Séance du 10 juin 1998







M. le président. « Art. 3. - L'article L. 322-4-1 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa de cet article, les mots : "et des chômeurs cumulant les situations de précarité les plus graves" sont remplacés par les mots : "et des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi" ;
« 2° A la fin de la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article, les mots : "les handicapés et les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation spécifique de solidarité" sont remplacés par les mots : "les handicapés, les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation spécifique de solidarité, les parents isolés assurant ou ayant assuré des charges de famille ainsi que les personnes faisant l'objet ou ayant fait l'objet d'une peine privative de liberté". »
Par amendement n° 305, Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par le 2° de cet article pour la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article L. 322-4-1 du code du travail, après les mots : « des charges de famille », d'insérer les mots : « , des Français de l'étranger, dépourvus de ressources et d'emploi à leur retour en France ».
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il s'agit de prévoir pour les Français de l'étranger qui reviennent en France en situation de détresse une priorité d'accès aux stages de formation professionnelle.
Il faut avoir conscience du fait que les Français expatriés qui connaissent les plus grandes situations de détresse à leur retour en France sont ceux qui étaient durablement installés à l'étranger ou qui y avaient toujours vécu. Il s'agit de personnes qui n'ont plus aucune attache familiale ou professionnelle en France.
La décision de revenir en France leur a été dictée par une situation de grave détresse et il leur faut rompre les liens affectifs et sociaux qu'ils ont tissés dans leur pays de résidence pour partir vers l'inconnu, vers un pays dont certes ils sont ressortissants, mais dont ils ne connaissent plus - s'ils l'ont jamais connu - le mode de vie.
Sont concernées deux catégories de personnes très différentes qui connaissent toutes de grandes difficultés.
La première est constituée par les femmes qui ont épousé un étranger et qui, après un veuvage ou un divorce accompagnés d'une perte d'emploi, sont dans l'incapacité de retrouver un emploi. Dépourvues de toute ressource dans le pays où elles vivent, elles doivent rentrer en France.
L'autre catégorie rassemble des personnes dont la formation professionnelle et intellectuelle est malheureusement faible et qui sont restées dans les colonies après la proclamation de l'indépendance. Trente ou quarante ans après cet événement, ces personnes ou leurs enfants ne trouvent plus leur place dans la société du pays, qui a évolué, et encore moins sur le marché de l'emploi.
Si, de surcroît, ils ont la malchance de vivre dans un pays à la dérive - je pense à Madagascar ou à Djibouti, qui s'enfoncent dans la misère - la possibilité pour eux de retrouver un gagne-pain après une faillite ou après la perte d'un emploi, relève de l'illusion totale. C'est fini pour eux !
Il faut donc, à mon avis, donner à ces personnes particulièrement démunies la possibilité de « remettre le pied à l'étrier », selon l'expression qu'a très justement employée Mme la ministre dans son discours liminaire.
Il faut bien dire que, tels qu'ils arrivent en France, sans formation intellectuelle ou professionnelle, ils ne sont guère employables.
De plus, leur expérience particulière, leur parcours, leur situation présente ne sont pas bien compris par les travailleurs sociaux, dans les mairies ou à l'ANPE : on ne comprend pas d'où ils sortent ni pourquoi ils sont dans une telle situation.
Tous ceux qui les aident, les associations, nous-mêmes, avons besoin qu'ils fassent officiellement l'objet d'une priorité d'accès aux stages de formation professionnelle, pour forcer les blocages administratifs que nous rencontrons lorsque nous les appuyons dans leur démarche de réinsertion en France.
Tel est l'objet de l'amendement. J'espère qu'il aura été compris par la commission, par le Gouvernement et par notre assemblée tout entière.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier rapporteur. L'article 3, sur lequel porte cet amendement, a pour objet d'ouvrir les stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, à des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi et qui ne sont pas visées actuellement, comme les parents isolés assumant ou ayant assumé des charges de famille ou les personnes faisant ou ayant fait l'objet d'une peine privative de liberté.
L'amendement vise à insérer, parmi les bénéficiaires prioritaires des SIFE, les Français de l'étranger dépourvus de ressources et d'emploi à leur retour en France.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement estimant normal que les Français de l'étranger puissent avoir aisément accès aux SIFE.
Au passage, monsieur le président, je tiens à faire remarquer que la commission s'efforce de juger de manière impartiale les amendements qui lui sont présentés et ne fait aucune ségrégation à l'égard des Français de l'étranger.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Pery, secrétaire d'Etat. Madame le sénateur, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. On ne peut qu'être sensible aux arguments que vous avez développés.
Toutefois, je ne peux vous répondre positivement dans le cadre de ce projet de loi. Je compte m'entretenir de ce sujet avec Mme Martine Aubry pour déterminer si, dans un autre contexte, vos propositions pourront être prises en compte.
Je vous rappellerai, ce que vous savez pertinemment, que, si les personnes auxquelles vous faites allusion sont sans ressources, elles peuvent se voir ouvrir des droits au RMI et bénéficier de l'ensemble des systèmes de formation auxquels ont accès les demandeurs d'emploi, dont les SIFE, dans les conditions de droit commun.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 305.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Je tiens à remercier le rapporteur de l'avis favorable, parfaitement justifié, qu'il vient d'émettre.
J'avoue ne pas comprendre pourquoi Mme le secrétaire d'Etat, en revanche, a exprimé un avis défavorable, déclarant que ce texte, très modeste, ne pouvait pas figurer dans le projet de loi. Pour ma part, j'estime au contraire qu'il y a tout à fait sa place.
Bien entendu, tous les sénateurs représentant les Français établis hors de France voteront cet amendement. Nous remercions Mme Cerisier-ben Guiga de l'avoir déposé, et je vous invite, mes chers collègues, forts de l'avis favorable de la commission, à faire de même.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 305, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4