans le domaine de l'audiovisuel. Ceux-ci s'articulent autour de quatre thèmes, hors Internet.

Le premier concerne la partie juridico-multilatérale et recouvre les questions européennes et les questions internationales liées à l'organisation mondiale du commerce (OMC). En effet, les textes européens comme ceux de l'OMC ont une forte incidence sur le secteur audiovisuel.

S'agissant des premiers, une directive européenne a fixé un corpus minimum à respecter mais celui-ci ne se traduit pas par un système juridique égalitaire. En fait, le système est plus favorable à Londres qu'à Paris car la directive y est bien appliquée. S'agissant de la télévision, la liberté de réception est la règle mais l'Etat d'émission doit faire respecter la directive. Ce mécanisme européen est difficile à mettre en oeuvre et difficile à faire respecter, plus particulièrement, avec le satellite. Cette directive de 1989 fera l'objet d'une nouvelle négociation en 2002 sur les quotas de diffusion. L'autre dossier concerne la négociation sur les services dans le cadre de l'OMC. A partir de 2000, les négociations vont reprendre avec les américains. Ils vont tenter de revenir sur l'exception culturelle qui concerne l'audiovisuel, en s'appuyant sur la diffusion par Internet et la convergence technologique.

M. Claude Belot a alors souhaité savoir comment réguler la diffusion sur Internet.

M. Jean-Claude Moyret a répondu que cette régulation serait possible dans le cadre de la lutte contre le piratage. En effet, lorsque Internet diffusera de l'image et des films, les grandes firmes de production devront protéger leurs intérêts financiers. Les américains vont trouver un système de cryptage qui permettra d'identifier l'acte de consommation et d'empêcher la duplication illicite du produit chargé.

M. Jean-Claude Moyret a ensuite abordé le deuxième axe d'intervention du ministère qui concerne la vente de programmes. A cet égard, il a rappelé que France télévision pouvait vendre pendant 3 ans ses productions et qu'au-delà de ce terme, elle devait remettre ces programmes à l'INA. Cependant, cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'une coproduction avec un opérateur privé, ce qui est très souvent le cas pour les oeuvres de fiction. Il a rappelé qu'en matière de diffusion internationale, le système français des droits d'auteur constituait un handicap par rapport au système américain de copyright. Il a cependant indiqué que la France vendait bien ces programmes, soit 1,4 milliard de francs par an. Les ventes de documentaires et les dessins animés progressent de plus de 10 % et sont les produits les plus porteurs, suivis par les oeuvres de fiction. Un rapport de M. Soloveicik a récemment fait un bilan sur les exportations des contenus audiovisuels et multimédia.

S'agissant de l'exportation de cinéma français, il existe une réelle volonté de soutenir son mode financement spécifique. Malheureusement, les ventes stagnent à 400 millions de francs par an depuis plusieurs années.

Le système de répartition des aides est subtil et très difficile à réformer d'autant plus que les intérêts divergent entre ceux qui sont plutôt liés aux Américains et ceux qui veulent un financement unique et public. L'ensemble de ces questions est traité par M. René Bonnel dans son rapport d'audit sur l'avenir d'Unifrance.

Le troisième axe de réflexion concerne les opérateurs publics, RFI et ses filiales, et plus particulièrement leur mode de diffusion. L'évolution technologique a, en effet, conduit les auditeurs à déserter l'onde courte au profit de la bande FM. L'onde courte a donc été arrêtée sur l'ensemble de l'Europe, l'Amérique latine et l'Amérique du Nord. Il a également indiqué que les moyennes ondes allaient bientôt disparaître. Dans certaines zones géographiques, la diffusion par Internet devrait prendre sous peu, le relais. Il a expliqué qu'à terme, ce mode de diffusion serait également utilisé par la télévision.

Interrogé par M. Claude Belot sur la diffusion en Espagne des chaînes publiques françaises, M. Jean-Claude Moyret a indiqué que La cinquième, Arte et TV5 sont diffusées sur Eutelsat, Astra diffuse pour sa part TV5 en mode numérique.

Il a rappelé que d'autres chaînes sont diffusées, avec plus ou moins de succès, à l'étranger. Si TF1 n'a pas réussi son implantation en Afrique du Sud ou en Hongrie, tel n'est pas le cas de Canal Plus (en Espagne et en Europe de l'Est).

Evoquant son quatrième axe, les incitations envers les opérateurs privés à lancer des chaînes sur les bouquets numériques, M. Jean-Claude Moyret a regretté le peu d'attrait des opérateurs français pour le secteur international.

En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogerait sur la diffusion des programmes en numérique hertzien, M. Jean-Claude Moyret n'a pas jugé indispensable l'adoption de cette technologie pas les grandes chaînes françaises, au regard du coût d'une telle opération, sauf si elles y sont obligées par la concurrence.

Pour conclure, il a indiqué que quelques postes d'attachés audiovisuels seraient créés -en Pologne, en Afrique de l'Ouest et au Portugal entre autres- afin de promouvoir le secteur audiovisuel français à l'étranger. Il faudra ainsi faire face à la suppression des postes occupés par les volontaires du service national à l'étranger.

Audition de M. Fabrice Nora

Directeur général adjoint du groupe Amaury

Mardi 22 juin 1999

M. Fabrice Nora a indiqué qu'en sa qualité de membre du directoire du groupement d'intérêt économique (GIE) de " Télévision Presse Régions " (TPR), il était un représentant des intérêts des 17 quotidiens régionaux, à l'exception de ceux de la région de Tours (NRCO) et de Rennes (Ouest France). Il a indiqué l'intérêt de la presse quotidienne régionale pour la télévision locale, et son désir -exprimé depuis 1998- de développer ce type de média. Cette volonté s'est déjà concrétisée par une collaboration avec M6 pour l'élaboration de cinq des dix décrochages locaux effectués par la chaîne dans ses journaux télévisés et par une déclaration commune d'être opérateur de télévision locale dès le lancement d'appel à candidature.

M. Jean-Charles Bourdier , directeur du développement du Républicain Lorrain, en tant que membre du directoire du GIE " TPR " a précisé que, depuis un récent arrêt du Conseil d'Etat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel était tenu d'effectuer un appel d'offres sur les fréquences hertziennes terrestres libres dès lors qu'un intervenant en faisait la demande. Cette situation n'est pas sans rappeler la naissance des radios libres dans les années 80. La presse quotidienne régionale a, suite à ce changement, effectué des études de marché dont il ressort que les télévisions locales pourraient représenter jusqu'à 800 millions de francs de recettes publicitaires.

M. Jean-Charles Bourdier a fait valoir que, pour être économiquement viables, les chaînes de télévision locales se trouvaient dans l'obligation de faire appel au marché publicitaire national. C'est la raison pour laquelle une nouvelle syndication publicitaire serait mise en place, à l'exemple de ce que pratique la presse quotidienne régionale, avec sa formule 66-3. Ce système permettrait aux annonceurs de diffuser leurs spots sur l'ensemble des stations locales, tout en n'ayant qu'un seul interlocuteur commercial et technique. Pour illustrer son propos, il a cité l'exemple les chaînes TLT (à Toulouse) et TLM (à Lyon), qui, ne bénéficiant pas de cette syndication publicitaire, perdent chacune plus de 10 millions de francs par an. En d'autres termes, il ne saurait y avoir d'avenir pour des télévisions d'expression locale qui tireraient leurs ressources du seul marché publicitaire local.

Il a informé le groupe de travail que TPR avait fait parvenir une lettre ouverte à Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture, lui demandant de ne pas geler l'attribution par le Conseil supérieur de l'audiovisuel des fréquences hertziennes terrestres. En effet, le ministère aurait l'intention de favoriser le développement de la diffusion en numérique des programmes.

M. Claude Belot , président du groupe de travail a fait remarquer que le passage à la diffusion numérique de programmes analogiques lui semblait une évolution technologique inéluctable en raison de la qualité des retransmissions, de la multiplicité des programmes proposés et de l'interactivité que permet cette technique.

M. Jean-Charles Bourdier a rappelé que les quotidiens régionaux regroupés dans " TPR " étaient défavorables au développement du numérique hertzien. Leur demande d'obtenir des fréquences analogiques avait pour objet, d'ores et déjà d'être présents sur le marché de l'image et donc d'être partie prenante au moment de la mise en place, dans les 3 à 5 ans à venir, des réseaux numériques sur l'ensemble des grandes agglomérations françaises.

M. Gilles Crémillieux, directeur de la diversification, a ensuite apporté son témoignage sur la démarche du groupe La Montagne Centre-France. Un dossier, en vue d'obtenir une fréquence hertzienne sur l'agglomération de Clermont-Ferrand, est en effet à l'étude. Ce choix a été justifié par le constat du recul de la pénétration de l'écrit, sous toutes ses formes, notamment dans les agglomérations, au sein des catégories sociales les plus défavorisées et chez les plus jeunes. A ses yeux, la télévision locale représente le moyen supplémentaire pour pénétrer dans tous les foyers afin de rétablir cette relation citoyenne et de favoriser l'intégration de tous en encourageant particulièrement la vie associative.

Le projet comporte en multidiffusion un programme d'informations (remis à jour régulièrement), des magazines traitant de la vie des quartiers, de l'actualité sportive, de la vie culturelle et des aspects économiques et sociaux. Le budget prévisionnel s'élève à 12 millions de francs par an, trente emplois seraient créés, dont onze de journalistes. Les rédactions du quotidien et de la chaîne de télévision seront distinctes afin de garantir le pluralisme. Enfin, les charges seraient couvertes par la publicité -à hauteur d'un tiers par la publicité locale, les deux autres tiers ne pouvant être apportés qu'à travers une commercialisation nationale commune d'une quinzaine de télévisions locales de même format-.

M. Fabrice Nora a regretté le manque de lisibilité de la volonté gouvernementale. Si elle allait dans le sens d'un gel de la distribution des fréquences hertziennes, les petits projets seraient handicapés : le coût des programmes numériques s'avérant être élevé, seules les grandes chaînes nationales, -dont les recettes publicitaires sont aujourd'hui saturées-, pourraient conquérir ce nouveau marché. Il a insisté sur la nécessaire libéralisation du secteur afin de laisser se développer l'esprit d'entreprise.

M. Jean-Charles Bourdier a, pour conclure, remarqué que les opérateurs américains s'intéressaient de très près au réseau câblé français. Il a déploré que la problématique autour du câble, en tant qu'infrastructure de base dans le cadre du développement des nouvelles technologies, n'ait pas encore vraiment été abordée en France.

Audition de M. Jérôme Seydoux

Président du Groupe Pathé

Mercredi 22 septembre 1999

M. Claude Belot a tout d'abord interrogé M. Jérôme Seydoux sur la situation du secteur audiovisuel public français et l'évolution du groupe Pathé.

M. Jérôme Seydoux, après avoir indiqué qu'il n'avait pas qualité pour se prononcer sur la situation du secteur public, a déclaré que la télévision était un axe majeur du développement de Pathé.

Pathé possède deux chaînes de télévision : Voyage et Pathé Sport 12 ( * ) . M. Jérôme Seydoux a rappelé que son groupe travaillait à développer d'autres chaînes sur le câble et le satellite et souligné qu'il saisirait les opportunités qui apparaissent aujourd'hui pour les opérateurs indépendants de renforcer leur présence, qu'il s'agisse du lancement du numérique terrestre ou du renouveau des télévisions locales.

En ce qui concerne la production audiovisuelle, M. Jérôme Seydoux a indiqué que Pathé Télévision, au sein du groupe, produit des fictions et des documentaires pour le service public aussi bien que pour les chaînes privées. Il a indiqué que ce métier est, en France, difficile et peu rémunéré.

Interrogé sur la chaîne Pathé Sport, M. Jérôme Seydoux a indiqué que Pathé avait racheté l'année dernière AB Sport au groupe AB. Un effort important a été consenti depuis lors pour cette chaîne, désormais dénommée Pathé Sport. Elle dispose d'un budget d'une centaine de millions de francs. Sa programmation est aujourd'hui fortement renforcée par les droits dont elle dispose dans des disciplines telles que le basket, le handball, le volley-ball qui ont un grand attrait pour le public, notamment les jeunes.

M. Claude Belot a interrogé M. Jérôme Seydoux sur les évolutions du secteur audiovisuel.

M. Jérôme Seydoux a estimé que l'enjeu déterminant aujourd'hui est le passage au numérique de la diffusion hertzienne, qui va permettre de multiplier par 5 ou 6 le nombre des chaînes que pourront recevoir tous les foyers avec leurs postes et leurs antennes actuels, moyennant seulement l'ajout d'un décodeur de faible coût. Le rythme de sa mise en place n'est pas connu, mais ce changement majeur est de toute façon inéluctable.

M. Jérôme Seydoux a indiqué que le numérique constituait un défi pour les chaînes hertziennes existantes, notamment du service public, qui devront réussir le passage de l'analogique au numérique.

Il a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une menace pour la câble et le satellite, qui compte déjà de nombreuses chaînes : le numérique terrestre disposera de moins de chaînes que le satellite ou le câble, une trentaine contre deux cents environ. C'est un avantage important des systèmes actuels de diffusion (câble et satellite) sur une offre concurrente éventuelle de chaînes payantes diffusées en numérique terrestre.

M. Jérôme Seydoux a souligné enfin que le numérique terrestre ouvrait l'opportunité de faire créer des chaînes supplémentaires par de nouveaux entrants et de donner ainsi plus de choix au public et plus de débouchés à la création. La saturation actuelle des espaces et la croissance du marché publicitaire montrent que ces chaînes nouvelles, dont le nombre restera limité, seront en mesure de trouver leur financement.

M. Claude Belot a souhaité savoir si les règles sur les quotas de production française pourraient être maintenues avec ces nouvelles chaînes.

M. Jérôme Seydoux a précisé que le législateur aurait la maîtrise de la réglementation des chaînes du numérique terrestre, qu'il n'y avait pas de raison de remettre en cause, à l'occasion d'une évolution des modes de diffusion, un dispositif mis en place en faveur de la création française et européenne, qu'il pourrait cependant être nécessaire d'aménager ces règles au départ, pour les chaînes nouvelles, de façon à leur permettre de trouver leur économie.

M. Claude Belot a enfin interrogé M. Jérôme Seydoux sur les liens entre la télévision et le cinéma.

Le Président de Pathé, producteur notamment d' Astérix et Obélix contre César en 1999, a rappelé que, dans notre pays, les liens entre le cinéma et la télévision avaient été organisés d'une façon intelligente qui permet aujourd'hui à la France d'avoir la première industrie cinématographique d'Europe. Il a, plus généralement, rappelé les relations de complémentarité, et non de concurrence, qui existent entre le cinéma et la télévision : le cinéma fournit à la télévision un de ses principaux moteurs d'audience ; la télévision apporte une part déterminante au financement des films, y compris comme co-producteur.

Audition de M. Frank Soloveicik

Président directeur général de M5 S.A., auteur d'un rapport remis à M. Jacques Dondoux, ministre du commerce extérieur, sur l'exportation des contenus audiovisuels et multimédia

Jeudi 24 juin 1999

En introduction, M. Frank Soloveicik a rappelé qu'il était l'auteur de deux rapports consacrés à l'audiovisuel, le premier avait été écrit pour le ministère d'Alain Carignon en 1992, le second à la demande de Jacques Dondoux, actuel ministre du commerce extérieur. Il a remarqué que la question de l'exportation des programmes audiovisuels relevait de compétences transversales au sein du gouvernement.

M. Claude Belot a rappelé son attachement à la présence française à l'étranger, et a remarqué l'incapacité de notre pays à pallier la faiblesse de ce secteur. A titre d'exemple, il a cité la société Expand- productrice du célèbre jeu Fort Boyard- qui réalise 640 millions de francs de chiffre d'affaires à l'exportation, et qui est quasiment la seule en France à le faire.

M. Frank Soloveicik a expliqué que les professionnels français ont longtemps opposé à la noblesse de l'art la vilenie du marché. Ils se posent la question de savoir si le film est une oeuvre ou un simple produit commercial. M. Frank Soloveicik a expliqué, qu'à son avis, le film possède ces deux caractéristiques.

Il a mis en exergue la qualité des moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics afin d'aider le secteur en ce qui concerne le contenu des productions. Il s'est toutefois montré admiratif vis-à-vis de la politique audiovisuelle publique canadienne, qui a permis à sa composante québécoise de préserver son exception culturelle et sa langue. Les Canadiens ont su inventer une vraie industrie audiovisuelle dont la capitalisation boursière est très importante. M. Frank Soloveicik a évoqué le fort développement du multimédia au Canada et le nouveau programme d'aide à l'exportation des programmes mis en oeuvre pour un montant de 200 millions de francs.

M. Frank Soloveicik a ensuite plaidé pour un accroissement des incitations fiscales en France et une politique d'aide aux "start-up", afin de relancer le secteur de la production. Évoquant le compte de soutien, il a indiqué que de telles incitations seraient susceptibles d'entraîner un effet d'aubaine : doté de 40 millions de francs à l'heure actuelle, son montant pourrait s'en trouver multiplié par cinq.

En réponse à M. Claude Belot qui s'interrogeait sur les problèmes posés par les droits d'auteurs lorsqu'un film est vendu à l'étranger, M. Frank Soloveicik a répondu que la circulation des oeuvres pose le problème de la patrimonialité, de l'usufruit et des droits. Les producteurs français manquent d'argent et de ce fait ne peuvent s'approprier leurs droits. Aux Etats-Unis la question ne se pose pas : les producteurs sont automatiquement propriétaires des droits. Un effet pervers ressort de la conception française du droit d'auteur : à force de vouloir protéger les acteurs, les ventes de film à l'étranger s'affaiblissent, et finalement les acteurs ne touchent plus de droits.

M. Frank Soloveicik a également plaidé, dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce, pour une renégociation des droits des distributeurs au Québec. Dans ce pays le distributeur ne peut être étranger.

Puis à la demande de M. Claude Belot , il a évoqué les techniques de traductions et de doublage. Il a indiqué que le Centre national du Cinéma aidait les producteurs dans ces opérations coûteuses. Il a exposé l'intérêt du sous titrage, qui est peu coûteux et permet de conserver à l'oeuvre son authenticité. Quant au doublage, plus onéreux, il se fait partout sauf chez les anglo-saxons. Il a plaidé pour une certaine modestie face aux diffusions, estimant que le passage, à l'étranger, d'un film français sous titré en deuxième partie de soirée est toujours préférable à une absence de passage. Il a estimé que la langue n'était pas un obstacle à la diffusion.

Évoquant ensuite la commercialisation des productions françaises des télévisions publiques, M. Frank Soloveicik a expliqué qu'elles étaient la propriété de l'Institut National de l'Audiovisuel trois ans après leur sortie. Avant ce délai elles restent dans les chaînes, qui s'occupent elles mêmes de leur commercialisation. Il a expliqué que les productions et, que le plus souvent, les programmes faisaient l'objet de coproduction avec des acteurs privés.

Il a ensuite suggéré plusieurs initiatives afin de développer l'exportation de programmes français. Tout d'abord, la Coface pourrait s'investir dans ce domaine et octroyer des prêts ; le ministère des finances pourrait également mieux intégrer l'idée que la rentabilité des biens immatériels a de l'intérêt, et mener dans ce sens ces discussions au sein de l'OMC. L'IFCIC a également besoin d'une réforme afin de rendre plus efficace le fonds dont il est doté. Il a également plaidé en faveur d'un recours au "parterre", comme cela se pratique aux Etats-Unis. Il déploré le manque de formation professionnelle des jeunes dans le métier de la commercialisation des programmes. Afin d'y remédier, il a expliqué qu'un contrat de prospective était en cours de réalisation en partenariat avec les grandes écoles de commerce. Il a également envisagé, dans la perspective de la fin du service national -et donc de la fin du recrutement des Volontaires Service National à l'étranger (VSNE)- un nouveau système de stage pour les jeunes français dans les entreprises audiovisuelles étrangères. Il a enfin regretté le manque de rapports commerciaux entre les Européens, et plaidé pour que se tiennent des Etats généraux de la communication au cours de la prochaine présidence française de l'Union européenne.

Audition de M. Bernard Spitz

Maître des requêtes au Conseil d'Etat
auteur d'un rapport sur la révolution numérique pour la Fondation Saint-Simon

Mardi 21 septembre 1999

M. Bernard Spitz a débuté son exposé en soulignant que la révolution numérique avait eu pour effet de substituer sur le plan économique à la distinction traditionnelle service public-privé celle de services payants - services gratuits.

Face à la numérisation le service public doit choisir entre subir, accompagner ou anticiper. La multiplication des chaînes, rendue possible par la réduction des coûts de diffusion, rend urgente l'élaboration d'une stratégie, notamment pour déterminer si l'on maintient le rôle fédérateur de la télévision publique et si l'on décide de faire payer l'utilisateur ou non pour l'accès à des chaînes thématiques supplémentaires.

A la demande de M. Claude Belot, M. Bernard Spitz a défini la mission de la télévision publique : instrument d'information, de loisir et d'accès à la culture, elle joue le rôle d'éveilleur auprès du grand public. Cette spécificité jointe au fait qu'elle n'est pas assujettie au critère unique de l'audience, plaide en faveur du maintien du service public. M. Bernard Spitz s'est prononcé en faveur d'un schéma regroupant une multiplicité de chaînes dont la programmation serait étroitement coordonnée autour d'un petit noyau de chaînes généralistes, mais il s'est demandé si la France était prête à investir dans sa télévision publique car elle y consacrait moins de moyens que ses voisins.

M. Claude Belot ayant fait état du budget de la BBC équivalent à celui de la télévision française, M. Bernard Spitz a expliqué que la BBC, dont les ressources restaient supérieures, tirait en particulier 25 % de celles-ci de ses propres recettes commerciales, le reste étant composé de recettes publiques, et qu'elle n'avait pas de recettes publicitaires. En réponse à M. Yann Gaillard , M. Bernard Spitz a reconnu que le fait de ne pas du tout dépendre des recettes publicitaires avait une incidence sur la gestion du service public bien qu'il soit ne soit pas réaliste ni légitime au regard de la bonne utilisation de l'argent public d'éliminer totalement le critère de l'audience.

La contradiction de l'audiovisuel en France tenant notamment à l'ambiguïté de son financement, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques pourrait avoir des effets pervers sur la programmation et sur la concurrence. M. Bernard Spitz a ensuite énuméré les problèmes essentiels relatifs au fonctionnement du service public : rôle, identité, périmètre d'action (chaînes généralistes ou thématiques), nature et importance du financement, type de fonctionnement (choix des dirigeants, structuration, organisation, problèmes sociaux, etc.).

Abordant ensuite la question de la redevance dont le système de perception, par les coûts qu'il engendre et le niveau de fraude qu'il tolère, prive le budget de l'audiovisuel public d'environ 1 milliard de francs par an, M. Bernard Spitz a proposé de la collecter systématiquement en liaison avec une perception de recettes déjà existante et d'en exonérer les personnes fournissant une déclaration sur l'honneur. Cette méthode aurait l'avantage de dégager du personnel et des ressources et de réduire la fraude. M. Yann Gaillard a déclaré que la redevance représentait la borne entre le secteur public et privé et, tout comme M. Bernard Spitz , il s'est déclaré favorable à son maintien dans les circonstances actuelles.

M. Claude Belot ayant abordé la question de l'amélioration de la production audiovisuelle publique, M. Bernard Spitz a défendu les télévisions publiques qui sont certes perfectibles, mais qui assurent des programmes nationaux de qualité avec moins de moyens que leurs homologues anglais et allemand.

M. Claude Belot s'étant déclaré inquiet de la concurrence des grands groupes audiovisuels qui s'apprêtent notamment à mettre en oeuvre l'interactivité, M. Bernard Spitz a déclaré que le marché audiovisuel français comportait encore une marge d'accroissement mais que les chaînes généralistes publiques étaient condamnées à se montrer innovantes et attractives sous peine de voir leur part se réduire de plus en plus, alors que les coûts en matière de droits cinématographiques ou sportifs notamment, continuaient leur inflation.

En réponse à M. Claude Belot, M. Bernard Spitz a observé que la révolution numérique impliquait une révision générale de notre réglementation, en particulier s'agissant du système des quotas, dans la perspective de la convergence entre Internet et la diffusion de programmes.

M. Claude Belot s'étant ensuite interrogé sur l'éventualité d'une récession économique et les conséquences qu'elle aurait sur l'audiovisuel public, M. Bernard Spitz a répondu que donner la priorité à ce secteur était une question de volonté politique et que la représentation nationale avait à cet égard un rôle à jouer dans la mise en oeuvre d'une telle stratégie volontariste lors de la discussion du projet de loi de finances.

M. Claude Belot a déclaré qu'il lui semblait que les moyens étaient suffisants mais mal employés. M. Bernard Spitz a reconnu l'existence de dysfonctionnements tout en affirmant qu'ils ne devaient pas servir de prétexte à éluder les choix politiques et la mise en oeuvre d'une réforme en profondeur. La dotation de moyens supplémentaires devait être selon lui la contrepartie d'une modernisation manageriale et d'une adaptation du périmètre d'action de la télévision publique.

M. Claude Belot ayant enfin abordé la question du numérique hertzien et de ses conséquences sur les acteurs du marché de l'audiovisuel, M. Bernard Spitz a répondu qu'il aurait pour effet d'élargir la concurrence, d'où l'importance de la question des conditions d'accès à ce marché à de nouveaux opérateurs éventuels. Il a signalé comme piste de réflexion, ainsi que cela avait été étudié en Angleterre, l'instauration d'une nouvelle redevance basée sur l'utilisation d'un décodeur numérique.

Audition de M. Marc Tessier

Président directeur général de France Télévision

Mardi 14 septembre 1999

En guise de propos introductif, M. Marc Tessier a dressé un bilan satisfaisant de l'audience du service public au cours de l'été. Il a indiqué que la rentrée s'annonçait bien, France 2 ayant devancé TF1 a plusieurs reprises en prime-time.

A l'invitation de M. Claude Belot, M. Marc Tessier s'est exprimé sur l'avenir de la télévision publique. Il a jugé que les mécanismes actuels de financement conduisaient à la marginalisation du secteur public : les budgets étant votés chaque année à l'équilibre, aucun investissement significatif ne peut donc être envisagé.

Il a souligné que TF1 voit ses dépenses d'exploitation et d'investissement croître de 7 à 9 % par an, tandis que le budget de France Télévision, lui, ne progresse que de 3% environ. En effet son budget est calculé par rapport à la croissance de celui de l'Etat, alors que l'évolution du secteur audiovisuel est absolument sans rapport. Cette situation engendre de graves problèmes de gestion : la trésorerie de France 2 est négative de 400 millions.

M. Marc Tessier a expliqué que le renchérissement des droits de retransmission des programmes sportifs absorbait la totalité de l'augmentation allouée par l'Etat. Il a regretté que l'Etat ait refusé de participer à l'augmentation de capital de la société TPS ; France Télévision a dû, de ce fait, se résoudre à voir sa participation passer de 25 à 8%. Manquant de moyens, le service public ne représente que 5 % de l'offre sur le marché des chaînes thématiques, avec des chaînes consacrées à l'histoire, à la musique classique, à la fiction et aux régions.

Il a conclu en observant que la pénurie financière observée ces dernières années, a conduit la télévision publique à n'occuper qu'une position marginale sur le câble et sur le satellite.

Abordant le projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public, M. Marc Tessier a indiqué que la société holding qui pourrait être créée, serait dotée d'un capital, aurait des objectifs de résultat, pourrait financer son développement et aurait la faculté de contracter des emprunts. Il s'est montré satisfait par ce projet.

En réponse à M. Claude Belot qui l'interrogeait sur la publicité, M. Marc Tessier a déclaré que les " tunnels publicitaires " étaient rendus nécessaires par l'interdiction faite au service public de couper les programmes par de la publicité, soulignant qu'on aurait pu faire le choix d'autoriser ces coupures tout en diminuant la durée de la publicité.

Abordant le problème de la diffusion numérique, M. Marc Tessier a développé l'idée d'une complémentarité des dessertes pour France Télévision : diffusion hertzienne sur la plus grande partie du territoire et diffusion satellitaire pour les zones marginales. Après avoir évoqué la question de la participation de France Télévision dans TPS, il a manifesté sa volonté de développer une offre de chaînes majoritairement gratuites sans écarter les offres spécifiques payantes en partenariat. Pour assurer une période de transition M. Marc Tessier a évoqué la possibilité d'un switch-off progressif par zone géographique. Il s'est dit convaincu par ailleurs, que pour la distribution de la télévision, une véritable révolution viendrait de la transmission, à terme, des images par lignes téléphoniques.

Il a indiqué que le développement de la télévision numérique terrestre permettrait au service public d'offrir des programmes locaux, une information et des services encore plus proches des téléspectateurs, et de développer des programmes interactifs.

En conclusion M. Marc Tessier a indiqué que le projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public représentait, sans doute, pour le service public, la dernière chance.

En réponse à M. Yann Gaillard qui l'interrogeait sur les novations attendues en matière de programme, M. Marc Tessier a insisté sur l'importance de l'information dans la grille du service public. Il a indiqué que la régionalisation, au sens large de l'information constituerait la principale nouveauté. Il a ajouté que l'interactivité et la possibilité pour le téléspectateur de choisir l'horaire auquel il souhaite visionner une émission seraient mises en oeuvre. Il a rappelé que les chaînes thématiques de service public trouveraient sans doute leur place au sein de bouquets payants sur le câble ou le satellite.

A M. Claude Belot, il a réaffirmé son intention de promouvoir les chaînes locales en insistant sur le fait que de tels programmes existent déjà sur France 3, de ce fait le service public aura une longueur d'avance sur la concurrence.

I. PROGRAMMES DES DÉPLACEMENTS AU CANADA, À LONDRES ET À RENNES

A. DÉPLACEMENT AU CANADA DU 7 AU 11 JUIN 1999

Personnalités rencontrées

•  Alain MASSE, Attaché audiovisuel à l'Ambassade de France au Canada,

•  Mme Micheline VAILLANCOURT, Directrice générale de Radio Canada,

•  Mme Françoise BERTRAND, Présidente du Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes, (CRTC),

•  M. Paul RACINE, Premier Vice-Président de BCE Média (première entreprise canadienne de communication par satellite),

•  M. Guy GOUGEON, Président de TV5 Québec-Canada,

•  M. Pierre GAGNON, Vice-Président de Vidéotron (deuxième cablo-opérateur canadien),

•  M. Hervé FISCHER, Président du Marché International du Multimédia (MIM),

•  M. Pierre-Luc DUMAS, Directeur général du la Cité du multimédia Montréal,

•  M. André PROVENCHER, Président de TVA International.

B. PROGRAMME DU DÉPLACEMENT À LONDRES LES 1er ET 2 SEPTEMBRE 1999

Mercredi 1 er septembre

. après-midi


. dîner

- ITC (Independant Television Council) : Mr Gary TONGE (Director of Engineering)

- ON DIGITAL : Mr John EGAN (Operations and Strategy Director), accompagné de Mr Marcus IZEKAEL

A la résidence de M. Daniel BERNARD, Ambassadeur de France, en présence de personnalités des médias.

Jeudi 2 septembre

. matin

- British Sky Broadcasting : Mr Ray GALLAGHER (Director of Public Affairs)

. déjeuner

avec M. John WARD (chief of Digital Television Project de la société Castel Tower International

. après-midi

- BBC : Mr Michael GLEAVE (Technical Policy Advisor in New Technologies) accompagné de Mr Wilf WHITE (Senior Policy Advisor)

C. PROGRAMME DU DÉPLACEMENT À RENNES LE 5 OCTOBRE 1999

I. - Centre de la Redevance de Rennes

- Matin

- Présentation du service de la Redevance par Michel GOBBO, Trésorier-Payeur Général, Chef du Service

- Visite du Centre

- Réunion avec les représentants syndicaux du centre

- Déjeuner au restaurant administratif du Centre

II. - Visite des installations de Télédiffusion de France SA

- Après-midi

- Arrivée à l'émetteur de Rennes St-Pern, de TDF

- Présentation de la TV numérique terrestre (les avantages, la chaîne de la valeur, le calendrier de déploiement en France) par M. Marc RENNARD, Directeur général adjoint de Télédiffusion de France SA

- Visite de l'émetteur de Rennes St-Pern

- Démonstrations des services interactifs

II. DONNÉES FINANCIÈRES SUR LE SECTEUR AUDIOVISUEL DEPUIS 1990

(1) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 2 (1990-1998)
(2) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 3 (1990-1998)
(3) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE L'INA (1990-1998)
(4) EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE RADIO FRANCE (1990-1998)
(5) ÉVOLUTION DES RESSOURCES DE LA CHAÎNE ARTE (1993-1999)
(6) ÉVOLUTION DES RESSOURCES DE LA CINQUIÈME (1994-1999)
(7) ÉVOLUTION DU CHIFFRE D'AFFAIRES DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE (1990-1999)
(8) PRESENTATION DU COMPTE ANALYTIQUE CONSOLIDE DE TF 1 (1990-1998)
(9) RECETTES BRUTES DE PUBLICITÉ ET DE PARRAINAGE (1990-1998)

EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 2 (1990-1998)

(en MF)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Ressources publiques

1.314,0

2.502,6

2.532,0

2.509,1

3.011,0

2.640,9

2.613,3

2.404,3

2.478,8

Ressources commerciales

1.733,2

1.674,8

2.111,8

2.145,3

2.490,6

2.575,3

2.797,0

3.008,8

3.028,0

Total ressources

3.047,2

4.177,4

4.643,8

4.654,4

5.501,6

5.216,2

5.410,3

5.413,1

5.506,8

% ressources commerciales sur total ressources

56,88%

40,9%

45,48%

46,09%

45,27%

49,37%

51,70%

55,58%

54,99%

% ressources publiques sur total ressources

43,12%

59,91%

54,52%

53,91%

54,73%

50,63%

48,30%

44,42%

45,01%

% redevance sur total ressources publiques

100,0%

69,50%

90,11%

88,57%

81,21%

94,61%

99,12%

99,11%

93,82%

Charges de personnel

697,0

743,1

664,2

704,7

791,4

748,3

830,2

818,0

903,7

Charges d'exploitation

5.583,2

5.605,7

6.601,8

6.781,3

7.492,2

7.514,3

8.160,8

7.968,5

8.480,3

% charges de personnel sur charges d'exploitation

12,5%

13,3%

10,1%

10,4%

10,6%

10,0%

10,2%

10,3%

10,7%

EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE FRANCE 3 1990-1998

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE L'INA 1990-1998

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES ET DES CHARGES DE RADIO FRANCE 1990-1998

III. LES PERSPECTIVES DE FINANCEMENT DE LA BBC :
RÉSUMÉ DU RAPPORT DE M. G. DAVIES

Extraits du rapport remis le 28 juillet 1999 à M. Chris Smith, secrétaire d'Etat à la Culture au sports et aux médias par le groupe de travail présidé par M. Gavyn Davies.

(Traduction indicative du secrétariat de la Commission des Finances du Sénat)

AVANT PROPOS DU PRÉSIDENT :

UNE MEILLEURE BBC POUR L'ÈRE DU NUMÉRIQUE

Le groupe d'évaluation est parvenu aux conclusions suivantes :

•  la BBC doit conserver un rôle central dans la fourniture du service public de radiodiffusion au cours des premières années de l'ère du numérique, au moins jusqu'à la révision de la charte en 2006 ;

• en vue d'atteindre cet objectif, la BBC aura besoin d'améliorer son offre globale de service tant analogique que numérique de façon sensiblement plus rapide que pendant les années 1990 ;

• l'option pour le statu quo consistant à augmenter la redevance au même rythme que l'inflation après 2001 ne peut, en conséquence, être retenue ;

• la source principale de nouveaux financements pour des services supplémentaires doit être trouvée en " interne " (self-help) sous la forme de gains de productivité, de revenus commerciaux accrus et de ressources de privatisation ;

• la source de financements subsidiaires qui s'élève à environ 150 à 200 millions de livres par an doit provenir d'une augmentation de la redevance ;

• l'augmentation de la redevance principale constitue la voie la plus commode pour ses fonds supplémentaires, mais non la voie la meilleure, dans la mesure où il n'est pas juste de faire supporter aux foyers recevant les programmes analogiques le développement de programmes numériques qu'ils ne peuvent recevoir ;

• la méthode la plus adaptée est de créer un supplément de redevance numérique venant s'ajouter à la redevance principale, supplément qui serait égal en moyenne à 1,57 Livre Sterling par mois pendant sept ans jusqu'en 2006, et qui tomberait à 0,99 Livre Sterling à la fin de la période ;

• le supplément de redevance numérique a besoin d'être géré dans le temps afin de permettre d'anticiper la fin de la diffusion analogique ;

• la BBC doit chercher à obtenir une injection significative de capitaux privés dans BBC Worldwide et doit vendre le plus gros de BBC Ressources ;

• la BBC doit chercher à développer ses services commerciaux, ce qui ne doit pas entrer en conflit avec sa fonction de radiodiffuseur de service public, étant entendu que de nouvelles mesures doivent être mises en oeuvre pour assurer que les règles de la concurrence sont respectées de façon stricte en toute transparence ;

• les règles relatives au régime de faveur en matière de redevance pour les personnes vivant en maison de retraite ou en asile doivent être conservées ;

• un nouveau tarif de la redevance à moitié prix doit être créé pour les aveugles tandis que la BBC doit de façon urgente définir ses objectifs en matière de sous-titrage ;

• le rôle et le mode de financement de la BBC doivent faire l'objet d'une remise à plat radicale au moment où doit être revue la charte, en 2004-2006,

Contexte de l'évaluation

La BBC concerne chacun d'entre nous. A la seule exception, peut-être, du service national de santé, il s'agit de l'organisme qui suscite le plus parmi les citoyens britanniques un sentiment de propriété commune. Nous passons en sa compagnie plus de temps que nous ne le faisons avec aucun autre organisme au cours de notre vie, à part les écoles et les lieux de travail. Nous sommes tous propriétaires d'une fraction de la BBC et nous nous sentons presque personnellement blessés si notre société nous laisse tomber.

Il y a quinze ans, le futur de la BBC était loin d'être assuré. Le climat politique était hostile, le marché de la télévision privée était en expansion, et il était difficile de ne pas avoir le sentiment que la BBC ne nous avait pas laissé tomber. Du fait d'une productivité insuffisante, on assistait au gaspillage de l'argent public. La BBC considérait avec dédain le besoin de dégager des revenus commerciaux. Ses producteurs n'acceptaient pas la nécessaire irruption des forces du marché dans leur fief personnel. C'était la dernière industrie nationalisée à l'abri des réformes. Elle semblait une cible désignée des changements radicaux de type d'inspiration thatcherienne.

Le gouvernement créa la commission Peacock en 1985 avec l'espoir qu'elle se déclarerait en faveur de l'introduction de la publicité sur les écrans de la BBC. Pour le meilleur et pour le pire, le résultat semblait donner raison à la BBC de Lord Reith. Alors, trois phénomènes intervinrent.

Premièrement, Alan Peacock rejeta sagement l'option de l'introduction de la publicité. Il dit que cela aurait déclenché une compétition frontale avec ITV pour les parts d'audience, et que cela aurait été désastreux pour " l'écologie " de la radiodiffusion au Royaume-Uni. A la place, cependant, il annonça que les changements technologiques finiraient par éliminer le problème de la rareté des fréquences, et que la question des déficiences du marché en matière de radiodiffusion allait largement disparaître. En conséquence, il préconisa que la BBC devienne plus dépendante des revenus des abonnements dans un monde caractérisé par une offre abondante. Cette recommandation fut laissée de côté pour des raisons variées, techniques et politiques (bien que cela puisse commodément resurgir comme une option à vingt ans d'intervalle au moment de la définition de la nouvelle charte). Néanmoins, une étape cruciale a été passée -les forces en faveur d'un changement radical se sont atténuées, de telle façon que le statu quo est venu comme un sursis de dernière minute-.

Deuxièmement, les partisans de la BBC se sont redonnés confiance à eux-mêmes. Certains d'entre eux, dans le secteur privé de la télévision, se sont alarmés de la menace que constituait l'introduction de la publicité à la BBC et en conséquence, se sont ralliés au système de la redevance. Mais, plus généralement, le respect et l'attachement du public pour l'organisme se sont révélés fortement enracinés. Il n'y a aucune preuve d'un attachement particulier pour le système de la redevance (en fait c'est l'inverse), mais il n'y a pas non plus de grandes pressions pour un changement. Même Mme Thatcher dont l'irritation à l'encontre de la BBC allait croissante, ne s'est jamais sentie capable de l'emporter sur cette force silencieuse.

Troisièmement, la BBC s'est engagée dans un processus de réforme interne. L'efficacité a été accrue jusqu'à ce qu'elle atteigne des niveaux comparables avec ceux du secteur privé. Des incitations commerciales, soumises à un encadrement très strict ont été mises en place (quoique très lentement) dans l'organisme à travers BBC Worldwide. La BBC conserva ses parts de marché de façon bien plus importante qu'on ne l'avait prévu. Et, avec l'apparition de vents politiques moins hostiles à l'idée de redevance, le statu quo est resté le statu quo. Jusqu'à présent.

La fonction de la redevance

Dans la perspective qui nous a été assignée, il nous a été demandé de supposer que la redevance resterait la principale source de financement de la BBC jusqu'en 2006, et de rechercher les voies de développer ce financement pour le service public à partir d'autres sources. Cette tâche est clairement définie, mais tel que les choses se sont présentées, nous n'aurions pas souhaité, en tout état de cause, recommander de changements radicaux dans la conception de la redevance. Nous avons pris en considération un certain nombre d'options pour le financement de la BBC au regard d'un vaste ensemble de critères -comprenant l'accès, l'universalité, la qualité du service, la diversité, la loyauté, le choix et la transparence-. Nous n'avons pas été convaincus de ce qu'aucune des alternatives les plus évidentes à la redevance était sensiblement supérieure du point de vue de ces critères. Evidemment, une de nos principales recommandations - un supplément numérique à la redevance actuelle - s'appuie nettement sur la tradition britannique d'un aménagement de la redevance de façon à ce que ceux qui bénéficient de la nouvelle technologie soient aussi ceux qui en supportent l'essentiel des coûts de développement. Nous espérons que cela permette à la BBC de faire face au service public de radiodiffusion sur de nouvelles plates-formes jusqu'en 2006, sans préjuger les décisions importantes qui devront être prises alors.

Le futur à long terme de la redevance appartient au processus de révision de la charte et nous croyons qu'il serait prématuré, étant donné le rythme des changements technologiques en matière de radiodiffusion à l'heure actuelle, de se précipiter pour former un jugement définitif dès maintenant. Néanmoins, nous dressons au chapitre 5 les raisons pour lesquelles nous pensons que le principe de la redevance puisse après la révision de la charte rester plus justifiée que beaucoup de personnes ne le pensent actuellement.

Le fait que nous recommandions d'accorder des ressources additionnelles à la BBC pour les sept prochaines années suppose que nous pensons que cet organisme le mérite. C'est effectivement le cas bien que, en contrepartie, nous proposions des mesures pour s'assurer que la BBC maintienne et accélère le rythme des réformes atteint dans les années 1990. Nous croyons que la BBC continue à être incitée à compter sur ses propres forces, qu'il s'agisse de gains de productivité ou de ressources commerciales supplémentaires. Nous croyons que le BBC doit devenir plus transparente et plus responsable devant les usagers et que la régulation de ces engagements en matière de concurrence doive être renforcée. Oui, nous croyons que certaines parties de la BBC - par exemple le plus gros de BBC ressources - doive être privatisé et que BBC World Wide doit bénéficier d'une injection de capitaux privés.

La direction actuelle de la BBC va sans doute manifester son opposition à ces recommandations et sera déçue que nous ayons rejeté l'essentiel des demandes ambitieuses de la BBC pour des financements supplémentaires. Mais, un des principes de base de notre analyse a été que, tandis que la redevance est une bonne manière de financer le secteur public de radiodiffusion, elle est un très mauvais moyen de lever l'impôt. Et, à la seule exception de la recommandation relative aux aveugles, nous avons rejoint les conclusions d'un certain nombre de commissions antérieures dans leur incapacité à identifier des voies permettant de rendre le système sensiblement plus juste. Le système actuel des tarifs de faveur pour ceux qui vivent en asile ou en maison de retraite présente un certain nombre d'inconvénients évidents, et en particulier un système arbitraire résultant du fait que les personnes payant la redevance sont parfois plus pauvres que celles qui bénéficient de régime de faveur, mais globalement, nous sommes persuadés que l'aménagement progressif de ce régime serait en lui-même un changement régressif.

Nous nous trouvons face à une exigence contradictoire. Il nous a été demandé de supposer le maintien de la redevance, et en tout état de cause, nous sommes d'accord pour considérer qu'il s'agit du meilleur moyen de financer la BBC, mais il est important de ne pas faire dépendre un changement sur une charge régressive qui pèse le plus lourdement sur ceux qui ont les plus bas revenus sur notre société. Nous avons géré cette contradiction de deux manières :

en suggérant un supplément numérique à la redevance, nous respectons le principe qu'il est juste de faire payer seulement ceux qui bénéficient des nouveaux services numériques de la BBC ;

plutôt que de financer le montant maximum de ce que la BBC peut dépenser de façon utile (un montant presque sans limite), nous nous contentons de financer le niveau minimum de production de la BBC qui se révèle nécessaire pour maintenir la masse critique de service critique de radiodiffusion nécessaire dans un environnement de marché mouvant : suffisance sans excès a été notre maître mot.

Définir ce minimum n'est pas tâche facile, cela relève plus de l'art que de la science. En décidant de l'importance des nouvelles activités de la BBC à financer, nous avons dû nous attaquer à une série de questions : le rôle du secteur public de radiodiffusion, l'impact des changements technologiques, les besoins financiers de la BBC pour s'acquitter de son rôle de service public dans un monde en mutation, des résultats récents de la BBC, les possibilités pour la BBC de trouver des ressources en interne et les perspectives de financement externe. Une bonne partie de notre rapport concerne ces questions, mais il est utile d'en résumer les grandes lignes ici.

La place du secteur public de radiodiffusion

Un certain nombre de personnes interrogées par le groupe d'évaluation ont dit très logiquement que nous ne pouvions pas décider du montant des financements dont la BBC a besoin, sans avoir au préalable tenté de définir ce que la BBC doit faire. Ils ont ajouté incidemment que cela impliquerait à la limite que l'on donne une nouvelle définition du service public de radiodiffusion.

Nous ne nous sommes pas donné des objectifs aussi ambitieux pour les six mois qui nous étaient laissés.

Quand nous nous sommes efforcés de donner une définition du service public de télédiffusion, nous avons spontanément vu surgir des mots très familiers : information, éducation, élargissement des horizons, impartialité, indépendance, accès universel, forfaitisation, traitement des minorités, absence de motivation commerciale, etc... Nous avons décidé que nous n'étions peut-être pas capables de proposer une définition du service public de télédiffusion, mais nous avons tous néanmoins considéré que nous étions capables de le reconnaître lorsque nous étions en face de lui. Non seulement nous partageons la conception de base de ce qu'il signifie, mais encore, nous pensons que cela devrait être le cas de la plupart des gens, probablement de la majorité de la population.

En voici les grandes lignes :

le premier principe est que tandis que la BBC est un diffuseur du secteur public, cela ne signifie pas que tout ce qu'il fait appartient au service public de télédiffusion. Cela signifie encore moins que la production des autres diffuseurs sort de la définition du service public. Pour justifier le maintien de la BBC comme le bénéficiaire d'un prélèvement obligatoire universel, nous avons besoin de supposer à la fois qu'une large part de l'activité de l'organisme relève du service public, mais aussi, que, en aucune façon, se soit le cas de ce qui est produit par le secteur privé ;

le second principe est qu'il doit y avoir une forme de déficience du marché à la base du concept du secteur public de télédiffusion. Au delà du recours au leitmotiv que le secteur public de télédiffusion doit "informer, éduquer et divertir", nous devons ajouter "informer, éduquer et divertir" d'une manière telle que le secteur privé ne le ferait pas spontanément. En d'autres termes, pourquoi ne pas laisser ce domaine entièrement au secteur privé ?

le troisième principe est que, en vue de croire en une " grande " BBC, nous devons reconnaître que la combinaison d'un secteur privé mu par le profit et des interventions régulatrices, n'est pas suffisante pour pallier les insuffisances du marché et nous offrir ce que nous voulons. Après tout, la présence d'éléments de service publics, sur ITI et le succès de Channel Four, montrent qu'une partie du service public peut être fournie par le secteur privé. Afin de justifier le maintien d'une organisation coûteuse affectée au service public télévisuel, nous devons recevoir la preuve que la régulation du secteur privé n'est pas suffisante en elle-même.

Le groupe de travail a considéré de façon unanime que l'adoption de ces trois principes, aujourd'hui, plaide en faveur d'un large secteur public comme la BBC sur le marché britannique. Ce qui est mis sur le marché de la télédiffusion semble largement satisfaisant. Nous avons été mis en garde plusieurs fois par les personnes entendues contre la tentation de prétendre que le Royaume-Uni a la meilleure télévision du monde, mais nous prétendons simplement qu'il a la meilleure télévision du monde pour le public britannique. Cela peut paraître ne pas vouloir dire grand chose, mais, dès lors que l'alternative pourrait d'être d'importer encore plus de programmes américains faits pour les goûts américains, cela est probablement un argument en faveur de la structure actuelle. Le groupe voudrait même aller plus loin en disant, que, en l'état actuel de la technologie, il serait très risqué d'essayer de se passer d'une " grande " BBC, étant donné que celle-ci s'est montrée capable d'agir dans le sens de l'amélioration sur l'ensemble des comportements de marché ("l'écologie" audiovisuelle).

Mais la question-clé pour la prochaine décennie est d'essayer de savoir si cette situation va se maintenir dans le nouvel environnement. Si nous pensons qu'elle va se maintenir -ou même qu'elle pourrait le faire- alors il y a des raisons de trouver des financements suffisants pour permettre à la BBC de poursuivre, au moyen des nouvelles technologies ses objectifs à longs termes.

La quatrième révolution audiovisuelle

Au coeur de l'argumentation de la BBC pour un financement supplémentaire, il y a le fait que l'organisme se trouve actuellement à un carrefour. Soit la BBC reçoit des fonds supplémentaires pour lui permettre d'être compétitive dans l'arène numérique, soit elle est en fait condamnée à la mort lente, enfermé dans des technologies déclinantes. Au cours de notre travail, on nous a exposé maints exemples de cas où la technologie va changer, pour presque tout le monde son expérience de l'audiovisuel. Il est frappant, cependant, que le public est presque totalement inconscient des changements qui l'attendent.

La télévision numérique, même dans son état actuel relativement primitif, n'est pas bien comprise par la plupart des acheteurs potentiels, ce qui explique pourquoi le décodage des nouveaux moyens de transmission s'est révélé initialement plutôt lent.

Lorsque cela est compris, le changement est perçu comme un moyen d'accéder à de nouvelles chaînes dont le contenu est incertain. Les gens sont de plus en plus conscients de ce que la qualité de l'image et du son va s'améliorer avec les technologies numériques et ne sont que faiblement conscients que l'écran large pourrait représenter une amélioration significative des services rendus aux téléspectateurs.

Mais, nous avons quelques doutes quant à la perception par les utilisateurs des pleines possibilités des technologies numériques : nombre illimité de chaînes, plein accès aux archives de programmes, création de chaînes virtuelles correspondant aux goûts individuels, portabilité totale des équipements, convergence entre Internet et la télévision, convergence entre ceux-ci et les communications personnelles, interactivité entre les foyers, les fabricants de programmes et les fournisseurs commerciaux de toutes sortes de biens de consommation, enfin entre myriades de nouveaux services qui ne sont qu'à peine esquissés dans la tête de leurs inventeurs. Ceci définit, sans aucun doute, une quatrième révolution audiovisuelle, qui viendrait après l'invention de la radio, celle de la télévision et l'apparition de la couleur. Il y a toujours une fraction importante de la population qui croit que tout le battage relatif au monde numérique se révélera surfait et que ces derniers progrès connaîtront le même sort que le son en quadriphonie. Ceux-là ont de façon écrasante toutes les chances d'avoir tort. Bien évidemment, cette quatrième révolution audiovisuelle pourrait être aussi profonde que les trois qui l'ont précédée, ne serait-ce que parce que l'on est loin de ce que nous définissons actuellement comme étant de la télédiffusion.

Dans leurs témoignages, les représentants de la BBC ont émis l'hypothèse qu'une famille moyenne serait en mesure dans les années 2010 d'utiliser " leur poste de télévision " pour effectuer les opérations suivantes le même jour :

- autoriser les enfants à regarder au petit-déjeuner des programmes pour enfants choisis par les parents et stockés dans les décodeurs (set top box) ;

- regarder une émission de cuisine de Delia Smith au milieu de la matinée, commander et se faire livrer tous les ingrédients nécessaires à la réalisation d'un menu par un simple " clic " sur la télécommande ;

- consulter le site Internet du médecin de famille à propos d'une maladie persistante et obtenir des médicaments d'une pharmacie " en ligne " ;

- participer à une liaison en direct avec la réception organisée pour le 70 ème anniversaire de Grand-Mère en Australie ;

- rattraper les derniers épisodes de son feuilleton favori dans le train ;

- rentrer à la maison et y trouver un courrier électronique lui rappelant qu'il peut télédécharger et regarder le dernier épisode de l'émission favorite de la famille sur la vie sauvage ;

- aider les enfants à réviser leurs examens grâce à une série historique pleinement interactive disponible grâce à BBC Knowledge ;

- regarder le match Southampton/Manchester United avec paiement à la séance en décidant exactement où on serait assis dans le stade virtuel et se repasser le but de la victoire de Southampton à volonté à partir de 8 angles différents.

Le groupe de travail diverge, comme sans doute le reste de notre société, sur le point de savoir si cette vision du futur est vraiment séduisante. Une partie du groupe pense que cela correspond à un monde fragmenté ayant perdu ses valeurs communautaires et sérieusement dépourvu de cette force unificatrice que les réseaux de télévision ont exercée sur nos vies depuis les années 1950. Le groupe a regretté le fait que chaque membre de la famille ait bientôt son propre poste de télévision ou ordinateur personnel pour en user conformément selon son moindre caprice. D'autres pensent que cela constitue un retour heureux à l'âge de l'avant-télévision, c'est-à-dire à un moment où l'on était forcé de s'appuyer sur ses propres capacités de divertissement dans une bien plus large mesure qu'aujourd'hui. L'un d'entre nous a fait savoir que tout irait pour le mieux aussi longtemps que Southampton battrait véritablement Manchester United. Mais, quoique nous pensions de la désirabilité de ce nouveau monde, nous nous rejoignions pour estimer qu'il approchait de nous avec un élan irrésistible.

La technologie procède par bonds, et nous nous trouvons clairement à l'heure actuelle au milieu d'un de ces bonds. Les efforts faits antérieurement pour anticiper les effets de tels sauts ne nous encouragent pas à être dogmatiques sur les conséquences qui en résultent. Mais, nous pensons vraiment que d'ici à 10 ans, la société britannique se trouvera en suspension instable dans quelque chose que nous appelons " le monde 80/80 ". Nous avons besoin d'esquisser les grandes lignes de ce monde avant de décider quel rôle la BBC peut y tenir.

Le monde 80/80

Il y a dix ans, presque tous les foyers étaient égaux sur le plan audiovisuel. Virtuellement, presque tout le monde avait accès à 4 chaînes de télévision, et c'était tout. Aujourd'hui, près de 30 % des foyers ont accès à un nombre important de chaînes par le câble et le satellite et il se fait jour déjà un large ressentiment parmi une majorité de la population britannique qui ne peut accéder en direct à de nombreux événements sportifs y compris le championnat de première division et ne peut pas regarder des films de premier choix. Un choix plus vaste a été un progrès considérable, mais seulement pour une minorité de la population. La majorité des gens ont probablement moins de choix pour certains types de programmes cruciaux qu'ils n'en avaient, il y a dix ans. Avec l'élargissement du choix, on assiste à une plus grande inégalité des expériences. De façon surprenante, cela semble avoir été accepté avec une grande sérénité par ceux qui ont perdu.

Dans une dizaine d'années, il est probable que les foyers se répartiront entre différents états technologiques comme le montre l'encadré de la page suivante.

L'inégalité deviendra une question beaucoup plus complexe qu'elle ne l'est aujourd'hui. Un certain nombre de personnes vont bénéficier massivement d'un choix accru, tandis que d'autres vont ressentir de façon aiguë qu'elles en sont exclues. Finalement, au fur et à mesure que s'accroîtra le revenu national, presque tout le monde pourra accéder à la nouvelle technologie tout comme aujourd'hui, chacun bénéficie de la télévision couleur ; mais, il se pourrait qu'intervienne une période de transition inconfortable au cours de laquelle certaines personnes souffriront d'une détérioration de leur pratique audiovisuelle. La BBC a un rôle important et continu dans le traitement de ces questions.

Il est évident qu'il n'y aura pas deux foyers qui se trouveront dans la même situation durant cette période de transition. Néanmoins, il est utile de caractériser le monde multiple des années 2010 de la façon suivante :

- 80 % de la population pourrait bien accéder, à leur domicile ou au bureau, au média numérique et/ou aux immenses archives télévisuelles à travers Internet. Ils feront partie en conséquence du monde numérique,

- 80 % de la population pourrait continuer à regarder les chaînes hertziennes à partir de postes de télévision répartis chez eux. Ils feront partie en conséquence du monde analogique.

Il y aura une large proportion de la population qui n'occupera ni l'ancien ni le nouveau monde. Elle occupera les deux.

La révolution numérique

L'environnement complètement numérique va comprendre de multiples services, appareils et chaînes de distribution. Aujourd'hui, les guides de programmes électroniques, les appareils de recherche et les guides Internet vont probablement converger pour créer des navigateurs média très souples capables de permettre d'accéder à tous les types de contenus. La révolution digitale va probablement se dérouler en trois étapes caractérisées par la technologie et le degré de fonctionnalité :

Phase 1 : des décodeurs comportant plus de 200 chaînes numériques. Mise à disposition croissante des écrans larges 16/9 ème , quelques services de quasi-videos à la demande et autres services interactifs. Téléchargement de vidéo de faible qualité.

Phase 2 : décodeurs de la nouvelle génération permettant le stockage et offrant une voie de retour, amélioration des services interactifs et de l'accès aux archives, bonne qualité des vidéos téléchargeables.

Phase 3 : pleine convergence de la télévision numérique et des appareils Internet avec des navigateurs média intégrés. Pleine portabilité et mobilité, interactivité totale et plein accès aux archives.

La BBC estime que la pénétration de ces nouvelles technologies peut être illustrée par le tableau ci-dessous, un démarrage progressif des nouveaux services suppose que peut-être aux alentours de 2008, les foyers seront séparés en groupes ayant accès à différents niveaux de fonctionnalité numérique.

Si le potentiel de la révolution numérique n'est pas contestable, il est important de se rappeler que la télévision numérique reste une industrie naissante. Il y a une grande incertitude au sujet de la vitesse de la révolution numérique. Depuis que l'on met sur le marché des décodeurs numériques " gratuits ", on dit que B Sky B a peut être gagné 60.000 abonnés tandis que ON Digital a trouvé 40.000 nouveaux clients par semaine. Le nombre des abonnés actuels se situe aux environ de 1,2 million mais beaucoup de consommateurs restent embarrassés et dans l'ignorance de ce que la télévision numérique leur apporte.

En terme de bouquets de télévision numérique, il y aura quatre types différents d'utilisateurs simultanément. On s'attend à ce que le démarrage soit plus fort pour le satellite, particulièrement du fait qu'un nombre d'utilisateurs passeront de l'analogique au numérique.

Cela fait de la fin de la diffusion analogique un problème politique. Mais il est important que ce problème soit résolu, étant donné qu'il est économiquement souhaitable de libérer cette partie du spectre hertzien qui est actuellement utilisé pour la diffusion des chaînes analogiques. Même si ce spectre s'avère d'une valeur limitée pour le Gouvernement en cas de mise aux enchères, ce qu'on ne peut pas savoir à l'heure actuelle, le Royaume-Uni ne peut vouloir rester en arrière des autres pays de l'Union européenne lorsqu'ils rendront le spectre disponible pour de nouveaux usages économiques. En conséquence, nous avons établi nos recommandations de façon à ce qu'elles n'entrent pas en conflit en aucune manière avec la possibilité d'une fin de la diffusion analogique dans à peu près dix ans. Seules des petites modifications à ce plan seraient nécessaires si l'on souhaitait avancer cette date.

Après la fin de la diffusion analogique, chacun aura accès au service numérique, mais la principale caractéristique de ce paysage audiovisuel 80/80 devrait encore persister : 80 % de la population serait économiquement et informatiquement capable de tirer avantage de larges strates de la nouvelle technologie, tandis que 80 % de cette population continuera de regarder les chaînes traditionnelles pendant de longs moments chaque semaine. C'est une question non tranchée de savoir si les chaînes hertziennes traditionnelles occuperont une plus ou moins grande place qu'actuellement dans un paysage audiovisuel "80/80". D'un côté, ces chaînes seront regardées beaucoup moins chaque semaine qu'elles ne le sont aujourd'hui. De l'autre, elles resteront le seul moyen de rendre accessible une large audience aux fournisseurs de programmes publicitaires, hommes politiques ou acteurs du monde du sport.

Qu'est-ce que tout cela signifie pour le rôle présent et futur de la BBC ? Nous croyons qu'il est tout à fait concevable que le paysage audiovisuel évolue dans la direction envisagée par le rapport PEACOCK, avec suffisamment de personnes en mesure d'accéder et de payer pour un nombre suffisant de programmes ou de chaînes de telle façon à ce que la radiodiffusion fonctionne d'une manière raisonnablement proche d'un marché parfait.

Si le marché de la radiodiffusion fonctionnait un jour dans des conditions assez proches du marché du livre, il deviendrait plus douteux que la BBC et la redevance puissent continuer à se justifier sous leur forme actuelle. Ceci fait naturellement partie des sujets à examiner lors de la révision de la charte.

Cependant, pour le moment, nous voudrions préciser les points suivants :

Nous ne sommes pas encore dans un paysage audiovisuel "80/80". A l'heure actuelle, il s'agit plutôt d'un paysage audiovisuel "5/100", c'est à dire - un monde dans lequel il y a 5 usagers numériques, pour 100 usagers en mode analogique - qui reste dominé par les grandes chaînes hertziennes. En conséquence, rien n'a vraiment encore changé. Les arguments d'une déficience des mécanismes du marché en matière de télédiffusion continuent d'être valables ;

Mais lorsque nous entrerons dans le paysage audiovisuel "80/80", 20 % de la population restera piégé dans un état qui ne différera pas de la situation actuelle, tandis que 80 % sera encore en mesure d'accéder à une grande quantité d'émissions comme ils le font encore aujourd'hui. C'est pourquoi le problème actuel du mécanisme de la faillite des marchés persistera : même lorsque nous serons dans un paysage audiovisuel "100/0", en faveur des nouvelles technologies, il sera tout à fait discutable de savoir si toutes les causes d'imperfections du marché vont disparaître de la façon attendue par le rapport PEACOCK. L'annexe 8 expose en détail lesquelles des imperfections du marché vont devenir encore plus flagrantes et lesquelles vont s'atténuer dans le nouveau paysage audiovisuel.

Le résultat de ces arguments est qu'il y a toujours de bonnes raisons de croire que le rôle traditionnel de la BBC se justifie dans l'état actuel du marché de la télédiffusion. En outre, ce rôle a toutes les chances de se justifier au cours de la transition que l'on va connaître dans 10 ans. Même dans 25 ans, le marché peut se développer de telle façon que la BBC reste nécessaire bien que nous soyons plus sceptiques sur ce point. Ce qu'il nous a semblé clair, c'est qu'il serait prématuré de suggérer des changements majeurs dans le rôle de la BBC, et que -si nous souhaitons faire le choix de permettre à la BBC de continuer à agir dans le nouveau paysage audiovisuel jusqu'à un futur indéfini - nous avons besoin de nous donner les moyens de développer la plate-forme numérique aujourd'hui.

La BBC au régime

La BBC a, bien sûr, déjà dépensé beaucoup d'argent pour la diffusion numérique et sur Internet ; environ 10 Livres Sterling sont prélevées sur la redevance actuelle pour le financement des nouveaux médias. Cela a donné à cet organisme la possibilité de mettre un pied dans la télévision numérique et dans les sites Internet, mais il doit être dit qu'une partie de l'offre numérique de la BBC était composée d'émissions rediffusées et que cette offre a eu pour conséquence de distraire des fonds vitaux pour des services analogiques qui en ont subi des conséquences néfastes. Tout cela s'est passé parce que la BBC a été mise à un strict régime budgétaire depuis de nombreuses années. Au cours des années 1990, les ressources de la redevance de la BBC ont crû de seulement 1 % par an, tandis que le revenu du secteur privé a augmenté à peu près 10 fois plus vite. Il faut admettre que la croissance du secteur privé résulte presque entièrement de services accessibles sur abonnement, alors que ITV ne témoigne que peu ou pas de croissance relativement à la BBC. Cela est significatif, dès lors que ITV reste, et de loin, le concurrent le plus important de la BBC.

Néanmoins, la BBC a été nettement mise sous pression, lorsque la croissance de ses revenus a faibli (heureusement que la diffusion presque complète de la télévision couleur a permis le basculement presque complet de la redevance noir et blanc moins chère vers la redevance couleur), tandis que la souscription d'abonnements a crû rapidement. En conséquence de quoi, les redevances de la BBC exprimées en pourcentage du revenu de télévisions privées est tombé de 42 % en 1993, a 31 % en 1998. La croissance du revenu pour les 7 prochaines années serait de 0,45 % par an, avant de prendre en compte une amélioration des méthodes de collecte. Pendant ce temps, des revenus du secteur privés vont probablement augmenter à un taux compris entre 4,5 et 7 % par an. Cela signifie que la part de la BBC dans les ressources du marché de la télédiffusion pourrait tomber à a peu près 20 % aux alentours de 2008.

Bien sûr, un certain nombre de régimes peuvent être bons pour la santé, et celui que la BBC a dû suivre, a eu pour conséquence de rendre l'organisme actuel plus maigre et en meilleure forme que celui existant il y a 10 ans. Les gains de productivité se sont maintenus au taux annuel remarquable de 8 à 10 % par an par rapport aux coûts de référence pendant plusieurs années. L'organisme est aussi parvenu à préserver la valeur du nom de BBC d'une façon que beaucoup de sociétés privées pourraient envier. Bien sûr, il nous a été signalé pendant nos auditions que les trois lettres "BBC" constituent l'une des marques britanniques les plus respectées. Son impact est tout à fait extraordinaire, par exemple, il nous a été dit que celui-ci est nettement plus important sur une base hebdomadaire que celui dont bénéficient annuellement des marque comme Heinz, Kellogs, et Coca-Cola. Au surplus, la BBC est parvenue à maintenir sa part d'audience dans une bien plus large mesure que ce à quoi l'on s'attendait il y a quelques années.

Il est difficile de ne pas suspecter que cela a été rendu possible en rendant plus médiocre ou en rabaissant le niveau du produit : un processus dont la BBC nous a assuré qu'il serait aujourd'hui inversé. Néanmoins, notre sondage d'opinion témoigne de ce que le consommateur est tout à fait satisfait de la BBC et que cet organisme continue d'être perçu comme étant particulièrement bon pour offrir des émissions de télévision relevant nettement du service public : en particulier les grands événements de l'information, de l'éducation et tout ce qui s'en rapproche. De façon encourageante, la BBC n'est pas considérée comme étant particulièrement bonne pour les " talk-shows " et les jeux , qui sont des genres d'émissions pour lesquelles le secteur privé est efficace. Il est tout à fait extraordinaire que les deux tiers des élèves de l'enseignement secondaire ont utilisé le site Internet de la BBC pour effectuer leurs révisions l'année dernière.

Jusqu'à présent, le régime auquel a été soumise la BBC a été réussi. Mais, des régimes peuvent aussi être poussés trop loin et la BBC croit que celui qu'on lui a infligé a commencé à réduire la force musculaire de l'organisme.

La vision de son avenir par la BBC

La BBC a exposé devant un groupe de travail un ensemble de propositions passionnantes pour développer de nouveaux services numériques. Il est tout à fait fondé de croire que ces services constitueraient nettement un accroissement significatif de l'offre de service public audiovisuel au Royaume-Uni. Mais, le coût et une question clé. La mise en oeuvre de ce que la BBC veut faire pour 2006 implique une augmentation de l'offre de programmes de 57 % sur huit ans, soit une croissance d'environ 5 % des dépenses de 1998 à 2006. A la fin de cette période, la BBC devrait dépenser environ 700 millions de Livres Sterling dans les services numériques qui viendraient s'ajouter aux 200 millions de Livres Sterling déjà dépensés actuellement. Afin de rendre cet objectif possible, le groupe de travail devrait proposer des mesures destinées à augmenter les ressources de la BBC d'environ 650 millions de Livres Sterling en 2006.

La question est de savoir si le gain attendu vaut l'effort financier. Même avec une part de marché de 30 %, la BBC devrait être encore l'acteur le plus important au Royaume-Uni. Et le choix d'un accroissement des ressources de redevance, sous toutes ses formes envisageables, est une option coûteuse. La redevance est une charge régressive, dès lors que le consommateur n'a pas le véritable choix en ce qui concerne l'importance des services que lui fournit la BBC. Dans ces circonstances, nous ne nous croyons pas fondés à demander à ceux qui paient la redevance de supporter des coûts supplémentaires, sauf si nous sommes absolument convaincus que cela est nécessaire pour maintenir une saine " écologie-audiovisuelle " au Royaume-Uni.

Bien sûr, transformer ces principes en chiffres précis demande réflexion. Après des débats approfondis, le groupe de travail ne s'est pas trouvé convaincu par les arguments développés par la BBC pour justifier sa demande de financement de 650 millions de Livres Sterling pour 2006. Pour les raisons énoncées au chapitre I, il a considéré qu'un plan raisonnable serait de mettre en oeuvre des mesures permettant d'accroître les ressources de la BBC d'un montant de l'ordre de 150 à 200 millions de Livres Sterling par an entre 2002 et 2006. Cela correspond à une croissance réelle des revenus de la BBC de l'ordre de 2 à 2,5 % par an, ce qui correspond à peu près à celle du produit national brut. La dépense pourrait croître en termes réels d'environ 3,5 % par an, la différence étant fournie par des gains de productivité et d'autres formes de ressources internes.

Notre recommandation devrait permettre de financer un tiers ou un tout petit peu moins de l'augmentation annuelle de la dépense que la BBC a proposée, pour les dernières années de la période couverte par la charte actuelle, mais cette proportion serait plus importante les années suivantes. Nous croyons que cela sera suffisant pour permettre à la BBC à la fois d'améliorer la qualité des services existants et d'investir dans la numérique, mais cela veut aussi dire que la BBC aura à hiérarchiser ses activités numériques et ne pas chercher automatiquement à se développer dans tous les nouveaux domaines. Cela veut aussi dire que des gains accrus de productivité et de ressources commerciales seront nécessaires si la BBC veut réaliser pleinement ses objectifs.

Les choix pour un financement supplémentaire.

En principe, il serait possible d'engendrer les revenus nécessaires en faisant évoluer la BBC vers un comportement plus proche de celui d'un diffuseur commercial, par exemple, en lui permettant de trouver des ressources de publicité, de parrainage ou des abonnements. Mais, chacun de ces moyens d'action pourrait soit porter atteinte à la BBC comme diffuseur de service public soit entraîner une compétition frontale indésirable avec les diffuseurs privés, voire les deux. Comme cela est expliqué au chapitre II, nous pensons que ces options seraient tout à fait préjudiciables à " l'écologie audiovisuelle " au Royaume-Uni.

Cela laisse deux voies possibles : un accroissement de la redevance de base ou la création d'un supplément numérique. Nous préférons l'une ou l'autre de ces options à celle du statu quo qui consisterait à ne rien faire. Cependant, en contrepartie, nous pensons qu'un supplément numérique à la redevance a de nets avantages sur l'augmentation de la redevance de base et s'accorde mieux avec la tradition britannique d'introduction de nouvelles technologies sur le marché.

Un supplément numérique à la redevance aurait une série d'avantages déterminants :

- cela prolongerait la pratique bien établie selon laquelle les gens doivent payer plus lorsqu'il y a un changement majeur dans les capacités techniques de leur récepteur : introduction de la télévision et, plus tard, apparition d'un tarif pour la couleur ;

- cela réduirait le mécontentement de tous ceux qui n'ont pas encore adopté les technologies numériques du fait que seulement 10 % de la redevance sont consacrés à des services dont ils ne bénéficient pas ;

- cela offrirait une source de revenus dynamique à la BBC au fur et à mesure du démarrage du numérique ;

- enfin, après la décision initiale du Gouvernement, cela soustrairait la redevance aux controverses politiques pour un certain nombre d'années à venir.

De l'autre côté, un certain nombre d'inconvénients doivent être soupesés :

- il y aura des inquiétudes parmi les opérateurs de bouquets, On digital BSkyB et les autres, de ce qu'une redevance plus élevée pour les télévisions numériques puissent entraver le démarrage de la diffusion numérique ;

- cela renforcerait la difficulté du passage au numérique pour les plus démunis ;

- on peut avoir des difficultés d'application, en particulier lorsqu'un certain nombre de postes numériques étaient déjà utilisés avant l'introduction du supplément à la redevance ; cela ferait peser une incertitude sur les recettes de la BBC qui dépendraient du taux de pénétration du numérique.

Le principal argument contre un supplément numérique à la redevance est constitué par ses effets dissuasifs sur le démarrage des technologies numériques. Il ne serait pas raisonnable de prétendre que cet effet n'existe pas, mais, au niveau où se place le groupe, nous ne croyons pas que les effets néfastes -mesurés sur une certaine période de temps- seront importants. Cela apparaît d'autant plus le cas que la BBC sera fortement motivée à développer une diffusion rapide du numérique. Nous avons examiné les arguments avancés par toutes les parties et nous n'envisagerions pas de recommander cette voie si le freinage du démarrage du numérique était apparu être probablement substantiel. Un supplément à la redevance n'étouffera pas plus la révolution numérique comme le tarif couleur a empêché la diffusion des postes de télévision couleur.

L'ensemble de mesures spécifiques que nous proposons a été étudié pour éviter de susciter des problèmes au moment de la fin de la diffusion analogique, dans la mesure où ce supplément est graduellement éliminé pour 2010. Par conséquent :

- un supplément numérique à la redevance de 1,99 Livre Sterling par mois devrait être introduit à partir d'avril 2000. Ce supplément devrait être réduit à 0,99 Livre Sterling par mois en avril 2006 et disparaîtrait progressivement pour 2010 ;

- cela veut dire que le montant total de la redevance demandé aux usagers de la télévision numérique resterait à peu près stable au niveau de 126/128 Livres Sterling par an en terme nominal pendant toute la période jusqu'en 2006 (à supposer que le Gouvernement respecte son objectif d'inflation de 2,5 % par an) ;

- la redevance analogique suivrait un chemin de croissance inchangé par rapport à la tendance actuelle : elle connaîtrait une croissance réelle de 3,5 % au cours des deux prochaines années et par la suite elle augmenterait au même rythme que l'inflation ;

- il résulterait de tout cela qua la redevance analogique augmenterait progressivement pour arriver au niveau de la redevance numérique au fur et à mesure que l'on s'approcherait de la date de fin de diffusion analogique.

Cette option a d'énormes avantages :

- le supplément moyen de redevance numérique serait sur l'ensemble de la période de 1,57 Livre Sterling par mois, étant entendu que les gens sauraient que ce supplément tomberait à seulement 0,99 Livre Sterling à la fin de la période. Nous sommes persuadés que cela ne constitue pas un frein important au démarrage du numérique ;

- la parité entre la redevance analogique et la redevance numérique serait obtenue en 2010. Si le Gouvernement désirait avancer la date de la fin de la diffusion analogique, il serait facile d'ajuster soit la redevance analogique à la hausse soit la redevance numérique à la baisse pour réaliser une parité anticipée ;

- à la différence de l'option consistant à augmenter uniformément la redevance, il n'y a pas là d'augmentation perpétuelle des ressources de la BBC dans la mesure où la redevance est la même, au moment de la convergence, à ce qu'elle serait si l'on était resté au statu quo sur la base de la poursuite de la tendance actuelle. (la façon la plus commode d'en prendre conscience est de réaliser que le supplément numérique à la redevance disparaît graduellement, tandis que le tarif de la redevance analogique est augmenté au même rythme qu' actuellement) ;

- cela signifie que cela n'anticipe pas sur les décisions relatives au financement de la BBC qui doivent être prises au moment de la révision de la charte. A ce moment, la BBC aura besoin de présenter une argumentation entièrement nouvelle pour obtenir des financements supplémentaires. Nous considérons que cela est un avantage ;

- le supplément numérique à la redevance décroît avec le temps. Cela a l'inconvénient de faire apparaître que le frein au démarrage du numérique est plus important au cours des premières années, mais ce schéma est inévitable dès lors qu'il a été décidé de l'éliminer pour 2010. Il y a aussi, une compensation des avantages à ce schéma : il implique que des charges plus élevées pèsent sur les premiers usagers (qui, a priori, n'attachent aucune importance aux nouvelles technologies), ce qui veut dire que le prix des services numériques va diminuer avec l'augmentation du nombre d'utilisateurs, permettant ainsi aux coûts du service numérique d'être répartis sur un plus grand nombre d'utilisateurs.

En dépit de ces avantages, nous reconnaissons qu'un certain nombre de personnes vont préférer augmenter simplement la redevance ; aussi, on a défini une variante permettant dans cette hypothèse de lever le même montant de financement pour la BBC jusqu'en 2006. Cela suppose que l'on accroisse la redevance de 5 Livres Sterling en 2000 et en 2001 au lieu de l'augmenter de 1,60 Livre Sterling au cours de ces deux années comme cela est envisagé dans l'accord quinquennal venant à expiration en 2001.

Au total, le groupe de travail préfère l'option du supplément de redevance numérique à celle d'une augmentation de la redevance, principalement parce qu'elle permet de satisfaire au principe suivant lequel l'usager doit payer pour les services qu'il consomme. Nous considérons cela comme fondamentalement plus juste que de faire peser tous les coûts du numérique sur les usagers analogiques.

Cependant, nous admettons que l'option numérique crée un effet dissuasif sur le démarrage de la nouvelle technologie. Bien que nous n'estimions pas que cet effet sera important, il n'en est pas moins entièrement négligeable. Le groupe croit que si le Gouvernement ne se décidait pas en faveur de l'option numérique, l'option analogique est préférable au statu quo.

Les sauts technologiques et la redevance

Il est important de placer notre proposition de supplément à la redevance numérique dans le contexte de la façon dont le Royaume-Uni a géré les précédents sauts technologiques sur le marché audiovisuel. Nous considérons que notre système s'appuie sur la tradition britannique qui s'est révélée une voie réussie dans les cas antérieurs.

Les données rétrospectives montrent que chaque progrès technologique majeur dans la télédiffusion intervenu depuis 50 ans a été accompagné par l'introduction de nouveaux tarifs qui tous marquaient une différence importante. Les redevances noir et blanc et couleur ont été toutes les deux placées à un niveau double de celles du tarif antérieur (on est passé de 1 à 2 Livres Sterling en 1964 et de 5 à 10 Livres Sterling en 1968). Le supplément de redevance numérique que nous recommandons, constituerait un surcoût de seulement 13 % en moyenne au cours de la période allant jusqu'à sa disparition par rapport au tarif de la redevance analogique.

Sur le long terme, les suppléments de redevance associés aux nouvelles technologies ont eu pour conséquence la forte croissance des ressources de la BBC et la redevance au nouveau tarif est devenue dans les deux cas très rapidement la principale source des revenus de la BBC. Le développement des services de la BBC, fondé sur la redevance s'est révélé une force très puissante en faveur de la diffusion des nouvelles technologies.

Bien que les fortes variations du niveau de la redevance aient initialement conduit à une rapide augmentation de la dépense audiovisuelle du consommateur dans les deux cas ce pourcentage a fléchi relativement au PNB par tête sur la durée de vie de la technologie.

Finalement, la part de revenus absorbés par la dépense consécutive à la nouvelle technologie a reculé pour se trouver au même niveau que celui correspondant à l'ancienne technologie. Tel est le processus cumulatif de croissance économique qui fait que nous bénéficions aujourd'hui d'une télévision couleur pour le même coût réel (en termes de nombre d'heures de travail) qu'il était nécessaire de supporter pour les télévisions noir et blanc en 1970.

En outre, en dépit des accroissements de la redevance, le démarrage des nouvelles technologies a suivi une tendance fortement croissante et a eu pour résultat final un taux d'équipement de près de 100 %. Le caractère très attractif des services rendus, accessibles par les nouvelles technologies, a plus que compensé les effets dissuasifs dus à des coûts plus élevés et notamment à une redevance plus coûteuse.

Pour l'introduction de la télévision numérique nous ne voyons pas pourquoi le résultat devrait être différent. Certaines personnes peuvent avancer que les avantages de la télévision numérique sont moins évidents que ceux de la télévision couleur et il faut reconnaître que cela semble le cas aujourd'hui pour beaucoup de consommateurs. Mais, les consommateurs potentiels de télévision numérique en sont à un stade très précoce de leur compréhension de ce que la nouvelle technologie va finalement leur apporter. Chercher à expliquer aujourd'hui à quelqu'un à quoi va ressembler le paysage audiovisuel d'ici vingt ans revient à essayer de faire comprendre les merveilles de la télévision à quelqu'un en 1937. En outre, la perspective de la fin de la diffusion analogique, qui n'existe pas dans les précédents sauts technologiques a toutes les chances d'accélérer le transfert.

Les diffuseurs privés qui sont opposés à un supplément numérique de redevance, sont dans une position où ils affirment simultanément que les nouvelles technologies vont créer un nouveau monde, qu'elles vont offrir une hausse irrésistible dans l'approvisionnement de services et qu'un supplément de 1,57 Livre Sterling par mois pour la redevance va tuer la nouvelle technologie. Le groupe de travail est plus enclin à croire les premiers arguments que les derniers.

Activité commerciale et respect de la concurrence

Il est souvent affirmé que les objectifs de la BBC comme diffuseur du service public entrent directement en conflit avec son objectif affiché d'accroissement de ses revenus d'origine commerciale. Nous ne croyons pas que cela soit le cas. En fait, nous considérons l'exploitation commerciale des archives de la BBC comme tout à fait désirable du point de vue de ceux qui paient la redevance et comme étant probablement de nature à favoriser les buts de la politique audiovisuelle. Les archives ont été sous-exploitées depuis trop longtemps.

La stratégie de la BBC dans ce contexte devrait être de maximiser les revenus provenant des activités commerciales sous réserve de seulement deux contraintes :

- que la BBC dans son ensemble sauvegarde son éthique de service public,

- qu'elle respecte ses engagements en faveur d'une concurrence loyale.

En faisant ceci, des barrières supplémentaires sont nécessaires, non seulement pour s'assurer que la BBC se comporte comme un compétiteur loyal sur le marché audiovisuel privé mais aussi pour s'assurer que la BBC est clairement perçue par le public comme se comportant ainsi. Beaucoup de ceux qui ont témoigné devant le groupe de travail ont décrit la BBC comme un organisme non transparent et l'on a noté que nombreux étaient ceux qui s'inquiétaient de ce que la BBC puisse abuser de sa position dominante sur le marché en vue de développer ses activités commerciales. De nouveau, la BBC a fait beaucoup de chemin ces dernières années, à la fois pour développer des règles de concurrence loyale et pour rendre ses comptes et sa gestion plus transparents pour le public. Néanmoins, des progrès supplémentaires sont nécessaires à ces deux niveaux.

Avec ces considérations en tête, nous avons fait des propositions destinées à la fois pour injecter un nouvel esprit d'entreprise à la BBC (par exemple en introduisant des capitaux privés dans BBC Worldwide au niveau de la holding) et pour rendre ses engagements en matière de concurrence loyale plus transparents (par exemple en demandant à la Cour des comptes -National audit office- d'examiner la façon dont la BBC respecte les règles de la concurrence).

Nous admettons qu'il y a une certaine contradiction entre ces recommandations, dans la mesure où l'engagement en faveur de la concurrence limite déjà la possibilité pour les organes commerciaux de la BBC de faire des profits. Il serait bien entendu beaucoup plus facile de gagner des recettes accrues si on faisait moins attention à la concurrence. Symétriquement, il y aurait moins d'inquiétudes au sujet de la concurrence si la BBC mettait une sourdine à ses objectifs commerciaux. Mais, cette contradiction est le prix inévitable à payer pour le développement d'activités commerciales au sein d'un organisme qui est essentiellement financé par une redevance. Dans les bonnes circonstances, nous pensons que cela peut devenir une contradiction féconde.

Tarifs de faveur

Nous avons probablement reçu plus de témoignages sur les tarifs de faveur que sur aucun autre sujet. Cependant, à l'exception d'une recommandation tendant à accorder une redevance à moitié prix pour les aveugles, ainsi que de la nécessité de prendre de façon urgente des mesures pour développer le sous-titrage, nous n'avons pas de suggestions à faire dans ce domaine. Un examen complet des questions très épineuses relatives au régime des tarifs préférentiels est faite au chapitre IV. Tandis que nous croyons que le régime actuel a de nombreux désavantages, sa suppression frapperait un groupe en général pauvre et vulnérable de façon très dure et aboutirait à rétrocéder de l'argent aux redevables moyens. Nous ne recommandons pas cela pour des raisons évidentes. Cependant, nous ne pensons pas que la BBC doive être utilisée comme un département annexe de la sécurité sociale, telle est la raison pour laquelle nous ne recommandons pas d'assouplir le régime au détriment de ceux qui payent la redevance.

Conclusion

Tout ensemble de mesures qui donne plus d'argent à la BBC par l'intermédiaire de la redevance emporte un certain nombre d'inconvénients que nous avons pesés en aboutissant à ces recommandations. Si ce plan est mis en oeuvre, il doit être accompagné par de nouvelles mesures pour augmenter l'efficacité, la transparence, la responsabilité ainsi que pour accroître le respect de la concurrence et les privatisations. Les différentes et multiples mesures permettant d'atteindre ces objectifs sont mentionnées dans les recommandations du groupe de travail.

Mais, à la fin, il reviendra au Gouvernement de décider de ce qu'il retiendra des vues de la BBC sur le numérique. Fondamentalement, nous pensons que la BBC mérite qu'on lui laisse une chance de réussir dans le monde numérique, bien que ce soit une chance beaucoup plus limitée que celle qu'ils ont eux mêmes demandée.

Restreindre la BBC au cours des cinq prochaines années à ses services analogiques traditionnels serait signer son arrêt de mort d'une façon à peu près aussi sûre que si l'on avait en 1970 voulu la limiter aux téléviseurs noir et blanc. Comme par le passé, nous devons donner à la BBC une chance de se développer avec les nouvelles technologies.

HISTORIQUE DE L'ÉTUDE :

TERMES DE RÉFÉRENCES ET MÉTHODOLOGIE

Historique de l'étude

Il nous a été demandé de procéder à cette étude sur les bases suivantes.

La charte royale de la BBC garantit l'avenir de la société jusqu'au 31 décembre 2006. Un accord séparé du Gouvernement avec la BBC garantit la redevance jusqu'au 31 mars 2002 et prévoit avant cette date un examen des modalités de financement pour les années 2002 à 2006 à la lumière des développements technologiques et autres.

Le Gouvernement a déclaré que son objectif pour cet examen était de s'assurer de la capacité continue de la BBC à faire face effectivement à ses obligations de service public tout en s'assurant que celles-ci conservent la possibilité d'agir de façon efficace sur un marché compétitif.

Le Gouvernement a décidé que cet examen devrait être étroitement défini. Il n'a pas considéré que le moment était venu de se livrer à une évaluation très large des buts et de la gestion de la BBC ; ceci serait plus approprié dans les années 2003-2004 quand approchera le moment du renouvellement de la charte.

Le Gouvernement a aussi décidé qu'il n'était pas approprié à ce stade de chercher des solutions alternatives à la redevance comme principale source de financement. Bien que conscient que la redevance est un moyen imparfait de financement, le Gouvernement estime qu'il est le meilleur moyen de fournir à la BBC avec une sécurité suffisante les moyens de faire face à ses obligations. Le Gouvernement a décidé en conséquence que l'évaluation partirait du postulat que la redevance peut être maintenue au moins jusqu'à la date de révision de la charte.

Le groupe d'évaluation avait reçu pour mission de se concentrer, dans le cadre existant, sur un certain nombre de questions spécifiques étroitement définies comme précisé dans les termes de référence. Il nous était demandé d'adopter une perspective stratégique de haut niveau par rapport à ces questions.

Termes de référence

" Le groupe d'évaluation devra :

(i) par opposition à une attente tendant à faire de la redevance la principale source persistante de financement du service public pour la durée de la charte :

- considérer les voies par lesquelles le financement du service public peut être élargi à d'autres sources ;

- rechercher d'autres mécanismes de financement de la BBC dans le long terme particulièrement au regard des évolutions technologiques

(ii) réfléchir à la façon de trouver un équilibre approprié entre les activités publiques et commerciales de la BBC et évaluer les mécanismes qui assurent le respect des engagements de concurrence loyale vis-à-vis du secteur commercial ;
(iii) examiner la structure actuelle du régime des tarifs de faveur pour voir s'il existe une autre structure convenable.

Le groupe d'évaluation remettra son rapport avant la fin du mois de juillet au secrétaire d'Etat qui procédera à des consultations sur le résultat du groupe de travail. "

Résumé des conclusions et recommandations

Chapitre 1 : parvenir à la suffisance sans excès

Les besoins de financement de la BBC jusqu'à la révision de la charte

Nous recommandons que :

la BBC soit dotée de financements suffisants pour lui permettre de rester pleinement un diffuseur de service public sur un marché audiovisuel britannique en croissance rapide ;

l'option de statu quo consistant à faire évoluer la redevance aussi vite que l'inflation après 2001 ne soit pas adoptée puisque cela aurait pour conséquence d'exclure la BBC du monde numérique, qui doit probablement constituer l'audiovisuel du futur ;

les revenus de la BBC s'accroissent de 2 à 2,5 % par an en termes réels jusqu'à 2006, soit un taux du même ordre que celui du PNB ;

la BBC soit autorisée à s'approprier les gains supplémentaires de productivité et de recettes commerciales qui, réunis, permettent au financement des programmes de croître de 3 à 3,5 % par an. Tout gain de productivité ou recette commerciale supplémentaire au-delà de ces objectifs doit également être conservé par la BBC pour le développement de son offre de programmes ;

les gains de productivité de la BBC soient périodiquement examinés par des consultants extérieurs désignés par le secrétaire d'Etat à la culture, aux médias et aux sports ;

enfin, que le directeur général s'assure que les dépenses engagées au niveau des services centraux et l'administration de la BBC soient en proportion équivalentes à celles des sociétés privées.

Chapitre 2 : parvenir à une saine écologie audiovisuelle

Bonnes et mauvaises options pour les financements supplémentaires

Nous recommandons (à l'exception de M. James Gordon) que :

ne soient pas introduits de publicité de parrainage ou de systèmes d'abonnement sur les services de la BBC ;

BBC Online soit étendue à de nouveaux services non britanniques, qui doivent accepter la publicité et les recettes de commerce électronique ;

une attention soit portée aux développements ultérieurs du site Internet de la BBC sans exclure une possible injection de capital privé dans l'opération ;

dans le futur, la redevance ainsi que tout supplément de redevance numérique, soient exprimés sur une base mensuelle ;

l'arrangement quinquennal pour la redevance ne soit pas remis en cause ;

la redevance principale (analogique) soit augmentée au même rythme que l'inflation après 2002 ;

un supplément numérique à la redevance soit perçu sur les mêmes bases que la redevance actuelle (c'est-à-dire par foyer et payable au moment de l'installation du premier récepteur digital ou du premier décodeur) ;

le supplément numérique à la redevance soit introduit du 1 er avril 2000 au niveau de 1,99 Livre Sterling par mois et ce supplément doit revenir à 0,99 Livre Sterling par mois en 2006 ;

ceci soit vu dans le contexte d'un plan tendant à annoncer une date ferme pour la fin de la diffusion analogique (qui dépendra des seuils de pénétration atteints pour les systèmes numériques) ;

les revenus issus du supplément numérique à la redevance couvrent, grosso modo , le coût des services offerts aux personnes payant cette redevance numérique, la BBC devant dans son rapport annuel rendre des comptes sur la façon dont ce principe est appliqué ;

un accroissement de la redevance analogique de 5 Livres Sterling en 2000 et 2001 soit une option, ce qui est préférable au statu quo, si le supplément à la redevance numérique est rejeté ;

enfin, la BBC affecte une partie de ses revenus accrus issus du supplément numérique à la redevance au lancement de campagnes pour informer et éduquer le public au sujet de la diffusion numérique et d'Internet ainsi que pour faire que ses services numériques et en ligne soient accessibles à un plus large public sur une base permanente.

Chapitre 3 : parvenir à un terrain de jeu de niveau

Activité commerciale, concurrence et privatisation

Nous recommandons (à l'exception de Mrs Helen Black pour les deux premières recommandations) que :

la BBC vende suffisamment d'intérêts dans BBC Worldwide pour permettre une participation effective d'opérateurs privés, jusqu'à 49 %, avec l'objectif d'une meilleure exploitation de ses capitaux et d'un meilleur rendement pour les personnes qui paient la redevance ;

la BBC vende l'essentiel de BBC Ressources Ltd ;

des propositions pour de nouveaux services de la BBC soient publiées et discutées de façon approfondie au regard des critères utilisés par le secrétariat d'Etat à la culture pour savoir s'il faut ou non autoriser le lancement de tels services ;

la révision de la charte prenne en considération le fait de savoir si ces nouveaux services de la BBC continuent de répondre aux critères de service public ;

la BBC fasse la preuve chaque année, dans son rapport annuel, pour chacun des services existants, qu'elle continue à remplir ses obligations de service public ;

la BBC s'assure que les objectifs de BBC Worldwide soient cohérents avec les siens propres et fabrique des programmes disponibles pour BBC Worldwide au prix du marché dans des formats d'émissions et des régimes de droit adaptés ;

il doit y avoir une séparation de comptable et de gestion très claire entre la BBC et ses filiales commerciales et une transparence accrue dans les règles comptables de la BBC ;

le Gouvernement demande à la commission de la concurrence (Office of fair trading) d'examiner, dans les 12 mois, la pertinence des documents de la BBC intitulés : " engagement de concurrence loyale et règles de politique commerciale " ;

le Gouvernement demande à la Cour des comptes (National audit office) de mener, dans les prochains 12 mois, deux études distinctes sur les comptes et les procédures de la BBC :

- le premier doit se concentrer sur la façon dont la BBC respecte les obligations de concurrence loyale à la fois sur le plan interne et externe ;

- le second doit examiner si la BBC donne une image transparente de ses activités, notamment dans son rapport annuel et sa comptabilité ;

la BBC, en liaison avec le Secrétariat d'Etat à la culture désigne une firme d'audit pour les questions de concurrence, distincte de celle qui réalise actuellement l'audit financier : le rapport de cette firme d'audit doit être publié par la BBC ;

la BBC publie trimestriellement un bulletin sur les plaintes relatives aux questions de concurrence loyale et de transparence.

Chapitre 4 : parvenir à la justice

Les tarifs de faveur

Nous avons conclu que :

le régime actuel de tarifs de faveur pour les logements en résidence doit être maintenu en dépit de ses effets pervers, dès lors qu'aucune meilleure alternative, fondée sur la redevance a pu être trouvée.

Nous recommandons que :

les recettes de redevance et plus généralement les ressources issues de la télédiffusion ne soient pas utilisées pour accroître les exonérations actuelles pour les retraités ;

au sujet du sous-titrage des nouveaux services numérique -y compris BBC Choice, BBC New 24 et BBC Knowledge-, la BBC se donne pour objectif de parvenir à sous-titrer 50 % des programmes au cours des cinq prochaines années et 100 % pour 2009 ;

le rabais accordé actuellement aux aveugles soit porté à 50 % de la redevance couleur, et que le rabais soit limité aux aveugles enregistrés et qu'il ne soit pas limité aux foyers ne comportant que des aveugles ;

enfin, le régime actuel de paiement (Cash Easy Entry) soit mis sur une base similaire à celle du " Monthly Cash Plan " réduisant ainsi les paiements de ces utilisateurs durant le second semestre de l'année.

Chapitre 5 : parvenir à la viabilité

Le financement de la BBC après la révision de la charte

Nous recommandons que :

dans la planification de son offre de service public, la BBC définisse clairement les objectifs de chaque service ;

les nouveaux services mis à la disposition du public soient testés à travers une large consultation en particulier avec le consommateur ;

le conseil des gouverneurs insiste pour que soient définis plus clairement les critères de l'action de la BBC et continuent de porter toute son attention sur ces forces distinctives ;

au moment de la révision de la charte, une attention soit portée à une meilleure définition des obligation de service public de la BBC d'une façon telle qu'elle puisse être aisément traduite en critères de performances en vue d'une évaluation de son action, quels que soient les arrangements qui vont s'appliquer à la fin de l'application de la présente charte ;

le Gouvernement amende la charte royale afin de donner à la Cour des comptes (National audit office) des droits d'inspection lui permettant de mener des audits financiers périodiques des comptes de la BBC et de ses engagements en matière de concurrence loyale ;

enfin, il doit être clairement précisé les termes de référence permettant cet examen périodique des comptes : la Cour des comptes doit se concentre sur les questions d'efficacité administrative de gestion strictement financière et de comptabilité et non mettre en question les problèmes de programmation et de politique générale ainsi que les matières relatives à la liberté éditoriale et aux jugements artistiques.

IV. CONTRIBUTION DE MME MARIE-CLAUDE BEAUDEAU AU NOM DU GROUPE CRC

La France vit toujours sous le régime de la loi ultra libérale de 1986. La dernière chance de l'audiovisuel public français réside dans son remplacement par une loi nouvelle reconnaissant un secteur public créatif et non de simple gestion. Ce que ne reconnaît pas le rapport qui ne souhaite pas entraver le développement du secteur privé.

La France consacre à l'audiovisuel la moitié des crédits accordés en Angleterre, le tiers en Allemagne. Notre pays est le seul en Europe à avoir vendu une chaîne publique, TF1 au groupe Bouygues. Aujourd'hui, du fait de financements publics insuffisants, Antenne 2, à son tour, risque de disparaître, ouvrant la porte aux privatisations et créant une situation unique en Europe.

Un financement de l'ordre de 1 % du PIB permettrait alors de rétablir la responsabilité publique face à la constitution de " grands groupes " mêlant audiovisuel, téléphonie, informatique, Internet.

AOL ne vient-il pas de racheter TIMES WARNER ?

L'enjeu pour ces " grands groupes ", constitués à l'échelon mondial, est dans la possession des réseaux permettant le contrôle des contenus. Sur ce terrain des contenus, le rapport présenté est insuffisant, à l'image d'ailleurs de nombre de nos partenaires européens. Ce n'est pas l'AUDIMAT qui doit guider l'audiovisuel public, mais bien plus la place accordée au spectateur ayant des besoins culturels à honorer.

Enfin, deux derniers éléments ne sont vraiment pas pris en compte : la nécessité de la démocratisation du CSA et la création d'un fonds de garantie européen pour la création audiovisuelle, une politique européenne d'investissements pour la production de programmes audiovisuels ou de logiciels.

* 12 A la date de l'audition, le 22 septembre 1999, Pathé a, le 20 décembre 1999, porté à 66 % sa participation dans la chaîne Comédie !

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