c) La diffusion de la crise en Asie.
La
diffusion de la crise thaïlandaise vers les autres pays d'Asie est
liée au retournement des anticipations des investisseurs.
Le
décrochage du baht par rapport au dollar a en effet jeté un doute
sur la viabilité des régimes de change dans la région, la
plupart des pays ayant lié leur monnaie au dollar.
La dépréciation du baht renforçait la
compétitivité-prix des exportations thaïlandaises
relativement à celles des pays dont la monnaie était liée
au dollar. Cependant, il est relativement peu probable que l'anticipation d'une
réaction en chaîne de dévaluations compétitives dans
l'ensemble de la région, puisse expliquer la diffusion de la crise dans
les pays voisins de la Thaïlande. En effet, la relative faiblesse de
l'intégration régionale des économies asiatiques,
conjuguée à une concurrence limitée sur les marchés
extérieurs, réduisent d'autant la puissance explicative de cette
hypothèse. En revanche, les économies voisines de la
Thaïlande étaient perçues comme possédant des
faiblesses analogues à elle, entraînant une
réévaluation des risques et un désengagement de la part
des investisseurs, qui ont subitement révisé leur jugement sur le
" modèle asiatique de développement ".
Contrairement à la plupart des crises précédentes, la
crise asiatique ne résulte pas d'un choc d'offre ou de demande, mais
d'une défiance des investisseurs vis-à-vis de la
soutenabilité de la politique d'ancrage des monnaies au dollar.
L'ensemble des monnaies de pays asiatiques ont fait l'objet d'attaques
spéculatives, contraignant la plupart des pays de la région, dont
les taux de change étaient liés au dollar qui
s'appréciait, à abandonner ce lien et à dévaluer
leur monnaie.
M. Christian de Boissieu décrit les crises financières
récentes comme résultant d'une combinaison d'un taux de change
rigide et surévalué et d'une dette extérieure à
court terme importante. La perte de confiance des investisseurs dans la monnaie
locale entraîne alors des ventes massives et simultanées de
titres, des mécanismes de mimétisme et d'" anticipations
autoréalisatrices ". Le fait que les gestionnaires des fonds
d'investissement sont jugés sur leurs performances relatives provoque en
effet des comportements de mimétisme qui amplifient de manière
considérable les fluctuations des marchés financiers.
L'ancien directeur général du Fonds monétaire
international, Michel Camdessus, a indiqué que la crise asiatique
marquait la fin de la distinction entre les pays systémiques,
susceptibles d'exporter chez leurs voisins leurs déséquilibres
macro-économiques, et les pays non-systémiques. En effet,
rappelle-t-il, "
qui aurait osé penser en 1997 que la
Thaïlande était un pays systémique ?
".
La contagion rapide de la crise est liée à un effet de panique
propagé par la très grande mobilité des capitaux, les
investisseurs considérant que la dépréciation des actifs
était inévitable dans l'ensemble de la zone asiatique, et non
à un mécanisme classique de transmission de la crise par les
canaux du crédit ou de l'économie réelle. Cette
explication permet de comprendre les raisons de la surprise qui a
accompagné l'effondrement des économies asiatiques, puisque les
fondamentaux économiques des pays de la région ne faisaient pas
apparaître de déséquilibres significatifs. Lors de son
audition par le groupe de travail, le 19 mai 1999
11(
*
)
, M. José-Luis Daza a
estimé que la contagion de la crise asiatique a été
provoquée par les similarités de situation qui sont
observées par les marchés financiers.