Séance du 23 novembre 1998







M. le président. Par amendement n° I-172, MM. Ostermann, Oudin, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Haenel, Joyandet et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code général des impôts, les mots : "de 17 000 F" sont remplacés par les mots : "d'une rémunération égale au plus à trente-six fois le montant mensuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance".
« II. - Dans le second alinéa du I du même article, le nombre : "trente-six" est remplacé par le nombre : "soixante-douze".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Lorsque la femme d'un artisan ou d'un commerçant occupe un emploi salarié dans l'entreprise de son mari, son salaire est réintégré, pour une grande part, dans le bénéfice de l'entreprise. Il en est ainsi pour la part de son salaire dépassant 17 000 francs par an, sauf si l'entreprise adhère à un centre de gestion agréé. Une partie plus ou moins importante de son salaire est donc assimilée, fiscalement, à un bénéfice et non à un salaire.
Cette règle est absurde sur le plan de l'assurance sociale. En effet, alors que le salaire du conjoint supporte en totalité les cotisations d'assurance maladie, vieillesse et autres du régime général, une partie de ce salaire est une nouvelle fois soumise à ces cotisations au titre du régime des travailleurs non salariés.
Il est, par conséquent, indispensable de mettre un terme à l'anomalie que constitue le bas plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint à 17 000 francs.
Le présent amendement vise donc à relever ce plafond à trente-six fois le SMIC pour les entreprises non adhérentes à un centre de gestion agréé et à soixante-douze fois le SMIC pour celles qui adhèrent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette préoccupation est tout à fait justifiée, car il y a là une question d'équité. Cela dit, la commission ne dispose peut-être pas de tous les éléments d'appréciation nécessaires et souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement, surtout, monsieur le secrétaire d'Etat, son évaluation du coût de la mesure.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, considérant que, la déduction actuelle, c'est-à-dire soit trente-six fois le SMIC mensuel - ou si l'on raisonne en arithméticien, trois fois le SMIC annuel - soit 17 000 francs, paraît convenable, de même que le principe d'une distinction selon que l'exploitant adhère ou non à un centre de gestion agréé semble pertinent. Aussi, le Gouvernement ne voit pas l'intérêt de relever les plafonds applicables à ces artisans et à ces commerçants.
Pour une fois, monsieur le président, je défends le statu quo, ce qui est plutôt, dans cette assemblée, l'attitude que l'on constate habituellement sur certaines travées et non au banc du Gouvernement !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, j'aurais souhaité savoir à quel coût les services de M. le secrétaire d'Etat estimaient cette mesure.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je peux répondre facilement à cette question : le coût est inestimable ! (Sourires.)
M. le président. La réponse est peu mathématique, mais ouverte ! (Nouveaux sourires.)
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Inestimable ? Cela peut vouloir dire soit très cher soit, au contraire, extrêmement dérisoire.
Ne disposant pas vraiment de tous les éléments d'appréciation nécessaires et s'agissant, sans doute, de cas assez peu nombreux, je préfère m'en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-172.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Ce débat est aussi peu satisfaisant que le principe, qui prévaut ici, de la double imposition, au titre des cotisations sociales, d'une seule et même somme, qui sert d'abord de salaire, puis que l'on réintègre dans un bénéfice et qui se trouve donc ensuite une nouvelle fois soumise à l'impôt.
Quand, de surcroît, M. le secrétaire d'Etat nous dit qu'il ne peut pas chiffrer le coût de la mesure, comme l'a excellemment exposé notre rapporteur général, on a des doutes !
Quand je pense que l'on a créé un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Justement !
M. Jacques Oudin. Oui, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, vos services auraient pu tout aussi bien vous communiquer des chiffres un peu plus précis !
Vous comprendrez donc que, pour le législateur que je suis, le principe du dispositif tel qu'on nous le présente ne soit pas satisfaisant : les chiffres ne sont pas connus, les doubles impositions constituent un défaut exécrable de notre fiscalité. Je suis donc tenté de demander à nos collègues, afin d'inciter le Gouvernement à revoir la question, de voter cet amendement. Libre au Gouvernement, ensuite, d'en faire ce qu'il voudra ! (M. le rapporteur général acquiesce.)
Avouez que nous sommes dans un système que l'on ne peut pas laisser perdurer de la sorte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-172, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Articles 6 bis et 7